- Titre : Freemium, interview de Patrice Bertrand
- Intervenants : Patrice Bertrand et Philippe Scoffoni
- Lieu : Paris, Open World Forum
- Date : Octobre 2012
- Durée : 7 min
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Philippe Scoffoni Bonjour et bienvenue sur les plateaux TV de L’Open World Forum 2012. Avec moi Patrice Bertrand, bonjour. Donc PDG de Smile. On va parler d’un sujet peut-être un peu chaud, qui peut-être un sujet un peu polémique qui est le freemium et les logiciels libres. Est-ce que vous pouvez nous rappeler un petit peu le freemium qu’est-ce que c’est concrètement ?
Patrice Bertrand Oui. Directeur Général de Smile. Le freemium qu’est-ce que c’est ? Je commencerais par dire dans le logiciel libre et open source, on peut voir trois différents parfums, disons. L’open source traditionnel qui est représenté par les logiciels issus de fondations et de communautés. Les plus grands logiciels souvent sont issus ou portés par des fondations. Un grand nombre de logiciels sont également portés par des communautés et c’est vrai que particulièrement ces dix dernières années, on a vu à côté de ça se développer de l’open source issu d’éditeurs de solutions open source, qui n’utilisent pas tous un modèle freemium, il ne faut pas confondre les deux notions. Le modèle freemium qu’est-ce que c’est ? Ça consiste tout simplement pour un éditeur à avoir plusieurs versions de son logiciel, certaines qui sont open source et donc libres d’utilisation, d’autres versions qui peuvent se différencier de différentes manières de la version libre, et qui elles sont distribuées sous des licences qui ne sont pas open source qu’on appelle parfois « enterprise ». Donc voilà. Ça c’est ce que c’est.
Philippe Scoffoni D’accord. Est-ce que c’est bon ça pour le logiciel libre, pour son développement, d’avoir quelque part ces logiciels à plusieurs vitesses. J’ai les moyens je peux avoir la version qui est bien. Je n’ai pas les moyens..
Patrice Bertrand Voila, c’est assez critiqué et moi, personnellement, je ne veux pas m’en faire l’avocat, comme ça d’une manière générale, mais je veux présenter un point de vue assez objectif sur la chose. La première chose à dire c’est que, avant même de parler de freemium, les logiciels portés par des éditeurs open source ne font en aucune manière concurrence à l’open source traditionnel, ils ne font que compléter l’open source dans des secteurs où justement les logiciels de fondations ou de communautés n’ont pas porté leurs efforts. Donc aucune concurrence, c’est la première chose à dire. Après le modèle freemium, pour certains, effectivement, c’est une sorte, à la limite, d’arnaque, c’est-à-dire un peu comme les dealers de drogue à la sortie des écoles, au début c’est gratuit et puis après, dès qu’on vous tient, on va vous faire payer. Mais en réalité c’est une vision qui est ridiculement presque caricaturale puisque les acheteurs informatiques ne sont pas des enfants benêts et ils savent exactement les tenants et aboutissants des logiciels. Donc s’ils y voient un intérêt bien réfléchi c’est parfait. Une première chose à dire pour la défense, si je peux dire, des modèles freemium c’est que les versions « community », donc les versions réellement open source, sont réellement utilisées, donc ça veut dire qu’il y a des milliers, parfois des dizaines de milliers, parfois des centaines de milliers d’utilisateurs dans le monde qui téléchargent la version open source et l’utilisent pour leurs affaires, pour leur plaisir, etc. Voilà
Philippe Scoffoni Tous les jours
Patrice Bertrand Et donc on peut dire quel mal ont-ils fait de laisser ces gens l’utiliser ? Après c’est vrai qu’on peut leur faire quelques autres critiques, en particulier celle-ci, qui est sans doute réelle, c’est de mettre un peu de flou dans la ligne de démarcation entre propriétaire et open source. On aime bien que les choses soient claires. D’ailleurs les fondateurs de ces mouvements, que ce soit logiciel libre ou open source, ont été très vigilants à ce qu’on ne puisse pas être plus ou moins libre ou plus ou moins open source, il y a une définition très précise dans un cas comme dans l’autre. Et c’est vrai que ces logiciels mettent un peu de flou puisqu’on parle de logiciels qui sont, à certains égards, open source, mais dont beaucoup d’entreprises ont finalement utilisé une version qui n’est pas open source. Ça c’est une vraie critique. Mais à l’inverse, comme je le disais, ils apportent un patrimoine supplémentaire là où il n’y en avait pas. Après, une chose importante à souligner, c’est la manière dont ces éditeurs vont choisir de distinguer les versions open source de leur version entreprise. Ça peut être dans certains cas exactement la même version, mais, sur la version entreprise il y a un support alors qu’il n’y en a pas sur l’autre. Mais malgré tout, elle est sous une licence non open source dans le cas du freemium, ce qui permet de rendre le support proportionnel à l’utilisation, ce qu’une licence open source stricto sensu ne permet pas. Parfois elle se distingue par des fonctionnalités supplémentaires destinées plus particulièrement aux entreprises, parfois elle se distingue par une meilleure qualité. Alors ça, c’est un cas de figure qui n’est pas très apprécié, parce que ça laisserait entendre que la version open source, par définition, devrait être moins bonne, ce qui est ridicule, évidemment. Mais toujours est-il qu’il faut bien qu’il y ait un certain niveau de différenciation
Philippe Scoffoni D’accord. Alors on est d’accord pour voir le cas des éditeurs. On a des éditeurs qui font des éditions entreprise mais qui sont malgré tout open source
Patrice Bertrand Tout à fait. Il y a des éditeurs qui n’ont qu’une licence qui est très souvent GPL, donc des éditeurs open source qui ne sont pas dans un modèle freemium. Mais c’est vrai que le modèle freemium a tendance à se répandre. Une autre chose qu’il faut souligner, c’est que la vie n’est pas toujours facile quand on est éditeur open source, c’est-à-dire que ce n’est pas facile
Philippe Scoffoni Métier difficile
Patrice Bertrand Non bien sûr, ce n’est pas facile de gagner de l’argent. On sait que le logiciel open source, d’une manière générale, est écrit en très grande majorité par des développeurs qui sont non pas des bénévoles, mais qui sont payés à la fin du mois. Dans le cas des éditeurs open source ils sont payés par la société éditrice et cette société, ça semble être une évidence, il faut qu’elle ait un moyen de gagner de l’argent. Or, comment faire comprendre à un chef d’entreprise qui du matin au soir est dans une démarche de réduction de coûts, comment lui faire comprendre qu’il n’est pas réellement obligé de payer, mais que ce serait sympathique s’il le faisait. En réalité, la plupart du temps ce discours n’est pas entendu. Il faut bien comprendre la réalité des choses. Ce n’est peut-être pas très sympathique, mais c’est une nécessité, en tout cas vitale, si on veut que ces logiciels qui couvrent encore des domaines, la GED, le BPM, le RP, etc, des domaines où les fondations n’ont pas produit, suffisamment en tout cas, de logiciels, si on veut que cette partie-là du patrimoine open source survive, il faut que d’une certaine manière manière il émerge des modèles économiques qui soient fonctionnels et durables
Philippe Scoffoni D’accord. Très bien. Merci beaucoup Patrice Bertrand sur cet éclairage sur le freemium et le logiciel libre. Le sujet reste ouvert. Bon forum. Au revoir
Patrice Bertrand Merci à vous. Un sujet qui restera polémique. Au revoir