Bonjour à toutes et tous. Je m’appelle Pierre-Yves Gosset, je suis coordinateur des services numériques pour une association qui s’appelle Framasoft [1] et je suis salarié de cette association depuis beaucoup trop longtemps, 16 ans je crois.
C’est la merde
Je suis ici pour vous parler un petit peu de Nextcloud [2], de Framaspace [3] et des associations, mais je vais parler un petit peu politique puisqu’ici, à Pas Sage en Seine, c’est possible, voire recommandé, en vous disant que c’est quand même un peu la merde dans le monde : réchauffement climatique, des guerres, plusieurs, ça ne date pas que de l’Ukraine, il y en avait d’autres avant ; on ne traite pas forcément bien nos vieux ; on ne traite pas forcément bien les jeunes non plus d’ailleurs ; la précarisation de la société a plutôt tendance à augmenter ; les projets de loi se multiplient, là c’était sur la question des retraites et des pensions, mais je peux vous faire exactement la même aujourd’hui avec la question des indemnités chômage, comment est-ce qu’on peut les raccourcir, etc., il faut faire des économies messieurs-dames voyons ! ; toujours sur des questions écologiques ou climatiques, on est en train de niquer nos forêts à coups de coupes rases et de forêts de douglas qui pourrissent les sols, on arrive même à foutre le feu à l’océan, l’homme est capable de tout !
Dans le monde des assos, c’est aussi un peu la merde. C’est la merde à différents endroits.
Le premier qui vous vient peut-être à l’esprit c’est, évidemment, la question des financements. Je suis lyonnais, je rentre à Lyon ce soir, mon président de région c’est Laurent Wauquiez, je suis ravi !, qui, par exemple, a redistribué l’argent des associations écologistes aux chasseurs, qui a mis en place un certain nombre de politiques qu’on peut trouver absolument débiles, bien que la région Auvergne-Rhône-Alpes soit, selon lui, la région la mieux gérée de France.
C’est aussi la fin des emplois aidés dès l’arrivée de Macron, je crois que c’était 2017/2018. Ils ne sont pas totalement terminés, il est toujours possible, pour des associations, de prendre des personnes en emploi aidé, c’est-à-dire sur lequel l’État vient compenser, en partie, le coût du salaire, mais c’est devenu beaucoup plus compliqué ces dernières années.
Et, évidemment, je pense que vous en avez entendu parler, dans beaucoup de secteurs il y a une baisse des subventions qui fait qu’il est de plus en plus difficile de demander à l’État ou aux collectivités locales de soutenir le milieu associatif.
À côté de ça, on a des problèmes de dépolitisation du milieu associatif. Les exemples datent d’il y a quelques années, mais ils sont, pour moi, toujours assez représentatifs. Sarah El Haïry était, je crois qu’elle ne l’est plus, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel [en février 2024, ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles] qui, lors d’une intervention organisée par une association d’éducation populaire sur les rapports entre les jeunes et l’État, les jeunes et la police, etc., avait raconté, je cite : « Il faut aimer la police, car elle est là pour nous protéger au quotidien, elle ne peut pas être raciste car elle est républicaine. » C’est typiquement le genre de petite musique qui passe maintenant de plus en plus souvent.
Sur la partie droite vous avez, le préfet de la Vienne, là où agissait l’association Alternatiba [4], qui avait voulu supprimer la subvention à Alternatiba Poitiers qui organisait un événement dans lequel il y avait des ateliers de désobéissance civile. Finalement, cette subvention n’a pas été retirée, car la maire de Poitiers s’est battue pour que cette subvention soit maintenue et ça a été possible par le contrat d’engagement républicain [5]. Y en a-t-il, parmi vous, qui connaissent le contrat d’engagement républicain ? Quand même ! On est à peu près sur presque une moitié de la salle.
Pour celles et ceux qui ne voient pas ce que c’est, c’est un texte qui a été mis en place depuis 2021, issu de la loi séparatisme, donc, à la base, pour lutter plutôt contre le terrorisme, qui dit, en gros, que chaque association qui veut soit percevoir des subventions d’une collectivité ou de l’État, soit avoir des services civiques qui se sont peu à peu substitués aux emplois aidés, c’est-à-dire plutôt que d’aider à financer des postes de salariés associatifs, ce sont des services civiques, donc, souvent des jeunes inexpérimentés et quasiment pas payés qui viennent remplacer ce type de poste, eh bien il faut s’engager à signer un document qui engage l’association à sept points : respect des lois de la République, liberté de conscience, etc., donc des points qui paraissent, sur le papier, hyper chouettes, mais qui, dans la réalité sont tellement larges que l’interprétation qui peut être faite du respect ou du non-respect de ces points est extrêmement problématique.
Si vous ne signez pas ce document, depuis, je crois, le 1er janvier 2021, pas de subvention ! Pas de bras, pas de chocolat ! Pas de palais, j’ai envie de dire, pour ceux qui ont un rêve. Donc, les associations sont aujourd’hui considérées « ennemies de la République », tout simplement parce que les gouvernements successifs depuis Sarkozy, voire avant, en tout cas depuis Sarkozy c’est assez prégnant, ont pris conscience qu’elles étaient aussi un lieu de contre-pouvoir pour militer contre des politiques publiques qui peuvent paraître complètement débiles, donc ce texte-là. Par exemple, si jamais Framasoft voulait toucher une subvention, eh bien on s’engage à respecter les symboles de la République, à savoir le drapeau français, La Marseillaise et le slogan liberté, égalité, fraternité. Je suis Français, je suis très content d’être Français, cependant, je n’ai pas envie de signer un papier qui m’engage à ne jamais brûler un drapeau français. Je ne dis pas que je vais le faire demain, ce n’est pas du tout dans mon envie, c’est pas du tout dans l’envie de l’association Framasoft, mais nous voulons pouvoir rester libres de nos actions, donc, nous n’avons pas signé ce papier, donc pas de subvention !
Du coup, je précise que le préfet avait voulu retirer la subvention à l’association Alternatiba Poitiers sur la base qu’elle ne respectait pas les lois de la République vu qu’elle formait des gens à ce qu’est la désobéissance civile.
Deuxième point après le financement, la marchandisation.
Je vous présente le Contrat à impact social [6], un dispositif mis en place, là aussi, par le gouvernement Macron, Macron 1 ou Macron 2, Macron 1 je crois. Là, c’est le vrai dessin qui est sur le site du Contrat à impact social.
Comment ça marche ? Un besoin social est identifié, donc quelqu’un est dans la merde pour une raison x ou y ; un acteur social propose une solution, c’est-à-dire une association, la plupart du temps, répond à ce besoin ; des investisseurs privés financent ce programme, ça veut dire qu’au lieu de s’adresser à l’État l’association va maintenant s’adresser à des entreprises ; à partir du moment où ces investisseurs disent « OK, tu as besoin de 5000 euros pour ça, je vais mettre 5000 euros sur la table », un évaluateur indépendant – indépendant selon qui, selon quoi, tout est discutable – mesure les résultats du programme, en gros est-ce que les 5000 euros ont servi à changer quelque chose, oui/non, et si la réponse est oui, la puissance publique, c’est-à-dire l’État, rembourse l’investisseur, c’est-à-dire l’entreprise, en cas de succès.
