Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
En introduction à cette émission, je vais vous demander de penser au pire site web que vous avez visité dernièrement. Pas forcément le plus moche, qui est une notion très subjective, mais celui qui vous a causé le plus de frustrations. C’est bon ! Vous l’avez en tête ? Espérons que ce ne soit pas celui de la radio ou celui de l’April, évidemment. Nos invités pour le sujet principal travaillent pour éviter ces frustrations, travaillent dans la qualité web ou l’assurance qualité web, on verra la précision, travaillent à rendre le Web meilleur. On en parle dans une quinzaine de minutes. Avec également au programme la chronique et Lorette Costy intitulée « Suivi du bol alimentaire algorithmiquement traçant et observateur », titre un peu énigmatique, il sera question de Gmail et aussi de caca. Et enfin la chronique d’Isabella Vanni en fin d’émission sur le quiz de l’Expolibre.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.
Nous sommes mardi 24 mai 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Toujours avec précision elle réalise l’émission, c’est ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isa.
Isabella Vanni : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy intitulée « Suivi du bol alimentaire algorithmiquement traçant et observateur »
Frédéric Couchet : Comprendre Internet et ses techniques pour mieux l’utiliser, en particulier avec des logiciels libres et services respectueux des utilisatrices et utilisateurs pour son propre bien être en particulier et celui de la société en général, c‘est la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent Costy, administrateur de l’April et de sa fille Lorette. Le titre de la chronique du jour : « Suivi du bol alimentaire algorithmiquement traçant et observateur ». On se retrouve dans dix minutes.
[Virgule sonore]
Lorette Costy : Papa ! Au secours ! Je suis tombé sur un de tes camarades libristes en cherchant un taf estival et il s’est gentiment moqué de moi parce que j’avais une adresse Gmail !
Laurent Costy : Rouloulou, ils sont coquins parfois ces libristes ! J’espère qu’il t’a donné une raison quant à cette gentille moquerie et qu’il t’a proposé de t’offrir l’hébergement d’un mail ou, à minima, qu’il t’a filé l’adresse du site chatons.org !
Lorette Costy : En fait non, il m’a juste proposé un travail ! Comme c’est ce que je cherchais, j’ai habilement et subtilement éludé la question du mail, mais je veux bien comprendre pourquoi une adresse Gmail peut déclencher de la gentille moquerie.
Laurent Costy : Tu veux une réponse politique, technique ou les deux ?
Lorette Costy : Sur le plan politique, je vois déjà quelques éléments de réponse : ne pas utiliser une adresse Gmail évite de renforcer une position largement dominante, logique ! Ceci étant, ne pas utiliser une adresse Gmail, c’est un peu comme soustraire une goutte de rhum d’une piscine olympique remplie de ce liquide euphorisant.
Laurent Costy : Je vais cacher mes bouteilles. Je trouve que tu parles beaucoup de rhum en ce moment. Tu ne serais pas en train d’essayer d’oublier que tu passes des partiels en fin d’année ? Mais je comprends ton doute quant à l’efficacité d’une telle mesure. Les GAFAM sont trop puissants, cette raison-là peut sans doute déjà suffire pour agir mais sans se leurrer, effectivement, sur l’efficacité d’un tel acte.
Lorette Costy : Il a dit aussi que Google lisait mes mails. Mais techniquement, ça me semble un peu compliqué de changer d’adresse mail. Et ça prend du temps. Il faut aussi que j’informe mes contacts toussa, c’est long !
Laurent Costy : Sur le fait que Google lit les mails, si on en croit le Journal du Geek en 2018 qui croit leurs conditions générales d’utilisation, il semblerait que cette pratique ait cessé. Tu noteras que ça fait plein de conditionnel tout ça ! Bien sûr, on n’a aucun moyen, en tant qu’utilisateur et utilisatrice, d’en avoir la certitude.
Lorette Costy : D’un autre côté, s’il fallait payer des gens pour lire les contenus des mails, étant donné le nombre de courriels qui voyagent sur Internet chaque minute, voire chaque seconde, il faudrait payer beaucoup de gens. Ce n’est pas l’argent qui manque chez eux, certes, mais comme ils croient d’abord en la machine avant de croire en l’être humain, j’imagine qu’il y a des algorithmes qui les remplacent pour cette fastidieuse tâche ?
Laurent Costy : Mais carrément ! Je t’en parle après de ces algorithmes, mais, de toute façon, je suis convaincu qu’ils n’ont plus vraiment besoin de lire dans le détail le contenu des mails. Les métadonnées leur permettent déjà de nous identifier, de prédire nos comportements et de se faire des péta-centimes d’euros avec l’obscur système spéculatif sur lequel la publicité programmatique repose.
Lorette Costy : Ah oui ! Le livre Le grand krach de l’attention de Tim Hwang parle de ça justement. Il a étudié le marché de la publicité programmatique.
Laurent Costy : Toi, tu as encore fouillé dans mes tiroirs ! Je vois super bien ce que c’est la publicité programmatique mais tu peux, peut-être l’expliquer aux « poditeuses » et « poditeurs » pour lever toute ambiguïté et probablement quelques lièvres ?
Lorette Costy : Je fais un peu ton boulot là, non ? Ça fera deux caramels et un roudoudou. Déjà que je lis tes livres sérieux pendant que tu lis des bédés ! Bon, Bref ! La publicité programmatique c’est ce système d’enchères qui permet de vendre, en quelques millisecondes, des espaces publicitaires sur des sites internet en fonction de profils de personnes prédéfinies.
Laurent Costy : Si je comprends bien, supposons que je sois PDG [Prononcé pèdègè, NdT] d’une startup qui vend des toilettes connectées. On appellerait ce merveilleux produit le « Cacaconnect ».
Lorette Costy : Tu ne préfères pas genre S.C.A.T.O pour « Suivi du Caca Algorithmiquement Traçant et Observateur ? » J’ai même le sous-titre, « S.C.A.T.O, des toilettes qui vous suivent à la trace ». C’est tout un art de vendre de la m...
Laurent Costy : Va pour S.C.A.T.O. Donc, pour faire de la publicité, je vais sur une plateforme qui offre ce service, je choisis mes critères, par exemple classe sociale ++ – désolé, les toilettes connectées, ça coûte cher –, tranche d’âge plutôt seniors, mais aussi couple avec enfants car, pour certains parents, publier le premier caca dans le pot sur Insta ne suffit plus, ils ont aussi besoin de suivre dans le temps l’évolution du caca mou de leur enfant. Et S.C.A.T.O. le fait pour vous !
Lorette Costy : C’est un peu simplifié mais ça donne une bonne idée !
Tim Hwang, dans son livre, explique qu’il a analysé le marché de la publicité programmatique et qu’il retrouve des similitudes par exemple avec la crise des subprimes en 2008. Il estime que l’on est à la veille de l’éclatement d’une bulle dans ce domaine.
Laurent Costy : Étant donné l’obscurité qui règne dans le domaine et les structures impliquées, souvent juge et partie, son hypothèse est très probable finalement. Bref, bon bouquin donc ?
Lorette Costy : Oui, à ceci près qu’il ne sait pas imaginer un Internet sans publicité, il n’y croit pas. À la fin de son livre il invente, pour les besoins de sa démonstration, un réseau social non adossé à la publicité alors qu’il y a tout le Fédiverse avec Mastodon, PeerTube, par exemple, qui existe et qui fonctionne très bien ! Ça montre une certaine ignorance de la part de l’auteur, mais il est américain et le Fédiverse n’est peut-être pas aussi promu qu’en Europe.
Laurent Costy : OK, mais peut-on revenir à la lecture des mails par Google, jeune fille indisciplinée qui lorgne trop ma table de nuit ?
Lorette Costy : Oui, mais ça fera deux roudoudous supplémentaires. C’est comme ça, c’est pour t’apprendre à tenir ton podcast.
Laurent Costy : D’accord miss morale. Il faut en fait distinguer la lecture automatique et la lecture par des yeux d’êtres humains. Google affirme que des yeux humains, sauf exception comme ils disent dans les CGU [Conditions générales d’utilisation], ne lisent pas les mails, mais ça ne veut pas dire que des robots ne le font pas. Un ponte de la NSA aurait dit un jour : « Un logiciel qui lit votre courrier, c’est comme un chien qui vous voit nu, ça ne compte pas ! ». Moi je dis que c’est pire parce qu’il arrive à lire dans les désirs profonds !
Lorette Costy : Oui ! Et comme d’habitude, ils en font un argument de promotion et de défense de l’utilisateur et de l’utilisatrice : « Nos fonctionnalités de filtrage du spam optimisées par l’IA bloquent près de 10 millions d’e-mails indésirables par minute ! C’est génial ! », sauf que symétriquement, à bas bruit, ils collectent et scannent automatiquement nos données.
Laurent Costy : La meilleure preuve sont peut-être les propos d’un autre géant du numérique qui excelle dans sa capacité à empapaouter les gens : Microsoft, pour ne pas le nommer. Il affirmait en 2012, je cite, c’est croustillant : « La messagerie Gmail peut toujours dire qu’elle « analyse » vos messages afin de vérifier qu’ils ne contiennent pas de spam, c’est bien votre vie privée qu’elle scrute. »
Lorette Costy : Même si la différence entre une IA et un humain est qu’il n’y a pas de « jugement » dans le 1er cas, finalement le résultat est le même : très crade. Il s’agit toujours de ranger les gens dans des cases, pour toujours mieux profiler, vendre et dominer. Et puis, l’examen par un programme, ça peut aussi être l’étape préalable pour trier ce qu’un humain lira.
Laurent Costy : En effet. Et d’ailleurs, quand on domine on fixe les règles. Et quand on fixe les règles, on décide qui diffuse des bons mails et qui diffuse des spams.
Lorette Costy : Je décrète ici que le spam est la 8e plaie d’Égypte de l’Internet des sauterelles ! Si on reprend l’analogie de notre chronique précédente – au passage, chronique ayant reçu cinq étoiles sur cinq dans l’excellent « Observatoire des Hackers Vaillants » –, c’est-à-dire un mail = 1/2 verre de rhum, alors, 600 millions d’indésirables par heure, ça fait plusieurs piscines olympiques de rhum gaspillé !
