Le numérique libre au service des associations - Emancip’Asso et Framaspace RPLL 2024

Bonjour à toutes et à tous.
Comme d’habitude, la population en termes de genre n’est pas hyper bien répartie. Personnellement, je n’y suis pour rien, vous non plus.
Je m’appelle Pierre-Yves Gosset, je suis coordinateur des services numériques d’une association qui s’appelle Framasoft [1].
L’idée, c’est de vous parler de deux projets en 15 minutes, autant dire que ça va aller un petit peu vite, mais ça tombe bien, c’est la dernière conférence de la journée avant la clôture. Les deux projets sont Framaspace [2] et Emancip’Asso [3].

Framasoft

Y a-t-il des gens, dans la salle, qui ne voient pas du tout ce qu’est Framasoft ? Je ne vois pas de bras se lever, merveilleux ça me permet de gagner du temps.
En gros, nous sommes une association qui investit trois domaines, à savoir
l’émancipation numérique au travers de l’éducation populaire ;
on fait des alternatives et on propose des alternatives aux logiciels des GAFAM ;
on fait régulièrement des interventions.
Nous sommes essentiellement dirigés vers le public associatif d’où le fait, aujourd’hui de vous parler des associations sachant que la plupart des associations n’ont pas vraiment conscience qu’en utilisant les outils des gens du Web dans leur gestion du quotidien, elles participent, à leur niveau, à renforcer la puissance de ces entreprises. En gros, nous avons identifié qu’il y a une différence, en tout cas une dissonance, entre ce que portent les associations comme valeurs et les outils qu’elles utilisent.
Ce graphique est tiré d’une d’une étude qui a été faite par Recherches & Solidarités et Solidatech en 2022 [4].
« Votre association utilise-t-elle des logiciels libres ? », il y avait quand même plusieurs milliers de répondants, on est donc sur un panel quand même relativement large :
25 % ont répondu « oui, avant tout pour des raisons pratiques » ;
16 %, « oui, avant tout pour des raisons éthiques », deuxième graphique, deuxième barre ;
troisième barre, 15 %, « non, nous aurions besoin d’être accompagnés ;
24 %, « non, nous n’en voyons pas l’utilité » ;
et il reste encore 15 % de « je ne sais pas du tout répondre », et je ne sais pas ce que cachent ces 15 % de « je ne sais pas du tout répondre ».

Pourquoi les associations se tournent-elles vers le Libre. Il y a évidemment des questions éthiques, mais le choix du Libre est la plupart du temps réalisé pour des questions pratiques, à la fois des raisons de fonctionnalité – c’est plus pratique, ça marche –, mais aussi et surtout des raisons de coût.

Du coup, Framasoft a décidé de proposer deux projets différents aux associations.
Le premier est un projet plutôt d’accompagnement, dont je vais vous parler maintenant, qui s’appelle Emancip’Asso.

Emancip’Asso

Il y a deux volets principaux à Emancip’Asso, à la fois promouvoir et répondre à l’objet associatif des associations, parce qu’elles ont besoin d’outils numériques pour être efficaces et comment on les amène à choisir des outils qui nous semblent plus en rapport, finalement, avec leurs valeurs.
« Les géants du numérique, c’est pas automatique ». On a piqué le slogan – attaquez-nous, sue me, if you can, on verra bien si, un jour, on se fait attaquer par la sécu – en essayant d’expliquer aux associations que construire un monde meilleur n’est possible qu’avec les outils qui nous en donnent la liberté et non pas avec les outils qui nous en privent, notamment les outils des GAFAM.

Dans Emancip’Asso, vous allez essentiellement trouver deux types de solutions :
un répertoire de prestataires pour pouvoir trouver plus facilement des gens qui vont vous accompagner dans votre asso, pour être accompagnés par des gens qui ont déjà accompagné d’autres assos à la transformation numérique
et une communauté pour faciliter l’échange et les bonnes pratiques.

Le projet est encore tout récent, je crois qu’il y a aujourd’hui 70 ou 80 prestataires dans Emancip’Asso.

On fait une sélection. Quand je dis « on », c’est un projet qui est co-porté, essentiellement par Framasoft d’un côté et Animafac qui est une tête de réseau du milieu universitaire et étudiant. Ce sont uniquement des prestataires qui ont déjà accompagné des assos dans leur transition numérique éthique. Vous avez un simple annuaire où vous cochez les cases pour dire « je cherche plutôt une entreprise qui va faire de l’élaboration stratégique et du conseil », « de l’assistance technique et de la maintenance », etc. Ça permet donc de retrouver, par exemple, une entreprise avec la description de la structure et les exemples de projets réalisés et vous pouvez ensuite, derrière, contacter la structure.

Ça, c’est la partie communautaire avec un forum pour échanger, pour dire « je recherche un prestataire » ou, évidemment, « je recherche un outil libre pour échanger par e-mail, pour communiquer, etc. ». L’idée, c’est que les gens puissent se retrouver ici pour dire demander « comment mon asso peut-elle mieux utiliser le numérique ? »

Vous avez aussi une base de ressources qui permet de retrouver facilement des outils soit pour les associations, donc, pareil, on va pouvoir cocher des critères, et d’autres pour les prestataires.

