- Titre :
- RGI
- Intervenants :
- Jeanne (April) - Luc (April)- Laurent (Aful) - Christophe (La Mouette)
- Lieu :
- RMLL2015 - Beauvais
- Date :
- Juillet 2015
- Durée :
- 34 min 50
- Pour écouter le podcast RGI format ogg ou mp3
Description
RGI, le Référentiel général d’interopérabilité, est un document décrivant un ensemble de normes et bonnes pratiques communes aux administrations publiques françaises dans le domaine informatique.
Un enjeu majeur, en particulier pour le logiciel libre.
Cette émission sur radio RMLL 2015 est l’occasion d’expliquer ce qu’est le RGI, quels en sont les enjeux, l’historique et l’actualité en cours.
Transcription
- Luc :
- Radio RMLL de retour. On va, maintenant, parler un peu de sujets institutionnels et de ce qui se passe au niveau de notre gouvernement puisqu’il y a des choses qui se sont passées autour du RGI, notamment, avec de la polémique. Mais, ces derniers temps, ces dernières semaines, derniers mois, il s’est passé pas mal d’événements, plutôt positifs. Mais, bon, qu’on se rassure, on ne perd pas les bonnes vieilles habitudes, il y a plein d’autres choses assez inquiétantes qui se passent à côté, mais, bon, au moins tout n’est pas complètement sombre. Donc, le RGI. Je fais les choses à l’envers. Avant de commencer à en parler je vais, peut-être, présenter les intervenants. Donc Jeanne, de l’April.
- Jeanne :
- Bonjour.
- Luc :
- Laurent de l’Aful [1].
- Laurent :
- Bonjour.
- Luc :
- Et Christophe de la Mouette. La Mouette [2] est une association qui fait la promotion de LibreOffice.
- Christophe :
- De LibreOffice. Bonjour. La bureautique libre en général.
- Luc :
- La bureautique libre en général. Très bien. Merci à vous trois d’être venus. La bureautique, bien sûr, puisque dans le RGI et toutes ces choses-là on parle beaucoup de bureautique, pas uniquement, mais beaucoup de bureautique, et c’est, évidemment, un enjeu très important, puisque la bureautique est une des vaches à lait de Microsoft, et qu’ils sont bien décidés à la défendre, et à s’assurer d’avoir un maximum de clients partout, notamment, dans nos services publics. Donc RGI [3], c’est Référentiel Général d’Interopérabilité, donc un truc, un acronyme un peu barbare. Laurent, est-ce que tu peux nous expliquer, en deux mots, en quoi ça consiste ?
- Laurent :
- En deux mots, c’est un document de cadrage pour l’ensemble de l’État. Donc ça s’applique uniquement à l’État, pas aux collectivités territoriales, ni locales. Donc il faut bien comprendre la portée de la chose, et l’idée c’est de cadrer l’État sur les échanges de formats, et quels types de formats ils sont capables de lire, de produire, que ce soit entre administrations ou avec les administrés, donc nous, le peuple.
- Luc :
- Donc, en gros, une liste des formats autorisés ou conseillés, fortement conseillés.
- Laurent :
- C’est ça.
- Luc :
- Pour assurer l’interopérabilité, ce mot qui a beaucoup trop de syllabes, mais qui est très important.
- Laurent :
- Beaucoup trop de définitions, aussi.
- Luc :
- Voilà. Un peu dans la même période, on a eu d’autres événements, donc la stratégie numérique du gouvernement. Jeanne, tu peux nous en toucher deux mots.
- Jeanne :
- Oui. Donc très rapidement. Le gouvernement, fin juin, a dévoilé sa stratégie numérique, finalement, on peut résumer ça comme étant les grandes lignes des orientations qu’il compte donner en termes de numérique. Pour l’instant on a quelques grands principes qui sont posés. On attend, notamment, le fameux projet de loi numérique d’Axelle Lemaire, qui devait être publié d’ici fin juin, et qu’on attend, finalement, encore.
- Luc :
- Dans la presse spécialisée, notamment sur PC Inpact’’, c’est le ’’running gag depuis des mois, en disant la loi sur le numérique qui est censée arriver qui n’arrive pas. Ils se moquent beaucoup.
- Jeanne :
- Et qui a été promise, courant juin, par Manuel Valls, comme étant de publication imminente, et qu’on attend finalement encore, mais qu’on espère voir un jour pour voir, précisément, quelles sont les différentes questions sur lesquelles le gouvernement compte agir de manière concrète.
- Luc :
- C’était beaucoup moins urgent que la loi sur la surveillance, bien entendu. On peut le comprendre, ou pas ! On a eu, aussi, des événements intéressants : le CNNum, c’est le Conseil National du Numérique. Pour rappeler un peu ce que c’est, c’est Sarkozy qui avait mis ça en place. Il avait mis, essentiellement, des entreprises dedans, enfin, uniquement des entreprises dedans, et c’est un machin qui est censé conseiller le gouvernement sur sa stratégie numérique. Avec notre changement de Président, l’institution est restée, elle s’est un petit peu élargie, c’est-à-dire qu’on n’a plus que des entreprises dedans, il y a quelques personnes qu’on connaît bien qui sont là-dedans, et le CNNum a pris une position pro logiciel libre.
