- Titre :
- Vers une société numérique libre
- Intervenant :
- Richard Stallman - Majdi Khoudeir, directeur de l’IUT de Poitiers
- Lieu :
- Département STID - Campus de Niort - Université de Poitiers
- Date :
- mars 2013
- Durée :
- 2 h 11 min
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
- transcription réalisée par nos soins.
Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.
Transcription
Majdi Khoudeir : Il est temps de présenter Richard Stallman, notre invité aujourd’hui, mais il m’a demandé de faire extrêmement court pour avoir tout le temps de vous expliquer sa philosophie pour le logiciel libre, donc je vais faire très court, 3 mots : système d’exploitation libre, logiciel libre, vision humaniste de l’exploitation de logiciels libres… Monsieur Richard Stallman
Applaudissements.
Richard Stallman : Bonjour. En premier deux conditions ou deux choses que je vous prie de respecter. Premièrement ne pas mettre des photos de moi sur Facebook ! Jamais ! Parce que Facebook est un moteur de surveillance qui surveille ses utilisateurs et ses non-utilisateurs. Si vous mettez la photo de quelqu’un sur Facebook, vous donnez à Facebook une opportunité de plus pour le surveiller. Je ne veux pas que Facebook ait le moyen de me surveiller donc prière de ne jamais mettre des photos de moi sur Facebook.
L’autre, c’est que si vous enregistrez cette conférence et que vous voulez en distribuer des copies, faites-le uniquement dans les formats Ogg ou WebM. Jamais dans MPEG ou quoi que ce soit d’autre parce que ce sont des formats brevetés, jamais en Flash, donc pas en YouTube, et jamais dans RealPlayer ou Windows Media Player ou QuickTime parce que ces systèmes utilisent des formats secrets ou inaccessibles au logiciel libre. Et sur les copies mettez la licence Creative Commons non dérivée parce que c’est une présentation de mon point de vue personnel.
Je peux présenter le logiciel libre en trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité. Liberté parce que le logiciel libre respecte la liberté de ses utilisateurs ; égalité parce que tous les utilisateurs possèdent les mêmes droits et, à travers le logiciel libre, personne n’a de pouvoir sur personne ; et fraternité parce que nous encourageons la coopération entre les utilisateurs. Donc c’est une question de liberté et de communauté et pas de gratuité. Le prix d’une copie, s’il y en a, est un détail secondaire, pas vraiment important. Mais que la copie respecte votre liberté, ça c’est important, sans ça le programme est injuste. Un programme qui n’est pas libre est appelé privateur parce qu’il prive de liberté celui qui l’utilise. Donc un programme privateur génère un système de pouvoir injuste du propriétaire sur les utilisateurs. Le programme privateur est un joug.
[Est-ce qu’il y a de l’eau ? Oui mais c’est de l’eau bouillante ! Est-ce qu’il y a de l’eau pour tuer les organisateurs des syndicats au Guatemala et Colombie ?]
Intervenante : J’apporte de l’eau froide.
Richard Stallman : Merci. Un programme privateur génère un système de colonisation numérique et comme tous les systèmes coloniaux, ce système maintient le peuple colonisé divisé et impuissant. Divisé, parce qu’il est interdit d’en distribuer des copies et impuissant, parce que les utilisateurs ne disposent pas du code source du programme, par conséquent ils ne peuvent pas le changer ni même étudier ce qu’il leur fait vraiment. Et d’habitude, les programmes privateurs ont des fonctionnalités malveillantes, dont je dirai plus dans quelques minutes.
Donc, le mouvement libre dit que tout logiciel doit être libre. Mais ce que je viens de dire est très général. Le programme doit respecter les droits de l’homme, la liberté et la communauté de l’utilisateur. Qu’est-ce que ça veut dire spécifiquement ? Il y a quatre libertés essentielles qui définissent le logiciel libre. Un programme est libre s’il vient avec les quatre libertés.
La liberté 0 est celle d’exécuter le programme comme tu veux, pour faire n’importe quoi, dans n’importe quelle activité de la vie.
La liberté numéro 1 est celle d’étudier le code source du programme et de le changer pour que le programme fasse ton informatique comme tu veux.
La liberté numéro 2 est celle d’aider les autres, c’est-à-dire la liberté d’en diffuser des copies exactes, quand tu veux.
Et la liberté numéro 3 est celle d’aider la communauté, de contribuer à la communauté, c’est-à-dire de diffuser des copies de tes versions modifiées, quand tu veux.
Avec ces quatre libertés, le programme est libre parce que son système social de diffusion et de développement est un système éthique qui respecte les droits de l’homme de ses utilisateurs. Mais si une de ces libertés est absente ou pas suffisante, en ce cas le programme est privateur parce qu’il impose un système social pas éthique à ses utilisateurs. Pour que ces libertés soient suffisantes, elles doivent s’appliquer à n’importe quelle activité de la vie, mais il faut noter qu’aucune de ces libertés n’est obligatoire. Par exemple, avec la liberté 0, tu es libre d’exécuter le programme comme tu veux, mais ce n’est pas obligatoire ; si tu es masochiste, tu peux l’exécuter comme tu ne veux pas et tu as aussi l’option de ne pas l’exécuter.
Avec la liberté numéro 1, tu es libre d’étudier et de changer le code source, mais ce n’est pas obligatoire. Tu as aussi l’option de recevoir le programme et de l’exécuter sans rien regarder.
Avec la liberté numéro 2, tu es libre de faire et distribuer ou vendre ou donner des copies, mais ce n’est pas obligatoire. Tu peux le faire quand tu veux, mais nous n’exigeons jamais que tu le fasses.
Et avec la liberté numéro 3, si tu as fait une version modifiée, tu peux en distribuer des copies, mais ce n’est pas obligatoire. Tu as aussi l’option d’utiliser cette version modifiée dans ta vie privée, sans en distribuer des copies.
Maintenant, tu vois que la distinction entre logiciel libre et privateur n’est pas une distinction technique. Il ne s’agit pas des fonctionnalités du programme, pas directement. Il ne s’agit pas de comment fonctionne le code du programme. Il ne s’agit pas de comment a été écrit le code du programme. Ce sont des questions techniques. Cette distinction entre libre et privateur est une distinction éthique, sociale et politique, donc plus importante que n’importe quelle distinction seulement technique.
L’utilisation dans la société de programmes libres est du développement dans le sens social parce que n’importe quel programme incorpore des connaissances. Si le programme est libre, les connaissances sont disponibles aux utilisateurs pour les comprendre, puis les utilisateurs peuvent faire la maintenance du programme, l’adapter, l’étendre et ils peuvent aussi utiliser leurs connaissances d’autres manières. Mais l’utilisation d’un programme privateur ne fait pas du développement social parce que c’est une forme de soumission à quelqu’un. C’est de la dépendance imposée vers quelqu’un, donc c’est un problème social. Il faut chercher à éliminer l’utilisation de ce programme privateur.
Décrire un programme libre et le publier, l’offrir aux autres, est une contribution à la société. Combien de contribution ? Ça dépend des détails. Si le programme fait beaucoup et le fait très bien, ça contribue beaucoup. S’il fait très peu et le fait mal, ça contribue très peu. Mais au moins, si le programme est libre, il est distribué de manière à pouvoir contribuer avec ce qu’il peut offrir. Mais développer un programme privateur ne contribue à rien parce que c’est l’essai de soumettre les autres. Il fait mal à la société. Le programme privateur, en termes sociaux, est un piège. S’il a des fonctionnalités commodes et attractives ce sont l’appât du piège. Donc, paradoxalement, avoir des fonctionnalités attractives ne le rend pas meilleur mais plutôt plus dangereux. Donc, si tu as le choix de développer un programme privateur ou ne rien faire, il faut ne rien faire parce que comme ça tu ne fais pas de mal à la société. Développer un programme privateur est faire mal au monde. Bien sûr, dans la vie réelle, probablement que tu auras d’autres options, pas seulement ces deux options. Mais quand il s’agit uniquement de ces deux options, développer du privateur ou ne rien faire, il faut ne rien faire. Et donc le but du mouvement logiciel libre est que tous les programmes soient libres pour que tous leurs utilisateurs soient libres.
Mais pourquoi ces quatre libertés sont-elles essentielles ? Pourquoi définir le logiciel libre ainsi ? Chaque liberté a sa raison.