Laurent Costy : C’est un des nombreux effets pervers de la publicité sur Internet qui a contribué à ce flot de spams continu, vomitif et énergivore. Les plateformes qui ont consolidé leur fortune colossale sur la publicité essaient de contrôler ce vomi produit mais rechignent à interroger et modifier le modèle en amont, car ce serait trop dangereux pour leurs profits et leur pouvoir.
Lorette Costy : Tu parles de nombreux effets pervers ! Il y en aurait d’autres ? En dehors aussi de la logique publicitaire globale qui doit toujours faire vendre plus, augmenter la croissance, donc accélérer le processus de dégradation de nos écosystèmes sociaux et environnementaux ? Tout ça, c’est déjà pas mal quand même !
Laurent Costy : C’est cette capacité à décider pour les autres et à dominer. J’ai halluciné en échangeant avec mes petits camarades des systèmes d’information des Ceméa [Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active] de voir à quel point la gestion d’un serveur de mail était devenu un métier à part entière. Il faut sans cesse surveiller les notes de « fiabilité » attribuées au serveur. Si une des boîtes mail gérées par le serveur a été hackée et qu’elle a diffusé du spam, c’est tout le serveur qui est blacklisté et il faut alors contacter les gros relayeurs de mails – laposte.net, Gmail, etc. – pour montrer patte blanche et expliquer qu’on est gentil. C’est zéta-galère !
Lorette Costy : Un peu comme si un facteur automatique lisait les lettres qui lui passent entre les doigts, détectait le mot « vendre et S.C.A.T.O » et qu’il gardait la lettre estimant que c’est de la pub alors que j’écrivais simplement à Mamie que je faisais une chronique avec toi pour vendre des S.C.A.T.O. On est suivi à la trace !
Laurent Costy : Exactement ! Sans compter que les serveurs sont parfois bloqués suite à des faux positifs ou sans même que l’on puisse connaître les raisons profondes du blocage !
Lorette Costy : Et pour mon mail du coup ? Tu m’as plutôt convaincue, en fait, que j’aurai moins de problèmes en restant chez les puissants !
Laurent Costy : Ton côté rebelle est trop développé ! Je sais que tu as envie, au plus profond de toi, de contribuer aux changements pour le mieux, même si ça peut paraître insignifiant dans l’instant ! Donc il faut que l’on regarde deux aspects : d’abord choisir le fournisseur alternatif en fonction de tes besoins et se donner une stratégie de migration adaptée aussi à ces besoins.
Lorette Costy : Tu n’avais pas un serveur de mails sur ta brique Internet commandée chez Neutrinet ?
Laurent Costy : Tout à fait ! Je vois que tu suis mes achats qui permettent de s’émanciper numériquement petit à petit. Néanmoins...
Lorette Costy : Du coup, il faut aller à la maternité pour avoir un nouveau-né.
Laurent Costy : Néanmoins quand même donc, je ne recommande pas cette solution. Ce serveur, étant donné mes compétences, est plutôt à considérer comme serveur expérimental. Je ne préfère pas garantir un service continu avec assistance 24/24. D’autant que je vais sans doute couper ce serveur la nuit pour des questions énergétiques. D’autres personnes utilisent cette brique internet avec Yunohost « en production » comme on dit, mais ils sont plus sûrs d’eux et compétents.
Lorette Costy : Oh ! Mais tu as d’autres compétences mon Pezy papa. Comme celle de savoir clore une chronique avant qu’elle ne soit trop longue par exemple.
Laurent Costy : C’est vrai, tu me connais bien ! On va donc se donner rendez-vous une prochaine fois pour voir ensemble comment changer d’adresse en douceur et s’émanciper dans la joie et la bonne humeur ! Je te pope un bisou sur le front !
Lorette Costy : Imap-rend plein de choses mon Pezy papa, c’est cool. Plein de bisous chiffrés !
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : C’était la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy. On suivra sans doute en juin la suite de leurs aventures.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Après la pause nous parlerons de qualité web ou d’assurance qualité web, nous verrons avec nos invités. En attendant nous allons écouter Ilotana par Zero Project. On se retrouve 3 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Ilotana par Zero Project.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Ilotana par Zero Project, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Occasion pour moi de rappeler que toutes nos pauses musicales sont sous des licences libres qui permettent de les partager librement avec ses proches, de les télécharger parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux. Tout à l’heure on parlera d’ailleurs d’un projet qui met en avant des musiques sous licence libre dans les médiathèques.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Passons maintenant à notre sujet suivant.
[Virgule musicale]
La qualité web avec Élie Sloïm, fondateur et président de la société Opquast, et Delphine Malassingne, responsable qualité chez Ekino
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur la qualité web avec nos invités, Delphine Malassingne, responsable qualité chez Ekino, et Élie Sloïm, fondateur et président de la société Opquast. Bien entendu il et elle vont se présenter plus en détail.
Bonjour Delphine.
Delphine Malassingne : Bonjour.
Frédéric Couchet : Ça va bien ?
Delphine Malassingne : Bien.
Frédéric Couchet : OK. Super. Bonjour Élie.
Élie Sloïm : Bonjour.
Frédéric Couchet : C’est un grand plaisir parce que ça fait longtemps qu’on se connaît de façon on va dire à distance, Élie, et c’est peut-être une des premières fois qu’on se voit.
On va parler de qualité web, et comme je le disais tout à l’heure en introduction, il suffit que les gens pensent aux pires sites web qu’ils ont visité récemment, pas d’un point de vue mocheté, évidemment, parce que c’est une notion subjective, mais plutôt du point de vue utilisation, de recherche d’informations, etc. On va parler de tout cela avec nos invités. On va commencer par une présentation personnelle de chacun et chacune. On va commencer par Élie Sloïm.
Élie Sloïm : Bonjour. Je suis président de la société Opquast et fondateur de cette société. Je viens de l’assurance qualité dans le domaine de la chimie, j’ai travaillé dans le pétrole, désolé, et ensuite dans le domaine du vin. À un moment je me suis tourné vers le Web et, depuis une vingtaine d’années je suis consultant, conférencier, auteur, formateur et préfacier. Je fais plein de trucs et j’essaye de gérer ma boîte.
Frédéric Couchet : Très Bien. Delphine Malassingne.
Delphine Malassingne : J’ai commencé le Web il y a maintenant une vingtaine d’années on va dire. J’ai d’abord été ce qu’on appelait on va dire designer pour faire vite. Je suis rentrée ensuite dans l’intégration. C’est à peu près à cette époque que j’ai rencontré Élie et qu’il a commencé à me parler de qualité web. Je me suis intéressée à ce métier et, du coup, je l’ai exercé pour l’instant dans deux boîtes de façons très différentes. Je m’intéresse particulièrement, au sein de mon travail, à l’accessibilité numérique qui est une part, mais une part qui me tient à cœur. Voilà, c’est à peu près tout.
Frédéric Couchet : On parlera justement d’accessibilité numérique tout à l’heure. Quand nous nous sommes rencontrés, l’an dernier, j’avais un peu réduit la qualité web à cet aspect-là et tu m’avais un peu repris.
J’en profite pour signaler, j’ai oublié de le dire, que vous pouvez évidemment participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous ou sur le site libreavous.org et je salue les personnes qui nous suivent actuellement dont notamment Marie-Odile qui commente en disant « beaux curriculums », elle semble ravie par vos curriculums.
On va parler de qualité web. On va commencer tout simplement par le début, on va dire : qu’est-ce que la qualité web ? Est-ce qu’il y a une définition précise ? Est-ce qu’il y a une vision ? J’ai envie de vous demander comment, en soiré ou autre, ou à la radio, vous présenteriez la qualité web ? Qui veut commencer ? Élie Sloïm.
Élie Sloïm : De manière très simple, la qualité web ça va être la qualité des sites telle qu’on la perçoit comme utilisateur ; c’est effectivement quelque chose de très subjectif. C’est la capacité d’un site à répondre à des exigences qu’elles soient implicites ou explicites. C’est quelque chose qui dépend énormément de l’observateur mais qu’on ressent tous très profondément quand on utilise des sites parce qu’on a des problèmes, parce qu’on a des difficultés. D’ailleurs on ressent surtout la non qualité. On sent un peu la qualité, mais on la sent moins fort que la non qualité. C’est ma définition de la qualité web.
Après mon domaine d’expertise c’est plutôt maintenant l’assurance qualité web, c’est-à-dire comment on fait pour maîtriser ce sujet dans les organisations et quand on fabrique des sites.
Frédéric Couchet : Delphine.
Delphine Malassingne : Ma définition est proche de celle d’Élie, ne serait-ce que parce que j’ai été formée par Élie. Ce que j’aime beaucoup dans cette définition c’est le côté des attentes implicites et explicites. C’est-à-dire que oui, les gens savent, vont être capables de dire « moi, quand j’arrive sur un site, j’ai envie qu’il soit beau, j’ai envie de tel truc » et il y a plein de choses dont ils ne se rendent pas compte ; ils ont envie que ça marche, ça paraît évident. Il y a énormément d’attentes non explicites et je trouve hyper-intéressant de les avoir en tête au moment où nous concevons les sites web.
Frédéric Couchet : Tout à l’heure tu disais, Élie, que tu viens notamment de la chimie. Quand on pense qualité on peut penser la qualité dans la construction, la qualité dans l’alimentaire. Il y a souvent des définitions très précises ou des référentiels. N’y a-t-il pas une définition précise, formalisée, un référentiel type ISO, normalisé ?
Élie Sloïm : Il y a la définition de l’ISO [Organisation internationale de normalisation].
Frédéric Couchet : Qui est un organisme de normalisation.
Élie Sloïm : L’aptitude d’un objet ou d’un service à répondre à des exigences, c’est la définition de la qualité générale. Ça ne dit pas quelles sont ces exigences et c’est ce qui fait la subjectivité. Sur un site tu vas effectivement te retrouver avec des gens qui aiment beaucoup certaines choses et d’autres qui n’aiment pas du tout. La notion de qualité sera complémentent subjective. Donc on a effectivement des référentiels. Ça c’est pour la qualité au niveau général.
Quand on s’intéresse spécifiquement au Web, là c’est déjà un peu plus compliqué, c’est un secteur qui est beaucoup plus récent, qui est, d’après moi, en cours d’industrialisation. Toutes ces questions de gestion de la qualité, de réflexion sur la qualité, émergent progressivement.
Donc oui, on essaye de faire des référentiels. J’ai travaillé notamment sur une check-list documentée.
Frédéric Couchet : On en parlera tout à l’heure.