Framaspace

Le deuxième projet, vu qu’il ne reste qu’une dizaine de minutes, c’est Framaspace.
Framaspace s’adresse uniquement aux petites associations, quand je dis « petites associations » ce sont, en gros, les associations qui soit n’ont pas beaucoup de moyens soit pas beaucoup d’adhérents et qui n’ont pas les moyens de payer notamment une solution qui s’appelle Nextcloud [5], dont, je crois, il a déjà été question à plusieurs reprises, en tout cas en transparence, en filigrane, à plusieurs moments dans cette journée, aux RPLL. Nextcloud permet de gérer des fichiers, des agendas, etc.

Dans Framaspace, il y a à la fois un projet politique quand même assez ambitieux, qui est d’outiller un petit peu tous ces collectifs qui, aujourd’hui, utilisent plutôt Google Drive, Dropbox ou ce genre d’outil, en leur mettant à disposition un Nextcloud qui va être gratuit, en tout cas pas payant, pas payant dans le sens où, si vous en avez les moyens, vous êtes les bienvenus pour faire un don à Framasoft qui ne vit, quasiment, que des dons de particuliers, d’entreprises, un petit peu de fondations, mais ce sont essentiellement les dons de particuliers qui nous financent.
Du coup, on donne accès à un Nextcloud, plutôt aux petites associations. Quand je dis associations, ça peut être associations loi 1901, mais ça peut être aussi des collectifs de fait. Si vous êtes un collectif en formation, que vous n’avez pas encore créé d’association, mais vous avez besoin d’un espace cloud avant de créer votre association pour, par exemple, rédiger vos statuts ensemble, etc., Framaspace est une solution tout à fait adaptée pour cela.

On limite volontairement à 50 comptes utilisateurs maximum. Si vous avez besoin de plus de 50 comptes, on vous réoriente vers des entreprises classiques qui peuvent être des Scop, qui peuvent être des SARL, qui peuvent être d’autres associations, notamment du collectif qui s’appelle CHATONS [6], le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires, qui proposent aussi du Nextcloud.

Vous avez une limite maximum de 40 gigas de stockage pour l’ensemble des membres de l’association. Ça nous a semblé relativement suffisant pour travailler au sein d’une asso, partager des documents. Si vous êtes une asso qui fait des films, vous allez très vite arriver à la limite des 40 gigas, donc, en termes de stockage, ça ne vous conviendra pas et ça nous arrangera que vous ne stockiez pas vos films chez nous parce que, en termes de bande passante et de débit, ça va être un petit peu compliqué.

Nous sommes aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, je n’ai pas hésité à mettre une slide un peu plus technique sur la façon dont est construite notre infrastructure, en plus, je savais que la question serait posée.
On a une infrastructure qui nous permet, potentiellement, d’héberger jusqu’à 5 000 associations.
On a un cluster minio qui est répliqué, cinq serveurs avec quatre fois 16 téras chacun, puis répliqués dans un autre pays qui est la Finlande, les cinq premiers serveurs sont en Allemagne, les autres sont en Finlande, ce qui nous fait quand même un total utile de 192 téras de données qu’on peut gérer pour les associations.
Sur les bases de données, on a deux VM Postgres aujourd’hui et six VM sur un cluster Redis pour gérer un petit peu tout ce qui est cache.
Pour la bureautique, on n’a, pour l’instant, qu’une seule VM [Virtual Machine]. Évidemment, on peut augmenter le nombre de VM ou renforcer ces VM pour proposer deux suites bureautiques qui sont, là aussi, incluses dans chaque espace Framaspace : vous avez le choix entre OnlyOffice [7] et Collabora [8]. Par défaut, on propose Collabora qui est une suite, on va dire, dérivée de LibreOffice. Si vous préférez utiliser OnlyOffice, l’administrateur de l’espace Framaspace peut dire « je souhaite basculer sur l’autre solution qui est OnlyOffice » et c’est relativement transparent pour l’ensemble des utilisateurs.
Côté serveur web aujourd’hui on a deux VM avec du Ngnix en front ; c’est assez simple pour nous. On en a rajouté une il y a quelques mois et, si on a besoin d’en rajouter une troisième ou une quatrième, ce sera assez simple à déployer.
On a besoin d’une VM, ne serait-ce que pour la prévisualisation d’image, puisqu’à chaque fois que vous allez mettre une photo ou un document PDF, une miniature de ce document est faite. Ce document génère une petite image PNG, il faut calculer l’image, ça prend beaucoup de ressources en termes de temps de calcul et, du coup, on a dissocié cela du reste de notre infra.
Et on a une VM pour la journalisation, uniquement pour les logs, puisque, aujourd’hui, on héberge 1 200 assos, on a donc 1 200 instances Nextcloud qui tournent en parallèle, ça génère énormément de logs et, évidemment, on a déporté les logs ailleurs.

