Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir 1 heure 30 d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Le podcasting ou baladodiffusion, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique d’Antanak en début d’émission, dont on découvrira le thème, et aussi, en fin d’émission, une interview de Cécilia Bossard, membre de Duchess France.
Cette émission est proposée par l’April l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’émission c’est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 10 octobre 2023, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission du jour, c’est sa première. Elle est fondatrice de l’agence Parisweb.art dédiée à la culture et aux arts et elle donne du temps bénévole pour être à la régie de l’émission aujourd’hui, c’est Julie Chaumard. Bonjour Julie.
Julie Chaumard : Bonjour. Bonne émission.
Frédéric Couchet : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » par Isabelle Carrère d’Antanak
Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées mises en actes et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique pour tous et toutes.
Bonjour Isabelle.
Isabelle Carrère : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : Je te passe la parole.
Isabelle Carrère : Merci beaucoup.
Je ne sais pas si les auditeurs et auditrices le savent vraiment bien : tous les premiers vendredis de chaque mois, on ouvre les portes de la radio, du studio, et on accueille qui veut, qui se déplace pour rencontrer des réalisateurs et réalisatrices de Cause Commune. On y voit des auditeurs, des auditrices, d’autres journalistes qui viennent d’autres radios, des intervenants, des musiciens, des musiciennes, des qui veulent faire une émission, etc.
Le vendredi 6 octobre, donc le premier vendredi du mois d’octobre, j’ai lancé un petit sondage. Je suis allée vers chaque personne présente, qui un verre à la main ou une bière, ou un bout de fromage, ou une cigarette, bref, j’arrive et je demande : « Dis-moi, quelle est, selon toi, la lutte qui te paraît la plus urgente, la plus cruciale, la lutte à mener là maintenant ? »
J’ai eu pas mal de réponses.
D’abord une personne assez jeune qui me dit : « Une lutte ? Tu veux dire quoi ? De toute façon, on ne peut rien faire ! »
Nous étions 36, 37 avec moi, au plus fort de la soirée, au moment où j’ai posé toutes ces questions. Sur les 36, cinq personnes ont dit : « Pour moi, ce qui est le plus important c’est la question climatique, une vraie écologie, sauver la planète, parce que tout découle de ça ».
Quatre personnes ont dit : « Les gamins à la rue, je n’en veux plus. Contre la pauvreté des enfants, que plus un, une enfant ne meure de faim ; contre la pédocriminalité, sauvegarder les enfants à tout prix. »
Trois personnes ont dit : « La redistribution des richesses, restaurer des services publics communs, stopper l’optimisation fiscale, repenser les "utiles". »
Trois autres ont dit : « Contre la précarité sous toutes ses formes et contre la pauvreté ».
Deux ont dit : « Stopper l’entassement des gens, fournir des logements décents à tout le monde. »
Ensuite on trouvait d’autres propositions : la lutte contre le viol, stopper la culture du viol partout, dans tous les lieux.
Pour l’amour – l’amour, le soutien de tous et toutes, sans masque. L’égalité homme/femme.
L’attention, à l’autre, aux autres, au vivant.
Casser la machine interclassiste pour que la détermination sociale ne soit plus aussi forte.
L’éducation pour tous et toutes.
Accueillir les personnes migrantes quelles que soient leurs raisons.
Se débarrasser de Macron et de sa clique, ses pairs.
Et aussi des propositions peut-être plus philosophiques ou plus poétiques : travailler la complexité, s’extraire de la bipolarité, soigner la langue, l’idiome, lutter contre les approximations de langage et de pensée ; contre le temps qui file, les choses à faire toujours plus vite ; la lutte des lutins, ceux à qui on appuie sur la tête.
Et là vous vous demandez : qu’est-ce qu’elle nous raconte Isabelle, aujourd’hui, de quoi parle-t-elle ? Elle s’est trompée d’émission ou quoi ? Non, attendez, je sais, je suis bien avec vous dans l’émission Libre à vous ! de l’April, attendez ! Cela ne fait pas encore 100 % des répondants et répondantes. On était 36, alors vous n’avez pas compté, mais moi si ! Nous y voilà !
Une personne a dit : « Pour une informatique Libre, un Internet vraiment libre pour tous et toutes ».
Une autre personne a dit : « Font chier avec leur Internet ! »
Une autre a dit : « Contre la société de surveillance ».
Vous voyez, on y arrive : trois personnes sur 36 ! C’est déjà ça ! 8 % des personnes qui expriment quelque chose concernant l’informatique et le numérique dans le sens de la défense des libertés. Ce n’est pas si pire !
Si on m’avait posé la même question, c’est ce que j’aurais dit, que la société qu’on prépare, la société numérique, est juste improbable. Qu’on doit refuser tout ce par quoi passent ces affaires numériques parce que, avec ce qui se prépare, notamment avec la belle excuse, la bonne opportunité des Jeux olympiques de l’année prochaine, on est dans une phase dans laquelle : vidéosurveillance algorithmique, centres de supervision urbains, drones, matériels anti-drones, robots de contrôle voire d’intervention, interfaces homme/machine de plus en plus prégnants et raides, armements automatisés, reconnaissance faciale, etc., toutes ces technologies de plus en plus présentes, nous sont comme rendues obligatoires. Alors ? On s’en accommode ? On accepte ? On laisse faire ? Surveillance + contrôle + répression. OK ! On accepte d’être les cobayes ?
L’obligation d’être toujours plus collé à son ordinateur de bord, son téléphone pour ne rien louper de « ce-qui-se-passe-dans-le-monde », son GPS pour ne pas se perdre dans les dédales de la vie, comme si c’était terrible de se perdre ! Toujours et partout sa boîte d’assistance vocale pour appeler au téléphone, faire chauffer le café, mettre la musique, surveiller son cœur, mesurer ses efforts, parce que... c’est pratique tout de même ! Et ce, avec une surveillance accrue des relations, des réseaux ; des confiscations de données, des concentrations énormes de pouvoir, des choix de se laisser porter par des décisions prises par des calculs liés à ce qu’on a déjà fait. Allez, c’est pour ton bien !
Bref, je ne dis pas que les autres sujets évoqués par les personnes ne sont pas importants, non ! Je pensais que plus auraient cité le numérique parce que ça me semble être un axe, une porte d’entrée pour tellement d’autres luttes ! Je sais, l’intersectionnalité des luttes n’est pas une chose acquise ! On en parle ! D’ailleurs, je ne sais même pas si on en parle encore, en tout cas on a du mal à la mettre en pratique dans les luttes au quotidien comme dans les événements plus larges. Dans les luttes pour un environnement plus sain, une réelle écologie, ce qui arrive en tête de liste, la question climatique dans ce petit sondage que je me suis amusée à faire, il y a bien sûr la question des matériaux, l’extractivisme, la destruction des terres, la pollution des sols et de l’eau et la question du racisme environnemental.
Pour terminer ce propos, j’avais dit le mois dernier, quand je faisais cette chronique en septembre, que je reparlerai des Journées nationales de la réparation, lancées et animées par HOP, Halte à l’Obsolescence Programmée. Juste un petit mot pour finir cette chronique. Vous pouvez aller sur leur site JNR, Journées Nationales de la Réparation, et vous verrez qu’un peu partout fleurissent des propositions d’ateliers, de rencontres, de mini-conférences, de partage sur la réparation, d’ailleurs, pas que la réparation des ordinateurs, c’est aussi les vélos, les machines, les outils, les tissus, tellement de choses !
Nous, Antanak, nous y serons pour les ordis, bien sûr. On sera sans doute dans le 20e avec d’autres structures du réseau RéFIS, pour discuter avec des gens de réparation, faire un rapide diagnostic de leur machine, parler de l’entretien et, bien sûr, du Libre !
C’est les 20, 21 et 22 octobre 2023. À bientôt.
Frédéric Couchet : Antanak, c’est antanak.com avec un « k ». Vous êtes nos voisins et voisines au 18 rue Bernard Dimey.
Si vous souhaitez, la prochaine fois, répondre à une question d’Isabelle, venez au prochain apéro de la radio qui a lieu le premier vendredi du mois, le 3 novembre 2023 à 19 heures au 18 rue Bernard Dimey.
Merci Isabelle. C’était la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel », d’Antanak, avec Isabelle Carrère.
Belle fin de journée Isa. À bientôt.
Isabelle Carrère : Merci. À toi aussi.
Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.
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Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons de podcasting.
En attendant nous allons écouter, et c’est le choix de l’un de nos invités, en l’occurrence Benjamin Bellamy, You Will Be Wild par John Lopker. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : You Will Be Wild par John Lopker.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter You Will Be Wild par John Lopker, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.
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Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Le podcasting avec Carine Fillot et Benjamin Bellamy
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur le podcasting avec nos invités : Carine Fillot, fondatrice d’Elson, et Benjamin Bellamy, fondateur et dirigeant de la société Ad Aures et de Castopod dont on parlera tout à l’heure. Je vais les laisser se présenter un peu plus au début, évidemment.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous.
Première question, une petite présentation rapide pour que les gens vous découvrent. Carine Fillot
Carine Fillot : Bonjour. Ça me fait toujours plaisir de venir dans un studio de radio, déjà, puisque j’ai commencé la radio quand j’étais ado. Aujourd’hui, après un long parcours notamment à Radio France, j’entreprends dans ce qui n’est pas complètement de la radio, mais c’est aussi de la radio, c’est le podcast. Aujourd’hui Elson est à la fois une société qui est un organisme de formation : on accompagne des particuliers, mais aussi des entreprises, à concevoir, produire et diffuser des podcasts. On a aussi une activité avec des entreprises ou des organisations autour de la production. Et puis on s’intéresse de près, en expérimentant pas mal de choses avec aussi un prototype autour de ça, à une forme de découvrabilité des contenus : comment recommander des contenus pas uniquement de manière algorithmique mais aussi éditoriale. Ces dernières années on a passé beaucoup de temps à ausculter les contenus de la radio diffusés en podcast et, à la fois, ce qu’on appelle les podcasts natifs, c’est-à-dire les podcasts issus de créateurs qui diffusent sur Internet et pas dans une radio traditionnelle FM.
Frédéric Couchet : Merci Carine. Deuxième invité Benjamin Bellamy.
Benjamin Bellamy : Bonjour.
Je suis un libriste convaincu depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, auditeur de podcasts depuis un peu moins d’une vingtaine d’années. En 2020, j’ai créé la société Ad Aures qui développe des outils libres pour créer des écosystèmes équitables et durables pour toutes les podcasteuses et tous les podcasteurs.
