Bienvenue.
Je m’appelle Pierre-Yves Gosset. Je suis codirecteur d’une association qui s’appelle Framasoft [1]. Je ne vais pas du tout vous parler de Framasoft, faire la présentation de Framasoft aujourd’hui vu que ma collègue Angie s’en chargera dans la conférence d’après, dans la même pièce, et pareil, mon collègue Pouhiou fait une conférence demain après-midi dans le grand amphi sur notre campagne qui s’appelle « Collectivisons Internet et Convivialisons Internet », alias coin-coin. Je vais juste zapper la partie présentation de Framasoft pour me concentrer sur le projet Frama.space et pourquoi on fait ce projet.
J’ai noté l’heure en bas. Comme c’est la première fois que je fais cette conférence, je ne l’ai pas bien filée, ça me permettra de savoir si je suis à la bourre, pas à la bourre, vous pourrez me taper sur les doigts. Pour l’instant on a même quatre minutes d’avance, donc tout ce qui est grappillé pourra servir, en plus, à d’autres questions, je crois que j’ai prévu dix minutes pour les questions, mais on pourra faire plus si on finit avant.
C’est la merde !
Désolé, du coup ça ne commence pas très bien, pas très joyeusement. C’est la merde, la planète crame, la COP 27 ça ne marche pas trop, il y a des guerres, une pandémie, m’a-t-on dit aussi, il n’y a pas longtemps. Il y a des problématiques sociales, économiques, des problèmes de tous types. Que fait-on de nos vieux ? Les crises un peu de partout, les pannes, la déforestation.
C’est juste pour placer les choses de façon un peu claire. Quand je dis que c’est la merde, je le pense sincèrement, c’est un point de vue, évidemment, très personnel, mais c’est important pour savoir pourquoi on fait ce projet et comment on le fait. On a même réussi à foutre le feu à l’eau maintenant, c’est génial ! Trop bien !
Pour les associations aussi c’est la merde, c’est la merde à plein d’endroits.
Celui auquel tout le monde pense, c’est la merde d’un point de vue financements, effectivement. Il y a eu la fin des emplois aidés, je crois, en 2017 ou en 2018, peu de temps après le changement Hollande/Macron.
Les baisses de subventions aux associations sont quand même assez courantes. Si vous regardez le montant global des subventions aux associations il a tendance à augmenter, mais ce sont quelques grosses associations qui captent plus de moyens, du coup les petites sont moins financées.
Troisième point qu’on a pu repérer, ce sont les coupes budgétaires politiques. Typiquement, pour moi qui vis à Lyon, Laurent Wauquiez qui, en président de la Région de Rhône-Alpes arrive et dit « je vais prendre tous les sous des associations d’éducation à l’environnement et de défense de l’environnement et je vais tout filer aux chasseurs », c’est un cas concret et ça pose évidemment un certain nombre de soucis pour la vie des associations.
Dans la partie, un petit peu, comment peut-on dépolitiser les associations ?, voilà ! Typiquement, depuis le premier janvier 2022, si vous êtes une association vous devez signer le Contrat d’Engagement Républicain qui vous engage à ces sept points qui peuvent paraître plutôt jolis dits comme ça, sauf que le diable se cache dans les détails : le respect des symboles de la République ça veut dire que vous signez un papier où vous vous engagez, en tant qu’association, à respecter le drapeau français, La Marseillaise et la devise républicaine. Je vous laisse imaginer toutes les dérives qu’on peut avoir sur ce type de projet, qui est un projet issu de la loi séparatisme ; séparatisme c’était normalement, à la base, pour lutter contre le terrorisme. Si vous ne signez pas, pas de bras, pas de chocolat ; pas de signature pas de subvention ! On est vraiment dans le style Darmanin, ce qui est la continuation de Manuel Valls, on ne va pas se mentir.
Les associations sont souvent considérées comme des ennemis de la République. J’ai des exemples assez concrets. Le plus connu c’est celui qui est à la droite, Alternatiba Poitiers, Alternatiba 86, à qui le préfet de la Vienne avait écrit en disant « comment ça, vous faites des ateliers de désobéissance civile, vous voulez apprendre aux gens à désobéir ! » Eh bien pouf !, plus de subventions, ce qui est quand même assez inquiétant. C’est typiquement le genre de chose qui va probablement se multiplier dans le temps. Alternatiba a finalement eu sa subvention parce que la mairie de Poitiers a soutenu l’association.
D’autres exemples. Sarah El Haïry, Secrétaire d’État à la Jeunesse [Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse] qui, lors d’un évènement organisé par la Fédération des centres sociaux, avait rencontré des jeunes et les jeunes disaient « on a quand même des problèmes pour réfléchir à quelle est la place de la religion, quelle est la place de la religion à l’école, c’est quoi les violences policières ». Réponse de Sarah El Haïry : « Il faut aimer la police, car elle est là pour nous protéger au quotidien. Elle ne peut pas être raciste, car elle est républicaine. » Perso ça m’interroge. Pas que je pense nécessairement que la police est violente, mais j’aimerais au moins qu’on puisse en débattre et si une Secrétaire d’État dit que non et déclenche derrière une inspection à la Fédération des centres sociaux, je pense qu’on a un vrai problème de démocratie.
Troisième point. La marchandisation. La marchandisation c’est assez pervers. Comment est-ce qu’on marchandise un secteur associatif qui, par défaut et dans son ADN, est censé être non lucratif ? C’est assez simple, on peut les mettre en concurrence. Donc typiquement, vu qu’il y a moins de subventions, on dit qu’il faut faire plus de crowdfunding, plus de collectes, donc elles font de la retape à la fois sur Facebook ou sur Mastodon, peu importe, et j’inclus Framasoft dedans, qui est en campagne de dons, sachez-le, je reviendrai dessus évidemment.
On essaye de ringardiser les associations en leur disant « les associations c’est bien pour le club de bridge, pour la petite asso du coin. Par contre, si vous êtes une asso un peu sérieuse, en fait vous n’êtes pas une asso, vous êtes une entreprise ». Donc, le secteur de l’économie sociale et solidaire a débarqué avec ses gros sabots, à la fois des très chouettes sabots et, à la fois, des sabots beaucoup moins propres, en disant « vous avez d’autres types de statuts que le statut associatif, vous avez le statut des SCOP [Société coopérative de production], des sociétés coopératives, vous avez le statut de SCIC, sociétés coopératives d’intérêt collectif dans lesquels l’État ou une collectivité peut être partie prenante ». Donc on transforme petit à petit le secteur associatif, on transforme petit à petit la loi de 1901 qui, selon moi, est la plus belle loi qu’on n’ait jamais écrite, pour la vider de sa substance politique.