Si vous voulez plus d’infos techniques, mon collègue admin-sys, Luc, a fait une conférence aux rencontres Nextcloud, en juin dernier, je crois, à Paris, vous pourrez retrouver sa conférence en allant sur le site Sepia Search [9] qui est le moteur de recherche PeerTube développé par Framasoft ; en tapant « Framaspace », vous retrouverez la conférence.

Toujours sur l’aspect projet politique, le service se fait uniquement sur inscription, c’est-à-dire que nous faisons le tri dans ce qu’on accepte ou qu’on n’accepte pas. Framasoft est une asso a-partisane, mais qui est politiquement marquée, je vous laisserai deviner éventuellement de quel côté. On a, sur Framaspace, des associations, des syndicats, etc., mais si demain le syndicat de police Alliance nous demande un compte, je ne pense pas qu’on lui dira oui. Si le Rassemblement national, section locale, nous demande un compte, je ne pense pas qu’on lui dira oui, parce qu’il y a plein d’autres hébergeurs Nextcloud et, tant qu’à faire, ils peuvent choisir d’aller ailleurs, d’où l’intérêt, pour nous, d’avoir un service de pré-inscription. Nous sommes donc sortis, concrètement, de la liberté 0 du logiciel libre qui dit que le logiciel libre est disponible pour tout le monde, tout le temps, etc., en disant « nous allons quand même essayer de pousser les associations dont les valeurs sont en accord avec celles de Framasoft ». C’est un choix politique qu’on assume totalement.

On en est à 1138 instances Nextcloud créées.

On en a sous le pied, dans l’infrastructure, pour monter jusqu’à 5 000 instances ; notre objectif de départ est de 10 000, ça aura évidemment un coût conséquent, il faudra donc voir si on arrive à aller jusque-là, ça permet quand même de voir un petit peu loin. On a donc fait 10 % de notre objectif, ce qui est déjà pas mal, en un peu plus d’un an.

Sur l’adoption facilitée, on essaye de faire quelque chose qui manque cruellement, pour moi, dans la communauté Nextcloud qui est l’accompagnement : comment fait-on pour bien prendre en main ce logiciel qui est, malgré tout, encore un petit peu compliqué à prendre en main. On propose un forum, des tutos, des webinaires, etc.

Je vous disais que Framaspace ne vous pique pas de clients. Quand on a annoncé Framaspace, y compris des associations du collectif CHATONS sont venues me voir pour me dire : « Hou là, là ! Ça va nous empêcher. On comptait vendre du Nextcloud ! – OK ! Tu comptais le vendre à combien et à combien de personnes ? ». En fait, globalement, ça ne rapportait pas grand-chose. Sur un échantillon, je crois que c’était sur les 700 premières instances qu’on avait ouvertes, la médiane du budget annuel de ces assos était à moins de 4 000 euros. Donc concrètement, quand vous avez 4 000 euros par an au total, vous ne mettez pas 2 000 euros dans le projet numérique associatif, dans vos outils numériques, vous les mettez dans votre objet social.
On souhaite aussi éviter la percussion avec les entreprises qui proposent du Nextcloud en ayant quand même un petit peu réfléchi avant à ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas.
Dans ce qu’on ne fait pas et que vous ne trouverez pas sur Framasoft, c’est accueillir, par exemple, plus de 50 comptes. Sur Framaspace, aujourd’hui on ne propose vraiment que 50 comptes max. Si vous avez besoin d’un 51e compte, soit vous supprimez des comptes, soit vous allez payer un hébergement Nextcloud à une entreprise qui en propose, par exemple Isia que je vois, mais il pourrait y en avoir d’autres dans la salle, je ne vous connais pas tous et toutes.

On limite la typologie des structures, donc on ne retient que les assos et collectifs. Si vous êtes une entreprise, un parti politique ou, etc., globalement vous n’êtes pas les bienvenus chez nous, même les écoles. Pour les écoles, il y a un chaton qui s’appelle Zaclys [10], qui propose une offre pour les écoles.

Framasoft ne fait pas d’accompagnement individuel, on ne fait pas de support, on ne fait pas de hot disponibilité.

On ne personnalise pas : on vous fournit un Framaspace, tout le monde a les mêmes plugins et c’est tout. Si vous voulez un autre plugin, pareil, allez chez quelqu’un qui va vous faire payer, certes, mais qui vous permettra cette personnalisation et on redirige évidemment vers des chatons ou des entreprises, si vous rentrez pas dans le scope.

C’était à peu près tout ce que je voulais vous dire aujourd’hui. On peut trouver des conférences beaucoup plus en longueur sur l’histoire du projet, etc.

Framasoft ne vit que de vos dons…

Pour terminer, j’en profite pour dire que Framasoft ne vit que de vos dons, à 96 %, les 4 % qui restent, c’est un tout petit peu de prestations, mais, pour le reste, ce sont des dons de particuliers et d’entreprises, donc n’hésitez pas à faire un don. Merci. Je crois que j’ai à peu près tenu le temps.
Je ne sais pas si vous avez pratiqué des questions ou pas, parce que j’étais sur mon stand toute la journée. Pas de questions. Merveilleux, je peux boucler mon stand et rentrer chez moi.
Merci beaucoup.

[Applaudissements]