Qu’est-ce que ça veut dire ? En deux mots, on développe des solutions informatiques qui permettent de mettre à disposition, c’est-à-dire d’héberger des podcasts, mais aussi de les rendre découvrables, de les transcrire et de les monétiser.
Frédéric Couchet : Des concepts dont on va parler tout l’heure ; découvrabilité, c’est important.
On a affaire à deux personnes expertes dont l’une a une très grosse expérience radio.
Beaucoup de gens qui nous écoutent, nous écoutent surtout en podcast, même si on a, évidemment, des auditrices et des auditeurs sur la bande FM. Peut-être que ces personnes-là ont une idée de ce qu’est un podcast, mais on va quand même commencer par expliquer ce qu’est un podcast, le concept de podcasting. Qu’est-ce que c’est concrètement ? Qui veut commencer ? Carine.
Carine Fillot : Aujourd’hui c’est un mot qu’on utilise à plein de sauces pour décrire plein de réalités en fait. On va dire que si on doit partir de son origine, d’abord c’est la contraction de deux mots : « pod » — on va le comprendre après — qui vient beaucoup, au départ, de l’écosystème d’Apple et de l’iPod puisque, dans les années 90, on n’avait pas de smartphone et, pour réécouter ou même écouter de la musique, des MP3, on utilisait souvent ce baladeur numérique —et de cast, diffusion en anglais. C’est donc un mot valise, podcast, qui a émergé en 2005/2006, Benjamin pourra repréciser. On est dans l’adoption de ce baladeur numérique, notamment au moment où la plateforme iTunes d’Apple agrège — quand on parle de podcast, on parle souvent d’agrégation ; on commence, du coup, à agréger des podcasts.
Derrière ce mot il y a une technologie, une très vieille technologie du Web qui s’appelle le flux RSS, qui est un format d’indexation de contenus. Benjamin, peut-être peux-tu rebondir dessus, si tu veux en parler d’une manière un peu plus technique ? Je finirai juste par dire que « podcast », aujourd’hui, c’est aussi du contenu, c’est une manière de dire « je fais un contenu qui n’est pas de la radio, un contenu sonore qui a un ADN un peu différent et qui est donc distribué avec ce mode de distribution sous-jacent, du coup, aux flux RSS.
Benjamin Bellamy : Tout à fait. La première chose qu’il faut bien comprendre quand on parle de podcast, et pour lever toute ambiguïté, c’est qu’on ne peut pas lever l’ambiguïté. En fait, il n’y a pas de définition officielle du podcast, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura probablement jamais, donc tout le monde met un peu ce qu’il veut derrière ce mot valise qui date de 2004. C’est Ben Hammersley, journaliste au Guardian qui l’a utilisé pour la première fois, on parle aussi d’audio-blogging à l’époque. Chacun met un peu ce qu’il veut derrière le podcast.
Moi qui suis ingénieur de formation, j’ai tendance à avoir des définitions qui sont plutôt d’ordre technique. Ma définition du podcast c’est que c’est un contenu multimédia, en général un fichier MP3 sonore, qui est dans un flux RSS. Le flux RSS que tu as évoqué, qui date de 1995, c’est juste un moyen de partager des informations, à l’époque on parlait surtout de blogs, et de manière totalement décentralisée, c’est-à-dire que chacun peut s’abonner avec le logiciel de son choix.
En 2000, je pense que c’est important de noter parce qu’on fait un peu trop de French bashing en ce moment, on doit l’invention technique du podcast à un Français, Tristan Louis, qui a eu le premier l’idée de mettre un fichier MP3 dans un flux RSS, c’était surtout utilisé par ce qu’on appelle les geeks. En 2003, Adam Curry, un podcasteur de la première heure qui avait déjà eu une carrière sur MTV en tant que vidéo-jockey, a, le premier, créé un petit programme qui permettait de télécharger tous ces flux RSS – à l’époque ça ne s’appelait pas encore podcast, le mot podcast a été créé après – sur son iPod. En fait, le premier device qui a permis de consommer des podcasts c’était l’iPod. On comprend tout de suite, du coup, pourquoi on a appelé ça podcast.
Pour l’anecdote, que personnellement je trouve assez truculente, il se trouve qu’en 2005, donc deux ans après que Adam Curry eut créé ce petit script qui permettait d’écouter ses podcasts sur son iPod, il a reçu un appel de Eddy Cue qui travaillait chez Apple et qui lui a dit : « Est-ce que tu peux venir à San Francisco rencontrer Steve Jobs ? ». Il s’est retrouvé un matin, à San Francisco, face à Steve Jobs qui lui a dit : « Ton truc m’intéresse et j’ai vu que tu as un petit index avec pas mal de podcasts, est-ce que tu veux bien nous le filer pour qu’on le mette en avant ? ». Adam Curry était très content que ce truc-là prenne de l’importance et que Apple s’y intéresse, donc il a dit oui. Et l’après-midi même, Steve Jobs, dans sa keynote, a annoncé ce qu’on appelle aujourd’hui Apple Podcasts qui, à l’époque, était iTunes Podcasts. En 2005, un an après l’invention du mot et deux ans après l’usage sur les iPod, on a eu l’explosion du podcast, en tout cas la première parce qu’il y en a eu plusieurs, qui a rendu ça visible pour tout le monde et ce n’était plus une affaire de geeks, c’était vraiment un outil de mass media j’ai envie de dire.
Carine Fillot : À cette époque-là, un petit peu après, aux alentours de 2006, je revois un de mes boss franchir la porte du bureau et me dire : « Le PDG de Radio France — à l’époque Jean-Paul Cluzel —, a décidé que dans moins de deux/trois mois toutes les émissions de Radio France seraient disponibles en podcast ». C’était une vraie révolution. Avant on diffusait tout juste sur Internet, mais on ne découpait pas les émissions de radio. En réalité, une radio est déjà découpée virtuellement, ça s’appelle une grille de programmes. La radio était numérisée aussi depuis peu. Donc, en gros, il fallait organiser tout ça pour que chaque émission délivre un MP3, puisque un podcast c’est quoi ?, c’est un fichier MP3 mis dans un fichier texte.
Pour revenir sur cette notion du RSS, j’accompagne beaucoup d’apprenants et d’apprenantes dans le podcast et c’est vrai que pour eux c’est toujours un peu obscur cette histoire : que faut-il pour faire un podcast ? Pour revenir dessus, que faut-il techniquement ? Eh bien un fichier MP3, mais un podcast ce n’est pas la promesse d’un seul fichier MP3, c’est la promesse d’une récurrence, comme une émission de radio finalement. Il faut, comme si on faisait un site internet, une sorte de serveur, on appelle ça un hébergeur de podcasts, et pendant longtemps les hébergeurs de podcasts, qu’on connaît beaucoup aujourd’hui en France – Castopod en fait partie, il y en a d’autres, Ausha, Podcastics, etc. –, vous mettent à disposition les moyens de générer ce fameux fichier RSS qui est, en fait, un fichier texte qui se met à jour.
Ce fichier texte n’est pas un langage de code barbare pour qui ne connaîtrait pas le code, c’est un langage de balises. Ces balises ont été faites, à cette époque-là, 2005/2006, par Apple. Ça dit ce qu’est ce podcast : le titre du podcast, puis la promesse, quelle va être la récurrence d’épisodes ? On la décrit. Ensuite, il y a un en-tête dans ce fichier : on dit qui est l’auteur, on dit qui est le visuel du podcast. Ensuite on descend ; en fait un podcast c’est un flux, c’est une pile. On va avoir les épisodes, donc un épisode a un titre, a une description et il a une adresse sur Internet, sur un serveur de fichiers MP3.
Quand on s’abonne à un podcast, quand on s’abonne à travers une interface, qui est, la plupart du temps, une application d’agrégation de podcasts, qui sont, aujourd’hui, toujours Apple Podcasts, Spotify, etc., en fait on s’abonne à ce fichier qui se met à jour et à travers l’interface d’un player, on vient écouter à chaque fois qu’il y a une mise à jour.
Commence à se développer, à partir de 2006 et dans les années qui vont suivre, un usage du podcast, celui de beaucoup de réécoutes de la radio. Évidemment, à ce moment-là les grandes radios comme RTL, comme Europe 1 et comme le groupe Radio France se saisissent de ce nouveau mode de diffusion en comprenant qu’elles vont pouvoir adresser de nouveaux usages, de nouveaux besoins : la réécoute de la radio en temps et en heure, où on veut, sur un support mobile. C’est comme cela que les premiers auditeurs de podcasts, et on en trouve encore la trace aujourd’hui dans les statistiques, ne sont pas ceux qui sont très représentés, ce ne sont pas forcément des jeunes, ça va être aussi des gens qui, à l’époque, avaient un Mac, un iPod, qui ont donc commencé à rentrer dans l’univers du podcast par la réécoute de la radio.
Frédéric Couchet : Benjamin.
Benjamin Bellamy : Je voulais juste m’offusquer violemment contre un détail que tu viens de dire : Apple n’a pas inventé le podcast, pas du tout ! Apple l’a mis en lumière.
Carine Fillot : C’est ce que je voulais dire.
Benjamin Bellamy : Ça a énormément contribué à son développement parce qu’Apple a porté le podcast à bout de bras, sans modèle économique, pendant plus de 15 ans, mais techniquement Apple n’a absolument rien inventé !
Après, ils ont dit : « Si vous voulez qu’un podcast existe il faut qu’il ait une image carrée, de 1400 pixels, il faut tout un tas de choses », ils ont normalisé, d’une certaine manière, ce qui était plutôt une bonne chose, mais techniquement ils n’ont rien inventé.
Carine Fillot : Comme tu le disais, le flux RSS existait depuis très longtemps.
Benjamin Bellamy : Toute la techno existait déjà, d’ailleurs toutes ces technos existaient déjà dans les années 90. On peut leur savoir gré d’avoir mis ça en lumière.
Carine Fillot : En tout cas, ils ont inventé Apple Podcasts qui, finalement, a été le premier outil sur lequel les gens allaient pouvoir le faire, parce qu’à ce moment-là, souvenez-vous, en 2006, il n’y avait pas encore YouTube, il n’y avait pas encore Spotify, Deezer était en train de naître. On était dans un moment où, en fait, le seul acteur capable de générer l’usage, c’était celui-là.
