Pour une société numérique libre, Richard Stallman à Choisy-le-Roi

Richard Stallman : J’ai une question au sujet de l’espace numérique public : est-ce qu’il permet que l’utilisateur vienne et utilise les ordinateurs sur Internet à l’anonymat ? Est-ce que l’utilisateur est obligé de s’identifier pour naviguer ? Parce que moi, je refuse de m’identifier pour me connecter à l’Internet. Où ils m’imposent de m’identifier pour me connecter, je refuse, par principe parce que c’est une injustice. Souvent il faut donner un numéro de téléphone portable pour recevoir la clé. Je n’ai pas de téléphone portable, je ne peux pas les utiliser. Mais personne ne doit les utiliser. Il faut changer ce système.
Pour commencer, j’ai des conditions pour vous. Si tu fais des photos de moi, ne les mets pas dans Facebook, ni Instagram, ni WhatsApp, parce que ces entreprises sont des moteurs de flicage. Elles reconnaissent les personnes par les visages ou par le dos de la tête. Si quelqu’un apparaît dans une photo et qu’il met cette photo dans Facebook, tu aides l’entreprise à le fliquer. Il ne faut pas le faire, c’est du mauvais traitement de l’autre, par exemple de tes amis ou de moi. Prière de ne pas me le faire. Si tu veux faire des photos de moi avec un ordinateur portable comme un téléphone, prière de désactiver d’avance la fonctionnalité de mettre la géolocalisation dans les photos parce que ça augmente le flicage. Si tu fais un enregistrement et que tu veux en distribuer des copies, prière de le faire uniquement dans les formats favorables aux logiciels libres. C’est-à-dire le format OGG ou le format webm, pas dans « mp quoi que ce soit » parce que ces formats sont brevetés dans beaucoup de pays. Surtout pas dans Flash parce que Flash exige un programme privateur pour s’afficher. Et pas dans Windows Media Player, ni Real Player, ni QuickTime. Et assure-toi que le fonctionnement normal du site d’accès, du site de distribution, dans l’accès normal au site, permette le téléchargement des copies sans exécuter aucun programme pas libre. Voici le problème de YouTube. YouTube refuse de fonctionner si l’utilisateur n’exécute pas un programme pas libre en JavaScript contenu dans la page même.
Et prière de mettre sur l’enregistrement la licence « Creative Commons Non Derivé », parce que c’est une présentation d’un point de vue.
Le sujet pour aujourd’hui est « Pour une société numérique libre ». Beaucoup de projets donnent pour acquis que la participation dans une société numérique est bonne. Et donc il y a des projets qui visent à brancher plus de gens à la société numérique. Ils supposent que d’avoir accès à l’Internet est bon. Mais est-ce bon ou pas ? Ça dépend des détails. Ça dépend de si la société numérique dans laquelle tu participes est juste ou injuste. Si elle est injuste, le vrai but n’est pas l’inclusion numérique mais plutôt notre extraction numérique de cette société injuste. Nous devrions chercher à nous échapper de la société numérique injuste. Quelles sont les menaces à notre liberté dans la société numérique ? En principe, j’ai neuf menaces à traiter si j’ai le temps.
Mais une menace à la base de beaucoup d’autres, c’est le logiciel dont les utilisateurs n’ont pas le contrôle, c’est-à-dire les programmes pas libres. Donc, je présente d’abord la question du logiciel libre. En anglais, je dois dire « Free Software » et free, en anglais, est ambigu. Ce mot signifie ou « libre » ou « gratuit ». Mais dans ce cas, il signifie « libre », uniquement « libre ». Il ne signifie pas « gratuit ». Le logiciel libre n’est pas forcément gratuit, pas toujours, souvent oui, mais pas toujours et pas forcément. Et ce n’est pas la question. Le prix est une question secondaire. Pas besoin de traiter cette question secondaire, elle ne m’intéresse pas tant. Donc, en anglais, je dois expliquer qu’il signifie « libre » et pas « gratuit » ou « gratis », le mot anglais pour « gratuit » est « gratis ».
Donc pour nous, peu importe si tu paies une copie d’un programme ou reçois cette copie gratuitement. La question pour nous, c’est : quand tu as reçu ce programme, qu’est-ce que tu as ? Est-ce que ce programme respecte ta liberté et ta communauté ou pas ?