Vous voyez le type de mécanisme politique qui est mis en place, aujourd’hui, au sein du milieu associatif pour mettre non seulement, parfois, en compétition des associations, les faire marcher. J’ai envie de dire qu’aujourd’hui on veut des associations qui se tiennent sages pour ceux à qui le film parle [7] – David, si tu nous regardes, coucou. Du coup, c’est un véritable problème, pour nous, de se dire que les associations sont aujourd’hui marchandisées et que en gros, finalement, l’État ne souhaiterait que des associations sportives, culturelles, etc., mais pas trop politisées, alors que les associations, et la société civile en général, sont un vrai apport pour la société.
Donc premier mème : « Signer un contrat à impact social non, faire vivre le contrat social oui ! » Je ne suis toujours pas un fan de Rousseau, mais tout n’est pas à jeter.
Du coup cascade, j’ai fait des animations avec LibreOffice, accrochez-vous parce que ce n’est pas vraiment mon boulot ; ne faites pas ça chez vous !
Vous avez donc, par exemple, du caca mondial, national ou perso, qui vous tombe dessus. Logiquement vous avez, a minima, deux filets de sécurité pour vous empêcher de finir mal, quel que soit ce mal : vous avez l’État avec les services publics, typiquement les services hospitaliers ou d’autres, et vous avez la société civile, que ça soit les syndicats, les associations, etc. C’est le principe.
Le problème c’est que la société civile passée aux filtres de la dépolitisation, du dé-financement, de la marchandisation et des attaques contre les libertés associatives, qui sont de plus en plus nombreuses, a évidemment de moins en moins de pouvoir.
Attention animation, ne riez pas ce sont des années de technique et de masterisation de LibreOffice, merci, n’applaudissez pas s’il vous plaît.
La vraie difficulté c’est, évidemment, que si vous avez moins d’État et moins de société civile moins d’État qui aide parce que plus d’État policier, ça, ça marche plutôt bien –, donc moins d’État qui aide, moins de services publics et moins de société civile, c’est-à-dire une ringardisation ou une dépolitisation des luttes sociales, eh bien vous avez beaucoup plus de chances de finir au fond de la corbeille humaine.
Donc, en tant qu’association, on se retrouve un petit peu devant deux choix : est-ce qu’on se vend aux entreprises ou est-ce qu’on se prosterne devant l’État ? C’est très compliqué de résister à ça. Je suis dans le milieu associatif depuis minimum 20 ans, peut-être 25 maintenant, et, pour discuter avec beaucoup d’associations autour de moi, elles se retrouvent vraiment devant ce dilemme-là, voire, parfois, il faut appuyer sur les deux boutons en même temps [Se vendre aux entreprises/Se prosterner devant l’État]. C’est extrêmement complexe.
Et alors, on fait quoi ?
Du coup qu’est-ce qu’on fait ?
Deux options, parmi d’autres qui sont tout à fait valables, tout à fait complémentaires et je ne juge pas que ce soit bien ou pas bien.
La première, on se lève et on se bat, donc la lutte qui peut aller jusqu’à l’affrontement physique ou on se lève et on se casse. Ce sont deux possibilités, il y en a heureusement plein d’autres, les modalités de lutte sont hyper complémentaires.
Côté Framasoft, pour ceux qui ont la blague Du côté de chez Swann, canard, coin-coin, j’ai remplacé les chatons par des canards dans cette conférence. C’est le cygne, je n’ai pas d’émoji « cygne », donc j’ai pris canard.
Du coup, la façon dont nous avons choisi un petit peu de réagir à ça, depuis maintenant 20 ans Framasoft, quel que soit le projet, suit à peu près ces quatre étapes :
- on essaye de rendre visibles les alternatives,
- de faciliter leur usage et leur découverte,
- on essaye d’aider à faire émerger des communautés, j’y reviendrai,
- et de participer à l’empuissantement des gens qui vont utiliser le numérique, alors à notre petite échelle, Framasoft ce sont 40 adhérents et adhérentes, ce n’est pas non plus ! Je connais des clubs de bridge qui ont plus d’adhérents que Framasoft.
Du coup, concrètement, notre choix, c’est souvent d’essayer d’outiller ce qu’on appelle la société de contribution. La société de contribution, c’est un petit rappel à ce que le philosophe Bernard Stiegler appelait « l’économie de la contribution ». La société de contribution, c’est une société qui veut mettre l’accent sur la collaboration et l’autonomisation, sur la mutualisation plutôt que l’individualisation, sur le fait de partager plutôt que de s’approprier, etc.
Pour ce projet-là, notamment autour des questions associatives, le choix a été fait d’essayer de proposer un projet autour de Nextcloud [1]. Est-ce qu’il y a des gens, dans la salle, qui ne connaissent pas du tout Framasoft ?, ce qui est tout à fait possible, mais pas à Pas Sage en Seine, d’habitude ! Donc zéro sur, on va dire, une quarantaine de personnes. Pardon ? Mille pour le stream, vous êtes 2000, plus un million, évidemment, en live ! Toi aussi mets des pouces en l’air !
Nextcloud
Nextcloud [1] est un logiciel libre qui permet de faciliter la coopération en ligne, on va dire, en termes d’alternative, par exemple à Google Drive, Google Apps, ou à Teams de Microsoft, ou, je pourrais même dire, à Dropbox sur la partie fichiers, etc.
Petite question à main levée — oui, vous allez participer :
qui ne connait pas du tout Nextcloud dans la salle ? Donc, sur une quarantaine de personnes, zéro ;
qui l’utilise régulièrement ? C’est marrant, vous êtes tous sur ma partie droite ; je dirais peut-être une dizaine, on va dire un quart ;
qui recommanderait Nextcloud ? OK, pareil, un gros quart, entre un quart et un tiers ;
qui peut me dire où je peux trouver de l’aide en français sur Nextcloud ? Trois personnes, deux et demie, une dit « oui, peut-être » ;
qui saurait me dire où je peux trouver des flyers, stickers, enfin de la documentation sur Nextcloud avec un stand Nextcloud par exemple ? Deux et demie ;
qui a déjà assisté, en live ou en visio, à une conférence, attention, grand public de Nextcloud ? Deux, trois, quatre, quatre sur quarante ;
qui a déjà contribué à Nextcloud, au code ? Zéro.