Élie Sloïm : Voilà ! Je ne veux pas aller plus vite que la machine. On en parlera. Elle est sous licence ouverte. Donc ça émerge progressivement.
Frédéric Couchet : D’accord. C’est en construction. Il faut rappeler aussi que tout ça, l’informatique, est finalement relativement récent !
On peut se poser la question de pourquoi faire de la qualité web, à la fois quand on crée des sites web et à la fois quand on utilise des sites web. Quel est l’intérêt pour ces deux types de public qui sont forcément différents, qui n’ont pas du tout les mêmes problématiques ? De ce que j’en comprends, la qualité web pour les personnes qui utilisent le Web c’est pour éviter les frustrations et permettre, finalement, de répondre à leurs besoins, que ces personnes connaissent leurs besoins, comme tu le disais tout à l’heure, Delphine, ou qu’elles ne les connaissent pas. J’aimerais savoir quel est l’avantage pour les deux types de public.
Par exemple toi, Delphine, tu travailles dans une entreprise, Ekino, tu peux d’ailleurs expliquer ce que fait cette entreprise. Quel est l’intérêt de faire de la qualité web pour l’entreprise Ekino ?
Delphine Malassingne : Je vais dire de manière très générale qu’Ekino est une agence web, plus particulièrement c’est un prestataire qui aide à la transformation digitale.
Frédéric Couchet : On va traduire pour les personnes qui nous écoutent : vous créez principalement des sites web.
Delphine Malassingne : C’est ça. On a des clients qui viennent nous voir pour leur créer leur site web ou leur service en ligne. L’intérêt c’est que, derrière ce service, ce site soit réussi. Pour qu’il soit réussi il faut qu’il corresponde aux attentes de la personne qui vient nous voir, mais la personne qui vient nous voir souhaite que ça réponde aussi aux attentes des gens qu’elle vise ; elle veut que les gens viennent utiliser son site. On a toute cette chaîne-là, entre guillemets, « à satisfaire ». Notre but va être de satisfaire les utilisateurs finaux.
L’intérêt, pour nous, c’est évidemment de faire une bonne prestation vis-à-vis de nos clients. Je pense que les gens qui travaillent chez nous, comme dans d’autres agences, ont envie de bien faire leur travail. C’est quelque chose qui est assez vrai, je pense, dans le Web en France. Ça participe aussi au fait que l’entreprise dans laquelle je travaille souhaite mettre en place un poste de responsable qualité, souhaite mettre en place différentes actions pour la qualité des sites qu’on produit.
Frédéric Couchet : D’accord.
Avant de passer la parole à Élie sur la même question. Ce poste de responsable qualité web est-ce que c’est quelque chose qui est classique ou est-ce un poste qui existe peu en fait ? Finalement, si je comprends bien, c’est ton poste, mais est-ce c’est quelque chose qui est vraiment développé ou est-ce que dans d’autres types de structures, agences web ou autres types d’entreprises, c’est plutôt un poste à « temps partiel », entre guillemets, ou peut-être d’ailleurs qui n’existe pas ?
Delphine Malassingne : C’est un poste très rare. Élie et moi connaissons quelques personnes qui l’exercent et effectivement, comme tu le dis, certaines à temps partiel. Je crois que nous connaissons en commun une autre personne qui l’exerce à temps plein. Donc oui, c’est un poste qui est encore très rare, qu’on découvre et qui est différent d’une entreprise à l’autre. C’est vraiment quelque chose de très nouveau.
Frédéric Couchet : D’accord.
Même question Élie, je reviens sur ma question précédente sur l’intérêt pour la structure qui crée un site web, ça peut être une agence web, ça peut être une collectivité, une entreprise, une association, et l’intérêt pour les personnes utilisatrices. Quels sont les intérêts en fait ?
Élie Sloïm : Pour les utilisateurs, en 2001, avec un collègue qui s’appelle Éric Gateau, nous avons créé un modèle qui est disponible en ligne, qui s’appelle VPTCS, qui synthétise les exigences des utilisateurs et où est l’enjeu. Peut-être qu’on en reparlera rapidement.
Frédéric Couchet : Non. Tu peux juste dire ce que veut dire VPTCS.
Élie Sloïm : Visibilité, Perception, Technique, Contenus, Services. Pour le mémoriser on a : « va pas te croire supérieur ».
Frédéric Couchet : Je n’avais pas fait attention, VPTCS. D’accord.
Élie Sloïm : Si je le synthétise pour un utilisateur et pour les gens qui nous écoutent c’est vraiment :
- lorsque vous cherchez quelque chose sur Internet est-ce que vous le trouvez facilement ?
- ensuite, une fois que vous avez trouvé le site, est-ce que c’est facile à utiliser ?
- techniquement est-ce que ça marche ?, sécurité, performance, rapidité, est-ce que le site s’affiche rapidement ?
- ensuite, au niveau des contenus, ce que vous lisez, ce que vous consultez est-ce de bonne qualité ?
- et à la fin, par exemple lorsque vous avez utilisé quelque chose que vous allez réutiliser, une demande, un service, un produit que vous avez acheté, est-ce que tout cela va se passer, après la visite, dans de bonnes conditions ?
C’est toute cette chaîne entre le moment où j’ai besoin de quelque chose sur le Web et la fin où je vais avoir effectivement cette chose, peut-être même jeter l’emballage ou reçu un produit de très loin, est-ce que tout ça s’est passé de manière fluide et comment le site web a aidé à faire ça. C’est l’enjeu utilisateur.
Il y a évidemment un enjeu majeur du côté des entreprises parce que les entreprises ont aussi besoin que ça se passe bien et que ça se passe vite. Pour les entreprises il y a évidemment satisfaire les utilisateurs, qui est quand même, pour beaucoup d’entreprises, quelque chose de très important.
Il y a des enjeux économiques parce qu’il y a énormément de coûts de non qualité dans les entreprises. Fabriquer un site ça peut conduire à faire des pertes, comme on peut en voir d’ailleurs dans le bâtiment, dans d’autres secteurs. Le Web c’est aussi un truc où on fait, où on refait, où on casse, où on fait des choses pas bien, où l’utilisateur a des problèmes, des retours produits, des choses comme ça. Tout ça ce sont économiquement des enjeux qui ne sont pas très visibles.
Toute la partie écologique impacte aussi le numérique ; ce sont des coûts, des coûts sociaux, environnementaux.
Il y a également ce dont va parler Delphine, la partie valeur, la partie développement durable, le fait, quand on travaille comme professionnel du Web dans une entreprise, qu’on fasse des choses qui correspondent quand même à des enjeux éthiques et déontologiques corrects.
C’est donc tout ça et on trouve les enjeux de la qualité dans l’industrie.
Frédéric Couchet : Avant que Delphine parle de ce point, je rebondis sur le terme de non qualité et des coûts. Est-ce que les entreprises, on va dire les structures en général, sont capables de quantifier le coût de cette non qualité ? Et inversement, est-ce qu’elles sont capables de se dire qu‘avoir un poste dédié, en tout cas une personne avec un temps suffisant sur la qualité web, apporte quelque chose qui est supérieur au coût de la personne ? Je sais que la question n’est pas évidente, je ne sais pas si c’est quantifiable.
Élie Sloïm : Malheureusement c’est assez quantifiable sur les sites de e-commerce, un travail important a déjà été fait sur ces sujets-là. C’est beaucoup plus difficile à quantifier sur des choses qui sont de l’ordre du ressenti, qui sont de l’ordre du confort, de la fidélisation. On manque effectivement d’indicateurs et ça aussi c’est un signal qu’on est en cours d’industrialisation, c’est-à-dire que faire un site c’est encore un petit peu artisanal, on n’en est pas encore à avoir des indicateurs massifs sur ce sujet. En revanche, dans la fabrication automobile, on a pu mesurer par exemple que les bruits des portières avaient des impacts majeurs sur les actes d’achat et sur la perception de la qualité. Ce sont des choses qu’on voit apparaître progressivement, des observations comme ça sur le Web, mais on en est au tout début.
Frédéric Couchet : On reviendra après sur le côté éthique et développement durable, mais pour poursuivre juste sur cette question-là, Delphine, qu’est-ce qui a convaincu Ekino d’avoir ce poste un petit peu unique quelque part ?
Delphine Malassingne : Il faudrait le leur demander ! J’ai bien sûr une part de la réponse. Je suis arrivée chez Ekino pour créer le poste et, en fait, il y avait déjà chez mes patrons une forte conviction de l’intérêt de ce sujet-là, avant même, justement, tous ces indicateurs, qu’on parle de ça, c’était il y a une dizaine d’années. Il y avait une vraie volonté de faire les choses bien et de pouvoir aussi les attester par un tiers. C’est là où on a rejoint Opquast, mon entreprise, Ekino, est partenaire Opquast parce que justement Opquast est aussi un tiers, c’est quelqu’un de l’extérieur qui, avec un modèle, vient parler de la qualité de ce que nous faisons. L’aspect « le faire » était vraiment très important, mais je me souviens très bien que mon patron disait à l’époque : « Tous nos concurrents disent qu’ils font de la qualité, nous n’allons pas être les seuls à le dire, mais il y a quelqu’un qui va l’attester derrière ».
Frédéric Couchet : C’est-à-dire pour ne pas être, entre guillemets, les « pipeauteurs du Web ». C’est ça ?
Delphine Malassingne : Après il y en a qui vont faire de la qualité sans l’attester. Il y en a qui vont dire qu’ils en font et ils vont faire autre chose.
Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra tout à l’heure sur le pourquoi de ce modèle, etc. On va revenir sur l’intérêt interne et externe. Élie disait que tu souhaitais parler de la partie éthique, développement durable, si je me souviens bien des termes, c’est ça ?
Delphine Malassingne : Je n’avais pas prévu, mais je peux en parler. Ça fait partie, on va dire, d’un état d’esprit global qui est vrai dans la boîte dans laquelle je travaille et qui va être vrai ailleurs. Il y a cette volonté de faire les choses correctement et correctement ça veut dire aussi correctement pour les gens derrière qui utilisent et même, en fait, en interne de manière générale.
