Isabella Vanni : Bonjour à toutes et à tous. Merci d’être là pour notre présentation.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.
Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Isabella Vanni : L’April [1] est la principale association de promotion et de défense du logiciel libre et je spécifie en France et dans l’espace francophone. C’est une association qui est née en 1996 à l’initiative d’un groupe d’étudiants en informatique, qui a donc plus de 25 ans aujourd’hui.
On compte près de 3000 membres, notamment des personnes physiques, environ 2500, mais aussi environ 300 personnes morales dont 180 entreprises et pas mal sont ici, sur le salon.
Nous sommes une équipe de quatre salariés, vous en voyez la moitié aujourd’hui, et on a aussi de nombreux bénévoles très actifs. Il y en a qui participent régulièrement à des groupes de travail tout au long de l’année. On a, par exemple, des bénévoles qui gèrent notre infrastructure informatique et d’autres qui agissent ponctuellement, par exemple pour la tenue d’un stand, comme aujourd’hui. Ça aussi c’est hyper-important pour nous. J’insiste sur le fait que nous comptons de nombreux membres parce que notre mode de fonctionnement se base sur les cotisations, ce qui nous garantit une indépendance, d’autant plus qu’il y a un plancher pour les cotisations personnes physiques et personnes morales.
Nous agissons notamment sur deux axes principaux :
- Le premier axe, l’un des deux axes, c’est le plaidoyer politique, notamment auprès des parlementaires. C’est mon collègue Étienne, chargé de mission affaires publiques, qui va vous expliquer plus en détail ;
- et la sensibilisation aux principes du logiciel libre, donc la sensibilisation au logiciel libre auprès du grand public mais aussi auprès des autres associations et des différents acteurs.
Étienne Gonnu : À l’April, effectivement, nous sommes guidés par une conviction : logiciel libre, société libre. À partir du moment où l’informatique est omniprésente, comme elle l’est maintenant dans notre société, il n’y a pas de société libre sans informatique libre. Cela guide notre action, notamment notre action de plaidoyer politique.
Je suis effectivement chargé de mission affaires publiques. L’essence de mon poste, c’est d’ailleurs un des premiers objectifs d’être salarié au niveau de l’April, c’est d’avoir ce temps disponible, notamment en semaine, pour aller à la rencontre des différentes personnes qui ont un pouvoir au niveau du pouvoir politique justement, que ce soit des parlementaires ou dans les administrations, pour porter, promouvoir et défendre le logiciel libre auprès d’elles et eux.
On fonctionne effectivement sur les deux aspects : pouvoir et défendre. Quand on voit des opportunités, typiquement sur des projets de loi pour donner l’exemple le plus classique, qui vont nous permettre de porter une parole positive comme défendre l’idée d’une priorité au logiciel libre, nous allons nous servir de ces objets-là. Parfois, on va voir des menaces pour les libertés informatiques et on va s’investir là aussi en proposant des argumentaires, en proposant des amendements, tout simplement en échangeant pour sensibiliser aussi les décideurs politiques aux enjeux.
On évolue toujours dans un contexte politique et on s’y adapte. En ce moment, nous sommes dans le cadre d’une nouvelle législature qui s’installe, qui va avoir des priorités politiques auxquelles on va s’adapter pour faire des propositions, du mieux que nous pouvons, pour faire avancer la cause du logiciel libre.
La revendication historique que j’ai mentionnée est donc la priorité au logiciel libre. Je vais tout de suite faire une micro-parenthèse. C’est vrai que je vais un petit peu vous bombarder, nous n’avons que 20 minutes, nous avons envie d’échanger beaucoup de choses avec vous, mais nous serons disponibles après, sur le stand de l’April, pour creuser les sujets qui pourraient vous intéresser.
La priorité au logiciel libre qu’est-ce que c’est ? Si on revient sur les quatre libertés du logiciel libre – d’usage, d’accès au code et de modification, de partage et de redistribution – pour une administration ça correspond tout simplement à des considérations d’intérêt général : une administration a besoin de pouvoir changer de prestataire, a besoin de pouvoir étudier son code, a besoin de pouvoir mutualiser. Si une administration se prive d’une de ces libertés, si elle n’utilise pas du logiciel libre, elle doit le justifier. Elle doit justifier un choix qui la prive d’une considération d’intérêt général, pour dire les choses très schématiquement.
Ça s’inscrit, bien sûr, dans un enjeu de souveraineté numérique. Je mentionne le terme, ce n’est pas forcément celui qu’on aurait porté initialement. On a une représentation de ce qu’est la souveraineté numérique, c’est la terminologie qui a un appui fort maintenant dans le monde politique, donc on s’appuie dessus. On évolue dans un contexte politique donné.