- Jeanne :
- Globalement oui. En fait, le Conseil National du Numérique a donc publié son rapport « Ambition numérique » [4] qui est un très gros rapport, avec énormément de propositions pour, justement, développer, à la fois, l’attractivité de la France, permettre le développement des startups, et ainsi de suite. Il y a des propositions aussi sur l’éducation, sur la recherche par exemple, mais, parmi ces propositions il y a, notamment, « favoriser le logiciel libre par le levier de la commande publique », ce qui pourrait ressembler à une priorité au logiciel libre qui ne dirait pas son nom, au sein des administrations, et aussi, plusieurs propositions en faveur des standards ouverts et de l’interopérabilité, ce qui est, évidemment, extrêmement positif.
- Luc :
- Est-ce qu’ils étaient, eux, en retard dans la sortie de ce rapport ? Parce qu’on suppose que s’ils sont censés conseiller le gouvernement, et que la loi sur le numérique était censée arriver en juin, et que leur truc arrive en juin, on se doute qu’il y a un petit problème.
- Laurent :
- Non. En fait, ce qu’il faut voir, c’est sur l’échelle de temps ; d’abord il y a eu une consultation pour produire ce rapport-là. Ce rapport-là devait donner la loi sur le numérique. En fait, il y a eu des résistances partout. Déjà il y a eu beaucoup de contributions à l’appel à contributions du CNNum, pour produire ce rapport. Et là, je remercie l’ensemble des libristes qui ont participé, parce qu’ils ont apporté un contenu de qualité assez phénoménal. Et oui, ils ont pris du retard parce que, en même temps, il fallait sortir le rapport et le projet de loi. Après, le projet de loi, Jeanne expliquait un peu les retards qu’il y a eu.
- Luc :
- D’accord. Donc tout ça c’est notre contexte qui, moi, localement, sur ce sujet-là, est plutôt favorable, plutôt positif. Et on a le RGI, Référentiel Général d’Interopérabilité qui est sorti. C’est un document qui est publié tous les ans ou à intervalles plus… ?
- Laurent :
- Non. C’est un peu quand ils veulent. Ce qu’il faut expliquer c’est que, bon, on ne va pas revenir sur le passé, mais ça fait à peu près deux ans qu’on leur dit qu’il faut rééditer une nouvelle version du RGI. Comme je pense qu’on embête aussi, tous les deux, la DISIC pour dire qu’il faut réactualiser le socle interministériel logiciels libres plus régulièrement. Et puis, donc du coup sur le RGI, comme ça faisait plus de deux ans qu’on les interpellait en disant « ça serait bien que vous avanciez là-dessus parce que, là, ça commence à dater », finalement ils se sont dit « oui on veut bien travailler ». Du coup ils ont beaucoup auditionné, je pense qu’ils ont fait pas mal d’auditions pour avoir énormément de nouveaux formats, parce que l’informatique, en un an, ça change, ça va à une vitesse assez phénoménale, et donc, du coup, le point de vue technique de la DISIC a été de favoriser les standards ouverts. Pourquoi ? Parce que l’avantage du standard ouvert, c’est qu’elle ne prend pas position par rapport à un modèle ou un autre. C’est-à-dire qu’à partir du moment où on fait le choix d’un standard ouvert, pour soit un format, soit un protocole de communication, que la solution qui utilise ce format soit libre ou pas, permet à la DISIC de garder la neutralité, ce qui n’est pas le cas quand le format est fermé. Si le format est fermé, on ne sait pas comment il marche et donc, du coup, on ne peut pas l’implémenter en libre, et donc ça crée un déséquilibre.
- Jeanne :
- Dans la même veine, finalement ce que voulait la DISIC, c’est aussi des formats qui soient utilisés par plus d’un seul logiciel, parce que, justement, ça permet la diversité. Alors que, quand il y a un seul logiciel qui propose le format, eh bien il y a un risque d’enfermement, et un risque, un vrai problème si jamais l’entreprise en question ferme. Quand il faut voir que le dernier RGI, en version finale, date de 2009, eh bien, évidemment, ça fait quand même sur six ans, il vaut mieux choisir des formats, des standards qui vont tenir sur la durée.
- Luc :
- Six ans, dans le monde informatique, en temps informatique, c’est une éternité.
- Laurent :
- C’est ça !
- Luc :
- Un format ouvert n’est pas nécessairement un format libre. ? On pense au PDF, par exemple.
- Laurent :
- Si, si c’est forcément libre, parce c’est forcément documenté.
- Luc :
- Documenté, mais pas nécessairement libre. À ma connaissance le PDF n’est pas un format libre.
- Laurent :
- Suivant le format. Si PDF 1.4 est libre. Après c’est normalisé. Il peut y avoir des formats, alors peut-être pas dans ceux qu’on connaît nous en formats, c’est plutôt des trucs un peu ésotériques, il peut y avoir de formats normalisés ISO mais soumis à licence. Typiquement la 3G. La 3G ou la 4G, ce sont des formats ouverts, on sait exactement comment ça marche, on peut dialoguer, sauf que, eh bien voilà, il faut payer une licence parce qu’il y a des brevets derrière.