La liberté numéro 2 d’aider les autres, de redistribuer des copies exactes aux autres quand tu veux, est essentielle pour des raisons fondamentales éthiques, c’est-à-dire pour pouvoir vivre une vie éthique de bon membre de ta communauté. Si tu utilises un programme sans la liberté numéro 2, tu es en danger de tomber dans un dilemme moral à n’importe quel moment. Quand ton bon ami te demande une copie de ce programme, qu’est-ce que tu feras ? Tu devras choisir entre deux maux : un mal est de lui donner une copie et rompre la licence du programme. L’autre mal est de lui nier une copie et respecter la licence du programme. Étant dans le dilemme, tu dois choisir le moindre mal qui est de lui donner une copie et rompre la licence du programme. Mais pourquoi est-ce que ce mal est le moindre ? Parce que si tu es obligé de faire mal à quelqu’un, à l’un ou l’autre, il est moins mal de faire mal à celui qui le mérite parce qu’il a mal agi. Nous pouvons supposer que ton bon ami est un bon membre de ta communauté et, normalement, qu’il mérite ta coopération. Mais le propriétaire du programme privateur non, parce qu’il a attaqué délibérément la solidarité sociale de ta communauté, ce qui veut dire agir très mal. Donc, si tu ne peux pas échapper à faire du mal à ton bon ami ou au propriétaire, fais-le au propriétaire. Mais que ce soit le moindre mal n’implique pas que ce soit bon ! Il n’est jamais bon de faire un accord et le rompre, même dans les cas comme celui-ci où l’accord même est injuste et le suivre est pire que le rompre. Néanmoins, le rompre n’arrive pas à être bon. Et si tu lui donnes une copie qu’est-ce qu’il aura ? Il aura une copie pas autorisée d’un programme privateur. Quelque chose d’assez vil, presque aussi vil qu’une copie autorisée du même programme. C’est vil d’être privateur, donc quand tu as bien compris ce dilemme, qu’est-ce que tu dois vraiment faire ? Tu dois l’éviter. Tu dois éviter de tomber dans le dilemme. Mais comment ? Je connais deux manières de le faire. Une manière est de ne pas avoir d’amis. C’est le futur que les développeurs du privateur te proposent. Au lieu d’amis tu peux avoir des amis Facebook !
L’autre manière, ma manière, est de ne pas avoir le programme, de le rejeter. Je rejette n’importe quel programme qui m’interdit de le partager avec vous. Si quelqu’un m’offre un programme sans la liberté 2, bien que ce soit très utile, très commode, je lui dis que ma conscience ne me permet pas d’accepter ses conditions, donc je ne veux pas ce programme. C’est ce que tu dois lui dire aussi. Tu dois rejeter les programmes qui exigent de rompre la solidarité sociale de ta communauté.
Il faut rejeter aussi les expressions de propagande de l’ennemi, comme d’appeler des pirates les gens qui partagent, parce que les pirates sont ceux qui attaquent les navires ce qui est très, très bon. Non, ce qui est très, très mauvais : je suis fatigué aujourd’hui, j’ai sommeil ; de temps en temps, je dis le contraire de ce que je voulais dire par une erreur mentale. Attaquer les navires est mauvais, mais partager est bon, donc il ne faut pas les appeler par le même nom. Par conséquent, quand les gens me demandent ce que je pense de la piraterie, je dis « attaquer les navires est très, très mauvais ». Et s’ils me demandent ce que je pense de la piraterie du ciné, je dis que j’aimais assez bien le premier Pirate des Caraïbes, c’est-à-dire que je cherche une manière très visible et rigolote pour rejeter leur signification de propagande de l’expression. Maintenant tu comprends qu’il ne faut pas répéter la propagande de l’ennemi, parce que, comme ça, tu aides l’ennemi. Il faut rejeter leurs mots avec leurs significations et leurs préjugés injustes. Voici la raison de la liberté numéro 2, de redistribuer des copies exactes quand tu veux, essentielle pour des raisons fondamentales éthiques.
Mais la liberté 0 d’exécuter le programme comme tu veux est essentielle pour d’autres raisons, pour que tu aies le contrôle de ton informatique à toi. Évidemment, tu dois pouvoir exécuter le programme comme tu veux, mais il y a des programmes privateurs qui nient, par leur licence, même cette liberté. Par exemple, il y a un programme privateur pour la gestion des sites web qui interdit, par sa licence, de l’utiliser pour publier n’importe quelle chose qui critique le développeur du programme. Dans ce cas, le logiciel privateur prive jusqu’à la liberté d’expression. Évidemment, si tu ne peux pas utiliser ta copie ou la copie qui est là pour ton utilisation comme tu veux, tu n’as pas le contrôle de ton informatique. La liberté 0 est essentielle, mais ne suffit pas, parce que c’est la liberté de faire ou de ne pas faire ce que le code du programme permet déjà. C’est-à-dire que le propriétaire t’impose toujours sa volonté, non plus par la licence si tu as la liberté 0, mais toujours par le code même du programme. Il décide ce que tu peux faire et ce que tu ne peux pas faire. Donc, pour avoir le contrôle de ton informatique, tu as besoin aussi de la liberté 1 : la liberté d’étudier le code source du programme et de le changer et de vraiment utiliser ta version modifiée pour faire ton informatique. Un petit détail très important : il y a des cas, il y a des produits qui viennent avec du logiciel dedans, qui permettent que le fabricant mette à jour ce programme mais pas toi ! Lui, il peut publier des versions différentes à installer dans le produit mais tu ne peux pas installer ta version modifiée. Dans ce cas, ce n’est pas la liberté numéro 1 et cet exécutable n’est pas libre bien que son code source puisse être libre, l’exécutable dans le produit n’est pas libre dans ce cas.
Si tu n’as pas la liberté numéro 1, si tu n’as pas le code source, tu ne peux même pas vérifier ce que ce programme fait vraiment et, souvent, ces programmes contiennent des fonctionnalités malveillantes pour surveiller l’utilisateur, pour restreindre l’utilisateur. Il y a même des portes dérobées pour faire des choses à l’utilisateur sans son autorisation, sans lui demander l’autorisation de les faire et ce n’est pas un des dangers inhabituels de la vie. Il y a beaucoup de dangers assez rares. Par exemple, quelqu’un peut te voler de l’argent mais probablement pas aujourd’hui ! Une météorite peut tomber sur ta tête, mais probablement pas aujourd’hui ! Beaucoup de dangers assez rares, mais celui-ci n’est pas un danger inhabituel, c’est le cas normal chez les utilisateurs du privateur. Presque tous les utilisateurs de logiciels privateurs sont victimes du malware privateur et, pour le démontrer, il suffit d’une liste d’exemples.
Un paquet privateur dans lequel nous avons trouvé les trois genres de fonctionnalités malveillantes, que tu connais peut-être de nom, s’appelle Microsoft Windows. Nous connaissons des fonctionnalités de surveillance, les fonctionnalités de restreindre l’utilisateur, c’est-à-dire les menottes numériques, se voient si le système refuse de faire quelque chose, l’utilisateur peut le voir. Mais d’habitude, les utilisateurs ne reconnaissent pas qu’il s’agit des menottes, d’une injustice : les portes dérobées ne se voient pas. Malgré la difficulté de les repérer, nous connaissons deux portes dérobées dans Windows, donc Windows est malware. Malware signifie un programme construit pour faire mal aux utilisateurs. Windows, selon ce critère, se qualifie de malware. Mais, c’est encore pire, parce qu’une des portes dérobées connues dans Windows est universelle, c’est-à-dire qu’elle permet l’installation à distance des changements de logiciel. Microsoft a le pouvoir de changer m’importe quoi sans demander l’autorisation du propriétaire théorique de l’ordinateur, c’est-à-dire que n’importe quelle fonctionnalité malveillante qui n’est pas présente dans Windows actuellement pourrait être imposée à distance demain. Windows est donc malware universel. Mais ce n’est pas le seul cas connu.
Par exemple, il y a les ordinateurs d’Apple. Le système Mac OS dans les Macintosh est malware parce qu’il contient des menottes numériques appelées aussi gestion numérique de restrictions ou en anglais DRM, digital restrictions management, mais le logiciel des… je ne sais pas le dire en français, en anglais je dis the ithings, les monstres qu’Apple produit. Son logiciel est encore pire. Les gens ont découvert plusieurs fonctionnalités de surveillance. Ils ont - est-ce que ça se dit « brisé le chemin » ? - des menottes numériques les plus serrées de l’Histoire parce que Apple a pris le contrôle jusque sur l’installation des applications. Apple pratique la censure des applications, la censure arbitraire des applications selon ses intérêts commerciaux. Et ses ordinateurs contiennent aussi une porte dérobée reconnue. Donc le logiciel dans les ordinateurs d’Apple est malware.
FlashPlayer est malware et contient une fonctionnalité de surveillance et des menottes numériques, mais FlashPlayer est gratuit. Est-ce que ça change quelque chose ? Cela veut dire qu’Adobe n’exige pas que l’utilisateur paye pour être abusé. La gratuité d’un programme ne signifie rien, parce que ce qui est important c’est la liberté, pas la gratuité !
Angry Birds est malware et contient une fonctionnalité de surveillance. Il garde les géolocalisations pour les transmettre à l’entreprise. Je crois que c’était son vrai but, de surveiller les utilisateurs, d’attirer les utilisateurs pour être surveillés.
Le logiciel du Kindle d’Amazon est malware. J’appelle ce produit le swindle. Swindle veut dire escroquerie, parce que ce produit a été conçu de manière à escroquer les libertés traditionnelles des lecteurs. Par exemple la liberté d’acquérir un livre à l’anonymat, en payant en liquide. Impossible chez Amazon. Amazon n’accepte pas de liquide. Pour payer chez Amazon, il faut t’identifier — ce qu’il ne faut jamais faire — et comme ça Amazon gère une grande liste de tous les livres que chaque utilisateur a lu. L’existence d’une telle liste menace les droits humains. L’existence n’importe où d’une telle liste menace les droits humains.
