- Titre :
- Numérique : reprendre le contrôle
- Intervenant :
- Mohican
- Lieu :
- Ubuntu Party - Paris
- Date :
- novembre 2019
- Durée :
- 51 min 14
- Visualiser la vidéo
Diaporama support de la présentation
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- diapositives 12 et 14 du diaporama support de la pérsentation
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Description
Les GAFAM sont omniprésents dans nos appareils et sur l’Internet. Quelles en sont les conséquences ? Ce n’est pas une fatalité : des outils libres et éthiques existent et sont à votre disposition.
Les GAFAM ont fondé une économie qui repose sur l’exploitation des données personnelles de leurs utilisateurs. Ils ont créé une illusion de gratuité mais leurs « services » ont des conséquences néfastes du niveau individuel au niveau sociétal. Pourtant des alternatives libres et éthiques existent pour tous les éléments de l’environnement numérique. Présentation des ressources pour y accéder.
Transcription
Je me présente, Mohican, je suis l’animateur d’un blog qui s’appelle liberetonordi.com [1]. Je suis pas mal en contact avec le grand public, je fais de la sensibilisation et aussi des configurations pour les gens, donc je suis à l’écoute, en fait, un peu des besoins du grand public. Cette conférence que je vais vous présenter est vraiment conçue pour un public néophyte qui n’est pas forcément au courant des enjeux.
Ceci n’est pas un PowerPoint
Ce que je vous présente, vous vous en doutez, ce n’est pas un PowerPoint, pourtant ça y ressemble comme deux gouttes d’eau, c’est un diaporama qui est fait avec un logiciel libre.
Qu’est-ce que ça veut dire concrètement un logiciel libre pour moi ?
Ça veut dire que sur mon ordinateur il n’y a pas Microsoft Office, donc il n’y a pas de logiciels dont l’activité m’est inconnue, que je ne maîtrise pas et qui donc pourraient faire des choses à mon insu, par exemple espionner mon activité sur mon ordinateur ou s’emparer de mon carnet d’adresses.
Ce sont aussi des documents que je crée dans lesquels il n’y a pas de données que je ne voudrais pas y voir. Par exemple il a été montré, à un moment, que dans les documents .doc que fait Word on peut retrouver des morceaux de texte qui ont été effacés par l’utilisateur. C’est quand même un peu gênant si vous envoyez un document à quelqu’un et qu’en farfouillant dedans il peut retrouver les ratures ou les choses que vous ne vouliez pas qu’il voie, que vous avez enlevées.
Donc la même chose que j’ai dite un peu tout à l’heure pas de risques de fuites de données de mon ordinateur puisque pas de logiciels non libres installés dessus.
Je n’ai pas non plus de problèmes d’obsolescence. C‘est-à-dire qu’avec LibreOffice [2] j’aurai toujours les mises à jour au fur et à mesure qu’elles sortent, alors que si vous avez la suite bureautique de Microsoft vous l’avez achetée à un moment donné et, au fil du temps, elle va devenir de plus en plus âgée et, à un moment donné, il faudra racheter la version suivante. Moi je n’ai pas à me préoccuper de ça, j’ai toujours les mises à jour et je ne vais pas avoir non plus de problèmes de compatibilité si jamais des choses changeaient dans l’avenir sur les nouvelles versions, je n’aurai pas de soucis. Par contre, des gens qui ont des vieux documents qui peuvent dater d’il y a quelques dizaines d’années ne sont jamais sûrs de pouvoir les ouvrir avec une version de Microsoft Office qu’ils auraient achetée hier. Ça c’est le premier point.
Dans LEUR cloud
Deuxième point : je travaille sur mon ordinateur. C’est-à-dire que de plus en plus, il y a une tendance que développe Microsoft et que développe Google aussi à vouloir que vous travailliez en ligne sur Internet avec Office 365 ou Google Docs, c’est-à-dire qu’ils vous invitent à utiliser des applications qui sont dans le « nuage » entre guillemets, dans le cloud et, en fait, vos documents vous allez les faire en ligne, vous allez les faire chez eux. Donc, en quelque sorte, vos documents ils vous échappent, ils ne sont plus chez vous, ils sont chez eux. C’est un mouvement qu’ils veulent impulser où, finalement, l’ordinateur ne serait plus qu’une sorte de terminal sur lequel il n’y aurait plus grand-chose, c’est un peu les Chromebook qu’on peut acheter, c’est un peu de ça. Sur les Chromebook il y a un disque dur qui est minuscule, il y a de plus en plus d’ordinateurs, même avec Windows, qui ont un disque dur minuscule, parce que l’idée c’est : toutes vos photos, tous vos documents, tous vos logiciels, tout ça c’est sur l’Internet donc c’est dans leur cloud.
Et si vous avez un smartphone — moi j’appelle ça plutôt un ordiphone parce que je veux insister sur le fait que c’est vraiment un ordinateur avec toutes les possibilités et aussi tous les risques que comporte un ordinateur — en général, quand vous l’achetez, il est pré-câblé pour envoyer tout de suite vos photos, vos contacts, vos documents chez Google ou chez Apple si c’est un iPhone. Il faut savoir aller dans les options pour décocher quelque chose si vous ne voulez pas que tout de suite il récupère toutes vos affaires.
Le cloud c’est aussi intéressant, quand même, parce que ça permet de synchroniser entre différentes machines les documents, ça permet de partager des documents avec d’autres personnes de façon assez facile, mais il faut garder à l’esprit que si on utilise ces ressources, en fait nos documents sont sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre. D’où la question : ce quelqu’un d’autre c’est qui ? Est-ce que je peux lui faire confiance ? Si c’est un fournisseur éthique, par exemple une association qui fait du Libre, c’est OK. Si c’est Google ou Apple ou Microsoft ou Dropbox, eh bien là je ne vais pas avoir confiance et peut-être le sentiment que je n’ai plus vraiment complètement le contrôle de mes documents.