La dernière j’allais dire saloperie, je n’ai pas d’autre mot, désolé, qu’on a dans cette thématique de marchandisation, c’est ce qu’on appelle les Contrats à impact social. Je vais vous faire la traduction du schéma à droite qui est le schéma officiel, comment ça marche :
un besoin social est identifié. La traduction c’est « quelqu’un est dans la merde, quelqu’un souffre », c’est ça un besoin social, quelqu’un qui souffre ;
un acteur social propose une solution. Globalement c’est « une association essaye de répondre à cette souffrance puisque l’État se désengage » ;
des investisseurs privés financent le programme, sous-entendu « des entreprises donnent des sous à l’association pour réaliser ce que l’État ne fait pas » ;
un évaluateur indépendant mesure les résultats du programme, donc autant vous dire que l’association n’a pas son mot à dire sur qui est l’évaluateur, l’entreprise non plus d’ailleurs, c’est l’État qui choisit, sur quels critères va-t-il évaluer ?, je ne sais pas : est-ce que ça vaut plus la peine d’aider telle personne ou tel groupe de personnes vis-à-vis de tel groupe de personnes ? Apparemment c’est un évaluateur qui va aller cocher les cases, pour dire « ça c’est bien, ça ce n’est pas bien, etc. » ;
et le dernier point, qui est quand même merveilleux, c’est la puissance publique qui rembourse les investisseurs en cas de succès. Traduction : « l’État, donc nous, avec nos impôts, remboursons l’entreprise ». Ça me glace complètement de me dire qu’on est quand même dans un monde où, maintenant, ce sont les entreprises qui vont décider des actions sociales à mettre en œuvre parce que l’État n’y répond plus, parce qu’il a vidé les associations de leur capacité d’action.
Donc signer un Contrat à impact social, non ! Faire vivre le contrat social oui. Le contrat social c’est évidemment la référence à Rousseau. Je ne suis pas du tout un grand fan de Rousseau, mais il dit, en gros, que pour passer de l’état de nature, c’est-à-dire de personnes qui effectivement ne font pas collectif, à un état de société, nous avons besoin d’un contrat social. – Attention, ne faites pas ça chez vous, j’ai tenté de faire des petits dessins avec LibreOffice cette nuit, tardivement !
En gros, comment marche le contrat social aujourd’hui en France ? Du caca vous arrive dessus parce que ça arrive à tout le monde, pas de bol, tout le monde, dans sa vie, va être malade, va rencontrer des difficultés, va avoir des difficultés pour se loger, pour manger, pour que sais-je ; la thématique, en ce moment, c’est typiquement comment on va se chauffer cet hiver. Ça vous arrive dessus. Normalement vous avez au moins deux filets de sécurité. On pourrait rajouter la famille, on pourrait en rajouter d’autres, mais vous avez principalement deux filets de sécurité. Le premier, normalement, c’est l’État qui est censé être là pour nous aider, nous soutenir, etc., et qu’on fasse société ensemble. Le deuxième c’est la société civile, je mets les assos, les syndicats, des collectifs qui peuvent, d’ailleurs, être tout à fait informels et qui nous évitent, finalement, de finir dans les abysses de la société.
La problématique, vous l’aurez compris, c’est que cette société civile est amoindrie, affaiblie, diminuée par ce que je vous ai rapidement montré – il y a plein d’autres cas, mais je ne voulais pas trop m’étendre là-dessus : la dépolitisation, le définancement, la marchandisation et les attaques contre les libertés associatives. Donc on a, aujourd’hui, une société civile qui est moins forte, c’est un vrai terme y compris en anglais, avec réduction de sa capacité d’expression et d’action, en France, mais c’est complètement le cas aussi en Europe.
Si vous affaiblissez cette société civile, le contrat social marche quand même vachement moins bien. J’ai mis une photo du médecin qui tient une radio, c’est valable à l’hôpital, mais c’est valable dans plein d’autres domaines, évidemment. Si vous avez l’État qui finance moins bien, moins de subventions par exemple aux hôpitaux, au système de santé – quand je dis l’État, encore une fois c’est nous et comment, finalement, on répartit la richesse –, si les hôpitaux sont moins bien soutenus, vous voyez bien que, concrètement, ça créée un trou dans le filet.
Si la société civile est moins en capacité de nous aider à ne pas toucher le fond, eh bien on a plus de facilités à toucher le fond. Désolé, j’enfonce des protes ouvertes, mais c’est malheureusement comme ça que ça se passe.
Donc on a vraiment un gros souci de ce côté-là.
Les associations se retrouvent entre « est-ce que je me vends aux entreprises » ou « est-ce que je me prosterne devant l’État » ? C’est un peu ça le choix pour beaucoup d’associations, de collectifs aujourd’hui.
Oui, oui, mais… Et alors ?
Vous allez me demander quel est le rapport avec le numérique ; moi je suis venu pour parler de Nextcloud ou entendre parler de Nextcloud et de ce que fait Framasoft.
Les slides qui suivent sont tirées d’un rapport qui s’appelle « La place du numérique dans le projet associatif en 2022 » [2]. C’est une étude menée par une association qui s’appelle Recherches et Solidarités, qui a été financée, je le précise, par Solidatech. Pour ceux qui ne voient pas ce qu’est Solidatech, c’est une association qui est soutenue et largement financée par une autre structure qui s’appelle TechSoup, TechSoup étant la branche on va dire associative, ONG, de Microsoft et d’autres grosses entreprises du numérique. Cependant, je faisais partie du comité de relecture de ce rapport et je peux vous assurer que Recherches et Solidarités a fait correctement son travail, que Microsoft n’a pas modifié les chiffres, n’a pas poussé dedans des informations qui biaiseraient les résultats, en tout cas selon moi.
Que cherchent les associations avec le numérique ?
D’abord à mieux faire leur association,
améliorer l’animation du réseau,
gérer plus efficacement les activités
et travailler plus facilement ensemble.
Il y a d’autres cas, l’étude est téléchargeable, si vous voulez vous cherchez « Place du numérique dans le projet associatif en 2022 », vous trouverez un PDF qui doit faire plus de 100 pages, une synthèse qui doit faire 15 pages et des slides. Ces slides sont tirées de ce document.
Sur les outils de stockage et de partage de documents, il y a une progression entre 2016 et 2022. Vous voyez qu’on passe de 30 % d’associations qui utilisent les outils de stockage et de partage de documents à 43 %, ce qui n’est pas négligeable. Je rappelle qu’il y a, en gros, entre 800 000 et un million d’associations en France, il y en forcément moins qui sont actives. On est globalement sur un secteur qui est dynamique et qui emploie, si je ne dis pas de bêtise, deux millions de personnes en France, c’est quand même un gros secteur.
Ces personnes utilisent des solutions de stockage.
Est-ce qu’elles utilisent du Libre ? Dans l’étude on a pu rajouter cette question « est-ce que vous utilisez du Libre dans votre structure ? ». On voit que les chiffres restent à peu près les mêmes. On peut se dire que c’est une défaite. Je n’en suis pas si sûr. Ce n’est pas forcément un mal. Dire que, finalement, 40 % des associations qui ont répondu utilisent du numérique libre, ce n’est pas si mal post-pandémie, me semble-t-il. C’est à voir, on pourra en discuter au moment des questions.
Du coup « Pourquoi est-ce que vous utilisez du logiciel libre ? ». « On utilise du logiciel libre avant tout pour des raisons de pratique », 25 %, on voit ce n’est quand même pas négligeable, notamment parce que c’est souvent gratuit, donc ça leur permet de se dire « OK, on va plutôt utiliser du Libre ».
Il y a quand même 16 % des répondants qui ont dit : « On utilise du Libre pour des raisons éthiques », ce qui, évidemment, va nous concerner dans la suite du débat.
15 % disent : « Non, nous aurions besoin d’être accompagnés ». On voit la Emancip’Asso [3] team qui fait « coucou, on en parle à 17 heures 30, ne quittez pas la salle. »
Ensuite 25 % : « Non, on n’en voit pas l’utilité ou cela ne correspond pas à nos besoins ». OK, très bien, pourquoi pas.