Je mentionne aussi la souveraineté pour montrer aussi comment les choses évoluent. Un député, Philippe Latombe, a publié l’année dernière un rapport [2] sur la souveraineté numérique. Il propose, c’est une des préconisations qu’il fait, de systématiser le recours au logiciel libre, le logiciel propriétaire, privateur, devant être une exception dûment justifiée. C’est donc, en gros, la même priorité que celle qu’on défend. On n’aurait pas envisagé cela il y a quelques années ; c’est un député du groupe majoritaire.
Dans notre perspective on parle beaucoup de questions de souveraineté, indépendance stratégique, etc. Je pense que quand on défend le logiciel libre il faut aussi rappeler que dans un cadre qui se veut démocratique, la souveraineté numérique ne peut pas faire l’économie d’un attachement à la notion de liberté. La liberté des citoyens et des citoyennes, si on est vraiment dans une logique de souveraineté, dans une démocratie, doit faire partie intégrante de la problématique.
Autre dossier historique. Il y a un contrat entre le maintenant ministère des Armées et Microsoft, qui datait de 2007. Un contrat qui pose beaucoup de problématiques. Il y a un même eu un Cash Investigation sur le sujet tellement il y avait d’enjeux autour. C’est une véritable histoire d’espionnage [3], il y a beaucoup à dire dessus. Bref ! Ce contrat n’a finalement pas été renouvelé, maintenant le ministère va passer par une centrale d’achat [4].
Donc là on a eu tout un travail de vigilance, on a fait des demandes d’accès, on sert aussi de poil à gratter auprès des administrations. Notre enjeu c’est d’obtenir de la transparence sur les choix. On pense que ça doit beaucoup passer par là, les administrations doivent être transparentes aussi sur leurs choix en termes d’informatique.
Qui dit nouvelle législature, comme je disais, dit nouveaux enjeux politiques. Un enjeu évident, notamment dans le cadre de ce cycle de conférences, c’est celui du dérèglement climatique, d’une informatique plus durable, plus sobre. L’April a commencé avant cette nouvelle législature à s’appuyer un petit peu sur les véhicules législatifs qui se penchent sur la question pour être aussi force de proposition dans deux sens.
Quand on a l’éthique du logiciel libre au cœur, ces questions-là sont souvent présentes, mais ce n’est pas le cœur d’action de l’April. Nous sommes convaincus que ce sont à la fois des bons leviers pour porter le logiciel libre, il y a une opportunité. Nous sommes également convaincus que le logiciel libre fait partie de la solution. En fait il n’y a pas d’informatique durable, il n’y a pas d’informatique sobre sans la liberté des utilisateurs. La liberté des utilisateurs et des utilisatrices est un vecteur de durabilité et non pas l’inverse, comme on a parfois l’impression que ça ressort des différentes postures.
Une dernière slide. Territoire Numérique Libre [5], une autre action de l’April. Nous participons à cette initiative de l’ADULLACT [Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales] qui est à sa septième édition, les prix ont été remis hier. En gros c’est un label sur le modèle de celui des Villes et Villages Fleuris. On décerne un label dont les niveaux vont de 1 à 5. C’est une manière de valoriser les collectivités qui œuvrent pour le logiciel libre, les collectivités étant un nœud très important pour défendre une informatique tout simplement plus libre, plus éthique.
Isabella Vanni : Nous disions que l’un des axes est le plaidoyer politique et l’autre axe c’est l’axe de sensibilisation, donc la promotion du logiciel libre auprès du grand public. On le fait notamment de deux façons.
Déjà on produit des documents de sensibilisation. Vous en voyez là quelques exemples : des flyers, des affiches, un panneau de l’Expolibre [6]. Ce sont des panneaux d’explication avec de beaux visuels qui attirent le public, notamment lors des salons. On fait aussi des goodies. On a mis en exergue un nouveau goodie qui est un sous-bock ou rond de bière, comme vous voulez, qui met en avant deux projets ; on fait aussi des autocollants, des tee-shirts, on a deux exemples. Ce qui est important c’est que ces documents sont tous sous licence libre. Donc n’importe qui, personne ou association, peut les télécharger, s’en servir, les adapter, les modifier, les partager. Le but c’est vraiment que ce soit diffusé le plus possible, donc c’est normal qu’on utilise des licences libres et ça donne aussi des libertés aux personnes.
L’autre façon que nous utilisons pour sensibiliser c’est la mobilisation des organisations locales. L’April est une association nationale. On vous a dit que nous sommes quatre personnes salariées, on ne pourrait pas faire de la sensibilisation partout en France. Donc, fort heureusement, il y a plein d’associations qui font de la promotion du logiciel libre en France, en local, à proximité des personnes.