Exemple : le courrier électronique
Je prends un exemple de service cloud qui est le courrier électronique qui existe depuis bien avant le mot cloud soit à la mode. Donc les messages, ceux que vous envoyez, ceux que vous recevez, passent forcément par le serveur de votre fournisseur et, en général, ils restent même stockés dessus. Il faut savoir que les fournisseurs les plus courants, bien sûr Gmail, Yahoo, Outlook, ne se contentent pas de stocker les courriels et de les faire circuler, en fait, ils les analysent de façon automatique, ils analysent les contenus. D’où la question : pourquoi font-ils cela et bien d’autres choses pour nous espionner ?
La question c’est : toutes ces grosses sociétés qui sont tout à fait énormes, qui ont des ressources financières énormes, d’où vient leur argent, puisqu’à priori elles ne vous vendent rien ? Gmail c’est gratuit, Yahoo c’est gratuit, le cloud c’est gratuit jusqu’à une certaine limite de stockage.
GAFAM et Cie
Ces sociétés qu’on appelle les GAFAM, cinq multinationales américaines qui sont dans le top à la bourse — ce n’est pas le CAC 40 parce que c’est pas en France — sont les plus grosses capitalisations boursières du monde, notamment Google et Apple et les autres ne sont pas très loin derrière. Elles ont une puissance financière considérable qui leur permet de racheter tous leurs concurrents, ce qui fait que, petit à petit, elles concentrent la plupart des services internet grand public : WhatsApp c’est Facebook, Instagram c’est Facebook, Skype c’est Microsoft, Linkedin c’est Microsoft, Waze c’est Google, YouTube c’est Google, etc. Donc ne croyez pas qu’en laissant tomber Facebook pour Instagram vous changez de fournisseur, en fait vous êtes toujours chez Facebook.
Donc comment gagnent-ils de l’argent ?
Leur principe c’est qu’ils vont ramasser, récolter les données personnelles des utilisateurs, donc vous, et ils vont monétiser, en fait, ces informations, pour différents objectifs et d’abord la publicité ciblée. Google c’est le plus gros fournisseur de publicité sur Internet, c’est même son cœur de métier en fait. Facebook fait aussi beaucoup de publicité, Amazon aussi. La publicité ciblée c’est la publicité qui va être très efficace parce qu’elle est dirigée directement sur vous. Ce n’est pas la publicité que voit le voisin, c’est vraiment celle qui est faite pour vous. Elle est faite pour vous et plus on en sait sur vous, sur vos centres d’intérêt, sur vos capacités financières, sur ce que vous êtes en train de chercher en ce moment, à l’instant t, plus ça va être précis et plus ça a des chances, effectivement, que vous alliez répondre positivement à cette publicité. Ça c’est le premier point.
Le deuxième point c’est que ces informations qu’on a réunies sur vous, ça fait ce qu’on appelle un profil et ce profil peut se traduire par des évaluations, par exemple est-ce que vous êtes solvable ? Est-ce que vous êtes quelqu’un de conformiste ? Est-ce que vous êtes quelqu’un qui dépense beaucoup d’argent ? Est-ce que vous avez beaucoup d’argent ? Tout ça ce sont des évaluations. On vous donne des notes, en quelque sorte, et ces notes sont utiles pour un certain nombre d’acteurs qui vont acheter ce profil. Les gens qui vont acheter ce profil ce sont les gens qui vont interagir avec vous. Par exemple un recruteur, quand vous postulez pour un emploi, va acheter votre profit pour savoir si vous avez quelques caractéristiques qui l’intéressent ou, au contraire, s’il va vous écarter. Ça peut être une assurance. Une assurance a besoin de savoir si vous avez, par exemple, des comportements à risque ou si vous êtes malade, or Google sait cela. Il sait si vous êtes malade, en tout cas il peut le deviner par exemple en fonction des recherches que vous avez faites sur Internet. Si vous avez recherché différents symptômes, il peut en déduire ça.
L’information peut aussi venir de vos proches. Si vos proches font des recherches par rapport à des maladies, vos parents par exemple, si c’est une maladie héréditaire on peut penser que vous l’avez aussi. Parce que Google sait avec qui vous êtes en relation. Il a ce qu’on appelle un graphe social, il sait avec qui vous communiquez, donc il sait qui sont les membres de votre famille, qui sont les gens que vous fréquentez dans votre milieu professionnel ou de façon personnelle. Si vous fréquentez des gens qui ne sont pas solvables, il y a des chances que vous ne soyez pas solvable.
Donc ce n’est pas uniquement l’espionnage de votre vie privée à vous, c’est aussi celle de votre entourage. Donc ils vendent cela ; le produit qu’ils vendent ce sont les informations qui vous concernent.
Où et comment sont récoltées quelles données ?
Je ne vais pas entrer dans tout le détail de comment Google et consort récupèrent les informations.
J’en profite pour dire que le diaporama que je vous présente est téléchargeable sur mon site, liberetonordi.com, donc vous pourrez récupérer toutes les infos qui sont dessus.
Ça c’est juste pour dire qu’en fait la récupération d’informations se fait un peu partout.
Elle se fait directement sur votre machine avec le système d’exploitation Android ou Windows.
Elle se fait quand vous accédez à l’Internet ou, plus précisément, au Web avec votre navigateur Chrome par exemple. Elle se fait dans le moteur de recherche, que ça soit celui de Google ou Bing ; Microsoft c’est Bing.