Et pourquoi ? Parce que Nextcloud ce n’est pas gagné, c’est relativement inconnu du grand public, je crois qu’on était à peu près entre un quart et la moitié, tout à l’heure, qui connaissait Nextcloud. On est quand même à Pas Sage en Seine, événement plutôt porté logiciel libre, autant vous dire que si on descend, dans la rue, à Choisy-le-Roi, si on pose la question à 100 personnes, si on dit « Nextcloud », on a de la chance si deux personnes, qui ne sont pas aujourd’hui à Pas Sage en Seine, qui répondent « oui, je connais Nextcloud. »
L’appli principale de Nextcloud s’appelle Files et, pour moi, elle est plutôt bof. J’ai un niveau d’évaluation qui est entre bof et, parfois, « à chier » ; on n’est pas sur du qualitatif ISO 9002 sur la qualification de si ça marche bien, ou pas, selon moi ;
l’ergonomie est parfois pas pire, parfois à chier dans Nextcloud ;
l’application Android, là aussi je suis hyper précis, ce n’est pas foufou et ça nécessite, en plus, notamment pour les calendriers et les contacts, une application complémentaire qui s’appelle Davx ;
et le code de Nextcloud est relativement imbuvable pour les moldus, ce n’est donc pas très étonnant que vous n’ayez pas contribué, si vous avez ouvert le code de Nextcloud, c’est un peu compliqué, d’autant que la codebase fait actuellement 226 mégaoctets pour 26 732 fichiers, autant vous dire que quand il faut aller mettre le nez dans Nextcloud, il faut savoir où commencer et par quoi commencer. En plus, une partie de cette base de code date d’il y a longtemps, Nextcloud est lui-même issu d’un fork qui s’appelait et qui s’appelle toujours ownCloud [8], comme LibreOffice est lui-même issu d’un fork, un logiciel qui s’appelle, je crois qu’il existe encore, rangé quelque part par la fondation Apache, Open Office.
Le rythme de développement est soutenu, mais il va plutôt dans une direction B to B.
Nextcloud est soutenu par une entreprise allemande qui s’appelle Nextcloud GmbH et on peut considérer qu’elle fait plutôt du bon boulot. Ils sont maintenant quasiment 100 employés chez Nextcloud et il n’y a pas énormément de développeurs, il y a beaucoup de commerciaux chez Nextcloud, ce qui est très bien, il en faut, il faut bien qu’ils gagnent leur croûte, mais, du coup, ils poussent forcément le développement de Nextcloud pour faire plutôt du B to B, donc, ça nous intéresse un petit peu moins. Nous voudrions plutôt nous intéresser aux utilisateurs et utilisatrices lambdas, voire aux associations.
L’interfaçage avec les suites bureautiques. Il y a deux suites bureautiques principales, une qui s’appelle Collabora Online [9] qui est issue, on va dire, du code de LibreOffice, et une autre qui s’appelle OnlyOffice [10] qui est développée par une boîte estonienne qui, elle, est alternative. Les deux ont choisi des technologies assez différentes et en gros, pour moi, l’interfaçage avec Nextcloud, ça « marchouille », là aussi, je ne suis pas hyper précis dans mes termes, mais parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, etc., c’est un peu le fonctionnement de Schrödinger, on ne sait pas trop.
En plus, il y a 200 applications qu’on peut rajouter à Nextcloud, autant vous dire que ça fait un paquet de plugins et on a tendance à s’y perdre.
Cependant, ce n’est pas pire, parce que Nextcloud est une solution qui est solide.
Il y avait 20 millions d’utilisateurs fin 2017, aujourd’hui, au doigt mouillé, selon l’institut la louche, le célèbre institut la louche, je dirais qu’on est entre 60 et 100 millions d’utilisateurs et d’utilisatrices de Nextcloud dans le monde, ce qui fait quand même un logiciel libre massivement utilisé.
C’est une solution qui est très riche en termes de fichiers, d’agenda, de contacts, il y a plein de choses dans Nextcloud et c’est plutôt une bonne chose, parce que ça permet d’avoir plein d’applications au sein du même logiciel.
Je n’ai pas précisé que ça fonctionne dans un navigateur, excusez-moi pour celles et ceux qui ne voyaient pas comment ça fonctionne, c’est vraiment quelque chose qui fonctionne en ligne.
Le fait qu’il y ait 200 applications, c’est bien, parce qu’on peut rajouter des fonctionnalités à Nextcloud pour ses besoins, par exemple, si on veut rajouter des sondages, une application de sondages dans Nextcloud, ça tombe bien, il y a une application de sondages.
Le client de synchro, c’est-à-dire le petit logiciel que vous pouvez télécharger et installer sur votre ordinateur pour que, quand vous rajoutez un fichier dans votre dossier, sur votre ordinateur, il soit automatiquement envoyé sur Nextcloud ; ou, à l’inverse, quand vous avez un collègue ou un copain de l’asso qui rajoute un fichier sur le Nextcloud, pouf !, le fichier est téléchargé sur votre ordinateur, c’est quelque chose qui fonctionne à peu près bien, il peut y avoir des problèmes. On l’a testé à plusieurs milliers d’assos, il n’y a pas trop de plaintes de ce côté-là. Il peut y avoir des problèmes, mais globalement, ça fonctionne.
Nextcloud est relativement simple à déployer, c’est du PHP SQL, on peut mettre du SQL, du MariaDb, même du SQLite, je crois. Donc, c’est relativement simple à déployer quand on sait faire.
Je vous disais que l’intégration « marchouille » avec OnlyOffice ou Collabora Online, mais, mine de rien, c’est mieux que juste ne pas avoir de suite bureautique en ligne, parce que, typiquement, je ne sais pas si vous avez déjà utilisé Framacalc [11], par exemple, un tableur en ligne proposé par Framasoft, il faut vraiment avoir envie ! En termes d’interface, en termes de fonctionnalités, c’est quand même tout pourri. Si vous utilisez OnlyOffice ou Collabora Online, vous avez l’équivalent d’un tableur, je veux dire d’un Excel en ligne, qui fonctionne, ma foi, très bien.
Framaspace
Il est temps que je vous parle de Framaspace [3], je finis par gagner du temps, c’est merveilleux !
Quel est l’objectif de Framaspace ?
C’est un projet qu’on avait en tête depuis longtemps, mais, techniquement, c’était beaucoup trop complexe à lancer il y a quelques années et puis on n’était pas sûr que Nextcloud soit le bon choix.
Le projet Framaspace [3], c’est la volonté de fournir jusqu’à 10 000 Nextcloud associatifs, de façon gratuite, en tout cas pas payante, vous pouvez faire un don et je vous encouragerai, évidemment, à faire des dons à Framasoft.
L’idée, c’est plutôt de servir des petites associations ou des collectifs militants.
Nous fournissons jusqu’à 50 comptes maximum par espace Framaspace et jusqu’à 40 gigas max par association ou collectif, qui sont partagés entre tous les utilisateurices de cet espace.
Gros avantage : la maintenance et les mises à jour sont gérées par Framasoft, ça veut dire que quand une nouvelle version de Nextcloud sort, c’est nous qui nous chargeons de mettre à jour les 1000, 5000, un jour, peut-être, 10 000 instances Nextcloud, ça veut dire que vous n’avez pas à gérer ça.
