Le logiciel libre : des enjeux pour tous, des atouts pour les professionnels - T. Stoehr et J.C. Becquet

Titre :
Le logiciel Libre : des enjeux pour tous, des atouts pour les professionnels
Intervenants :
Thierry Stoehr (Aful) - Jean-Christophe Becquet (April)
Lieu :
Libday - Marseille
Date :
Octobre 2014
Durée :
47 min 03
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Licence de la transcription :
Verbatim

Transcription

Jean-Christophe Becquet : Jean-Christophe Becquet, je suis le vice-président d’April. L’April [1] est une association de 3500 membres qui a pour objectif la promotion et la défense du logiciel libre, en France et dans le monde francophone. L’introduction qui a été faite est parfaite pour le propos que j’avais prévu de tenir ce matin puisque, effectivement, moi je suis venu pour vous parler d’éthique. Dans cette journée vous allez parler beaucoup d’open source ; moi je suis venu pour vous parler de logiciel libre. L’open source, c’est une vision technique, pragmatique, organisationnelle du logiciel libre. C’est un peu de dire, finalement, les méthodes de développement du logiciel libre, comme ce sont des méthodes efficaces, comme ça marche bien et que ça fabrique des bons logiciels, utilisons-les.
Le logiciel libre c’est juste le projet de changer le monde. Le logiciel libre c’est une vision plus globale que juste fabriquer des logiciels, et Richard Stallman, qui posé les préceptes du logiciel libre en 1983 — donc ce n’est pas un concept ultra récent le logiciel libre, c’est quelque chose qui a infusé, qui a maturé — disait que si la liberté informatique est si importante c’est parce qu’aujourd’hui, comme il y a de l’informatique partout, en fait toutes les libertés dépendent de la liberté informatique. Aujourd’hui, dans tous les actes de notre vie quotidienne, que ce soit nos actes citoyens, nos actes de père de famille, nos actes professionnels, on utilise de l’informatique. Quand on démarre notre voiture, le matin, on utilise de l’informatique ; on se faisait la plaisanterie en montant à l’étage : quand on monte dans l’ascenseur, on utilise de l’informatique. Et donc cette informatique a une incidence sur tous les actes de notre vie quotidienne, et c’est ce qui faisait dire à Richard Stallman qu’en fait la liberté informatique n’est pas plus importante que les autres libertés, c’est juste que toutes les autres libertés en dépendent. Toutes nos communications, aujourd’hui, dépendent de l’informatique. Et donc, c’est ce dont je suis venu vous parler ce matin avec Thierry.
Thierry Stoehr : Bonsoir à toutes et à tous. Je m’appelle Thierry Stoehr. Désolé, la photo ne correspond plus vraiment, voilà. Il y a des problèmes de mise à jour, mais ça ce n’est pas grave du tout. Et désolé aussi si vous attendiez — et en s’étant mis d’accord, mais sans s’être pour autant consulté, ça paraît surprenant mais c’est le cas — vous n’aurez pas de diaporama qui sera projeté, avec de jolies animations sur chacun des transparents pour vous montrer différentes choses. On pense, et je pense que vous partagerez, que le fait d’être là, et la voix et la présence, fait que, à priori, ça devrait réussir, même si c’est 45 minutes, ce qui peut paraître long, à capter votre attention, à susciter votre intérêt et pas forcément, seulement avec des choses qui défilent derrière. Je suis vice-président de l’association AFUL [2], l’Association Francophone des Utilisateurs de Linux et de Logiciel Libre, un petit peu un vieux du logiciel libre, si tant est qu’on puisse dire vieux en remontant en 1996/98. Il n’y avait pas grand-chose par rapport à ce que vous connaissez aujourd’hui et on ne se serait pas forcément dit qu’on se retrouverait à Marseille pour une conférence orientée entreprise professionnelle pour parler de logiciel libre ; ça c’est certain !
J’ai une approche qui est tout à fait dans l’autre sens de celle qui a été indiquée en premier, et je suis, tout autant que Jean-Christophe, ravi d’avoir entendu ce que j’ai entendu. Et avec quelques points qu’on va échanger, en parlant, entre autres, de formats parce que c’est un sujet que j’aime bien, que j’essaye de développer, y compris lorsque je suis avec des étudiants qui travaillent sur une université parisienne, l’université Paris Diderot, mais ce matin je suis avec la casquette plutôt associative, puisqu’en congé, pour bien séparer les discours. Pour dire les choses avec une formule, un format un peu condensé, il y a récemment dans l’actualité une petite phrase qui a fait un petit peu for us, comme on dit, et qui s’adapte, si on la reprend, au logiciel libre, qui serait de dire, les logiciels libres, alors The Free Software are pro business. Et je pense que c’est tout à fait le cas. Dit autrement, les enjeux, l’approche qu’on peut avoir avec les logiciels libres — qui peuvent être éthiques, qui peuvent être juridiques, qui peuvent être techniques, qui le sont tout ensemble — ne sont absolument pas contradictoires — et vous en êtes la preuve vivante, sinon vous ne seriez pas là — avec l’activité économique, avec générer du chiffre d’affaires, avec créer de l’emploi. Et ce n’est pas une vision de doux rêveur, vous savez comme les clichés qui peuvent courir, soixante-huitard, barbu, chevelu, idéaliste et pas les pieds sur terre, et j’arrête là la liste positive qu’on attribue généralement ; je parle bien des clichés.