Le « Je ne sais pas vraiment répondre » va être à creuser pour essayer de comprendre. Peut-être qu’ils ne savent tout simplement pas ce qu’est le Libre ; c’est tout à fait OK de ne pas savoir, mais, du coup, c’est notre boulot collectivement, ce n’est pas celui que de Framasoft, d’aller expliquer ce qu’est le Libre et pourquoi on trouverait intéressant qu’elles utilisent du Libre.
Les difficultés que rencontrent ces assos pour passer au numérique, pas forcément libre, mais au numérique tout court.
La première raison ce sont des raisons humaines, c’est, en fait, qu’on n’a pas les ressources humaines en interne pour passer à du Libre, pour passer à du numérique, utiliser des solutions de stockage ou autre.
34 % pour des raisons techniques : on ne sait pas quels outils utiliser, comment les utiliser, etc.
Il y a la thune, pour les raisons que j’ai expliquées plus tôt, c’est un peu compliqué.
Il y a des raisons stratégiques qui peuvent être que c’est compliqué de changer d’outil, qui va s’en occuper, combien de temps, etc.
Je reviendrai sur ces quatre points, je pense, d’ici la fin de la conférence.
Je continue avec le numérique et les associations.
Là on voit l’évolution. Ce qui me paraissait important c’est qu’on a de moins en moins de problèmes humains, on a de plus en plus de problèmes stratégiques. Donc comment fait-on pour agir sur ces leviers-là et essayer que les problèmes stratégiques puissent aussi être résolus petit à petit ?
De quoi ces associations-là ont-elles besoin pour progresser avec le numérique ? C’est un peu long, je vais en lire juste deux ou trois.
En gros une meilleure connaissance des outils, une mise à niveau des membres, etc., en termes de compétences, un accompagnement personnalisé, clin d’œil, etc.
Je vous les résume : elles ont besoin de sensibilisation, de thune, d’échanges, d’accompagnement, d’échanges, d’accompagnement, d’échanges et un peu de tech. En gros, la tech c’est la fin de la fin. Elles veulent de l’accompagnement et elles veulent pouvoir discuter pour comprendre ce qu’elles sont en train de faire et pourquoi elles le font.
Là vous avez un magnifique schéma en allemand, c’est malheureusement la seule répartition que j’aie trouvée, qui explique que sur les suites de productivité en ligne en 2022, donc sur l’Allemagne – j’aimerais bien avoir le même résultat en France, cette fois-ci ce n’est pas tiré de l’étude de Recherche et Solidarités – 48 % des répondants à ce sondage avaient répondu « on utilise Microsoft Office 365 », 46 % « Google Apps » et 4,2 % « Autres ». Dans « Autres » il y a du Libre, il y a du pas libre, etc. ; c’est « Autres ». Vous voyez donc la domination de ces deux entreprises.
Et alors, on fait quoi ?
C’est du gif, évidemment. Vous noterez que j’ai remplacé les chatons par des canards tout au long de la conférence, c’est volontaire, ce n’est pas facile de trouver des gifs de canards.
On peut se battre ou on peut se lever et se casser, ce sont deux méthodes tout à fait valables. Il y en a d’autres, à vous d’inventer ce qui va avec. Nous sommes un petit peu entre les deux, jeu de mots, Du côté de chez Swann, swan, canard, attention, ça pose tout de suite le truc !
Donc du côté de chez Framasoft, qu’est-ce qu’on fait ? Ça fait plus de 15 ans, on va même dire 20 ans, même Framalibre [4] relevait de cette démarche-là, qu’on essaye de rendre visibles les alternatives, qu’on facilite leur découverte et leur usage, qu’on aide à faire émerger des communautés, qu’on participe, si possible, à l’empuissantement de ces communautés. C’est ce qu’on a fait avec l’annuaire Framalibre il y a 20 ans, c’est ce qu’on a fait avec la Framakey [5], c’est ce qu’on fait avec Framabook, notre maison d’édition qui s’appelle maintenant « Des Livres en Communs » [6]. C’est donc une recette qu’on essaye d’appliquer un peu systématiquement.
Pour en revenir un petit peu plus à Nextcloud et à Frama.space, nous faisons le choix d’outiller ce que Bernard Stiegler appelle la société de contribution, un philosophe qui est décédé malheureusement en 2020, avec lequel on travaillait justement sur cette question de comment on peut imaginer une autre forme de société qui ne soit pas basée uniquement sur le capitalisme, les oppressions, les dominations, etc. Il avait développé ce concept de société de contribution, que nous nous sommes réattribués, on a le droit, c’est une idée, en mettant l’accent sur la collaboration et l’autonomisation, notamment l’empuissantement des personnes concernées.
La solution qu’on retient par rapport à ce que je viens de vous dire avant c’est une solution qui s’appelle Nextcloud [7].
Petit moment participatif, il n’y en aura pas beaucoup, désolé, sondage à main levée :
qui ne connaît pas du tout Nextcloud ? On va dire que vous êtes une cinquantaine dans la salle, on va dire, du coup, 10 %, même pas, entre 5 et 10 % du public de la salle ;
qui utilise régulièrement Nextcloud ? On est au Capitole du Libre, on est en 2022, on va dire entre 60 et 70 % ;
qui recommande Nextcloud ? En gros la moitié je dirais, 50 % ;
qui peut me dire où trouver de l’aide en français sur Nextcloud ? 3 % ;
qui saurait me dire où je peux trouver du support, du support physique pour faire de la promo de Nextcloud, pour comprendre comment ça marche, des flyers, des stickers, des vidéos en français, etc. ? On tombe à 2 %, 3 % je pense de la salle, à peu près. Merci ;
qui a déjà assisté en live, en visio, à une conférence grand public sur Nextcloud ? Une personne. En français, c’est ce qui m’intéresse, grand public, en français, est-ce que tu lèves toujours la main Anne-Laure ? Tu lèves toujours la main. Donc une personne sur 50, vous faites le calcul, pas beaucoup. Très bien, du coup 2014. ;
qui a déjà contribué à Nextcloud ? Il y a plus de monde qui a contribué à Nextcloud que de gens qui ont vu des conférences Nextcloud. Vous étiez quatre dans la salle sur, en gros, une cinquantaine de personnes.
Pour celles et ceux qui ont répondu « je ne vois pas du tout ce qu’est Nextcloud », je ne vais pas détailler ce que fait Nextcloud, ça fera probablement l’objet de nombreuses conférences qu’on va faire dans les années à venir sur ce que c’est, comment ça marche, etc. En gros, c’est une suite collaborative qui vous permet de déposer des documents, de partager ces documents, de les rendre publics ou de les garder en privé, de travailler à plusieurs dessus. Vous avez la même chose avec de l’Agenda, un outil de gestion de projets basé sur des petites cartes à la Trello, pour ceux qui voient ce qu’est Trello en logiciel privateur, etc. Il y a donc, dans ce logiciel, un ensemble de fonctionnalités qui sont assez intéressantes, qui permettent de collaborer à plusieurs, notamment en équipe.