Mais c’est quoi un programme, c’est quoi un ordinateur ? Un ordinateur est une machine très simple conceptuellement, qui ne sait faire qu’une chose : prendre la prochaine instruction et faire ce qu’elle dit, prendre la prochaine instruction et faire ce qu’elle dit, prendre la prochaine instruction et faire ce qu’elle dit… Des millions de fois par seconde. Mais c’est toujours pareil. Les instructions viennent d’un programme. Et selon quelles instructions le programme contient, le même ordinateur peut faire n’importe quoi. Dans quelques limites, il y a des choses impossibles que l’ordinateur ne peut pas faire. Hormis les choses impossibles, n’importe quel ordinateur peut faire n’importe quoi selon quel programme il exécute.
Qui donne les instructions à ton ordinateur ? Tu peux croire que c’est toi. Mais en vérité, c’est quelqu’un d’autre. Tu peux croire que ton ordinateur t’obéit, tandis qu’en vérité il obéit en premier à quelqu’un d’autre et à toi seulement quand l’autre l’autorise.
Je peux expliquer la question du logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité. C’est-à-dire les choses que l’État français ne respecte plus.

[Applaudissements]

Liberté parce que l’utilisateur d’un programme libre est libre dans son informatique.
Égalité parce que le programme libre ne fournit à personne aucun pouvoir sur personne. Les utilisateurs sont égaux.
Et fraternité parce que le logiciel libre encourage la coopération entre ses utilisateurs.
Pour n’importe quel programme, il y a deux possibilités : ou les utilisateurs ont le contrôle du programme ou le programme a le contrôle des utilisateurs. Il n’y a pas d’autre possibilité. C’est toujours l’un ou l’autre. Quand les utilisateurs ont le contrôle du programme, nous l’appelons du logiciel libre. Et pourquoi ? C’est quoi la liberté ? La liberté est d’avoir le contrôle de ta propre vie, le contrôle des activités que tu fais dans ta vie. Mais si tu utilises un programme pour faire l’activité, le contrôle de l’activité requiert le contrôle du programme. Donc si les utilisateurs ont le contrôle du programme, ce programme respecte leur liberté et leur communauté, donc c’est du logiciel libre. Et pour que les utilisateurs aient le contrôle de ce programme, il doit porter les quatre libertés essentielles. Nous arrivons aux critères concrets du logiciel libre.
La liberté zéro est celle d’exécuter le programme comme tu veux pour n’importe quel but.
La liberté 1 est la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de le changer pour qu’il fasse ton informatique, pour qu’il fasse tes activités informatiques comme tu veux. Cette liberté, pour être pratique, requiert la disponibilité du code source du programme. Voilà du code source d’un programme très simple. Le code source est comme un mélange de mathématique et d’anglais. Si tu as appris le langage de programmation, tu peux lire le code, comprendre ce qu’il fait et le changer pour faire d’autres choses. Mais pour l’exécuter, il faut le convertir en forme exécutable, une série de 1 et de 0, énigmatique, très difficile à comprendre. Pour un petit programme comme ça, le programmeur pourrait comprendre sans beaucoup de travail ce que les 1 et 0 signifient. Mais pour un grand programme, ce travail est énorme et très difficile. Ça s’appelle l’ingénierie inverse.
Si le développeur disait aux utilisateurs : « Oui, tu es libre de changer mon programme et on fait l’ingénierie inverse », ça serait se moquer des utilisateurs, ce n’est pas vraiment la possibilité pratique de faire des changements. Donc la liberté n°1 exige la disponibilité pour les utilisateurs du code source du programme .
Ces deux libertés fournissent ensemble le contrôle séparé du programme. C’est-à-dire que chaque utilisateur a séparément le contrôle de ses copies. Je peux changer mes copies et tu peux changer tes copies, séparément.
Voilà quatre utilisateurs d’un programme dont un change le programme et les trois autres l’utilisent tel quel. Le contrôle séparé est nécessaire mais ne suffit pas parce que beaucoup d’utilisateurs ne sont pas des programmeurs, ne savent pas programmer. Ils font d’autres choses dans la vie. Comment peuvent-ils participer dans l’exercice du contrôle sur ce programme sans savoir le faire directement ? Par le contrôle collectif, c’est-à-dire la liberté de collaborer avec d’autres en exerçant le contrôle de ce programme.
Voilà au-dessus un groupe de trois utilisateurs qui collaborent en faisant des changements de ce programme. Les deux à droite, changent directement le code. Évidemment, ce sont des programmeurs. Le troisième, à gauche, ne change pas directement le programme. Peut-être qu’il ne sait pas le faire. Mais, par sa participation dans le groupe, il participe aux décisions de quels changements à faire. Et comme ça, il participe dans le contrôle de ce que fait ce programme.