Frédéric Couchet : Je vais te repasser la parole, Benjamin. Je vais quand même juste apporter deux précisions : une première sur le format de fichier audio. Tu as beaucoup cité MP3 parce que c’est notamment le format, l’un des rares formats que sait traiter Apple, mais on peut mettre n’importe quel type de format audio, il y en a plusieurs. Par exemple, dans le cas du podcast de Libre à vous ! il y a le format MP3, le format ogg, il y en a plusieurs.
Tu as cité Apple Podcasts, Spotify. Il y a aussi des applications libres qui permettent des lectures de podcasts. On va en suggérer un très simple en exemple, si les gens veulent le découvrir, c’est AntennaPod, un outil qui permet de s’abonner à des podcasts, soit en les découvrant, en mettant des mots-clés dans le moteur de recherche, soit en mettant effectivement le lien quand on va sur une page web.
On va prendre un exemple concret : si vous nous écoutez actuellement, que vous avez soit un téléphone soit un ordinateur, vous allez sur libreavous.org et vous allez voir, il y a marqué « S’abonner au podcast ». Ça va vous donner un lien et, si votre ordinateur est bien configuré, ça va vous ouvrir automatiquement une application pour vous abonner. Ensuite vous pourrez, à la demande, écouter les épisodes, ceux que vous voulez ou tous, on vous encourage, évidemment, à tous les écouter.
On reviendra tout à l’heure sur le rôle d’Apple et sur les autres acteurs.
Juste une petite question. Tu viens de la radio, nous, nous faisons de la radio. Tout à l’heure tu as employé un terme qui est important c’est « podcast natif ». Pouvez-vous expliquer, peut-être toi Carine, la différence qu’il y a entre un podcast qui est une réécoute d’une émission de radio, par exemple, et un podcast natif. Qu’est-ce que ça change à la fois pour la personne qui fait et pour la personne qui écoute ?
Carine Fillot : Avant, on peut peut-être dire que c’est très franco-français !
Benjamin Bellamy : J’allais le dire, tu as lu dans mes yeux !
Carine Fillot : On en a parlé avec Benjamin, on échange beaucoup, ensemble, sur le sujet du podcast, pourquoi, en fait, fait-on cette distinction ? À mon sens, il faut le comparer aux autres écosystèmes. En France, on a une radio qui est forte et on le voit ici, on est dans une radio associative. En France, il y a un bon nombre de radios associatives, il y a des catégories A, B, C, D, etc., il y a des radios de service public, il y a des grandes radios nationales, etc. ; il y a de la diffusion FM sur un territoire, même si, effectivement, on peut peut-être regretter qu’à des endroits il n’y ait pas assez d’émetteurs, de diversité de radios, malgré tout il y a ça. Donc, quand les acteurs du podcast francophone émergent, quand on parle de 2006, comme l’adoption des usages est en train de se faire, on a un fossé entre ces années 2006/2007 et l’arrivée de ce qu’on appelle le podcast natif, même s’il y a effectivement toujours eu, depuis l’invention, depuis cette possibilité, des podcasteurs. Moi-même, en 2007, je faisais une webradio ; on faisait du streaming et on faisait du podcast. On voyait bien que oui, certes, il y avait des gens qui téléchargeaient nos podcasts, mais c’était des geeks, on n’avait pas encore un usage massif de cela.
À un moment, en tout cas en France ces dernières années, un secteur s’est structuré et c’est là aussi que ce terme de « podcast natif » est apparu. Ce sont aujourd’hui des studios de podcast qui sont assez connus – Louie Média, Binge Audio, Bababam, des pure players comme Slate –, qui, du coup, sont arrivés avec des propositions éditoriales nouvelles puisqu’en fait, avec le podcast, on s’affranchit de la grille radio. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on peut faire des formats différents avec des durées qui ne sont pas homogènes, avec des épisodes. On peut s’approprier la radio, mais on peut créer ses propres formats et, surtout, il y a souvent un positionnement stratégique, parfois ça part d’une intention très personnelle et très naturelle : je veux porter un sujet d’expertise, un sujet de niche, beaucoup un sujet sociétal, du coup je peux le faire, la radio m’est quand même assez accessible. On a connu un passage au do it yourself, « faites-le vous-même », le fait de faire soi-même dans toutes les autres industries créatives et culturelles – la musique, le studio, le home studio pour les musiciens, on n’est plus à la pellicule, on est avec le numérique, etc. –, donc le podcast reste aujourd’hui accessible. Le coût même d’investissement dans un micro, un enregistreur, un abonnement à un hébergeur de podcast, c’est accessible. Du coup, ça ouvre la porte à ces nouvelles voix, à des gens qui portent un discours singulier. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas les mêmes à la radio, ça veut dire qu’ils passent par un chemin différent. Depuis on est aussi nourri des réseaux sociaux, du personal branding, des figures comme ça des influenceurs, même si on ne trouve pas l’ADN de l’influenceur dans le milieu du podcast, en tout cas à la marge, du coup on a des gens qui veulent aussi se singulariser, dire « nous on n’est pas la radio ». Ce n’est pas pour se mettre en différence par rapport à la radio, c’est pour réussir à exister, alors que aujourd’hui, en France le podcast de replay, le podcast de réécoute de la radio, c’est quand même celui qui est le plus consommé de toute l’historique qu’ont les radios, de tout le mass media que représente la radio.
Ce terme de podcast natif permet dire « en fait on est un peu les nouveaux podcasts, on est un peu les nouvelles tendances, on est un peu les nouveaux sujets. On n’est pas diffusé à la radio. » Par contre, ceux-là sont obligés de faire aussi la promo de cet usage du podcast.
Je pense que c’est pour cela qu’en France on a un peu cette volonté de différencier les deux termes pour se singulariser et pour exister.
Benjamin Bellamy : Pour compléter, Carine lit dans mes pensées, elle disait que cette notion de différence, de dichotomie entre le podcast natif et le podcast de replay c’est très franco-français. Aux États-Unis ça n’existe pas du tout. Pour l’anecdote, on travaille beaucoup avec un mouvement qui s’appelle Podcasting 2.0, qui a pour vocation d’enrichir fonctionnellement le podcast en rajoutant de la transcription, tout un tas de choses comme ça. On leur a demandé de rajouter la possibilité d’avoir un tag qui permet de dire si ce podcast est un podcast natif, c’est-à-dire si c’est un contenu original qui a d’abord été créé en podcast, ou bien si c’est un contenu qui a été publié quelque part ailleurs, avant. On parle de radio, mais il n’y a pas que de la radio. Typiquement, est-ce que le podcast de HugoDécrypte est un podcast natif ou pas, parce qu’il a été publié avant sur YouTube ? C’est une question qu’on peut se poser.
On voit bien que tout cela est très culturel. Je ne suis pas convaincu par cette différence. Si les Anglo-saxons ne la font pas, il y a bien une raison. Sur la vidéo, on voit bien qu’on est passé d’une vision linéaire à une vision délinéarisée et il va probablement se passer la même chose sur de l’audio. On appelle ça du podcast, on appelle ça ce qu’on veut, peu importe, en tout cas c’est une question d’usage. Après, est-ce que le contenu que j’écoute en podcast a été publié quelque part avant ?, j’ai envie de dire que c’est presque secondaire.
Carine Fillot : C’est un peu dans l’écosystème du podcast qu’on différencie ces deux termes.
Frédéric Couchet : OK, d’accord, mais je vois quand même une différence importante dans la façon dont les gens qui font ces émissions, soit de radio pour diffuser, soit le podcast, se comportent. Tout à l’heure tu as employé un terme « public de niche », « ils ont quelque chose à dire ». Moi j’écoute beaucoup de podcasts et une chose que je vois tout le temps sur les podcasts, sur la plupart, c’est du jargon à fond ! On écoute un podcast sur lequel on est tombé parce qu’on s’est intéressé à ce sujet-là : je m’intéresse au marketing, j’en écoutais encore ce matin.
Carine Fillot : Franchement, je pense que le marketing c’est le top du top du top !
Frédéric Couchet : Je passe une partie de mon temps à essayer de comprendre ce jargon-là et je pense que l’une des différences principales, justement, c’est l’adresse. Nous, quand nous faisons de la radio, nous nous adressons d’abord à la personne qui écoute la bande FM, on fait donc un effort de vulgarisation, de compréhension, alors que les gens qui font du podcast natif s’adressent souvent à une niche et ils ne pensent pas aux gens qui, par hasard, vont les découvrir, donc, en fait, qui vont devoir s’accrocher pour comprendre. Je ne sais pas quel est votre avis là-dessus.
Carine Fillot : Je suis absolument d’accord avec toi. Je tiens ce discours aux gens que je forme au podcast, forcément ! Tu l’as compris, mon ADN vient de la radio, tu vois. Il y a quand même beaucoup de gens qui le font par mimétisme. Je pense qu’on va parler de la monétisation après, mais quand je forme des gens je leur dis, d’ailleurs, dans nos formations, on leur explique comme ça : les savoir-faire de la radio au bénéfice d’un projet de podcast. Après, c’est aux gens de choisir s’ils veulent faire quelque chose de très pointu. De la même manière que des gens veulent faire de la radio associative toute leur vie, il y a des gens qui veulent se professionnaliser, etc.
Pour l’audience, on ne va pas se mentir, sur certaines thématiques et sujets c’est hyper-porteur d’être dans une niche et de créer une communauté. Mais effectivement, tu as raison, ça crée de l’entre-soi et je dis souvent aux gens « pensez à enlever ces mots de jargon, arrêtez de parler de KPI, parlez d’indicateur clé de performance, faites cet effort de pédagogie. » Effectivement, je suis d’accord, vous allez rassembler beaucoup plus. Après c’est à chacun d’essayer de trouver ce dosage pour montrer une expertise. Effectivement dans le marketing et dans beaucoup de métiers, en général, même dans toutes les entreprises françaises, on a un peu cette tendance au jargon et à l’entre-soi et la radio n’a pas cet ADN : il y a un côté beaucoup plus inclusif avec l’approche de la radio et beaucoup plus exclusif avec l’approche du podcast. Si votre stratégie c’est d’être dans l’exclusivité, dans ce cas-là assumez-le à fond, mais ça veut dire que vous allez laisser des gens à la porte ; la barrière d’entrée est élevée. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens qui feront l’effort, comme ils le font sur d’autres supports, de « je vais écouter, me former ; je vais écouter un podcast, en même temps j’ai Internet pour comprendre », mais vous allez laisser des gens derrière vous. Et comme l’ADN de la radio c’est d’être un émetteur FM, le fait de ne pas savoir, de sentir, de comprendre – il y a évidemment des sondages, des études –, mais c’est se dire qu’il y a toujours un peu cette magie de « on tourne le bouton – même si on ne le tourne plus beaucoup aujourd’hui mais encore sur l’autoradio – et on peut tomber sur une surprise, sur quelque chose qu’après on peut transformer en en faisant une habitude d’écoute, etc.
