Thibault Lieurade : Bonjour tout le monde. Bienvenue dans cette session intitulée « Sobriété numérique – Le temps de la grande désintoxication ? », une session qui a été conçue par Omnes Education et Julien Pillot ici présent.
Je suis Thibault Lieurade, chef de rubrique pour la rubrique Économie et entreprises du site The Conversation et je suis ravi d’être associé, une nouvelle fois, à ce bel évènement qu’est le Printemps de l’économie. Merci Pierre-Pascal.
Pendant cette heure, je vous invite à réfléchir, avec nos intervenants, aux enjeux de l’économie dans les politiques de sobriété qui s’imposent actuellement, qui s’imposent de plus en plus. Je vais simplement rappeler que l’empreinte carbone de la France liée au numérique c’est 2,5 % de l’empreinte carbone totale de la France et c’est en augmentation. Pourtant, on entend beaucoup parler d’efforts nécessaires dans le transport, l’aérien — pensez aux jets privés —, l’agriculture, le chauffage avec cette température à 19 degrés qui nous est recommandée, mais beaucoup moins dans le numérique. Est-ce qu’on peut parler d’exception tant les outils digitaux sont devenus absolument incontournables ? On va même en avoir besoin pour cette table ronde puisqu’on a deux intervenants à distance. Est-ce qu’on peut parler d’exception ? Peut-être faut-il aussi parler, pour reprendre le titre de cette table ronde, d’intoxication ? C’est ce que nous allons voir avec nos intervenants. Je précise juste qu’on va essayer de garder dix minutes à la fin pour vos questions, autant que vous participiez, je pense que ça peut être intéressant, évidemment, d’avoir vos réactions.
On va écouter Asma Mhalla qui est maître de conférences, maîtresse de conférences à Science Po, spécialiste des enjeux politiques de l’économie numérique et Julien Pillot, qui a conçu cette session, enseignant-chercheur à l’INSEEC [Institut des hautes études économiques et commerciales], spécialiste des questions de concurrence et de stratégie, notamment dans l’économie numérique. Malheureusement, il est excusé ce matin, Raphaël Guastavi, directeur-adjoint de la direction économie circulaire de l’Ademe [Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie], qui peut, néanmoins, être présent avec nous par visioconférence. On va vous passer la parole, mais avant, en introduction de cette table ronde, on va diffuser une courte vidéo de Guillaume Pitron. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de Guillaume Pitron, c’est un journaliste et réalisateur qui fait un travail essentiel, il faut le dire, je pense. Son premier livre, qui a été publié en 2018, La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique, est vraiment l’un des premiers qui alerte sur cet impact du numérique qu’on voit finalement relativement peu ou qu’on refuse de voir. On va étudier cette question. Guillaume Pitron nous a fait l’amitié de nous enregistrer une brève vidéo que je vous propose de regarder tout de suite.
Guillaume Pitron, en off : Bonjour. Merci de m’avoir invité au Printemps de l’économie et, en particulier, à cette session dédiée à la pollution numérique et à la question de la sobriété numérique. Malheureusement, je ne peux pas être là. Je remercie Julien Pillot de m’avoir invité, je ne peux pas être présent. Néanmoins, à la demande de Julien Pillot, j’enregistre, je préenregistre volontiers ce court message.
Je m’appelle Guillaume Pitron, je suis journaliste, je suis réalisateur de documentaires. Je suis notamment l’auteur d’un livre, qui a été publié l’année dernière, qui est intitulé L’enfer numérique – Voyage au bout d’un like, un livre qui traite précisément de l’impact matériel du numérique, de la pollution numérique.
Je voudrais juste, de façon très courte, vous rappeler que la pollution numérique est de trois ordres.
C’est d’abord une pollution matérielle, surtout une pollution matérielle, il n’y a rien de virtuel dans le matériel : nos interfaces, c’est-à-dire les téléphones portables, les ordinateurs, les tablettes, les serveurs, les câbles sous-marins, les satellites grâce auxquels transite la donnée, tout cela ce sont des infrastructures bel et bien physiques.
70/75 % de la pollution numérique, c’est d’abord une pollution qui est due aux ressources, notamment minérales, que nous extrayons du sol avec tous les impacts de la mine pour pouvoir ensuite vivre nos vies en ligne.
Il y a une autre pollution, c’est celle qui est générée par la consommation d’électricité pour faire tourner l’infrastructure. En France, le numérique représente 10 % de notre consommation d’électricité, 6 % à l’échelle mondiale. C’est une électricité dont la part dans la production et la consommation mondiale augmente, elle sera probablement multipliée par deux entre 2025 et 2030. C’est une électricité qui doit être produite notamment avec des ressources fossiles.
Le numérique c’est 4 %, à peu près, des émissions de gaz à effet de serre et c’est là aussi une pollution qui a un impact sur le réchauffement climatique qui va croissant, puisque ces 4 % pourraient devenir 8 % d’ici la fin de la décennie.
Comment prend-on à bras-le-corps ces sujets ? Eh bien, on les traite d’abord à l’échelle individuelle. La première chose à faire pour limiter l’impact environnemental du numérique, il en sera certainement question lors de cette session, c’est d’abord de s’attaquer à l’obsolescence programmée des équipements numériques qui nous entourent. Il faut les garder le plus longtemps possible, réutiliser, réparer, réduire, ce sont des verbes qui sont clés en vue de garder nos interfaces toujours plus longtemps et de réduire ainsi l’impact matériel de nos modes de vie connectés.
Il y a évidemment des sujets autour de notre consommation de données qui se posent. Les fournisseurs d’infrastructures cloud, notamment, sont de plus en plus cornaqués par les autorités pour améliorer leur efficience. Cette limitation de la production de données s’applique également à nous : en tant que consommateurs, nous pouvons faire des gestes très simples tels que réduire la qualité de nos vidéos, éteindre notre modem. Ce sont des gestes très simples mais qui permettent également de limiter cet impact de la production d’électricité autour de notre activité internet.
Et puis la question de la modération de nos usages numériques et de l’impact écologique du numérique, je pense, n’échappera pas à des débats, ne permettra pas de faire l’économie d’un débat sur les modèles économiques d’Internet qui, aujourd’hui, favorisent la gratuité, qui permettent, qui créent une forme de simili-gratuité qui est, bien évidemment, une fausse gratuité qui génère une surconsommation de nos outils.
Je pense qu’on ne fera pas l’économie d’un débat sur la question de la priorisation de nos usages d’Internet. Aujourd’hui il n’a pas de hiérarchie des usages, ça s’appelle la neutralité du Web [1], mais je pense que cette question va être ouverte à l’avenir.
Nous allons peut-être être rattrapés par ces enjeux de « sobriété numérique », entre guillemets, même si je suis un peu mal à l’aise avec le mot de sobriété quand il est question de numérique, mais nous serons peut-être rattrapés par ce sujet parce que notre santé mentale, notre santé physique, la protection de la démocratie, la protection de l’environnement sont des valeurs qui, dans les prochaines années, vont nous paraître plus importantes que le fait de pouvoir surfer toujours davantage sur les réseaux sociaux, être dans le métavers [2] ou encore avoir la dernière version de je ne sais quel iPhone. Ce sont des valeurs qui sont peut-être au-devant de nous comme des facteurs limitants, auto-limitants à notre production de données, à notre consommation numérique et qui œuvreront pour un numérique plus responsable, je l’espère en tout cas. Bonne session. Merci de m’avoir écouté. À bientôt.
