Vincent Bergeot : Bonjour. Bonjour à tous. C’est parti pour environ une heure dans le cadre des rencontres numériques Pays basques autour de la question d’un numérique responsable et éthique, la question d’utiliser OpenStreetMap dans et pour l’Économie Sociale et Solidaire.
On va avoir trois intervenants en particulier qui se présenteront mieux par la suite, mais rapidement, Aurore Médieu, de la structure ESS France [1], Jean-Christophe Becquet de l’April [2] et d’Apitux [3], Christophe Biez de Latitude Cartagène [4] et puis un quatrième qui fait aussi office d’animateur de ce webinaire, Vincent Bergeot, avec plusieurs casquettes, je les précise à chaque fois, Teritorio [5], une casquette professionnelle sur tout ce qui est OpenStreetMap, OpenStreetMap France dont je suis également membre et l’UMR Passages [6], qui est une unité mixte, de recherche en tant que chercheur associé.
De quoi va-t-on parler cet après-midi ? Justement d’OpenStreetMap [7] et de l’Économie Sociale et Solidaire. Je fais une brève introduction à la question en mettant quelques définitions, je ne vais pas les pousser très loin, mais juste déjà rappeler qu’OpenStreetMap, souvent qualifié de Wikipédia de la carte, c’est avant tout une base de données cartographiques, une base de données cartographiques qui est internationale, qui est ouverte, avec une licence définissant l’usage que l’on peut faire et une base de données qui est collaborative. On peut, voire on doit, contribuer à OpenStreetMap quand on le souhaite, si on le veut, en fonction de ses compétences, de ses envies, de ses centres d’intérêt.
Aujourd’hui c’est plus de six millions de comptes qui ont été ouverts, mais, en réalité, c’est 1,5 million de contributeurs. C’est plus de huit milliards de données, ça représente tous les jours deux millions de données qui sont modifiées, en continu, tout le temps, tous les jours, 24 heures sur 24, partout dans le monde.
C’est très rapide, on pourra y revenir après, bien sûr, s’il y a des questions.
L’autre mot, qui était le mot important pour la présentation, c’est la question de l’Économie Sociale et Solidaire [8], petit mot ESS. De quoi parle-t-on quand on parle d’ESS ? On parle de structures qui sont des structures qui sont définies comme appartenant à l’ESS à partir du moment où elles ont de ces statuts : association, coopérative, mutuelle, fondation et des sociétés commerciales de l’ESS. Qu’est-ce que c’est ? C’est un emploi sur huit du secteur privé aujourd’hui en France. C’est un secteur qui a aussi été renforcé par la loi dite loi Hamon de 2014 [9], loi dite ESS de 2014, avec deux extraits que je pose là qui est « un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine ». Ce n’est pas réservé au social, ce n’est pas réservé que à la solidarité, c’est une Économie Sociale et Solidaire. Avec un deuxième point qui est posé dans la loi qui parle d’« un but poursuivi qui est autre que le seul partage des bénéfices », donc qui pose aussi un certain nombre de cadres par rapport à la question du modèle économique de la structure.
Si je parle un peu d’OpenStreetMap et j’ai volontairement sorti le Wikipédia de la cartographie parce que, dans Wikipédia, la question des activités économiques n’est pas forcément toujours très bien vue, là où, dans OpenStreetMap, la question des activités économiques est assez courante, voire très courante, puisque dès le départ, en 2004, c’est aussi un entrepreneur qui lance OpenStreetMap, qui a deux casquettes. Il a une casquette qui est l’intérêt à partager de la donnée cartographique, mais il a aussi une activité d’entrepreneur et, de fait, il y a des activités économiques autour d’OpenStreetMap depuis le début et ça continue, c’est encore le cas aujourd’hui.
J’ai mis volontairement trois exemples dans un premier temps, plutôt franco-français, avec, en particulier depuis quelques mois, un enjeu très important pour l’IGN [Institut national de l’information géographique et forestière], Christophe nous en parlera peut-être aussi tout à l’heure avec toutes les questions que ça pose, énormément de questionnements de la part de l’IGN sur la question des géo-communs avec, du coup, un regard particulier sur ce qui se passe autour d’OpenStreetMap.
La SNCF utilise depuis de nombreuses années OpenStreetMap, contribue, participe à OpenStreetMap, est présente aussi au niveau des différentes rencontres annuelles qu’on peut avoir.
Enfin je montrais un exemple, vous aurez des liens si vous les voulez en téléchargeant la présentation, une liste sur le wiki, une liste ouverte de services commerciaux basés sur OpenStreetMap, qui est transparente et qui est mise en place sur le wiki.
Quand on parle des activités économiques, ce ne sont pas juste celles que je viens de vous citer. En fait on parle aussi d’Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Mapbox, Esri [Environmental systems research institute] et j’en passe quelques centaines, qui sont toutes des structures – là on a quasiment ce que l’on appelle habituellement les GAFAM – on a quasiment l’ensemble de ces entreprises qui sont toutes des utilisatrices et/ou des contributrices à OpenStreetMap.
Utilisatrices d’OpenStreetMap, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce sont les fonds de cartes et les fonds de plans d’Apple ; ça veut dire que le fond de carte de géolocalisation sur l’application Facebook est un fond de carte qui utilise aussi les données OpenStreetMap ; Pokémon Go utilise de la donnée OpenStreetMap ; le Flight Simulator qui est sorti récemment, avec quelques anecdotes qui ont fait sourire la communauté, vous chercherez pour les trouver, utilise aussi de la donnée OpenStreetMap. C’est aussi du routage pour se déplacer d’un point A à un point B dans des pays, par exemple, où il y a peu de données cartographiques ; c’est aussi de la 3D et ainsi de suite. Tout ça ce sont des utilisations d’OpenStreetMap diverses et variées.
Stéphane : Vincent tu m’avais dit qu’à ce stade-là, une petite intervention pour faire le lien avec ce qu’on a vu ce matin. Là on parle de grandes réutilisations par des sociétés et d’adressage de grands besoins. Ce matin on a présenté les témoignages de ce que font de plus en plus des collectivités territoriales et des offices de tourisme. Derrière les offices de tourisme il y a une activité économique de promotion du territoire ou d’information des visiteurs qui se fait de plus en plus autour de la donnée OpenStreetMap, donc les activités économiques sont vraiment multiples.
Vincent Bergeot : Merci Stéphane. J’avais volontairement sorti la question des collectivités publiques pour ça.
Et enfin, ce sont aussi des entreprises qui sont contributrices à OpenStreetMap. Quand je parle de contributrices, Apple, aujourd’hui, c’est plus de 700 contributeurs à OpenStreetMap. L’équipe Facebook ce sont des dizaines de personnes qui travaillent à la fois sur des développements de logiciels, sur des logiciels de détection de vandalisme dans OpenStreetMap et ainsi de suite. Elles contribuent toutes à cette base qui est une base dont la licence garantit aussi la réutilisation, le partage et le nécessaire commun numérique que c’est.