Pourtant Nextcloud ce n’est pas vraiment gagné. Si vous sortez de l’ENSEEIHT [École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications], que vous allez dans la rue, que vous demandez à 100 personnes, tirées au hasard, « est-ce que vous connaissez Nextcloud ? », je vous mets au défi d’en trouver plus de deux qui sauront vous répondre « oui, je connais Nextcloud » et encore, ce seront des gens qui seront perdus, qui cherchent le Capitole du Libre, je me fais assez peu d’illusions là-dessus.
L’application principale, qui s’appelle Files, qui permet de partager les fichiers, fonctionne, mais soyons clairs, ce n’est pas non plus la mieux fichue du monde, notamment en termes de performances ; c’est en train de s’améliorer, ça s’améliore à chaque version, mais globalement ce n’est pas forcément extraordinaire.
L’ergonomie est parfois pas pire, parfois à chier, je suis désolé, c’est un peu vulgaire, je reste dans ma thématique scatologique, le caca, c’est la merde, tout ça – j’essaye de faire des trucs thématiques, ne rie pas ! Si vous montrez ça à quelqu’un qui ne connaît absolument pas le logiciel, il va vous dire que c’est nul. Si vous montrez ça à un groupe de libristes ou à des gens qui ont déjà l’habitude de manipuler des logiciels ils vont dire « ce n’est pas mal pour un logiciel libre ! ». Il faut dire les choses un peu franchement.
L’application Android n’est pas fofolle, des fois ça marche, des fois ça ne marche pas, on pourra en discuter. Ça s’améliore, c’est bien, c’est positif et, en plus, ça nécessite une autre application qui s’appelle Davx5, notamment pour l’agenda ou pour les contacts. Allez expliquer ça à quelqu’un : « Tu as Nextcloud sur ton téléphone, tu as Nextcloud en ligne et, en plus, il faut que tu télécharges une troisième appli qui n’a rien à voir, qui s’appelle Davx5, pour synchroniser tes données, etc. » C’est en train, là aussi, de s’améliorer, mais c’est quand même compliqué.
Le code est relativement imbuvable pour les mortels, on ne va pas se mentir.
La codebase de Nextcloud est datée, il y a des bouts de Nextcloud qui datent de ownCloud. Nextcloud est un fork d’un autre logiciel qui s’appelle ownCloud, il y a plus de dix ans maintenant.
La codebase est très imposante : quand vous téléchargez le fichier zip qui contient l’ensemble de Nextcloud, vous dézippez, vous avez 11 168 fichiers pour 142 mégaoctets de fichiers. Tous ne sont pas de fichiers de code, je vous rassure, il y a de la doc, il y a des choses comme ça. On n’est pas sur un truc avec quatre fichiers qui se courent après, c’est très explosé, etc.
Le rythme de développement est plutôt soutenu, mais pas toujours dans le bon sens pour les associations. Nextcloud est maintenu essentiellement par un éditeur, qui s’appelle Nextcloud GmbH, une boîte allemande, qui, pour vivre, évidemment, vend du service autour de Nextcloud, etc. Comme ils le vendent, les demandes qu’ils ont d’amélioration sont souvent faites par des gens qui ont les moyens de payer, c’est-à-dire des entreprises, donc, petit à petit, Nextcloud prend une orientation B to B. On ne peut pas leur en vouloir, mais nous, en tant qu’association, on doit se poser la question de comment faire pour ne pas se retrouver avec juste un groupware, ce qui est très bien pour une entreprise, mais qui n’est pas vraiment ce que recherchent les associations.
L’interfaçage avec les suites bureautiques, puisqu’on peut y adjoindre, par exemple, OnlyOffice, qui est une suite bureautique, estonienne ?, lituanienne ?, je ne sais plus, russe, on ne va pas mentir, le mec qui est derrière est Russe, qui est développée dans les pays baltes, qui est fort jolie, etc., et/ou Collabora Online, qui est, je vais raccourcir, du LibreOffice utilisable directement dans son navigateur, eh bien je n’ai pas trouvé mieux que ça marchouille : quand ça marche, tout va bien ; quand ça part en sucette, vous avez parfois bien du mal à comprendre pourquoi, comment, etc. Ça aussi ça s’améliore, merci pour la formule, mais tout ça prend du temps.
Il y a 200 apps dans le catalogue d’applications de Nextcloud. D’un côté c’est super, d’un autre côté, paye ta recherche pour savoir quelle application fait quoi, à quel moment, à quel endroit, etc., et quelle application bogue. Attention à l’effet WordPress !
Il y a quand même des trucs qui vont bien, je vous rassure, si on choisit cette solution ce n’est pas parce qu’elle est mauvaise, nous ne sommes quand même pas complètement débiles !
C’est une solution éprouvée : 20 millions d’utilisateurs fin 2017 ; mes sources, que je ne citerai pas, me disent, en gros, 60 millions aujourd’hui.
C’est une solution qui est riche, même extrêmement riche, on peut faire plein de choses avec.
Il y a 200 apps, ça veut dire que c’est quand même chouette si on veut améliorer ou configurer Nextcloud aux petits oignons en fonction des besoins, etc.
Le client de syncro, c’est-à-dire le logiciel que vous allez installer sur votre ordinateur, qui va permettre de « je modifie un fichier sur mon ordinateur, il est renvoyé dans Nextcloud » ou « je modifie un fichier sur Nextcloud, il est renvoyé sur mon ordinateur, voire sur les ordinateurs des gens avec lesquels je travaille », fonctionne plutôt bien ; ce n’est pas parfait, mais ça fonctionne plutôt bien.
C’est très simple à déployer, du PHP avec ce que vous voulez derrière, MySQL, PostgreSQL, SQLite.
L’intégration : c’est plutôt chouette d’avoir un logiciel qui fait plutôt une bonne intégration de OnlyOffice et Collabora Online, ce n’est pas complètement contradictoire avec ce que je vous disais tout à l’heure, je vous ai dit que ça marchouille, des fois ça ne marche pas et des fois ça marche, c’est plutôt pas mal.
J’ai toujours mes cinq minutes d’avance, tout va bien.
Frama.space [8] (enfin !)
Nous nous sommes fixé quatre missions dans ce projet-là.
La première nous paraît évidente, mais elle mettra du temps à se voir : comment est-ce qu’on augmente la notoriété de Nextcloud, notamment auprès du public francophone ? Je pense qu’on a tous et toutes à y gagner. Framasoft va notamment faire de la conf, de l’interview autour de ce qu’est Nextcloud, comment ça marche, etc. ; publication d’articles, des ateliers, des webinaires, publier des lettres d’information, des supports de communication, etc., parce qu’on a besoin de passer de deux personnes qui connaissent Nextcloud sur les 100 que vous allez interroger dans la rue à quatre ; ça paraît un tout petit changement, mais 100 % de progression ! C’est important parce que, sinon, tant que vous restez avec deux personnes qui connaissent, on va en revenir aux difficultés que rencontraient les associations, que je vous citais tout à l’heure, notamment « j’utilise quoi ?, mais je ne connais pas, du coup je vais utiliser Google parce que je connais ou Office parce que je connais ».
Deuxième mission, et normalement vous êtes là pour ça. OK, du coup c’est quoi Frama.space ? Frama.space c’est, entre autres, dans une deuxième mission qui n’est pas la principale selon moi, mais qui est celle qui est la plus complexe pour nous,
- déployer jusqu’à 10 000 Nextcloud, donc des instances, progressivement : on en ouvre, en gros, 250 d’ici la fin décembre, 2500 fin 2023, 5000 fin 2024, 10 000 fin 2025.