Il y a aussi la liberté de donner le livre en cadeau à quelqu’un après l’avoir lu ou de le prêter aux amis ou de le vendre à une boutique de livres d’occasion. Impossible avec le Kindle à cause des menottes numériques, mais aussi interdit par le contrat qui nie la possibilité de la propriété privée du lecteur. Les contrats d’Amazon disent que tous les livres appartiennent à Amazon. Tu ne peux pas posséder un livre selon Amazon. Mais il y a aussi la liberté de garder le livre tant que tu veux, qu’Amazon élimine par une porte dérobée dans le Kindle, qui a le pouvoir de supprimer les livres à distance. Nous le savons par l’observation. En 2009, Amazon, un jour, a supprimé des milliers d’exemplaires de livres, des copies qui, jusqu’à ce jour-là, étaient autorisées. Les utilisateurs avaient acquis leur copie chez Amazon par le chemin recommandé. Ils avaient des copies autorisées jusqu’à un jour où Amazon les a effacées. Un acte orwellien ! Et c’était quel livre ? 1984 de Georges Orwell. Une fois quelqu’un, dans une de mes conférences, a dit qu’il a vu disparaître le livre pendant qu’il était en train de le lire. Puis Amazon a dit qu’il ne le ferait jamais plus sauf sous les ordres de l’État. Si tu a lu 1984, c’est une promesse pas très réconfortante ! Je te conseille de le lire parce que tu peux mieux comprendre le monde actuel à travers les dangers présentés dans ce livre, mais pas avec le Kindle. Le mot Kindle signifie incendier, mettre feu à quelque chose. Peut-être pour nous suggérer que son vrai but est d’incendier nos livres à distance ?
Et mon dernier exemple est presque tous les téléphones portables qui ont des fonctionnalités de surveillance et une porte dérobée universelle. La fonctionnalité de surveillance transmet la géolocalisation sur commande, à distance, sans offrir à l’utilisateur l’option de dire non. Un dispositif pour suivre l’utilisateur mais aussi pour l’écouter parce que, à travers la porte dérobée, ils peuvent installer un changement de logiciel pour convertir le téléphone en dispositif d’écoute qui transmet toute la conversation dans son environnement. Pas besoin de parler dans le microphone : il peut t’écouter depuis l’autre côté de la pièce. Si tu éteins le téléphone, il fait semblant d’être éteint sans vraiment s’éteindre, pour pouvoir continuer de t’écouter. C’est le rêve de Staline le téléphone portable, c’est pour ça que je n’en ai aucun. Ce serait très commode, je le reconnais. Je vois dans la vie des autres combien c’est commode, mais c’est mon devoir, c’est le devoir de tout citoyen de mettre le doigt dans l’œil du Big Brother et c’est ce que je fais.
Presque tous les utilisateurs du logiciel privateur utilisent quelque chose dans la liste que je viens de citer, donc j’ai démontré qu’être victime du malware privateur est le cas normal chez les utilisateurs du privateur. Mais il s’agit de très peu de programmes. Il y a beaucoup d’autres programmes sans la liberté numéro 1 dont nous ne savons rien. Nous ne savons pas s’ils contiennent des fonctionnalités malveillantes, peut-être que oui, peut-être que non, mais nous n’avons pas de façon de le vérifier parce que nous n’avons pas le code source. C’est-à-dire que celui qui a pu introduire ou pas des fonctionnalités malveillantes, nous empêche de le savoir et nous demande notre confiance aveugle. Chaque programme sans la liberté numéro 1 exige une foi aveugle dans le propriétaire. Il dit : « Nous sommes une grande corporation. Aucune corporation n’a jamais abusé le public. Donc ayez confiance en nous ! Faites-nous confiance ! » C’est idiot, évidemment, mais je suppose que parmi les nombreux programmes privateurs sans la liberté numéro 1 il y a en a qui n’ont pas de fonctionnalités délibérées malveillantes, mais leur code contient des erreurs parce que leurs développeurs sont humains. Ils font des erreurs. Donc l’utilisateur d’un programme sans la liberté 1 est aussi impuissant face à une erreur accidentelle que face à une fonctionnalité malveillante délibérée. Si tu utilises un programme sans la liberté 1, tu es prisonnier du code du programme.
Nous, les développeurs du logiciel libre, sommes aussi humains. Nous faisons des erreurs. Le code de nos programmes libres contient aussi des erreurs, mais si tu trouves une erreur dans notre code libre, ou n’importe quelle chose que tu n’aimes pas dans le code, tu es libre de le corriger parce que nous n’avons pas fait de toi notre prisonnier. Nous ne pouvons pas être parfaits. Nous pouvons respecter ta liberté. La liberté numéro 1 est essentielle mais ne suffit pas, parce qu’avec la liberté 0 et la liberté 1, chaque utilisateur a le contrôle individuel du programme. Mais le contrôle individuel ne suffit pas parce que la grande majorité des utilisateurs ne sait pas programmer. Avec uniquement le contrôle individuel qu’est-ce qu’ils pourraient faire ? Il n’y aurait aucun contrôle pour eux. Et même pour nous, les programmeurs, le contrôle individuel ne suffit pas, parce que chaque programmeur est occupé dans plusieurs travaux et il ne peut pas tout faire. Aucun utilisateur du logiciel n’est capable d’étudier et de comprendre tout le code source des programmes qu’il utilise, ni d’écrire personnellement tous les changements qu’il peut désirer parce que c’est trop de travail pour une seule personne. Donc, pour avoir vraiment le contrôle des programmes que nous utilisons, il faut le faire collectivement. Il faut donc aussi le contrôle collectif du programme c’est-à-dire que n’importe quel groupe d’utilisateurs puisse collaborer pour adapter le programme à ses besoins et à ses goûts. Il faut donc la liberté 3. La liberté de contribuer à ta communauté et de distribuer des copies de tes versions modifiées aux autres, quand tu veux. Avec cette liberté, les membres du groupe sont libres de collaborer dans le développement de leur version et enfin, quand ils sont satisfaits de leur version, ils peuvent aussi offrir des copies au public.
[Est-ce que c’est possible d’ouvrir des fenêtres parce que j’ai chaud et je suppose que vous aussi vous avez chaud ? Normalement je n’aime pas Windows mais dans ce cas, il faut plus que ces deux fenêtres. Merci. Je pense que ce sera mieux bientôt !]
[Richard Stallman se verse du thé.]
Sans la liberté 3, chaque utilisateur serait libre d’écrire ce changement lui-même, mais quel gaspillage ce serait d’écrire des millions de fois le même changement et les utilisateurs qui ne savent pas programmer seraient exclus complètement. Évidemment cela ne suffit pas : la liberté 3 est essentielle.
Donc je viens de démontrer pourquoi chaque liberté est essentielle. Et les quatre libertés, ensemble, nous fournissent la démocratie : un programme libre, développé démocratiquement, sous le contrôle de ses utilisateurs, parce que chacun est libre de participer dans la décision sociale du futur du programme qui n’est que la somme des décisions de chaque utilisateur de que faire avec.
En contraste, le programme privateur se développe sous le pouvoir unique de son propriétaire et fonctionne socialement comme un joug pour soumettre des utilisateurs, que le propriétaire peut commander, exploiter et abuser.
Donc dans le logiciel il n’y a que deux options : ou les utilisateurs ont le contrôle du programme ou le programme a le contrôle des utilisateurs. Le premier cas c’est le logiciel libre : avec les quatre libertés essentielles les utilisateurs ont le contrôle du programme. Ils ont le contrôle individuel et le contrôle collectif, dans n’importe quel groupe, le contrôle collectif du programme et comme ça, ils ont le contrôle de l’informatique qu’ils font avec. Mais s’ils n’ont pas de manière adéquate les quatre libertés, ils n’ont pas le contrôle du programme et c’est donc le programme qui a le contrôle des utilisateurs, et le propriétaire qui a le contrôle du programme et, à travers le programme, il exerce du pouvoir sur les utilisateurs et voici le système du pouvoir injuste. Donc le monde a un choix à faire : d’un côté il y a la liberté individuelle, la solidarité sociale et la démocratie ; de l’autre côté il y a le pouvoir injuste du propriétaire sur les utilisateurs. Le monde doit rejeter le logiciel privateur pour élire le logiciel libre. Le but, le grand but du mouvement logiciel libre est la libération du cyberespace et nous t’invitons à t’échapper du logiciel privateur, à le rejeter et à venir vivre avec nous dans le monde libre que nous avons construit pour ça. Libère-toi ! Internaute, libère-toi !
Applaudissements.