Les précédentes n’étaient pas tout à fait de l’Économie Sociale et Solidaire, soyons clairs. Donc c’est aujourd’hui l’occasion de discuter, de présenter, de partager des exemples de projets qui se font dans ce champ de l’Économie Sociale et Solidaire avec plusieurs mots clés qui vont sans doute revenir ou que j’ai eu envie de montrer aussi, le fait que ça va permettre de collaborer, de travailler à plusieurs, le fait que ça va permettre de partager, de mettre en partage des données.
On a souvent aussi, selon les échelles, le fait d’avoir des données homogènes qui vont permettre de réfléchir à l’échelle d’un territoire national voire international.
Je l’ai quand même mis : réduire aussi sa dépendance aux GAFAM, à tous ces services qui ont effectivement des particularités d’usage de nos données personnelles en particulier qui sont vraiment questionnantes.
Et, non anodin, le fait que ces données sont effectivement gratuites. Récupérer les données est gratuit. Après il y a, comme je le disais, un ensemble d’usages qui en est fait.
Je vais m’arrêter là pour cette première partie et je vais demander à Aurore de prendre la main, de sortir son micro coupé, je pourrai te partager, quand tu le souhaites, l’écran. Tu vas devenir présentatrice. Je sors la présentation. Aurore à toi, je te laisse te présenter. On a dit cinq/dix minutes par intervenant. À toi.
Aurore Médieu : Merci beaucoup Vincent pour l’invitation aujourd’hui.
Je suis responsable de la transition écologique et de l’économie circulaire chez ESS France, la Chambre française de l’Économie Sociale et Solidaire, donc aujourd’hui OSS et ESS, ça a du sens qu’on puisse être présents.
Peut-être vous faire voir cette infographie, je vais essayer de la grossir, pour vous rendre compte qu’en France l’ESS représente plus de 164 000 entreprises qui elles-mêmes comptent plus de 222 000 établissements et ça représente un petit plus de 10 % de l’emploi en France.
Il y a une autre infographie que je voulais vous faire voir sur l’ESS, au-delà de ce qu’a rappelé Vincent, et je n’y reviens pas, sur comment c’est défini par la loi et les statuts, c’est que l’ESS est présente dans tous les secteurs d’activité qui vous entourent, en l’occurrence tous les secteurs d’activité économique. Donc on n’est pas sur des projets qui sont, on va dire, à la marge de la société, sur des choses qui n’impacteraient pas l’économie et votre quotidien.
Je vais juste couper deux secondes le partage pour pouvoir vous voir en vidéo parce que c’est plus sympa avant de vous faire voir CARTECO parce que je n’ai qu’un seul écran aujourd’hui.
Pourquoi on intervient aujourd’hui sur le lien entre ESS et OpenStreetMap, c’est parce que, depuis trois ans, on travaille au projet qui s’appelle maintenant CARTECO [10].
D’où ça vient à l’origine ? Un certain nombre de collectivités ou de structures de type directions régionales de l’ADEME, régions, DREAL [Directions régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement] donc des institutions publiques principalement mais pas que, aussi, de plus en plus, des entreprises, je pense à Enedis par exemple ou à d’autres qui veulent faire des achats responsables, sollicitent les chambres régionales de l’ESS que l’on anime au niveau national, puisque la loi ESS fixe aussi que chaque région doit compter une chambre régionale de l’ESS. Elles leur demandent notamment de réaliser des actions de sourcing de structures de l’ESS qui œuvrent sur la transition écologique et, en particulier, historiquement plutôt sur l’économie circulaire. Un exemple très concret : une collectivité qui veut déployer une politique de réemploi sur son territoire a envie d’identifier une structure de type recyclerie avec laquelle elle pourrait travailler et, en l’occurrence, un certain nombre d’acteurs de l’économie circulaire et de la transition écologique sont issus de l’ESS.
Il y a trois ans, quand on s’est posé cette question, on s’est dit on va partir des données de l’observatoire, puisque ESS France porte l’observatoire national de l’ESS, c’est une des missions régaliennes qui lui est confiée. Donc on a regardé dans les listes et ce dont on s’est aperçu c’est que le seul niveau de qualification de ces données c’était le code NAF [Nomenclature d’activités française], donc autant vous dire pas grand-chose pour pouvoir identifier les activités de manière fine. En plus, la plupart des activités sur la transition écologique étaient enregistrées sans « Autres », donc ça n’aidait pas trop pour aller les identifier.
Résultat, on s’est dit il va falloir qu’on se mette à travailler à la qualification de ces données, mais, d’un autre côté, on faisait le constat qu’il y a quand même un certain nombre de cartes et d’outils, d’annuaires de cartographie qui voient le jour un petit partout et que ces éléments-là, en fait, sont souvent financés par de l’argent public, sans forcément se parler, se mettre en commun – on ne peut pas empêcher des gens et des institutions de faire des cartes puisque chacun a envie de faire ses cartes sur son périmètre et, d’une institution à l’autre, on varie un petit peu de périmètre, donc on a bien conscience de ça. Seulement on s’est dit nous, si on veut porter un projet d’envergure comme celui-ci, il faut qu’on réfléchisse en amont le modèle économique de notre outil, notamment sur la question animation et actualisation des données. C’est une chose, par exemple, de faire une mission de stage de six mois pour faire une liste de 500 structures en Nouvelle-Aquitaine, puisqu’on est sur la Nouvelle-Aquitaine, avec Teritorio. C’en est une autre, ensuite, de la faire vivre et de pouvoir garantir que les données vont être mises à jour et actualisées régulièrement. J’ai envie de vous dire, après deux ans de travail, que le jour où on publie la carte, si on ne pense pas à son actualisation, la carte est déjà avec des données obsolètes. On a pu l’observer par ailleurs dans le cadre de notre projet.
Donc dès le début on s’est posé la question de comment on fait pour pouvoir permettre une actualisation forte des données sur le modèle, pardon Vincent, de Google Maps, puisque finalement on voit bien quand même sa capacité à avoir des données qui sont mises à jour régulièrement par les entreprises elles-mêmes ou les citoyens. Pour nous la réponse a été OpenStreetMap. Je m’explique.
La carte aujourd’hui, je vais peut-être la partager parce que ça sera plus clair pour vous, est stockée sur l’outil qu’on appelle GoGoCarto [11] qui est un logiciel en accès libre. C’est important aussi pour nous, côté ESS, d’avoir cet engagement sur le lien au logiciel libre.
Vincent Bergeot : Il n’y a que moi qui ne vois pas la carte ? Pardon. Ah voilà. Il faut juste lui laisser le temps d’arriver. Ça charge.
Aurore Médieu : Vincent, tu peux peut-être partager, si tu veux bien, le lien carteco-ess.orgCARTECO - Les structures de l’ESS qui font la transition écologique]] dans le chat, puis les personnes peuvent se rendre sur la carte directement pour qu’on ne perde pas trop de temps pour les interventions des autres personnes.
Vincent Bergeot : On la voit.
Aurore Médieu : C’est bon ? Chouette !