En bas, il y a deux autres utilisateurs qui ne participent pas dans le groupe et utilisent le programme tel quel, la version originale. Pourquoi est-ce qu’ils ne participent pas ? Nous ne savons pas. Il y a beaucoup de raisons possibles. Peut-être qu’ils ne se connaissent pas. Peut-être que les deux en bas ont d’autres désirs, d’autres idées de comment changer ce programme. Peut-être qu’ils ne veulent pas utiliser la version modifiée de ce groupe. Peut-être qu’ils voudraient mais ne connaissent pas le groupe, et demain ils commenceront à collaborer tous les cinq. Qui sait ?
Le contrôle collectif, c’est la liberté de collaborer avec ceux qui veulent collaborer avec toi. Et le contrôle collectif requiert deux libertés essentielles. La liberté deux est de faire des copies exactes du programme pour les donner ou les vendre aux autres, quand tu veux. Et la liberté trois est de faire des copies de tes versions modifiées pour les donner ou vendre aux autres, quand tu veux. Avec ces deux libertés, les utilisateurs ont le contrôle collectif. Parce que chaque membre du groupe, s’il fait une version modifiée, par la liberté trois il peut faire d’autres copies de cette version modifiée pour les transmettre à d’autres membres du groupe. Puis eux, par leur liberté numéro deux, peuvent en faire d’autres copies de la même version. Ce seront des copies exactes de la version qu’ils ont reçue. Donc ils peuvent donner ou vendre ces copies aux autres jusqu’à ce que tout le groupe possède des copies. Mais ils peuvent aussi offrir des copies aux autres et peuvent même publier cette version, c’est-à-dire offrir des copies au grand public.
Quand le programme porte ces quatre libertés, de manière complète, les utilisateurs ont le contrôle de ce programme qui se qualifie de logiciel libre. Et c’est donc la manière éthique et juste de distribuer des copies d’un programme. Mais si une de ces libertés manque ou est incomplète, en ce cas, les utilisateurs n’ont pas vraiment le contrôle du programme. C’est donc le programme qui a le contrôle des utilisateurs, et le propriétaire du programme qui a le contrôle du programme. Donc ce programme, pas libre, est un instrument du pouvoir injuste de son propriétaire sur ses utilisateurs. Voici pourquoi nous l’appelons un programme « privateur ». Parce que la nature de sa manière de distribution est de priver de la liberté aux utilisateurs. Un programme privateur est injuste. L’existence même d’un programme privateur est une injustice. Il ne faut jamais participer au développement d’un programme privateur, ni sa promotion, parce que ça produit du mal.
C’est déjà une injustice mais ça mène à une autre injustice. Parce qu’aujourd’hui, les propriétaires sont très conscients de leur pouvoir et calculent finement jusqu’à quel point ils peuvent maltraiter leurs propres utilisateurs pour gagner plus d’argent à leurs dépens. C’est ce qu’ils font normalement. Ils le font par l’introduction des fonctionnalités malveillantes dans les programmes privateurs. C’est le cas normal, ce n’est plus l’exception, c’est le cas normal qu’un programme privateur contienne des fonctionnalités malveillantes. Par exemple, des fonctionnalités de flicage. Voilà le Swindle d’Amazon. Swindle signifie « escroquerie ». C’est le nom approprié de ce produit qui est un lecteur de livre numérique, qui flique les utilisateurs. Ce produit fait de la lecture orwellienne parce qu’il transmet de temps en temps, à Amazon, le titre du livre et le numéro de la page. Et si l’utilisateur tape des notes sur un passage, elles sont transmises à Amazon. Si l’utilisateur souligne quelques passages, c’est transmis à Amazon. Flicage total de la lecture.
Les fonctionnalités de flicage existent dans beaucoup de programmes privateurs, dans Windows, dans Mac OS, les i-Things, en Flash Player, aussi dans presque tous les téléphones portables, aussi dans beaucoup d’applications, toutes les applications de streaming fliquent l’utilisateur. Parce que l’application fonctionne avec un service et le service exige que l’utilisateur s’identifie pour payer. Donc il sait qui a payé, il identifie l’utilisateur et il prend note de quelles œuvres cet utilisateur a regardé. Flicage total. Voici une raison qui suffit pour refuser toutes les applications de streaming. Et je les refuse. Même les applications pour faire de la lumière pour un téléphone fliquent l’utilisateur. Quelqu’un a investigué : ces applications transmettent des données à plusieurs sites. Pourquoi ? Elles n’ont pas besoin de données pour allumer tout l’écran, mais évidemment c’était le but des développeurs de fliquer les utilisateurs. Ils le font parce qu’ils peuvent.