Gratuites, en tout cas pas payantes, je vais revenir dessus sur la slide d’après, pour les associations ; - 50 compte max, 40 gigas max par espace au total, ce ne sont pas 40 gigas par compte, ne rêvez pas, c’est 40 gigas au total ;
- maintenance et mises à jour gérées par Framasoft, c’est le côté inconvénient : vous n’allez pas pouvoir personnaliser votre Nextcloud en termes d’applications « tiens, j’ai trouvé cette application qui vient de sortir sur le catalogue de Nextcloud, je la rajoute à mon Nextcloud ». Non ! Vous n’aurez le droit qu’aux applications que nous aurons validées ; on sait que si on les rajoute tout le monde peut les déployer, que ça ne va pas nous casser l’ensemble du système, qu’on ne va pas avoir à faire de support dessus. Je reviendrai dessus si vous voulez ;
- Collabora Online par défaut, pour tout le monde, avec la possibilité, et je crois qu’on n’est pas très nombreux à le faire, de pouvoir switcher : l’administrateur ou l’administratrice de l’espace Nextcloud pourra switcher vers du OnlyOffice et pourra basculer de OnlyOffice à Collabora Online pour l’ensemble des utilisateurs de son espace, suivant les besoins ;
- uniquement sur préinscription avec une validation humaine, manuelle, je précise bien qu’il n’y a pas d’IA, pas de machin, etc., ça veut dire qu’on va faire de la discrimination, on n’a pas le choix : il y a 10 000 espaces, il y a 800 000 associations, donc, à un moment donné, il faut choisir. Pour Framadrive, un précédent projet qu’on avait fait autour de Nextcloud, on avait ouvert 5000 comptes, ils étaient partis en 15 jours. Là on ne veut pas que ce soit « premier arrivé, premier servi », on veut réfléchir à comment on construit un pool cohérent de structures au sein de Frama.space ;
- réservé aux petites assos et collectifs uniquement. Je reviendrai sur la raison, c’est notamment pour ne pas percuter les chatons qui proposent du Nextcloud ou les boîtes qui proposent du Nextcloud parce qu’il faut bien que tout le monde puisse manger.
Troisième mission, la communauté.
Il n’existe pas, à ce jour, de communauté Nextcloud francophone, ça n’existe pas ! Vous avez une partie du forum Nextcloud qui est en français, certes, sur laquelle il doit y avoir, à tout casser, trois messages postés par semaine et qui sont des messages hyper-tech, au sein d’un forum qui est mélangé entre l’anglais et l’allemand. Autant vous dire qu’avant d’attirer des Français, plus exactement des francophones dessus, ça va être compliqué. Donc on a mis en place un forum qui permettra de faire de l’entraide, du support, de lister les docs, servir de centre de ressources, etc.
On fera, autant qu’on le peut, de la formation de formateurs et de formatrices. Nous, Framasoft, sommes une toute petite asso ; il y a 38 adhérents, certes nous sommes 10 salariés, mais, à part Angie qui est sur la route là la moitié du temps, on ne va pas aller former chaque association en direct, ce n’est pas notre boulot, on n’a pas les capacités pour le faire. Par contre, former des gens qui savent former et qui sont sur le terrain, on peut le faire, on le fera avec plaisir et probablement d’ailleurs, gratuitement aussi parce que c’est dans notre intérêt.
Production de tutoriels. Là je suis en train de discuter avec l’équipe de Nextcloud GmbH, pour pouvoir récupérer leurs vidéos, qui sont actuellement en anglais – ils ont fait plein de chouettes vidéos qui présentent comment ça fonctionne, etc., sauf qu’elles sont en anglais. C’est comment on les récupère, on les sous-titre, on reprend les scripts, on les traduit en français, donc sous-titrages en français, voire refaire des voix off jouées par des acteurs ou des actrices qui, du coup, remettront une voix off en français dessus, ce qui rendra les choses un petit peu plus agréables pour les francophones.
Je disais tout à l’heure que c’est gratuit, en tout cas ce n’est pas payant. En contrepartie, ce n’est pas une obligation : on enverra régulièrement des sondages à nos utilisateurs et utilisatrices pour leur dire : « Coucou, les personnes qui utilisez Collabora Online, comment est-ce que ça se passe pour vous ? Bien ? Pas bien ? Où se trouvent les frictions ? Etc. ». « Vous utilisez le partage de fichiers ? Est-ce que ça marche bien pour vous ou pas du tout ? » « Votre synchronisation sur le téléphone marche ?, ne marche pas ?, où est-ce que ça pèche ?, etc. ». Vu que, petit à petit, on va avoir un pool d’utilisateurs relativement conséquent parce que 10 000 fois 50 comptes, potentiellement ça peut aller jusqu’à 500 000 comptes Nextcloud, donc derrière c’est remonter ça. Évidemment les résultats seront publics, anonymisés, pour que tout le monde puisse en profiter. Du coup, ça nous permettra d’identifier où se trouvent les points de friction pour pouvoir améliorer, en tout cas pour que la communauté puisse proposer des petits développements ou des améliorations.
Enfin, quatrième mission qui est vraiment la mission que nous nous fixons, c’est le boss de fin de niveau en quelque sorte.
La première chose c’est profiter du fait que nous sommes une plateforme avec des milliers de structures pour diffuser de l’info en top down, en mode descendant. On peut très bien avoir un petit encart qui dise « attention, en ce moment Darmanin essaye de faire passer le contrat impact social lié au contrat d’engagement républicain, mobilisez-vous à tel endroit ». On sait que notre public ce sont des associations, on sait qu’on va les choisir et les sélectionner de façon à ce que ça soit plutôt des associations on va dire militantes, ce qui n’empêche pas que le club d’Aïkido ou l’asso de danse puisse avoir un compte Frama.space, mais il nous parait important d’informer tout le monde. Les gens qui sont informés de ça aujourd’hui, c’est globalement le bureau de l’association, souvent le président ou la présidente de l’asso et ça ne va pas beaucoup plus loin. Nous estimons qu’informer l’ensemble des membres permettra peut-être d’avoir derrière un effet de levier important. On pourra d’ailleurs faire ça en collaboration avec d’autres structures, par exemple le Collectif des associations citoyennes [9] qui essaye de sensibiliser les associations aux modifications politiques qui sont en train de se passer et qui, parfois, galère à toucher les assos.
Deuxième point, c’est un petit peu ce que je disais tout à l’heure, comment est-ce qu’on collecte les informations sur comment se débrouillent les assos avec Nextcloud pour travailler collectivement les besoins, c’est-à-dire faire des développements qui, cette fois-ci, pourraient être un peu plus importants. Comment part-on des besoins de la base pour faire remonter ça.