On voit dans l’actualité récente que vous avez régulièrement des annonces qui sont, comme ça, presque logiques, normales, à propos de logiciels libres qui sont utilisés, qui sont importants, et au cas où ce ne serait pas encore apparu sur vos radars, comme on dit, il n’y a pas plus tard que deux jours, vous avez une grosse entreprise du secteur de l’informatique qui a fait sa conférence sur son cloud et donc Microsoft a annoncé : « On aime Linux, on utilise du Linux sur nos serveurs ! » Donc vous voyez, rien n’est perdu ! Et au contraire, ça veut dire que, indépendamment du côté peut-être un peu anecdotique — est-il réel ? Jusqu’où ? On peut en discuter — mais il est clair que le logiciel libre a des approches qui peuvent être complètement à l’opposé, apparemment, quand on y regarde comme ça rapidement, du secteur des professionnels, de l’industrie, de la HT, comme on dit ou High-tech. Mais ce n’est absolument pas, je pense, le cas et on peut tout à fait avoir une activité économique, des affaires, du développement, de l’adaptation, avec les caractéristiques du logiciel libre. Et je dis bien logiciel libre, sans lancer de troll vis-à-vis de l’open source ; on en reparlera. Je pense qu’il y a deux étages qui sont assez proches, tout en ayant des différences, et ces caractéristiques des logiciels libres font que oui, les affaires, les entreprises, les clients que vous avez, ont intérêt et ont trouvé des bénéfices à utiliser du Libre.
Jean-Christophe Becquet : Comment le Libre peut réussir ce pari, en fait, de faire converger à la fois le fait d’être un atout pour les professionnels et le fait de concerner tout le monde et de pouvoir changer le monde en apportant de la liberté ? Si vous êtes professionnel, si vous êtes développeur, si vous êtes une entreprise éditrice de logiciels, peut-être que ce qui vous intéresse dans le logiciel libre c’est que vous avez à votre disposition une gigantesque quantité de lignes de code, pour à peu près tous les besoins aujourd’hui, et vous pouvez puiser dans cette ressource, vous pouvez vous servir ce dette ressource, pour faire fonctionner des logiciels, pour développer des nouveaux logiciels.
L’échelon supérieur, si vous vous mettez à votre tour à partager vos développements en logiciel libre, vous pouvez mutualiser des développements. Plutôt que de refaire plusieurs fois le même travail et de repayer plusieurs fois la même ressource, on va décider que lorsqu’un travail est fait, et qu’il a été payé, on peut le réutiliser autant de fois que nécessaire. Donc bibliothèques de ressources de codes disponibles, mutualisation de développements. Et puis quand on développe sous la lumière, quand on publie son code au grand jour, on a aussi un effet accélérateur d’innovation, parce que tout se voit et donc les idées des uns vont nourrir les idées des autres, et il y a une émulation qui se crée. Et puis, peut-être aussi, si vous avez une approche vraiment très technique, en tout cas dans les personnes qui m’entourent et qui ont une approche technique, vous pensez que les logiciels libres sont ceux qui sont les plus stables, les plus fiables, les plus sécurisés, notamment pour tout ce qui concerne le réseau.
Lorsque je présente le logiciel libre à des gens qui ne connaissent pas du tout le logiciel libre et qui ne connaissent pas du tout l’informatique, j’ai pour habitude de raconter l’histoire de cet homme qui s’appelle Max. Max se lève le matin, il démarre son ordinateur, il lance son navigateur web, Mozilla Firefox [3], un logiciel libre, pour se connecter à des pages web. Et puis il relève son mail avec Mozilla ThunderbirdMozilla Thunderbird, un logiciel libre. Il reçoit un document en pièce jointe, dans son mail, et il l’ouvre avec LibreOfficeLibreOffice, une suite bureautique libre. Un peu plus tard, dans la journée, sa fille rentre du collège et elle a une recherche à faire en Sciences de la Vie et de la Terre. Et donc elle se connecte sur Wikipédia, une encyclopédie planétaire publiée sous licence libre qui fonctionne avec MediaWiki [4], un logiciel libre. Et elle prépare sa présentation, à nouveau avec LibreOffice, pour l’exposé qu’elle fera le lendemain. Et le soir avant de se coucher, il lit un DVD avec VLC [5], un lecteur de multimédia libre. Et pendant toute la journée, ils ont utilisé leur connexion Internet, et ils ne le savent pas, mais dans la box qu’ils ont dans le salon pour faire fonctionner leur connexion Internet, il y a aussi des logiciels libres. Et en fait, c’est quoi la conclusion de cette histoire, c’est : « Il est libre Max ! »
Rires