Il y a toujours deux communautés dans l’audience de la radio : il y a ceux qui sont déjà acquis et il y a ceux qui sont là autour et la radio a cette adresse beaucoup plus large, je suis complètement d’accord.
Benjamin Bellamy : Il y a évidemment une grosse différence en termes de formation. À priori, quelqu’un qui passe par la radio va être formaté, va être prévenu et va être prévenant.
Carine Fillot : Qu’est-ce que tu entends par formaté ?
Benjamin Bellamy : Ne pas s’adresser à un auditeur n’importe comment.
Pour autant, on parlait tout à l’heure de liberté, ce qui est bien aussi dans le podcast, c’est que c’est un peu foutraque. Il y a des gens qui ne sont pas du tout formés à faire ça, qui se lancent, qui apprennent sur le tas. Du coup l’indice de qualité, je ne sais pas si on peut parler d’indice de qualité, en tout cas il y a beaucoup plus de choses et ça génère aussi beaucoup plus de diversité, une uniformisation nettement moindre dans le podcast qui fait que ça crée la richesse aussi du podcast.
Carine Fillot : Je suis tout à fait d’accord avec ça. En tout cas le propos que j’avais en tête c’est celui de quelque chose qui est un jargon technique et des choses qui resserrent un peu.
Par contre, effectivement, on retrouve parfois les marqueurs de la radio associative. Dans une radio associative, le cadre est parfois beaucoup moins formel que dans une radio privée, etc., il y a donc ce truc de dire « je peux le faire moi-même, je peux le faire à mon image », donc ce truc est intéressant.
Chez Elson on a mené pas mal de curations, on a écouté plein de podcasts qui se lançaient, des podcasts amateurs, des podcasts un peu plus pros. Quand on les passait en comité d’écoute d’une vingtaine de personnes, il y avait parfois des trucs qui étaient frappants : la voix d’une personne qui a un regard singulier sur un sujet et ça ne trompe pas, mais comme souvent à la radio ; bien souvent la voix ça ne trompe pas.
Souvent des gens demandent pourquoi on ne fait pas beaucoup de coaching vocal dans nos formations. Je dis souvent que l’esthétique de la voix n’est plus un sujet, à moins d’avoir un problème d’élocution, etc., qui peut se travailler avec un orthophoniste ou autre, en fait, aujourd’hui, on n’a plus ce code de l’esthétique de la voix. La voix c’est la personne qui s’exprime et si une personne est alignée avec ce qu’elle dit, il n’y a plus de mauvaise voix. On parle souvent des nouvelles voix du podcast, le podcast révèle cette chose-là.
Ce qu’il est aussi intéressant de voir, c’est le chemin que font certains de ces podcasteurs et de ces podcasteuses : au départ on se lance, on essaye, on retente autre chose, etc., on essaye de ne pas s’arrêter en chemin parce que c’est ingrat, en plus, d’être son propre média. On essaye de fabriquer un objet, en plus il faut faire de la communication autour, etc., mais ça chemine et ce qui est intéressant c’est de voir comment quelqu’un passe de « je fais » à « est-ce que je deviens podcasteur » ou « est-ce que je deviens auteur et autrice aussi ». On est dans cet écosystème à un moment où, en plus, on interroge cette question-là, notamment vis-à-vis du financement de certains créateurs. Et qu’est-ce que c’est qu’être un auteur ou une autrice de podcast ou de radio ? C’est une question qui se pose aujourd’hui.
Frédéric Couchet : On va en parler. Je voulais juste préciser que je ne faisais pas une critique du podcast parce que je suis un très gros consommateur de podcasts et je suis totalement aligné avec ce que vient de dire Carine, il y a vraiment des voix et je ne parle pas de la voix qu’on entend, mais des positionnements.
Carine Fillot : L’expression singulière et particulière d’une personne.
Frédéric Couchet : Aux gens qu’on invite à l’émission de radio et qui disent « je ne suis pas à l’aise, je vais bafouiller, etc. », on dit : « Ne vous inquiétez pas, vous allez parler de votre expérience, de votre vécu, de ce qui compte pour vous, de votre histoire et c’est ça qui va intéresser les gens. » Ce n’était donc pas une critique sur le podcast, c’était juste un constat sur un certain nombre de podcasts qui ciblent des particuliers et qui ne pensent pas aux autres.
Avant la pause musicale, on va commencer à parler un petit peu des acteurs du podcast, donc des personnes qui créent, des personnes qui écoutent. Un truc vachement bien dans le podcast, je crois que tu l’as dit tout à l’heure Benjamin, c’est qu’effectivement on prend un micro, un outil d’enregistrement, on prend une plateforme, on peut même se créer son site web, pour se lancer dans le podcast. En tout cas, d’un point de vue technique, c’est très simple de se lancer dans le podcast, ce n’est pas un gros investissement, il n’y a pas de barrière à l’entrée.
Benjamin Bellamy : Aujourd’hui il n’y a pas de a barrière à l’entrée puisqu’il suffit d’avoir un téléphone portable.
Frédéric Couchet : C’est vrai qu’avec le téléphone, c’est encore plus simple. Carine n’est pas forcément tout à fait d’accord, elle le dira après. Vas-y Benjamin.
Benjamin Bellamy : Je sais qu’elle n’est pas du tout d’accord, mais comme elle est très polie, elle ne me coupe pas la parole.
Aujourd’hui des podcasts sont créés avec un téléphone portable. On utilise parfois les kits piéton ou des choses comme ça pour que, qualitativement, ce ne soit pas trop pourri, mais avec un téléphone portable c’est tout à fait possible et on peut faire plein de choses.
Carine Fillot : Un téléphone portable plus un accessoire !
Benjamin Bellamy : Plus un accessoire, d’accord.
Frédéric Couchet : Quel accessoire ?
Carine Fillot : La question qui se pose c’est : est-ce qu’on fait son podcast tout seul où on parle soi et on n’interviewe personne, ou est-ce qu’on interviewe quelqu’un ? Il y a effectivement pas mal d’accessoires qui sont développés pour mettre sur un téléphone. J’ai quand même besoin de faire ce geste : je parle, tu parles et approcher le micro de la bouche.
Benjamin Bellamy : Si on fait un podcast d’interview, mais ce n’est pas nécessaire. On peut aussi faire un podcast de monologue où on parle tout seul, où on raconte sa vie.
Carine Fillot : Bien sûr, complètement, mais il n’y en a pas beaucoup, ce n’est pas le plus commun des podcasts, mais oui, c’est possible. Après c’est toujours pareil, c’est comme avec n’importe quel outil, encore faut-il savoir le placer, l’utiliser, comment transférer les fichiers de son téléphone, etc. En tout cas, ce n’est pas le kit le plus commun pour un podcasteur. La plupart du temps on va plutôt investir dans un enregistreur numérique, peut-être un micro additionnel avec un enregistreur numérique, mais on est quand même sur des prix, même avec un kit comme ça, avec enregistreur/micro, qui ne vont pas dépasser 450 euros, ça reste quand même raisonnable.
Benjamin Bellamy : 450 euros, c’est déjà très qualitatif.
Frédéric Couchet : C’est quand même un budget !
Benjamin Bellamy : Aujourd’hui, pour 50 euros, tu as un enregistreur ou tu as un micro qui va faire un gap significatif en termes de qualité.
Carine Fillot : Là je parle de quelqu’un qui veut se lancer soit dans un podcast en extérieur, il y a aussi cette question-là, soit dans un podcast d’interviews et qui aurait un projet un peu au long cours. Ce n’est pas la première chose qu’on fait. En formation on dit : « Pour l’instant n’achetez pas de matériel, vous ne savez pas quel va être votre projet, comment vous allez le réaliser, dans quelles conditions, si vous n’allez pas faire vos interviews à distance, auquel cas est-ce que c’est un téléphone, est-ce que votre ordinateur, est-ce que c’est un micro USB ? » Il y a plein de configurations possibles. On peut faire ses premiers essais avec un smartphone, évidemment, et à partir du moment où on veut une meilleure qualité de son, un meilleur confort aussi pour réaliser, on peut se tourner vers un kit un peu de base.
Évidemment, pour chacun il peut y avoir un coût financier, mais ce n’est pas l’essentiel. En tout cas, pour réussir à trouver un peu une audience, l’essentiel c’est ce dont on parle : c’est quoi ce podcast ? Quelle va être la proposition éditoriale ? Quel est le sujet ? Quelle est la promesse ? La technique, c’est l’outil qui va permettre, qui va même sublimer peut-être le podcast, peut-être même que ça fait des rebonds sur le concept même du fait des choix techniques qu’on fera, etc., mais, avant tout, ça reste ce que va être le propos.
Benjamin Bellamy : Mais même, sur la promesse, on a le droit de changer d’avis. Le podcast c’est vraiment le médium de la liberté : je peux faire ce que je veux, je peux changer de format, je peux changer de durée, je peux changer de fréquence, je peux changer de sujet, je peux faire absolument tout ce que je veux, je peux changer de micro bien évidemment.
Carine Fillot : Bien sûr !
Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale sinon on va dépasser le temps. En plus c’est une pause musicale choisie par Benjamin. Elle est même issue de nos archives, c’est un morceau que j’aime beaucoup. Nous allons écouter Last Dance par Zero Project. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Last Dance par Zero Project.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Last Dance par Zero Project, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion, qui s’est poursuivie pendant la pause, sur le thème du podcasting, avec nos invités : Carine Fillot, fondatrice d’Elson, et Benjamin Bellamy, fondateur et dirigeant de la société Ad Aures et de Castopod dont on parlera tout à l’heure, bien sûr.
Juste avant la pause musicale on parlait des personnes qui créent les contenus, qui créent les podcasts et de la barrière technique à l’entrée. Carine rappelait l’importance du projet, de la voix qu’on veut porter.
Carine Fillot : La voix des autres, aussi.