Je pense, j’ai l’impression depuis que je travaille dans le Web, qu’on est vraiment dans une période où les gens qui travaillent dans ces industries ont envie de quelque chose qui ait du sens. Je pense que ce n’est pas pour rien si tout ce qui est RSE, Responsabilité sociétale et environnementale, arrive en ce moment. Donc quasiment toutes les entreprises ont maintenant une démarche liée à ça, évidemment la nôtre aussi. Je pense que ce n’est pas un hasard si ça arrive en ce moment et s’il y a une forte adhérence, en tout cas en interne, pour ces sujets. Ce qui va faire que, de manière globale, il va y avoir une forte adhérence pour les démarches liées à la qualité web, à la qualité de ce qu’on produit et à l’état d’esprit dans lequel on le fait, d’où l’accessibilité aussi.
Frédéric Couchet : Justement, quel est le lien entre qualité web et accessibilité ?
Delphine Malassingne : En fait, la qualité web c’est quelque chose qui est transverse. Le site est composé de plein de disciplines différentes, une de ces disciples – discipline n’est pas forcément le mot –, une de ces thématiques va être l’accessibilité qui, elle-même, est déjà transverse à différents métiers, à différentes interventions sur le site. Au sein de la qualité web, il va aussi y avoir la performance, il va y avoir aussi ce qu’on appelle le SEO [Search">Engine Optimization]— le référencement naturel —, le fait que les moteurs de recherche trouvent le site quand on fait une requête correspondante. Il va y avoir justement la technique, etc. Donc la qualité web est transverse et l’accessibilité est une part de ce qui constitue un site, l’accessibilité numérique, le fait que les gens puissent y accéder quelles que soient leurs conditions d’accès.
Frédéric Couchet : On a parlé récemment d’accessibilité numérique, je ne me souviens plus du numéro de l’émission, je vous le donnerai tout à l’heure. Je laisse la parole à Élie.
Élie Sloïm : Simplement pour compléter et peut-être éclairer une partie de ce qu’a dit Delphine, les gens le savent peu. D’abord il y a beaucoup de personnes handicapées qui accèdent au Web. Il y a des enjeux énormes sur le fait que les personnes handicapées puissent accéder au Web et elles vont utiliser un certain nombre d’outils qui vont faire que, dans un certain nombre de conditions, ça sera très difficile pour elles par exemple de vocaliser le site ou d’accéder aux sous-titres, etc., donc on a tout un travail autour du fait que les sites ne bloquent pas les personnes handicapées lorsqu’elles arrivent sur le site. C’est tout le chantier de l’accessibilité aux personnes handicapées. Quand on parle d’un site accessible entre professionnels ce n’est pas un site disponible ou ce n’est pas un site facile à comprendre, c’est vraiment un site accessible aux personnes handicapées.
Après on a plein d’autres enjeux. Il y a ceux que Delphine a cités : le référencement dans les moteurs de recherche, la performance. Je vais en ajouter quelques-uns : la préservation des données personnelles dont vous avez parlé dans la chronique juste avant ; la sécurité, effectivement, essayer de faire en sorte qu’à la fois les serveurs et les personnes soient protégés ; la qualité du service en lui-même ; l’écoconception, c’est-à-dire faire en sorte que les sites aient un minimum d’impact sur l’environnement, sur les émissions et les déchets, etc. En fait juste un site web, quelque chose qui a l’air d’assez simple, entre ce qu’a dit Delphine et ce que j’ai dit, on se rend compte qu’il y a beaucoup de sujets. L’assurance qualité web, qu’on essaye de faire émerger dans ce secteur, c’est effectivement piloter globalement toutes ces activités-là.
Frédéric Couchet : D’accord. Je précise que l’émission sur l’accessibilité en informatique c’est la 117. Vous allez sur libreavous.org/117 et vous arriverez directement sur le podcast et sur la transcription.
Avant de parler un petit peu de savoir comment on fait en pratique de la qualité web, je voudrais juste une petite précision parce que tu viens de parler d’assurance qualité web. Est-ce que tu peux nous rappeler ou nous expliquer quelle est la différence que tu fais, même si tu l’as dit un petit peu en introduction, mais pour être sûr qu’on comprenne, entre qualité web et assurance qualité web ?
Élie Sloïm : C’est simplement lié à une erreur de ma part. J’ai très longtemps parlé de qualité web sans vraiment tenir compte du fait que ça allait être perçu comme quelque chose de très subjectif. Il y a deux ou trois ans j’ai décidé de renommer le livre qu’on a sorti, qui s’appelle maintenant Assurance qualité Web, qui s’appelait Qualité Web, pour essayer de mettre en évidence le fait que ça n’est pas un jugement sur les sites, mais plus une démarche d’amélioration et une activité, comme on a une démarche de communication dans les entreprises, on a des démarches marketing, des démarches techniques, informatiques. Là il y a une démarche, qui existe déjà dans toute l’industrie, qui est la démarche d’assurance qualité : comment on maîtrise la qualité des choses, eh bien on essaye de faire en sorte que ça arrive aussi dans le Web. On essaye de distiller de plus en plus cette idée, cette notion de démarche objective d’amélioration continue.
Frédéric Couchet : D’accord. Delphine.
Delphine Malassingne : En plus cette notion est importante. Quand je me présente dans une nouvelle entreprise, que j’arrive avec mon titre ronflant de responsable qualité, c’est vrai que la première chose qu’il faut que je désamorce c’est « non, je ne suis pas là pour venir contrôler ce que vous avez fait. Non, je ne suis pas là parce que vous ne faites pas de la qualité et avec moi vous allez en faire ». C’est vrai que ce mot assurance qualité est très important parce que ça permet de faire comprendre « moi je suis là pour être un outil pour vous aider à faire ce que vous avez envie de faire. C’est vous qui connaissez la qualité, c’est vous qui la faites et moi je viens accompagner cet élément-là. »
Frédéric Couchet : D’accord. Ça fait une très bonne transition avec la thématique suivante : commet fait-on de la qualité web en pratique ? Tout à l’heure, Élie, tu as parlé du modèle VPTCS, Visibilité, Perception, Technique, Contenus, Services. Il y a aussi, on va dire, le modèle Opquast, d’ailleurs que veut dire Opquast ?
Élie Sloïm : Ça veut dire Open quality standards.
Frédéric Couchet : Des standards de qualité ouverts. C’est ça ?
Élie Sloïm : Effectivement.
Frédéric Couchet : Donc il y a une notion de bonnes pratiques, avec 240 bonnes pratiques. Est-ce que faire de la qualité web c’est s’assurer, quand on développe un site web, qu’on respecte ces 240 bonnes pratiques, ou pas ?
Élie Sloïm : Non. En tout cas ça peut être une optique de se dire j’ai une check-list. C’est une check-list qui existe depuis 2004, qui est sous licence ouverte, que vous pouvez télécharger librement, qui est documentée, disponible en trois langues, ça fait 240 fiches documentées, disponibles en trois langues, soit 720 fiches, c’est un contenu énorme, tout en licence ouverte Creative Commons, tu les as citées tout à l‘heure, sans clause commerciale. Le réflexe, avec une check-list, c’est effectivement de se dire je vais la respecter. Pendant très longtemps on a travaillé sur cette notion qui sous-tend l’évaluation, c’est-à-dire je prends mon site, je prends une check-list et je regarde si je respecte ça. On est dans le domaine de l’inspection technique ; au même titre qu’on inspecterait une voiture on inspecte un site web. Depuis cinq/six ans j’ai personnellement changé complètement de vue en disant que le plus important n’est pas peut-être d’être conforme, de respecter une check-list, mais plutôt d’être capable de dire « j’ai regardé ce point-là et je sais si je suis conforme, je sais si je ne suis pas conforme et surtout je connais les conséquences ». Un peu l’optique du pilote d’avion qui décolle en ayant certains points qui sont rouges, d’autres qui sont orange, d’autres qui sont verts ; quelquefois il y a des choses qui peuvent être au rouge, on ne décolle pas, des choses qui sont orange, on peut décoller quand même, et puis des choses qui sont vertes, on peut y aller et on maîtrise le risque.
Au stade où on en est de la démarche, même si on fait un site web d’association, un site web même personnel – je pense que beaucoup de nos auditeurs ont des sites, des sites d’associations, de parents d’élèves, etc. – c’est se dire je regarde cette check-list non pas pour dire « hou, là, là je suis super, je suis parfait », non, plutôt « je maîtrise ce qui se passe et je ne vais pas avoir de mauvaises surprises, je pense à un maximum de choses ».
Frédéric Couchet : Donc cette check-list de 240 règles essaye de couvrir plusieurs thématiques globales. Il y a des thématiques techniques, des thématiques utilisatrices, des thématiques accessibilité.
Élie Sloïm : Il y a un peu de tout, puisque c’est la qualité.
Frédéric Couchet : Il y a un peu de tout. Je te laisserai éventuellement en citer une ou deux qui te plaisent bien. J’ai regardé la règle numéro 42, forcément en tant que geek, je précise que je les ai toutes regardées en fait. Ce qui est intéressant c’est que c’est très court, ce ne sont pas des règles très longues, c’est très factuel, c’est bien expliqué, etc. Par exemple la règle 42 : « Les conditions de fonctionnement du service après-vente sont indiquées. ». Tu parlais tout à l’heure des sites de e-commerce et effectivement, si on se place d’un point de vue utilisateur ou utilisatrice, le fait qu’on puisse savoir comment va fonctionner le service après-vente est essentiel quand on va commander.
Élie Sloïm : Quelquefois ça rattrape complètement l’expérience qu’on a eue sur un site, c’est-à-dire qu’on a acheté quelque chose, c’est désastreux, on va devoir faire appel à un service après-vente ou à un support. C’est important de savoir si on va devoir payer pour l’utiliser, quels vont être les horaires d’ouverture, typiquement un certain nombre de règles comme ça. Maintenant on ne parle plus trop de bonnes pratiques, on parle carrément de règles parce qu’on essaye d’aller un petit peu plus loin que des bonnes pratiques. On essaye maintenant de dire qu’on a des choses argumentées par l’utilisateur.
Frédéric Couchet : Je vais en citer une deuxième. Il y en a qui sont beaucoup plus techniques, celle-là est très simple. La règle numéro 6 : « La date de publication des contenus qui le nécessitent est indiquée ». En tant que personne qui lit beaucoup de contenus c’est vrai que je suis totalement agacé quand je lis des articles où il n’y a aucune référence de date et on ne sait pas si l’article a été publié il y a six mois, il y a dix ans, etc. C’est quelque chose qui est très simple à mettre en œuvre, il suffit juste de mettre la date de publication. C’est pour bien montrer que ce ne sont pas des règles qui sont forcément très compliquées à mettre en œuvre. Delphine.