Libre en Fête [7] est une initiative que nous avons lancée il y a plus de 20 ans et que nous coordonnons chaque année autour du 20 mars. À l’occasion du Libre en Fête on mobilise ces organisations, mais on invite aussi d’autres organisations comme des bibliothèques, des médiathèques, des clubs informatiques, des hackerspaces, des espaces publics numériques, donc des lieux qui sont propices à la promotion de l’informatique libre et de la culture libre en général à proposer des évènements de découverte du logiciel libre auprès du grand public. Nous mettons à disposition un site web et on fait la mobilisation, c’est d’ailleurs mon travail dans ce sens.
J’en profite pour dire que parmi nos merveilleux bénévoles, il y a Antoine Bardelli, un merveilleux graphiste qui fait tous les visuels super chouettes de nos documents de sensibilisation, goodies et aussi sites web.
Étienne Gonnu : Grand merci à Antoine qui fait effectivement un travail magnifique, qui a notamment contribué à un autre projet que nous portons, auquel nous tenons beaucoup, Libre à vous !. Il a fait le logo, il a participé au design du site. Je reviendrai sur le site après.
Libre à vous ! [8] qu’est-ce que c’est ? C’est une émission de radio animée par l’April, une hebdomadaire. Nous sommes à présent à la sixième saison. Occasion aussi de saluer Cause Commune, la radio sur laquelle nous émettons cette émission. Un historique très rapide : Cause Commune est à la base une webradio qui parle des communs, pour le dire de manière très générale. Une conférence, juste avant, a abordé la question des communs, je vous y renvoie parce que je n’ai pas le temps de détailler. En tout cas une webradio qui a obtenu une demi-bande FM en région parisienne et qui est diffusée partout dans le monde sur causecommue.fm.
Nous animons donc cette hebdomadaire qui est diffusée en FM. On met en général ensuite une semaine pour diffuser le podcast. Pourquoi une semaine ? Parce que c’est du traitement bénévole et c’est, pour nous, un aspect très important de cette émission : c’est vraiment un projet collaboratif, collectif de l’April, animé tant par l’équipe salariée que par les bénévoles qui participent notamment au traitement des podcasts, au traitement des photos, à beaucoup de choses différentes ; un nouveau bénévole va nous aider à faire de la régie. Nous nous sommes formés, j’ai appris à faire de la régie de radio, ce qui est très amusant.
On traite vraiment une grande variété de sujets. Ça va être sur des outils techniques, on a parlé de Nextcloud, Matomo, Gimp, InsKape ; on a reçu différentes associations, bien sûr La Quadrature du Net [9], Framasoft [10], pour ne parler que d’elles ; la science ouverte. On essaye vraiment d’avoir une variété de sujets.
On a déjà fait 157 émissions avec une spécificité, un sujet long qui dure 45/50 minutes, ce qui donne du temps pour parler de sujets qui sont généralement abordés de manière beaucoup plus rapide dans les médias. On a le retour des personnes qui participent et qui disent « ça fait du bien d’avoir ce temps pour pouvoir parler de nos sujets. »
Je vais parler de l’émission [11] de la semaine prochaine qui sera animée par Laurent qui est ici, membre de l‘April, avec la participation de Tristan Nitot. Ils vont justement aborder les enjeux du numérique dans la question du dérèglement climatique, donc un sujet à ne pas manquer, en direct à 15 heures 30 mardi 15 novembre.
Je vous parlais du site. On a un site vitrine avec le modèle d’URL pour retrouver facilement les émissions, avec un moteur de recherche intégré. Je parle du moteur de recherche. Ce sont à nouveau des bénévoles qui portent le site et il vit comme tout projet libre. Il va y avoir une fonctionnalité pour avoir une recherche croisée entre le site de l’émission et un autre site de l’April basé sur un autre projet très important de l’April que sont les transcriptions. Transcrire c’est prendre un contenu audio ou vidéo qu’on transforme en texte, ce qui demande un peu de temps. On a un groupe qui travaille là-dessus. Il y a un site dédié : Libre à lire ! [12], transcriptions de l’April]]. Pouvoir faire une recherche croisée permet effectivement d’être beaucoup plus efficace si on veut, par exemple, retrouver une citation. La transcription est très importante notamment pour l’archivage, l’accessibilité, l’indexation, c’est donc un projet très important de l’April. On remercie Marie-Odile qui fait vraiment un travail exceptionnel. Toute personne ayant eu à faire à elle la salue, lui tire son chapeau.
Isa je te rends la parole.