J’ai lancé le mouvement du logiciel libre l’année 83. Je voulais rendre possible l’utilisation d’un ordinateur en toute liberté, ce qui était impossible à l’époque parce que l’ordinateur ne fait rien sans système d’exploitation installé. Et tous les systèmes d’exploitation, pour les ordinateurs modernes de l’époque, étaient déjà privateurs. Donc, si tu achetais un PC nouveau, pour le rendre utilisable, tu devais installer un système d’exploitation, évidemment privateur et comme ça tu perdais la liberté. Comment pouvais-je changer cela ? J’étais une seule personne, sans beaucoup d’argent, sans beaucoup de célébrité et très peu [de gens, NdT] étaient d’accord avec moi. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Évidemment, étant si peu, nous ne pouvions pas faire grand-chose avec un mouvement classique, politique, en faisant des manifestations dans les rues, en envoyant des lettres aux officiels ; je ne savais pas le faire, en tout cas, je n’étais pas organisateur politique. J’étais développeur de systèmes d’exploitation. Mais, en tant que développeur de systèmes d’exploitation, j’avais une autre manière pour réaliser le même changement. Il suffisait d’écrire un système d’exploitation nouveau et, en tant que son auteur, je pouvais le rendre libre. Et puis tout le monde pourrait utiliser des ordinateurs en liberté avec mon système. Donc j’avais l’opportunité de réaliser ce changement, de créer l’échappatoire du logiciel privateur, de sauver des gens de l’injustice par un travail technique, dans mon propre domaine.
J’étais conscient de l’injustice du logiciel privateur que la grande majorité ne reconnaissait pas comme une injustice. J’avais la capacité d’essayer de sauver des gens de cette injustice : il paraissait que personne ne le ferait si ce n’était pas moi. Donc j’avais été élu par les circonstances pour faire ce travail. C’était mon devoir ! C’est comme si tu vois quelqu’un en train de se noyer et que tu sais nager, il n’y a personne d’autre présent — et ce n’est pas Bush ni Sarkozy — tu as le devoir de le sauver ! Je me demande s’ils vont m’arrêter pour avoir dit ça. La France ne reconnaît pas la liberté de la parole : il y a beaucoup de censure, beaucoup d’injustice en France. Il faut rétablir les droits de l’homme. Il faut éliminer la censure en France, y compris le droit d’insulter quelqu’un, même de m’insulter, pas seulement Sarkozy, mais moi aussi. Il faut le droit d’insulter n’importe qui ! Pour moi ce n’est pas un problème vraiment parce que je ne sais pas nager. Mais, dans le vrai cas dans ma vie, le travail à faire n’était pas de nager mais plutôt d’écrire beaucoup de code. Et ça, je savais faire.
J’ai décidé de développer un système d’exploitation complètement à base de logiciels libres, ça veut dire que chaque ligne du code serait libre. Un système entier sans logiciel privateur parce que chaque morceau de logiciel privateur prive de la liberté. Pour ne pas perdre la liberté, il faut rejeter complètement le logiciel privateur. Il faut un système sans logiciel privateur. Beaucoup disent des choses comme « notre produit est basé sur le logiciel libre » ou quelque chose comme ça, mais que signifie basé ? C’est peut-être une manière de citer la liberté ou quelque chose sans dire « notre programme est libre ». Donc quand quelqu’un dit « basé sur », il faut investiguer ce qu’il a fait vraiment. Il faut soupçonner, quand tu entends le mot « basé ».
Puis j’ai décidé d’inviter d’autres à participer au développement ; pas besoin que ce soit écrit complètement par moi et je voulais avoir un système complet le plus vite possible. Puis j’ai décidé de suivre la conception technique d’Unix, de faire un système semblable à Unix. Unix était un système privateur, donc injuste, mais avec beaucoup de succès à l’époque et avec des avantages techniques. Donc, en suivant la conception et les commandes d’Unix, je pouvais faire un système meilleur et compatible et comme ça, les nombreux utilisateurs pourraient facilement migrer vers mon système.
Puis je lui ai donné comme nom une blague parce qu’il faut toujours un nom humoristique pour un système informatique. Donc le nom de ce système est GNU : G, N, U, et c’est un acronyme récursif. GNU veut dire GNU’s not Unix ou Gnu n’est pas Unix, mais c’est une signification. Pour être un jeu de mots il faut deux significations. Pourquoi GNU et pas AGN, AGU, FNU ? Parce que ce ne sont pas des mots, ils n’ont pas d’autre signification. Mais gnou est le nom de cet animal qui habite en Afrique. Donc voici deux significations : c’est un jeu de mots, mais il est meilleur encore parce que ce nom s’utilise dans beaucoup de jeux de mots. C’est le mot le plus chargé d’humour de la langue anglaise parce que selon le dictionnaire, le « g » est muet et le mot se prononce « niou », comme le mot pour nouveau [new, NdT]. Donc chaque fois que tu veux écrire le mot new, au lieu de l’écrire n, e, w, tu peux l’écrire « gnu ». Voici un jeu de mots. Peut-être pas très bon, mais il y en a beaucoup. Donc nous avons appris à mettre en relation ce mot avec l’humour. On voit ce mot et il prête à rire. Évidemment, donner l’opportunité d’utiliser ce mot comme le nom d’un système de programmation, je ne pouvais pas résister ! Mais quand c’est le nom de notre programme, surtout en anglais, il ne faut pas suivre le dictionnaire. Si tu dis The new system, tu t’es déjà trompé parce que nous avons développé ce système depuis 29 ans et nous l’utilisons depuis 20 ans. Il n’est plus nouveau ! It’s not the new system !. C’est le GNU System. C’est le système GNU. Il faut prononcer le « g ».
Mais il y a une autre erreur de prononciation très commune et très bizarre qu’il faut éviter, qui sonne comme Linux. Bizarre, mais beaucoup, quand ils parlent du système GNU, disent Linux, par erreur évidemment. Mais c’était quoi l’erreur, la confusion ? En l’année 92, nous avions presque tout le système initial GNU, mais un composant essentiel manquait toujours. C’était le noyau. Ils ont commencé à parler d’un système Linux et les autres ont suivi la même erreur. Et c’est comme ça que la majorité des utilisateurs du système GNU et Linux ne reconnaît pas qu’il s’agit du système GNU et Linux, ils disent Linux tout court et pensent que le système entier est le travail de monsieur Torvalds. Ils pensent que le système vient de sa vision de la vie, de sa philosophie. Et c’est quoi sa philosophie ? Il n’a jamais été d’accord avec le mouvement logiciel libre. Il a fait une contribution importante à la communauté du logiciel libre, mais pour d’autres motivations que j’ignore. Bon ! Il a le droit à ses opinions, mais quand les gens pensent que le système est Linux et qu’il vient de sa vision de la vie, ils se trompent ! Mais pire encore, ils ne voient pas pourquoi valoriser leur propre liberté. Ils n’apprennent pas à valoriser les droits de l’homme dans l’informatique et voici le danger ! Oui. Ce n’est pas beau d’appeler le système Linux. C’est ne pas reconnaître notre travail. Prière de nous donner une reconnaissance égale. Prière de l’appeler GNU et Linux.
Mais vraiment il y a quelque chose de plus important que la reconnaissance du travail en jeu. Il s’agit de montrer aux utilisateurs les idées du mouvement logiciel libre pour qu’ils apprennent à valoriser leurs propres droits de l’homme, pour les défendre, parce que la liberté est souvent menacée. Pour la garder, il faut lutter. Il faut la défendre. C’est comme ça, dans tous les domaines de la vie, depuis longtemps. Mais, dans les autres domaines de la vie, le débat sur les droits de l’homme a duré longtemps, des décennies ou des siècles. Assez de temps pour arriver à des conclusions sur les droits humains et les diffuser mondialement, et ça fournit une base pour lutter. De temps en temps, nous réussissons à protéger la liberté contre les menaces. Mais l’informatique est un domaine très nouveau. Cela fait combien de temps que la majorité des Français pratique l’informatique ? Quinze ans peut-être ? Pas longtemps pour le débat sur quels sont les droits humains que l’utilisateur de l’informatique mérite. Quels droits humains est-ce que tu mérites dans l’utilisation d’un programme ? Mais, en vérité, il n’y a jamais eu ce débat. Il n’a jamais commencé parce que presque tous les utilisateurs ont commencé avec du logiciel privateur, formé d’autres utilisateurs du logiciel privateur, sans connaître d’autres options que le logiciel privateur. Donc ils ont pris pour… Pris pour quoi ? Plus fort je n’entends rien.
Public : Des imbéciles !
RMS : Non ! Pris pour des took for granted. Comment dit-on des took for granted ? Ils ont pris pour acquis, merci, la légitimité du logiciel privateur. C’est-à-dire qu’ils ont laissé les propriétaires dicter la réponse à la question « quels droits humains est-ce que tu mérites dans l’utilisation d’un programme ? » Et les propriétaires ont dicté « aucun ». Ils ont dicté qu’ils pouvaient imposer n’importe quelle condition. Et les utilisateurs l’ont accepté, sauf quelques-uns dans le mouvement du logiciel libre. Nous pensons avoir identifié quatre droits humains que l’utilisateur mérite dans l’utilisation d’un programme. Ce sont les quatre libertés essentielles qui définissent le logiciel libre. Mais quand nous essayons de transmettre nos idées aux utilisateurs du système GNU pour lancer ce débat, nous rencontrons deux obstacles. L’un est que les utilisateurs du système GNU ne reconnaissent pas que le système est GNU, ils pensent que c’est Linux et qu’il vient de la vision de la vie de M. Torvalds. Ils l’admirent beaucoup pour avoir supposément créé tout le système qu’ils adorent et donc ils suivent sa philosophie sans considérer la nôtre qui est, en vérité, à la base de ce système. Donc l’utilisateur voit les articles que nous publions qui expliquent la philosophie du logiciel libre et ils se disent : « Voici les idées des extrémistes GNU. Moi, je suis utilisateur de Linux. J’admire la politique pragmatique de M. Torvalds qui a développé tout ce système que j’adore et donc, je ne les lis pas ». Quelle ironie ! Parce qu’ils se prennent pour des utilisateurs de Linux alors qu’en vérité ils sont des utilisateurs de GNU et Linux. Mais ne le savent pas !