Troisième point, qui nous paraît très important, c’est comment on transforme les usages, notamment intra-associatifs. Pour moi, transformer les usages, c’est comment on passe d’un modèle associatif pyramidal qui est, je vais caricaturer, en gros, un président, souvent un homme, un trésorier ou une trésorière et souvent une secrétaire – je caricature, désolé, mais c’est malheureusement un peu souvent comme ça que ça se passe –, avec une personne qui est chargée des tâches un peu administratives, pas hyper-joyeuses et puis, souvent, un mec ou plusieurs mecs qui vont décider ensemble de comment ça se passe. Comment peut-on modifier ça en poussant des questions de transparence radicale au sein de l’asso, c’est-à-dire comment peut-on rédiger un compte-rendu d’assemblée générale à plusieurs, en même temps, que ce ne soit pas une personne qui le fasse, qu’on soit tous coresponsables ; comment fait-on pour changer les questions de gouvernance en ayant, là encore, de la transparence au sein du Nextcloud, donc se partager de l’info, que tout le monde ait accès, finalement, à l’ensemble des informations. Ce sont des fonctionnements qu’on a régulièrement dans des assos libristes parce qu’on a tendance à partager plutôt naturellement, mais ce n’est pas le cas pour beaucoup d’associations. On voudrait essayer de transformer ces usages-là pour pousser la coopération et la collaboration au sein de chaque structure.
Je n’ai pas précisé, mais, quand je dis associations, c’est associations ou collectifs militants, même si vous n’êtes pas formés, même si vous n’êtes pas inscrits au registre national des associations, vous pouvez faire la demande d’un espace Frama.space.
La fédération, je vais aller assez vite, c’est un point technique que permet Nextcloud, c’est de la fédération, encore une fois c’est un public plutôt libriste. Vous voyez à peu près ce que c’est, typiquement comme dans Mastodon, comme avec le mail ou avec PeerTube, autopromotion ! C’est l’idée qu’à un moment donné on peut avoir différentes structures, je vais dire justement Alternatiba 86 qui peut parler à Extinction Rebellion 69, qui peut parler avec Greenpeace. Ces personnes-là peuvent partager un même espace, voire discuter et interroger les membres directement et en même temps. Finalement c’est comment elles utilisent leur Nextcloud pour avoir différentes façons de coopérer qui, jusqu’à présent, n’existaient pas. C’est chercher un petit peu des fonctionnements innovants en les faisant travailler entre elles. Très grosse ambition ; ça fait 20 ans que je fais de l’associatif !
Enfin mutualiser les financements de fonctionnalités spécifiques. Typiquement, cet été au Camp CHATONS [10] on discutait avec BohwaZ, l’auteur de Garradin [11] qui est un logiciel de gestion associative, pour voir s’il serait possible et à quel prix, parce qu’il faudra évidemment payer ce travail-là, d’intégrer de la compta associative et de la gestion de membres dans Nextcloud. Est-ce qu’on lie Nextcloud à du Dolibarr [12] ou autre ?, parce que c’est possible aussi, mais est-ce que c’est le plus pertinent ou pas ? On se donne trois ans pour y réfléchir.
Vous avez compris qu’en dehors de la question technique, il y a quand même la question politique.
On veut essayer de développer le pouvoir d’agir de ces structures en permettant aux associations de retrouver de la cohérence entre leurs outils et leurs actions. Si vous êtes une asso écolo c’est compliqué d’être financée ou d’utiliser les outils de Total ; si vous êtes une asso dans laquelle vous luttez contre tel ou tel domaine, les outils de l’hyper-capitalisme et du capitalisme de surveillance que sont ceux de Google ou de Microsoft ne sont peut-être pas les plus cohérents pour votre structure en termes d’usages. Pour l’instant, évidemment, ce sont peut-être ceux qui sont le plus pratique pour vous, on ne va pas juger les personnes qui les utilisent. Par contre, si on veut permettre à ces structures de sortir de ça, ça va forcément impliquer qu’on puisse leur mettre à disposition des outils qui ne soient pas les outils que j’ai appelés du maître ; finalement comment se libérer des outils qui nous enferment.
Redonner de la confiance et de la légitimité aux associations pour leur dire « vous n’êtes pas que des pégus du fin fond de la France, la petite asso qui essaye de faire des choses, que vous ne seriez pas légitimes à renverser la table et à agir à un niveau plus important, aller rencontrer des élus et leur dire « on n’est pas d’accord ». En proposant à ces assos des marteaux, des planches, des clous, eh bien, du coup, elles vont construire leurs propres outils. Ça nous parait intéressant qu’elles se sentent légitimes en se disant « on a un service qui est proposé par une association pour les associations » et non pas « on dépend du capital parce qu’il n’y a que les grosses entreprises, typiquement Google ou Microsoft, qui seraient en capacité de nous offrir des outils de qualité. »
Accompagner la montée en compétences, je laisse ça à Angie et Anne-Laure pour la suite.
Favoriser le dialogue. Je parlais de ces deux points-là tout à l’heure. C’est un petit peu comment, en utilisant le même outil, même en utilisant des newsletters ou autres, on peut faire en sorte que ces structures se rencontrent, se parlent et agissent ensemble. Ambition + + +, je ne dis pas qu’on va y arriver ! Jusqu’à présent personne n’a vraiment réussi à le faire. Il y a des fédérations, typiquement Le Mouvement associatif [13] qui est la fédération qui fédère un grand nombre de structures associatives – pour les assos étudiantes, je peux citer Animafac, par exemple ; c’est, du coup, comment on les fait discuter entre elles en utilisant l’outil. L’objectif derrière, évidemment, c’est que cette petite société civile, qui a été affaiblie ces dernières années, puisse retrouver une taille et une puissance qu’elle a perdues ces derniers temps.
Il y a la question de comment on évite la percussion avec les chatons qui proposent du Nextcloud, je reviendrai sur les chatons dans les questions si vous voulez, ou les entreprises, les artisans du numérique, qui proposent du Nextcloud et qui vendent du Nextcloud. J’ai listé un certain nombre de trucs pour essayer de rassurer les gens :
- concrètement, on ne vise qu’un petit nombre de comptes ;
- notre cœur de cible ce ne sont que les assos et les collectifs militants, donc, globalement, des gens qui n’ont pas de thune, on ne va pas se mentir, qui ne vont pas, aujourd’hui, aller acheter du Nextcloud. Quand votre budget est de 1000 euros à l’année, pour l’asso, vous n’allez pas mettre 200 balles par an pour vos outils, tout simplement, surtout à partir du moment où Google ou Microsoft vous les proposent gratuitement à côté ;
- on n’inscrira pas dans Frama.space des structures qui sont hébergées par des chatons ;
- on ne fait pas d’accompagnement individuel ;
- on ne fait pas vraiment de support, ça se passe essentiellement sur le forum ;
- on ne fait pas de SLA [service-level agreement], c’est-à-dire qu’on n’a pas de garantie d’utilisation, de garantie de qualité de service et de rétablissement de service en cas de plantage avec du 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nous sommes des humains, on dort, si ça a planté ça sera relancé le matin, si tout va bien, mais tôt, parce que Luc, notre admin-sys, se lève tôt ;
- on ne fait pas de personnalisation sur Frama.space ;
- on va y aller progressivement ;
- et évidemment, on renvoie toutes les personnes qui seront frustrées de ne pas pouvoir avoir leur espace à Frama.space vers les chatons ou des entreprises, si elles ne sont pas dans le SCOP, c’est-à-dire, je ne sais pas, je suis une collectivité, eh bien on vous explique où vous pouvez trouver des gens qui fournissent du service pour les collectivités s’il n’y a plus de places disponibles.
Pour rassurer des gens qui pourraient se dire que Framasoft veut prendre sa part du gâteau sur Nextcloud, je vous rappelle, c’est important, qu’on ne vend rien, on veut augmenter la taille du gâteau. Je ne sais pas si c’est clair pour tout le monde.