Il y a aussi les menottes numériques, c’est-à-dire les fonctionnalités pour restreindre l’utilisateur, pour lui bloquer de faire ce qu’il voudrait faire. Par exemple, d’imposer du contrôle d’accès aux données dans la machine de l’utilisateur, pour lui nier l’utilisation des données qu’il a acquises. Par exemple, voilà l’horrible disque « raie bleu » [Blu-ray, NDT] qui contient des menottes numériques pour bloquer la libre utilisation des données dans le disque. Et dans le monde libre, nous n’avons pas trouvé de manière pour rompre ces menottes, donc il faut les refuser. Il faut refuser l’utilisation de n’importe quel produit conçu et fabriqué pour te restreindre, pour ta liberté. Moi je n’ai jamais utilisé un disque « raie bleu » et je ne l’utiliserai jamais sans avoir un programme libre capable de rompre les menottes et offrir l’accès libre aux données dans le disque. Ah, il y avait un libriste qui faisait des courses avec ses enfants, et devant la caisse il a trouvé dans le chariot un petit sac avec dedans un disque porteur de menottes numériques, il dit : « Sacré bleu ! ».
Les menottes numériques se trouvent dans beaucoup de produits informatiques. Dans Windows, dans Mac OS et dans les i-Things. Je crois aussi dans Android, dans FlashPlayer, dans le Swindle d’Amazon, et beaucoup d’autres programmes. Ce doit être un délit. La fabrication ou la vente des produits avec des menottes numériques devraient être punies par des années en prison.
Il y a aussi les portes dérobées pour attaquer l’utilisateur. Une porte dérobée est une fonctionnalité malveillante qui accepte des commandes de quelqu’un, souvent le propriétaire de ce programme même, qui a développé la porte dérobée, qui garde aussi le secret pour l’utiliser. Et la porte dérobée s’utilise pour donner des mauvais coups à l’utilisateur. Parce que celui qui emploie la porte dérobée peut l’utiliser pour faire des coups à l’utilisateur, sans lui demander l’autorisation de les faire. Et qu’est-ce qu’il peut faire ? Ça dépend du code qui implémente chaque porte dérobée, ça varie selon les cas. Mais dans le Swindle d’Amazon, il y a une porte dérobée pour supprimer à distance les livres. Nous le savons par l’observation : en 2009, Amazon a supprimé des milliers de copies d’un livre, dans un acte orwellien. Et c’était quel livre ? C’était 1984 de George Orwell. Suite à beaucoup de critiques, Amazon a dit qu’il ne le ferait jamais plus. Mais c’était un mensonge, parce que quelques années plus tard, Amazon est revenu à supprimer des livres. Amazon a dit qu’il ne le ferait jamais plus, sauf sous ordre de l’État. Si tu as lu 1984, ce n’est pas très réconfortant.

[Rires du public]

Mais en vérité, Amazon de nouveau supprime des livres même sans ordre de l’État, arbitrairement. Et d’autres programmes aussi contiennent des portes dérobées. On ne peut pas savoir si le programme contient une porte dérobée, sauf en ayant de la chance, à observer les effets. Comme des utilisateurs ont observés la disparition d’un livre. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit être en train de lire 1984 quand il a disparu.
Il y a aussi la censure directe. Apple était le pionner de la censure des applications. Le iPhone était le premier ordinateur d’utilisation générale, fabriqué pour imposer de la censure des applications. L’utilisateur ne pouvait plus installer les applications de son choix, il était limité à installer les applications approuvées par Apple. Et quand les utilisateurs ont trouvé des mécanismes pour éviter la censure, ils l’appelaient jailbreak. Jailbreak signifie « s’échapper de la prison ». Donc notre terme pour de tels ordinateurs est jail, « prison ». Voilà une prison, un « ordinateur-prison ».
Il y a aussi des portes dérobées universelles. Ça veut dire des portes dérobées avec le pouvoir d’imposer des changements arbitraires du code même. Windows contient une porte dérobée depuis au moins Windows XP. C’est dans Windows XP qu’un investigateur a démontré la présence d’une porte dérobée universelle. Microsoft ne l’admettait jamais, mais chez Windows 10, Microsoft a annoncé avec fierté la présence d’une porte dérobée universelle : Microsoft peut imposer des changements de logiciel quand il veut. L’utilisateur est totalement à la merci de Microsoft, impuissant.