Thierry Stoehr : Je ne sais pas du tout quels sont les arguments que vous pouvez utiliser, concrètement, par rapport à vos différents clients. Et si ça se trouve, d’ailleurs, vous êtes non pas des fournisseurs, des éditeurs, des prestataires, mais des clients intéressés en vous disant : « Tiens, il y a quelque chose à propos du Libre, il y a en a deux qui sont venus parler, pour commencer. Il y en a d’autres dans la journée, le programme est riche, on va voir un petit peu ce qu’il en est ». Quand on se place du côté de l’éditeur, il y a une petite phrase que j’aime bien, qui n’est, quoique si, il y a peut-être un lien avec Max, il y a aussi une idée de liberté, et très sérieusement, c’est de dire à vos interlocuteurs, qui sont à utiliser du logiciel libre, et même du logiciel libre en tant que simples utilisateurs, quasiment particuliers ; ce n’est pas du tout votre cœur de marché je pense, simple utilisateur ; eh bien jusqu’au responsable informatique, ils ont tous une particularité, c’est qu’ils sont libres de partir et ils restent, de ce fait, là. Et je pense que, en anglais la formule est encore plus synthétique, vous êtes là mais vous pouvez partir à tout moment. Et, par rapport à ce qui a été dit tout au début, avec l’approche éthique qu’on peut avoir, l’air de rien, c’est un argument qui, je pense, est comme ça, à priori, pas forcément aussi fort quand on l’entend, mais qui est très réel, et qui va bien au-delà de ce qu’on peut rencontrer autrement. Parce que, oui, vous ne tenez pas, si vous êtes le prestataire, le client en otage. Et on peut le lui dire. Et l’argument que j’évoque là, je l’ai entendu, je l’ai lu plusieurs fois, je n’en suis pas l’auteur de manière inédite. C’est simplement d’insister, mais avec toute cette dimension, pour dire, en fait, les utilisateurs de logiciels libres, que ce soient des collectivités, que ce soient des associations, que ce soient des particuliers, que ce soient des entreprises, peuvent à tout moment, dans la mesure où c’est vraiment du logiciel libre, répondant aux caractéristiques du logiciel libre, dire finalement au prestataire, pour des raisons sérieuses, moins sérieuses : « On arrête. »
Et moi en tant que client, je peux voir ailleurs, en partant avec, eh bien non pas une valise vide, avec un patrimoine réduit à néant, parce que, mon patrimoine numérique, mon patrimoine informatique, mon patrimoine que j’ai développé avec les données et avec le code, les lignes de mes logiciels, eh bien je ne le tiens pas en otage vis-à-vis de mes clients et mon client il les a aussi. Et ça, je pense que ça va justement très loin en termes à la fois d’approche éthique, très loin en termes d’approche technique, la mutualisation qui a été citée, et très loin aussi en termes de développement possible. Parce que ce n’est pas forcément en restant dans son coin et en développant seul qu’on arrive à faire le meilleur possible. L’ouverture et le partage qu’on peut connaître, et des fois citer avec un petit air narquois sur « partager, diffuser », c’est une réalité qui est celle de l’établissement où nous sommes, ça s’appelle la connaissance au sens large. Dans le monde universitaire, vous n’auriez pas eu le développement des connaissances tel qu’il s’est déroulé depuis des centaines d’années, s’il n’y avait pas eu le partage avec la publication et la fameuse, dans le monde universitaire on appelle ça la revue par les pairs ; dans le monde technique, en fait, c’est la même chose, et l’expression est tout aussi valable.
C’est-à-dire que l’approche technique qui va être de dire : « On ouvre le code, il est disponible, les licences permettent de voir la totalité, sans un petit verrou soigneusement caché à la quinzième ligne du contrat, qui finalement n’est pas tout à fait du Libre, mais dit que c’est du Libre, mais voilà ! » Là, quand c’est vraiment du logiciel libre, vous avez aussi cette approche-là, qui est finalement, à partir d’un point qu’on peut qualifier de philosophique, qu’on a entendu au début, sous une forme éthique, très large, très puissant. Et même si ça peut surprendre un client à qui on dit : « Vous savez, je ne vous garde pas en otage, vous pouvez demain partir, et vous partez avec tout : le code que je vous ai développé, les informations que vous aviez, parce que c’est comme ça que vous allez être gagnant. » Je serai gagnant, et aussi derrière, dernier point, pour cette petite partie, derrière les autres. Quand on dit la communauté, ça fait des fois un peu sourire, ça peut être péjoratif, connoté, oui la communauté, une communauté, bon ! Mais si, une communauté, c’est on est en commun par rapport à quelque chose. On utilise quelque chose en commun, on partage une utilisation, on partage du développement, et ça permet d’enrichir, et ça permet d’améliorer. Et ça permet, aussi, de faire des affaires, de développer, pour des clients, des choses spécifiques, sans, encore une fois, leur dire : « Vous me quittez ? Tant pis pour vous, vos données seront chez moi et l’export de vos données ou les informations que vous avez créées avec mes logiciels, eh bien, elles restent dans mes logiciels avec mon approche technique, qui n’est pas divulguée et qui finalement vous emprisonne ». Avec du Libre, on dit : « C’est ouvert, le code ! Normalement les données aussi, et libre à vous, sans jeu de mot, même si il y en a un petit pour un clin d’œil avec logiciel libre, mais libre à vous de rester, ou pas ».