Vous voyez que c’est une donnée qui est quand même très qualifiée. Je ne vais pas rentrer dans tout le détail de CARTECO parce que je n’ai que dix minutes, vous pourrez poser des questions après, je préfère vraiment faire le lien avec OSM puisque c’est l’objet de la rencontre d’aujourd’hui.
Pour pouvoir avoir ces données qui soient actualisées – je continue le fil que j’avais commencé – on s’est dit, finalement il faut qu’on puisse utiliser une base de données partagée, ouverte, entre toutes les structures qui pourraient être concernées par ce périmètre économie circulaire et ESS et qui viendraient co-alimenter une même donnée. L’idée a été de développer un outil de transfert de données entre, d’un côté, OpenStreetMap et GoGoCarto, GoGoCarto dans son ensemble. C’est-à-dire que ce module, qu’on a développé grâce notamment à un développeur de GoGoCarto, Sebastian Castro, permet de faire pour CARTECO mais aussi pour Transiscope [12] qui sont les cartes qui ont été faites sur GoGoCarto. Ça n’est pas pour rien d’ailleurs qu’on a choisi GoGoCarto, c’est parce que dans l’anticipation de l’animation de ces communautés qui pourraient disposer de données qui recouperaient notre périmètre économie circulaire et ESS, on avait identifié GoGoCarto comme étant un point de ralliement de communautés un peu similaires. Le Transiscope et Près De Chez Nous [13] en sont des exemples assez flagrants. Vous avez aussi récemment OSM Ouest-France qui utilise cet outil pour faire sa carte.
Aujourd’hui notre enjeu technologique, notamment le lien avec OSM, le versement des données de CARTECO vers OSM ou d’OSM vers CARTECO est possible. On ne le fait pas systématiquement pour le moment de CARTECO vers OSM parce que, vous qui connaissez bien OSM, il y a vrai besoin de contrôle de la qualité de la donnée, le nom, le format de nom avec des majuscules au bon endroit, des accents au bon endroit, le fait de pouvoir bien géolocaliser, vérifier le numéro de voie, le nom de la voie, et puis des détails qui sont importants dans le cadre d’OSM, par exemple mettre un format de numéro de téléphone en mode international pour pouvoir respecter aussi les normes de saisie d’OSM.
Évidemment quand on utilise, c’est à nous, utilisateurs, de nous plier aux règles de l’outil qu’on va utiliser. C’est très important, je le rappelle, parce que ça fait vraiment partie de toute la formation qu’on peut transmettre avec Vincent auprès des CRESS, des Chambres régionales de l’ESS, qui vont être les modératrices de cette donnée : en back-office de l’outil, chaque CRESS a la modération, pour sa région, des données qui sont enregistrées. Vous voyez, par exemple, tous les points bleus sont les points qui ont été validés. Ici vous avez un point gris, ça veut dire une structure qui s’est référencée, par exemple elle s’est référencée, je ne suis pas en mode admin. donc je ne sais pas la date, mais elle s’est référencée la dernière semaine, au mois de juin, elle est venue se référencer, je ne sais pas encore si c’est AURA, Centre-Val de Loire ou Nouvelle-Aquitaine, il me semble que c’est un peu entre tout ça. Ce sera la charge du CRESS de venir valider sa donnée de structure et de pouvoir dire « oui, cette structure relève bien de l’ESS, je la connais dans mon territoire » et valider l’activité qu’elle a référencée.
Maintenant, l’étape qu’il nous reste à faire. c’est finalement de convaincre toute la communauté GoGoCarto d’utiliser ce module-là qui permet le lien avec OpenStreetMap.
L’enjeu est double : quand on partage de la donnée sur OpenStreetMap depuis CARTECO c’est de pouvoir alimenter OpenStreetMap avec tous les points qu’on va référencer pour qu’ils se trouvent dans la base de données OpenStreetMap, mais ce n’est pas juste parce qu’on voulait contribuer au commun qu’on est gentils et qu’on voulait faire ce module, c’est aussi pour notre propre intérêt. Demain, si vous avez une recyclerie qui est stockée sur CARTECO et sur la carte de Zero Waste France [14], par exemple, que vous êtes un utilisateur et que vous venez mettre à jour les horaires d’ouverture de la recyclerie sur la carte de Zéro Ouest-France, de fait, parce que les deux cartes seraient connectées au module de transfert de données vers OpenStreetMap, la CRESS concernée de notre côté chez CARTECO recevrait une notification de mise à jour et serait en mesure de valider, ou non, la mise à jour des horaires d’ouverture qui a été faite sur la carte de Zéro Ouest-France en même temps sur CARTECO. Ce qui permet d’optimiser la mise à jour et l’actualisation des données entre les cartes et d’éviter de sur-solliciter les structures pour qu’elles ne répondent pas à 40 enquêtes par an sur les mêmes données.
C’était vraiment ça notre objectif par rapport à OpenStreetMap.
Je laisse la main Vincent.
Vincent Bergeot : Peut-être que l’on peut, avant d’enchaîner, profiter effectivement de questions ou de réactions. L’idée c’était aussi qu’il puisse y avoir des réactions de tout un chacun, donc là, en particulier sur ce premier point autour de CARTECO, il y a des choses qui s’échangent dans la discussion. Si certains souhaitent ajouter quelque chose, poser des questions, prenons ce temps-là. Si personne, on enchaînera, vu les gens présents ici, on peut parler pendant à peu près 48 heures non-stop.
Aurore Médieu : Peut-être, en attendant les questions, juste une communication qui a été échangée dans le chat. Sur le déploiement on avait commencé ce projet avec sept régions pilotes que sont la Nouvelle-Aquitaine, l’Île-de-France, Les Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Mayotte, Corse et Guyane. Ce qui est très intéressant aussi c’est qu’on a embarqué des territoires ultramarins dans le projet, que, du coup, on est en démarrage de la phase d’intégration numéro 2 avec prévues Bretagne, Franche-Comté, Occitanie, Hauts-de-France, Centre-Val de Loire, Paca. Vous voyez qu’on va assez vite sur le déploiement sur les autres territoires. Ces sept premières CRESS pilotes ont effectivement reçu plusieurs formations de trois heures chacune par Vincent sur la contribution à OSM en particulier et ensuite sur l’usage de GoGoCarto et du back-office de GoGoCarto. L’idée c’est bien que les CRESS reçoivent une formation sinon, vous comprenez bien le point que je disais : la qualité des données qui doivent être ensuite transférées sur OSM ne serait pas garantie.
Vincent Bergeot : Merci Yohan. J’ai coupé effectivement. Il y avait peut-être un écho, désolé.
Romain, décidément, en Grand Est, pas de chance. Ça viendra. Il faut aller les convaincre.
Aurore Médieu : Côté Grand Est, donc ça viendra.
Vincent Bergeot : Du coup, est-ce que par rapport à ce déploiement attendu ou sur d’autres points il y a des questions plus spécifiques à poser à Aurore ?
Il y avait un lien qui allait se faire après avec Jean-Christophe, en particulier sur deux niveaux que sont la question des licences qui sont utilisées, Jean-Christophe, en te laissant aussi la main pour te présenter et ton lien, évidemment à OpenStreetMap, et puis la question, là aussi, des enjeux autour des licences, que ça soit au niveau des logiciels, peut-être aussi autour des données.