Il faut noter que pragmatique, dans le domaine de la politique, signifie souvent la tendance à prendre des décisions importantes à long terme selon les avantages pratiques du court terme, c’est-à-dire pas très sages. Mais s’ils savaient qu’ils utilisent le système GNU et Linux, ils se diraient autre chose. Ils se diraient : « Voici les idées du projet GNU et moi, je suis utilisateur de GNU et Linux, je dois y faire attention ». Et comme ça, nous aurions la possibilité de les convaincre qu’ils méritent la liberté et qu’ils doivent lutter pour leur propre liberté et, comme ça, nous pourrions gagner. Donc nous avons besoin de ton aide pour les informer que le système est GNU et Linux, pas seulement Linux. Prière de nous aider !
Mais il y a un autre obstacle. Beaucoup n’utilisent pas, ni ne reconnaissent l’expression logiciel libre, parce que ceux qui ne sont pas d’accord avec notre philosophie utilisent une autre expression : open source ou source ouverte, mais c’est la même chose, c’est une manière d’oublier le mot libre, d’oublier la question des droits de l’homme, de ne pas poser cette question parce que ce serait trop radical ! Réclamer la liberté, ce serait trop radical aujourd’hui ! Eux, ils ne veulent pas critiquer une pratique commune industrielle. Quoi qu’il en soit, donc, critiquer le logiciel privateur comme une injustice c’est trop radical pour eux et ils ont trouvé la manière de ne pas poser la question : open source. L’expression open source a été inventée l’année 98 pour éviter cette question et la majorité de la communauté utilise cette expression. Comme ça, les utilisateurs utilisent ce système sans se rendre compte de l’existence du mouvement du logiciel libre. Tu peux nous aider en disant « logiciel libre ». Libre ! Il s’agit de la liberté. Donc quand les autres parlent et disent source ouverte ou open source, du franglais, tu peux nous aider en disant : « Il s’agit du logiciel libre qui respecte la liberté, qui respecte les droits de l’homme ». Quand les autres ne le font pas, c’est à toi de le faire. Si tu veux nous aider au maximum, fais-le ainsi en diffusant la philosophie du logiciel libre.
[Oui c’est un choix entre le bruit et la chaleur. Richard Stallman se verse du thé et le boit.]
Parce que, même dans la communauté du logiciel libre, nous pouvons perdre la liberté déjà acquise par faute d’attention. Par exemple, en 1992, M. Torvalds a libéré le code de Linux et nous avions le système GNU et Linux. Il était possible d’acheter un PC et installer ce système GNU et Linux pour l’utiliser en liberté, mais ce n’était pas facile au commencement. Il fallait devenir expert pour réussir à le faire fonctionner. Donc quelques-uns ont commencé à développer des distributions GNU et Linux pour faciliter l’installation du système. Quelques années plus tard, il y avait plusieurs distributions en concurrence dans une communauté où la majorité ne valorisait pas la liberté. Donc les développeurs d’une distribution ont eu l’idée d’avoir plus de succès, de gagner sur leurs concurrents, en introduisant des programmes privateurs dans leur système pour les présenter comme des avantages. Ils disaient « notre système peut faire ça et ça ». Ils ne disaient pas : « C’est parce qu’il ne respecte pas ta liberté. » C’était la vérité qu’ils ne disaient pas. Mais, pour les utilisateurs, dans la communauté, ce n’était pas important parce qu’ils n’appréciaient pas la liberté, donc cette distribution-là avait plus de succès et les développeurs des autres distributions regardaient et se disaient « ils gagnent sur nous ; nous devons introduire aussi des programmes privateurs pour éliminer leur avantage ». Pendant plusieurs années ils l’ont fait et, enfin, il y a quinze ans, quand les gens me demandaient à la fin d’une conférence : « Où puis-je trouver ce système ? ». Je devais répondre : « C’est dommage, il y a beaucoup de distributions, mais pas une seule complètement libre. Toutes les distributions contiennent des programmes privateurs. Je ne connais aucun lieu que je pourrais vous recommander. » C’est-à-dire que nous étions arrivés à la liberté et nous l’avions perdue faute de la valoriser.
[Nous pouvons ouvrir les fenêtres de ce côté et fermer les autres. C’est-à-dire que même écouter la conférence peut être un peu de travail !]
Heureusement, il y a aujourd’hui des distributions complètement libres. Il y a par exemple UTUTO : U, T, U, T, O. Il y a BLAG, Blag Linux And GNU, qui se prononce « blag ». Il y a aussi gNewSense qui est aussi une blague parce que mon titre, comme chef du projet, est Chief GNU-isance, la GNU-isance en chef. Il y a aussi Trisquel. La liste se trouve sur http://www.gnu.org/distros/ [1]Distributions GNU/Linux
. Mais évidemment, ce ne sont pas des distributions très populaires et très connues. Elles [les populaires et connues, NdT] continuent de contenir des programmes privateurs. C’est-à-dire que nous avons commencé à récupérer la liberté déjà perdue, mais seulement commencé.
Plus tard, nous avons perdu la liberté d’une autre manière. Aujourd’hui, le code source du noyau Linux n’est pas complètement en logiciel libre. Dans plusieurs fichiers, tu trouveras une grande liste de numéros et cette liste est, en vérité, un programme privateur exécutable déguisé en code source, mais représenter le programme exécutable comme une liste de numéros ne produit pas de code source. Le vrai code source de ces programmes n’est pas disponible. Par conséquent, ils ne sont pas libres. Beaucoup d’autres aussi portent des licences explicites privatrices. Pourquoi ces programmes privateurs sont présents dans Linux ? Parce que M. Torvalds les a acceptés. Il a décidé d’introduire ces morceaux privateurs dans son programme. Ces programmes-ci ne s’exécutent pas dans le processeur central ; ce sont des morceaux de firmwares. C’est-à-dire qu’ils sont là pour être déchargés dans les périphériques pour les faire fonctionner. Mais en tout cas c’est un programme privateur installé dans le système, donc pas acceptable. Pourquoi est-ce qu’il voulait introduire ces morceaux privateurs ? Parce que ces périphériques ne fonctionnent pas sans les morceaux privateurs. Il est impossible d’utiliser ces périphériques dans le monde libre. Que faire ? Il y a deux choix : on peut rester dans le monde libre, maintenir la liberté et ne pas les utiliser et on peut les utiliser mais en perdant de la liberté. Deux choix, deux réponses possibles. M. Torvalds a choisi la deuxième réponse : sacrifier la liberté pour la commodité. Nous choisissons la première réponse.
Nous avons notre version modifiée du noyau Linux que nous appelons Linux libre. Même en anglais nous disons libre, pas free, pour mettre emphatiser la liberté de notre version. Et ce n’est pas beaucoup de travail. Nous avons un script pour supprimer les morceaux privateurs. Et chaque fois que Torvalds publie une nouvelle version de son noyau, nous invoquons ce programme pour produire la nouvelle version de Linux libre. Ça c’est assez facile de produire un noyau libre, mais cela ne résout pas le problème de base qui est que ces périphériques ne fonctionnent pas dans le monde libre. Pour ça, il faut de l’ingénierie inverse, un travail technique très important. Si tu veux contribuer au maximum possible dans un domaine technique à la communauté libre, fais de l’ingénierie inverse.
J’ai proposé à l’université d’offrir des cours d’ingénierie inverse. C’est très, très, important comme travail pour maintenir la liberté, parce que de plus en plus, ils fabriquent des machines avec un mode d’emploi secret. Et pour découvrir le mode d’emploi du produit, il faut de l’ingénierie inverse ou convaincre le fabricant. Convaincre le fabricant, parfois on peut le faire, mais c’est le hasard, plus ou moins. Si on a de la chance, on convainc le fabricant, mais normalement, ce n’est pas possible. Il ne reste que l’ingénierie inverse. Nous avons besoin de beaucoup plus d’ingénierie inverse. Sur http://fsf.org [2]The Free Software Foundation
nous avons une page de campagne et dans cette page il y a des liens vers des listes de projets de haute priorité, y compris des projets d’ingénierie inverse, mais il n’y en a pas beaucoup qui le font. Tu peux apprendre à le faire. Tu peux contribuer à notre libération dans le futur.