- Jeanne :
- Ceci dit, à partir du moment où il faut payer une licence, on n’est plus réellement dans un standard complètement ouvert, on a ce qu’on appelle les licences RAND pour Reasonable and non-discriminatory, en anglais, donc raisonnable et non discriminatoire, mais en réalité ces termes ne recoupent que ce que les entreprises veulent bien leur faire dire. Alors qu’au contraire, standard ouvert il y a la question de libre réutilisation qui s’applique.
- Laurent :
- Ça c’est important. À partir du moment où on met un verrou, qu’il soit technique ou financier, ce n’est plus un format ouvert. Ça devient un standard industriel, oui, mais ce n’est plus un format ouvert.
- Christophe :
- Et je rajouterais que la complexité est un verrou technique.
- Laurent :
- Oui.
- Christophe :
- Il a beau être ouvert, documenté, mais quand un format fait huit mille pages d’implémentation, eh bien on sait que peu d’entreprises vont avoir la capacité de l’intégrer dans leurs outils.
- Luc :
- Et encore moins de particuliers.
- Christophe :
- Et encore moins un particulier !
- Luc :
- Effectivement c’est une chose que j’avais entendue dans le courant de l’année 2014, de la part d’un geek croisé lors d’un événement, et qui disait, il notait qu’aujourd’hui, il y a un certain nombre de domaines qui deviennent tellement compliqués, qu’aujourd’hui c’est de moins en moins accessible, notamment à du développement bénévole. Il donnait le cas de Firefox, par exemple, parce que Firefox en dix ans… Aujourd’hui faire un navigateur performant ça demande énormément de moyens et on ne pourrait pas imaginer qu’un nouveau navigateur puisse sortir de terre et qu’il soit, comment dire, à niveau, puisse sortir.
- Laurent :
- Oui. Mais en même temps c’est le sens de l’informatique. Il y a trente ans, les étudiants en informatique qu’est-ce qu’ils faisaient ? Ils fabriquaient un système d’exploitation. Aujourd’hui c’est impensable de fabriquer un système d’exploitation en école d’ingé. Donc oui, l’informatique est devenue plus compliquée, ça demande plus de connaissances, plus de compétences. Je dirais tant mieux parce que ça permet à plus de gens de mieux étudier les choses et peut-être faire du meilleur code.
- Jeanne :
- Et ceci dit, c’est aussi pour ça que le critère d’avoir plusieurs entreprises ou plusieurs produits qui utilisent le même format est particulièrement important, parce que, effectivement, le côté technique est un problème, mais à partir du moment où il y a plusieurs entreprises qui l’utilisent et qui le proposent, on peut espérer que, effectivement, ce ne soit pas le cas, et qu’il n’y ait pas cette restriction-là qui soit mise en place.
- Luc :
- Dans le cadre d’un format compliqué, bien lourd, dans ce RGI, il y a un point sensible qui est OOXML. C’est ça ?
- Christophe :
- OOXML, effectivement, c’est le format proposé par Microsoft, qui fait huit mille pages de documentation, pour être implémenté.
- Luc :
- Oui, c’est à ça que tu pensais.
- Christophe :
- Et je croise rarement, en fait, dans les migrations, enfin dans les outils professionnels qui génèrent de la bureautique, l’implémentation de ce format. En fait, les entreprises préfèrent, entre guillemets, rester sur des formats anciens, ceux, parfois de Microsoft, ceux, heureusement parfois, du logiciel libre, format ODF, mais, de là à implémenter des sorties directes en OpenXML, je n’en connais pas vraiment.
- Luc :
- On peut, peut-être, rappeler, c’est OOXML ou OXML ?
- Christophe :
- OO.
- Luc :
- Oui, c’était pour entretenir un maximum d’ambiguïté avec OpenOffice à l’époque.
- Laurent :
- Tout à fait, oui.
- Luc :
- Ce truc était arrivé de façon un peu bizarre et avait provoqué un certain nombre de remous à l’époque de son introduction. C’était lors du dernier RGI, c’est ça, si ma mémoire est bonne ?
- Laurent :
- C’était un petit peu avant. C’était un tout petit peu avant. En fait, enfin ce n’est pas lié à l’actualité française. Je sais qu’on aime bien se taper sur le ventre, mais, en fait, ce n’est pas du tout ça. C’est juste qu’il y avait plusieurs autres pays qui étaient en train de réfléchir à interdire les .doc, .xls.
- Luc :
- Et puis l’ODF était normalisé.
- Laurent :
- L’ODF est normalisé depuis 2006. Donc, du coup, plusieurs États se sont dit on va utiliser une norme ISO pour la bureautique, et on va arrêter d’utiliser des formats pas libres.
- Luc :
- Avec tous les avantages que Jeanne a décrits.
- Laurent :
- Voilà. Et donc, du coup, qu’est-ce qui s’est passé ? Eh bien Microsoft s’est dit « on veut aussi notre norme ». Après, je passe sur le long processus de normalisation.
- Luc :
- Il y a quand même eu des doutes sur la façon dont ça s’est passé. Ce n’est pas des doutes ?
- Laurent :
- On a plus que des doutes, on a vécu un petit peu en interne.
- Christophe :
- On l’a tous vécu en interne, on a même des preuves. Enfin bon !
- Luc :
- Voilà. C’est rentré à la masse en disant : « Prenez notre format », et j’ai entendu dire que ce format n’était même pas utilisé par Microsoft lui-même.