Elle se fait dès que vous accédez à un site web. En fait les sites web sont truffés de traqueurs, donc ils suivent votre cheminement sur le Web de site en site, de page en page, il y a partout des traqueurs et si vous ne les bloquez pas – je proposerai précisément cet après-midi et demain après-midi un atelier pour apprendre à les bloquer – tous ces acteurs savent exactement ce que vous regardez sur le Web. Donc ils pénètrent un petit peu dans votre pensée, parce que quand vous pensez à quelque chose vous allez regarder, vous informer sur le Web à ce propos, donc ils savent, en gros, à quoi vous êtes en train de penser, qu’est-ce qui vous préoccupe, qu’est-ce qui vous intéresse aujourd’hui.
Je prendrai peut-être les questions à la fin, comme ça je ne déborde pas trop.
Il y a aussi les communications, dès que vous communiquez que ce soit par mail comme on a vu tout à l’heure, ils analysent le contenu des conversations ; si c’est WhatsApp, c’est pareil, Skype, les réseaux sociaux naturellement.
L’espionnage permet le profilage
Toutes ces infos, cette masse énorme d’informations qui est recueillie sur vous et sur vos proches ça permet le profilage, comme je disais tout à l’heure, et là non plus je ne rentre pas les détails, mais on peut savoir énormément de choses sur vous, les savoir ou les déduire, les inférer, ou statistiquement. Donc vraiment tout votre mode de vie, mais aussi des choses très précises, si vous avez avorté – il n’y a pas trop de femmes dans la salle –, des choses comme ça, naturellement votre orientation sexuelle, etc.
Quelles sont les conséquences pour nous ?
Donc tout ça, quelles sont les conséquences ?
Déjà, la connaissance c’est le pouvoir. Plus quelqu’un en sait long sur vous, plus ça va être facile pour lui de vous influencer. Déjà anticiper vos comportements, savoir sur quels points faibles on peut jouer pour vous influencer. Grosso modo, il va y avoir trois domaines qui vont chercher à vous influencer.
D’abord le domaine commercial. Là, l’idée c’est d’anticiper vos achats par exemple, donc de vous faire payer plus cher. Il y a l’exemple classique des billets d’avion. Vous savez que si vous commencez à vous intéresser à une destination vous allez voir, au fil des jours, que le prix des billets va augmenter. Seulement il ne va augmenter que pour vous. Votre voisin qui ne s’intéresse pas à cette destination-là lui, il aura toujours le prix de base. Comme je disais tout à l’heure on peut vous refuser un poste ou une assurance ou un crédit en fonction de ces informations.
Le deuxième élément ça peut être un usage criminel puisqu’en fait, toutes ces informations qui ont été recueillies sur vous, pourraient être piratées et finir par atterrir ou au fil des reventes, parce que tout ça se vend, se revend entre acteurs, donc rien n’empêche un acteur animé d’intentions criminelles de racheter aussi ces infos. Donc évidemment plus il en sait long sur vous plus ça va être facile pour lui de vous faire tomber dans un piège ou, par exemple, d’usurper votre identité pour faire tomber dans un piège l’un de vos proches.
Le troisième élément c’est l’élément plutôt politique. Certains gouvernements souhaitent superviser, je dirais en temps réel, leur population. C’est notamment le fameux programme PRISM qui est l’un des programmes d’espionnage des services américains qui a été dévoilé par Edward Snowden [3] il y a quelques années. Quelle est l’intention qui est derrière ? En général c’est de conserver le statu quo en matière de répartition des pouvoirs, donc c’est de bloquer l’évolution sociale, de la réprimer éventuellement.
Et puis il y a une conséquence indirecte, à laquelle on ne pense pas vraiment, c’est que dans les sociétés dans lesquelles les gens savent qu’ils sont espionnés en permanence, en fait les gens adaptent leur comportement. Donc ils se mettent à changer de comportement. Il y a un site web que je vous invite à visiter qui est très bien fait, très parlant sur ce sujet, qui s’appelle socialcooling.fr [4], ça veut dire refroidissement social ; il montre, à travers un certain nombre d’exemples, comment les gens vont adopter des comportements plus conformistes, moins de prise de risques, moins de prise d’initiatives, donc une société qui peu à peu va se figer. Évidemment, on ne peut que penser à l’exemple connu de la RDA où il y avait des mouchards autour de chacun des citoyens et finalement ça mène les gens à ne plus s’exprimer, ne plus rien faire qui pourrait être mal interprété. Évidemment, avec les outils numériques, on décuple les possibilités de surveillance.
Le contrôle de l’information
Autre question annexe, le contrôle de l’information.
Par exemple, vous recherchez avec le moteur de recherche de Google sur le Web et vous pensez qu’il est très efficace et, d’une certaine façon, il l’est. Sauf qu’en fait, les résultats que vous obtenez ne sont pas forcément sincères. C’est-à-dire que, d’une part, ils sont commercialement biaisés, c’est-à-dire que les sociétés qui ont quelque chose à vous présenter, à vous vendre, vont acheter des mots-clés aux enchères, donc quand vous recherchez « chaussures homme taille 47 », en fait les sites qui vont arriver en tête de liste ce ne sont pas les plus pertinents, ce sont ceux qui ont payé le plus cher Google pour venir en tête de liste. Ça c’est le premier point.
Le deuxième point on appelle ça la bulle de filtre, c’est-à-dire que Google vous connaît donc il va anticiper un peu les résultats en fonction de ce qu’il sait de vous, donc il va vous donner des résultats qui sont adaptés pour vous. Ça peut être très bien, effectivement vous allez trouver tout de suite ce que vous cherchez si Google a bien fait son travail d’anticiper ce qui vous intéresse. Le problème c’est qu’il va toujours vous présenter un peu la même chose, donc vous allez tourner en rond sur des choses que vous avez l’habitude de voir et, petit à petit, finalement, vous allez avoir une vision du Web qui va être de plus en plus restreinte, comme un cheval auquel on met des œillères, il ne voit plus que la route qui est tracée pour lui. Donc vous allez avoir des résultats de recherche moins diversifiés et, finalement, évidemment l’algorithme de recherche et de présentation des résultats de Google est secret donc on ne sait pas comment il fait son tri et il peut tout à fait chercher à influencer soit une personne soit la population en faisant descendre un peu dans les oubliettes certains résultats et en faisant monter d’autres résultats à la place.