Jean-Christophe Becquet : C’est peut-être ça, en fait, un des trésors du logiciel libre, c’est que votre client il a la possibilité de partir à tout moment et il reste. Et il reste pourquoi ? Il reste parce qu’il y a une valeur beaucoup plus noble que toutes les techniques sournoises, techniques ou solutions juridiques sournoises qui peuvent être mises en œuvre pour garder le client captif. Et cette valeur noble, c’est la confiance. Et je pense qu’aujourd’hui, dans un monde où on parle de plus en plus, et les gens, les citoyens, les utilisateurs finaux sont de plus en plus sensibles aux problématiques de la vie privée, aux problématiques de la sécurité de leurs données personnelles, aux problématiques de la pérennité de leurs informations ; aujourd’hui de plus en plus de gens se demandent « mais les photos que j’ai prises avec mon appareil photos numérique, comment est-ce que je vais faire pour les archiver ? Est-ce que je pourrai toujours les visualiser demain ? Et si j’envoie une photo à quelqu’un par le réseau est-ce qu’il va pouvoir voir cette photo ? Est-ce qu’il va pouvoir la récupérer, la conserver, l’archiver ? » Ça, ce sont des problématiques qui sont de plus en plus prégnantes dans l’esprit des gens et je pense que le logiciel libre est une réponse, est une réponse à ces problématiques.
Mais alors, si c’est si vertueux le logiciel libre, finalement on va gagner ! Dans quelques années, il y aura des logiciels libres partout, pour tout, tout le monde utilisera des logiciels libres ! En fait ce n’est pas si simple et c’est pour ça qu’on a encore besoin d’associations comme l’April. Et c’est pour ça que dans l’April il y a deux choses. Il y a promouvoir le logiciel libre. Promouvoir le logiciel libre ça veut dire en parler, faire connaître, expliquer pourquoi le logiciel libre c’est puissant, pourquoi le Logiciel Libre c’est vertueux, et il y a défendre. Défendre le logiciel libre, c’est important parce que, aujourd’hui, le logiciel libre subit tout un tas de menaces et je pense que ce serait intéressant qu’on passe en revue ces menaces parce que, selon qui vous êtes, selon que vous êtes un chef d’entreprise, selon que vous êtes un élu ou un décideur dans une collectivité, il y a certaines de ces menaces sur lesquelles vous pouvez agir.
Une de ces menaces c’est la vente forcée [6]. Aujourd’hui vous achetez un ordinateur, cet ordinateur il est équipé avec un système d’exploitation qui, le plus souvent, n’est pas un logiciel libre quel que soit le constructeur que vous choisirez. Et comme ces logiciels sont fournis, et vous n’en avez pas forcément conscience mais vous les avez payés, vous allez les utiliser. Et comme cet ordinateur vous allez le ramener à la maison, vos enfants vont l’utiliser. Et puis, de toutes façons, à l’école ils ont aussi cela. Et les enseignants croient bien faire à l’école, parce que comme c’est aussi ces logiciels-là qu’on a dans les entreprises, les enseignants pensent que c’est important de former les jeunes aux logiciels qu’ils utiliseront demain dans les entreprises.
Moi, je pense que c’est se tromper de croire que demain, les enfants d’aujourd’hui, qui seront les adultes de demain, utiliseront des logiciels non libres dans les entreprises. Je pense que les entreprises de demain utiliseront des logiciels libres. Je pense que la question c’est juste quel délai. Est-ce que c’est cinq ans, dix ans ? Ou est-ce que c’est encore une demi-génération ? En tout cas je pense que nos enfants, c’est une erreur de vouloir les former aux outils qu’ils utiliseront demain, parce que les outils qu’ils utiliseront demain n’existent pas encore. Dans le monde du logiciel libre, il y a vraiment des innovations tous les jours, et donc je pense qu’il faut plutôt former les enfants à un état d’esprit, à une approche des outils techniques, à la conscience de certains enjeux, plutôt qu’à la maîtrise d’une série de clics, la connaissance de savoir où est le menu pour obtenir tel résultat. La question c’est plutôt, quand je vais dans ce menu, qu’est-ce que ça fait derrière dans la machine ?
C’est pour ça que, à l’April, on milite contre ce que j’appelle, moi, l’obscurantisme informatique. L’obscurantisme informatique c’est quand vous dites à votre client : « Ne vous inquiétez pas, c’est très compliqué. On s’occupe de tout pour vous. Vous n’avez rien à faire, on va s’occuper de tout, vous payez et ça marche. » Quand vous faites ça, vous emprisonnez votre client. Par contre, quand vous dites : « Je vais vous former, je vais vous expliquer pour que vous ayez les clefs » et, pour boucler sur ce que Thierry a développé, « pour que si demain vous n’êtes plus satisfait, ou si demain mon entreprise disparaît, ou si demain mon entreprise change de secteur d’activité, vous pourrez continuer à faire fonctionner la solution que je vous ai mise en œuvre, indépendamment de moi ». Donc voilà une des choses pour lesquelles on milite à l’April c’est ça, c’est la connaissance pour tous, la maîtrise par les utilisateurs de leurs outils. Et, par rapport aux enfants dont je parlais, l’enseignement de l’informatique dès l’école élémentaire, dès le collège, mais pas l’enseignement de l’informatique « on apprend aux enfants à utiliser des logiciels », mais l’enseignement de l’informatique où on apprend aux enfants à comprendre ce que font les logiciels et les conséquences que ça a sur leur vie, sur leurs données. Et là-dedans, il y a la problématique des formats de fichiers, mais ça c’est un domaine réservé à Thierry.