- Laurent :
- Oui, parce qu’en fait il y a deux formats : il y a le format normalisé qui est, en fait, OOXML strict, qui vaut ce qu’il vaut, et le truc c’est que Microsoft a implémenté la version transitionnelle. Ils vont dire « c’est pour être compatible avec les anciennes versions du format de Microsoft Office, et tout ça », sauf que, bon, il y a des loups dans la bergerie, quand on analyse les choses, on trouve des binaires. Voilà. Le format transitionnel est tout sauf ouvert. Mais Microsoft est d’accord là-dessus, ils disent « ce n’est pas un format ouvert le transitionnel, il n’y a que le strict », sauf que le strict, eh bien personne ne le lit.
- Luc :
- Et donc ce OOXML avait été intégré dans le RGI la dernière fois.
- Christophe :
- Oui.
- Luc :
- Et du coup j’imagine que c’était, en gros, un cheval de Troie pour une administration pour dire « eh bien je prends du Microsoft puisque j’ai un format Microsoft ».
- Laurent :
- Non, je pense qu’en fait l’administration s’est fait avoir. C’est-à-dire que Microsoft a promis, donc dans le sub de normalisation, de dire « oui on va utiliser, enfin on va faire une norme ISO ouverte et tout ça », et ils ont dit : « on fait une norme ISO », donc l’administration dit : « OK, pourquoi on privilégierait une norme par rapport à une autre », donc, de bonne foi, l’administration a dit : « eh bien on va supporter les deux ». Ça c’est le volet technique. Après, derrière, il y a le volet commercial de Microsoft qui était de dire, en fait, « on ne va jamais faire du strict, on ne va faire que du transitionnel ». Et donc, du coup, ça explique pourquoi la DISIC est dure aujourd’hui sur le rejet de OOXML dans la version 2, c’est parce que, en fait, ils se sont fait avoir, tout simplement, par Microsoft.
- Christophe :
- Dans la qualification d’ISO d’Open XML, il y avait quand même la promesse de l’entreprise de travailler pour, disons, une unification avec ODF. Un rapprochement.
- Laurent :
- Oui. On les a attendus.
- Luc :
- Un rapprochement de quel type ? Genre ils allaient faire un seul et même format ?
- Christophe :
- Peut-être pas jusque-là, mais, au moins, d’avoir des outils ou des choses qui soient, entre guillemets, « travaillées ensemble » pour, justement, faciliter l’interopérabilité entre les deux normes.
- Laurent :’
- Se posait surtout la question des maths, je crois, sur le format caduque, des trucs comme ça.
- Christophe :
- Oui. Il y avait les formules, il y avait beaucoup de choses sur lesquelles, effectivement, il y avait encore du travail à faire, et ce travail aurait, éventuellement, pu être fait en commun. Mais, effectivement, dans les faits rien ne s’est passé.
- Luc :
- Vous voulez me dire que Microsoft n’a pas été très gentil, quoi !
- Christophe :
- Eh bien, ils ne sont pas collaboratifs.
- Luc :
- Très bien. Suite à cette affaire, il y a quelques années maintenant, le nouveau RGI arrive et donc, là, pas de OOXML dedans, c’est ça ?
- Christophe :
- Oui.
- Jeanne :
- Tout à fait. Visiblement la DISIC, dans sa première version, a considéré que le standard normalisé qui était OOXML strict n’était utilisé par personne, donc, du coup, il convenait d’utiliser uniquement le standard ouvert, normalisé, qui est l’ODF.
- Christophe :
- Qui est utilisé par une quarantaine de logiciels, suites bureautiques.
- Laurent :
- Sans compter les petits outils techniques après, derrière, de génération de documentation
- Luc :
- Y compris Microsoft Office, dans les dernières versions.
- Christophe :
- Oui. Mal, mais oui.
- Laurent :
- Forcément.
- Luc :
- Non, mais c’est trop compliqué, forcément.
- Laurent :
- Il y a des tas de bibliothèques pour pouvoir le générer, même en dehors de LibreOffice. Avec des bibliothèques Python, on peut faire de l’ODF. C’est un format qui est, finalement, assez simple à documenter, à implémenter, je veux dire.
- Laurent :
- Ce qu’il faut voir, en fait, on a toujours la vision de la suite bureautique, mais la suite bureautique ce n’est pas ce qui produit le plus de documents. Ce qui produit le plus de documents ce sont les chaînes éditiques, et les chaînes éditiques, eh bien, en fait, on ne voit pas la suite bureautique, donc du coup, ça produit le document. Airbus, par exemple, quand ils produisent une documentation d’un avion, ce n’est pas quelqu’un qui tape dans LibreOffice. Derrière, il y a un truc qui produit très vite.
- Christophe :
- On trouve sur Internet des outils comme WebODF, qui fabriquent, disons de l’ODF en ligne, avec, entre guillemets, « une interface web », donc qui n’ont rien à voir, en fait, avec LibreOffice. Voilà. Ils utilisent leur propre méthode pour produire de l’ODF et ça marche très bien. Après on peut les ouvrir dans LibreOffice ou dans d’autres outils qui sont compatibles.
- Luc :
- Donc ça c’était une première version du RGI et, manifestement, il y a eu du lobbying puisqu’il y a une deuxième version qui est sortie qui mentionne OOXML.