Ces deux cas suffisent pour démontrer que notre futur dépend surtout de nos valeurs. Si nous valorisons suffisamment la liberté nous lutterons et nous pourrons gagner la bataille. Sans valoriser la liberté, on perd facilement la liberté. Il faut donc diffuser cette philosophie. C’est le travail le plus essentiel pour une lutte qui durera des décennies. Le besoin le plus important est de ne pas oublier le but. Il faut parler de la liberté. Il ne suffit pas de faire les travaux techniques nécessaires. Il faut éduquer les autres à apprécier la liberté et c’est le travail que je fais maintenant avec vous. Mais je ne peux pas en faire assez, seul. Tu peux apprendre à faire des discours pour diffuser cette philosophie et comme ça, tu peux contribuer beaucoup au mouvement. Il n’y a rien de plus important que ça.
Aujourd’hui, il est devenu possible de perdre la liberté informatique, d’exécuter des programmes privateurs sans le savoir. Beaucoup de pages web portent des programmes privateurs écrits en JavaScript, des programmes qui s’installent dans ton navigateur et s’exécutent sans rien te dire, sans le montrer. Pour l’éviter, qu’est-ce qu’il faut faire ? Il y a un an, il fallait désactiver JavaScript, tout le temps, pour éviter l’exécution de tels programmes. Mais maintenant, il y a une manière plus facile. Tu peux installer le programme LibreJS [3] qui analyse tous les programmes JavaScript qui essayent de rentrer dans le navigateur. Si le programme est trivial ou libre, il peut s’exécuter ; mais si le code n’est ni trivial ni libre il est bloqué et le programme LibreJS avertit l’utilisateur : « Cette page-ci contient du JavaScript privateur ». Mais le programme fait une chose de plus. Il cherche dans les pages du site comment se plaindre à la gestion du site et où. Et comme ça il peut t’offrir la manière de te plaindre vite, facilement, parce que tu n’as pas besoin de chercher où envoyer la plainte, ce qui coûte beaucoup plus de temps que de l’écrire. Grâce à LibrejJS, tu peux facilement te plaindre et il est très important de te plaindre. Il faut envoyer beaucoup de plaintes pour convaincre la gestion de beaucoup de sites web qu’il ne faut pas imposer l’exécution de programmes privateurs aux visiteurs.
Mais il y a aussi une manière de perdre le contrôle de ton informatique sans exécuter un programme privateur. Il s’appelle le logiciel comme service. Qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que l’utilisateur, au lieu de faire son informatique à lui en utilisant un programme que nous pouvons espérer libre, dans son ordinateur à lui, il envoie toutes ses données, toutes les données pertinentes, au serveur de quelqu’un d’autre pour que son informatique soit faite dans ce serveur, par les programmes choisis par le propriétaire du serveur, que l’utilisateur même ne peut ni voir ni toucher. Et enfin, ce serveur envoie les résultats à l’utilisateur ou agit pour lui. Et comme ça, l’utilisateur a perdu le contrôle de son informatique à lui. C’est le même résultat que celui d’avoir utilisé un programme privateur, mais par un autre chemin. Donc c’est la même injustice ; il ne faut pas le faire. Mais c’est encore pire parce que, comme j’ai l’ai expliqué avant, beaucoup de programmes privateurs contiennent des fonctionnalités de surveillance qui transmettent des données sur l’utilisation de la machine au serveur de quelqu’un d’autre. Mais, avec le logiciel comme service, l’utilisateur se trouve obligé d’envoyer toutes les données pertinentes au serveur. C’est le même résultat. Le serveur possède les données de l’utilisateur et qui sait à qui le serveur les montrera ?
Mais c’est encore pire. Comme j’ai déjà dit, il y a des programmes privateurs qui contiennent des portes dérobées universelles comme, par exemple, Microsoft Windows, Google Chrome, qui est un navigateur privateur avec une porte dérobée universelle. La grande majorité des téléphones portables contiennent des portes dérobées universelles, ce qui veut dire que quelqu’un a le pouvoir d’imposer des changements de logiciel à distance et donc de changer comment sera faite l’informatique de l’utilisateur, sans lui demander l’autorisation. Mais, avec le logiciel comme service, le propriétaire du serveur peut, à n’importe quel moment, installer d’autres logiciels dans le serveur pour changer comment se fait l’informatique des utilisateurs. Évidemment, cet ordinateur lui appartient ! Il doit pouvoir installer d’autres logiciels dans son ordinateur ! Mais le résultat est qu’il peut et qu’il a le pouvoir, de changer comment se fait l’informatique de l’utilisateur sans lui demander l’autorisation. C’est injuste et pour éviter cette injustice il faut rejeter le logiciel comme service. C’est-à-dire que si un service t’offre de faire ton informatique à toi, il faut dire non !
Heureusement, c’est un cas assez rare. La grande majorité des sites web ne fait que présenter leur information que tu peux regarder. Si tu regardes son information ce n’est pas faire ton informatique à toi, donc le problème ne se pose pas. Mais si nous considérons la minorité de sites web qui offrent des services non triviaux, la grande majorité font des services de communication entre des utilisateurs et la communication avec d’autres ne fait pas partie de ton informatique personnelle à toi. Quand tu communiques avec d’autres, c’est de l’informatique collective. Tu ne peux pas supposer que tu auras le contrôle complet de l’informatique conjointe avec d’autres. Donc le problème ne se pose pas.
Mais il y a des services qui offrent de faire ton informatique personnelle, comme par exemple des services de traduction, qui font de l’informatique qui est à toi et que tu devrais pouvoir faire en exécutant un programme libre dans ton ordinateur. Donc, en ce cas, le service essaie de remplacer un programme et voici le cas où le service est injuste.
Il y a aussi d’autres injustices possibles chez les services internet, par exemple montrer tes données aux autres, au Big Brother, qui sait ? Il ne faut pas utiliser les services web des entreprises hors de l’Union européenne parce que les autres pays n’ont pas de lois de protection des données. Si tu offres tes données à une entreprise américaine, qui sait ce qu’elle fera avec tes données ? Mais la loi européenne de la protection des données a besoin d’une mise à jour parce que maintenant, même visiter une page peut envoyer des données à d’autres entreprises ; c’est très commun. Si tu visites une page et que dans la page apparaît un bouton Like, Facebook sait que ta machine a visité cette page ! Que tu sois utilisateur de Facebook ou pas, Facebook reçoit toujours l’information que ta machine a visité cette page ! Ce doit être illégal ! L’Union européenne est en train de changer la loi de protection des données, mais les entreprises comme Facebook et Google font pression pour limiter la loi. Donc il faut agir politiquement maintenant. Il faut communiquer avec les membres du Parlement européen, maintenant, parce que les comités sont en train de rédiger la loi.
Enfin, je dois expliquer pourquoi l’éducation doit enseigner uniquement le logiciel libre. Toutes les écoles, de tous les niveaux, depuis le jardin d’enfants à l’université et les activités d’éducation des adultes doivent enseigner uniquement le logiciel libre. Jamais un programme privateur. Mais pourquoi ? Pas surtout pour faire des économies. C’est un bénéfice secondaire possible. Mais cette question est importante. Il ne s’agit pas de comment faire un peu mieux l’éducation. C’est de faire la bonne éducation et pas la mauvaise éducation. Pourquoi est-ce que des développeurs du privateur offrent des copies gratuites aux écoles et aux élèves ? Ils veulent utiliser les écoles comme des instruments pour imposer de la dépendance à la société entière. Leur plan fonctionne ainsi :Ils livrent des copies gratuites à l’école. L’école enseigne leur utilisation aux élèves. Les élèves deviennent dépendants. Puis ils se forment dépendants et après leur diplôme, le même développeur ne leur offre plus des copies gratuites. Jamais ! Et quelques-uns trouvent de l’emploi dans des entreprises. Le développeur n’offre jamais aux entreprises des copies gratuites. C’est-à-dire que le plan c’est que l’école dirige ses élèves dans le chemin de la dépendance permanente et que les élèves tirent le reste de la société dans le même chemin. C’est comme donner des drogues addictives à l’école en disant que la première dose est gratuite ! C’est pour rendre dépendants les élèves. Non ! L’école rejetterait les drogues addictives, que ce soit gratuit ou pas, et doit rejeter les programmes privateurs, gratuits ou pas, parce que l’école a une mission sociale d’éduquer des bons citoyens d’une société forte, capable, indépendante, solidaire et libre. Et en informatique, ça veut dire former des utilisateurs habitués au logiciel libre et prêts à participer dans une société numérique libre. L’école ne doit jamais enseigner l’utilisation d’un programme privateur parce que ce serait inventer de la dépendance. Il ne faut pas !
Mais il y a aussi une autre raison pour l’éducation des meilleurs programmeurs. Quelques-uns sont doués dans la programmation et, à l’âge de 10 à 13 ans, ils sont fascinés par l’informatique, ils veulent tout apprendre. S’ils utilisent un programme, ils veulent savoir comment est-ce qu’il fait ça. Mais quand ils demandent au professeur : « Comment est-ce qu’il fait ça ? », si le programme est privateur, il ne peut répondre que : « Nous ne pouvons pas le savoir ! C’est un secret commercial. » C’est-à-dire que tout programme incorpore des connaissances. Dans le cas où le programme est privateur, ce sont des connaissances niées aux étudiants, c’est-à-dire que le programme privateur est l’ennemi de l’esprit de l’éducation et ne doit jamais être toléré dans une école, parce que l’école doit démontrer sa loyauté à l’esprit de l’éducation.