Facebook c’est le même principe, il y a un fil d’actualité dans lequel vous voyez défiler un certain nombre de choses, mais comment Facebook fait son tri ? Évidemment il ne le dit pas. Facebook a même été assez loin puisqu’ils ont fait eux-mêmes une expérience pour voir à quel point ils pouvaient manipuler les gens, une petite expérience avec deux populations différentes. Sur une population ils ont envoyé dans le fil d’actualité plutôt des bonnes nouvelles et des billets sympas venant de leurs copains ; sur l’autre population ils ont fait exactement l’inverse, plutôt des mauvaises nouvelles et puis ils ont sélectionné, en tout cas mis en avant les choses pas trop sympas que leurs copains écrivaient. Ensuite ils ont regardé ce que ces gens-là écrivaient eux-mêmes ensuite sur Facebook et effectivement ça avait altéré leur humeur, c’est-à-dire que ceux qui avaient reçu plutôt des bonnes nouvelles ont plutôt posté des trucs sympas et les autres ont plutôt posté des choses déprimées. Vous imaginez que Facebook ce sont des milliards d’utilisateurs, donc Facebook peut influencer en temps réel l’état mental des gens dans tel ou tel pays.
C’était juste pour montrer que Google et Facebook ont un pouvoir de manipulation extrêmement important à l’échelle des sociétés entières.
Des enjeux politiques du numérique
D’autres enjeux politiques : surveillance on en a parlé, information manipulée on en a parlé.
Il y a la censure bien sûr, plus directe, censure qui peut être une censure privée aussi puisque Facebook, par exemple, a des règles très précises sur ce qui est publiable, ou pas, sur le réseau, donc ce sont eux qui décident. Il n’y a pas de processus démocratique, évidemment, derrière ça, ce sont eux, donc c’est une vision de la société qu’ils mettent en avant à travers ces règles, en réalité. Par exemple il y a des règles sur la nudité, sur leur définition à eux de la nudité, de ce qui est acceptable, de ce qui n’est pas acceptable, etc.
Il y a aussi la question de la centralisation. J’ai dit tout à l’heure qu’ils rachetaient, qu’ils avaient la possibilité financière de racheter tous leurs concurrents, donc il devient difficile de leur échapper, en tout cas quand on n’est pas un public averti, donc une grosse centralisation ça veut dire que tout le pouvoir est centralisé sur quelques sociétés. Là aussi c’est un problème qui est directement politique.
Les monopoles et le fait qu’ils rachètent tout ce qui est innovant ça a aussi un impact sur la créativité. Il faut savoir qu’une startup est innovante au départ et en fait, souvent derrière les startups, il y a des fonds d’investissement qui vont investir dans cette startup et ces fonds d’investissement veulent récupérer leur argent assez vite. Leur but c’est donc de faire en sorte que la startup soit rachetée par une autre grosse société, l’un des GAFAM en général, parce que là ils vont récupérer leur argent multiplié par dix bien sûr. Le but de la startup ce n’est pas toujours de faire de la vraie innovation, c’est juste d’en faire suffisamment pour se faire racheter après et finalement retomber dans l’escarcelle des GAFAM qui eux n’ont pas forcément toujours envie qu’il y ait des innovations qui viennent remettre en cause leur monopole.
Et puis il y a l’évasion fiscale, c’est ce qu’on entend peut-être le plus souvent dans les médias, mais finalement c’est l’arbre qui cache la forêt, parce que, comparé aux autres enjeux que je viens de vous proposer, ce n’est peut-être pas la chose la plus grave.
Pour avoir un régime politique qui ressemble à une démocratie il y a quand même quelques prérequis : libre accès à l’information, libre expression, protection de la vie privée des citoyens, décentralisation des pouvoirs. Donc vous voyez que là, avec les GAFAM, on est exactement à l’opposé de ces choses qu’il serait important de préserver.
C’était la première partie de mon exposé sur les enjeux. Maintenant, assez rapidement, je vais brosser un petit aperçu des alternatives, puisque, évidemment, on est quand même là pour se dégager de tout ça.
Reprendre le contrôle est possible
Les GAFAM, finalement, qu’est-ce qui fait leur force ? C’est simplement le fait que beaucoup de gens les utilisent. C’est pratiquement uniquement ça. Si moins de gens les utilisent, ils seront moins puissants. Donc vous avez vous, en tant qu’individu, la possibilité de faire diminuer la puissance de ces GAFAM simplement en arrêtant de les utiliser. Et c’est possible parce qu’il existe des alternatives, aussi bien au niveau des logiciels libres – bien sûr ici on vous propose d’installer Linux à la place de Microsoft Windows ou de Mac OS –, mais il n’y a pas que les logiciels sur votre machine, il y a tous les services internet, donc le moteur de recherche, le cloud, le mail, etc., et il est aussi possible de trouver des alternatives pour tout ça. Et ces alternatives, en général, elles fonctionnent de la même façon que les services des GAFAM.
Si on prend, mettons, un service de messagerie instantanée comme WhatsApp par exemple, vous prenez une alternative comme Signal [5]ou Telegram [6]. En fait, ça fonctionne exactement pareil, le principe est exactement le même. Donc si vous êtes habitué à WhatsApp, que vous changez pour une application libre, vous n’allez pas être dépaysé parce que c’est exactement le même principe de fonctionnement, l’ergonomie est très proche. Si vous abandonnez Word, Excel et compagnie pour LibreOffice, vous n’allez pas être dépaysé, parce que c’est quasiment identique.