Thierry Stoehr : Comme il me tend la perche pour parler des formats, je ne vais pas vous en parler tout de suite ! Je voudrais, parce que je l’avais à l’esprit au tout début, et puis c’est bien, on peut changer à la volée, à propos de logiciel libre et open source, faire un petit point pour, non pas, comment on dit, jeter l’anathème et lancer les grands débats sur open source/logiciel libre, mais de dire que quand on fait de l’open source, quand on produit de l’open source, on utilise du logiciel libre. Ce n’est pas forcément vrai dans le sens inverse. La base est du logiciel libre. Qu’après l’approche soit plus open source, voire encore plus, et je le connais bien, là où je travaille, libriste, libriste, libriste, mais « BSDiste », en l’occurrence, ce qui veut dire licence ultra ouverte, ce qui veut dire une autre approche d’un point qui fait qu’on est là.
Le logiciel libre, il y a liberté et avec, vous vous en doutez, toute la panoplie de quelle définition on donne à cette liberté et jusqu’où va t-on, y compris en se réclamant du logiciel libre ? Ce qui fait que là il y a, des fois, des dérives qu’on constate, qui ne sont pas là stigmatisées en disant : « Je suis juge, j’accorde telle bénédiction à tel logiciel parce que c’est du vrai libre et l’autre c’est du faux libre ». N’empêche qu’il y a quand même, quand on voit apparaître des bases logicielles libres et puis dans des approches de contrat ou dans des approches très juridiques, des limitations par rapport à ce qu’offrait du logiciel libre, je trouve que c’est perdre de la puissance et que c’est dommage, à la fois vis-à-vis du logiciel libre en question au départ, vis-à-vis de l’entreprise qui le fait et vis-à-vis des clients, qui sont finalement à penser avoir du logiciel libre et puis, quand on regarde malheureusement les détails, et le diable se cache souvent dans les détails, l’alinéa 15, le pied de page en tout petit, les phrases qu’on n’a pas tout à fait comprises, qui étaient écrites avec des mots clairs, mais les mots ensemble, beaucoup moins clairs ! Et là de dire : « Il faut faire attention ! »
Je pense, même d’un point de vue d’une santé économique dans le monde du logiciel libre, à rester sur du vrai logiciel libre, au sens de l’ouverture maximum, de l’utilisation du partage et avec, à propos de ce partage — j’ai cité communauté tout à l’heure — je pense que, quand on est fournisseur, éditeur de logiciel libre, on a, vous avez, un rôle vraiment beaucoup plus fort que ce qu’on peut avoir en prestataire classique. Parce qu’il y a derrière quelque chose qu’il s’agit peut-être d’expliquer, d’initier et d’entretenir, qui est, justement à propos de vos produits, un partage sous la forme d’échanges, d’enrichissement, et d’animation, en quelque sorte, de communautés d’utilisateurs, animation de vos clients. Et ça c’est vrai que je pense que c’est tout à fait nouveau dans l’approche classique qu’on a pu connaître du monde non libre des logiciels, mais c’est loin d’être anodin, ça peut même représenter un coût pour vous. Et je pense que, derrière, l’intérêt et le retour sur investissement sont largement présents, et que, quand vous avez des clients qui comprennent que, oui, il peuvent partir, qu’ils maîtrisent leurs données, les formats sont ouverts, vraiment ouverts, ils maîtrisent leur code, même si eux ne le maîtrisent pas, ils ont quelqu’un, vous ou d’autres, qui peuvent le suivre, l’expertiser, l’enrichir.
Et derrière tout ça, il y a plus largement encore, même si c’est d’un point de vue entreprise, d’un point de vue client pour des domaines particuliers, eh bien il y a la possibilité d’enrichir la base logicielle et de partager les résultats, les informations, avec son prestataire pour encore améliorer, ce qu’on va recevoir de lui, ce qu’on va recevoir de vous, et aussi pour gagner d’autres clients. Avec cette approche de « ce n’est pas un monde, qu’on peut qualifier de Bisounours de temps en temps, de joyeux drilles qui rêvent de soixante-huit bis, barbus, chevelus, attardés », voyez, là aussi des clichés. Eh bien non, il y a vraiment derrière ces aspects-là de communauté, de code ouvert, de formats ouverts, de liberté de partir de la part du client, quelque chose de très particulier, de très fort, et qui peut être, je pense, un vrai gain et un vrai atout par rapport à ce que vos concurrents, mais néanmoins confrères, du monde non libre, peuvent dire, eux, alors que vous, vous avez tous, encore, cette possibilité et cette caractéristique qui, je dirais, est vraiment intrinsèque au logiciel libre. Et je dis bien, là aussi, logiciel libre, parce qu’il y a ces caractéristiques d’ouverture, de licence, de code qui sont là et qui doivent rester là. Au niveau approche je dirais, je pense qu’on est tout à fait d’accord, Aful, April et de nombreuses autres associations pour dire « du Libre, du vrai Libre et pas du faux semblant à la presque comme, mais pas tout fait, mais enfin, mais. Non ! Du logiciel libre ! »
Jean-Christophe Becquet : Vous l’aurez compris le logiciel libre est un sujet éminemment politique. Pas politique au sens où le logiciel libre serait de gauche, où le logiciel libre serait de droite. Mais le logiciel libre c’est une manière de faire société, c’est une manière de vivre ensemble, et c’est ça qu’on défend à l’April. L’April c’est un genre de lobby du logiciel libre. Mais plutôt que lobby, on préfère activiste du logiciel libre. Alors c’est quoi la différence entre lobby et activiste ? C’est que un lobby c’est un professionnel qui est payé pour défendre une position qui est la position de son client et, quand il change de client, il change de position ! À l’April, on fêtera nos dix-huit ans cette année, ça fait dix-huit ans [7] qu’on défend le logiciel libre. On défend le logiciel libre parce que, comme je le disais, le logiciel libre fait l’objet d’un certain nombre de menaces : la vente forcée, l’obscurantisme, il y en a d’autres. Le retour des brevets logiciels. Si on peut breveter les logiciels, si on peut breveter les idées, il n’y a plus de logiciel libre. Pour ceux d’entre vous qui représentez des collectivités, les marchés publics discriminants dans lesquels, dans le cahier des charges du marché public, on demande explicitement un logiciel propriétaire, une prestation basée sur un logiciel propriétaire. Donc ça, ce sont des menaces dont on doit se prémunir pour sauver le logiciel libre.