Thibault Lieurade : Cette vidéo constitue, Julien tu ne vas pas me contredire, une excellente introduction. Elle aborde beaucoup de points qu’on va développer. Il y a tout d’abord cette phrase, je voudrais te faire réagir à cette phrase, Julien, que dit Guillaume Pitron : « Il n’y a rien de virtuel dans le numérique » .
Julien Pillot : Je vais réagir à la phrase, Thibault, mais, avant toute chose, je voudrais déjà vous remercier d’être présents et présentes aussi nombreux et nombreuses aujourd’hui pour venir nous écouter. Preuve que la question du numérique et de l’économie qu’il génère, mais également, peut-être, le côté sombre de cette économie sur le plan de l’impact écologique, énergétique, intéresse de plus en plus de monde. Je suis très content d’être de nouveau parmi vous et devant vous aujourd’hui pour aborder cette thématique.
Effectivement, Thibault, il n’y a rien de virtuel dans le numérique. Il y a un terme que je proscris dans l’ensemble des cours que je peux donner, l’ensemble des conférences que je peux donner, c’est le terme de « dématérialisation ». Dématérialisation, c’est un terme pour nous faire croire que, derrière le numérique, tout est dans le nuage, c’est super, c’est génial. Sauf qu’en fait non ! Le numérique repose sur de la re-matérialisation, énormément de matérialisation, pour pouvoir concrétiser tout ce dont on a besoin, pour faire du numérique, c’est-à-dire à la fois des terminaux, des objets connectés, des smartphones, des ordinateurs, des réseaux pour pouvoir les mettre en connexion, qu’ils soient réseaux physiques ou réseaux mobiles, et puis c’est également beaucoup d’énergie pour pouvoir faire tous les usages numériques auxquels nous sommes de plus en plus accoutumés. Il est temps de se désintoxiquer. Si j’ai appelé cette session du jour « Le temps de la désintoxication » c’est parce que je n’ignore rien de la face sombre du numérique. Il y a effectivement, derrière, le numérique énormément de matériel.
Prenez un objet du quotidien, par exemple le smartphone : 25 % de ses composants sont des métaux. On trouve tout un tas de métaux dans les smartphones, on trouve du gallium, du tantale, du nickel, du cobalt, du cuivre, de l’or. Ces métaux sont présents en toutes petites quantités, ce sont des grammes, en fait, mis bout à bout ce sont des grammes, sauf qu’on produit de milliards de smartphones, on produit aussi des milliards d’ordinateurs, peut-être pas des milliards, en tout cas des milliers de serveurs cloud et tout cela est très consommateur en métaux.
C’est là que l’économiste doit faire l’effort de dialoguer avec d’autres disciplines que sa discipline pour pouvoir comprendre un petit peu ce qui se passe au niveau de la géologie. On va donc écouter des géologues, notamment Aurore Stephant [3] que j’aurais bien voulu avoir aujourd’hui parmi nous, qui aurait expliqué ça beaucoup mieux que moi, pour comprendre, finalement, quel est l’impact de l’extraction des métaux dont on a besoin pour notre numérique. Eh bien ça fait froid dans le dos, croyez-moi !
Comprenez déjà que les mines c’est 8 à 10 % de la consommation énergétique mondiale et c’est 4 à 7 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Pour aller creuser toujours plus profondément des trous dans le sol pour trouver les métaux dont on a besoin pour nos usages industriels mais aussi numériques, voilà ce qu’il en coûte en matière info-énergétique, mais également en matière de pollution. Mais ce n’est pas tout ! Je vais prendre un métal parmi d’autres pour expliquer un petit peu mon propos et l’illustrer, prenons l’or. Pour une mine d’or de taille moyenne, l’énergie nécessaire pour extraire l’or c’est environ, on va dire, 30 000 foyers français, qui sont déjà très consommateurs d’énergie, par an. La dernière fois que j’ai regardé les chiffres, 2015, il y avait 400 mines d’or officielles. En fait, avec ces 400 mines d’or vous alimentez en énergie, pendant un an, 12 millions de foyers français. Je ne parle que de l’or. Il faut ajouter, à côté, toutes les autres industries extractives, même au-delà de la mine, parce qu’on pourrait parler du gaz et du pétrole. Ce n’est pas tout. Est-ce que vous savez, lorsque l’on extrait, lorsqu’on détruit une tonne de roche, quelle est la quantité d’or qu’on arrive à extraire ? Thibault, est-ce que tu sais ça ?
Thibault Lieurade : Aucune idée.
Julien Pillot : Pareil ça va vous donner le vertige. Le rendement énergétique de l’or est absolument catastrophique : pour pouvoir extraire un gramme d’or, il faut détruire une tonne de roche ; un gramme d’or, une tonne de roche ! Extraire cette roche a nécessité énormément d’énergie. Je passe évidemment sur les drames humains, mais on pourrait éventuellement en reparler. Il a fallu beaucoup d’énergie. L’énergie qu’on utilise pour pouvoir extraire cet or et ces métaux ce n’est pas de l’énergie renouvelable, c’est de l’énergie carbonée, la plupart du temps c’est du charbon ou du gaz naturel, qui n’a d’ailleurs de naturel que le nom ! Et puis, pour l’instant, cet or est sous forme de paillettes, parfois d’atomes, donc il a besoin d’être amalgamé, c’est le terme technique, donc on va utiliser beaucoup de cyanure, éventuellement du mercure, maintenant c’est beaucoup plus du cyanure. Il va y avoir un gros processus de cyanuration, donc beaucoup de chimie qu’on injecte pour pouvoir faire un usage industriel, pratique, de cet or. Ce cyanure, derrière, peut évidemment causer des dégâts écologiques absolument dramatiques.
C’est donc un petit peu tout ça la face cachée du numérique : c’est l’énergie et la pollution qui est occasionnée par une extraction de plus en plus intensive de métaux dont on a besoin pour tous nos équipements numériques, mais également pour alimenter en énergie tout ce grand cirque-là.
Voilà ! Il est peut-être temps de se désintoxiquer, parce que le simple fait d’utiliser de façon massive les outils numériques et les services auxquels on nous accoutume a un impact écologique et environnemental très fort sur l’amont de la filière.
Thibault Lieurade : Merci Julien pour ce panorama pas forcément très réjouissant.
Asma, tu avais publié un article sur The Conversation, il y a quelque temps, intitulé « Les services des GAFAM sont devenus une commodité indispensable » [4]. N’est-on pas là dans une impasse avec, d’un côté, tous les impacts décrits par Julien et puis cet aspect demande qui, finalement, ne semble pas vouloir renoncer à tous les services que lui offre le numérique aujourd’hui ?
Asma Mhalla : Merci Thibault.
Pour répondre, j’aimerais simplement vous réexpliquer très brièvement, puisqu’on a un public de jeunes – étudiants, lycéens – et que ce sont des notions qui ne sont pas forcément très connues.