Christophe Becquet : Merci Vincent.
Jean-Christophe Becquet. Je m’exprime avec deux casquettes.
D’abord je suis vice-président de l’association April. L’April c’est l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Souvent, pour expliquer, je dis que l’April c’est un Greenpeace du logiciel libre, c’est-à-dire que, depuis pas mal d’années, nous sommes un lobby qui intervient auprès des élus, auprès des cabinets ministériels, auprès des associations pour faire entendre la cause du logiciel libre.
Et puis une deuxième casquette, professionnelle, Apitux, j’exerce comme consultant, je suis expert-conseil sur le logiciel libre, l’open data et OpenStreetMap. Je travaille notamment beaucoup avec des acteurs des territoires – communes, communautés de communes, départements, offices de tourisme – ou des associations qui peuvent être, par exemple, des groupements professionnels sur des thématiques en lien avec les territoires.
Effectivement, ce que je voulais vraiment préciser au sujet d’OpenStreetMap c’est le caractère libre d’OpenStreetMap et ce que ça implique, ce que ça permet d’avoir un outil libre.
Je m’insurge contre la formulation qui est souvent utilisée qui est de dire qu’OpenStreetMap est « libre de droits » ; je préfère la formulation « libre par le droit ». En effet, si OpenStreetMap est libre c’est parce que les contributeurs d’OpenStreetMap ont choisi, ensemble, d’adhérer à une licence qui est une licence libre. C’est très important de comprendre qu’un projet libre ce n’est pas un projet qui n’a pas de licence mais c’est un projet qui a une licence libre. Si un projet n’a pas de licence, contrairement à une idée reçue, si ce n’est pas marqué en bas de la page « copyright, tous droits réservés », eh bien malgré tout, tout est interdit. Lorsqu’il n’est pas précisé que les réutilisations sont permises, alors elles sont interdites. Le droit d’auteur est un droit qui s’applique par défaut, sans avoir aucune formalité à accomplir, dès la création de l’œuvre, l’œuvre pouvant être un logiciel, une image, une musique, une base de données. Dès lors que cette œuvre voit le jour, le droit d’auteur s’applique et le droit d’auteur interdit quasiment toutes les réutilisations, à part quelques exceptions au droit d’auteur comme le droit de copie privée ou le droit de citation, mais on est sur des exceptions et le principe du droit d’auteur c’est qu’il faut obtenir l’autorisation des ayants droit, des détenteurs des droits, pour pouvoir copier, utiliser, modifier, là, pour ce qui nous intéresse, la base de données en l’occurrence.
Donc ce qui fait qu’on peut avoir confiance dans OpenStreetMap c’est que la base de données OpenStreetMap est sous une licence libre. Le fait que la base de données OpenStreetMap soit sous licence libre ça veut dire que personne ne pourra jamais retirer ce caractère libre, personne ne pourra jamais le remettre en cause, on a l’assurance de la pérennité de cette liberté des données. Tout nouveau contributeur qui vient abonder la base de données OpenStreetMap a connaissance, de manière très claire, des règles qui s’appliquent et qui s’appliqueront à ses contributions. Et lorsqu’on réutilise des données OpenStreetMap, de la même manière on a une formulation très claire de ce qui est permis et de ce qui est demandé en retour. Ce qui est permis c’est tout type de réutilisation, sans restriction, que ce soit pour un usage, comme l’a dit Vincent en introduction, commercial ou non commercial, quel que soit l’usage et même les usages qu’on n’a pas encore imaginés aujourd’hui sont permis par la licence à condition de respecter quelques contraintes en retour. Les contraintes étant de devoir citer l’auteur, créditer les contributeurs OpenStreetMap à chaque réutilisation de la base de données, de ne pas mettre de verrous sur cette base de données et, dans le cas où on partagerait une base de données dérivée de la base de données OpenStreetMap – modifiée, actualisée, complétée, améliorée – de la partager à son tour sous la même licence, c’est donc ce qu’on appelle l’hérédité de la licence. La base de données OpenStreetMap est sous licence héréditaire c’est-à-dire qu’elle se propage aux versions dérivées de la base de données OpenStreetMap.
Cette licence c’est vraiment le contrat qui va créer un cercle de confiance entre les contributeurs, les réutilisateurs. Les contributeurs et les réutilisateurs sont très divers. Ils sont très divers dans leurs profils, ils sont très divers dans leurs motivations. Il y a des contributeurs qui contribuent à titre bénévole, militant ; il y a des contributeurs passionnés qui contribuent autour d’une thématique qui les intéresse, qui peut être les transports publics, qui peut être la randonnée, qui peut être les équipements, les aménagements cyclables. On peut contribuer à OpenStreetMap parce qu’on est passionné par une thématique. On peut aussi contribuer à OpenStreetMap parce qu’on vit ou on aime un territoire et qu’on veut améliorer les données sur ce territoire. On peut contribuer à OpenStreetMap parce qu’on a une motivation professionnelle ou associative. La qualité et le dynamisme de la base de données OpenStreetMap résulte de la diversité de ces profils de contributeurs et de leurs motivations. Encore une fois la licence est ce qui permet à tout le monde de travailler de manière claire, transparente, en sachant précisément ce qu’on accepte lorsqu’on vient contribuer au projet.
Aurore disait tout à l’heure que la base de données de Google est d’une qualité impressionnante, effectivement, que ce soit dans son exhaustivité, dans sa mise à jour et, après tout, pourquoi on ne travaillerait avec la base de données Google puisque les entreprises, les acteurs de l’ESS pour le sujet qui nous intéresse cet après-midi, pourraient très bien aller mettre à jour leurs données dans Google et on utiliserait cette base de données.
Ça pose un certain nombre de problèmes. Le premier problème que ça pose c’est que la licence des données Google ne nous autorise pas à les utiliser sans restriction. On est obligé d’accepter les conditions de réutilisation qui sont celles de Google, mais surtout on ne maîtrise pas l’évolution de ces conditions d’utilisation. On l’a constaté par le passé sur Google Maps, les conditions d’utilisation peuvent changer. Un service qui était, il y a quelques années, gratuit, peut devenir payant, un petit peu cher pour certains utilisateurs. Et puis, dans un troisième temps, devenir beaucoup plus cher pour presque tous les utilisateurs. Ce service peut s’arrêter, il peut y avoir des interdictions d’utiliser ce service pour tel et tel usage, pour telle et telle thématique, sur tel et tel territoire et ça, on ne le maîtrise absolument pas.
La force d’OpenStreetMap, ce que permet OpenStreetMap par rapport à une base de données comme celle de Google ou n’importe quel autre base de données propriétaire, privatrice, donc le contraire de libre, c’est cette pérennité, c’est cette assurance, c’est cette confiance sur la durée de la possibilité de pouvoir continuer à condition constante à contribuer à OpenStreetMap, à réutiliser les données d’OpenStreetMap.