- Jeanne :
- Oui, tout à fait. Donc, on a vu, après cette première version qui avait été ouverte à commentaires, un lobbying très fort de la part de Microsoft, bon, aussi de la part de l’AFDEL, dont Microsoft est quand même un des fondateurs, et extrêmement actif.
- Luc :
- AFDEL c’est, en gros, l’Association d’éditeurs propriétaires.
- Jeanne :
- D’éditeurs de propriétaires, c’est ça. Il y a aussi eu le Syntec Numérique qui en a un peu parlé, mais donc, globalement, il y a eu une levée de bois vert contre, justement, cette version du RGI, et une pression très forte donc, faite sur la DISIC pour réintégrer le OOXML dans le RGI. Ce qui a finalement été fait, dans la dernière version, dont on a eu connaissance cette semaine, qui est donc la version 1.9.9.
- Laurent :
- Du 15 mai, euh, du 15 juin.
- Jeanne :
- 15 juin, qui est une version pour validation finale. Donc, on est quand même très avancé dans le processus, qui, effectivement, suite aux différentes pressions, mentionne l’OOXML, donc le format de Microsoft, mais dans un statut dit « en observation », c’est-à-dire qu’il est simplement, finalement, toléré, et uniquement pour un usage précis qui est les tableaux pour l’échange d’informations entre les administrations, et avec, en parallèle, toute une critique du format, justement ce qu’on vient un peu d’expliquer, nous, au début, pour dire que, finalement l’OOXML strict n’est pas utilisé, qu’il a été créé en concurrence avec le format Open Document qui, lui,est utilisé par tous les autres éditeurs, et ainsi de suite. Donc il n’est pas retiré, uniquement pour les tableaux entre les administrations, mais son statut est visiblement en déclin.
- Laurent :
- C’est intéressant ce qui s’est passé. Il faut saluer, quand même, le courage de la DISIC [5] d’avoir résisté à cette pression phénoménale.
- Jeanne :
- Et notamment de Jacques Marzin qui est actuellement le DISIC actuel.
- Laurent :
- Et notamment de Jacques Marzin,
- Jeanne :
- Qui a vraiment travaillé, visiblement, là-dessus et qui s’est vraiment accroché.
- Luc :
- Du coup, ça marche comment, concrètement, le lobbying. Parce que, tout à l’heure vous me disiez, en gros, l’administration s’est fait avoir par Microsoft. Donc si on avait une administration qui soit un petit peu constante, effectivement, elle dégage OOXML et le lobbying ne devrait pas marcher en disant vous nous avez eu il y a quelques années, il est hors de question que ça recommence.
- Laurent :
- Effectivement. Tu as raison.
- Luc :
- Qui sont les courroies de transmission ? Parce que je suppose que si Microsoft, alors là on a quelqu’un manifestement d’assez courageux, je suppose que si Microsoft vient le voir et lui dit : « Tu vas mettre maintenant OOXML dans le document », il leur dit « d’aller se faire voir », donc il a bien fallu que ça passe par ses chefs.
- Laurent :
- Exactement. Non, en fait, c’est plus vicieux que ça. C’est-à-dire que la DISIC, donc, que ce soit Jacques Marzin ou ses équipes, ils connaissent très bien la position du Libre : on ne veut pas de OOXML. Ils connaissent très bien la position de Microsoft, c’est on veut OOXML parce qu’on veut continuer à vendre des suites bureautiques. Donc je dirais, ils maîtrisent bien nos deux points de vue. Là où ça devient compliqué c’est au milieu. Et au milieu c’est qui ? C’est l’industrie du numérique dans son ensemble, donc des gens qui font du Libre et des gens qui font du pas Libre. Ce sont des grands industriels, notamment des grands industriels de la défense, et ce sont ces gens-là que Microsoft va séduire, en leur disant « il faut que vous portiez le message ». Et pour donner un exemple très concret, sur une action de lobbying, par exemple le Syntec Numérique a fait un sondage auprès de ses membres pour demander quelle part de chiffre d’affaires ils allaient perdre s’il n’y avait plus OOXML dans le RGI. Ça c’est la question complète : « Combien vous allez perdre de chiffre d’affaires ? ». Il n’y a pas de « combien vous allez gagner en chiffre d’affaires ? ». Et donc, du coup, c’est là où, avec le Conseil National du Logiciel Libre, on a réagi très vite, enfin ce sont eux qui ont réagi très vite, ils ont fait un autre sondage, en opposition avec celui du Syntec, en disant « est-ce que un, vous êtes d’accord sur la définition de l’interopérabilitéì ? », parce que, effectivement, il y a une vraie question sur la question des mots. « Deux, est-ce que vous êtes pour les formats ouverts ? Et trois, est-ce que ça va être positif ou négatif dans votre chiffre d’affaires et de combien ? Et surtout, si vous n’êtes pas producteur de logiciels, combien vous allez économiser en infrastructure, en coût d’exploitation de votre informatique ? ». Et là, beaucoup de gens se sont mobilisés, il y a eu beaucoup de réponses, et donc, du coup, en termes de lobbying, à la DISIC, il y a les slides, les jolies présentations en PowerPoint de Syntec Numérique avec « voilà, nous on perd tant de chiffre d’affaires », et puis, de l’autre côté, il y a une belle présentation LibreOffice, avec, en fait, les PME du Libre elles vont gagner du pognon si on enlève ce truc-là. C’est un exemple concret de lobbying plus contre-lobbying qui a été réussi.