Delphine Malassingne : Je présente régulièrement Opquast au sein de mon entreprise à mes collègues et un des retours que j’ai aussi, c’est qu’ils sont en général enthousiastes de voir toutes ces règles parce qu’ils disent « mais oui, ça c’est important, mais oui, il faut y penser à ça et on n’y pense pas toujours ». Des fois ce sont des choses qu’on fait, qu’on fait tout le temps, ils vont se dire « c’est bon, on le fait tout le temps ». D’autres fois ils vont se dire « ça c’est important et ça peut être oublié », etc. En tout cas il y a un enthousiasme et une adhésion quand on lit ces règles. Pour toutes celles qui sont sur le e-commerce, les gens se placent plutôt en tant qu’utilisateur ou utilisatrice et se disent « je veux vraiment que le site fasse ça ». Il y a vraiment cette forte adhérence qui est assez plaisante.
Frédéric Couchet : On va continuer à parler des règles et de la qualité web après la pause musicale. Je vais juste préciser que les liens et les références utiles sont sur le site de l’émission libreavous.org, vous trouverez le lien vers Opquast, vers ces 240 règles, etc.
On va faire une pause musicale. Nous allons d’écouter Star Swimming par Props. On se retrouve dans 3 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Star Swimming par Props.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Star Swimming par Props, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.
Avant la pause musicale nous parlions de qualité web avec nos invités, Delphine Malassingne et Élie Sloïm. Nous allons poursuivre la discussion.
Avant la pause on expliquait comment faire de la qualité web, on a parlé un petit peu des règles Opquast dont on va reparler. Là on va attaquer avec le retour d’expérience de Delphine. Tu es responsable qualité web. Comment se passe ton travail à la fois en interne dans l’entreprise Ekino et quand tu vas en clientèle ?
Delphine Malassingne : Il y a plusieurs aspects.
Évidemment Opquast est un des aspects et je dirais que c’est un aspect, comment dire, opérationnel. On a cette check-list et surtout la certification qui va avec parce qu’on peut certifier des personnes à Opquast. Cette certification permet d’avoir un bagage commun, une base de connaissances communes au sein de l’entreprise. On parlait tout à l’heure du fait que la qualité est transverse. Cette certification Opquast est transverse et, du coup, s’adresse à tous les profils, que ce soient des profils techniques, des profils design, même des profils qui simplement, parce qu’ils travaillent dans une entreprise web, voudraient avoir une base commune, une base de connaissances commune. C’est un des premiers aspects Opquast, peut-être que Élie complétera. Du coup je vais parler aussi des autres aspects.
Les autres aspects sont très intéressants. J’ai exercé dans deux entreprises très différentes. La première était un annonceur et là je suis dans une grosse agence. Le métier, comme je le disais, est un métier rare, à chaque fois ce sont des créations de poste, c’est un métier qu’il a fallu inventer et il ne s’invente pas du tout de la même façon dans une entreprise ou une autre. La première fois j’étais dans une petite équipe technique qui faisait appel à des grosses agences externes pour faire ses sites web et là, ce dont on avait besoin, ce que je faisais, c’était guider un peu les demandes qu’on avait, donc beaucoup de documentation par exemple en listant des spécifications, des cahiers des charges, en listant tout ce qu’on voulait comme niveau de qualité sur notre site, comment ça devait être fait, etc. C‘était un premier aspect dans ce contexte-là.
Quand je suis arrivée dans une grosse agence web la problématique n’était évidemment pas la même. Au niveau de l’évolution de la boîte on va dire que ce n’était plus une jeune boîte, c’était une adolescente qui était en train de se professionnaliser. Il y avait beaucoup d’équipes au sein de cette agence qui travaillaient pour différents clients, avec des expertises différentes. En fait, chacune avait développé sa propre qualité et sa propre façon de faire les choses. En arrivant j’ai beaucoup travaillé sur l’homogénéisation entre les équipes, aller chercher les bonnes idées chez les uns et les autres, réunir les bonnes personnes pour que tout le monde puisse savoir quelles étaient les bonnes façons de faire et ensuite avoir un socle commun auquel Opquast participe, à nouveau par rapport à cette base de connaissances dont je parlais.
Frédéric Couchet : D’accord. Tu as parlé de certification, c’est intéressant, d’ailleurs je ne sais pas si c’est toute l’activité d’Opquast, tu vas peut-être préciser Élie. Il y a effectivement cet aspect certification, donc il y a ces règles et on peut devenir certifié, un petit peu comme les tests de langues, je suppose, avec un certain nombre de points sur le maximum, c’est ça ? Comment la certification Opquast fonctionne-t-elle ?
Élie Sloïm : C’est effectivement ça. On a trois activités chez Opquast. La première c’est de produire ces contenus, c’est un travail absolument énorme, ce sont des contenus de référence qui sont librement disponibles en téléchargement.
Frédéric Couchet : C’est important de préciser qu’ils sont disponibles directement sur le site.
Élie Sloïm : Ces contenus sont disponibles en trois langues, anglais, français, espagnol. 720 fiches. Tout cela peut être récupéré, mais évidemment on ne vit pas de ça. L’entreprise finance effectivement ses activités par deux activités : d’une part une formation certifiante qui marche comme le TOEIC [em>Test of English for International Communication], donc un score entre 0 et 1000 points, qui se positionne comme un socle de compétences pour les professionnels du Web du monde entier. On fait également vivre un écosystème de partenaires dont fait partie Ekino.
Pour revenir à cette formation, c’est effectivement une formation qui concerne des personnes individuelles, qui a été suivie maintenant par un peu moins, ou peut-être un peu plus, de 15 000 personnes en six ans, ça fait six ans qu’on a commencé. Là on commence fortement en anglais, on est disponible également en espagnol. L’idée c’est que les professionnels, demandeurs d’emploi, étudiants ou professionnels en poste, se dotent d’un socle de culture commune en se servant de ces règles et en se servant aussi de tout le vocabulaire que ça va donner ; que les gens se comprennent, que les gens travaillent bien ensemble et qu’ils aient le même socle en matière de qualité.
C’est important pour nous de travailler, après, avec des partenaires, parce qu’il y a plein d’autres sujets, comme on disait tout à l’heure, à explorer, à creuser : accessibilité aux personnes handicapées, vie privée, RGPD, tout ce que l’on a dit, performance.
Frédéric Couchet : RGPD, Règlement général sur la protection des données.
Élie Sloïm : Voilà. Règlement général sur la protection des données, qui est européen.
On propose ce socle-là et c’est notre principale activité.
Frédéric Couchet : Delphine, tu voulais réagir.
Delphine Malassingne : Une toute petite parenthèse, mais qui est intéressante, justement sur cette certification des personnes qui sert à avoir une base commune. Mes collègues me font des retours. Il leur est arrivé, justement en étant chez le client, de pouvoir argumenter auprès du client. Avant il y a des choses dont ils sentaient que ce n’était pas une bonne pratique, ou ils le savaient mais ils ne savaient pas comment expliquer au client. Opquast, cette base commune, leur permet, leur apporte aussi cette argumentation-là : c’est une règle et voilà la raison.
Frédéric Couchet : Ils peuvent les renvoyer sur quelque chose qui est, entre guillemets, « officiel ».
Élie Sloïm : Tiers de confiance avec lequel être d’accord ou pas. C’est ça qui est rigolo, on peut se dire « ils disent ça, si ça se trouve Opquast dit des bêtises mais au moins on est en train de discuter de ce qu’ils disent. »
Delphine Malassingne : Au-delà de ça, ça a été expliqué. Il y a des choses qu’ils ne savent pas expliquer et, grâce à la fiche Opquast, ils peuvent l’expliquer.
Frédéric Couchet : Effectivement, on explique la règle, on explique les raisons et aussi comment la mettre en œuvre.
Je vais juste rappeler aux personnes qui nous écoutent que si elles ont des questions ou si elles veulent réagir, qu’elles viennent sur le salon web de la radio, sur causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous.
Je ne sais plus quel terme tu as employé tout à l’heure, Élie, mais, pour que les gens comprennent bien, en tout cas le sentiment que j’ai avec ma compréhension c’est que, quelque part, la qualité web ou l’assurance qualité web est un processus continu. Est-ce qu’à un moment on peut se dire que c’est fini ? Est-ce qu’à moment on peut se dire « j’ai fini, j’ai fait les 240 règles ? » Mais j’ai l’impression que c’est un processus continu, jamais fini en fait, d’amélioration continue j’entends.
Élie Sloïm : C’est ça. C’est un processus d’amélioration continue donc la réponse est non. Comme l’amélioration de l’accessibilité aux personnes handicapées, comme l’amélioration de la sécurité, comme le travail sur la diffusion du logiciel libre, ça ne s’arrêtera pas. C’est une fonction. Dans une entreprise il y a une fonction communication et il faut l’entretenir, y travailler tous les jours et, à priori, ça ne s’arrêtera pas. La fonction assurance qualité c’est pareil : il faudra continuer à maîtriser la qualité de ce qu’on fait quand on fait un site. Tant qu’il y aura des sites il faudra continuer à la maîtriser. Donc non, c’est une démarche sans fin. On peut avoir un objectif, c’est un chemin.
Frédéric Couchet : D’accord. Tout à l’heure tu disais que vous faites des formations certifiantes Opquast. Est-ce qu’il faut des compétences de base, par exemple en Web, avant de faire de la qualité web ? Par exemple est-ce qu’il faut savoir écrire du HTML qui est le langage d’écriture de pages web ou du PHP qui est langage de programmation ? Ou est-ce qu’une personne qui n’a aucune de ces compétences, qui vient d’un autre monde, peut faire de la qualité web en suivant ces formations ?
Élie Sloïm : On a un point de vue qui est assez rigolo c’est qu’en fait on part de la règle utilisateur. Avec Opquast, par exemple, on a dit que la date des contenus est indiquée ; on peut le faire de manière programmatique, compréhensible aux machines. À partir de cette règle utilisateur qu’on va prendre on va dire à qui elle sert et dans quel contexte elle sert — tout le monde peut le comprendre et ça fait partie des compétences de la certification —, mais après on va dire comment on fait et on va documenter la règle. Et c’est quand on regarde dans le comment on fait qu’on commence à dire « vous allez devoir aller regarder le HTML ». C’est effectivement une façon de rentrer. On a fait un travail avec le Label École d’Emmaüs, on leur a mis à disposition pour des gens qui voulaient rentrer dans ce secteur du numérique et ça marche très bien. En fait les règles vous aident à rentrer dans un contexte utilisateur : qu’est-ce qui se passe pour les utilisateurs ? Qu’est-ce qui se passe quand on utilise un moteur de recherche ? À partir de cette règle on rentre dans le faire, dans comment on fait.