Frédéric Couchet : Ou la voix des voix des autres, effectivement. On va continuer là-dessus. On va aussi parler de la question de la découvrabilité des podcasts, c’est un enjeu qui a sans doute évolué aujourd’hui : trouver un podcast qui nous intéresse ou se faire connaître, et puis la question aussi de la monétisation parce que, jusqu’à présent, on n’a pas parlé de cet aspect-là, mais il y a des gens qui font des podcasts aussi pour les monétiser, pour gagner un peu d’argent, ce qui n’est sans doute pas la majorité des gens, en tout cas c’est mon intuition.
Sur cette première partie, sur le travail des gens qui créent des podcasts, trouver leur voie, trouver la voix des autres, quels conseils donneriez-vous ? Quelles astuces, quel cheminement ces personnes doivent-elles faire quand elles se lancent dans une idée de podcast ?
Carine Fillot : Il y a souvent deux manières de voir la conception du podcast : soit ça part de l’envie personnelle – quelle est votre intention personnelle ? On arrive souvent à croiser ça avec une thématique, des sujets – soit on est dans une approche journalistique, donc de sujet on passe à ce qu’on appelle un angle, donc une manière précise d’aborder le sujet, souvent on croise ça avec un casting, avec des personnes. Dans un podcast très répandu, qu’on va appeler le podcast d’interview, par exemple le podcast d’entretien, la personne qu’on interviewe est souvent notre matière, on le voit même ici, au sein de cette émission. Souvent on croise ça et on se dit « c’est avant tout ça qui compte et puis on verra qui on trouve en chemin en termes d’audience ».
Une autre option est de dire « je pars de la fin de l’entonnoir que est la communauté d’audience que je veux viser », donc je décris, finalement comme on le ferait en bon marketing, des personnes : qui sont ces personnes, comment j’imagine leurs centres d’intérêt, etc. ? Là, en fait, on va piloter plutôt la conception du podcast par la stratégie des publics, qui est souvent liée à un thème ou à un sujet. C’est donc là où on aborde un peu plus la question de la niche, sachant que les deux peuvent se croiser et qu’à un instant t un sujet qui peut être de niche peut devenir, dans le temps, un sujet beaucoup plus mainstream. On le voit bien : les podcasts qui ont émergé sur la question du féminisme, même sur beaucoup de sujets, je pense à la géopolitique ou à la stratégie de défense, des podcasts qui existent parfois, pour certains, depuis longtemps, je pense au Collimateur qui aujourd’hui, avec toute l’actualité de la géopolitique, etc., devient un podcast assez en vue et assez écouté.
Est-ce que je vais me lasser aussi, quelle est la taille du sujet ? Est-ce qu’à un moment donné j’ai fait le tour aussi ?
Frédéric Couchet : Et aussi la récurrence : est-ce que c’est un podcast mensuel, hebdo ?
Carine Fillot : Exactement. Ça c’est la fréquence. Après, il y a la récurrence, ça va aussi avec la fréquence de diffusion. À nos apprenants et apprenantes j’aime bien dire : posez-vous cette question : votre podcast a-t-il une fin et qui perdra l’appétit en premier, vous ou l’auditeur ?
En fait, il y a deux formes de podcasts. Il peut y avoir un podcast de flux, et c’est plus porteur, un peu comme une émission de radio : on a un rendez-vous, régulièrement, donc ne sait pas forcément quand ça va s’arrêter, en plus, quand on se lance, ce n’est pas pour imaginer s’arrêter. Ou alors il peut y avoir un podcast avec un ADN un peu plus patrimonial : là on va décider peut-être d’un certain chapitrage, d’un certain nombre d’épisodes, d’une certaine histoire et il y a des histoires qui se terminent à un moment donné, des sujets, des documentaires, etc. Ce sont d’autres formes de podcasts, peut-être d’autres formats aussi, et ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas enchaîner peut-être une série patrimoniale à une autre, dans un même flux de podcasts, etc.
Je leur dis ça parce que le fait de ne pas voir la fin fait qu’on n’arrive pas, parfois, à voir quel est le premier objectif. Peut-être que le premier objectif, quand on se lance, c’est de faire une maquette.
Ce qui est sûr c’est que le podcast de flux, avec une promesse récurrente, est beaucoup plus porteur pour l’audience que le podcast patrimonial.
Benjamin Bellamy : D’ailleurs, cette question était présente à la création du podcast, dès le début, dans les métadonnées des podcasts. Dans les métadonnées il y a le titre, ce qu’on appelle shownotes c’est-à-dire la description, le résumé, il y a un champ spécifique qui dit si le podcast est épisodique ou sériel, serial en anglais. La raison première de ce champ c’était de dire : est-ce je vais commencer par le dernier podcast parce qu’il y a pas d’intérêt à remonter un peu dans le temps, parce que c’est une revue de presse ou quelque chose qui est vraiment construit dans la durée et sans fin, comme tu viens de le dire. Ou bien est-ce que je raconte une histoire avec un début, un milieu et peut-être une fin et, dans ce cas-là, il faut que je puisse commencer par le début. Il y avait donc cette nécessité d’expliquer, de dire aux applications d’écoute : affichez le tout premier épisode, c’est-à-dire le plus ancien en premier, ou bien affichez le dernier parce que c’est le plus récent qui est le plus pertinent.
Carine Fillot : Aujourd’hui, on est bien embêté avec cette question à moins d’être une marque ou un média très fort qui arrive à faire exister un podcast alors qu’il s’est arrêté. Comprenez qu’une fois que les gens sont abonnés à un podcast, donc qu’ils reçoivent sur leur téléphone une notification sur l’application de leur choix qui leur dit « il y a un nouvel épisode, etc. », ce chemin est déjà long pour arriver dans le podcast, donc si vous faites un flux et qu’il s’arrête au bout d’un moment, si vous n’avez pas la force de frappe pour médiatiser votre podcast, c’est compliqué. Aujourd’hui, même certains gros studios se demandent comment ils peuvent essayer de créer un gros chapeau, c’est-à-dire un titre de podcast très large, sur lequel, finalement, on va adresser quand même des sujets ou des séries qui vont avoir un ADN un peu commun, mais qui peuvent être très différents parce qu’on capitalise sur le même flux RSS, comment rendre ça lisible. C’est pour cela qu’aujourd’hui la question de ce qu’on appelle la titraille, le fait de titrer des épisodes, etc., de rendre lisible, est hyper-importante. Que font les gens la première fois qu’ils tombent face à un podcast ? Ils le regardent avant de l’écouter. Donc la lisibilité du titre, du chapitrage, etc., va être importante pour comprendre ce à quoi on a affaire dans ces différents contenus, dans ces séries, parce que c’est effectivement plus porteur d’avoir quelque chose qui se poursuit.
Du coup, c’est très embêtant quand on est créateur, en ce moment je suis cette problématique-là : c’est très porteur de faire une série documentaire et forcément, à la fin, au bout d’un certain nombre d’épisodes, une série documentaire ça s’arrête.
Il y a peut-être des pistes aussi autour du multi-format. Même si on le dit, et je suis entièrement d’accord, je dis souvent ça : le podcast est un espace de liberté. Vous n’avez pas les contraintes de la radio, donc si vous avez envie de faire plusieurs séries dans un flux, si vous voulez faire du multi-format, si vous voulez faire un billet court et, la semaine suivante, un entretien, à partir du moment où vous ne trahissez pas la promesse générale et aussi qui vous êtes, ça n’a pas d’importance. Il y a cette liberté-là : le multi-format d’épisodes, peut-être même plusieurs podcasteurs dans un même podcast, qui sait, peut-être qu’ensemble on est plus fort, il y a encore des choses à créer. Comme aujourd’hui on est dans, finalement, ce qui est à la fois porteur, on va y venir, il y a un écosystème ouvert grâce à ce flux RSS, mais, en même temps, quand on est podcasteur, qu’on est tout seul dans son flux et qu’il faut produire et qu’on est obligé de produire pour alimenter le flux, c’est aussi compliqué.
Frédéric Couchet : Juste avant de te laisser la parole Benjamin, il y a quand même un truc que j’apprécie dans les podcasts, c’est la durée qui est à peu près toujours la même sur un podcast, comme ça, je vais pouvoir le choisir. Par exemple, quand je vais faire de la course à pied, je vais choisir un podcast dont je sais que la durée va être entre 50 minutes et une heure parce que ça va correspondre à mon entraînement. J’aime bien et j’ai remarqué que la plupart des podcasts respectent ça, respectent la durée.
Carine Fillot : Tu aimes bien être rassuré !
Frédéric Couchet : Voilà, j’aime bien être rassuré ! Ce respect de la durée est un point personnel.
Carine Fillot : C’est vrai. Après, à moins d’être dans un podcast où c’est déjà très resserré en termes de sujet, c’est quand même souvent le titre qui est porteur, c’est le sujet. Quand on arrive, à un instant t, face à une liste d’épisodes et qu’on en a l’embarras du choix, souvent c’est quand même le titre, parfois c’est le nom de la personne qui dans le titre.
Frédéric Couchet : Benjamin, je te laisse réagir et après on parle de la découvrabilité justement.
Benjamin Bellamy : Il faut éviter d’appeler son podcast « mon podcast hebdomadaire » parce que, en général, ça ne garantit pas une bonne découvrabilité.
Je voulais en profiter pour rebondir et revenir faire la découvrabilité. On a parlé de différence entre les podcasts en série et les podcasts épisodiques. Il faut bien comprendre, par rapport à ce qu’on a dit tout à l’heure, que pendant 15 ans les podcasts ont été portés par Apple Podcasts et, du coup, c’est un peu Apple Podcasts qui était le seul moteur de découvrabilité. C’est un peu Apple, c’est même totalement Apple qui a décidé ce qu’était un podcast découvrable, ce qui faisait qu’un podcast pouvait être vu, ce qui faisait qu’un podcast était dans son top 100. Apple a imposé ses conditions à tout le monde et tout le monde les a acceptées sans rechigner : c’était avoir une belle image, bien carrée, je le disais de 1400 pixels et avoir une régularité sans faille.
Aujourd’hui, le discours unanime de tous les gens qui bossent dans le podcast, le premier conseil c’est de dire : il faut que vous soyez régulier, ce en quoi je m’inscris en faux. Je dis non, faites ce que vous voulez, ne trahissez pas votre audience certes, mais à l’origine, ce besoin de régularité c’est quand même Apple qui l’a imposé à tout le monde et qui a dit « si vous n’avez rien publié depuis un mois, vous n’existez plus ». Aujourd’hui on a quand même un truc qui est incroyable : il y a une richesse phénoménale dans le podcast, il y a énormément de podcasts, en particulier ceux de type série qui sont passés dans les oubliettes, qu’on ne voit plus du tout, parce qu’Apple a décidé qu’un podcast qui ne publiait plus depuis plus d’un mois n’avait plus le droit de cité et n’était plus visible. Comme Apple, en plus, n’a jamais été très fort en moteur de recherche, on ne les voit pas, on ne les trouve plus du tout.