Dans la plupart des cas c’est ça, c’est-à-dire qu’on remplace un système propriétaire, c’est-à-dire qui appartient à l’une des grandes sociétés, par un système libre qui est vraiment équivalent. En plus, l’idéal, c’est même de l’acheter directement puisqu’en fait, quand vous achetez un PC il y a Windows qui est préinstallé dessus, quand vous achetez un Mac il y a le système de Apple qui est préinstallé dessus, quand vous achetez un téléphone mobile - smartphone ou ordiphone -, il y a Android qui est préinstallé dessus. Maintenant on commence à trouver des machines où les systèmes libres sont déjà préinstallés dessus.
Je vous donne l’exemple de deux sociétés [Puri.sm et e.foundation], l’une c’est une fondation, qui ont suivi cette idée et qui, en fait, vendent des ordiphones sur lesquels elles ont mis un système qui est compatible avec Android pour ce qui est de la e.foundation, mais il n’y a pas Google dessus. Donc là c’est encore plus facile, vous n’avez même pas besoin de vous adresser à un informaticien pour qu’il vous change le système. C’est encore plus simple d’aller acheter directement un ordiphone ou un ordinateur sur lequel est installé un système libre.
Reprendre le contrôle collectivement
Je vous ai dit tout à l’heure, quand on vous profile on profile aussi vos proches par la même occasion et inversement, quand on profile vos proches, on vous profile aussi. Quand vous envoyez un mail à quelqu’un, vous êtes espionné, mais le quelqu’un à qui vous envoyez le mail est aussi espionné. Donc ce n’est pas juste une démarche individuelle. Reprendre le contrôle suppose aussi d’amener vos proches à faire la même démarche que vous. Souvent, les gens qui n’ont pas d’idée, qui n’ont pas été informés, vont imiter ce qui se fait autour d’eux, c’est-à-dire « faire comme tout le monde » entre guillemets. Ici on vous propose de faire mieux que juste copier ce qui se fait chez le voisin.
Et puis il y a la question de qui paye. C’est-à-dire que tous ces services ont un coût, un coût en termes de serveurs, d’électricité, de développement, de place de stockage, tout ça, donc à un moment donné il faut payer. Il faut arrêter de s’imaginer que l’Internet c’est gratuit. Il y a toujours un coût humain et matériel. Comment vous allez payer ? Est-ce que vous allez payer indirectement, c’est-à-dire que vous prenez tous ces services qui sont apparemment gratuits mais, en fait, ça va vous revenir dessus sous la forme de : ce poste auquel vous vouliez postuler, mais vous n’allez pas être pris ; cette assurance qui va vous revenir plus cher ; ce billet d’avion que vous allez payer plus cher, etc. ? Vous allez payer mais de façon indirecte sans même forcément vous en rendre compte et peut-être que vous allez payer très cher.
Peut-être que c’est quand même plus intelligent de payer directement le fournisseur qui vous fournit un service, là vous savez combien vous payez, vous savez à qui vous payez et il n’y a pas de coup de fouet en retour derrière. Donc j’invite les gens à prendre conscience qu’en échange d’un service il faut payer et par exemple aller prendre un service cloud chez une association en adhérant, prendre un mail qui est payant et ainsi de suite.
Comme je disais c’est une démarche collective. Déjà ce sont vos proches, les gens avec qui vous correspondez. Si vous avez une entreprise ou une association ou si vous êtes enseignant, etc., le choix que vous faites des outils va aussi avoir un impact sur tous les gens avec qui vous êtes en relation.
Finalement, le plus difficile ce n’est pas technique, c’est plutôt une question psychologique, c’est-à-dire comment je vais réussir à convaincre mes proches d’adopter les mêmes outils de communication que moi, de s’engager en même temps que moi dans cette démarche plus éthique et qui nous protège tous finalement ? C’est là qu’il faut avoir les bons arguments pour convaincre. Là justement, mon propos c’est de vous donner ces arguments
Choisir en connaissance de cause
Ça c’est juste un petit aperçu pour illustrer.
À gauche vous avez les icônes bien connues des services des GAFAM et de quelques autres du même tonneau pour toute une série d’aspects du numérique, des choses qui concernent effectivement votre machine et des choses qui se trouvent sur l’Internet. À droite, dans chaque catégorie, vous avez une alternative libre et éthique avec des choses que peut-être vous connaissez moins, dont vous avez moins entendu parler, mais qui sont là, elles existent, donc il y a juste à les utiliser en fait, faire la démarche de changer d’outils ou de changer de services pour utiliser ces alternatives.
Ressources, associations
En termes de ressources, puisque je vous dis que ces alternatives existent encore faut-il les trouver, vous avez des associations [7], La Quadrature du Net, April, NdT] qui font un travail soit de centre de ressources soit un travail de promotion ou, comme La Quadrature [8], plutôt un travail législatif ; ça ce sont les associations au niveau national, et puis vous avez des associations près de chez vous.
À Paris, vous pouvez venir ici même au Carrefour du numérique chaque premier samedi du mois et vous retrouverez les bénévoles notamment l’association Parinux et de quelques autres associations qui sont à votre disposition pour vous installer Linux, pour vous apporter du soutien sur Linux ou sur d’autres logiciels libres.
J’ai cité une association à Vanves [Le Libre vanvéen, NdT] parce que si vous habitez à l’opposé de Paris ce n’est pas forcément pratique de venir ici, mais vous avez une ressource d’un autre côté. Ce n’est pas du tout exhaustif, il y a plein d’associations en région parisienne. L’endroit où trouver ces associations c’est le site de l’Agenda du Libre [9].
Évidemment vous pouvez trouver énormément de ressources sur le Web en cherchant par vous-même, mais si vous avez besoin d’un accompagnement personnalisé avec quelqu’un en face de vous, vous pouvez aussi trouver ces ressources.