Pour finir, pour répondre à ta question, non, je ne pense pas que ça soit nécessaire au départ de maîtriser complètement le HTML par contre ça peut-être un outil pour rentrer dans ce secteur du Web et ça semblerait pas mal marcher.
Frédéric Couchet : D’accord. Je vais compléter ma question, je vais peut-être laisser Delphine répondre : est-ce que les deux peuvent être séparés ? Finalement est-ce qu’on peut, entre guillemets, « rester » à la partie utilisateur/utilisatrice des règles sans rentrer dans la mise en œuvre ? Par exemple une responsable qualité web peut-elle ne pas se contenter, c’est un mauvais terme, mais peut-elle rester au niveau de l’expérience d’utilisation et, finalement, la mise en œuvre ce sont plutôt les équipes techniques ou autres ? Ou faut-il forcément la capacité de faire les deux ? Delphine.
Delphine Malassingne : Je ne suis pas sûre d’avoir compris la question.
Frédéric Couchet : Quand on est responsable qualité web, est-ce qu’il faut être capable de mettre en œuvre une des règles par exemple en HTML, en PHP ou autre ? Ou est-ce que, finalement, la simple compréhension de la règle, l’explication au client, à l’équipe technique suffisent ? Est-ce que c’est plus clair ?
Delphine Malassingne : C’est beaucoup plus clair.
Il y a 240 règles, je ne maîtrise pas les 240, pourtant je vais voir mes collègues, je leur en parle et je leur explique, etc. Je pense que ça répond à ta question. Non, il n’y a pas besoin de maîtriser, tout simplement parce que, à nouveau, on est dans des choses transverses, on n’attend pas du responsable qualité web qu’il soit un petit peu un designer, un petit peu un intégrateur, un petit peu un ingénieur back. Par contre, on demande à cette personne d’être capable de parler avec chacun de ces métiers, d’avoir un minimum de connaissances, de les comprendre et de savoir leur expliquer. Après, maîtriser et savoir faire à leur place, ce n’est pas l’objectif.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que tes collègues on va dire de la partie technique, mise en œuvre, est-ce que ces personnes ont lu les règles de leur côté ?
Delphine Malassingne : Ça dépend desquelles.
Frédéric Couchet : Ça prend un certain temps de lire les 240, de les comprendre.
Delphine Malassingne : Ça prend un certain temps de les lire, de les comprendre toutes puisqu’elles s’adressent à différents métiers et, notamment pour les profils qui font plutôt les interfaces, aller comprendre des règles très techniques de sécurité, de paramétrage de serveurs par exemple, c’est déjà un petit travail en soi.
Donc non, ils ne les ont pas forcément tous lues, ça dépend. Il y en a qui souhaitent se faire certifier, donc ceux qui se font certifier forcément les lisent toutes, les comprennent toutes, passent l’examen ensuite. Il y a des personnes qui vont juste s’intéresser au sujet et qui vont avoir une connaissance partielle. Il y en a qui vont certainement ne lire que celles qui les concernent par rapport à leur métier.
Frédéric Couchet : Parce qu’elles sont classées par thèmes.
Delphine Malassingne : On peut les classer par thèmes.
D’ailleurs dans mon entreprise, depuis quelques années, de plus en plus de gens arrivent chez nous, qu’on embauche, qui sont déjà certifiés. C’est quelque chose qui n’existait pas avant, c’était rarissime, maintenant on en voit de plus en plus. De manière globale même s’ils n’ont pas tous lu, ils en entendent tous parler et je dirais que ça se propage dans l’entreprise.
Frédéric Couchet : D’accord. Élie Sloïm, tu veux compléter.
Élie Sloïm : Je voudrais dire quelque chose pour rebondir sur ce que vient de dire Delphine et pour les auditeurs. En fait, quand on fait de l’informatique, quand on fait du Web ou quand on conçoit un site web on pourrait sembler, comme ça, des professionnels qui maîtrisons tous les sujets, qui nous intéressons à tous les sujets, à la qualité et tout ça. En fait ça nous complexe énormément parce qu’il y a plein de sujets à maîtriser. On a tous des complexes, on utilise tous des moteurs de recherche pour essayer de se retrouver, répondre à des questions, etc. C’est un peu bateau, en ce moment, de parler de syndrome de l’imposteur, mais on a tous ça, c’est-à-dire se sentir tout petit par rapport à tout ce qu’il faut savoir faire sur Internet, sur le Web, sur l’informatique.
C’est vrai pour des professionnels en poste, il ne faut pas croire, il faut voir que les gens qui travaillent sur du dessin d’interface peuvent être très complexés par rapport aux développeurs ; les développeurs peuvent aussi se sentir peu à l’aise sur le dessin. Après il y a tous les demandeurs d’emploi, tous les gens qui utilisent les sites et qui se disent « voilà un secteur mystérieux, tellement technique », mais en fait on est tous tout petits par rapport à ça.
Frédéric Couchet : J’entends bien. J’ai une question qui n’a rien à voir, mais je viens juste d’y penser. On parle de règles, on parle d’humains, etc., est-ce qu‘il existe des outils par exemple pour, entre guillemets, un petit peu « automatiser » ou faciliter ce travail ? Je vais peut-être préciser ma question : imaginons qu’on crée un site web avec un gestionnaire de contenu, par exemple avec SPIP qui est un outil libre, ou un autre, est-ce qu’il y a une sorte de module, un plugin, un greffon qui permet d’automatiser la vérification d’un certain nombres de règles ?, peut-être les règles techniques ou les règles moins techniques. Est-ce que ça existe, ça n’existe pas, finalement ce n’est pas possible ? Qui veut répondre ? Delphine.
Delphine Malassingne : C’est partiellement possible. Élie va certainement compléter.
Élie Sloïm : Tu as tout dis !
Delphine Malassingne : Oui ! En fait, j’ai tout dit parce que ce « partiellement » est assez réduit, je ne sais plus à combien on estime, à 15/20 % je crois. Une fois qu’on a lancé un outil qui demande des développements, qui demande des mises à jour puisque Opquast se renouvelle régulièrement, une fois qu’on a lancé cet outil, on est content, on a gagné, 15 % des règles qui ont été vérifiées.
Frédéric Couchet : OK. Élie.
Élie Sloïm : Le problème c’est que les utilisateurs sont des humains et tout ce qui va être de l’ordre de la perception de la qualité, de la confiance, du fait d’être rassuré face à un site, etc., tout ça c’est de l’humain et c’est très difficile à automatiser. Ce que dit Delphine est un peu à double tranchant. En fait on a très peu de règles à automatiser. La tentation c’est d’avoir des outils qui vont nous aider à faire de l’automatisation et on va dire « ouais, on est à 100 % » comme disait Delphine. En fait on est à 100 % de UN travail. C’est un truc très particulier dans l’informatique. Comme c’est de l’informatique, on voudrait que ça soit entièrement automatisable. Mais quand vous fabriquez, quand vous faites travailler un ébéniste, il y a du travail manuel pour vérifier la qualité de qu’il fait. Ce qu’on construit n’est finalement pas très différent de ce qu’on construit dans le bâtiment avec des corps de métier qui interviennent, qui ont besoin d’avoir une base commune, qui vont intervenir à différents moments, dans des ordres très différents.
Frédéric Couchet : D’accord. Tu as dit que ça évolue. J’ai justement une question : comment évoluent les règles Opquast, ces fameuses règles ? On a compris que c’est Opquast qui les « édite », entre guillemets, mais comment ça se passe ? Est-ce qu’il y a un processus ouvert ? Est-ce que vous recevez des propositions ? Comment ces règles évoluent-elles ? Là vous êtes à 240, au début il n’y en avait pas, je suppose que vous n’avez pas commencé avec 240. Comment les règles Opquast évoluent-elles en fait ?
Élie Sloïm : Je vais vous dire comment ça marche maintenant et je vais faire un scoop, je crois que Delphine n’est même pas au courant.
On a commencé à travailler sur une liste de 190 règles et on a créé 190 forums en ligne en 2004, un forum par règle et on a commencé à discuter en disant « chaque règle doit respecter un cahier des charges, vérifiable, utile, pas de règles numériques, valable au niveau universel, etc. » On a fait ce travail d’atelier pendant quelques mois en 2004, on l’a refait en 2010, puis en 2015, puis en 2020. À chaque fois on retire des règles. Les règles Opquast ne parlent que sur des choses que nous sommes capable d’étayer complètement. Il y a plein de sujets sur lesquels nous ne sommes pas positionnés parce que ça dépend.
À partir de l’an prochain, ce n’est pas encore officiel, on va essayer de basculer sur un système annuel de mise à jour, parce qu’on a tellement souffert la dernière fois ! On vient de passer deux ans à tout documenter en trois langues et le fait de basculer en trois langues, avec une formation certifiante, une certification derrière, c’est l’Himalaya. On a l’impression d’avoir grimpé un truc ! C’est indescriptible ce que l’équipe a fait ces deux dernières années sur des contenus qui sont libres. Donc on risque de changer, essayer d’avoir quelque chose de plus continu.
Frédéric Couchet : D’accord. Tu veux réagir Delphine.
Delphine Malassingne : Je dirais juste que l’une des choses que j’apprécie dans la façon dont c’est fait c’est que c’est ouvert à participation, comme le disait Élie, donc c’est quelque chose sur lequel nous qui allons utiliser ensuite ces règles on peut venir prendre la main, on peut venir donner son avis. Ce n’est pas quelque chose qu’ils font dans leur coin et ils arrivent après en disant « voilà les tables de la vérité ». Le gros du travail est de leur côté, mais c’est quand même une tâche qu’ils nous partagent.
Frédéric Couchet : D’accord.