L’inconvénient, c’est que vous n’avez pas à gérer ça et, si la nouvelle version ne vous plaît pas, si vous voulez rester sur une ancienne version, si vous vouliez installer le plugin machin, truc, etc., eh bien non, vous ne pouvez pas modifier ou rajouter des applications par vous-même, c’est nous qui gérons et tous les espaces Framaspace qu’on propose sont les mêmes en termes de fonctionnalités.
Ce qui est plutôt une bonne chose : on vous propose les deux suites bureautiques et c’est l’administrateur de l’espace Nextcloud qui choisit si c’est Collabora ou si c’est OnlyOffice, donc, tous les membres de l’asso du même Framaspace vont utiliser ou Collabora ou OnlyOffice, mais on peut changer autant de fois qu’on le souhaite.
C’est sur pré-inscription. Pourquoi est-ce sur pré-inscription ? Je reviendrai tout à l’heure sur la question du coût, mais ça coûte cher à Framasoft puisqu’on vous le propose gratuitement et on ne voulait pas que la moindre start-up se dise « tiens, on n’a qu’à aller s’ouvrir un espace sur Framaspace [3], etc. » Et puis, vous avez compris qu’à Framasoft, on a un point de vue politique relativement situé, qu’on assume, et qui est, en fait, si jamais Génération identitaire ou le syndicat Alliance Police nationale venait s’inscrire chez nous, on n’a pas envie. C’est notre choix, c’est nous qui proposons les espaces, nous avons le droit de dire si vous êtes les bienvenus ou pas les bienvenus, c’est donc une entorse non négligeable à la liberté première du logiciel libre qui est « pas de discrimination » ; là, on fait une discrimination à l’entrée. N’importe qui peut utiliser le logiciel libre Nextcloud, donc, si Génération identitaire veut l’utiliser demain, ils peuvent le télécharger, l’installer, le mettre en place, etc., très bien. Du coup, on estime que ce n’est pas à Framasoft de soutenir et d’outiller des associations dont on ne soutient pas les valeurs ou, même, qui vont à l’encontre de nos valeurs. Donc, c’est uniquement pour les petites assos et collectifs. Vous avez 50 comptes max ; si vous êtes Greenpeace, pas la peine de demander un Framaspace avec 2000 comptes, ce sera non.
Qu’est-ce qu’on propose dans Framaspace ?
Évidemment une interface. Pour celles et ceux qui n’avaient jamais vu à quoi ressemble Nextcloud [1], vous avez vos fichiers en ligne, vous pouvez les organiser par dossiers, ces dossiers peuvent être partagés ou pas, avec des membres de l’asso ou publiquement à l’extérieur. On est sur quelque chose de relativement classique, mais de relativement complet aussi.
Vous pouvez utiliser Collabora ou OnlyOffice. Si, dans votre asso, vous utilisez Framacalc, n’hésitez pas à ouvrir un Framaspace, vous pourrez utiliser du Collabora Online ou du OnlyOffice, typiquement, en termes de tableur, c’est un petit saut qualitatif.
Vous pouvez utiliser, évidemment, des agendas partagés ou pas ; ça peut être votre agenda, ça peut être l’agenda entre collègues ou entre membres de l’asso, ça peut même être l’agenda de l’asso qui peut être rendu public et intégré dans votre site web, un Wordpress ou autre.
On propose aussi l’application Deck, qui est l’équivalente de Trello pour pouvoir faire du Kanban, c’est-à-dire, en gros, des Post-it pour organiser le travail, les activités, de l’association, etc.
On propose aussi Collectives, bien méconnu dans Nextcloud alors que c’est plutôt un chouette outil, qui permet de faire une base de connaissances ; en gros, c’est une espèce de wiki interne à l’asso, et, là aussi, vous pouvez rendre des pages publiques si jamais vous le souhaitez.
On propose aussi le plugin Talk de Nextcloud qui est à la fois du chat et/ou de la visio. Alors, très sincèrement, la visio sur Framaspace, deux personnes, ça va, trois pourquoi pas, au-dessus, utilisez par exemple Framatalk [12] pour faire une visio à plusieurs. N’utilisez pas l’outil interne, c’est quelque chose qu’on va renforcer dans les années à venir. Aujourd’hui, l’outil de visio va très bien à deux/trois, mais pas au-dessus.
Par contre, la partie chat fonctionne assez bien, même si, personnellement, je trouve que l’ergonomie est bien pourrie par rapport à celle d’un Mattermost. À Framasoft, on propose un service autour de Mattermost, qui s’appelle Framateam, une alternative à Slack, qui permet de faire du chat d’équipe et qui permet à des associations et à des membres de cette association de discuter entre elles et eux de façon assez simple.
Le projet politique est quand même très ambitieux. On est encore plutôt au début de ces objectifs.
- Donc faciliter l’accès à Nextcloud, notamment via la gratuité, parce qu’il y a beaucoup d’assos, je vais y revenir, qui n’ont pas beaucoup d’argent, qui, donc, n’ont pas les moyens, nécessairement, de financer des comptes Nextcloud derrière. On fait l’infogérance, on propose les suites bureautiques, etc.
- L’objectif numéro 2, c’est d’accroître la notoriété Nextcloud, puisque on a bien vu, tout à l’heure, quatre mains se lever. Comment fait-on connaître Nextcloud à l’extérieur de nos communautés, dans les pays francophones au sens large ?
- Comment est-ce qu’on impulse une communauté d’utilisateurs et d’utilisatrices Nextcloud francophone, parce qu’il y a une vraie communauté d’utilisateurices, notamment anglophones et germanophones, mais, aujourd’hui, si vous êtes un utilisateur ou une utilisatrice lambda de Nextcloud, vous allez galérer à trouver de l’aide sur « je n’ai pas compris comment on faisait le partage public », honnêtement, ça va être compliqué de trouver la réponse. Vous allez la trouver dans des tutoriels rédigés par, je ne sais pas, Coopaname [13] ou d’autres structures qui l’ont fait, mais il n’y a pas de communauté structurée. Alors que, pour moi, un commun, c’est effectivement, avant tout, une communauté, c’est aussi une ressource, une gouvernance ; pour l’instant il n’y a pas tout ça, en tout cas en francophonie.
- Et puis, l’objectif numéro 4 est encore plus politique, voire que politique, c’est comment on empuissante les structures hors marché, que ça soit les assos, les syndicats ou autres, en permettant de la diffusion. Nextcloud a une possibilité technique qui s’appelle la fédération : on peut faire parler un Nextcloud de l’asso Extinction Rebellion avec un Nextcloud du syndicat Solidaires et ça fonctionne assez bien : on peut partager des dossiers, etc., alors qu’on est chacun dans son espace, on peut partager des informations. Pour moi, c’est une vraie force de pouvoir faire travailler les assos non seulement en interne avec du numérique émancipateur et éthique, etc., mais, en plus, leur permettre de travailler en inter assos.