Oui, l’économie numérique est tout sauf virtuelle, c’est une réalité, mais c’est un tout petit peu plus compliqué que ça. Pour vous expliquer cette chose qui est fondamentale, il faut que je refasse un petit détour par la définition de ce qu’est le cyberespace ; en réalité c’est ce dont il s’agit et ça va me permettre de répondre à ta question.
Le cyberespace, vraiment la structure, l’architecture globale de ce qu’on appelle l’Internet mondialisé, réseau global, interconnecté, etc., en tout cas c’était l’utopie initiale, l’architecture initiale de cette infrastructure aujourd’hui absolument essentielle et qui est le socle de l’économie du 21e siècle. Et c’est là où on va avoir une petite contradiction, un petit paradoxe à dépasser.
Le cyberespace a une première couche qui, elle, est fondamentalement physique et ce ne sont pas que vos devices, ce ne sont pas que les smartphones qui sont extrêmement consommateurs, ce sont aussi les câbles sous-marins, ce sont aussi les satellites, ce sont aussi les datacenters, c’est aussi tout ce qui va servir à construire ça, et aujourd’hui on a une bataille géopolitique énorme autour de ça. Vous avez sans doute entendu parler des semi-conducteurs qui donnent lieu à une espèce de guerre géopolitique ou de techno-guerre entre les États-Unis et la Chine notamment.
Tout ça est très compliqué parce que, à la fois, vous avez cette première couche physique qui est l’objet d’enjeux géopolitiques et d’une politisation de l’économie, c’est de la géoéconomie, et vous avez ensuite, je vous épargne tous les détails, la couche finale du cyberespace, celle que vous, vous voyez, c’est-à-dire vos usages : les applications, les applicatifs, les réseaux sociaux, vos achats en ligne, les nôtres, etc. Et tout ça est, en réalité, interdépendant et imbriqué et l’un ne peut pas aller sans l’autre.
Quand je parlais d’accoutumance des usages, c’était aussi un tout petit peu dans les prémisses de cette réflexion-là, c’est-à-dire qu’au-delà de la question des Big Tech ou des GAFAM, l’économie mondiale est basée aujourd’hui sur l’économie de la donnée parce que c’est là où se crée la valeur économique, et non seulement la valeur économique, mais une valeur économique qui est militarisée dans un champ géopolitique où la tech est un enjeu.
Et là on a un petit problème. On a cette schizophrénie du système où, à la fois, on a une injonction écologique réelle et, en même temps, les États se livrent une guerre d’hégémonie parce que la technologie ou la maîtrise, le contrôle de la technologie, c’est en réalité le contrôle demain du monde, parce que vous y incorporez de la norme, donc de l’idéologie, donc votre vision du monde et, à partir de là, on a une inflation disons techniciste du sujet. Et c’est là où on a une réflexion fondamentale globale et j’en finirai peut-être là.
Tout à l’heure je vous ai expliqué le cyberespace, réseau interconnecté mondial. On observe depuis quelque temps, en réalité depuis des années mais qui subit une accélération depuis quelques mois, c’est la fragmentation de ce cyberespace en autant de blocs idéologiques géopolitiques. On a la Russie qui se déconnecte progressivement, la Chine qui s’était déjà déconnectée, l’Iran, et puis le camp occidental.
Les régimes autoritaires, dans leurs stratégies technologiques, préemptent assez peu le sujet de la sobriété ; les enjeux, pour eux, sont ailleurs, hormis un tout petit peu la Chine qui, lors du dernier Congrès, a développé un début de réflexion sur la question. Et puis vous avez nous, le camp occidental. La question, pour nous démocraties qui parlons d’État de droit et de démocratie, est : que fait-on ?, parce que j’ai l’impression qu’on en parle beaucoup, mais j’ai l’impression qu’on fait encore assez peu. Et ça peut être une ligne de clivage et de démarcation idéologique justement.
Thibault Lieurade : Merci Asma.
Raphaël Guastavi, vous nous rejoignez en visioconférence. Je voudrais vous faire réagir à un point de la vidéo de Guillaume Pitron. Il disait qu’il est mal à l’aise avec le terme de « sobriété ». Qu’en pensez-vous ? Comment définiriez-vous la sobriété ?
Raphaël Guastavi : Bonjour à tous. Désolé de ne pas pouvoir être présent avec vous ce matin pour des raisons de difficultés de transport.
Il ne faut pas être mal à l’aise avec le sujet de la sobriété. Je pense qu’aujourd’hui c’est quelque chose qui commence à être compris et qui ne doit pas être un sujet qui fait peur. La sobriété est aujourd’hui obligatoire pour pouvoir continuer à vivre correctement, notamment vis-à-vis des limites planétaires.
Pour nous le sujet de la sobriété, déjà de façon générale, est une réflexion qui doit être individuelle et collective, basée sur l’expression des besoins et questionner les besoins réels par rapport à différents sujets autour de l’usage des produits et des services, en l’occurrence des services numériques, avec un objectif d’équité, un objectif d’intérêt général, qui doit permettre de développer des démarches qui permettront de concevoir différemment, de fabriquer différemment, d’utiliser des équipements et des services de façon plus réfléchie, donc répondre à un besoin qui doit être dicté à la fois par des besoins sociaux, fondamentaux évidemment, et ce sujet des limites planétaires. Pour cela, il est important de connaître – c’est ce que Guillaume Pitron met en avant dans ses différents ouvrages, c’est ce que nous mettons en avant dans nos différentes études – les impacts des systèmes pour pouvoir aller, après, sur cette réflexion de sobriété et de conception différente des différents produits et services.
Thibault Lieurade : Justement, est-ce que vous pouvez nous dire deux mots sur les études de l’Ademe [Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie] qui montrent que le numérique est le domaine où le consommateur refuse de regarder la réalité en face, quelque part, de son impact, du moins où il le réalise moins ?
Raphaël Guastavi : C’est ça, c’est surtout qu’il le réalise moins, ça a été dit, c’est éviter le terme « dématérialisation » là où, justement, tous les services reposent avant tout sur du matériel. Rappeler que tout ce qui est service sur des datacenters, des clouds, c’est très poétique, on a effectivement l’impression qu’on est sur un nuage très vaporeux et qui n’a que très peu d’impact alors qu’en réalité tout repose sur du matériel qui se multiplie ; là, effectivement, le problème ce n’est pas seulement l’empreinte actuelle, mais c’est l’empreinte future si ce sujet de la sobriété et de la plus grande efficacité n’est pas mis en œuvre.
Aujourd’hui, ça a été dit, l’empreinte carbone liée aux services numériques, en France, représente 2,5 % de notre empreinte carbone, ce sont 17 millions de tonnes de CO2 équivalent, avec, comme principal impact, celui lié à tout ce qui est équipement, donc les terminaux utilisateurs, que ce soit les téléviseurs qui sont finalement aujourd’hui des objets connectés, les smartphones ou les ordinateurs, c’est 80 % de la partie émissions de gaz à effet de serre ; les centres de données ça représente à peu près 15 % et la partie réseau qui est activée, soit des réseaux mobiles soit des réseaux fixes, représente à peu près 5 % de la partie carbonée de ces services numériques ; 10 % de la consommation électrique française, ça a aussi été dit, et ce qu’on ne voit pas et encore moins, lié justement à toute cette partie extraction, là aussi ça a été évoqué, toute cette partie matérielle représente finalement à peu près une tonne par an et par habitant en France, donc une tonne par an et par habitant liée à l’usage de nos services numériques. Si on le met en chiffres, donc en ressources, ce sont 62 millions de tonnes de ressources qui sont déplacées annuellement juste pour pouvoir, finalement, accéder à tous nos services et à tous nos équipements.