Quelle est l’évolution de la prise en compte de l’importance de l’assurance qualité web par les gens qui font des sites web, que ce soit dans les entreprises, dans les collectivités, dans le secteur public, ce n’est peut-être la même ? J’aurais après une question un peu plus précise sur le secteur public : est-ce que vous avez des relations avec l’État ou les collectivités ou la DINUM, la direction du numérique de l’État ? En 20 ans quelle est l’évolution de cette prise en compte ? Est-ce que tu penses qu’aujourd’hui il y a une vraie prise en compte, une vraie prise de conscience de l‘importance de l’assurance de la qualité web ?
Élie Sloïm : Il y a deux choses. Il y a le travail d’Opquas qui se diffuse, les règles Opquast et il y a le travail sur l’assurance qualité, c’est-à-dire le secteur de l’assurance qualité web dans tout ce qu’il peut embarquer comme dimension, qui lui progresse énormément.
Opquast avance à son rythme, mais Opquast n’a pas la prétention de dire, au niveau mondial, qu’on va être l’assurance qualité web. Ce sont tout un tas de personnes qui agissent.
L’accessibilité numérique aux personnes handicapées a beaucoup évolué, c’est un secteur qui est en pleine ébullition, ça fait partie de la qualité des sites.
Le RGPD, Règlement général sur la protection des données, a eu un impact majeur en 2018.
La prise en compte de la sécurité est de plus en plus sérieuse.
La prise en compte de l’écoconception, le numérique responsable, c’est quelque chose qui est en train de se développer énormément.
Ce qu’on voit ce sont des secteurs qui se développent en silos. Le message que porte Opquast dans cet environnement c’est « essayons de travailler en équipe et essayons de travailler de manière transversale ». C’est un peu plus long. Pourquoi ? Parce que c’est beaucoup plus simple de dire « allez voir un cardiologue ou allez voir un neurologue parce que vous avez un problème au cœur ou au cerveau » que de dire de travailler d’abord de manière généraliste. C’est un peu long à venir.
Pour ta question sur les collectivités. Il y a effectivement un travail énorme mené au niveau de l’accessibilité avec des moyens qui ne sont pas toujours énormes, ce sont des petites collectivités. La DINUM travaille beaucoup sur ce sujet et travaille avec nous sur l’acculturation à l’assurance qualité, elle certifie des gens. Nous travaillons avec plusieurs ministères, le ministère de l’Économie, le ministère de l’Écologie. On est en train de commencer à travailler aussi avec les grands annonceurs fabricants de sites, Leroy-Merlin, SFR, Generali, des acteurs comme ça.
Frédéric Couchet : La SNCF ?
Élie Sloïm : La SNCF ! Il y a quelques acteurs, comme ça, que nous sommes allés voir depuis des années, la SNCF, la Poste, certains acteurs comme Solocal/Pages Jaunes dont on pense sincèrement que s’ils nous avaient suivis il y a 15 ans ils seraient leaders mondiaux.
Frédéric Couchet : Solocal c’est quoi ?
Élie Sloïm : C’est Pages Jaunes. Tant pis, je les dénonce. J’ai fait une formation chez eux en 2003, ils fabriquaient des sites. S’ils avaient ce pari de l’assurance qualité, parce que les critères sont vieux, ils tiennent, ils sont solides, je pense qu’ils seraient ! Ouf ! Voilà !
Frédéric Couchet : J’ai une petite question pour vous deux, pour Delphine aussi, quand vous arrivez sur un site, que vous dites « là, franchement, ce qui a été fait c’est n’importe quoi », est-ce que vous n‘avez pas le réflexe, des fois, de les contacter soit à titre individuel en disant « vous pourriez améliorer », soit à titre professionnel ? Est-ce que vous n’avez pas ce réflexe-là ? Delphine.
Delphine Malassingne : Non. J’avoue que je vais voir des choses. Là où je vais le plus râler, le plus être tentée de rouspéter, c’est quand ça touche des points d’accessibilité. Les points d’accessibilité ça veut dire que ce n’est pas qu’une gêne pour certaines personnes qui auraient bien aimé savoir, le service des réclamations. Là on parle de personnes qui, parce que le site a mal été fait, vont être empêchées d’utiliser le service, au même titre que n’importe qui. C’est peut-être ce qui va me faire le plus râler.
Élie Sloïm : C’est une discrimination.
Frédéric Couchet : Oui, tout à fait.
Élie Sloïm : Moi je n’ai pas de temps à perdre, je ne vais pas signaler, c’est rare que je signale des défauts. On essaye plutôt de travailler avec les gens qui sont conscients qu’il faut travailler là-dessus, que ça correspond à leurs valeurs, qu’ils ont envie de faire des choses, ils n’y arrivent pas toujours, c’est leur droit, ce n’est pas facile.
Delphine Malassingne : Il y a déjà beaucoup de choses à faire avec les gens qui sollicitent la démarche !
Élie Sloïm : Tu as raison !
Frédéric Couchet : On arrive bientôt à la fin et à la question finale, mais je vais poser la question sur l’évolution à Élie. De ton côté quel est ton ressenti par rapport à cette prise en compte, prise de conscience de l’assurance qualité web dans ton métier, soit auprès de tes collègues soit auprès de tes clients ? Est-ce qu’il y a une évolution positive ? Comment ça se passe ?
Delphine Malassingne : Auprès de mes collègues je disais non, pas dans le sen où il n’y a pas d’évolution, dans le sens où ça fait déjà dix ans que je suis dans cette boîte et qu’il y avait déjà cette envie simplement individuelle, globale, de faire correctement son travail.
Ensuite, d’un point de vue plus large, oui, je rejoins ce que disait Élie, en ce moment on parle beaucoup plus d’accessibilité qu’on en parlait il y a encore trois ans et ça fait plaisir.
Ce qu’on disait tout à l’heure, tous ces aspects liés à la RSE, la responsabilité sociétale et environnementale, toutes ces choses-là ce sont des choses pour lesquelles j’ai l’impression que ça a pris maintenant, la vie privée aussi, on en parle beaucoup plus, pas assez à mon goût, mais on en parle beaucoup plus, toutes ces choses-là ont pris ces dernières années. Peut-être aussi que c’est le signe de l’évolution du Web de manière générale, etc. Je rejoins Élie, ça s’est fait ces dernières années sur différents aspects.
Élie Sloïm : C’est un signe de son industrialisation.
Frédéric Couchet : Le mot, industrialisation.
Avant la question finale, Élie, peut-être une annonce à faire. Tout à l’heure tu as parlé de la nouvelle version d’un livre sur l’assurance qualité web. Il est disponible dans les bonnes boutiques ? La dédicace aussi ? Comment s’appelle-t-il exactement ?
Élie Sloïm : Assurance qualité Web, il a été renommé. Il est sorti en décembre chez Eyrolles, il s’en est vendu beaucoup je crois, enfin je suis sûr !
On a également mis à disposition, il y a quelque temps, le premier module de notre formation. Les gens peuvent aller sur le site opquast.com et tester juste le premier module pour découvrir ce sujet, l’assurance qualité web, pour découvrir les contextes utilisateur, pour découvrir les problèmes utilisateur et c’est vraiment même à la portée, je crois, de personnes qui ne sont pas spécialisées, qui sont juste utilisatrices du Web.
Frédéric Couchet : D’accord. OK. Question finale. Riche échange, beaucoup de choses abordées, en moins de deux minutes chacun et à chacune quels sont les éléments clefs à retenir de ce sujet ? Qui veut commencer ? Delphine Malassingne.
Delphine Malassingne : Je peux commencer.
Je vais rester sur ma partie, la partie de mon métier. Comme je le disais tout à l’heure, c’est un métier qui est très rare encore et qui est pourtant important. Il est important pour l’entreprise, pour sa manière de faire les sites. Il est important aussi et surtout pour l’utilisateur et l’utilisatrice finale et surtout c’est un métier qui est très stimulant puisque comme il est rare et qu’il est à inventer, je pense qu’avec chaque personne que je vais rencontrer qui va me dire « je suis responsable qualité dans mon entreprise », on va échanger et on ne sera pas deux à faire la même chose, puisque ça va être en fonction de différents contextes. Au fur et à mesure, là aussi c’est un métier qui va se professionnaliser, pas se professionnaliser, s’industrialiser ce n’est pas le mot, mais il va y avoir de plus en plus de choses communes. Pour l’instant c’est à défricher et je trouve ça très stimulant et très riche parce que c’est un métier où on parle avec toutes les personnes qui interviennent sur le site dans sa boîte, on échange beaucoup. C’est très simulant, valorisant, de les voir échanger sur ce sujet-là dans une optique qui est, finalement, j’allais dire noble, qui est la qualité du service qu’on va fournir derrière.
Frédéric Couchet : Super. Élie.
Élie Sloïm : Delphine a couvert la question du métier de l’assurance qualité web. Je vais me positionner presque plus pour les gens qui font des sites, qui participent à des projets de sites, qui rédigent des billets pour les blogs de parents d’élèves ou qui ont envie de se lancer dans le secteur du Web. Faire un site web ça a l’air très simple. En fait, on se rend compte que ça mobilise plein de compétences, plein de choses à savoir. Pour s’occuper de tout ça il y a de la technique, il y a des choses d’ergonomie, il y a de la psychologie, il y a plein de choses à savoir pour faire un site web. Ça peut sembler très intimidant, comme je disais tout à l’heure.
La question c’est est-ce que ce n’est pas intéressant de se doter de check-list pour essayer d’abord de prévenir des problèmes utilisateur, c’est-à-dire tenir compte des utilisateurs dans toute leur diversité et de tous les problèmes qu’ils peuvent avoir. Je vous conseille vraiment, quand vous faites un site, d’aller récupérer ces règles et d’essayer de regarder si vous les suivez et aussi de vous en servir pour vous doter d’un peu de culture web. C’est quelque chose de très intéressant d’avoir une culture web, un vocabulaire web, notamment si vous voulez travailler dans ce secteur qui embauche beaucoup, c’est un secteur qui est passionnant. On s’éclate dans le Web quand même dans l’ensemble, n’est-ce pas Delphine ?
Delphine Malassingne : Tout à fait.
Élie Sloïm : C’est un choix de secteur.
Frédéric Couchet : C’est une belle conclusion. Merci à vous, Delphine Malassingne qui est responsable qualité web chez Ekino et Élie Sloïm qui est fondateur et président d’Opquast.
Toutes les références citées sont sur le site libreavous.org sur la page consacrée à l’émission. Je vous souhaite une belle fin de journée.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique d’Isabella Vanni sur un quiz sur l’Expolibre, Isabella qui est aussi à la réalisation.