Cette question des licences est vraiment importante, c’est un des fondements du Libre.br/>
Au départ le Libre vient du logiciel. Richard Stallman [15] invente le logiciel libre [16] en 1984 et, pour formaliser la notion de logiciel libre, une des premières choses qu’il fait c’est d’écrire une licence de logiciel libre qui définit de manière très précise ce qu’est un logiciel libre, un logiciel qu’on a le droit d’utiliser sans restriction aucune, de copier, d’étudier, de modifier. Ce sont les quatre libertés qui définissent un logiciel libre et il écrit ces libertés dans une licence pour les formaliser, pour les spécifier de manière claire, non ambiguë et pour tout le monde.
Ces licences ont été écrites au départ pour des logiciels et, ce qui va se passer au cours du temps, c’est qu’on va voir apparaître des licences qui vont essayer d’appliquer les principes qui sont ceux, au départ, du logiciel libre à d’autres types d’objets comme des images, des musiques, des photos ou des bases de données. Donc la licence ODbL [17], Open Database License, la licence d’OpenStreetMap, est une licence qui reprend les principes du logiciel libre, mais qui les traduit, qui les transpose à un objet qui est d’une nature un petit peu différente, qui est l’objet base de données.
Je pense que c’est vraiment important d’avoir à l’esprit cette notion de projet sous licence libre et de comprendre l’importance de cette licence comme contrat de confiance pour travailler ensemble sur un projet collaboratif, commun. Une fois qu’on a ça, une fois qu’on a ce cadre de confiance, alors chacun peut venir selon sa disponibilité, selon ses motivations contribuer ponctuellement, modérément, énormément à la base de données, en toute sérénité.
Voilà un petit peu ce que je voulais partager avec vous sur le caractère libre d’OpenStreetMap.
Je le redis, à l’avenir dites plutôt « OpenStreetMap est un projet libre » ou « un projet sous licence libre » ou « un projet libre par le droit » et évitez la formulation « OpenStreetMap est un projet libre de droits » ou pire la formulation « OpenStreetMap est une base de données gratuite » parce que OpenStreetMap n’est pas une base de données gratuite, c’est une base de données libre et une base de données libre c’est beaucoup plus puissant, beaucoup plus noble et beaucoup plus beau. C’est donc important de respecter et de répéter ce caractère libre d’OpenStreetMap.
Je vous remercie et je reste bien entendu disponible pour l’échange et pour répondre à d’éventuelles questions sur les licences.
Vincent Bergeot : Merci Jean-Christophe. J’ai posé quelques liens, j’ai fait mon Jean-Christophe dans la discussion publique en posant des liens.
Je propose que l’on passe à la suite avec Christophe Biez de Latitude-Cartagène. Je prendrai un temps très court, en fin, pour qu’il nous reste du temps après pour pouvoir échanger, on débordera sans doute un peu de 15 heures, comme on l’avait annoncé, mais pas trop non plus.
Christophe, je propose de te mettre la présentation et de te partager. Je te définis comme présentateur. Vous devez maintenant voir la présentation. À toi.
Christophe Biez : Parfait. Merci Vincent. Bonjour à tous.
Je suis Christophe de Latitude-Cartagène. Aujourd’hui l’idée, c’est de faire un retour d’expérience sur comment nous ici, à Latitude-Cartagène, on peut utiliser les données d’OpenStreetMap.
Latitude-Cartagène est une SCOP. À ce titre on appartient, de facto, à l’Économie Sociale et Solidaire, même si je trouve qu’on est une branche un peu particulière, à l’intérieur de ça, on fait quand même partie de l’ESS.
Tout à l’heure Aurore expliquait que ça représente beaucoup d’emplois. Ce qu’il faut savoir c’est que les SCOP, à l’intérieur de ce milieu-là, on n’est pas tout à fait à 70 000 emplois, un tout petit peu moins, en tout cas c’est un des objectifs que la CG SCOP [Confédération générale des SCOP] se fixe. On est environ une trentaine de salariés. Donc, par rapport à notre secteur d’activité, ça commence à devenir un petit peu important et, à l’intérieur de ces 30 salariés, à ce jour on est 16 associés.
C’est une entreprise qui est spécialisée en cartographie et on a plus de 30 ans, ce qui veut dire qu’on a vécu pas mal de révolutions technologiques et qu’on a bien réussi à les absorber.
On est spécialisé dans les domaines du transport, dans le tourisme et dans la cartographie institutionnelle. Notre développement actuel est plutôt basé sur la mobilité, notamment sur la question de l’information aux voyageurs.
Quelques grandes étapes de l’entreprise sous l’angle technique et l’angle de la data.
J’aime à dire que certains de mes collègues, ici à Latitude, ont commencé leur carrière en faisant des cartes à la main. Donc la première révolution technique majeure, fondamentale, c’est l’arrivée de l’informatique, c’est l’arrivée de l’ordinateur, on va dire l’informatisation à grande échelle et ça date de la fin des années 80, pour nous.
La deuxième c’est justement l’arrivée progressive de la donnée par l’intermédiaire des SIG [Systèmes d’information géographique], fin des années 90 pour nous ici à Latitude-Cartagène.
On est la première entreprise, en France, à réaliser une grande carte pour le Parc national de la Vanoise, avec les données IGN, sans que ce soit l’IGN qui produise directement la carte. C’était une coédition avec le Parc national et à l’époque c’était Latitude.
Et puis une révolution qui a, comment dire, commencé fin des années 2000, début des années 2010, c’est ce que j’appelle l’open data au sens large du terme. Et j’aime à dire que, pour moi, OSM fait un peu partie de cette transition d’un point de vue de Latitude et de l’évolution, en tout cas, des produits qu’on a pu proposer après à nos clients.
L’histoire de Latitude-Cartagène et d’OSM débute justement à l’entrée des années 2010. En 2012, je me souviens que c’est moi qui fais les premiers tests pour faire un petit carto-guide à un moment donné du côté de Thonon. On s’interrogeait, on entendait de plus en plus parler de cette donnée. Moi j’ai été formé à l’IGN, j’étais quand même pro, pas forcément pro, en tout cas je maîtrisais bien les données de l’IGN, j’ai dit qu’est-ce que c’est que ça, comment ça marche, c’est quoi la qualité des données, l’homogénéité ? Ce sont des questions qu’on s’est clairement posées pendant quelque temps. On revenait de temps en temps, on faisait des tests.
En 2014 on a réellement commencé à se dire il y a vraiment un truc à faire. Il faut savoir qu’OSM, par rapport à ce qu’on avait en tant qu’entreprise privée, nous donnait la possibilité d’avoir accès à des données relativement homogènes, relativement qualitatives, mais sur tout le territoire français, chose qu’auparavant, en fait, on n’avait pas, ou via l’acquisition de la donnée, qui, en fonction du type de nos clients pouvait être compliquée. Si on avait des clients de la sphère publique, pas de problème, c’était le RGE [Référentiel Grande Échelle], ça fonctionnait, mais si on était dans la sphère privée, eh bien là c’était très problématique.