Une autre menace, et peut-être la plus prégnante aujourd’hui, en fait ce sont deux choses associées, ce sont les services privateurs. Vous savez tout ce qu’on nous propose gratuit, en ligne ; il n’y a qu’à cliquer et c’est disponible. Alors vous pouvez faire plein de choses. Imaginons qu’on ait une entreprise planétaire qui propose des services en ligne et qui s’appelle Z. Et cette entreprise, elle vous propose tout un tas de services en ligne dont le nom termine par Z ; par exemple vous avez agendaZ, mailZ, cartesZ, c’est si vous êtes perdu. Et donc, vous mettez tous vos services sur cette entreprise. Donc cette entreprise sait en permanence ce que vous faites, avec qui vous parlez, ce que vous dites, où vous êtes, qu’est-ce qui vous intéresse. Et ça, en fait, ça a une valeur inestimable ! Ça a une valeur inestimable et ça permet à cette entreprise de gagner beaucoup d’argent. Et vous, vous êtes conscient que ça c’est un problème parce que vous voulez quand même préserver votre vie privée, vous ne voulez pas que votre boîte mail soit inondée de spams et de messages publicitaires non sollicités. Mais en même temps, c’est gratuit ! Et puis c’est tellement facile ! Et je pense que c’est ça, aujourd’hui, la principale menace à laquelle doit faire face le logiciel libre : c’est la paresse. C’est la paresse ! Je vais vous donner un exemple très concret et ce sera un clin d’œil pour remercier sincèrement et chaleureusement les organisateurs de cette journée, notamment Sébastien et Maxime, qui ont vraiment mouillé la chemise pour que cette journée puissent voir le jour. Et quand ils m’ont soumis la version bêta du site web du Libday, eh bien j’ai dû réclamer qu’on remplace le plan d’accès de cartesZ par OpenStreetMap [8], qui est une alternative libre de cartographie, donc libre et collaborative. Donc même chez les gens qui sont les plus au fait, les plus aguerris des vertus du Libre, qui sont des sincères et des authentiques défenseurs du logiciel libre, on est obligé régulièrement de se fâcher, pour leur dire : « Non mais en fait, on ne va pas utiliser un système de cartographie propriétaire. On ne va pas utiliser un système pour convenir d’une date de rendez-vous, vous voyez le truc DoodleZ, pour choisir une date de rendez-vous, on va utiliser une solution libre. Pour nos listes de discussion on va utiliser une solution libre, pour nos blogs on va utiliser une solution libre », et, en fait, ça, ça demande un effort. Ça demande un effort parce que ça prend du temps, parce que c’est de la compétence, parce que c’est un petit peu plus difficile que juste cliquer sur le service gratuit, mais qui ensuite va emprisonner vos données. Dans tous les services gratuits de l’entreprise Z, il y a des conditions d’utilisateur qui sont scélérates, qu’on ne lit jamais, mais le dernier article des conditions générales d’utilisation il dit toujours : « L’opérateur se réserve le droit de changer les conditions d’utilisation de manière unilatérale, sans préavis et sans vous demander votre accord ». Comme ça c’est plié ! En fait vous avez accepté des conditions d’utilisation, mais elles sont amovibles, changeables de manière unilatérale, et sans préavis.
On ne peut pas accepter ça. On ne peut pas accepter ça pour des outils qui sont au cœur de notre vie personnelle, familiale, professionnelle, sur des problématiques aussi importantes. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’administration en ligne, on parle beaucoup de e-santé, on parle beaucoup d’éducation et de formation électronique. Quand on est sur des enjeux aussi importants dans nos vies quotidiennes, on ne peut pas confier ça à des logiciels propriétaires. C’est un enjeu politique.
Public : On peut vous interrompre ? Je suis d’accord avec ce que vous dites, mais l’information sur l’existence de ces alternatives n’est pas forcément si simple à trouver, à part pour un aréopage de gens bien informés.