On fait le bilan. Le projet est sorti en novembre 2022, on est donc, en gros, à 18 mois d’usage.
J’ai pris quelques exemples publics de structures, j’y reviendrai.
Aujourd’hui on est à 1130 Nextcloud gérés par Framasoft, ça commence à faire du monde, et plein de structures n’ont pas rendu public le fait qu’elles utilisent Framaspace, donc je ne vais pas parler de ces structures, mais voilà des exemples :
Les petits pois sont verts à Clamart : « Nous souhaitons imaginer et construire un mode de vie solidaire et respectueux de l’environnement, etc. Nous prônons l’usage du numérique libre et sobre, nous utilisons des outils Framasoft, Framapad, etc. » Donc, ce sont des gens qui utilisent, aujourd’hui, un Framaspace.
Autre exemple d’association : Cavaliers Au Long Cours, une association francophone regroupant des adhérents. « Notre objectif est le développement du voyage au long cours avec un animal – cheval, âne ou mulet – monté et/ou bâté. L’idée c’est de développer le voyage au long cours avec un animal.
D’autres types d’exemples : on a des dizaines et des dizaines d’AMAP [Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne], un planning familial, des assos d’éducation populaire, etc. C’est vraiment la typologie assez classique des associations qu’on a sur Framaspace.
Sur la répartition des structures, vous avez en vert les syndicats. Aujourd’hui, on doit héberger une cinquantaine de syndicats, on ne prend pas les syndicats nationaux, par contre les antennes locales des syndicats peuvent demander l’ouverture d’un Framaspace ; aujourd’hui, pour nous, c’est OK. Après, encore une fois, si Alliance vient nous voir, on lui dira probablement non, mais, les autres, n’hésitez pas.
Vous avez, en jaune, la plus grosse partie, qui sont, évidemment, les associations loi 1901. Vous avez un petit peu d’associations loi 1907 qui sont les associations cultuelles, ne pas confondre avec les associations Alsace-Moselle.
En rose, vous avez les associations de fait, c’est-à-dire les associations qui ne sont pas encore déclarées ou qui ne souhaitent pas être déclarées et ça nous semblait important de pouvoir les accueillir. Si vous êtes le collectif queer de Choisy-le-Roi, vous n’avez pas forcément envie de créer une association, vous pouvez très bien être juste une bande de potes et vous dire « on a besoin d’un outil numérique, mais on n’a pas déclaré d’asso », vous pouvez quand même demander un Framaspace.
Les secteurs, ça va être difficile à lire, mais je vais vous donner juste les quatre premiers. C’est cumulatif, parce que, quand les gens remplissent le formulaire, ils peuvent dire de quel secteur relève leur association, c’est donc déclaratif, et ils peuvent cocher plusieurs cases.
La première c’est éducation/formation ; la deuxième c’est environnement ; ensuite vous avez culture et ensuite vous avez social. Ce sont vraiment les quatre thématiques qui reviennent le plus souvent. Après vous avez amical, entraide, loisirs, autres, défense des droits fondamentaux, activité politique, économie, sport, santé, recherche, justice, activités spirituelles ou philosophiques et enfin le tourisme. Il n’y a donc pas beaucoup d’associations touristiques sur Framaspace, ça m’arrange, ce ne sont pas forcément les associations les plus politisées, elles sont, malgré tout, les bienvenues, la question n’est pas là.
Sur les années de création, ce sont des associations plutôt récentes ; mon échantillon était basé sur 700 associations, aujourd’hui on en a quasiment le double. Il faudrait que je refasse les statistiques, mais ça prend un peu de temps, donc je ne les ai pas refaites.
Vous avez, en gros, une médiane que vous voyez ici, qui est en 2017 : en gros, 50 % des assos sur Framaspace ont été créées après 2017 et 50 % avant. On en a même une qui date de 1929, je ne sais plus, quelques années après la loi 1901, donc, parfois, des associations, notamment d’éducation populaire, qui peuvent être très anciennes.
En termes de nombre de salariés, l’immense majorité a zéro salarié, ça tombe bien, c’est le public qu’on cherche plutôt à toucher. Quelques assos ont un, deux, trois, quatre salariés et puis voilà.
Sur le nombre de membres, donc d’adhérents et d’adhérentes à l’association, c’est plutôt bien réparti entre les assos type et les syndicats, on est, en gros, à 25/30 membres sur la médiane : la moitié des assos a moins de 30 membres, la moitié des assos hébergées sur Framaspace a plus de 30 membres.
Le nombre de bénéficiaires.
Quelques assos se surestiment un peu, des assos qui disent « on touche un million de personnes », ce sont, parfois, les syndicats. On ne fait pas la différence entre l’antenne locale qui va dire « on touche réellement 300/400 personnes, peut-être 1000 ou 2000 », je dis pas, mais « on touche un million de personnes parce qu’on est Sud PTT du Rhône », non ! Vous ne touchez pas nécessairement un million de personnes, mais, encore une fois, c’est déclaratif, je n’ai pas retouché les chiffres.
En gros, 50 % des assos ont moins de 100 bénéficiaires.
Enfin sur le budget annuel, parce que la question qui viendra sans doute tout à l’heure c’est : est-ce que vous ne faites pas de la concurrence, quand même un petit peu, aux entreprises qui vendent du Nextcloud ? Ma réponse est non, puisqu’on voit assez bien que la médiane du budget annuel des gens qui ont un espace sur Framaspace est de moins de 4000 euros à l’année. Concrètement, ce ne sont pas ces gens-là qui vont mettre 500 ou 1000 euros par an. On ne met pas un quart de son budget pour ses outils numériques, c’est assez rare, en tout cas je n’en connais pas beaucoup qui font ça, à part les assos libristes.
La suite du bilan, même la fin du bilan, c’est que ça marche et qu’on en est plutôt bien contents. Là on est à 1130 espace activés, je crois, mon chiffre date d’il y a quelques jours, ça veut donc dire qu’on gère quand même plus de 1000 instances Nextcloud, ce n’est pas hyper simple techniquement, mais ça marche très bien.
Pour l’instant, on a des retours très positifs des gens qui l’utilisent. Souvent, il y a un biais du survivant, c’est-à-dire que les gens qui ne sont pas contents ne viennent pas forcément nous le dire. Je me base sur les retours qu’on a.
On a fait plusieurs mises à jour majeures qui ont très bien fonctionné et, pour qui gère du Nextcloud, ce n’est pas toujours très simple, donc ça marche.
Et on a une infra qui tient la route.