Donc on a commencé, on a continué à travailler et on a progressivement mis en place des chaînes de traitement. Qu’est-ce qu’est une chaîne de traitement ? C’est une chaîne de récupération de données, une chaîne de formalisation cartographique qui amène, en fait, à une optimisation du temps sur un certain nombre de process qui étaient avant très manuels et qui deviennent de plus en plus automatisés.
Naturellement des questions sont apparues après. On se sert maintenant de cette donnée. Comment Latitude-Cartagène peut contribuer à l’écosystème d’OpenStreetMap ? La réponse qui a été faite en 2017 – j’ai noté 2017, mais c’est peut-être 2016 ou 2018, je ne sais plus trop – c’est devenir, a minima, sponsor du State of the Map France et la réflexion est toujours en cours. Il y a des contributeurs au sein de Latitude-Cartagène mais, en tout cas, ce n’est pas forcément une politique affirmée.
Je voulais vous faire voir quelques exemples un peu d’industrialisation de nos produits et justement ce que la base de données d’OSM nous a permis de concevoir en termes de produits.
Le premier exemple ce sont les totems Vélib. Vélib c’est le système de vélos en partage sur Paris. Lors du changement de contrat, de mémoire en 2017, où c’est passé à Smovengo, Smovengo nous a contactés pour produire la partie print qui est au dos de ces totems-là. On a construit une solution basée en partie sur les données OpenStreetMap, sur la BAN [Base Adresse Nationale] également, pour produire 1400 plans, 1400 plans qu’on appelle géo-centrés, géo-orientés. Autrement dit, pour vous, ça veut dire 1400 fichiers uniques. Donc 1400 fichiers uniques, il était hors de question qu’on les produise de manière très artisanale, de manière très classique, donc c’est un process qui a été très fortement industrialisé. Si je prends cet exemple-là c’est que je pense que ce projet marque, en fait, une rupture ici à Latitude sur le fait qu’on ait été capables de le faire. On a perdu un peu d’argent, mais, en tout cas, on a franchi un cap non négligeable grâce à ce projet-là, donc naturellement grâce aux données d’OpenStreetMap et à leur qualité qui était très homogène sur l’agglomération parisienne.
Toujours sur l’agglomération parisienne des choses que l’on fait très régulièrement, qui sont actuellement complètement intégrées à nos chaînes de production, je vous ai mis deux exemples, c’est ce qu’on appelle des plans de bassin, ce sont des plans de représentation des transports en commun plutôt en banlieue, en l’occurrence sur la banlieue parisienne, et des plans de lignes. Ce sont des documents dont on va dire la base, en tout cas le fond de carte est basé sur de la donnée OpenStreetMap.
Tout n’est pas rose, quand même, dans le monde d’OpenStreetMap, sur la qualité, etc.
Là je vous fais voir un document dans un autre univers, on est plutôt dans le domaine du tourisme. On est du côté du département du Doubs, du côté du Loue-Lison. Lorsqu’on a réalisé ce carto-guide, en 2016, eh bien je peux vous assurer qu’on a beaucoup transpiré. On a orienté, à un moment donné, la solution en faisant la promotion d’OpenStreetMap, notamment en expliquant à notre client qui était un office de tourisme qu’il n’aurait pas de droits à payer, de droits de licence, que je ne dise pas de bêtises. La licences était libre, on était en licence ODbL, donc naturellement il n’y aurait pas de droits, par exemple à l’IGN, pour la publication de ce document-là. L’office du tourisme a été séduit puisque ça permettait de rentrer dans son budget. Par contre, en fait, sur ce type de plan-là, sur ce territoire-là, on a connu beaucoup de désagréments par rapport à la qualité, notamment sur la question des lieux-dits. Tout à l’heure Aurore évoquait la question des problèmes de majuscules, de minuscules, bref ! Là, en tout cas sur la qualité qui était recherchée, ça a été assez compliqué puisqu’il a fallu quand même remettre en qualité pas mal la donnée, chose qui n’avait pas été forcément prévue au départ.
Donc deux types de projets que l’on a pu faire ici à Latitude.
Vincent Bergeot : Super. Merci beaucoup Christophe. L’idée c’était aussi de montrer des projets très différents qui lient OpenStreetMap et l’Économie Sociale et Solidaire. C’est bien l’enjeu de ce temps.
En deux minutes je vais basculer sur un autre projet que nous sommes en train de mener avec Teritorio. Je vais reprendre la main, partager et très rapidement vous montrer le fait qu’on est en cours – c’est la bascule comme ça on aura quelques minutes après de discussion. L’idée c’est d’accompagner La Coopérative des Tiers-Lieux de Nouvelle-Aquitaine [18] autour de la question, justement, des données territoriales. C’est une demande qu’a faite La Coopérative des Tiers-Lieux, à laquelle on a répondu, et on a été effectivement retenus. On est en cours, ça a commencé en mars, ça finira en décembre, avec un peu l’objectif de développer des expertises locales auprès des tiers-lieux sur la question des données ouvertes et, en particulier, sur la question des données OpenStreetMap.
Juste pour reprendre. Il y a très longtemps La Coopérative des Tiers-Lieux avait déjà une carte faite sur uMap [19] avec des données et ainsi de suite. Ça rejoint un peu ce qui a été évoqué tout à l’heure, c’était une carte peu réutilisable. Cette carte est très utilisée aujourd’hui, mais il n’empêche que les données présentes dessus sont peu réutilisables. Ce sont des discussions très régulières avec La Coopérative des Tiers-Lieux pour tendre aussi, petit à petit, à aller vers OSM en termes de base de données et source des données pour faire une carte.
C’est étonnant, vous avez un compte par exemple qui s’appelle Nouvelle-Aquitaine, un compte OpenStreetMap qui a contribué de manière très intensive à ajouter des tiers-lieux dans OpenStreetMap. J’ai aussi ajouté quelques tiers-lieux dans OpenStreetMap et, petit à petit, la base de données s’est enrichie, s’enrichit, sauf que c’est bien d’avoir ces premières données dans OpenStreetMap, mais évoquer aussi, en fait, que ce n’est pas que la question d’avoir les données, c’est de les maintenir à jour. C’est vraiment ça aussi qui amène sur cette question de former des gens, former des personnes pouvant maintenir des données à jour, voire, comme évoqué avant, les monter en qualité aussi, en termes de qualité de la donnée, qualité des données et mises à jour aussi de ça.
Je ne vais pas beaucoup plus en parler. Aujourd’hui, à savoir, il y a 12 tiers-lieux qui sont engagés dans l’accompagnement depuis avril. On se pose des questions, justement, sur comprendre la donnée, les données ouvertes, OpenStreetMap, ce dont on parle. Qu’est-ce qu’on peut mener comme projets autour des données ? Ce sont bien sûr des gens qui découvrent les outils de l’écosystème OpenStreetMap, ce sont aussi des gens qui apprennent à contribuer à OpenStreetMap sur leur territoire, donc ces 12 tiers-lieux couvrent sept ou huit départements. C’est aussi, parce que c’est souvent un peu dans l’ADN de certains tiers-lieux la capacité, par la suite, de proposer des ateliers et d’animer les territoires autour de ces questions de la donnée, de connaissance du territoire.