Ça a changé depuis à peu près cinq ans parce qu’on a un buzz du podcast et il s’est passé beaucoup de choses. Je pense que le point de départ c’était le podcast anglophone Serial qui a fait 230 millions de téléchargements et qui a un peu rebattu toutes les cartes. Toujours est-il qu’aujourd’hui Apple Podcasts, on regardait ce matin avec Carine, c’est en gros 37 % de parts d’écoute, ça parait énorme, sauf qu’il y a cinq ans c’était 100 % ou quasiment 100 %.
Carine Fillot : Ça a vachement baissé.
Benjamin Bellamy : Donc aujourd’hui, continuer à obéir aux règles d’Apple, ça ne paraît pas être forcément la meilleure stratégie, en tout cas ce n’est pas la seule.
La deuxième plateforme aujourd’hui c’est Spotify, je ne suis pas un grand admirateur de Spotify, mais pour le coup, en termes de découvrabilité, je trouve, de mon point de vue personnel, qu’ils bossent beaucoup mieux qu’Apple puisqu’ils sont capables d’aller chercher des contenus un peu plus anciens et de faire des recommandations un peu plus poussées que de dire dans le top dix de cette semaine vous avez Les Grosses Têtes, Guillaume Meurice, Choses à savoir, After foot, HugoDécrypte et voilà ! En fait, je n’ai rien découvert, c’est la découvrabilité niveau zéro.
Carine Fillot : Je voulais juste préciser sur Apple. Il y a sans doute ce discours autour du fait qu’Apple a des indices qui font que ça fait baisser s’il y a pas de régularité. J’en parlais plutôt du point de vue du podcasteur avec son audience. De toute manière, la plupart du temps c’est quelque chose qu’on auto-produit, qu’on fait soi-même, et est-ce que ça va créer la régularité. Alors attention, quand on parle de régularité, ça ne veut pas dire forcément faire une émission chaque semaine, c’est se dire qu’en étant juste présent sur son flux RSS avec ce contenu, en fait la promesse elle est réitérée et on crée ce lien. C’est plutôt un rapport de lien avec une audience et ça impose aussi, du coup, un certain rythme de production. Je dis souvent « si vous ne vous sentez pas, 15 jours c’est déjà pas mal. Caser une émission, un podcast, en épisodes de 15 jours ce n’est pas évident ! Commencez par un mois, essayez d’arriver à trois semaines et puis, en fonction aussi de vos sujets, si le podcast est facile à produire ou pas, si vous êtes dépendant d’autres personnes pour le fabriquer ou même interviewer », c’est plutôt dans ce rapport-là en fait. Dire qu’au moins, si vous êtes présent juste avec votre épisode, avec une certaine régularité, vous maintenez le lien et vous n’êtes pas obligé de faire tout un tas de communication, de présence sur les réseaux sociaux. Vous êtes déjà là dans votre flux RSS et ça peut suffire. Mais, au moins, ce lien est établi.
De la même manière, je leur dis souvent, pour maintenir ce lien, arrêtez de parler à la fin : il faut mettre des étoiles, des machins, s’abonner. Je leur dis : « Si vous avez un appel à l’action à faire, peut-être que c’est une newsletter, votre page internet, créer un truc à côté : vous êtes en direct avec votre audience ».
Benjamin Bellamy : Si on parle de lien, on ne parle plus vraiment de découvrabilité. Si on a gardé le lien, les gens n’ont plus besoin de nous découvrir, ils nous connaissent déjà.
En termes de découvrabilité, c’est-à-dire aller trouver de nouveaux auditeurs et, en particulier pour un podcast de série qui s’est terminé, j’aime bien la métaphore de James Cridland, un journaliste spécialisé dans le podcast, qui a une newsletter quotidienne qui s’appelle Podnews, que vous retrouvez sur podnews.net, qui dit qu’on a quand même un paradoxe dans le monde du podcast : Apple a créé un écosystème où c’est comme si on avait une bibliothèque dans laquelle on va retrouver tous les livres qui ont été édités et sortis depuis deux mois et tous ceux qui ont plus de deux mois ont été passés au pilon parce qu’ils ne sont plus intéressants. Il y a une richesse incroyable dans le podcast et ce n’est pas parce qu’un podcast ne publie plus et, entre guillemets, « est mort », qu’il n’a pas d’intérêt et qu’il n’a pas de valeur, au contraire.
Pour nous, l’enjeu de la découvrabilité est aussi là : c’est se dire « je suis intéressé par un sujet », il y a des podcasts sur tout parce que la décentralisation du podcast et le fait que ce soit un média très ouvert fait qu’il n’y a pas d’algorithme, il n’y a pas de censure, il y a donc des podcasts qui parlent vraiment de tout et aujourd’hui c’est compliqué d’aller trouver un podcast qui m’intéresse et l’enjeu est là, il est vraiment là : comment vais-je trouver un podcast qui m’intéresse, dans ma langue, sur une durée particulière, sur un sujet qui a été évoqué.
Frédéric Couchet : Très rapidement Carine.
Carine Fillot : Le départ du projet Elson c’est celui-là. C’est le fait de dire que des podcasts tombent dans l’oubli, que des podcasts sortent aussi du Web parce que, au bout d’un moment, payer son flux RSS pour un podcast qui a vécu, etc., mais ça a de la valeur. Ça a de la valeur notamment de découvrir des objets patrimoniaux mais pas que. Il fallait justement trouver cet équilibre.
Quand on a lancé le premier prototype d’Elson qui réunissait 2000 utilisateurs, on avait en parallèle un comité d’écoute. Les gens nous suggéraient des podcasts, on faisait de la curation humaine, on testait cette curation sur notre site avec un player, les gens s’inscrivaient et recevaient une newsletter de recommandations, le son du jour pour ceux qui voulaient découvrir un podcast chaque jour, une playlist pour essayer de faire croiser aussi, finalement essayer d’amener de la transversalité entre ces flux RSS, en ayant aussi cette connaissance de la radio pour dire : qu’est-ce qu’ils ont en commun, qu’est-ce qu’ils ont de différent ? Quand on fait une curation sur une playlist de podcasts ou une playlist d’épisodes de podcasts, est-ce qu’on parle du plus pointu d’abord, du plus général, etc. ? Qu’est-ce que serait cette expérience d’écoute et de découverte des podcasts ? Ça veut dire que ça nécessite, au bout d’un moment, d’arriver à pouvoir qualifier, sourcer, et la curation humaine, à un moment donné, rend compte de cette découvrabilité qu’on peut faire d’une certaine manière. Mais, au bout d’un moment, on a cette barrière qui est une barrière du coup plus technologique, celle aussi de la masse, du corpus de podcasts, même si on est loin des chiffres des États-Unis, il y a quand même beaucoup de podcasts francophones.
Ce sont les problématiques communes qu’on a avec Benjamin. En début d’émission on parlait aussi de transcription. Il y a donc cet enjeu-là : arriver, à un moment donné, à trouver les ressorts qui vont faire que, par la technologie du transcript, de l’analyse sémantique, on va pouvoir savoir de quoi parlent ces contenus et aussi essayer de délivrer une expérience d’écoute pour les auditeurs. Comme le disait Benjamin, l’expérience d’écoute d’Apple est conditionnée au bon vouloir d’Apple et de ses règles, Spotify c’est la même chose, etc.
Il y a encore la place, aujourd’hui, pour une plateforme de découvrabilité des podcasts, qui joue avec d’autres codes, d’autres règles, qui prenne en compte à la fois les contenus et les usages des auditeurs.
Frédéric Couchet : Avant de te laisser réagir parce qu’il reste cinq minutes avant les questions finales, donc on ne va pas parler de monétisation. Par contre, on est quand même une émission qui parle de libertés informatiques, on vient de nous parler d’Apple, de Spotify, et je le comprends entièrement, mais Benjamin je veux qu’on enchaîne, et ça va être relativement court, malheureusement, sur écosystème fermé versus écosystème ouvert et surtout quelle est la place des solutions libres et des plateformes libres dans le podcasting ? Ça va être très court j’en suis désolé. On refera peut-être plus en détail dans une seconde émission. Vas-y.
Benjamin Bellamy : Carine parlait à l’instant de patrimoine et de « je suis podcasteur, j’ai fini un podcast, comment est-ce que je fais pour le garder en ligne si je n’ai pas envie de continuer à payer dix euros par mois ? ». C’est une des raisons pour lesquelles on a développé Castopod, castopod.org, qui est une plateforme d’hébergement de podcasts. Nous n’avons pas été très originaux dans le sens où on a pris un modèle qui nous semblait fonctionner plutôt pas mal qui était celui de Wordpress — Wordpress permet de publier des sites internet de contenus — mais spécifique au podcast.
Castopod permet à n’importe qui de télécharger la solution et d’auto-héberger son podcast, pour le coup à un coût vraiment réduit, voire gratuit si on a déjà son serveur.
On l’a dit, je ne sais pas si c’était très clair, la technologie du podcast date des années 90, elle n’a pas évolué depuis, ou très peu, et, dans les années 90, le Web était totalement décentralisé, il n’y avait pas de plateformes fermées comme il y a aujourd’hui : on est sur Facebook, eh bien on est dans Facebook, on n’est pas sur Internet, on est sur une plateforme fermée. Quand on est sur YouTube on est enfermé sur YouTube, c’est-à-dire que Google est le seul qui décide quel est le contenu qui a le droit d’être là et quel est le contenu qui va être visible, qui va être recommandé. Sur le podcast, on n’a pas ça du tout parce qu’on peut choisir son hébergeur. Carine en a cité quelques-uns. Il y en a d’autres. Je citerai podCloud et Vodio parce qu’ils sont très sympas, ils sont aussi très bons, et ce sont des sociétés françaises, tout à fait.
On peut choisir sa plateforme d’hébergement, donc, potentiellement, si on se fait supprimer son podcast d’une plateforme d’hébergement, on peut très bien aller chez une autre sans perdre son audience. Ses auditeurs peuvent aller sur une plateforme d’écoute, on a cité Apple et Spotify parce que, aujourd’hui, ce sont ceux qui ont de l’argent, mais il y en a plein d’autres.