L’objectif, je reviens dessus, il est de développer le pouvoir d’agir des associations au sens large, associations déclarées ou associations de fait ;
surtout de retrouver de la cohérence entre les outils et les actions, puisqu’on a beaucoup d’assos, comme je vous montrais tout à l’heure, de la transition, des assos politisées, des syndicats, etc., et je ne suis pas sûr que dans les valeurs de ces assos il y ait « utiliser les outils des GAFAM ». La difficulté, derrière, c’est ce qu’elles peuvent trouver comme alternatives et où elles peuvent les trouver. Donc, c’est comment on retrouve de la cohérence entre les actions et les valeurs de son association et les actions et les outils qu’on utilise au quotidien ;
redonner aussi de la confiance et de la légitimité, c’est un peu mon dada, c’est essayer de faire relever un peu la tête aux assos qui, en ce moment, vont mal, je l’ai démontré. S’il y en a qui me disent que les assos vont bien, on va avoir ce débat, pas de problème, je suis tranquille là-dessus ;
le fait de dire que c’est une asso qui héberge d’autres assos, je pense que c’est hyper important. On pourrait être une Scop, un machin, etc., c’est bien, ça aurait été chouette, etc., mais je trouve que c’est hyper important que les assos puissent s’entraider les unes les autres et je trouve que dire, quand on est dans une asso, justement une AMAP, « on va plutôt utiliser les services d’une asso – que ce soit Framasoft, IndieHosters [18], ou ce que vous voulez – plutôt que ceux d’une entreprise », je trouve que ça permet un petit peu de relever la tête et c’est hyper important, en ce moment, de pouvoir relever la tête ;
c’est aussi accompagner la montée en compétences. En ce moment, on a pas mal de choses en cours sur la façon de mieux accompagner les gens à utiliser Nextcloud, ça va prendre plusieurs années ;
je vais accélérer un petit peu, juste pour dire comment on fait passer cette société civile, qui s’était réduite à une société civile, qui se sent en capacité de réoccuper un espace qu’on essaye de lui faire perdre ; quand je dis « on », ce n’est pas Framasoft, c’est plutôt l’État, les entreprises, etc.
Techniquement.
À Pas Sage en Seine, je pense que ce sont forcément les choses qui vous intéressent le plus, mais ce n’est pas l’objet de la conférence.
Je vais au dernier point. Je vous encourage à aller chercher, sur le moteur de recherche Sepia Search de PeerTube, géré par Framasoft, vous tapez « Framaspace », vous allez tomber sur différentes conférences dont celle faite par Luc Didry et Thomas Citharel qui ont mis en place l’infrastructure technique.
Du coup, je peux quand même donner quelques chiffres et quelques infos.
On a, aujourd’hui en gros, entre 15 et 20 machines qui servent à Framaspace.
Une partie de ces machines sont des VM [machines virtuelles], ce ne sont donc pas des serveurs physiques, par contre, on a vraiment des serveurs physiques, notamment pour le stockage.
Aujourd’hui, le stockage nous permet d’accueillir jusqu’à 5000 assos qui utiliseraient leurs 40 gigas, autant vous dire qu’on en a encore sous le sous le pied, si jamais des gens veulent créer des comptes Framaspace, normalement on a encore de quoi faire.
On a un cluster minio avec cinq serveurs dédiés de 4 X 16 téras. Ce cluster est répliqué ailleurs, dans un autre pays avec, pareil, 4 X 16 téras, donc de la réplication.
Avec le raid, la réplication et la façon dont minio gère la redondance, on arrive à 192 téras utiles de stockage.
Sur la base de données, on a, aujourd’hui, deux VM Postgres plus du Redis notamment pour gérer le cache.
Sur la bureautique, on gère sur une VM, pour l’instant, mais il va en falloir de plus en plus parce que les VM OnlyOffice et Collabora, c’est très gourmand.
On vient de rajouter un serveur web.
On avait une VM avec du ngnix, on en a deux maintenant et on peut en rajouter autant que nécessaire.
On a une VM avec un logiciel qui s’appelle Imaginary, qui permet de faire les miniatures : quand vous déposez une photo, la photo est réduite, ça consomme beaucoup de temps de calcul, du coup, on a déporté ça sur une VM à part.
Et enfin, on a aussi déporté sur une VM à part les logs, parce que 1000 instances Nextcloud, ça pond du log de façon relativement conséquente, il vaut donc mieux les mettre à part.
Il y a aussi le pari politique.
Le choix volontaire et assumé de privilégier les assos et les collectifs militants. Typiquement, il y a des syndics de copropriété, ce n’est pas forcément hyper militant et, d’un autre côté, le fait qu’un syndic se dise « je vais utiliser un outil libre pour discuter ensemble de comment on gère notre immeuble », on trouve que ça a carrément du sens.
Le choix de la gratuité est volontaire et assumé, parce que, même chez les chatons [14], il y aura peut-être la question, c’est assez rare que du Nextcloud soit proposé gratuitement, or, le prix ne devrait pas être, selon nous, selon Framasoft, un frein au fait de pouvoir accéder à du logiciel libre. Or, Nextcloud coûtant cher à maintenir et à déployer, c’est devenu un frein, du coup les gens restent chez Google Drive parce que c’est gratuit. Donc, si on veut proposer une alternative, que cette alternative est payante – je suis pour rémunérer les gens, que ce soit très clair, je suis moi-même rémunéré par une asso –, si on ne propose que des choses payantes, les gens vont rester chez ceux qui ont la capacité financière de proposer les choses gratuitement.
Enfin « Changer le monde un octet à la fois », qui est un des slogans de Framasoft, c’est très bien, mais notre point de vue est aussi que outiller celles et ceux qui changent le monde, c’est encore mieux.
Le pari financier.
Combien ça coûte tout ça ?
Là encore, je ressors l’institut la louche, c’est à la très grosse louche, il y a eu, en gros, 30 000 euros d’investissement essentiellement en développement sur l’année 2022, parce qu’il fallait écrire et développer les outils et faire les tests techniques : est-ce qu’on choisit telle ou telle solution technique, etc. donc il y a eu beaucoup de temps, mais il y a eu très peu d’hébergement en 2022. Sur l’année 2023, c’est un peu l’inverse, il y a beaucoup moins de temps de développement, voire très peu, par contre, l’infrastructure technique coûte, en gros, 2000 à 2500 euros par mois, aujourd’hui, à Framasoft.
Donc, pour chaque espace qu’on ouvre et qu’on offre aujourd’hui à une association, ce sont 60 euros que Framasoft sort de sa poche. C’est évident que quand on aura 2000 ou 3000 assos, ça coûtera un peu plus cher en infra, mais la courbe n’est pas linéaire, donc, globalement ce prix devrait baisser à terme.
Ce n’est pas comme si le public qu’on vise était riche, j’ai dit que c’est 4000 euros, en moyenne, de budget annuel pour les assos qu’on héberge, donc elles n’ont pas beaucoup d’argent à nous donner ;
ce n’est pas comme si l’inflation et la crise économique ne faisaient que commencer et on sent que ça va être compliqué dans les années à venir ;
et ce n’est pas comme si Framasoft avait eu un résultat négatif de moins 25 000 euros en 2023, donc en gros, le coût de l’infra de Framaspace ;
et ce n’est pas comme si j’essayais, subtilement, de vous inviter à nous faire des dons, vous pouvez si ce n’est pas déjà fait ; on perd des gens qui font déjà des dons à Framasoft.