Il y a aussi une porte dérobée universelle dans le Swindle d’Amazon et dans presque tous les téléphones portables. Dans les téléphones portables, cette porte dérobée s’utilise pour les convertir en dispositifs d’écoute, qui écoutent tout le temps et transmettent toute la conversation qu’ils entendent. Et pas besoin de parler directement dans le micro, ils peuvent t’écouter depuis l’autre bout de la salle. Et si tu veux récupérer ta vie privée en éteignant le téléphone, quelle surprise ! Il n’y a pas vraiment d’interrupteur, seulement un bouton qui signifie « s’il te plaît, éteins-toi ». Et s’il ne veut pas s’éteindre, s’il a été converti en dispositif d’écoute, il fait semblant de s’éteindre pendant qu’il continue de fonctionner, écouter et transmettre tout le temps.
La seule manière d’éviter de récupérer la vie privée est d’enlever toutes les piles, pas seulement la grande pile, mais toutes les piles pour être sûr. Il y a des modèles qui contiennent une pile secondaire qui suffit pour que le dispositif continue de fonctionner pour quelque temps.
Donc, j’appelle les téléphones portables « le rêve de Staline », parce qu’ils transmettent toujours des signaux qui informent le réseau de téléphonie où se trouve à ce moment le téléphone. Donc ils fliquent tous les mouvements des gens et leurs conversations. Si Staline avait pu distribuer de tels dispositifs à tous les habitants de l’Union soviétique, il l’aurait fait, mais la technologie n’existait pas encore. Aujourd’hui, elle existe.
Je refuse d’être fliqué comme ça donc je n’ai pas de téléphone portable. C’est mon devoir de citoyen.
Autre forme de sabotage des utilisateurs de privateur : quand Microsoft découvre des erreurs de sécurité dans Windows, il les montre à la NSA, l’agence d’espionnage des États-Unis, avant de les corriger, pour que la NSA ait l’opportunité d’envahir les ordinateurs des autres, de n’importe qui. Crois-tu que l’État français doive utiliser Windows ? Personne ne doit utiliser Windows. Mais le fait que nous savons que Microsoft agit comme ça, ne signifie pas que les autres ne le font pas. Nous ne savons rien sur les autres. Ce sont quelques exemples du « maliciel privateur ». Mais que signifie le « maliciel » ? Un programme conçu pour maltraiter son utilisateur.
Souvent, les conversations au sujet du maliciel se limitent aux virus, c’est-à-dire les programmes qui ne devraient même pas être présents dans l’ordinateur. Mais ça c’est le refus de considérer l’autre moitié du sujet du maliciel, c’est-à-dire les produits informatiques qui sont du maliciel comme Windows, Mac OS, les i-Things, Android, Flash Player et beaucoup d’autres. J’ai présenté assez d’exemples pour démontrer que presque tous les utilisateurs du privateur sont déjà les victimes du maliciel privateur. Mais nous connaissons un tas d’autres exemples, des dizaines. Dans [1] tu trouveras des listes organisées d’exemples.
Et pourquoi est-ce qu’ils le font ? Pour leurs gains. Ils ont trouvé des manières de gagner plus d’argent aux dépens de leurs utilisateurs en les maltraitant.
Les exemples que nous connaissons sont peut-être des dizaines. Il y a des milliers de programmes privateurs dont nous ne savons rien. Et il est impossible d’investiguer. Il y a des manières de trouver, de chercher des fonctionnalités malveillantes visibles. Mais il y a aussi des fonctionnalités malveillantes cachées et très difficiles à découvrir. Donc, dans quelques cas, nous connaissons les fonctionnalités malveillantes et ces programmes sont du maliciel établi, démontré. Et dans les autres cas, le programme peut être du maliciel mais nous ne savons pas et nous ne pouvons pas savoir.
Celui qui nous bloque pour investiguer est le même qui aurait pu le faire. Donc nous ne pouvons pas nous confier à lui. Et donc chaque programme privateur est ou du maliciel démontré ou du maliciel possible. Il ne peut jamais y avoir une base rationnelle pour se confier à un programme privateur. C’est la foi aveugle ou rien. Et souvent, la foi aveugle en quelqu’un qui a déjà trahi cette foi.
Donc pour avoir une base rationnelle pour te confier à un programme, il doit être libre. Dans le logiciel libre, les utilisateurs ont une défense contre le maliciel. Les utilisateurs ont le contrôle du programme. Ils peuvent lire le code source et s’ils trouvent quelque chose d’injuste, de mauvais, ils peuvent corriger le code. C’est la seule défense connue. On voit qu’elle n’est pas parfaite mais c’est de beaucoup meilleur que d’être sans défense comme les utilisateurs du privateur.