Ce sont des impacts qui sont réels, qui sont invisibles, évidemment, mais qui ont des impacts partout sur la planète et sur l’ensemble du cycle de vie de l’ensemble des équipements nécessaires.
Thibault Lieurade : Et tous ces chiffres sont sur une tendance à la hausse.
Asma, tu voulais réagir, peut-être, sur ce problème de langage. On s’aperçoit qu’on est, quelque part, trompés par le langage.
Asma Mhalla : Je veux réagir parce que, pardon, je sens où est-ce qu’on est en train d’emmener la discussion, qui est très juste et qui est fondamental, mais j’aimerais simplement apporter quelques éléments d’équilibre.
La première chose c’est que oui, évidemment, il y a une responsabilité individuelle, sans doute, certes, sur l’obsolescence, aller sur Back Market, etc., c’est bien ! Mais ce que j’essaie de pointer depuis tout à l’heure c’est que c’est une question systémique, politique fondamentalement. Donc ce n’est pas simplement à faire porter sur la responsabilité individuelle dans une espèce de logique néolibérale supplémentaire d’injonctions où on va, tout d’un coup, avoir des pailles en bambou ; ce n’est pas le sujet, je pense qu’on se tromperait de débat. Le débat est de se demander quel est le nouveau contrat social, quel est le nouveau mécanisme, quel est le nouveau modèle politique qu’on va construire non pas contre la technologie, mais avec la technologie. Et c’est là où j’aimerais équilibrer les choses.
Deux éléments très rapides.
Le premier c’est que les technos, oui les GAFAM, les usages, la captation de la donnée parce que ça crée de la valeur, parce que ça participe aussi à la surveillance globale, massive, etc., qui est aussi un enjeu sécuritaire, donc attention à remettre à plat les enjeux politiques et idéologiques sous-jacents à ce qui est en train de se jouer. Et si on n’a pas détricoté, si on n’a pas visibilisé ces mécanismes, on pourra parler d’obsolescence et de la techno qui pollue, on ne résoudra, on ne crackera pas le problème. C’est la première chose. Il y a donc une prise de conscience générale de l’ensemble du système qui est derrière, du système politique qui est derrière. C’est le premier élément.
Le deuxième élément, qui est beaucoup plus positif, c’est que la techno est un peu un pharmakon comme dirait Bernard Stiegler [5], c’est-à-dire que c’est à la fois le poison et le remède. On a beaucoup parlé du poison, ça peut être aussi un remède. Typiquement, aujourd’hui, on a des indicateurs de mesure, on a des algorithmes, on a des plateformes qui permettent de capter, de mesurer pour ajuster les usages, la consommation énergétique, etc. Et j’en veux pour preuve qu’en France, dans certains territoires qui sont en train de travailler leur feuille de route de territoire intelligent, en gros les smart cities, on assiste à une éclosion, à une émergence aujourd’hui de territoires, d’agglomérations, qui veulent développer leur stratégie de territoire zéro carbone, de décarbonation, avec la techno, c’est-à-dire la mesure en temps réel des usages pour les réajuster en fonction de leur territoire, etc. Donc la techno, en fonction du projet politique dans lequel on va la mettre, au service duquel on va la mettre, pourra à la fois servir le pire comme elle pourra servir aussi, non pas le meilleur, en tout cas une forme de correction des dérives.
Thibault Lieurade : Merci Asma.
Julien, on a parlé du consommateur, on a parlé du politique. Il y a un autre ensemble dont on n’a pas parlé dans tout ce système imbriqué, interdépendant, comme l’a dit Asma, c’est l’entreprise, très simplement. Quelle est sa part de responsabilité dans les difficultés à basculer dans cette désintoxication numérique ?
Julien Pillot : C’est là que je vais reprendre ma casquette d’économiste, que j’avais un petit peu laissé tomber tout à l’heure, pour parler de ce qui se passe sur l’amont de la filière et faire état de l’état de l’art de ce qui se passe en géologie.
Puisque tu abordes le cas de l’entreprise, et pour rebondir sur ce que vient de dire très justement Asma, il faut comprendre que l’entreprise est un lieu de transformation qui consiste, finalement, à créer quelque chose, un bien ou un service, qui réponde à un besoin. Il faut essayer de voir si, finalement, les besoins auxquels les entreprises répondent sont des besoins qui sont proportionnés par rapport à l’impact que ces entreprises peuvent avoir dans l’activité de transformation sur l’environnement et sur la société.
Je voudrais prendre trois exemples très rapides pour essayer de faire une espèce de petit bilan et essayer d’en tirer quelques grandes règles.
Je vais prendre un premier exemple qui est AlphaGo [6]. Vous n’en avez peut-être pas entendu parler, c’est une intelligence artificielle qui est, aujourd’hui, capable de battre tout simplement le meilleur joueur de go du monde qui s’appelle Ke Jie. AlphaGo est une intelligence artificielle très performante, mais, pour ne faire qu’une seule chose, elle ne sait faire qu’une seule chose, jouer au go. C’est peut-être super génial de jouer au go, je ne dis pas le contraire, mais c’est quand même assez limité comme usage. Pour pouvoir alimenter AlphaGo en énergie, on a besoin de 440 kilowatts-heure. Ke Jie, qui est le meilleur joueur humain – qui est peut-être un petit moins fort qu’AlphaGo pour jouer au go, mais qui joue quand même très bien – a juste besoin de son cerveau et son cerveau c’est à peu près 20 watts-heure ; 20 watts-heure versus 440 kilowatts-heure.
Je ne suis pas en train de dire qu’il faut débrancher AlphaGo, ce n’est pas ça, AlphaGo peut avoir, dans ses déclinaisons, tout un tas d’inputs dans la recherche fondamentale qui peuvent répondre à des besoins qui sont réellement intéressants dans le cas d’un projet de société qui va vers la modération de celle-ci. Il y aura peut-être des déclinaisons dans la santé, par exemple dans la thérapie génique, ce genre de choses. Il ne s’agit pas du tout d’avoir un principe de précaution qui consisterait à arrêter ce genre de chose.
Par contre, regardez le nombre d’entreprises qui, aujourd’hui, pour pouvoir juste pousser à un renouvellement d’équipements qui ne sont pas arrivés en bout de course, connectent en fait ces éléments : la brosse à dents connectée, la machine à café connectée, le frigo connecté, on en a vraiment besoin ? La connectivité que l’on met derrière ces outils est une connectivité qui n’est là que pour pousser à de la consommation excédentaire. Est-ce qu’il y a un besoin lié proportionnel à l’impact écologique et social du numérique ?