En attendant Ziklibrenbib, ce n’est pas évident à dire, un projet collaboratif qui vise à promouvoir la musique en libre diffusion dans les médiathèques organise actuellement le Titre de l’année 2022, donc 11 titres choisis par 20 discothécaires. On peut voter jusqu’au 29 mai. Vous allez sur libreavous.org, vous trouverez le lien. Beaucoup de licences sont des licences avec des restrictions non commerciales ou avec interdiction de modification, c’est vraiment de la libre diffusion. Il y a une exception, Sahara de Lumpini, qui est disponible en licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, mais c’est un titre un peu long pour la radio, donc j’ai choisi un autre titre de ce groupe, groupe que j’ai particulièrement apprécié. Nous allons donc écouter Elevating par Lumpini. On se retrouve dans environ 4 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Elevating de Lumpini.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Elevating par Lumpini, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Je vous encourage vraiment à écouter tout l’album de Lumpini. Vous retrouverez les références sur libreavous.org.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « Libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni. Quiz sur l’Expolibre
Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April ou par d’autres structures, annoncer des évènements libristes à venir avec éventuellement des interviews de personnes qui organisent ces évènements, c’est la chronique « Libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni qui est coordinatrice vie associative, responsable projets à l’April et aussi réalisatrice d’émission de radio aujourd’hui.
Isa, le thème du jour c’est un quiz sur l’Expolibre.
Isabella Vanni : Tout à fait. Je pense que ça vaut le coup de rappeler ce qu’est l’Expolibre. C’est une collection de panneaux qui expliquent la philosophe du logiciel libre au grand public. Elle a été réalisée par le groupe de travail Sensibilisation de l’April, on donnera peut-être quelques détails en plus sur ce groupe à la fin de la chronique. Dans chaque panneau de l’Expolibre il y a une partie texte qui traite un thème en particulier en lien avec le logiciel libre, mais il y a aussi un joli visuel qui permet notamment d’attirer l’œil du public qui visite un lieu ou un événement où l’Expolibre est affichée. Le visuel et l’infographie de l’Expolibre ont été réalisés par Antoine Bardelli qui est membre bénévole de l’April, qui est graphiste professionnel, et c’est grâce à ça qu’on a des outils qui sont utiles pour la sensibilisation mais qui sont aussi beaux et efficaces du point de vue de la communication.
Pour rappel, l’Expolibre a déjà été traduite en trois langues. En plus du français elle existe en anglais, en espagnol et en italien. Voilà pour la partie l’Expolibre.
Aujourd’hui on parle du quiz Expolibre. Pourquoi ? En fait, dans le groupe de travail Sensibilisation, on a pensé que c’était bien d’avoir un outil qui permette aux personnes de tester leurs connaissances sur le logiciel libre, les formats ouverts, etc., et qui les encourage éventuellement à approfondir, à en savoir plus par exemple en lisant les panneaux de l’Expolibre plus attentivement. Cela fait aussi, par ailleurs, une animation, une activité que les bénévoles peuvent proposer sur un stand lors d’un évènement.
C’est quoi le quiz Expolibre ? Comme le dit le nom c’est un questionnaire à choix multiple. Pour chaque question, c’est sa particularité, il y a quatre réponses dont trois réponses correctes et une réponse incorrecte, l’intrus à trouver. Ça peut paraître bizarre, mais ça montre aussi la richesse des possibilités offertes par le logiciel libre. On avait essayé de faire l’inverse, de faire trouver la bonne réponse, eh bien c’était compliqué. Il y a, en fait, tellement de possibilités, d’avantages, de bénéfices pour tout le monde que c’est plus facile de faire trois bonnes réponses et une mauvaise.
La première fois qu’on a proposé ce quiz c’était en 2019 à l’occasion d’un évènement en Belgique sur l’éducation et l’informatique. J’avais moi-même réalisé une affiche avec les questions et avec QR Code pour pouvoir vérifier les réponses en ligne. Je ne suis pas graphiste, mon affiche c’était un peu n’importe quoi, il y avait juste le texte avec quelques images ajoutées à l’arrache. On a finalement pris le temps, avec Antoine, notre graphiste bénévole, de faire quelque chose de plus propre et Antoine a proposé, plutôt que de faire une affiche, de faire des flyers. Pourquoi ? Parce que les personnes peuvent manipuler, peuvent cocher la case directement, elles peuvent se balader, elles peuvent aller voir les panneaux avec leur flyer, elles peuvent le rapporter à la maison donc ça fait aussi un pense-bête. C’est comme ça qu’on a pu réalisé cet outil qui a été utilisé pour la première fois aux Journées du Logiciel Libre, à Lyon, début avril et une deuxième fois aux JRES, les Journées RÉSeaux de l’enseignement et de la recherche qui ont eu lieu à Marseille, qui se sont terminées le 20 mai [2022], tout récemment.
On a déjà des retours des bénévoles qui étaient sur les stands. Ils ont tous dit que c’est un outil très utile, très sympa pour commencer la conversation avec les personnes. Par ailleurs, la première question, la question sur le panneau « Qu’est-ce que le logiciel libre ? » est celle qui fait tiquer le plus de monde parce qu’il y a la question de la gratuité : est-ce que la gratuité définit, ou pas, le logiciel libre ? Eh bien, même si on se croit libriste, connaisseur et connaisseuse, encore aujourd’hui des personnes tiquent sur la question. Ça veut dire que c’était bien de la proposer.
Où peut-on trouver l’Expolibre et le quiz Expolibre ? Il y a un site dédié à l’Expolibre, expolibre.org, vous avez bien évidemment les références sur la page de l’émission et vous trouvez le lien vers le quiz Expolibre. Il y a à la fois la page du projet, sur notre wiki, parce qu’on aime bien documenter la façon dont on est arrivé à réaliser un projet ; c’est un projet collectif. Il y a, bien sûr, le lien vers la page où on peut télécharger à la fois le PDF en haute définition pour l’imprimer soi-même si on le souhaite et la source Scribus, parce que, je vous le rappelle, toutes nos ressources sont sous licence libre, donc vous pouvez les télécharger, modifier, partager, c’est le sens de tout notre travail.
J’en profite aussi pour vous rappeler que le groupe Sensibilisation est ouvert à tout le monde, que l’on soit membre de l’April ou pas, il suffit d’être intéressé par ces sujets, être intéressé par comment sensibiliser un plus large public aux enjeux de l’informatique libre. Vous pouvez vous manifester en écrivant un courriel sur la liste de discussion du groupe, vous trouverez la référence, ou bien participer à une réunion, dès qu’elle est annoncée, vous êtes les bienvenus.
Frédéric Couchet : Merci Isa. Je vais d’ailleurs, préciser pour les gens qui habitent en PACA, que la médiathèque de Vinon-sur-Verdon affiche l’Expolibre jusqu’à samedi 28 mai. Vous pouvez aussi nous contacter pour afficher cette Expolibre qui sera présente dans différents endroits, peut-être même bientôt à Lyon, on en reparlera. J’encourage les personnes à rejoindre le groupe Sensibilisation de l’April. Vous retrouverez les références sur le site libreavous.org.
Est-ce que tu voulais ajouter quelque chose ?
Isabella Vanni : Non. Je trouve que j’ai fait un beau speech sur le quiz de l’Expolibre.
Frédéric Couchet : Tout en réalisant l’émission ! Merci Isabella.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Frédéric Couchet : Vous écoutez notre émission Libre à vous ! et peut-etre d’autres émissions diffusées sur la radio Cause Commune. Vous voulez découvrir les visages derrière les micros, faire plus ample connaissance, échanger, découvrir le studio ? Venez participer au premier Apéro Cause Commune, ouvert aux auditeurs et auditrices de la radio, qui aura lieu le 10 juin 2022 à partir de 19 heures au studio de la radio, 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement de Paris. Vous retrouverez évidemment les annonces sur le site causecommune.fm. N’hésitez pas à venir participer, vous trouverez un lien sur causecommune.fm pour vous inscrire sur le bloc-notes et faciliter l’organisation. Ce sera le premier apéro. On aimerait, ça nous ferait vraiment chaud au cœur que vous soyez présents et présentes à cet apéro.
L’April fêtait ses 25 ans fin 2021. La situation sanitaire ne nous ayant pas permis de marquer le coup comme il se doit, nous pensons profiter du retour du beau temps pour célébrer cet anniversaire de manière conviviale et adaptée au contexte avec des pique-niques. Nous amis de l’association Montpel’libre organisent un pique-nique samedi 4 juin à Montpellier et nous organisons un pique-nique à Saint-Denis samedi 11 juin, c‘est à côté chez moi. D’autres apéros à venir. Toutes les infos sont disponibles sur april.org.
Vous retrouverez sur le site de l’Agenda du Libre d’autres évènements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre dont notamment la médiathèque de Vinon-sur-Verdon qui affiche l’Expolibre.
Samedi, à Aix-en-Provence, il y a un Samedi du Libre où vous pouvez découvrir le logiciel libre et vous faire accompagner dans des ateliers de découverte du logiciel libre.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Laurent Costy, Lorette Costy, Delphine Malassingne, Élie Sloïm, Isabella Vanni.
Outre sa chronique, Isabella a mis en ondes l’émission avec talent, comme d’habitude.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production et de la découpe des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Quentin Gibeaux, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Un énorme merci à Marie-Odile Morandi, que je salue parce qu’elle est sur le salon web, administratrice à l’April, qui transcrit toutes nos émissions, permettant ainsi d’en avoir une version texte. Marie-Odile transcrit également beaucoup d’autres choses en lien avec les libertés informatiques, vidéos et enregistrements audio, et vous pouvez tout retrouver sur le site librealire.org.
Vous trouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi les points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondons directement ou lors d’une prochaine émission.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles. Je précise qu’actuellement c’est le Festival de Cannes et je crois que nos amis de La lumière dans le fond sont présents et présentes chaque soir en direct sur causecommune.fm pour nous parler des films de ce Festival.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 7 juin 2022 à 15 heures 30, donc pas démission inédite mardi 31 mai, la semaine prochaine. Notre sujet principal portera sur le thème des femmes dans les projets informatiques libres avec le retour d’expérience de trois femmes qui participent à des projets libres, Agnès Crepet, Anne-Lise Martenot, Zineb Bendhiba.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. À très vite dans vos oreilles et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.