Jean-Christophe Becquet : Merci. Vous me tendez la perche pour la dernière partie, en fait, de mon intervention qui est un appel. Effectivement, une des faiblesses du logiciel libre, aujourd’hui, c’est sa puissance à communiquer, parce qu’on est face à des entreprises, comme l’entreprise Z, qui sont des mastodontes planétaires, qui ont une capacité de communication absolument énorme, qui ont la capacité de mettre en ligne des services gratuits, privateurs, mais qui sont néanmoins, bien qu’ils soient privateurs, extrêmement puissants techniquement, extrêmement ergonomiques, faciles à utiliser, qui répondent à des vrais besoins des gens. Et donc, quand vous avez une entreprise qui met en place des services privateurs, mais qui sont les meilleurs du monde, c’est difficile de rivaliser. Donc c’est pour ça que, effectivement, il faut surmonter la paresse. Et qu’est-ce que vous pouvez faire, vous, pour aider le logiciel libre ? Qu’est-ce que vous pouvez faire si vous êtes un élu ou si vous êtes le représentant d’une collectivité ? Vous pouvez faire adhérer votre collectivité à l’April. À l’April on a quelque collectivités, on a, par exemple, la ville de Toulouse, la région Île-de-France et la région Rhône-Alpes, mais on n’a pas encore la ville de Marseille, la communauté d’agglomérations d’Aix-en-Provence, les sophipolitains et le conseil régional PACA. C’est un appel, c’est un appel clair.
Si vous êtes un enseignant, vous pouvez enseigner avec du logiciel libre ; vous pouvez dire à vos élèves, à vos étudiants, que le logiciel libre existe, que le logiciel libre c’est important et que le logiciel libre ça va changer le monde.
Si vous êtes un chef d’entreprise, vous pouvez consommer du logiciel libre, utiliser des logiciels libres pour faire vivre votre entreprise, pour faire fonctionner votre entreprise et vous pouvez baser les services que commercialise votre entreprise sur du logiciel libre.
Si vous êtes un citoyen, vous pouvez également parler du logiciel libre autour de vous, aller dans des manifestations comme le Libday pour devenir plus aguerri sur le logiciel libre, pouvoir mieux le défendre, pouvoir mieux en parler.
À l’April on accepte tout le monde, on accepte les collectivités, on accepte les entreprises, on accepte les associations, on accepte les citoyens. Pour pouvoir faire de l’activisme, on a besoin de rester indépendants. Aujourd’hui, l’April c’est trois permanents qui travaillent à plein temps pour promouvoir et défendre le logiciel libre. Pour payer ces permanents, on a besoin des cotisations de nos membres et c’est parce qu’on paye nos permanents avec les cotisations de nos membres, qu’on reste indépendants et qu’on peut continuer à promouvoir et à défende le logiciel libre de manière authentique et désintéressée.
Aujourd’hui, on a des entreprises membres parmi lesquelles, certaines, parfois, posent des problèmes au logiciel libre. Mais, pour nous, ce n’est pas un problème parce que, dans les statuts de l’April, les cotisations des entreprises membres sont plafonnées, et si on a envie de dire du mal d’un membre parce qu’à moment donné il a fait quelque chose de dangereux pour le logiciel libre, on peut tout à fait le faire. Je vais donner un exemple concret et en même temps ce sera l’occasion de présenter une initiative d’une association amie qu’on aime beaucoup. Framasoft, qui est une des grandes associations francophones de promotion du logiciel libre, notamment à destination du grand public, vient de lancer une action qui s’appelle « Dégooglisons Internet ». Donc ça vise à s’affranchir d’une entreprise qui pourrait s’appeler l’entreprise Z, et proposer des services gratuits et privateurs pour tous vos besoins. Framasoft lance une opération qui vise à remplacer par des services éthiques et libres les services de Google. Google France est membre de l’April, ça ne nous empêchera pas, au sein de l’April, de soutenir cette initiative, qu’on trouve excellente, de sensibilisation à des alternatives libres et éthiques aux outils privateurs, notamment de Google. Ce n’est pas le seul.
Thierry Stoehr : Je vais essayer d’apporter encore plus concrètement une ou des réponses à « on fait comment pour trouver de l’information ? On n’a pas forcément un service de veille, un service de documentation, qui est là pour nous trouver les informations que l’on souhaite et dont on a absolument besoin. » Je pense que vous l’avez compris, il y a des associations au niveau national, l’April, l’Aful, et si on les contacte, je pense qu’en étant membre ou pas, on peut vous donner des pistes, en tout cas ça me paraît tout à fait logique. [9], qui a été citée, au cas où vous ne connaîtriez pas le site, framasoft.org, et sur le site de Framasoft, vous avez un annuaire de logiciels, qui vous donne, par exemple, une liste assez exhaustive de qu’est-ce qu’il y a en logiciels libres dans le domaine de la CAO [Conception assistée par ordinateur, NdT]. Bon ! Vous avez aussi des associations qui sont, si vous êtes dans la salle concernés par les collectivités locales, une association qui est l’Adullact [10], l’Association des développeurs et utilisateurs de logiciels libres pour les administrations et les collectivités territoriales, qui est aussi une source d’informations où on va pouvoir, peut-être plus localement même, trouver des interlocuteurs.