Si le programme est libre, le professeur peut expliquer autant qu’il le peut, puis donner à chaque élève fasciné une copie du code source en lui disant : « Lis-le et tu peux comprendre tout ! » Et ces élèves liront tout parce qu’ils veulent comprendre et le professeur peut leur dire aussi : « Si tu trouves quelque point que tu ne peux pas comprendre seul, montre-le moi et nous pourrons le comprendre ensemble ». Et comme ça, notre élève doué en informatique a l’opportunité d’apprendre une leçon essentielle pour devenir un bon programmeur.
Ce code n’est pas clair. Il ne faut pas l’écrire comme ça. C’est comme ça qu’on se transforme de programmeur doué en bon programmeur. Il faut apprendre à écrire du code clair. Comment est-ce que ça s’apprend ? En lisant beaucoup de code et en écrivant beaucoup de code. Seul le logiciel libre offre l’opportunité de lire beaucoup de code des grands programmes que nous utilisons. Et puis, il faut écrire beaucoup de code et, plus spécifiquement, écrire beaucoup de modifications dans les grands programmes pour apprendre à écrire bien le code des grands programmes. Il faut le faire. Mais, au commencement, on ne sait pas écrire bien un grand programme depuis zéro. Il faut commencer avec un grand programme et écrire une modification. Au commencement des petits changements, puis des changements plus grands et enfin, on sait écrire beaucoup de code et écrire un grand programme depuis zéro. Seul le logiciel libre offre l’opportunité d’écrire des petits et des grands changements dans des grands programmes qui s’utilisent vraiment. N’importe quelle école peut offrir l’opportunité de maîtriser le domaine de la programmation, si elle est une école de logiciel libre.
Mais il y a une raison plus profonde encore pour l’éducation morale : l’éducation dans la citoyenneté. L’école doit aller plus loin que d’enseigner des faits et des méthodes. L’école doit enseigner l’esprit de bonne volonté, l’habitude d’aider les autres. Par conséquent, chaque classe doit avoir la règle suivante : élève, si tu apportes un programme à la classe, tu ne dois pas le garder pour toi. Tu dois partager des copies avec le reste de la classe, y compris le code source du programme pour le cas où quelqu’un veut appendre. Parce que cette classe est un lieu pour partager les connaissances. Donc il n’est pas autorisé d’apporter un programme privateur à cette classe. L’école doit donner le bon exemple en suivant sa propre règle. L’école doit apporter uniquement du logiciel libre à la classe et partager les copies du code source avec tous ceux dans la classe que ça intéresse de le voir.
Si tu as un contact avec une école, si tu es étudiant, ou élève, ou professeur, ou employé, ou parent, c’est ton devoir de militer pour la migration de cette école vers le logiciel libre. Il faut souvent présenter la question au public, aux autres, dans les communautés en relation avec l’école. Oui, on peut proposer des changements en privé avec l’administration et parfois ça suffit et quand ça suffit, c’est bon. Mais quand ça ne suffit pas, il faut le dire au public, parce que, comme ça, tu peux éduquer les autres à valoriser les droits de l’homme.
Pour davantage d’informations tu peux regarder le site http://gnu.org/. C’est G, N, U point org. Il y a aussi le site http://fsf.org, ça veut dire Free Software Foundation ; c’est notre site et tu peux t’inscrire comme membre. Tu peux t’inscrire aussi pour recevoir notre information mensuelle. Tu peux y trouver aussi nos campagnes d’action et des ressources pour promouvoir le logiciel libre et pour l’utiliser. Si tu veux t’inscrire et si tu veux payer les frais annuels pour être membre, en liquide, tu as aussi cette possibilité avec moi. Il y a aussi la Free Software Foundation Europe dont le site s’appelle http://fsfe.org/ et tu peux t’y inscrire aussi.
Prière d’appuyer notre lutte ! Sans toi il sera plus difficile de gagner !
Maintenant je veux vous présenter mon autre identité.
[RMS se déguise.]
Applaudissements.
Je suis le saint IGNUcius de l’église d’Emacs. Je bénis ton ordinateur mon fils. Emacs était à l’origine un programme éditeur de texte extensible qui devenait à travers les années une manière de vivre pour beaucoup d’utilisateurs parce qu’il a été étendu jusqu’à pouvoir faire toute leur informatique sans jamais sortir d’Emacs. Et puis il est devenu une église avec le lancement du groupe de notices org.religion.emacs dont la visite peut t’amuser. Dans l’église d’Emacs nous n’avons pas de services seulement des logiciels. Nous avons un grand schisme entre plusieurs versions rivales d’Emacs et nous avons aussi des saints, mais pas de dieux. Au lieu des dieux, nous adorons le seul vrai éditeur : Emacs. Pour devenir membre de l’église d’Emacs, tu dois prononcer la profession de foi. Tu dois dire « il n’y a aucun autre système que GNU et Linux est un de ses noyaux ». Si tu deviens vraiment expert, tu pourras le célébrer avec notre cérémonie, le « foubarmitzva », dans laquelle tu chantes une portion de notre texte sacré, c’est-à-dire le code source du système.
Nous avons aussi le culte de la vierge d’Emacs, qui se réfère à n’importe qui n’ayant jamais utilisé Emacs. Et selon l’église d’Emacs, lui offrir l’opportunité de perdre la virginité d’Emacs est un acte béni. Nous avons aussi le pèlerinage d’Emacs. Il s’agit d’invoquer toutes les commandes d’Emacs dans l’ordre alphabétique. Selon une secte tibétaine, il suffit d’exécuter toutes les commandes automatiquement sous le contrôle d’un script, mais selon l’église principale, pour gagner du mérite spirituel avec, il faut taper toutes les commandes à la main.
L’église d’Emacs a des avantages, comparés à d’autres églises que je ne vais pas mentionner. Par exemple, être saint dans l’église d’Emacs n’exige pas le célibat, mais exige de vivre une vie pure et éthique. Il faut faire l’exorcisme des systèmes démoniaques privateurs qui ont possédé des ordinateurs sous ton contrôle ou été montés pour ton utilisation régulière et installer un système complètement sain et libre, en anglais a only free system. Puis installer et utiliser uniquement du logiciel libre sûr et avec le système. Si tu fais ce vœu et si tu le suis tu seras saint et tu auras le droit de porter une auréole, si tu en trouves une parce qu’ils ne les fabriquent plus.
Parfois, quelqu’un me demande si selon l’église d’Emacs l’utilisation de l’autre éditeur VI est un péché. C’est vrai que VI, VI, VI est l’éditeur de la bête [666, NdT]en tant que numéro romain, mais l’utilisation d’une version complètement libre de VI n’est pas un péché mais plutôt une pénitence. Et mon auréole n’est pas un vieux disque dur d’ordinateur, mais c’était un disque dur dans une existence antérieure. Merci beaucoup.
Applaudissements.
Maintenant mon dernier calembour. J’en suis très fier : les cardinaux sont des prêtres qui ont été pistonnés jusqu’à devenir des soupapes !
Maintenant, voici un petit adorable gnou et je vais le vendre aux enchères au bénéfice de la FSF. Si tu l’achètes je peux signer la carte pour toi. Si tu as un manchot chez toi, tu as besoin d’un gnou pour le manchot car, comme nous le savons, le manchot ne sait pas fonctionner sans gnou. Nous pouvons accepter le paiement en liquide ou avec une carte de crédit si la carte est capable de faire des achats internationaux. Par téléphone elle fonctionnerait aussi avec nous. Quand tu enchéris, prière d’agiter la main et de crier la quantité pour que je prenne note. Et je dois commencer avec le prix normal qui est de 20 euros. Est-ce que j’ai 20 euros ? Combien ? J’ai 20. Est-ce que j’ai 25 euros ? Personne ? Combien ? J’ai 25. Et-ce que j’ai 30 euros ? J’ai 25 est-ce que j’ai 30 euros ? 30 euros pour cet adorable gnou ? Est-ce que j’ai 30 euros ? Combien ? J’ai 30 euros. Est-ce que j’ai 35 ? Combien ? 35 ? Il est autorisé d’offrir plus ? Combien ? Elle vient d’offrir 35, j’ai 35, est-ce que j’ai 40 ? Est-ce que j’ai 45 ? 50 ? Silence quand tu n’enchéris pas. Je dois pouvoir écouter ceux qui enchérissent. Combien ? J’ai 50. Est-ce que j’ai 55 ? 55 pour ce gnou adorable qui a besoin d’être adopté. J’ai 55, j’ai 55, est-ce que j’ai 60 ? Est-ce que j’ai 60 ? Combien ? J’ai 60. Est-ce que j’ai 65 ? Est-ce que j’ai 65 pour ce gnou adorable ? Est-ce que j’ai 65 pour la FSF, pour protéger la liberté ? Dernière opportunité pour offrir 65 ou plus. Un, Deux, trois. Vendu pour 60.