Un deuxième exemple, que j’aime beaucoup, ce sont les mails, j’en parlais avec Asma juste avant que la session commence. Les mails c’est super, ça a effectivement permis d’empêcher le transit de tout un tas de courriers en mode papier, qui passent, en plus, par des véhicules, parfois par des avions qui sont très émetteurs de gaz à effet de serre ; c’est super, c’est génial. Le problème c’est qu’on envoie des mails pour tout et n’importe quoi et, en plus, on ne sait pas gérer ces mails individuellement comme collectivement. Du coup ils s’entassent, ce sont des milliards et des milliards de mails qui souvent, en plus de ça, ont des pièces jointes incorporées, qui sont stockés dans des serveurs, un petit peu partout dans le monde, absolument énergivores.
Plutôt que de prendre le temps pour essayer de comprendre comment on peut modifier nos comportements pour qu’on émette moins de mails et surtout qu’on les trie mieux, eh bien non !, on a demandé à d’autres entreprises de technologie de venir calquer de la technologie par-dessus de la technologie qu’on maîtrise déjà très mal. On a demandé à des boîtes comme IBM de faire des solutions d’intelligence artificielle comme Watson [7], qui sont aussi très consommatrices d’énergie, pour nous aider à gérer une technologie qu’on utilise de façon complètement disproportionnée, sans prendre en compte tous les impacts écologiques en amont.
Un troisième exemple que j’aime beaucoup c’est Netflix. Beaucoup de personnes ici, je pense, sont des consommateurs de vidéos streamées, ça peut être par Nextflix, Dysney+, Amazon Prime Vidéo ; les reals ou les stories que vous faites sur Insta, c’est la même chose en fait.
Le streaming a permis effectivement une dématérialisation – j’emploie ce terme que je déteste – de choses que l’on pressait initialement sur des choses qu’on appelait des VHS, des DVD et des Blu-ray. Des études plus qu’économiques, pluridisciplinaires, ont démontré qu’un film en version numérique émet effectivement moins de pollution que le film en format dématérialisé, en tout cas numérisé. Le problème c’est qu’on a créé des systèmes d’incitation économique, dans des business modèles qui poussent à la surconsommation à la fois de films, de séries, mais également de vidéos très courtes qu’on a sur TikTok, Instagram, etc. C’est cette surconsommation, en fait, qui est corrélée à un business modèle qui permet, derrière, de surconsommer, parce qu’on vend de l’illimité, parce que, ce qui compte, c’est de capter votre attention le plus longtemps possible sur ce service-là, parce que, pendant que vous consommez ce service-là, non seulement vous générez de la donnée, Asma en a parlé tout à l’heure, la donnée qui est le kérosène de l’économie de ces entreprises numériques aujourd’hui, mais, en plus, pendant que vous êtes sur ces services-là vous n’êtes pas sur les services concurrents, vous n’êtes pas en train de faire autre chose ; vous consommez du contenu et vous générez de la donnée, donc de la valeur pour ces entreprises-là.
C’est cette surconsommation qui fait que, in fine, le streaming émet infiniment plus d’externalités négatives, que ce soit en matière de consommation énergétique, mais en amont aussi, j’y reviens toujours, de métaux, que l’industrie physique qui, antan, le remplaçait d’une certaine façon.
Donc on a vraiment un problème d’adéquation entre les objectifs d’entreprises qui ont des choses à vendre et des consommateurs qui, parfois, ne connaissent pas l’impact réel de leurs usages auxquels ils sont très fortement incités par les entreprises qui ont des choses à vendre. Et, au milieu de tout ça, un impact global de ces solutions à la fois sur le plan économique, certes, parce que ça crée de l’emploi, ça crée de la valeur, mais également sur le plan environnemental et humain.
Thibault Lieurade : Asma, il y a un instant, tu parlais de choix politiques. Est-ce qu’ils ne sont pas là justement, dans ce qu’évoque Julien, les choix politiques des États qui, finalement, « interdiraient », avec des gros guillemets, des business modèles qui pousseraient vers la surconsommation ? Est-ce que c’est possible ? Est-ce que ce n’est pas un peu utopique quand on voit le poids d’un Facebook par rapport à un État, grand ou petit ? Beaucoup de questions dans ce que je viens de dire.
Asma Mhalla : Beaucoup de questions.
Je ne vais pas résoudre les problèmes du monde en cinq minutes, c’est compliqué, mais simplement parler dans le sens de ce que dit Julien, parce que ce qu’il souligne est fondamental et très juste sur les modèles économiques de la data, léconomie de la donnée ; j’irai encore plus loin avec le fameux métavers [2]ou les métavers. Et là, pareil, ce n’est jamais questionné, interrogé, c’est pris comme étant une réalité en soi, pour soi, et ça interroge quoi, ça nous fait poser quelle question ? La question de l’innovation comme fin en soi. Or, à la base, initialement, l’innovation n’était pas une fin en soi, c’était un moyen pour autre chose. Pour quoi ? Pour le progrès social, pour le progrès de la connaissance, pour une forme de justice sociale d’accès à un certain nombre de services fondamentaux – l’éducation, la santé, etc. Le problème, ce qui s’est transformé au fur et à mesure, c’est que cette innovation est devenue une espèce de course sans fin où tout le monde se suit, se tient par la barbichette, États et plateformes compris, pris eux-mêmes, imbriqués les uns avec les autres dans ce que je l’appelle les nouvelles formes de pouvoir qu’on voit à l’aune de la technologie et, en particulier, du numérique.
Je suis désolée de vous dire que si on ne met pas à plat la question de quel est le système, quel est le modèle politique qu’on a envie de reconstruire dans un monde qui est en crise, dans un monde qui est très instable, on continuera à entrer dans le mur et pourtant on connaît la solution. Pourquoi ? Pour une raison très simple, ce n’est pas que nous sommes fous, ce n’est pas que nous sommes malades, ce n’est pas que nous sommes complètement inconscients, c’est parce qu’on priorise. La realpolitik oblige les États à prioriser aujourd’hui des enjeux immédiats de sécurité, de sécurité des frontières, de souveraineté, dans un monde géopolitique qui est en train de se fragmenter, de se fracasser, où on a la guerre qui vient sur le sol et les sujets sont absolument liés ; je ne suis pas en train de vous faire une espèce d’entre parenthèses ou d’aparté, c’est lié. On a besoin de la technologie pour des enjeux beaucoup plus immédiats qu’un enjeu qui arrive aujourd’hui et qui est un tout petit peu plus secondaire, pardon de le dire, en tout cas dans les feuilles de route politiques actuelles, qui est la question de la sobriété numérique.
Simplement pour paraphraser Jancovici, parce que j’aime beaucoup sa formule, « sobriété, c’est le contraire de quoi ? C’est le contraire de l’ivresse ou de l’ébriété. Et c’est de se demander c’est l’ivresse de quoi ? De quoi a-t-on été ivres jusque-là, nous tous collectivement ? » Quand je dis collectivement, ce sont nos systèmes, nous imbriqués dans ces systèmes, ce n’est pas juste nous, individuellement, face à notre Nespresso ou notre frigo. C’est vraiment une question collective et c’est ça qu’on tend à perdre. C’est pour ça que des formats comme ceux de ce matin sont fondamentaux : rouvrir des débats publics, des espaces de discussion où chacun peut se réapproprier ces enjeux-là.