Il y a plein de thématiques, plein d’envies qui sont en train d’arriver. On en a évoqué plusieurs. J’en ai cité quelques-unes qui viennent de cet accompagnement. Beaucoup de choses autour de la question de l’alimentation et des circuits courts. Je crois que notre vécu de la pandémie a sans doute des impacts d’autant plus forts pour arrêter aussi de faire des milliers de cartes et essayer d’avoir au moins une base de données où on a des données à jour.
Tout ce qui a été évoqué tout à l’heure : mobilité, le vélo beaucoup, et la question des aménagements cyclables, pistes cyclables et ainsi de suite.
C’est une autre structure, un autre tiers-lieu qui est intéressé par des lieux de formation : où sont les lieux de formation sur le territoire ? Qu’est-ce qu’il y a comme lieux de formation et ainsi de suite. Donc, vous voyez, avec des envies très différentes selon aussi la typologie du tiers-lieu.
Les structures de l’ESS c’est revenu quelquefois dans les tiers-lieux, là je pense qu’il a un parti pris absolu très certainement avec ma participation et le travail qu’on a pu faire aussi, par ailleurs, avec ESS France et les différentes CRESS. Revient souvent, aussi, le fait d’animer autour de la donnée des communs numériques, le fait d’animer la collaboration aussi avec et entre les collectivités et d’avoir une expertise du territoire.
C’était juste pour faire très rapidement un état des lieux d’un accompagnement en cours qui se déroule. Pour répondre à Myriam, oui ce sont 12 tiers-lieux qui sont aujourd’hui engagés dans la démarche. C’est loin d’être, selon les cas, les plus de 250/300 tiers-lieux référencés sur la Nouvelle-Aquitaine. L’idée était de commencer à travailler la question et, avec les gens volontaires dans les différents tiers-lieux et les tiers-lieux volontaires, à participer à cette question de l’animation territoriale autour de la donnée.
Avec plaisir.
Aurore Médieu : Je voulais juste compléter, parce que j’ai essayé d’aller très vite tout à l’heure, j’ai oublié de rappeler les partenaires qui sont des partenaires qui travaillent aussi avec OSM.
Évidemment j’ai dit que Vincent faisait les formations, mais c’est bien à titre de Teritorio qu’il contribue largement au projet CARTECO. C’est aussi le cas de Carto’Cité [20] qui travaille justement à cette augmentation de la qualité des données qui sont rentrées et saisies sur OpenStreetMap, ce qui nous permet d’avoir des données qui rentrent sur OpenStreetMap qui ne restent pas que sur CARTECO. Et puis, à l’origine, c’est aussi la mise en relation avec Mieux Trier à Nantes qui est aussi dans cet écosystème-là, qui a fait partie de ces types d’auteurs un peu passionnés par une thématique, comme le disait Jean-Christophe, qui a recensé un certain nombre de points de collectes de déchets et de réemplois pour la partie nantaise puis ligérienne.
Je voulais juste le rappeler et désolée de ne pas l’avoir dit directement en introduction.
Vincent Bergeot : J’avais mis le lien qui arrivait sur les partenaires. On peut retrouver toutes ces questions-là.
Le temps de présentation est arrivé à son terme, néanmoins prenons quelques minutes, vu qu’on a commencé, je crois, avec un petit quart d’heure de retard. Un, s’il y a des questions, bien évidemment, deux, si effectivement il y a quelques retours, compléments que certains et certaines d’entre vous souhaitent apporter.
Les gens, vous qui êtes là, si vous avez autre chose que des questions mais justement des retours, n’hésitez pas. Il n’y a pas que les intervenants qui ont le droit de parler pour partager ce qu’ils ont fait.
Là c’est ce moment..
Je passe à Aurore le bâton de la question de Yohann : comment la donnée est-elle maintenue à jour ? Par qui ? À quelle fréquence ?
Aurore Médieu : Je ne sais pas s’il la pose pour CARTECO en réalité. On va le dire pour tout le monde, Yohann est le responsable de la transition écologique de la CRESS Nouvelle-Aquitaine qui, du coup, modère la donnée qui arrive sur la carte. Je ne sais pas, Yohann, si ta question n’était pas plutôt sur OSM ? Ou c’était une fausse question pour qu’on parle du sujet ?
Vincent Bergeot : La donnée est maintenue à jour. Par exemple pour la France c’est quotidiennement plus de 400 contributeurs, ça représente plus de trois ou quatre mille personnes par mois. Ce sont des gens qui contribuent, qui sont soit des volontaires, soit des professionnels, soit des bénévoles. On a vraiment des profils très différents. Il n’y a pas de modération puisque dans le cas d’OpenStreetMap on est dans un projet où la modération est dite a posteriori, c’est-à-dire que si une donnée est fausse on la corrige et on ne valide pas le fait que la donnée aille dans OpenStreetMap. Là où, par exemple, sur CARTECO, on va valider le fait qu’une donnée soit affichée, c’est autre chose. Dans OpenStreetMap on ne valide le fait que la donnée y aille. L’usage des données après, on en fait ce que l’on veut, donc on peut valider, si on souhaite valider, et ainsi de suite.
Donc oui, la donnée est maintenue à jour par quelques centaines de contributeurs. C’est, en continu, des gens qui la maintiennent à jour, soit sur des thématiques professionnelles telles qu’évoquées, soit des gens qui ont dans leur quotidien, dans leur poche, une application qui permet de mettre à jour de la donnée, de rajouter, de changer, parce qu’on en a besoin, les horaires de la boucherie à côté parce qu’on est incapable de s’en rappeler et ainsi de suite.
Stéphane Branquart : Pour compléter ce que tu dis, Vincent, et éclairer Yohann, la donnée va donc être maintenue à jour par ce que vient d’expliquer Vincent, mais de manières très différentes selon les territoires, en France, en Afrique, partout dans le monde. Ce qui est en train de se passer c’est que plus il y a de contributeurs, donc à travers toutes les dynamiques qui se mettent en place, plus l’amélioration des données est forte et va croissant, donc plus on arrive à une qualité de données qui est de plus en plus intéressante. Et c’est là que l’implication justement des institutions, si on parle des CRESS comme étant des institutions, ou bien des offices de tourisme ou bien des collectivités territoriales, va être intéressante parce qu’il va y avoir une rencontre entre des contributeurs qui contribuent sur leur territoire et des actions professionnelles ciblées. Et là, petit à petit, on améliore de plus en plus la donnée.
Je ne sais pas ce que veut dire le « ah bah voilà » comme commentaire. Déjà la donnée s’améliore quand on la compare avec d’autres, mais toutes les comparaisons sont compliquées, c’est souvent franchement de bonne qualité bien que n’étant pas homogène. Ensuite, une fois qu’on a fait son effort dans le cadre des projets, ce que fait l’ESS là par exemple, et l’effort qu’a encaissé Christophe avec Latitude-Cartagène quand ils sont arrivés sur ce territoire, on dispose d’outils, tout de même, dans les cartographies que nous réalisons pour ne pas nécessairement travailler en direct sur la donnée OSM, mais fournir des solutions de tampon pour éventuellement contrôler cette donnée dans sa propre application si on estime nécessaire de le faire.