Un pari technique
Techniquement comment ça va marcher ? On est quand même au Capitole du Libre, vous voulez savoir un petit peu comment ça tourne. Je vais aller relativement vite, je ne suis pas trop mal en terme de timing.
On a un cluster minio avec cinq serveurs dédiés avec quatre disques de 16 téras chacun, vous faites le calcul ça fait 320. Ces cinq serveurs sont répliqués dans un autre pays avec de nouveau 4 X 16 X 5 téras, donc, au total, on se retrouve avec 640 téras de disques loués, pour une charge utile, aujourd’hui, de 192 téras, puisque vous perdez de l’espace avec le RAID, avec le fait que quand vous stockez des données sur des serveurs en cluster minio, eh bien forcément vous avez un certain nombre de disques qui sont là juste pour permettre la récupération de données en cas de plantage d’un disque, etc. Là on peut se permettre de perdre, si je ne dis pas de bêtises, jusqu’à dix disques sur l’ensemble : un serveur peut tomber en rade, entre quatre et cinq disques peuvent tomber en panne et le service continue de fonctionner ; au pire, on a la réplication dans un autre pays si besoin. Donc ce sont des serveurs physiques dédiés.
Au niveau des VM [machines virtuelles], pour l’instant, aujourd’hui, il y en assez peu mais c’est prévu pour pouvoir être augmenté. On a deux VM Postgrest, six VM pour le cluster Redis c’est-à-dire le cache essentiellement derrière ; pour l’instant une VM pour la bureautique, autant vous dire qu’on sait que ça va monter, pour spawner OnlyOffice et Collabora avec du Podman qui est, on va dire, du Docker mieux fichu, en tout cas c’est comme ça que ça m’a été vendu ; une VM Ngnix avec, évidemment, du PHP et PGpoll pour la répartition sur le cluster Postgrest ; une VM Imaginary qui permet de calculer les prévisualisations, notamment d’images et de documents, parce que c’est très consommateur en termes de ressources, donc on déporte ça ailleurs ; et une autre VM juste pour la journalisation, pour être sûrs que les journaux ne remplissent pas tous nos disques.
Donc voilà, en gros, à quoi ça ressemble, pour l’instant en tout cas, le tout avec du WireGuard pour être sûrs que eastern ne vienne pas trop regarder ce qui transite, etc.
C’est le principe, c’est d’ailleurs en place, ça fonctionne.
À côté de ça on rajoute nos propres logiciels pour la gestion et le déploiement, du Salt, du Symfony, du Python. Tout ça est libre et sera disponible sur Framagit.
L’ensemble de l’infrastructure sera complètement déployable par d’autres, si vous avez les compétences. On ne va pas se mentir, il y a quand même un paquet de compétences différentes derrière.
Ça pose malgré tout, on ne va pas se mentir, la question de la centralisation. À Framasoft, ça ne vous a pas échappé, on parlait beaucoup de « déframasoftisation » ces dernières années. Là on revient à un single point of failure, c’est-à-dire que si ça plante on peut potentiellement avoir 10 000 assos qui sont dans la panade ; c’est un vrai risque, est-ce qu’on le fait ? Est-ce qu’on ne le fait pas ? Si on ne le fait pas que gagne-t-on ? Si on le fait que gagne-t-on ?
La question de la sécurité, du légal, etc.
On a la chance d’avoir Thomas [Citharel] dans l’équipe salariée de Framasoft qui est un des principaux contributeurs bénévoles à Nextcloud, notamment sur la partie Agenda, ce qui fait qu’on a déjà un bon lot de compétences là-dessus.
J’en arrive à la fin, en trois points.
Un pari politique
Le pari est avant tout politique, c’est comme ça qu’on le conçoit.
Un choix volontaire et assumé de privilégier les assos et les collectifs militants, donc, en gros, de leur faire traverser la route : « Venez au logiciel libre, quittez Google ou autres ».
Choix volontaire et assumé de la gratuité de cette offre, ce qui peut paraître étonnant, en tout cas on pense que c’est comme ça qu’on peut changer les choses.
L’infra technique paraît évidemment assez ouf, mais on fait ça avant tout pour pouvoir privilégier l’accompagnement à grande échelle. Ce qui va compter, ce qui va servir de soutien c’est la partie accompagnement en lien avec le projet Emancip’Asso [3] qui vous parlera dans moins de dix minutes.
Notre slogan changer le monde un octet à la fois reste toujours valable, mais on essaye aussi d’outiller celles et ceux qui essayent de changer le monde.
Un projet financier
On ne va pas se mentir, c’est le projet le plus coûteux de Framasoft. Rien que l’infra aujourd’hui, si on prend les machines, tout ça va, en plus, prendre 20 % au mois de janvier, pouf ! comme ça, « désolés, inflation, coût de l’énergie, etc. ». Si vous rajoutez le temps humain, etc., je pense qu’on est autour de 120 000 au doigt très mouillé, mais globalement on doit être dans ces eaux-là.
Ce n’est pas comme si notre public cible était riche, on vise essentiellement des assos qui n’ont pas de thune ; on sait que ça va être compliqué de rentrer dans nos frais par le modèle économique du don.
Ce n’est pas comme si l’inflation et la crise économique ne faisaient que commencer. On ne sait pas du tout à quelle sauce on va être mangés les années à venir.
Ce n’est pas comme si on avait perdu de l’argent l’an passé. On a fait un résultat négatif de 65 000 euros, qui est amorti par la trésorerie, on ne va pas mourir demain. Par contre, fin 2023, on sera peut-être en mode « excusez-nous, mais, en fait, on va peut-être mourir », ce sont des choses qui arrivent. Nous sommes préparés psychologiquement à ça, potentiellement ça peut arriver.
Nous sommes en 2022, nous sommes actuellement en campagne de don, on est arrivé, en gros, à collecter aujourd’hui 42 000 euros sur les 200 000 euros qu’on espère d’ici fin 2022.
Ce n’est pas comme si j’essayais de vous influencer subtilement à nous faire des dons, on ne va pas se mentir.
Un peu de… panache ?
Juste avant de terminer, pour toutes celles et tous ceux qui nous diraient « votre truc ne va pas marcher, le modèle économique n’est pas bon, ce n’est pas utile, les assos vont juste venir se servir chez vous et vous n’aurez pas de retour en termes politiques derrière ». On a envie de citer, je ne crois pas que Pouhiou soit là, d’habitude il aime bien qu’on mette un peu de citations Cyrano de Bergerac derrière : « Que dites-vous ?... C’est inutile ?... Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès. Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »
Donc voilà, c’est un petit peu ce qu’on va essayer avec ce projet-là.
Merci. J’ai mis un petit gif chatons et canards mixés. Pas mal ! Merci.
[Applaudissements]
Questions du public
Pierre-Yves Gosset : Notez le timing parfait, 17 heures 20 ! Des années de pratique !
Du coup il nous reste, on va dire, cinq minutes pour les questions. Angie et Anne-Laure, si vous voulez commencer à vous installer c’est tout à fait possible et je prends les questions pendant les quelques minutes qui suivent. Questions techniques, questions politiques, tout ce que vous voulez. Anne-Laure avait une question. Vas-y.