- Jeanne :
- Et puis, après, il faut voir aussi que, visiblement, Microsoft est allé très fort sur cette question-là, qui est effectivement une question très importante. Il y a eu, notamment, des articles publiés sur Silicon.fr [6], comme quoi ils seraient directement allés s’adresser à l’Élysée. Voilà.
- Laurent :
- Ouais. Là, j’ai été soufflé, moi. Je ne sais pas toi, mais je n’avais jamais vu ça, en fait.
- Jeanne :
- Voilà. C’est énorme. Il y a en a qui disent que c’est une redite de 2009 [7]. Mais, en tout cas, il est allé vraiment au plus haut niveau de l’État, parce qu’on peut difficilement aller plus haut qu’au niveau directement de l’Élysée.
- Laurent :
- On ne fera pas le calcul.
- Jeanne :
- Pour aller tenter, justement, de réintroduire le OOXML. Alors il a réussi à réintroduire le OOXML, par contre, je ne pense pas que c’était de cette manière-là dont il souhaitait l’avoir.
- Luc :
- C’est-à-dire, qu’en gros, vous en voulez, d’accord, mais on va le descendre en même temps qu’on le réintroduit.
- Laurent :
- Ce qu’il faut savoir c’est que sur le document, là, du 15 juin, c’est la version définitive, sortie de la DISIC, donc le point de vue technique. Maintenant, il reste le point de vue politique, c’est-à-dire que le gouvernement doit valider ce RGI. Pour rappel, le RGI v1, il était très bien dans sa version 097, on avait beaucoup travaillé, si, les assos du Libre sur cette version-là, et il était fini en 2006, pour avoir une version 1.0, complètement réécrite en 2009. Est-ce que Manuel Valls va nous signer ce RGI tel qu’il est, ou est-ce qu’il va nous le modifier ? Ça, c’est la grande question.
- Jeanne :
- C’est ça. Là c’est vraiment la version de la DISIC. Pour elle, elle est terminée, mais c’est le Premier ministre qui doit, aujourd’hui, signer, et donc, il y a toujours un risque, de toutes façons, tant que le document n’est pas signé, on peut toujours s’interroger sur la manière dont il le sera.
- Luc :
- Ça aura au moins l’avantage de montrer que le gouvernement prend des décisions qui sont techniquement ineptes.
- Laurent :
- Oui, mais ça ne les choque même pas ! Ils l’ont fait en 2009 ! Parce que, ce qu’il faut voir, c’est que dans la version 097 du premier RGI, il y avait interdit, format interdit. On citait bien. Et puis à la version 1.0, il n’y a plus rien. En gros, il ne servait à rien le RGI 1. Et donc, là, le 2, il y a un peu plus de choses. Il faut voir, la DISIC a aussi beaucoup pris plus de poids au niveau de l’État, puisque ses missions ont été étendues. Donc là, on va voir la décision politique.
- Jeanne :
- On peut espérer, aussi, que ce RGI soit finalement signé comme tel. Après tout, c’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne il n’y a pas si longtemps, il y a un an ou deux, et c’est un document du même type, qu’elle a adopté, malgré les hurlements de Microsoft, et visiblement, ça se passe bien en interne, donc il n’y a pas d’impossibilité majeure pour le faire.
- Laurent :
- Mais là où ça devient intéressant, c’est que la décision du Royaume-Uni, de lire uniquement ODF, a obligé Microsoft à supporter un peu mieux ODF. C’est ça qui est assez sympa.
- Christophe :
- Et Google aussi.
- Laurent :
- Et Google aussi. En fait, ça tire l’innovation vraiment vers le haut. C’est ça qui est assez génial. À partir du moment où on a un standard ouvert, tout le monde dit « OK, on va parler le même format, donc un ne va plus verrouiller sur un logiciel, donc on va pouvoir tous travailler », et la Document Foundation, aussi, doit améliorer son expérience utilisateur. Il y a des plans, je crois, sur LibreOffice, déjà.
- Luc :
- Et par rapport aux ministères qu’on a, on a trois ministères, maintenant, qui bénéficient du super contrat « Open Bar » ? Il y a, donc, bien sûr celui de la Défense.
- Laurent :
- Pas trois, bien plus.
- Jeanne :
- Au moins trois.
- Luc :
- Au moins trois.
- Christophe :
- Au moins trois.
- Luc :
- Puisque, il y a donc celui de la Défense [8], sur lequel on a fait beaucoup de bruit, et, je crois que c’est PC Inpact [9], encore eux, qui avaient trouvé la trace de deux autres ministères, je crois le ministère du Travail.
- Jeanne :
- Ce sont les ministères sociaux.
- Luc :
- Voilà, qui sont dans cette démarche-là. Du coup, comment on doit comprendre ça ? Parce que la Défense, à l’époque, avait dit que c’était, en gros, pour des questions d’interopérabilité, entre guillemets, « avec l’OTAN ».
- Laurent :
- Ouais. Ils ont menti.
- Luc :
- Oui, voilà. L’OTAN n’impose pas le format ?