Ressources, outils
Je passe rapidement en revue quelques ressources qui sont mises à disposition par l’association Framasoft : l’annuaire des logiciels libres, le site Dégooglisons Internet qui met en avant un certain nombre d’alternatives à des services internet, c’est notamment très utile pour les gens qui animent des collectifs ou des associations parce qu’il y a beaucoup d’outils pour travailler collectivement. Ils ont un projet qui est en cours de développement qui va s’appeler Mobilizon qui est aussi fait pour les collectifs, pour organiser des événements, des choses comme ça. CHATONS c’est un collectif d’hébergeurs alternatifs, donc un certain nombre d’associations ou de petites entreprises qui peuvent vous fournir ces services alternatifs.
Ma propre ressource c’est mon blog sur lequel vous retrouverez des argumentaires, des petits tutoriels pratiques, aussi des conseils d’achat si vous voulez trouver ces ordinateurs et ces ordiphones avec des systèmes libres préinstallés. C’est sur ce blog, dans la page ressources, que vous retrouverez le diaporama que je suis en train de vous présenter.
Conclusion
J’en arrive à la conclusion.
Ce que j’espère vous avoir transmis c’est qu’en fait le choix qui vous est ouvert entre choisir des outils éthiques et les outils que « tout le monde », entre guillemets, utilise, c’est un vrai choix politique, c’est : où est-ce que vous allez transférer votre pouvoir ? Est-ce que vous allez transférer votre pouvoir à des grosses multinationales américaines ou est-ce que vous allez faire vivre des associations locales et avoir plus de contrôle sur vos données, sur votre vie ?
Il y a beaucoup de gens qui disent « les outils numériques, l’informatique, je n’y connais rien, ça m’emmerde, je ne veux pas me prendre la tête avec ça ». C’est légitime, ce ne sont que des outils donc ils doivent être faciles à utiliser ; ce n’est pas à vous de faire tout le travail, de rechercher quels sont les bons outils. Mais ces outils, de toute façon, vous allez les utiliser. Vous utilisez des outils numériques au quotidien, vous avez très probablement un ordiphone dans votre poche, donc vous ne pouvez pas faire semblant que ça ne vous concerne pas. Vous utilisez des outils, donc faites-le en conscience.
Je vous remercie.
[Applaudissements]
Questions du public
Mohican : Je vais prendre quelques questions et je vais aussi vous présenter les ateliers que j’anime cet après-midi et demain après-midi. On va commencer par quelques questions.
Organisateur : Pour les questions il y a des micros dans la salle, donc si vous pouvez les prendre.
Public : Bonjour à tous. Je vous remercie bien pour cette présentation, qui était, à mon sens, très complète. Je me permettrais peut-être une petite question. Vous ne l’avez pas évoqué mais peut-être que tout le monde y a pensé c’est : a-t-on une idée du coût écologique de ces fameux GAFAM ? Ils stockent leurs informations dans des data centers qui sont gigantesques et qui doivent consommer énormément de mégawatts par jour. J’aurais aimé avoir si vous aviez un retour là-dessus. Et, pour sensibiliser encore un peu plus le public qui est de plus en plus sensibilisé à cet impact environnemental, ça pourrait être un autre moyen de l’intéresser, notamment les personnes qui sont lancées dans une démarche de zéro déchet ou des choses comme ça. Un autre moyen de rentrer et de pousser cette idée-là.
Mohican : Tout à fait. Absolument. En deux mots. En fait effectivement, comme ils récoltent un maximum d’informations sur la population mondiale, ça fait beaucoup de stockage et de transfert d’informations. Ce que vous pouvez faire, vous, pour réduire ça, en fait c’est les bloquer, bloquer la publicité, la publicité c’est une très grosse part du trafic web. En fait, dans une page web où vous avez par exemple du texte, si vous avez des publicités, les publicités ce sont des images, ce sont des vidéos, donc c’est beaucoup plus lourd en termes de trafic que simplement du texte. Donc si vous bloquez la publicité vous divisez déjà, je ne vais pas dire de chiffre, mais vous divisez par un énorme facteur votre consommation de données. Et puis si vous bloquez les traceurs qui vont récolter des données sur vous, vous faites effectivement d’une pierre deux coups, c’est-à-dire que vous vous protégez mais vous réduisez aussi le trafic et le stockage.
Public : Si on utilise un VPN [Virtual Private Network], jusqu’à quel point on peut fausser le jeu des GAFAM ?
Mohican : Il y a deux questions. Il y a la question de l’anonymat, est-ce que le VPN vous donne un anonymat ? En principe non, si c’est un simple VPN, d’autant plus si vous l’avez payé avec votre carte bancaire, ça ne vous donne pas l’anonymat. Il y a quelques outils spécialisés comme le réseau TorRéseau Tor qui sont prévus pour faire de l’anonymat, on ne sait jamais si c’est fiable à 100 %.
Si vous utilisez un VPN, est-ce que les GAFAM vont savoir qui vous êtes ? En fait, ils n’ont pas forcément besoin de savoir qui vous êtes exactement. Vous êtes la personne qui se connecte à telle adresse. Donc OK, vous vous connectez à telle adresse pour faire une recherche. Ils vont vous envoyer une pub qui correspond à cette recherche. Ils n’ont pas besoin de savoir comment vous vous appelez, en fait, pour vous envoyer une pub ciblée.
Public : Mais une pub ciblée à tout le monde est inefficace. En Suisse, je suis suisse, pays où on se connecte sur le réseau américain, ils nous offrent automatiquement des publicités américaines qui n’ont rien à voir.