Anne-Laure : OK. J’avais une question, je l’ai notée comme ça j’étais sûre de ne pas l’oublier, sur la Fédération, donc sur la partie politique, parce que c’est un peu ce qui va nous intéresser, on va vous en parler tout l’heure : est-ce que ça va être possible d’interfacer des instances qui ne sont pas chez vous en fait ?, parce que nos assos ont des Nextcloud et on aimerait bien être branchés avec vous.
Pierre-Yves Gosset : En un mot et en trois lettres, oui. Donc oui, tout à fait. L’administrateur ou l’administratrice de l’espace va décider avec quels types d’instances il se fédère. On ne veut pas nécessairement fédérer avec toutes les assos qui vont être sur Frama.space, il faut que ce soit volontaire, sinon elles vont se trouver avec 50 000 comptes accessibles, c’est plutôt avec qui je me fédère ? Donc non, on ne limitera pas la Fédération uniquement à nos instances et à notre domaine Frama.space, ce sera avec les instances que tu veux.
Il y avait une question là.
Public : En fait j’ai deux questions. La première c’est : que devient Framagenda ? La deuxième, j’étais super content cette année parce que dans mon association sportive on est passé sur Dolibarr. Tu en as parlé un petit peu tout à l’heure. Comment fait-on le pont entre… ?
Pierre-Yves Gosset : Que devient Framagenda [14] ? Pour l’instant Framagenda reste. Je pense qu’à un moment donné on arrêtera les inscriptions. Pour vous dire, on a une instance, framagenda.org, qui permet de ne gérer que des calendriers. On a dépassé les 100 000 comptes sur cette instance, dont la plupart sont actifs, et qui tous les jours synchronisent. Techniquement, dans mon téléphone, j’ai du Davx5 qui synchronise avec Framagenda derrière. Autant vous dire que ça fait un nombre de requêtes qui est conséquent. On sait, du coup, qu’on peut monter à 100 000 comptes sur une instance Nextcloud, on a su le faire. Par contre, on n’ira peut-être pas à 200 000 ou 300 000, ça ne sert pas forcément à grand-chose. Ce type de projet permettra aussi de répondre à cette question-là.
La question de Dolibarr, je me tourne vers Philippe, je pense qu’il y a plein d’outils qui peuvent servir aux associations. Pour l’instant on laisse de côté la partie gestion. Sur les slides que je vous ai montrées autour de la place du numérique dans les associations, on vise un point qui est le stockage, le partage, la collaboration et moins la partie gestion, notamment facturation ou autre de l’asso. La raison est assez simple : on vise beaucoup d’associations qui n’ont pas forcément besoin d’un outil aussi puissant que l’est Dolibarr ; typiquement, gérer sa compta en partie double n’est pas un besoin d’absolument toutes les associations. La plupart du temps c’est un bête fichier dans Collabora Online avec les recettes et les sorties. Je suis dans pas mal d’assos où ça se gère comme ça, alors qu’à Framasoft on a quand même un budget plus important, on a du Odoo [15] derrière et ça fonctionne, donc tout est OK.
Public : Merci pour l’excellente présentation. J’ai une petite question au niveau du choix des associations qui vont avoir un espace qui sera dédié. Vous avez parlé de petites associations : est-ce « petites » en termes de volumétrie qui sera stockée sur Nextcloud ou est-ce « petites » en termes de nombre d’adhérents ?
Pierre-Yves Gosset : Bonne question. La validation sera manuelle. Typiquement on ne veut ni Greenpeace, ni Alternatiba national, je peux dire qu’Alternatiba est déjà hébergé par IndieHosters qui est un chaton ; Greenpeace, ils sont plus nombreux. Avoir 200 comptes, pour nous ça ne fait pas sens, c’est pour ça qu’on a limité à 50 comptes, donc on vise plutôt des petites structures. On cherche à pouvoir transformer les usages de toutes ces petites structures qui, aujourd’hui, n’ont pas les moyens de sortir des GAFAM, pas les moyens humains, pas les moyens techniques, pas les moyens stratégiques, pas les moyens, je ne sais plus quel était le quatrième point dans la slide [financiers], j’aurais dû vous dire de les retenir par cœur. Elles ont quatre difficultés, du coup on essaye de résoudre ces quatre difficultés pour ce public-là.
Concrètement, pour une grosse association – je reprends le cas de Greenpeace – l’accompagnement ne peut pas se faire sur un forum en ligne, il va falloir d’autres outils. On vise vraiment les petites associations, je ne mens pas quand je dis qu’on fait un geste politique quand on dit que le fait de ne pas avoir les moyens ne doit pas être un critère discriminant pour ne pas avoir accès au logiciel libre.
Le logiciel libre, avant, c’était simple, typiquement LibreOffice, on le téléchargeait, on l’installait sur son ordinateur et basta. Maintenant que ce sont des logiciels qui sont dans le cloud, super, ça marche bien, tout le monde est plutôt content, etc., ça a changé les pratiques et les usages, c’est génial. Sauf qu’utiliser du cloud qui est nécessiteux en termes de ressources, aujourd’hui ça coûte de l’argent et les assos n’ont pas cet argent. Pour nous, le passage au cloud a créé une discrimination qui n’existait pas avant. On essaye de résoudre ce petit point-là, cette discrimination nouvelle. Donc c’est nous qui allons choisir manuellement les assos, on va faire de la discrimination, on n’avait pas envie de le faire, mais on ne peut pas accueillir 800 000 assos, peut-être à terme. On espère que notre infra pourra être reprise par d’autres chatons et pourquoi pas, à terme, qu’on puisse accueillir plus d’assos.
Je prends une toute dernière question. Monsieur.
Public : Bravo ! Ce projet me semble merveilleux et j’y adhère totalement. Étant dans le milieu associatif depuis plus de 40 ans, quelle est l’articulation avec les institutions existantes que l’on connaît. Le milieu associatif n’est pas angélique, comme vous l’avez dit, les pouvoirs publics non plus, mais il ne faut diaboliser ni les uns ni les autres. Juste une question très innocente : l’articulation entre ce projet et, par exemple, le mouvement associatif, autres institutions ou fédérations ?
Pierre-Yves Gosset : Ça fait longtemps que nous sommes en discussion avec différentes fédérations, que ça soit d’éducation populaire, de mouvements associatifs, les Maisons des associations, les Maisons des Foyers ruraux, etc. Ce sont juste des gens qui, pour la plupart, ont de la peine à suivre les évolutions très rapides du numérique. Je ne dis pas du tout qu’ils sont nuls en numérique, c’est juste que ça bouge beaucoup, ça bouge très vite et ils ont besoin d’aide, je pense, pour qu’on leur montre ce qui est possible. Donc on fait ce que sait faire Framasoft, c’est-à-dire un acte de ce que nous appelons de la préfiguration : avant que ça n’existe et que ça soit réellement déployé partout, on essaye de préfigurer ce qu’est une possibilité. Si demain le mouvement associatif arrive à collecter des sous, typiquement auprès de l’État, pour dire, par exemple, qu’il faut passer de 5000 ou 10 000 assos à 200 000, OK, très bien, ils sauront où nous trouver si jamais ils ont envie de venir nous voir. L’idée ce n’est pas du tout de ne pas travailler avec eux, c’est juste de dire « regardez comment ça marche ». Si on reste uniquement sur les discours, on n’avance pas. Framasoft est une association d’éducation populaire et, dans notre manifeste, on est une asso qui fait, donc on fait.
Ce sera tout. Je vous remercie beaucoup.
[Applaudissements]