Isabella Vanni : Étienne a presque dit toutes les choses importantes. Je peux ajouter qu’on a une diversité. On a parlé de la diversité des sujets. On a aussi une diversité des profils qui participent à notre émission. On a des profils plus techniques, pour les aspects techniques, mais des politiques sont aussi venus, notamment Latombe [2], Bothorel [13] , pour parler de leurs rapports. On a des scientifiques qui viennent, des chercheurs et tout simplement, aussi, des militants. Cela fait aussi la richesse de notre émission.
On ne diffuse que de la musique sous licence libre, c’est cohérent avec nos missions.
On invite le public à participer par exemple en suggérant des sujets qu’il serait intéressant d’approfondir, en venant discuter sur le salon de webchat notamment en direct, ce qui permet de transmettre des questions, des remarques directement aux personnes invitées.
On invite les personnes, si elles ont un peu plus de temps à investir, à rejoindre l’équipe qui traite les podcasts ou l’équipe qui fait les transcriptions ou alors à venir faire la régie si elles sont libres le mardi. Bref ! On a envie que ce soit un projet associatif. On a envie qu’il y ait des gens qui participent et qui nous aident.
On a aussi un groupe de chroniqueurs et chroniqueuses qui font une chronique régulière, environ une fois par mois, là aussi bénévolement. Nous sommes ravis de pouvoir compter sur plein de personnes qui s’investissent à ce point. C’est vraiment une grande ressource pour l’équipe salariée.
Étienne Gonnu : Absolument. Pour conclure, j’avais oublié un point important sur Libre à lire ! [12]. Pour vous donner une idée, ce sont 159 transcriptions en 2021, plus de 110 heures d’enregistrements audio et vidéo traités, ce qui est en réalité assez colossal, surtout quand on sait que, derrière, c’est à peine plus d’une personne.
Isabella Vanni : L’autre projet phare c’est Chapril. Chapril [14], c’est la contribution de l’April au Collectif CHATONS, je ne sais pas si vous en avez déjà entendu parler, je vais rappeler l’acronyme qui est Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Ce collectif est à l’initiative de Framasoft [10], une autre association nationale, hyper-importante en France, avec laquelle nous faisons plein de choses, nous sommes en fait complémentaires. Elle a souhaité « dégoogliser » Internet et a donc proposé des services libres, décentralisés, alternatifs justement et respectueux des utilisatrices et utilisateurs. Elle ne souhaitait pas le faire toute seule, elle a souhaité que d’autres associations, d’autres personnes, d’autres organisations, puissent participer à ce projet, puissent justement participer à cette logique de décentralisation des services qui manipulent des données. On sait que plus les données sont centralisées, plus il y a concentration de pouvoir et ce n’est pas bien. Il y a aujourd’hui près de 100 chatons.
L’April, avec beaucoup de fierté, fait partie de ce collectif. On propose aujourd’hui une douzaine, même 13 services libres et décentralisés. Les plus utilisés sont, par exemple, la visio, le partage de fichiers. On a aussi un outil d’audioconférence. On a une instance Mastodon [15], ce qui est particulièrement important en ce moment, je ne sais pas si vous connaissez. C’est en fait du microblogging, basé sur un logiciel libre bien évidemment, alternatif à Twitter. On a eu une explosion de comptes qui se sont créés sur notre Mastodon, nous sommes passés de 1500 à 4500 comptes en moins d’une semaine suite à la nouvelle du rachat de Twitter par Elon Musk.
Nous sommes fiers, nous sommes contents de pouvoir proposer ces services. Ce sont des bénévoles qui gèrent.
Étienne Gonnu : Précisons que face à cette explosion de souscriptions de comptes nous avons fermé temporairement les inscriptions au @pouet.chapril.org, mais plein d’autres instances existent, c’est l’intérêt d’un réseau fédéré. C’est une activité entièrement bénévole. C’est une bonne occasion de se faire la main sur des outils, je sais qu’on recrute. Si vous avez des compétences sur Mastodon, c’est super ; je pense qu’on a aussi besoin de compétences sur Mobilizon [16], sur Nextcloud. N’hésitez pas à les contacter, ils n’hésiteront pas à vous guider si vous avez envie de vous faire la main. Je pense que la plupart des chatons sont en demande de bras et de compétences. C’est une très bonne manière de se former dans une perspective d’éthique.
Pareil, on a un très beau site pour regrouper ces 13 services. N’hésitez à pas à aller le chercher.
Comme je vous disais, on reste sur le salon. On peut détailler des points qu’on a juste frôlés, effleurés plutôt lors de cette présentation. On a un stand, A11, et vous pouvez aussi nous contacter et la conférence, avec les diapos – il n’y a pas énormément de contenu dedans – sera disponible, comme toutes nos diapos, sous licence libre sur le site de l’April.
Merci à vous.
Isabella Vanni : Merci.
[Applaudissements]