Donc il faut s’échapper du logiciel privateur. Il faut venir vivre avec nous dans le monde libre que nous avons construit. Nous l’avons construit avec le système d’exploitation GNU et le noyau Linux. J’ai commencé le développement du système GNU en 84. Je voulais rendre possible l’utilisation d’un ordinateur en liberté, ce qui était impossible parce que l’ordinateur ne sait pas fonctionner sans système d’exploitation installé. Mais à l’époque, il n’y avait aucun système d’exploitation libre pour les ordinateurs modernes. Tous étaient privateurs et comme si l’utilisateur perdait sa liberté. Mais en tant que développeur des systèmes d’exploitation, j’ai décidé d’en développer un qui serait libre, 100 % de logiciel libre, donc qui respecterait complètement la liberté et les droits de l’humain des utilisateurs.
L’année 91, GNU était presque complet mais un composant essentiel manquait : le noyau. Cette année-là, M. Torvalds a commencé le développement de son noyau Linux. Linux, en 91, était privateur. Mais en 92, il l’a libéré. Il a publié le code source de Linux sous une des licences libres. À ce moment, il était possible de mettre Linux dans le dernier vide de GNU pour faire la combinaison, le système GNU et Linux. Et c’est depuis 92 qu’il est possible d’utiliser un PC en liberté, grâce à notre système.
Je suppose que tu auras entendu dire « j’utilise Linux ». Beaucoup disent qu’ils utilisent Linux, mais c’est faux. En vérité, ils utilisent le système GNU avec Linux. Ils ne reconnaissent pas notre travail. Ce n’est pas beau d’attribuer notre travail à quelqu’un d’autre. Nous avons besoin de la reconnaissance de notre travail pour promouvoir notre campagne pour la liberté des utilisateurs. Nous n’avons pas complètement gagné. Nous avons établi un monde libre dans un grand monde soumis. Donc il reste beaucoup de luttes et nous avons besoin de la reconnaissance de notre travail que nous avons déjà fait pour recruter des gens pour lutter. Ce qui est très triste, c’est que M. Torvalds n’est pas d’accord avec nos idées de liberté. Alors quand les gens lui attribuent notre travail, le résultat est qu’ils suivent la philosophie de Torvalds au lieu de la nôtre. Donc ils n’apprennent pas à valoriser la liberté, à lutter et donc notre lutte est affaiblie par cette erreur. Donc ce n’est pas qu’une insulte à nous, mais cela abîme le futur de tout le monde. Prière donc de dire « j’utilise GNU et Linux ». Prière de nous donner la reconnaissance égale.
En principe, GNU et Linux est un système libre, mais dans la pratique pas toujours. Il y a beaucoup de variantes du système GNU et Linux, chacune développée par quelqu’un qui ajoute d’habitude d’autres programmes au système. Ces programmes peuvent être libres ou pas. Mais quand il ajoute des programmes pas libres, le résultat est un système pas complètement libre qui ne respecte pas en sa totalité la liberté de l’utilisateur.
Un système d’exploitation est une collection de beaucoup de programmes, des milliers de programmes. Et pour qu’une collection respecte la liberté de l’utilisateur, chaque composant doit la respecter. S’il y a même un seul composant qui prive de la liberté, la collection prive de la liberté par ce composant. Donc l’adjonction d’un seul composant pas libre produit un système pas libre. C’est le cas usuel. Il y a plus de mille distributions GNU et Linux, presque toutes contiennent des programmes privateurs, il y en a plus ou moins dix qui sont totalement libres. Regarde [2] pour la liste des distributions libres.
Comment rendre libre un programme ? D’abord il faut noter que selon la loi actuelle injuste du droit d’auteur, n’importe quel programme, par le fait d’être écrit, porte automatiquement un droit d’auteur. Et, par défaut, cette loi interdit toutes les quatre libertés : interdit de faire des copies, interdit de faire des changements, interdit de distribuer des copies, et même, dans beaucoup de pays, interdit d’exécuter le programme sans autorisation. Parce que pour que le programme s’exécute, il faut le copier, il faut que l’ordinateur copie le programme dans la mémoire et cela même est interdit, dans beaucoup de pays, par le droit d’auteur.
Comment donc le programme peut être libre ? Les détenteurs du droit d’auteur sur le code peuvent le libérer par une déclaration formelle octroyant les quatre libertés à tout utilisateur possédant une copie. Et cette déclaration s’appelle une licence de logiciel libre. Évidemment, il y a beaucoup de manières d’écrire des licences libres ; il y a en beaucoup et elles sont différentes. Les différences ont des conséquences pratiques, elles ne sont pas équivalentes. Toutes, pour se qualifier de licence libre, doivent octroyer de manière adéquate les quatre libertés. Mais il y a des manières différentes de le faire.