Mohican : Ils ne sont peut-être pas encore très au point. Souvent j’entends les gens me dire qu’ils ont recherché un voyage par exemple et, dans les heures qui suivent, sur tous les sites où ils se baladent qui n’ont rien à voir avec les voyages, ils vont quand même voir des pubs de voyages qui vont s’afficher. C’est plus ou moins au point, mais ça va l’être, notamment avec l’intelligence artificielle qui n’est pas si artificielle que ça d’ailleurs, parce que j’ai vu que pour entraîner les machines qui font de l’intelligence artificielle, en fait ils utilisent des petites mains, des gens précarisés, sous-payés, pour trouver les bonnes réponses, pour entraîner les machines. Mais ça va s’améliorer, donc ça sera de plus en plus ciblé et de plus en plus efficace.
Public : Pour cette question du blocage des publicités, un certain nombre de gens qui tiennent des blogs disent : « Ne bloquez la publicité sur notre site parce que ça nous supprime des moyens ».
Mohican : Oui. Moi j’ai un blog sur lequel il n’y a pas de publicité, parce que j’estime si les gens sont satisfaits de ce que je leur propose peut-être qu’ils vont me faire un don, mais moi je n’ai pas à leur imposer une publicité.
Il y a des sites qui laissent quand même le contrôle à l’utilisateur. Je crois que c’est le cas de Numerama qui est un site d’information sur le numérique, ils vous disent : « Vous utilisez un bloqueur de publicité, on vous respecte, donc soit vous désactivez le bloqueur, soit vous pouvez continuer à visiter notre site avec le bloqueur et, dans ce cas-là, ça pourrait être sympa de nous financer autrement. » Il y a toujours d’autres moyens de se financer. On peut faire des appels au don ; par exemple Wikipédia, vous avez sans doute vu depuis quelques semaines le bandeau, Wikipédia fait un appel au don. Il n’y a pas de publicité sur Wikipédia, pourtant c’est quand même un site très important avec beaucoup de bénévoles. C’est un site qui a besoin de moyens financiers, de façon évidente, mais qui ne se finance pas par la publicité.
Public : Bonjour. Dans le cas d’une famille, comment ça se passe ? Parce que OK, si on définit une personne, le profil d’une personne célibataire, d’accord c’est simple, c’est une personne. Mais dans le cas d’une famille où il y a des parents, des enfants, filles, garçons, vous voyez, il y a des demandes de tout type. Par exemple un enfant va peut-être regarder du Dora Dora alors que le grand va regarder un truc sur le haschisch et le père va voir un film. Donc comment ils vont savoir ?
Mohican : Déjà il peut y avoir plusieurs ordinateurs dans la famille qui peuvent être repérés en tant qu’ordinateurs différents. Même si c’est le même ordinateur, même si c’est le même navigateur web, même si c’est le même profil sur le navigateur web, en fait, comme vous l’avez très bien dit, il y a des usages qui sont très différents. Donc si vous tracez cet ordinateur, vous allez tout de suite voir qu’il y a des ensembles indépendants les uns des autres. Vous allez tout de suite voir qu’il y a quelqu’un qui regarde des sites pour les enfants, qu’il y a quelqu’un qui regarde des sites qui intéressent plutôt les ados, etc. Ça se voit tout de suite. Ils vont voir qu’il y a plusieurs profils sur la même machine, donc c’est très facile de les distinguer les uns des autres parce qu’ils vont se recouper assez peu.
Public : Mais ils ne peuvent pas envoyer de la publicité différente !
Mohican : Si, parce qu’en fait la publicité est quasiment en temps réel. C’est-à-dire que la personne qui, à l’instant t, est connectée sur l’ordi en train de rechercher des chaussures, c’est dans les secondes qui viennent que la publicité va arriver.
Public : Donc c’est à travers l’adresse IP en fait. Chaque adresse IP va recevoir sa pub en fonction de ses recherches.
Mohican : C’est ça.
Public : Ce n’est pas ce que vous avez dit. Ce n’est pas « vous êtes la personne qui se connecte à une adresse », c’est « vous êtes la personne qui se connecte avec une adresse IP », que vous soyez chez vous ou dans une station de métro ou dans un aéroport ou dans un hôtel.
Mohican : En fait il y a deux niveaux. Il y a la publicité immédiate, comme je disais tout à l’heure au Monsieur, il n’y a pas besoin de savoir là, qui vous êtes, peu importe. Vous êtes sur un site donné, à l’instant t vous vous intéressez à ça, donc on va vous balancer de la pub là-dessus ; ça c’est la pub immédiate. Après, le profilage nécessite de vous connaître un peu mieux donc, effectivement de vous repérer dans le temps, sur une longue durée, sur tous les sites que vous avez visités.
Public : Bonjour. En fait je suis un candide, je connais très mal l’outil informatique. Là vous avez exposé effectivement différents outils, en les séparant en deux : il y a les GAFAM et il y a les outils libres et éthiques, comme vous l’avez indiqué. En fait, je me dis, quelles sont les garanties qu’ils soient libres et éthiques ? J’ai bien compris que l’outil informatique peut éviter l’intrusion de tout ce qui est lié à la publicité, mais concernant le contrôle ? C’est une question que je me pose, toute bête.
Mohican : Déjà il y a le côté libre. Le côté libre ça suppose que les logiciels qui sont sur votre ordinateur ou qui font fonctionner ces services internet ont un fonctionnement qui est public ; c’est ce qu’on appelle le code source, la recette de fabrication du logiciel qui est accessible à des experts qui pourraient et qui peuvent faire de audits et regarder ce qui se passe dans ces logiciels. Donc ces logiciels ne peuvent pas faire des choses à votre insu ; s’ils s’essayaient à faire ça, leur réputation serait ruinée, parce que ça finirait par se savoir. Ça c’est la première garantie, c’est transparent.