Applaudissements.
Maintenant les questions.
- Public :
- Bonjour, tout d’abord merci, merci beaucoup pour votre venue.
- RMS :
- Pas de remerciements parce que nous n’avons pas beaucoup de temps.
- Public :
- D’accord ! Alors juste quelques remarques. Je suis enseignant-chercheur en propriété intellectuelle et en droits de l’homme donc ça m’a particulièrement intéressé. Vous avez beaucoup parlé de la libération de l’utilisateur et le propriétaire était un petit peu le méchant. Mais vous êtes propriétaire !
- RMS :
- Mais pas de la même manière.
- Public :
- Vous êtes auteur ! Oui, pas exactement de la même manière. Ma question était la suivante : est-ce que le copyleft, est-ce que la licence libre, la Creative Commons, est-ce que c’est vraiment la négation du droit d’auteur ou une autre manière ?
- RMS :
- C’est une confusion. C’est une confusion déjà dans la question !
- Public :
- J’agrège plusieurs éléments.
- RMS :
- Il y a déjà des erreurs que je dois corriger dans la question, des supposés. Entre les six de licences de Creative Commons, deux sont libres et quatre ne sont pas libres, mais toutes permettent le partage. Je crois que toute œuvre destinée à être utilisée pour faire des travaux, c’est-à-dire que l’utilisateur fait ses travaux avec l’œuvre, ces œuvres doivent être libres. Mais il y a d’autres œuvres comme l’art. Ces œuvres ne sont pas obligées d’être libres. En tout cas, toutes les licences de logiciel libre opèrent sur la base du droit d’auteur et j’ai inventé le gauche d’auteur comme manière d’utiliser le droit d’auteur, mais au lieu de l’utiliser pour priver de la liberté aux utilisateurs, j’ai construit la manière d’utiliser le droit d’auteur pour protéger la liberté de chaque utilisateur. Parce que le droit d’auteur existe et moi, en tant qu’auteur d’un programme, je ne pouvais pas changer les lois. Aujourd’hui, de temps en temps, le mouvement logiciel libre réussit à changer des lois, mais c’est parce que nous sommes beaucoup. Moi, je ne pouvais pas changer les lois. Le droit d’auteur existait, mais le droit d’auteur n’est pas la seule manière de rendre privateur un programme. Les deux manières principales sont par des contrats qui s’appellent End User License Agreement et par ne pas publier le code source qui est une manière technique, pas légale. Mais les deux ont le résultat de priver l’utilisateur de sa liberté. Mais aussi il y a le droit d’auteur, il y a les produits tyrans qui n’admettent pas l’installation des versions modifiées de l’utilisateur, seulement les versions autorisées par le fabricant. Et il y a aussi, mais ce n’est pas vraiment le moyen de faire exactement ça, les brevets. Donc plusieurs manières de rendre privateur un programme et notre seule seule manière de résister à toutes ces attaques c’est avec le droit d’auteur, paradoxalement. Mais je n’utilise jamais l’expression « propriété intellectuelle ». Je reconnais que, dans le passé, cette expression s’utilisait en France comme synonyme du droit d’auteur, mais aujourd’hui l’OMPI [Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, NdT] propose une autre signification de cette expression. Une signification pas cohérente, parce que cette signification mélange beaucoup de lois qui n’ont rien à voir. Si nous considérons le droit d’auteur et la loi des brevets, elles n’ont rien à voir ! Et celui qui prend ces deux lois pour un seul sujet se trompe déjà et, avec cette confusion comme base, il est incapable de comprendre ni l’une ni l’autre. Donc, la première étape pour poser les questions éthiques sur une de ces lois est de la distinguer des autres et donc, il faut rejeter nettement l’expression « propriété intellectuelle » et je ne l’utilise jamais depuis neuf ans. Je n’ai jamais utilisé cette expression. Quand quelqu’un me pose une question avec cette expression je rejette d’abord l’expression et puis je lui propose d’éclaircir la question, parce que la question a été posée de manière pas claire. Si je ne sais pas de quelle loi il s’agit, comment est-ce que je pourrais répondre ?
- Public :
- Je suis tout à fait d’accord sur la distinction, des propriétés qui mélangent des propriétés et des monopoles. Même le droit d’auteur, entre droit d’auteur et copyright on a, sur un logiciel ou sur un autre peut-être directement l’exploitant parfois, là on est déjà dans une autre logique. Derrière votre critique du propriétaire, est-ce qu’il n’y a pas une distinction à faire entre l’auteur et l’exploitant ?
- RMS :
- Je ne comprends pas tous les mots.
- Public :
- Excusez-moi ! Dans votre critique du propriétaire, est-ce qu’il ne faut pas distinguer l’auteur et l’exploitant ?
- RMS :
- Non je distingue le logiciel libre et le privateur. Quand je dis propriétaire, je veux dire celui qui impose des restrictions au programme. Légalement, il y a toujours un détenteur du droit d’auteur, même un programme libre a un droit d’auteur et ce droit d’auteur a des détenteurs. Mais en ce cas, les détenteurs du droit d’auteur ont respecté la liberté de l’utilisateur. Donc je reconnais le fait légal que vous mentionnez, mais ma distinction n’est pas entre l’auteur et le détenteur du droit d’auteur, mais entre les deux comportements, avec le droit d’auteur et les autres armes pour rendre privateur un programme.
- Public :
- Je vous remercie. Peut-être juste une dernière question ou remarque. Qu’est-ce que vous diriez à des étudiants ? Vous avez défendu l’idée que l’utilisateur, parfois, devait choisir le moindre mal et que le moindre mal c’était le partage. Et que, finalement, ce partage c’était aussi un moyen d’apprendre, d’apprendre à écrire un code source. Aujourd’hui nos étudiants aiment parfois le copier-coller : la copie directe de contenu, Wikipédia.
- RMS :
- Ah oui, mais c’est un mensonge. C’est une autre question.
- Public :
- C’est une autre question, tout à fait.
- RMS :
- Je défends le droit le droit de copier et de partager n’importe quelle œuvre publiée, mais pas de mentir et de dire que tu en es l’auteur. C’est autre chose. Mais il faut noter que le plagiat n’est pas une question de droit d’auteur. Si tu donnes une copie d’une œuvre de Shakespeare en disant que tu en es l’auteur, tu n’enfreins pas le droit d’auteur. Il n’y a plus de droit d’auteur sur les œuvres de Shakespeare.
- Public :
- Si ! Le droit moral. Le droit moral de paternité, justement qui est au cœur du droit d’auteur comme on le voit en France.
- RMS :
- Il n’y a pas d’héritiers de Shakespeare pour l’exercer. Shakespeare vivait il y a 400 années, donc il n’y a plus de droit d’auteur. Il n’y avait jamais, peut-être, de droit d’auteur dans le sens moderne sur les œuvres de Shakespeare. Mais si tu présentes une œuvre de Shakespeare en disant que tu en es l’auteur, tu mens.
- Public :
- Merci. Je ne veux pas monopoliser les questions.
- RMS :
- D’autres questions ? La manière la plus efficace pour offrir au plus grand nombre la possibilité de poser des questions est de maintenir ici le micro et que ceux qui veulent me poser des questions fassent la queue ici. Venez ici pour faire la queue et comme ça, c’est rapide et c’est juste. Si quelqu’un veut me poser des questions.
- Public :
- Vous avez défini une décision pragmatique comme étant une décision qui souvent favorise le court terme aux dépens du long terme. Est-ce que, à votre sens, l’inclusion massive de Linux dans GNU était une décision pragmatique ?
- RMS :
- Le quoi de Linux dans GNU ? Je n’entends pas !
- Public :
- Le fait de distribuer massivement GNU avec un noyau Linux était-il une décision pragmatique, au sens où vous le définissez ?
- RMS :
- Oui, c’était une décision pragmatique, mais elle n’était pas injuste. Linux était libre donc voici le seul système d’exploitation possible libre. Quand il s’agit de choisir entre des programmes libres, on peut choisir selon les avantages pratiques.
- Public :
- Bonjour. J’ai une autre question sur des programmes qui sont libres comme Firefox, qui ont un logo et un nom, qui sont une marque déposée. Certaines distributions GNU et Linux proposent ces logiciels sous un autre nom et avec un autre logo. Est-ce que c’est un problème qu’un nom et un logo soient déposés pour le logiciel libre ?
- RMS :
- Ça dépend des détails. En principe non, mais ça dépend des politiques imposées à l’utilisation de ce nom. Les politiques de Firefox interdisent même la redistribution commerciale de copies exactes sans changer le nom. Donc pour avoir un programme qui porte la liberté 2 il faut changer le nom pour éliminer ce problème. Mais d’autres, Linux par exemple, est une marque déposée et GNU aussi, mais les politiques de ces noms n’interdisent pas la diffusion commerciale de copies exactes, donc le problème n’existe pas et pas besoin de le résoudre, de le corriger. D’autres questions ? Tout le monde doit sortir ? Il reste ici des autocollants. Si quelqu’un en veut ?
Applaudissements.