Il y a deux classes principales de licences libres. Il y a les licences faibles et les licences de gauche d’auteur, en anglais « copyleft », en français « gauche d’auteur ». « Copyright » signifie le droit d’auteur donc « Copyleft » signifie « le gauche d’auteur ». Les licences faibles permettent presque n’importe quoi. Et ça parait très simple, mais c’est faible. Quand les développeurs disent : « Fais ce que tu veux », les entreprises répondent : « Ah oui, merci », et font des versions modifiées privatrices pour soumettre des utilisateurs avec le code que l’autre avait publié comme libre. Je l’avais vu en 85 quand j’avais un programme à distribuer pour le système GNU, j’avais déjà vu ce problème des licences faibles, donc j’ai inventé le gauche d’auteur, qui s’utilise dans la GPL de GNU, la GNU General Public License, GPL de GNU.
Mais qu’est-ce que dit le gauche d’auteur ? Le gauche d’auteur impose une condition sur l’exercice des libertés 2 et 3, c’est-à-dire sur la distribution de copies ou exactes ou modifiées. Et la condition dit : « Quand tu distribues des copies, tu dois respecter les mêmes libertés pour les utilisateurs suivants que je t’ai données ». C’est-à-dire que l’intermédiaire n’a pas le droit d’ôter la liberté et redistribuer le code comme du logiciel privateur. Il est obligé, formellement, de distribuer les copies sous la même licence et avec le code source, de manière que les utilisateurs suivants, qui reçoivent le code de ses mains, aient les mêmes libertés que lui. Et comme ça, la liberté arrive à tout utilisateur, parce que les intermédiaires sont interdits d’ôter la liberté.
Et le résultat d’utiliser le gauche d’auteur, est que les entreprises mêmes collaborent dans le développement de la version libre. Se voyant interdites de faire des versions privatrices, elles choisissent de participer dans la communauté. Donc si tu développes un programme libre, il est très important de protéger la liberté de tout utilisateur contre ces entreprises en leur niant l’option de convertir ton code en privateur.
Je suppose que tu as entendu l’expression « open source » et tu auras noté que je n’ai jamais dit cette expression. Ce n’est pas la même chose que le logiciel libre. C’est le slogan d’une réaction contre nos idées libertaires. Une réaction qui cherchait à séparer notre logiciel de nos principes, de notre philosophie politique, de notre éthique. L’idée était d’inventer un autre nom, pour inventer un autre discours et donc pour choisir quelles idées mettre dans leur discours. Et ils ont choisi uniquement les niveaux superficiels pratiques, du logiciel libre en rejetant la base morale. Et donc, dans leur discours, ils ne citent que les valeurs pratiques superficielles, comme la bonne qualité du code. Pour nous, si tu développes et distribues un programme, c’est ton devoir moral de respecter la liberté des utilisateurs de changer et redistribuer ce programme. Mais pour ceux d’Open Source, ils refusent de le dire. Ce qu’ils disent est : « Si tu développes et distribues un programme, il peut être de ton intérêt pratique de permettre que les utilisateurs modifient et redistribuent ce programme parce que, comme ça, ils pourraient améliorer la qualité du code ». Donc pour nous, les valeurs sont les droits de l’humain. Je ne dis pas les droits de l’homme parce que ces droits ne sont pas que pour les hommes, donc je dis les droits de l’humain. Mais pour eux, ce n’est pas une question des droits de l’utilisateur, uniquement l’avantage pratique du développeur. Donc ils acceptent, ils donnent pour acquis, que le développeur peut légitimement nier cette liberté aux utilisateurs. C’est le contraire de notre idée fondamentale. Un programme privateur est une injustice.
Donc cette différence est profonde. Mais au niveau superficiel, les deux sont presque pareil. La différence est au niveau des valeurs. Malheureusement, en 98, quand ils ont inventé cette expression, ils étaient la majorité de la communauté et ils avaient l’appui de presque toutes les entreprises dans la communauté libre. Les médias importants et les politiciens ont suivi l’argent et donc, dès lors, dans les médias importants, on ne voit presque jamais « logiciel libre », énormément, uniquement open source. Nous devons faire un effort continu d’informer les utilisateurs de notre logiciel, qu’il existe toujours le mouvement logiciel libre, que nous ne sommes pas d’accord avec les idées d’open source que d’autres leurs ont présentées.