Je voudrais reprendre ce qui a été dit à propos de Framasoft qui fait des choses remarquables et en disant on va un cran plus loin. Ce qui a été cité, et donc tous ces services en ligne qu’on qualifie, quand on est de notre côté, logiciel libre, de déloyaux par rapport à leurs utilisateurs. Et la promotion de services en ligne loyaux repose sur du logiciel libre, repose sur l’approche de logiciel libre, l’approche juridique également, pas que technique. Et je dirais, il ne faut pas seulement, comme le dit Jean-Christophe et comme le dit la campagne Dégoogliser Internet [11] ; ce n’est pas forcément Internet qu’il s’agit de « Dégoogliser », c’est l’utilisateur d’Internet ; c’est vous, c’est nous, ce sont les entreprises, ce sont les administrations. Et Internet, il sera ce qu’on voudra en faire, ce qu’on voudra en faire, en intervenant même s’il le faut, pour dire à des responsables : « Ce n’est pas vers ça qu’il faut aller. Ce n’est pas cette approche-là qui est l’approche la plus saine, la plus sereine. Ce n’est pas la mise à mal, voire la mise de côté de la neutralité d’Internet qui est la réponse à tous les soucis qu’on peut avoir et qu’on transpose en disant Internet c’est le mal. »
Dit autrement, je pense que, encore plus que proposer « Dégoogliser Internet » c’est dire vos interlocuteurs, si vous êtes entreprise, vos clients, vos prospects, sont à, je pense, être sensibles — parce que ça les concerne très directement — à ces arguments-là, de, vos données, vous clients, vos informations.
Et j’aime bien, chaque mois de septembre, vers le troisième week-end, rappeler que dans les journées du patrimoine, qui sont très bien, il ne faut pas oublier, tous les jours, l’autre patrimoine qui est le nôtre, le vôtre : c’est le patrimoine numérique, que vous avez, que vous développez et que ce patrimoine numérique s’il est partagé, ça peut être un plus ; si le code est diffusé, ça peut être un gros plus. Et que vos clients ou, en tant que intéressés et pas seulement prestataires, par le logiciel libre, eh bien, il y a cette liberté qui est présente, et qui peut paraître peut-être grand mot, grand concept, pas du tout proche du terrain, ce n’est pas comme ça qu’on va réussir à faire signer, je pense que, quand même si, avec certains de ces arguments, évidemment bien tournés, et je finirai avec ça. Le bien tourné, souvent, c’est juste une question, et ce n’est pas neutre, de vocabulaire, de bon format. Et l’air de rien, quand vous parlez peut-être communauté, ce n’est pas très parlant et c’est peut-être un peu connoté ; quand on parle écosystème, là, peut-être, certains interlocuteurs font beaucoup plus tilt, c’est le bon mot, ça c’est le bon gros mot, pourrait-on dire, qui fait réagir, et dans le bon sens. Je ne suis pas cynique en disant ça, en disant il faut avoir le bon terme, mais, des fois, un terme renvoie à un autre terme qui est, finalement, le même pris sous un autre angle. Communauté, que vous avez entendu, c’est tout à fait valable avec ce que vous connaissez, que vous employez peut-être et certainement plus, du terme de écosystème du logiciel libre, écosystème régional du logiciel libre, écosystème national. Et là, les clients, les prestataires, les éditeurs de logiciels libres ont une part de responsabilité importante et des possibilités qu’on ne connaît pas forcément, « Dégooglisons » , mais qui sont, je pense un, à faire connaître et deux, à utiliser comme arguments et comme caractéristiques pour convaincre, s’il le faut, les personnes pour dire le Libre c’est aussi fait pour vous et pas que sous l’angle uniquement philosophique ou juridique, mais aussi, dans la vie de tous les jours, à propos de toutes vos activités quel que soit le secteur de l’activité en question. De l’enseignement à la recherche, en passant par l’automobile, on a des exemples, en passant par l’aérospatiale, on a des exemples, il y a du Libre partout, déjà, mais on ne le sait pas forcément autant, et je pense qu’il faut justement le dire, l’expliquer et insister dessus. C’est, entre autres, l’objet de la journée.

Public :
C’est pour ça que je vous invite à mettre un H à écosystème !
Thierry Stoehr :
Vous m’invitez à mettre un H à ?
Public :
À écosystème.
Thierry Stoehr :
Oui. [Rires]
Public :
Parce que c’est, à mon avis, l’un des problèmes aujourd’hui, c’est le manque d’informations sur les possibilités qu’on a. On va la faciliter. Google Maps, vous avez vu, pardon Zmaps. Voilà.
Thierry Stoehr :
Et le écho avec un h, vous en êtes la preuve, c’est entre autres aujourd’hui. C’est de dire il y a des contacts, il y a des ressources, il y a des choses qui existent et pour faire gagner du temps, eh bien, il y a peut-être des interlocuteurs que vous allez découvrir, qui sont là localement, plus largement peut-être aussi, et qui peuvent répondre à des questions, des interrogations, donner des pistes et faire que ça continue de se développer encore plus.
Organisateur :
Merci beaucoup. Pour les questions on profitera plus de la petite pause qu’il y aura entre dix heures et quart et dix heures et demie, où vous pourrez les solliciter. On va tout de suite enchaîner sur la conférence d’après.