Ma conclusion, tirée de Cyrano de Bergerac parce que, apparemment, c’est toujours bien d’avoir des références littéraires : « Que dites-vous ? C’est inutile, je le sais, mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès, non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile. »
Merci.
[Applaudissements]
Questions du public et réponses
Il reste un petit peu moins de dix minutes pour des questions/réponses et je reste là encore un petit peu après ; j’assisterai sans doute à la conférence de Pablo [15]. Si vous avez des questions, il y aura encore des gens de Framasoft.
Public : Merci pour cette conférence. Juste, peut-être, une petite remarque. Au début, quand tu disais que sortir pour demander aux personnes si elles connaissent Nextcloud, c’est vrai qu’elles ne connaissent pas forcément Nextcloud, mais je pense que beaucoup l’utilisent sans le savoir.
Pierre-Yves Gosset : Oui, c’est possible, tout à fait, dans un lieu public, par exemple.
Public : Exactement. Dans le public il est beaucoup installé, on appelle ça plutôt un cloud, sans savoir que, derrière, il y a du Nextcloud.
Une question. Tu n’as pas eu le temps d’en parler un tout petit : as-tu eu des retours de chatons disant que « d’accord nous, on propose des espaces à dix euros et toi, Framaspace, le propose à zéro euro. »
Pierre-Yves Gosset : Tout à fait, c’est une très bonne remarque, je te remercie de l’avoir posée. Regarde comme j’avais anticipé, j’avais la slide supplémentaire exprès pour cette question.
Donc CHATONS, pour situer pour les gens qui ne connaîtraient pas, c’est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires que Framasoft a impulsé en 2016 et qui, aujourd’hui, héberge, en gros, 80 structures qui proposent des services alternatifs à ceux des GAFAM, et une partie des chatons propose du Nextcloud. Comme ça leur coûte de l’argent de proposer du Nextcloud, souvent ça va être avec une adhésion à l’asso, je vais dire, par exemple, 40 euros par an et on a un compte Nextcloud, proposé par le chaton. Encore une fois, il y a 80 chatons, en France, au Québec, je crois qu’il y en a maintenant en Suisse, il y en a en Belgique, etc.
C’était une vraie question. Je te rassure, on va dire que je suis l’initiateur du Collectif, donc je suis quand même allé leur parler plusieurs fois pour leur dire ça. Ils m’ont regardé avec des grands yeux, l’air de dire « putain, tu fais chier, on propose ça aux assos et, forcément, ça a un coût pour nous et vous, vous arrivez avec vos gros sabots et vous le proposez gratuitement ». C’est tout à fait juste. Cependant, pour moi, la question, c’est celle de l’objectif et, pour moi, l’objectif ne peut pas être d’attendre que les chatons soient en capacité d’héberger.
Je vais retourner la question : aujourd’hui Framasoft héberge 1130 Nextcloud, on peut en accueillir encore 1000 sans difficulté, dans les mois qui viennent, ça représente probablement 10 fois ou 20 fois ce que l’ensemble des autres chatons hébergent en Nextcloud, à part, peut-être, Evolix [16] et Zaclys [17] qui sont deux structures, mais je pense qu’on a aujourd’hui plus de Nextcloud que n’en a Zaclys, qui existe pourtant depuis longtemps et qui fait du très bon travail.
L’idée c’est d’éviter la percussion, évidemment. On limite le nombre de comptes, ça veut dire que pour des structures un peu plus grosses, associatives ou entreprises, on ne vient pas en concurrence typiquement avec Evolix qui est un chaton, qui est aussi une entreprise qui propose du Nextcloud.
On se limite aux assos et collectifs, donc on ne va pas héberger d’individus, on ne va pas héberger d’entreprises.
On fait des préinscriptions.
Si des gens disent « je suis chez le chaton machin et je veux venir chez Framasoft », la plupart du temps on dit non et on compte sur l’honnêteté des gens pour nous le dire, il y a une case à cocher.
On ne fait pas d’accompagnement individuel, ce que font souvent les chatons, on ne fait pas de support du tout, normalement ; il y en a sur le forum, c’est de l’entraide, mais si vous écrivez à Framasoft pour dire « je voudrais savoir comment partager mon fichier », on ne répondra pas, en tout cas pas sur le temps salarié.
On ne garantit pas que ça marche en permanence.
On ne fait pas de personnalisation, ce que rajoutent souvent les chatons, typiquement IndieHosters [18] est un chaton qui propose du Nextcloud, du coup, si vous les contactez, que vous dites que vous voulez un Nextcloud pour ajouter tel ou tel plugin, ils peuvent le faire, par contre c’est à prix libre et conscient, je crois, c’est à négocier avec eux et c’est normal que vous les payiez puisqu’ils sont en capacité de vous donner le pouvoir de rajouter des plugins sur votre Nextcloud. Nous, on ne le fait pas. Vous voulez le plugin machin et il n’existe pas dans Framaspace ?, c’est tant pis pour vous, allez ailleurs, ça nous va très bien. Si on arrive à maintenir 1130 Nextcloud aujourd’hui, c’est parce que ce sont tous les mêmes.
Et on redirige, en plus, vers les chatons ou les entreprises si jamais Framaspace ne correspond pas à leurs besoins.
J’ai donc tous ces arguments-là, mais pour moi, le principal, c’est en attendant que les chatons arrivent à proposer une offre qui scale, qui passe à l’échelle, je suis désolé de l’anglicisme, eh bien, pour l’instant, les gens vont chez Google Drive. Pour moi, c’est un choix à faire entre le pragmatisme, on en parlait tout à l’heure : est-ce qu’on veut que les gens utilisent Nextcloud ? Oui. Si le prix est un frein à l’entrée, si c’est une barrière à l’entrée, pour moi, nous devons, collectivement dans le Libre, lever cette barrière à l’entrée. Aujourd’hui, Framasoft est probablement la seule association capable, techniquement, d’organiser la gestion de 1000 Nextcloud. Donc, est-ce qu’on le fait ou est-ce qu’on ne fait pas ?
Je précise que, pour moi, il ne s’agit pas de prendre une part du gâteau, puisqu’on ne vend rien, il s’agit plutôt d’augmenter la taille du gâteau.
Public : On a pris un Nextcloud chez vous, on veut déménager chez quelquun d’autre, quelle facilité ?