Mais je n’ai pas de formule magique à cette question, parce que je pense que c’est une question de priorisation et de realpolitik.
Thibault Lieurade : De priorisation. Par exemple, dans les usages, on pourrait dire qu’on va consacrer cette énergie à des intelligences artificielles qui aident à diagnostiquer le cancer, par contre messieurs-dames les brosses à dent connectées, merci, au revoir.
Asma Mhalla : Exactement. Pour matérialiser ce que je suis en train de dire de façon un peu plus, disons, solide. Quand votre bloc occidental est mis à mal par des régimes qui sont en train de le chahuter et que la technologie est un instrument d’hégémonie, est un instrument de pouvoir, de puissance et d’influence, on ne peut pas, aujourd’hui, débrayer ; c’est assez simple ! On ne peut pas débrayer sinon on est déclassés !
Thibault Lieurade : Tu penses à la Chine ?
Asma Mhalla : Je pense à la Chine, je pense à la Russie sur la question des réseaux sociaux, de la guerre informationnelle, des cyberattaques, etc., or tout ça est consommateur. On est dans cette espèce de contradiction et de paradoxe où, à la fois, on doit débrayer mais dans un monde où on doit accélérer par ailleurs. Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Ce n’est pas du tout évident comme question.
Thibault Lieurade : Je vais repasser la parole à Raphaël. Raphaël, comment est-ce qu’on accélère aujourd’hui cette sobriété étant donné la taille des enjeux ? On attrape là l’ensemble du système et ce, à un niveau mondial, avec des États pas forcément coopératifs. Pour revenir, peut-être, à quelque chose de moins général, quels sont les prochains sujets que vous avez identifiés à l’Ademe, sur lesquels vous travaillez, ces sujets qui permettraient d’accélérer cette sobriété ?
Raphaël Guastavi : Juste, peut-être, en réaction. Déjà je me rends compte combien c’est difficile d’être en format hybride, que c’est certainement aussi une des limites des technologies. Ça aurait été bien plus efficace d’être avec vous aujourd’hui dans le débat.
J’ai entendu parler d’innovation et c’est vrai que nous sommes dans une innovation permanente sur le numérique, que ce soit sur les usages ou sur le matériel. Cette innovation permanente rend vraiment compliqué, aujourd’hui, ce principe de sobriété, avec des questions qui sont effectivement géopolitiques, je partage complètement, et une place de l’Europe qui reste difficile à définir, coincée un peu entre une puissance américaine, les États-Unis, qui a bien compris la valeur de la donnée : capter effectivement cette richesse de la donnée et faire en sorte que nous soyons les produits au travers de la production de données. Et, d’un autre côté, toute la partie ressources matérielles qui est clairement positionnée plutôt côté asiatique avec, à la fois, cette recherche d’être, et c’est le cas, l’usine du monde, mais aussi d’avoir la mainmise sur les principales ressources, notamment minérales, qui sont situées en Asie, mais aussi avec l’achat de terrains et de mines qui sont situées en Afrique ou en Amérique du Sud. Quelle est la place de l’Europe entre ces deux grands blocs et le besoin de commencer à travailler effectivement sur le sujet de la souveraineté ?
Cela a commencé justement en essayant de rapatrier les données des Européens, qu’elles puissent être stockées sur le sol européen. De la même façon lancer des grands travaux d’industrialisation pour construire des semi-conducteurs, d’ailleurs c’est ce que font aussi les États-Unis. On est encore dans l’accélération à la fois de la production de données, de la production de matériels, ce qui va à l’encontre de ces principes de sobriété.
Je pense que nous avons été vraiment biberonnés aux principes d’une énergie abondante, peu chère et de la même façon, à ne pas se poser de questions sur les limites planétaires en termes de ressources. Ça impose, quand même, de travailler sur ce sujet de la sobriété.
De façon simple, comme aujourd’hui, c’est effectivement ouvrir le débat, sensibiliser, faire comprendre, faire connaître l’ensemble de ces impacts ;
faire prendre conscience des limites qu’on a par rapport à cette très grande débauche d’énergie et de ressources ;
travailler sur le développement d’outils, j’ai entendu parler d’outils de mesure des impacts, là aussi il y a énormément de progrès à faire en termes de mesures plus fines et plus régulières, récurrentes, des impacts environnementaux ; là aussi on a une grande multiplicité et hétérogénéité des méthodes et des mesures, il faudrait pouvoir avoir quelque chose de plus normé, de plus fiable pour aller, après, vers des principes d’écoconception. Évidemment nous n’allons pas, nous en tant que consommateurs, écoconcevoir des produits ; il s’agit bien d’engager l’ensemble des émetteurs d’équipements sur le marché pour aller sur des principes d’écoconception, de durabilité, de modularité, de réparabilité des équipements, les faire durer le plus longtemps possible et travailler sur les usages.
Je l’ai dit tout à l’heure dans ma définition de la sobriété, c’est effectivement bien regarder quels sont les besoins fondamentaux pour pouvoir se concentrer sur ces usages en particulier.
Vous me posiez la question de quelle suite au niveau Ademe, Agence de la transition écologique. On souhaite travailler sur des sujets qui sont précis et qui sont, pour l’instant, peu documentés, par exemple l’impact des blockchains, la question du cloud gaming qui monte aussi en puissance, qui représente, mine de rien, beaucoup de données, mais aussi des sujets autour de l’impression 3D et faire en sorte de pouvoir avoir plus de capacités de faire de la réparation, toujours dans cette optique d’augmenter la durée d’usage des produits.
On va publier, dans les semaines qui viennent, une étude sur la digitalisation des biens culturels [8], ça a été évoqué, notamment regarder quels sont les impacts de solutions type streaming vidéo ou audio versus un CD ou un DVD, donc là aussi, pouvoir en tirer des conclusions en termes d’amélioration des systèmes. On travaille avec des grands distributeurs de contenus que ce soit, par exemple, Canal Plus ou d’autres sur des projets de recherche pour diminuer les impacts.
Bien sûr, derrière, il y a toujours cette question d’attention à l’efficacité qui peut engendrer des effets rebonds et là où on a un système plus efficace, si on s’en sert plus en valeur absolue, on risque d’avoir globalement plus d’impact environnemental. D’où ce sujet qui n’est pas seulement d’efficacité mais qui parle de prévention, si on ne veut pas utiliser le terme sobriété, en tout cas être surtout sur ces modifications plus profondes des systèmes.
Thibault Lieurade : Merci beaucoup Raphaël.
On voit que le débat avance, la réflexion avance, la recherche avance, les entreprises s’associent. Néanmoins, Julien, je voudrais quand même qu’on considère l’hypothèse où on n’arriverait pas à bifurquer, pas suffisamment. Quel est le risque si on n’arrive pas à bifurquer suffisamment ?
Julien Pillot : Super sympa ! Tu me tends un piège !