Carine Fillot : Podcast Addict fait par un Français.
Benjamin Bellamy : Il y a Pocket Casts
Carine Fillot : Podcast Republic, il y en a toute une flopée.
Frédéric Couchet : AntennaPod.
Benjamin Bellamy : Il y en a plein. Il y en a des open source, il y en a pour téléphone, il y en a vraiment plein. Du coup, le fait que ce soit décentralisé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas une plateforme unique où on peut écouter des podcasts et que, en tant que créateur de contenus, en tant qu’auditeur/auditrice, on peut changer, fait qu’on a une liberté de ton, une liberté de parole qui est finalement devenue assez rare aujourd’hui sur Internet. Le simple fait de ne pas avoir d’algo de recommandation dans le podcast, en tout cas d’algo unique, pour moi c’est une richesse incroyable.
Carine Fillot : C’est pour cela qu’on fait souvent le parallèle avec les blogs. On va dire que ce serait les blogs faits par des créateurs, sans qu’on passe dessus un algorithme ou un moteur de recherche à la Google. Ils sont là, ils existent, ils ont leur hébergeur, ils ont leur prise de parole, et si on les cherche on peut les trouver.
Aujourd’hui, cet enjeu autour de la découvrabilité c’est une problématique qui est attaquée par plein d’acteurs, évidemment des plus gros aux plus petits, aux services publics, un peu moins aujourd’hui les radios parce que, étant souvent les radios des marques fortes, elles ont moins cet enjeu-là, elles ont plus souvent un enjeu de marque et de positionnement stratégique sur les audiences, mais c’est aujourd’hui clé. Quiconque se lance, ne serait-ce que dans l’écoute d’un podcast, essaye de trouver un sujet, il y a encore beaucoup de freins et il faut souvent investir beaucoup de temps pour trouver le podcast qu’on cherche. Par contre, une fois qu’on l’a trouvé, on peut y être complètement accro.
Frédéric Couchet : Merci. On refera une émission parce qu’il y a des sujets qu’on n’a pas abordés et on a abordé trop rapidement la dernière partie, mais vous étiez passionnant et passionnante.
Dernière question, vraiment en deux minutes max chacun et chacune, si vous le souhaitez : quels sont les éléments clés vous aimeriez faire passer aux personnes qui écoutent en deux minutes max. On va commencer par Benjamin.
Benjamin Bellamy : Déjà nous sommes très contents d’être ici et ce n’est pas un hasard si on est dans l’émission Libre à vous ! parce que, encore une fois, l’écosystème du podcast est libre et, pour nous, c’est important et il faut le défendre. J’invite en particulier toutes les podcasteuses et tous les podcasteurs à cesser de dire « mettez-nous des étoiles sur Apple Podcasts », Carine il l’a dit, pourquoi ? Parce que, déjà, c’est mettre tous ses œufs dans le même panier et puis c’est confier son audience, ses contenus, à un GAFAM et, stratégiquement, on voit où ça a mené sur d’autres types de contenus. En tout cas, ce n’est pas le conseil que je donnerais.
C’est compliqué et c’est pour cela qu’on y travaille d’arrache-pied.
On n’a pas du tout parlé de Podcast 2.0 qui, pour moi, est l’enjeu majeur des mois et des années qui viennent qui est : c’est très gentil de dire qu’il faut utiliser des logiciels libres, open source, ne pas faire confiance systématiquement aux GAFAM, mais on fait quoi ? Podcast 2.0 est une des réponses possibles à ça. Si vous allez sur NewPodcastApps.com, vous aurez accès à des applications, pas toutes open source, mais, en tout cas, qui sont décentralisées.
Carine Fillot : Je dirais : n’opposez pas radio et podcast, c’est hyper-complémentaire. Je pense que la radio a des talents, le podcast a des talents et, en fait, les deux ont vraiment des raisons de se rapprocher. Peut-être que je dis ça parce que je viens de la radio associative, j’ai commencé par là, mais aussi parce que je vois qu’il y a quand même une grande différence : la radio FM est régulée avec un Arcom [Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] anciennement CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel], etc. De l’autre côté le Web c’est effectivement un écosystème qui est complètement ouvert, mais les deux ont des intérêts.
Aujourd’hui, pour se professionnaliser, c’est intéressant de penser à ça. Quand on est à la radio on peut potentiellement avoir un statut d’auteur, on peut aussi se professionnaliser avec d’autres personnes et ne pas être tout seul dans son coin. En même temps, le podcast amène une nouvelle fraîcheur, de nouveaux ADN sur les contenus sonores. C’est donc intéressant et c’est intéressant que les gens se croisent, c’est pour cela que je suis aussi ravie d’être ici.
Frédéric Couchet : Parfait. Je pense qu’on fera une nouvelle émission, ne serait-ce que pour parler de Podcasting 2.0.
J’indique aux personnes qui sont intéressées au podcast et qui sont en région parisienne, qu’elles peuvent aller au Paris Podcast Festival les 13 et 14 octobre 2023 à la Gaîté Lyrique. Bientôt il y aura aussi PodCastres à Castres, dans le Tarn, où Benjamin Bellamy sera. Est-ce que tu as des dates en tête Benjamin ?
Benjamin Bellamy : 28 et 29 octobre.
Frédéric Couchet : 28 et 29 octobre 2023. Vous pourrez rencontrer Benjamin et bien sûr ils reviendront.
C’était Carine Fillot, figure fondatrice d’Elson, et Benjamin Bellamy fondateur et dirigeant de la société Ad Aures et de Castopod.
Je vous souhaite une belle fin de journée et à bientôt
Carine Fillot : Merci.
Benjamin Bellamy : Merci. Vous aussi.
Frédéric Couchet : Je suis désolé, Julie, on ne va pas faire de pause musicale, on va passer directement au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Interview de Cécilia Bossard, membre de Duchess France, consultante chez Shodo Nantes
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec l’interview d’un membre de Duchess France, une association destinée à valoriser et promouvoir les développeuses et les femmes avec des profils techniques, leur donner plus de visibilité, mais aussi affaire connaître ces métiers techniques et créer de nouvelles vocations.
Normalement nous sommes par téléphone avec Cécilia Bossard qui est membre de Duchess France et qui est consultante chez Shodo Nantes. Cécilia es-tu avec nous ?
Cécilia Bossard : Oui. Bonjour.
Frédéric Couchet : Bonjour Cécilia. Nickel.
Première question toute simple mais assez large : c’est quoi Duchess France ? Quels sont les objectifs, les missions de cette association ?
Cécilia Bossard : Duchess est une association dont, comme tu le disais tout à l’heure, le but est de promouvoir et de valoriser les développeuses et les femmes avec des profils tech, mais c’est surtout, avant tout, une communauté des femmes dans la tech.
On a plusieurs objectifs.
Le premier va être de faire en sorte de mettre en avant des rôles modèles et des femmes qui peuvent intervenir dans des conférences.
On va aussi essayer d’améliorer le nombre d’intervenantes dans ces conférences techniques qui sont souvent très masculines. Pour cela, on va proposer de l’aide pour répondre aux appels à orateurs que peuvent faire ces différentes conférences et aussi, peut-être, pour répéter une fois que la proposition a été acceptée.
On propose aussi du marrainage à destination des femmes qui vont débuter dans le domaine. Il y en a beaucoup qui arrivent et qui sont issues de la reconversion, on va leur proposer du marrainage pour les accompagner dans ces premiers pas.
Et puis on organise aussi des événements techniques avec, éventuellement, des femmes qui vont parler.
Frédéric Couchet : D’accord. Le nom Duchess France – je précise que c’est Duchess sans « e » – vient d’où ?
Cécilia Bossard : À l’origine c’est un groupement de développeurs et développeuses qui programment en langage Java. Le nom de l’association tient son origine de la mascotte de Java qui s’appelle Duke, duke en anglais ça veut dire duc, donc la version féminisée duchess en anglais.
À noter aujourd’hui que le groupe s’est diversifié et on s’adresse à tous les profils, quelle que soit la technologie, on n’est pas que Java.
Frédéric Couchet : D’accord. Savez-vous combien vous êtes à peu près aujourd’hui ?
Cécilia Bossard : C’est un peu compliqué, je dirais. Comme nous sommes une communauté, on ne se dénombre pas très souvent. Actuellement il y a à peu près 3000 personnes inscrites sur notre groupe Meetup pour participer aux évènements.
On a également un Slack sur lequel nous sommes environ 600 femmes. Slack est l’outil de messagerie qu’on utilise.
Et nous sommes dix dans l’équipe d’organisation de l’association.
Frédéric Couchet : Dans le groupe principal.
Slack est un outil de discussion en direct et de gestion de projets, si je me souviens bien. Tu viens de dire, si j’ai bien compris, que c’est réservé aux femmes, c’est donc vraiment un groupe en non-mixité choisie. C’est ça ?
Cécilia Bossard : C’est ça ! On a eu le souhait de rester entre femmes pour améliorer les échanges et faire en sorte que la parole soit plus libre. On a constaté que quand on est en mixité la parole est moins libre et les échanges moins fluides.
Frédéric Couchet : Donc les événements que vous organisez c’est pareil c’est en non-mixité choisie ou ça peut varier ?
Cécilia Bossard : Les événements sont en général mixtes. Les meetups qu’on peut organiser, les présentations techniques, c’est mixte, mais on fait en sorte de n’avoir que des femmes sur la scène. Dans le public, c’est ouvert à tous, sauf exception : de temps en temps on fait des choses en non-mixité, mais assez peu.
Frédéric Couchet : D’accord. Quand on dit « femme technique », est-ce que ce sont uniquement des développeuses ou est-ce que ce sont des profils techniques différents ? D’ailleurs, est-ce que c’est forcément technique ?
Cécilia Bossard : Nous souhaitons vraiment n’avoir que des profils techniques : développeuses, mais ça peut être aussi admins-réseau, gestionnaires de base de données, UX-designers, le panel est assez large mais en restant technique quand même, pas de RH, pas de commerciales.
Frédéric Couchet : OK. Je comprends.
Est-ce que t’as une idée du profil, notamment est-ce que ce sont plutôt des développeuses de 40/50 ans ? Est-ce que des jeunes arrivent ? Parce que l’un des enjeux c’est justement de donner envie, de créer de nouvelles vocations. Est-ce que vous voyez arriver des jeunes femmes développeuses ?