Pierre-Yves Gosset : Très simple, alors très simple ! Il y a des choses que tu perdras, typiquement les partages. Par exemple, si tu es sur toto.framaspace.org, que tu avais partagé un lien public, donc toto.framaspace.org/quelque chose, si tu déménages par exemple chez Zaclys, chez IndieHosters, chez Pâquerette [19], je ne vais citer pas tous les chatons, ils sont 80, je ne les ai pas tous retenus de tête, nécessairement ton URL va changer et ton fichier ne sera plus disponible. Il va donc falloir essentiellement migrer les fichiers, l’agenda, les contacts et c’est relativement simple, mais il faut y aller étape par étape, c’est-à-dire que ce n’est pas du presse-bouton, ce n’est pas en poussant un bouton que tu vas migrer de chez Framaspace à IndieHosters, d’ailleurs l’inverse ne fonctionnerait pas non plus. Tu vas récupérer tous tes fichiers en local, tu les mets de côté ; tu vas aller ouvrir ton compte par exemple chez IndieHosters ou chez Pâquerette, où tu veux, et puis tu renvoies tes fichiers qui sont en local, sur ton disque, en ligne.
Pour l’agenda tu vas aller sur ton Framaspace, tu vas télécharger les agendas, il y a un bouton « exporter l’agenda », tu récupères le truc sur ton disque, tu te connectes sur l’autre espace et tu remets en ligne ton agenda, etc., pour chaque application.
Il faut donc prévoir un petit peu de temps pour le faire, par contre, vos données sont vos données.
Il va juste falloir recréer les partages, il va falloir recréer les comptes ; c’est un peu chiant, je ne dis pas le contraire. On est en train de travailler. En ce moment on a un stagiaire à Framasoft, Val, qui travaille, justement, à décrire le processus de migration, ça veut dire écrire un script. Il y a déjà un plugin qui s’appelle User Migration, qui permet de faire, normalement, la migration, sauf que maintenir ce script c’est sans fin parce que les versions de Nextcloud changent, etc. On trouve donc beaucoup plus intelligent de décrire le processus étape par étape : « Bonjour. Vous avez votre compte chez Framaspace. Allez vous créer un compte ailleurs, puis téléchargez vos fichiers, une fois qu’ils sont là, reconnectez-vous sur l’autre espace, puis resynchronisez les fichiers, etc. »
Donc oui, c’est possible, vous n’êtes absolument pas enfermé chez Framaspace, quoi qu’il en soit, par contre, il va falloir recréer des choses si vous migrez.
Public : Bonjour. Merci. J’ai deux questions. La première : vous avez parlé de fédérer deux spaces sur le même serveur, est-ce que c’est possible de fédérer le space d’un collectif qui est chez vous avec un autre Nextcloud ?
Pierre-Yves Gosset : Oui, la fédération fonctionne assez bien chez Nextcloud. Il faut que ça soit accepté des deux côtés, mais oui, sans problème.
Public : OK. Super. La deuxième question c’est : quelles métadonnées ou données vous avez et comment vous situez-vous vis-à-vis du RGPD [Règlement général sur la protection des données] ?
Pierre-Yves Gosset : Framaspace est le seul service Framasoft RGPD conforme.
Je n’ai pas de problème à dire qu’on fait des efforts sur les aspects RGPD. Aujourd’hui, Framasoft ce sont maintenant 17 services en ligne, vous allez apprendre, dans 15 jours, qu’on va en ouvrir des nouveaux, donc on va probablement repasser à 20 ou 30 services en ligne qui sont mis à jour régulièrement, dans lesquels les bases de données, changent, etc. On ne maintient pas un service, on en maintient des dizaines, on a deux millions d’utilisateurs et d’utilisatrices par mois sur les services Framasoft. Le RGPD est un processus long et douloureux chez nous, sur lequel on avance. On essaye de faire en sorte que ça se passe bien.
Framaspace, est le seul service sur lequel on est vraiment conforme, puisque chaque personne qui va se créer un compte sur notre Framaspace s’engage à respecter des conditions générales d’utilisation. Nous jouons notamment le rôle d’hébergeur, donc nous ne sommes pas responsables, au premier chef, des données qui seraient partagées, notamment des données personnelles, c’est l’administrateur de l’espace. Par exemple si, dans un tableur, il met les noms et numéros de téléphone des adhérents, c’est cette personne-là qui est responsable ; si cette personne-là ne répond pas à une requête RGPD relativement standard, la requête peut effectivement nous être redirigée et, à ce moment-là, on agit, si la personne doit répondre dans un temps relativement bref.
Il y avait une deuxième question, je crois que c’était, en gros, qu’est-ce qu’on fait des métadonnées.
On a un paquet de métadonnées. Je précise que, normalement, Nextcloud permet de chiffrer les fichiers, les communications, etc. Nous n’avons pas activé le chiffrement pour différentes raisons, il y a des raisons de puissance de calcul, etc., qui est un peu plus lourde, forcément, mais on ne chiffre pas pour le support. Vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui dient « j’ai perdu tel fichier, on a effacé tel fichier, on voudrait le récupérer ». Si c’est chiffré, c’est chiffré, on ne peut pas le récupérer tel quel, surtout sur des clusters en minio, pour ceux à qui ça parle, le stockage S3 n’est pas le truc le plus simple pour aller manipuler du fichier.
Donc, la réalité c’est qu’on ne chiffre pas. Quelqu’un qui va déposer, par exemple, une photo sur son espace Framaspace, cette photo contient des métadonnées, nous avons accès aux métadonnées. Je n’ai pas précisé, parce que tout le monde, dans la salle, connaissait Framasoft, que notre engagement est de faire zéro exploitation de vos données à des fins commerciales ou autres, etc. ; on peut avoir accès à vos données uniquement pour des questions techniques, typiquement pour récupérer un pad que vous auriez perdu ou un fichier Nextcloud que vous auriez perdu.
Public : Petite fiction : je suis une association de 49, qui a un Framaspace, et on tombe à 50 puis 51. Qu’est-ce qui se passe ?
Pierre-Yves Gosset : Tu ne peux pas créer le 51e, du coup tu anticipes, en tant qu’asso, tu te dis « zut on n’a plus de compte ». Du coup, c’est « démerdez-vous » entre guillemets. On propose jusqu’à 50 comptes, tu es à 49, tu te dis « il y a deux nouveaux adhérents, on voudrait leur donner leur espace ». Soit des gens avaient accès au Framaspace mais ne l’utilisaient pas, vous leur refilez les comptes, vous détruisez les deux comptes et vous en recréez deux nouveaux, soit vous partez ailleurs.
Public : On forke l’asso.
Pierre-Yves Gosset : C’est votre problème, démerdez-vous, ce n’est pas mon caca, c’est 50 comptes.
Public : Du coup vous touchez combien de personnes ?
Pierre-Yves Gosset : Aujourd’hui, la moyenne du nombre de comptes actifs par espace est de quatre, ce qui est quand même relativement faible. Si on est toujours sur cette même moyenne aujourd’hui, on doit être aux alentours de 5000 et quelques comptes, ce qui n’est pas énorme sur l’ensemble des espaces, la difficulté c’est plutôt de gérer 1100 instances Nextcloud sur une infra ; ça représente pas mal de puissance derrière.
Je crois que c’est tout pour moi parce qu’il y a d’autres conférences.
Merci beaucoup.
[Applaudissements]