Je suis content que tu parles de bifurcation parce que c’était le thème du Printemps de l’économie de l’an dernier et ça fait écho, quelque part, à deux choses qu’ont dites à la fois Asma et Raphaël, la question de l’accélération actuelle vers toujours plus d’usages pour des raisons politiques, mais également des raisons économiques sur lesquelles on a déjà discuté, et Asma a emploiyé le terme de débrayer. Peut-être que si on n’est pas capable de bifurquer parce qu’on a ce qu’on appelle en économie une espèce de dépendance au sentier, peut-être qu’il s’agit juste de ralentir sans renoncer forcément à tout et certainement pas à l’essentiel.
Peut-être que la question du débrayage est intéressante. Pourquoi ? Si on reste sur la même trajectoire, si je dois faire un peu de prospective – je vais peut-être un peu casser l’ambiance – on a quand même un souci. En fait, ce qu’on observe sur le numérique au fur et à mesure où il se propage à l’échelle de la planète, au fur et à mesure où on en comprend, on en mesure mieux les impacts, les impacts environnementaux mais aussi énergétiques, on se rend compte que les besoins énergétiques dédiés au numérique augmentent plus vite que notre capacité à créer de l’énergie et, encore plus fort, augmentent plus vite que notre capacité à créer de l’énergie propre, décarbonée. On a quand même un vrai problème de réchauffement climatique aujourd’hui et, si on ne s’y attaque pas de front, on nous prédit globalement un avenir très sombre et ce, peu importe la région du globe dans laquelle on vit.
On a donc une espèce d’effet ciseau qui est en train de se matérialiser. On a des besoins en numérique qui augmentent, on a de plus en plus d’entreprises qui ont des incitations très fortes à nous vendre des services numériques et à nous rendre captifs de ces services pour qu’on les utilise toujours davantage, le problème c’est qu’ils sont consommateurs d’énergie.
Je veux dire, encore fois, l’impact métallique du numérique, parce que le métal dont on a besoin pour nos smartphones, nos ordinateurs, nos télévisions, etc., nos objets connectés, on en trouve dans des quantités encore plus importantes dans les éoliennes ou dans les panneaux photovoltaïques dont on a besoin pour faire de l’énergie propre. Là il y a un petit effet Shadoks, je vous laisse méditer là-dessus, c’est quand même assez intéressant.
Donc, in fine, si on ne bifurque pas cette trajectoire et qu’on n’arrive pas à trouver les moyens d’obtenir des ressources en quantité suffisante pour créer de l’énergie et pour créer les objets numériques dont on a besoin, si on n’a pas les gains d’efficience que l’on espère, qu’est-ce qui va se passer à la sortie ? Je vous le donne en mille ! Des guerres, y compris militaires, pour l’approvisionnement en ressources et l’accaparation des ressources qui sont stratégiques.
Thibault Lieurade : On n’y est pas déjà ?
Julien Pillot : Joker !
Thibault Lieurade : Asma, est-ce qu’on est dans cette situation décrite par Julien ? Je tente ma chance !
Asma Mhalla : J’aime beaucoup son scénario parce que c’est à peine un scénario. Oui, évidemment, les guerres d’approvisionnement, l’Afrique est un enjeu, une partie de l’Europe et de l’Asie centrale sont un enjeu. Ce qui est en train de se passer actuellement entre les États-Unis et la Chine n’est pas du tout étranger à ça.
En début d’intervention j’évoquais la question des semis-conducteurs qui est aujourd’hui géostratégique, géo-économique, qui est absolument centrale dans ces questions-là, qui, en tout cas, les cristallise parfaitement.
Si tu es en train de me demander une dernière réaction, j’en terminerais peut-être sur ces quelques éléments de réflexion à vous soumettre. On parle beaucoup des GAFAM, de grands systèmes. Ce que je vois, qui est peut-être une intuition qui mérite d’être confirmée, validée ou infirmée, c’est qu’un des débrayages qu’il faudrait avoir est d’abord conceptuel, intellectuel. Plutôt se dire qu’on est dans des formes de gigantisme qui sont inspirées beaucoup par les modèles d’abord américains, ensuite chinois. L’Europe n’a cessé d’essayer suivre, sans jamais y arriver – l’Airbus de la tech –, on n’a jamais vraiment réussi, on n’a pas trouvé la formule pour plein de raisons qui ne sont pas le sujet d’aujourd’hui. Ce que je vois apparaître, qui peut être un signe d’espoir, ce sont des initiatives qui ne viennent certainement pas d’en haut, qui viennent d’en bas et qui viennent des territoires, dont on ne parle strictement jamais. Jamais ! Pourtant il s’y passe des choses, des réflexions, des initiatives, des projets, des envies, etc., dans des écosystèmes d’innovation locaux, avec des startups locales, avec l’équipe de chercheurs de la fac d’à côté, etc. – je pense par exemple à La Rochelle – et qui, en fait, font des choses à leur mesure, dans leur coin, dont personne ne s’occupe et dont personne ne parle, qui sont assez intéressantes.
Les territoires, avec vraiment leurs moyens, eux, font des choses sur lesquelles ça peut être assez utile de mettre un coup de projecteur, plutôt que d’être dans une espèce de course au gigantisme qui est, en réalité, perdue d’avance pour l’Europe, en plus sur un sujet qui est, pour le coup, global, mondial, interconnecté.
Tout à l’heure on le disait, il ne s’agit pas de se dire combien la France pollue, ce n’est pas la question ! Le sujet est mondial ! Si la France pollue à 2 % mais que la Chine et les États-Unis polluent eux à 70 %, so what !, peu importe ! À la fin des fins nous sommes tous embarqués dans la même galère.
Il y a une contradiction dans les termes, en tout cas quelque chose à dépasser, c’est pour ça que je disais que la responsabilité ne peut certainement pas être individuelle au regard des enjeux. Certainement pas !
Je terminerai juste toujours par cette tentative de rééquilibrage en disant qu’il se passe des choses dans les territoires, dont personne ne parle, et qu’il serait bon d’aller regarder et encourager.
Thibault Lieurade : Merci Asma. Merci Julien.
Je crois qu’il nous reste dix minutes, c’est le moment de vous passer la parole. Si vous avez des questions à nos intervenants, n’hésitez pas à lever la main. Je crois qu’il y a un micro qui est censé passer, mais peut-être qu’on peut essayer, si vous parlez bien fort, vous pouvez essayer.
Public : Bonjour. J’aimerais déjà vous remercier pour ce que vous avez présenté aujourd’hui. J’ai une question par rapport à ce que vous avez dit tout à l’heure : est-ce que vous pensez que la technologie, dans les années futures, va remplacer l’homme ?
Asma Mhalla : Merci. C’est une excellente question.
Non ! Heureusement ! On nous a beaucoup fait peur pendant très longtemps. Attention, quand vous lisez les médias mainstream, c’est toujours à prendre avec beaucoup de précautions. On a joué à se faire peur avec les intelligences artificielles, transhumanistes, augmentées, etc. D’un point de vue de la sophistication technique, algorithmique, on n’en est pas là, on n’est pas encore arrivé à ce point de singularité, on va dire, ça s’appelle comme ça, le point de singularité, le moment où ça bascule et les IA fortes prennent le contrôle. On n’y est pas, je ne sais pas si un jour on y sera, je ne l’espère pas.