- Laurent :
- En fait, quand la Défense a signé, en 2009, son accord cadre avec Microsoft Irlande, l’OTAN était en train de réfléchir à une migration 100 % libre. En gros, la France a un peu arrêté la migration de l’OTAN vers le Libre.
- Luc :
- Oh ! Je ne suis pas sûr que les Américains étaient vraiment… Oui ?
- Laurent :
- Oui. Non, ce ne sont pas les Américains, ils n’étaient pas d’accord les Américains. Ce sont d’autres pays qui poussaient.
- Luc :
- J’imagine que Microsoft doit avoir de bons relais de lobby au sein du gouvernement américain, quand même.
- Laurent :
- Pas tant que ça, en fait. L’OTAN c’est un organisme un peu spécial, après on rentre un peu dans la géopolitique, ce n’est peut-être pas le sujet, mais l’OTAN, vu que ça a été créé par les Américains, ce n’est pas forcément eux qui ont le plus de pouvoir de décision dans l’organisation de la chose. Sur la projection armée, ça c’est autre chose, puisque c’est la politique étrangère, mais dans l’organisation de « comment ça marche en interne », ce n’est pas forcément eux qui ont le plus de pouvoir.
- Luc :
- D’accord. Du coup, par rapport à ces ministères, puisqu’on voit que, de toutes façons, cette question d’OTAN, sauf à ce que le ministère du Travail et, enfin, d’autres ministères sociaux, interviennent aussi dans la défense du pays, ce dont je doute ! Enfin, quoique que si on envoie peut-être le pôle emploi contre nos ennemis on aurait des résultats assez étonnants, mais qu’est-ce que ça peut avoir comme conséquences si on a un RGI qui passe dans une forme qui nous convient ?
- Christophe :
- On peut espérer, quand même, que, effectivement, ça permette de pousser nos suites favorites, sachant que, en plus, on garde l’aspect concurrence possible, puisque les outils de Microsoft savent utiliser le format ODF, quand on utilise les dernières versions. Donc, je veux dire, l’aspect concurrence ne doit pas être mis en doute par les lobbyistes. On est vraiment sur un format qui permet d’exprimer toutes les notions de bureautique nécessaires, quel que soit l’outil, mais, avec la possibilité, cette fois-ci, de pouvoir, effectivement, créer de nouveaux outils et de ne pas être embêté par un format hyper complexe qui ne sera implémenté, on le sait, que par Microsoft.
- Jeanne :
- On pourrait, finalement, se retrouver, dans une situation complètement paradoxale, avec des ministères qui sont passés à l’Open Bar, en utilisant exclusivement du Microsoft Office pour faire de l’ODT ! Techniquement, c’est ce qui pourrait arriver !
- Christophe :
- Ça pourrait arriver ! Oui, bien sûr.
- Luc :
- C’est ce qui se passe en Grande-Bretagne, manifestement.
- Laurent :
- En partie. Globalement c’est ce qui va se passer. Je ne vois pas plein de ministères arrêter leur Microsoft Office, notamment au niveau des cabinets.
- Luc :
- On en a quelques-uns, quand même, non, qui sont passés à LibreOffice ?
- Laurent :
- Quelques-uns, mais, en fait, c’est toujours les deux. C’est le projet MIMO de l’État, MIMO [10] qui veut dire, je ne sais plus.
- Christophe :
- Mutualisation Interministérielle pour une bureautique Ouverte. Mais on a supprimé le B, parce qu’effectivement, MIMBO ça faisait un petit peu danse folklorique.
- Laurent :
- Et donc, en fait, sur les postes des agents, il y a souvent les deux suites bureautiques, et puis bon, quand vous ouvrez une ancienne version de LibreOffice et que vous ouvrez la dernière version de Microsoft Office, quand vous ne connaissez pas du tout les enjeux derrière, eh bien, vous avez vite fait votre choix. Voua allez au plus joli, et le plus joli, eh bien, ce n’est pas forcément LibreOffice.
- Luc :
- Oui. Ça dépend ce qu’on fait. Professionnellement j’ai les deux. Bon, j’ai une vieille version de Microsoft Office.
- Laurent :
- Voilà, c’est pour ça.
- Luc :
- Et, pour ouvrir les fichiers ; non, pas si vieille que ça, 2010.
- Laurent :
- Ah oui, c’est une vielle !
- Luc :
- Oui c’est vieux. Pour ouvrir les fichiers CSV, c’est l’enfer. Eh oui, ils sont améliorés dans la dernière version, comme quoi ! Voilà, donc au final, ce que tu dis, Christophe, c’est que, plus que de favoriser LibreOffice ça permettrait aux services d’avoir plus de souplesse, de pouvoir créer de nouveaux produits.
- Christophe :
- C’est-à-dire que d’utiliser un format manipulable et ouvert, entre guillemets, sur la bureautique, ça a des impacts énormes sur tout ce qui est Back Office, sur ce qui est traitement sur les gros systèmes des données, et vraiment ça permet une souplesse et une ouverture, et de nouvelles applications, concernant l’open data, concernant beaucoup de choses. Ces formats bureautiques qu’on échange, qui étaient gros, volumineux, qu’on n’arrivait pas à manier, c’est vraiment une perte globale et beaucoup de temps passé pour rien. Là, le fait d’avoir vraiment un format manipulable, ça permet vraiment de se concentrer sur les aspects métiers, disons, avec une concurrence de tous les acteurs du numérique. Oui, c’est quelque chose, vraiment, de très attendu.