Donc il y a différentes manières de gérer la qualité de la donnée dans OpenStreetMap qui, globalement, va croissante.
Aurore Médieu : Si je peux peut-être compléter ce que vous dites c’est, à mon avis, ce qui est très intéressant justement dans un projet comme CARTECO, et je ne le dis pas parce qu’on le porte, ce n’est pas le sujet. Ce qu’on a pu voir, qui était intéressant dans le projet, c’était justement de pouvoir se faire rencontrer un peu deux mondes métiers. On a fait rencontrer le monde métier open data, OpenStreetMap, les contributions d’un côté et, de l’autre côté, le monde métier autour de l’économie circulaire qui vient vraiment qualifier son activité professionnelle. Du coup je pense que ça va dans le sens de ce que tu dis Stéphane, c’est-à-dire que c’est une façon de venir améliorer, certains points étaient déjà présents sur OSM, mais on est venu les améliorer en étant en capacité de leur donner une qualification de l’activité, par exemple en disant que c’était des magasins de seconde de main et que, peut-être, ils traitaient du textile.
Je trouve que c’est ça qui est intéressant quand on commence à voir le déploiement de l’usage d’OpenStreetMap dans les collectivités mais aussi dans les milieux professionnels, c’est que ça vient vraiment en plus de la richesse de l’outil qui est d’avoir des contributeurs bénévoles en l’occurrence, et ça vient vraiment compléter la qualité par ça. C’est pour ça qu’on a un intérêt très fort à l’avoir fait comme ça et à vouloir que ça se démultiplie aussi en termes de nombre de comptes sur le sujet. Au-delà de l’économie circulaire, à terme on a aussi l’agriculture, l’alimentation durable, l’énergie, c’est quand même la carte des initiatives d’ESS de la transition écologie, donc on aura aussi d’autres secteurs d’activité.
Vincent Bergeot : Merci. Effectivement et pour reprendre ce qui se dit un peu dans la discussion, un des intérêts majeur qui est souvent perçu par les collectivités, mais pas que, c’est d’avoir un référentiel externe qui va permettre de définir, en fait, quel va être le format de la qualité des données. Très compliqué, souvent, pour différentes structures de travailler ensemble parce que chacune a son propre référentiel, ses propres types de données, ontologies, ainsi de suite. OpenStreetMap et son wiki, donc la manière dont sont décrites les données est aussi de plus en plus utilisé comme référence pour permettre les échanges, le passage et la montée en qualité de données entre des structures différentes, au sens large, qu’elles soient publiques, para-publiques, privées, de l’ESS ou pas du tout. Et c’est parce que ce référentiel est externe qu’il permet aussi que tout le monde se mette d’accord sans faire des petites guéguerres de celui qui a la meilleure description des données.
Jean-Christophe Becquet : Ce travail sur les référentiels est un sujet qui est vraiment d’actualité et qui, pour moi, vient avec le début de ce que j’appellerais la maturité de l’open data.
J’ai participé à plusieurs communautés de professionnels qui travaillent sur ce qu’on appelle des schémas de données, c’est à-dire se mettre d’accord sur comment on décrit un objet métier. Par exemple, sur les derniers mois, il y a eu un travail sur le schéma pour décrire des randonnées pédestres, des schémas pour décrire les aménagements cyclables ou les stationnements vélo. Les professionnels concernés — collectivités, entreprises, usagers — se mettent autour de la table et discutent de la meilleure manière de décrire ces objets. Sur les échanges qui ont eu lieu, qui ont été animés par l’équipe de la plateforme transport.data.gouv [21], qui est l’organisme de l’État, en France, qui gère l’ouverture des données sur le thème de la mobilité, je trouve que ce qui s’est passé est vraiment très intéressant et très significatif. Il y a eu plusieurs réunions sur l’élaboration d’un schéma de données pour les aménagements cyclables et il a été convenu, dès le départ de ce travail, de prévoir une correspondance entre le schéma qui était en train d’être élaboré pour les aménagements cyclables et la manière de les décrire dans OpenStreetMap. Si cette question a été si présente c’est parce que aujourd’hui, par exemple sur la thématique du vélo, OpenStreetMap a atteint un niveau de maturité, un niveau de qualité qui est tel que de plus en plus on entend dire que la donnée de référence pour le vélo est dans OpenStreetMap. OpenStreetMap est devenu un incontournable pour la donnée géographique autour du vélo, donc, si on fait un schéma pour décrire les aménagements cyclables, pour dire comment on va qualifier une bande cyclable, une voie cyclable, une voie verte, etc., on ne peut pas le faire sans prendre en compte ce qui se fait dans OpenStreetMap. Donc dans la documentation qui a été publiée, sous licence libre bien entendu, du schéma des aménagements cyclables, pour chaque objet qui est décrit il y a la correspondance avec la manière de le décrire, de le dire dans OpenStreetMap. Ce qui permet d’ailleurs de faire très facilement, pour une collectivité, l’export des aménagements cyclables de son territoire, à partir d’une extraction OpenStreetMap, avec un fichier qui sera respectueux du schéma qui a été défini, qui est devenu aujourd’hui le standard national.
Ça me paraît vraiment une démarche exemplaire et je pense que toutes les communautés métier devraient s’inspirer de ça.
Vincent Bergeot : Merci. Je vois l’enregistrement qui arrive bientôt à 65. Nous avons eu effectivement les 60 minutes, on est en train de dépasser de cinq minutes.
Je voulais redire qu’au fur à mesure de la préparation de ce webinaire, de cette discussion, quelque chose m’a marqué : le fait que les deux mondes, OpenStreetMap et Économie Sociale et Solidaire, avaient en commun d’avoir des définitions, et c’est sans doute la faute en Jean-Christophe en particulier, d’être définis par les formats de licence ou de règles et de structures qui permettent aussi de garantir effectivement des cadres de confiance. Que ça soit l’Économie Sociale et Solidaire que ça soit OpenStreetMap, c’est défini par des cadres légaux : ce que c’est, ce que l’on peut en faire, comment on peut le faire et ce qui peut se faire avec. C’est vraiment au fur et à mesure ce lien.
Donc je ferai la conclusion de cette heure passée ensemble en disant renseignez-vous bien sur les usages que vous pouvez faire des données, des logiciels ou des structures avec qui vous travaillez, qui sont-ils en fonction et pas forcément que sur ce qu’ils disent être.
Je vous propose que l’on en reste là parce qu’il faut arrêter à un moment. Merci beaucoup aux différents intervenants, c’était un plaisir de vous faire venir ici et de vous avoir là. Je vous souhaite une bonne fin de journée. Au revoir à tous. Il y aura normalement l’enregistrement de cette discussion et les différentes présentations, si vous ne les avez pas téléchargées, seront aussi disponibles.
Encore merci. Bonne fin de journée. Presque un week-end pour certains peut-être, ou pas du tout. Au revoir. J’arrête l’enregistrement.