La question est fondamentale. Elle pose une question qui, elle, est actuelle, qui est de se dire comment est-ce qu’on organise la technologie, l’IA, qui est en fait un système, un outil d’aide à la décision et qu’il ne reste que ça, une aide à la décision, qui est parfaitement faillible, qui n’est absolument pas parfaite, qui est basé sur des statistiques, donc basée sur le passé, etc. C’est la question de comment est-ce qu’on repense notre rôle à nous les hommes, les humains, avec la technologie, avec ces outils-là. Il faut surtout faire très attention à ce qu’ils ne prennent pas notre place, c’est-à-dire qu’on s’immisce dans cette espèce de flemme où, tout d’un coup, c’est la machine qui ferait tout et nous, nous serions juste là pour valider, appliquer.
C’est une question qui est fondamentale, et qui est d’autant plus fondamentale qu’elle s’applique, des fois, à des sujets régaliens comme la justice prédictive, la police prédictive, etc., donc il faut prendre ça avec énormément de précautions.
Thibault Lieurade : Julien, tu n’y crois pas tellement non plus au remplacement de l’homme par la machine.
Julien Pillot : Non. La question, qui est excellente, qui mériterait beaucoup plus de temps pour développer une réponse intelligible, pose, en fait, la question de la destruction créatrice. La technologie a vocation, finalement, à rendre obsolètes certaines compétences, notamment des compétences humaines, mais crée aussi des besoins de nouvelles compétences, déjà pour produire la technologie et ensuite pour l’utiliser, la maîtriser, etc.
Je vais vraiment faire très court, mais ça mériterait qu’on en discute, peut-être à l’issue de la conférence. Les capacités de la machine, les capacités de l’algorithme, les capacités de l’intelligence artificielle à remplacer l’humain dans son utilité en tant que travailleur mais également son utilité sociale, restent, pour l’instant, de toute façon très limitées. Il y a eu quelques expériences à droite à gauche, je pense notamment à un hôtel au Japon qui a essayé, qui est vite revenu en arrière parce qu’on s’est rendu compte que ça ne fonctionne pas des masses. Il y a effectivement certaines compétences, dans l’entreprise, qui sont rendues obsolètes aujourd’hui par la technologie, mais, dans l’ensemble, on a toujours besoin de travailleurs, parce que derrière chaque travailleur on a des consommateurs. Une économie sans consommation, sans demande, est une économie qui ne fonctionne pas ; il y a une offre, il y a une demande. Pour l’instant on a quand même encore besoin d’avoir des humains dans le système, des humains en force de travail contre de la rémunération qui permet, derrière, de la consommation.
Thibault Lieurade : Il y avait une autre question.
Public : Bonjour. Merci beaucoup pour vos interventions très intéressantes.
Je travaille pour l’Arcep, l’autorité qui régule les opérateurs de télécoms, notamment, donc ce sujet nous intéresse pas mal. Il y a une vraie sensibilité au sein de l’autorité pour ce sujet. Je voulais rebondir, j’ai trouvé votre intervention très intéressante, notamment sur les enjeux géopolitiques, la réflexion collective qui doit être menée, mais, pour moi, elle n’est pas forcément en contradiction avec aussi la responsabilité individuelle de chacun, la réflexion sur nos usages. Raphaël Guastavi a mentionné ce chiffre : 2,5 % des gaz à effet de serre au niveau national, en 2040 je crois que ça sera plus, du 6,7 %, l’enjeu est quand même là. Il y a tous ces enjeux géopolitiques qui nous dépassent, etc., et la réflexion doit être collective, mais ça vaut le coup aussi d’aller nous informer, informer l’utilisateur, le consommateur, chacun de nous dans cette salle, et je ne vois pas forcément de contradiction.
Deuxième point, vous disiez qu’il y a des indicateurs, des mesures de collecte, etc., assez développés. Je minimiserais le propos, non, justement ! Je voudrais dire qu’il n’y en a pas assez, que ce n’est pas assez précis, ça doit être affiné comme disait Raphaël Guastavi, l’Ademe et l’Arcep travaillent beaucoup sur le sujet. Donc il y a un vrai travail encore à mener.
Asma Mhalla : Je n’ai pas dit qu’il y a une contradiction. J’ai dit, ce que je dis c’est que souvent, dans le discours, c’est la responsabilité individuelle parce que c’est la plus simple à manier dans la symbolique et dans la rhétorique politique. Or, ce que je dis, c’est que non, c’est une réflexion systémique, fondamentale. La preuve en est. Prenons le sujet a contrario. S’il ne s’agissait que de responsabilité individuelle, on serait tous à développer les bons usages qui vont bien, chacun chez soi. Or, chacun chez soi, nous sommes tous sur des applis. Faisons un test : qui a un smartphone ? [Toutes les personnes présentes lèvent la main, NdT]. OK ! Voilà ! D’après ce que me souffle Julien dans l’oreillette, il y a plus de smartphones que d’êtres humains, ça veut dire qu’il y a plusieurs smartphones par individu, en tout cas il y a un taux d’équipement !
Là où vous avez raison, il n’y a évidemment pas de contradiction et c’est précisément tout notre travail collectif – les institutions, les régulateurs, le politique, nous les intellectuels, les enseignants, les médias –, c’est un travail évidemment collectif de sensibilisation. Mais le passage à l’acte nécessite une réflexion de fond qui, elle, dépasse simplement vous, moi, seuls chez soi face à sa télé connectée. Ça dépasse parce que, précisément, si vous en êtes arrivé à avoir Netflix et la télé connectée c’est qu’il y a quelque chose qui ne s’est pas enclenché quelque part dans le système. C’est simplement ça que j’essaye d’indiquer. Je le vois avec mes étudiants : ils culpabilisent, ils sont déprimés, ils sont mal, ils pensent que c’est leur faute et c’est une erreur, c’est grave, c’est dangereux que de leur faire croire ça ! C’est une réflexion collective et politique à avoir. Il est hors de question, pour moi, enseignante, de faire croire à mes étudiants que c’est leur faute à eux, individuelle ! Ce serait grave de le faire ! Parfois on a cette tendance à sur-individualiser la responsabilité.
Ensuite, de façon beaucoup plus brève, et j’en terminerai là, sur les indicateurs. Je ne dis pas du tout qu’ils sont sophistiqués, je dis que la techno, si elle est développée à bon escient, peut servir à ça. On a aujourd’hui des débuts de projets dans les territoires qui commencent à essayer de développer des plateformes de mesure pour des territoires zéro carbone. Sans la techno, c’est-à-dire sans une capacité à capter beaucoup de data et à la traiter, ce qu’un cerveau humain, factuellement, ne peut pas faire, ne peut pas ingurgiter, eh bien on n’y arriverait pas. C’est donc simplement remettre en regard les bons usages de la technologie versus les mauvais.
Thibault Lieurade : Merci Asma. Ce sera le mot de la fin, le temps imparti est écoulé. Reste à vous remercier pour votre attention et merci à Asma et Julien pour leurs interventions et à Raphaël en visio. Merci à tous et bon appétit, bon après-midi.
Julien Pillot : Merci beaucoup. À bientôt.