- Luc :
- C’est-à-dire qu’on reste que dans le cadre d’une bureautique libre ?
- Christophe :
- Avec ou sans.
- Luc :
- En fait, cette idée d’avoir un format.
- Christophe :
- Ouais, ça passe avant tout. Le format c’est vraiment quelque chose qui permet d’ouvrir d’autres horizons sur l’informatique.
- Luc :
- Est-ce que du coup pour La Mouette, toi, pour ton asso, est-ce que tous ces développements ça reste dans le cadre de la bureautique libre sur laquelle vous travaillez ?
- Christophe :
- Nous, sur la partie bureautique, on se concentre sur la conduite du changement. On essaie de convaincre les gens, puisque changer d’outil bureautique, c’est quelque chose de complexe pour l’humain. Et surtout, quand on arrive sur une organisation où il y a quelques centaines, milliers, dizaines de milliers d’humains à convaincre. Quand on est sur un data center, qui est tout automatisé, avec un sysadmin, si le sysadmin n’est pas d’accord, eh bien on en prend un autre. Si, effectivement, on a dix mille personnes qui ne veulent pas utiliser ou changer d’outil bureautique, on ne peut pas changer les dix mille personnes.
- Luc :
- Tout ça c’est à cause du droit du travail au final.
- Christophe :
- Oui, enfin bon. Non parce qu’on perdrait complètement leur mémoire, leur compétence du métier dans lequel ils sont, donc il faut trouver d’autres modalités pour essayer de convaincre les gens, faire une vraie conduite du changement, et c’est plutôt à ça qu’on s’attache, que sur les parties purement techniques. Mis il faut déjà, en fait, ne plus être embêté par tout ce qui est lobby, et logiciels propriétaires, et formats, pour pouvoir, entre guillemets. Il faut qu’on ait, quand même, résolu la technique pour s’attaquer à la conduite du changement. Voilà. Si, effectivement, le RGI passe et fait la promotion d’ODF, on aura vraiment gagné un gros morceau sur cette partie-là, parce que ça veut dire que, derrière, on aura des tas d’outils pour manier le format, les données, et puis ça pourra convaincre d’autant plus de gens de l’adopter pour leur propre usage. C’est vraiment très important.
- Jeanne :
- D’ailleurs, à ce sujet, il y avait une conférence très intéressante, ce matin, de la part d’un responsable de Nantes métropole [11], qui expliquait justement leur passage à LibreOffice, au sein de la métropole et qui disait, qu’en fait, les irréductibles, les vrais récalcitrants, c’est à peu près 10 %t de leurs utilisateurs. Et justement, avec une conduite du changement adaptée, ils ont réussi à réduire ça à à peu près 2 %. Alors 2 %, ce n’est pas rien, mais ça commence à devenir déjà nettement plus gérable, et ça permet aussi de proposer un accompagnement personnalisé, pour ceux pour qui ça pose réellement un problème. N’hésitez pas à consulter la conférence, je pense qu’elle est disponible, et c’est assez intéressant sur cet aspect-là.
- Christophe :
- Oui, et puis il avait un autre chiffre qui était intéressant, c’est que, avant de commencer la migration, ils ont demandé combien de gens utilisaient déjà une suite bureautique libre, LibreOffice, et ça tournait autour de 30 %. Et ce sont des chiffres qui reviennent, 25, 30 % sur l’usage global de la bureautique libre en France. On part d’une base vraiment très intéressante, parce que ça permet, déjà, dans une entreprise, ou dans une administration, ou dans n’importe quel milieu, d’avoir un socle, un noyau, qui permet de commencer à faire le travail de proof of concept sur la conduite du changement. Ce sont des choses qu’on n’avait pas avant, on partait de zéro, mais avec 25 % ou 30 % d’utilisateurs, souvent ils l’utilisent déjà chez eux, eh bien ça permet, en fait, de commencer à initier.
- Luc :
- Ça inverse la vieille stratégie de Microsoft.
- Christophe :
- Voilà. C’est sûr, quand on sera à 50 % on aura gagné, puisque là il n’y aura plus débat.
- Luc :
- La vieille stratégie de Microsoft consistait à mettre du Microsoft Office chez les gens, pour qu’ils se forment eux-mêmes.
- Laurent :
- Là où ils se sont trompés, en fait, dans leur stratégie, c’est qu’ils ont mis Microsoft Office en version d’essai, très dure à pirater.
- Luc :
- En espérant que les gens payent.
- Laurent :
- En espérant que les gens payent, et, en fait, les gens ne payent pas. Et donc, du coup, ils se tournent vers un équivalent libre et, en fait, Microsoft, enfin, paye. Ils ont vu que la lutte contre le piratage de leurs propres logiciels, ça diminue les parts de marché.
- Luc :
- Très bien. Jeanne, Laurent et Christophe, merci beaucoup pour ce point.
- Laurent :
- Merci à toi.
- Jeanne :
- Merci.
- Christophe :
- Merci.
- Luc :
- Et on verra comment tout ça tournera à l’avenir.
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