Après, sur le côté éthique, là c’est moins évident. Ce sont des associations ou des gens qui sont connus dans le monde du Libre, des associations militantes, plus ou moins, donc on les connaît. En général, les gens se connaissent entre eux et peuvent à peu près se faire confiance.
Public : Est-ce que le côté Big Brother peut créer lui-même un système alternatif, si vous voulez ? C’est vrai que le fait par exemple – je me fais l’avocat du diable – que cette réunion se fasse ici même, qui est une institution publique, peut aussi poser problème ? On peut se dire oui, le premier samedi du mois on peut venir ici, alors qu’on est sous… voilà ! Ce n’est pas un lieu alternatif.
Mohican : C’est censé être un service public !
Public : Bonjour. Vous avez parlé des alternatives, par exemple pour les réseaux sociaux et souvent, quand on change de réseau, en fait on se retrouve un peu isolé sur les divers réseaux. Par exemple, moi je m’étais inscrit à Diaspora au début et j’étais tout seul. Qu’est-ce que vous pensez qu’on pourrait faire pour améliorer la visibilité ? Souvent on dit que c’est pratique de se mettre sur Facebook. Par exemple, moi je suis en contact avec ma famille qui est à l’autre bout du monde et qui n’a pas d’alternative. Ils sont, en gros, souvent liés à des features phones qui sont gratuits avec Facebook. Comment on pourrait aider ces pays-là où les gens n’ont pas d’alternative à faire quelque chose d’intéressant pour tout le monde, en fait, qu’il puisse y avoir du monde sur les alternatives ?
Mohican : Effectivement, là vous posez la question de beaucoup de pays où on fourgue de téléphones qui sont effectivement bloqués sur Facebook, il n’y a quasiment aucune autre possibilité. C’est un problème auquel je n’ai pas de réponse ; c’est vraiment la politique de Facebook de capter la population mondiale à travers ce procédé. Là c’est très compliqué quand vous n’avez pas les gens à côté de vous et qu’ils n’ont pas les alternatives.
C’est plus facile, mais même, ce n’est pas non plus très facile quand vous avez vos copains à côté de vous, mais il n’y a pas d’autre chose à faire que de convaincre un à un vos copains, vos correspondants, de bouger avec vous. Ça c’est vraiment un travail de conviction. Par exemple, il y a des gens qui sont un peu la personne ressource informatique de la famille, ce sont eux qui vont installer ou dépanner les ordinateurs de leur famille. Ça, ça leur donne un pouvoir de levier sur les autres en fait. Si vous prenez un peu en charge, si vous êtes la personne ressource pour vos copains ou votre famille, du coup vous pouvez plus facilement leur dire « je vais te mettre ce truc-là plutôt que tel autre ».
Après, si vous êtes quelqu’un qui diffuse beaucoup d’infos et que les autres ont envie de savoir ce que vous avez diffusé comme infos, eh bien dès lors que vous leur dites « maintenant je vais diffuser mon info sur Telegram plutôt que sur WhatsApp », s’ils ont vraiment envie de savoir, d’avoir ces infos-là, ils vont vous suivre. Donc il y a un rapport de conviction, parfois même un rapport de pouvoir, finalement, avec les gens que vous voulez emmener avec vous.
Si, à l’inverse, c’est vous qui dépendez de l’information d’une personne et que cette information n’est que sur WhatsApp ça va être difficile d’abandonner WhatsApp. Ou alors il faut vraiment harceler la personne pour qu’elle diffuse ; elle ne va pas forcément changer d’outil, mais qu’elle diffuse ailleurs. Je dis souvent à de gens qui diffusent des infos sur Facebook : « OK vous diffusez sur Facebook, ça ne me pose pas de problème, mais diffusez aussi sur votre site web, pour que les gens qui ne sont pas sur Facebook puissent avoir le même niveau d’information que les autres et qu’ils ne soient pas fortement incités à aller s’inscrire à Facebook juste pour avoir l’info parce qu’elle n’est que là. »
Organisateur : Il nous reste un moment pour une question.
Mohican : Oui. Et je présenterai ensuite en quelques minutes les ateliers.
S’il n’y a pas d’autres questions…
Présentation des ateliers
Cet après-midi et demain après-midi je fais un certain nombre d’ateliers, il y a des ateliers de sensibilisation, on va continuer à explorer ces enjeux-là sous différentes formes. Il y a un jeu qui ressemble un peu au jeu de l’oie, qui est un jeu coopératif ; si vous ne savez pas ce qu’est un jeu coopératif vous le découvrirez à ce moment-là. Et il y aura un atelier pratique pour justement bloquer la publicité et les traceurs. Ce sont des ateliers qui durent 45 minutes. Il y a une feuille d’inscription qui est sur le stand de l’April parce que le nombre de places sera limité.
Le Jeu du Gnou association April
Ça c’est le jeu du gnou. C’est un peu un prétexte pour découvrir un peu au hasard des jets de dés différents enjeux. Il y a des questions qui sont posées.
Calculez votre score d’émancipation
Il y a un atelier de diagnostic, en quelque sorte, où je vais vous proposer des cartes qui correspondent à différents aspects des services numériques, donc vous allez pouvoir entourer votre situation et calculer votre score. À la fin de l’atelier, vous aurez un score global et surtout vous pourrez repartir avec les cartes qui vous donnent, pour chaque aspect, comment vous pourriez améliorer votre score.
Bloquer la publicité et les traceurs
Bloquer la publicité. Là je vous invite à venir avec votre matériel, ça peut être un ordinateur, ça peut être une tablette, ça peut être un ordiphone et je vais vous proposer un navigateur web libre, un moteur de recherche éthique et bloquer la publicité, les traqueurs. Ça sera dans l’atelier.
Voilà le récapitulatif des horaires.
Organisateur : Merci beaucoup.
Mohican : Merci à tous.
[Applaudissements]