Cécilia Bossard : Oui, on a dans notre communauté, des étudiantes ou des femmes en début de carrière qui arrivent. Mais on a aussi de plus en plus de femmes issues de reconversion, qui sont un peu plus âgées, mais quand même débutantes dans le domaine !
Frédéric Couchet : OK. Une femme qui serait intéressée, par exemple qui nous écoute, une développeuse ou une femme technique, comment peut-elle participer, comment peut-elle vous rejoindre ? Quel est le processus pour vous rejoindre ?
Cécilia Bossard : C’est déjà d’intégrer le Slack en non-mixité. Il suffit d’envoyer un message, tout est expliqué sur notre site dans la page « Contact ».
On peut envoyer un message pour rejoindre ce Slack en non-mixité parce que, du coup, on « filtre », entre guillemets, les entrées pour s’assurer que la communauté reste saine.
Vous pouvez aussi nous suivre sur les différents réseaux ou assister, participer à nos différents évènements.
Frédéric Couchet : On n’a pas dit que le site de Duchess France est duchess-france.fr. On mettra les références sur le site de l’émission.
Si on veut aussi vous rencontrer, dans l’actualité des Duchess, je crois qu’il y a les 13 ans des Duchess à Paris, le 17 octobre, c’est-à-dire dans quelques jours, la semaine prochaine, mardi prochain.
Cécilia Bossard : C’est ça, la semaine prochaine.
Frédéric Couchet : Est-ce qu’il reste encore de la place si des gens veulent venir ?
Cécilia Bossard : Il reste des places. C’est possible de venir. Ce seront des présentations orientées autour de l’IA.
Frédéric Couchet : De l’intelligence artificielle. OK. Le principe c’est deux/trois présentations puis un échange autour de choses à manger et à boire. C’est ça ?
Cécilia Bossard : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Duchess France est une association destinée à valoriser et promouvoir les développeuses et les femmes ayant un profil technique, mais dedans il n’y a pas la notion de logiciel libre ou de libertés informatiques, ce qui, en soi, n’est pas gênant, bien entendu. Quelle est la place du logiciel libre, des services libres chez Duchess France, à la fois en interne et dans vos outils de communication ?
Cécilia Bossard : En effet, le Libre n’est pas trop le cœur de notre activité, mais nous sommes plusieurs à y être sensibilisées quand même. On essaie, autant que faire se peut, d’utiliser des outils libres ou, au moins open source, même si ce n’est pas toujours facile d’approche. On utilise Slack, on utilise Meetup.
On espère pouvoir faire évoluer les choses, mais faire à bouger 3000 personnes sur Meetup pour les mettre sur Mobilizon ce n’est pas toujours facile. On essaye de s’améliorer sur ce point-là, mais on a d’autres feux, un peu partout, à gérer avant.
Frédéric Couchet : En tout cas, du point de vue de personnes qui recherchent des intervenantes pour des émissions de radio par exemple, Duchess France est une ressource vraiment de première qualité, on peut le dire dans l’émission Libre à vous ! parce que vous êtes plusieurs à être intervenues dans Libre à vous ! : Katia Aresti, Zineb Bendhiba, Agnès Crepet est venue plusieurs fois, toi-même tu es venue parler des logiciels de gestion de versions décentralisés il y a quelques mois. C’est vraiment une ressource pour les personnes qui cherchent des intervenantes, je pense notamment aux organismes ou structures qui organisent des conférences et qui disent souvent « on n’a pas d’intervenantes », eh bien il y a des structures comme Duchess. Il y a une page [« Oratrices »], je ne sais plus à quel endroit exactement, avec la présentation des personnes qui peuvent intervenir sur différents sujets et dedans il y en a qui sont intervenues effectivement sur des sujets logiciel libre et après il y a d’autres sujets.
C’est quand même très important et c’est aussi pour cela qu’on voulait faire une interview avec vous, parce qu’on considère que c’est quelque chose d’essentiel. De toute façon la promotion et la valorisation des femmes a forcément un lien avec les libertés informatiques mais, en plus, vous êtes une ressource importante en termes de conférences.
Est-ce que vous êtes souvent sollicitées pour des conférences, justement, ou pour des interventions en radio ou podcast ?, vu qu’on parlait de podcast à l’instant. Est-ce que vous êtes souvent sollicitées ?
Cécilia Bossard : Pas tant que ça, non. En tout cas par radio ou podcast pas souvent. Après, pour les conférences, en général on relaye en interne les appels à orateurs.
Frédéric Couchet : Carine Fillot, qui intervenait juste avant, me met un petit mot, mais je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle veut dire.
Carine Fillot : Music & Convention, le MaMa Events qui a lieu bientôt, il me semble, qui est une convention du secteur de la musique notamment. Je me posais la question.
Frédéric Couchet : Je ne sais pas. Est-ce que tu connais le MaMa Events, Cécilia ?
Cécilia Bossard : Malheureusement, non.
Carine Fillot : Je vais regarder et relayer si jamais.
Frédéric Couchet : J’ai vu, dans votre actualité, quelque chose d’intéressant. Vous avez aussi un blog, votre site sert aussi de blog avec des articles qui sont franchement très intéressants, je les lis régulièrement parce qu’ils sont très souvent bien détaillés et ils sont actionnables : il y a souvent des choses qu’on peut faire. J’ai vu l’annonce : vous encouragez les entreprises, les structures, à vous passer des offres de stage d’alternance et de premier emploi pour pouvoir les diffuser dans votre réseau. Est-ce que tu peux juste en dire un petit mot ?
Cécilia Bossard : On constate que pas mal de femmes en alternance, en reconversion ou autre, qui sont en recherche de stage ou d’alternance et qui ont vraiment beaucoup de mal à trouver ce premier emploi. On souhaiterait plus de propositions. On voit passer beaucoup d’annonces pour des profils seniors et pas beaucoup pour des profils juniors. Donc, pour essayer d’aider toutes ces femmes qui ont du mal à trouver ce premier emploi, on a mis en place ce formulaire. Si jamais des entreprises sont à la recherche d’alternants, de stagiaires ou de premier emploi pour des juniors, il ne faut surtout pas hésiter à nous envoyer ces annonces et, avec grand plaisir, nous les relaierons au sein de la communauté.
Frédéric Couchet : L’appel est passé. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose d’autre ?
Cécilia Bossard : Je pense qu’on a fait à peu près le tour de nos activités.
Frédéric Couchet : D’accord. J’encourage toutes les personnes à aller sur le site de Duchess France, duchess-france.fr, sur lequel vous trouverez les profils d’intervenantes potentielles, un blog où vous avez beaucoup d’articles qui sont très intéressants autour de la thématique de la valorisation des femmes avec des profils techniques et vous avez les moyens de contact soit pour passer des offres de stage en alternance ou de premier emploi ou pour contacter des personnes ou leur poser une question. Sachant évidemment, que vous êtes sans doute très sollicitées, donc vous ne pouvez pas répondre à toutes les questions.
En tout cas, Cécilia, c’était un plaisir de t’avoir pour la deuxième fois dans l’émission. Je vais quand même préciser aux personnes qui veulent t’écouter un peu plus longuement peuvent écouter l’émission numéro 160 de Libre à vous ! sur les logiciels de gestion de versions décentralisés et les forges logicielles, c’est sur libreavous.org/160. Tu intervenais, de mémoire, avec Nicolas Chauvat. Je crois, si je me souviens bien, que c’était il y a peu près un an, en novembre ou décembre 2022 [29 novembre 2022]. Est-ce que tu confirmes ?
Cécilia Bossard : C’est possible !
Frédéric Couchet : En tout cas, si vous voulez, vous écoutez.
Je remercie encore une fois les autres Duchess qui sont déjà intervenues dans l’émission et qui interviendront bientôt parce qu’on a déjà de nouveaux sujets prévus, notamment avec Florence Chabanois, la date n’est pas encore fixée mais ça arrivera sans doute bientôt.
Merci Cécilia. Je te souhaite une belle fin de journée et à bientôt.
Cécilia Bossard : Merci. Bonne journée également.
Frédéric Couchet : Au revoir.
Cécilia Bossard : Au revoir.
Frédéric Couchet : On va passer aux annonces de fin.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Frédéric Couchet : Le 21 octobre, à Lyon, il y a le Campus du Libre. C’est un évènement inter-établissements de l’Enseignement supérieur et la Recherche autour du logiciel libre. N’hésitez pas à y aller, je crois que le programme est en ligne.
Nous sommes mardi 10 octobre 2023, aujourd’hui c’est le Ada Lovelace Day, une initiative lancée en 2009 qui vise à présenter les réussites de femmes actives dans le domaine technologique ou scientifique afin d’augmenter la visibilité des modèles positifs féminins. À l’occasion de cette journée, l’April a choisi de vous faire découvrir ou redécouvrir les trois premiers « Parcours libristes » diffusés dans l’émission Libre vous !, occasion de mettre en lumière des parcours auxquels il est possible de s’identifier et de se dire « si c’est possible pour cette personne, c’est aussi accessible pour moi », parce que l’un des problèmes potentiels des rôles modèles c’est que difficile de s’identifier, par exemple, avec une femme qui a deux prix Nobel comme Marie Curie. Là ce sont des profils auxquels on peut d’identifier. On les a mis en ligne sur le site de l’April, april.org, et vous trouverez les références aussi sur le site libreavous.org. Les trois femmes en question : Agnès Crepet de Fairphone et membre de Duchess France ; Françoise Conil, ingénieure au CNRS à Lyon, et Magali Garnero qui est libraire mais également présidente de l’April. Vous pouvez retrouver ces trois parcours libristes.
Et je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver tous les évènements en lien avec les logiciels libres ou la culture libre près de chez vous.
L’émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Isabelle Carrère, Carine Fillot, Benjamin Bellamy, Cécilia Bossard.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, et c’est une belle première aujourd’hui, bravo, Julie Chaumard.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Sur le site web de l’émission, libreavous.org, vous retrouverez toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez à nous faire des retours pour nous indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez aussi nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou nous poser une question. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, ne mettez pas des étoiles partout, parlez-en autour de vous et vous pouvez vous inscrire à la lettre d’actus de l’émission sur le site libreavous.org.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 17 octobre 2023 à 15 heures 30 avec un nouveau format de sujet principal qu’on a intitulé « Graine de libriste ». Une étudiante et un ancien étudiant viendront nous parler de leur parcours dans un cursus logiciel libre.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 17 octobre 2023 et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.