Chaque semaine, je reçois plusieurs messages me remerciant des contributions que j’ai faites à l’open source. Et je dois répondre : « Je n’ai rien fait pour l’open source, je ne suis pas d’accord, c’est l’idée des autres qui rejettent le mouvement logiciel libre. » Beaucoup pensent que j’ai lancé le mouvement Open Source. Il n’y a pas de mouvement Open Source. L’idée fondamentale d’open source est de ne pas être un mouvement, de ne pas lutter. Il n’y a pas de pourquoi lutter. C’est leur idée, c’est le non-mouvement Open Source. Mais je ne l’appuie pas.
J’ai même vu des articles qui m’appelait « le père d’open source » ! Ohhh ! Qu’est-ce que je peux faire ? J’ai envoyé une lettre à l’éditeur disant « si je suis le père d’open source, il a été conçu par l’insémination artificielle, utilisant de la semence volée, sans mon autorisation ». Puis j’explique les idées du mouvement « logiciel libre » et je présente son nom. Et voici le but de la lettre, que les lecteurs de ce magazine connaissent les idées du logiciel libre, mais je commence par une blague parce que j’aime les blagues.
Enfin, si tu es d’accord avec ceux d’Open Source, avec les gens d’Open Source, tu as le droit de le dire. Mais si tu es d’accord avec le logiciel libre, prière de le montrer aux autres, prière de ne pas dire open source.
Moi, je ne le dis jamais, sauf pour expliquer pourquoi je ne suis pas d’accord avec eux. Et c’est un appui important à notre mouvement que tu dises toujours « logiciel libre » et jamais « open source ». C’est l’appui clair à notre mouvement, nous en avons besoin. Si tu veux, avec très peu de temps, nous appuyer, voici la manière.
Les écoles doivent enseigner uniquement le logiciel libre parce que les écoles ont une mission sociale d’éduquer des bons citoyens d’une société forte, capable, indépendante, solidaire et libre. Dans l’informatique, ça veut dire enseigner uniquement du logiciel libre pour graduer [diplômer, NDT] des utilisateurs habitués aux logiciels libres. L’école ne doit jamais enseigner un programme privateur parce que donner aux jeunes du logiciel privateur est comme leur donner du tabac. C’est semer de la dépendance dans la société. Il ne faut pas.
Il y a aussi la question de l’éducation morale dans la citoyenneté. Les écoles doivent éduquer chaque élève à coopérer avec les autres, à être un bon citoyen d’une société solidaire. Il faut enseigner l’habitude d’aider les autres. Donc chaque classe doit avoir la règle suivante :

  • les élèves : si tu apportes un programme à la classe, tu ne peux pas le garder pour toi, tu dois le partager, y compris son code source, avec les autres dans la classe car cette classe est un lieu pour partager les connaissances. Donc il n’est pas autorisé d’apporter un programme privateur à cette classe, sauf pour l’ingénierie inverse ;
  • l’école, pour donner le bon exemple, doit suivre sa propre règle, doit apporter uniquement des programmes libres à la classe et partager des copies, y compris des codes sources, avec tous ceux dans la classe qui veulent des copies, sauf pour les exercices de l’ingénierie inverse.
    Mais il y a aussi l’éducation à la programmation. Chaque programme incorpore des connaissances. S’il est privateur, il nie ces connaissances aux étudiants. Le programme privateur est donc l’ennemi de l’esprit de l’éducation et ne doit jamais être toléré dans une école, sauf pour faire de l’ingénierie inverse. Le programme libre offre ses connaissances aux étudiants. Le programme libre appuie l’éducation. Et comment apprendre à écrire bien le code ? Il faut lire beaucoup de code et écrire beaucoup de code. Mais seulement le logiciel libre offre l’opportunité de lire le code des grands programmes qui s’utilisent. Puis il faut écrire beaucoup de code. Pour apprendre à écrire du code pour des grands programmes, il faut écrire beaucoup de code pour des grands programmes, mais il faut commencer par le petit. Que signifie le petit dans le champ d’écrire du code pour des grands programmes ? Écrire des petits programmes n’est pas même commencé. Non, le commencement, c’est d’écrire des petits changements dans des grands programmes. Seulement le logiciel libre offre l’opportunité d’écrire des changements dans des grands programmes qui s’utilisent. N’importe quelle école peut offrir l’opportunité de maîtriser l’art de la programmation si elle est une école de logiciel libre.
    Les droits humains dépendent les uns des autres. C’est-à-dire que si nous perdons un droit humain, il devient plus difficile de protéger les autres droits humains. Mais vu que nous utilisons de l’informatique pour faire beaucoup d’activités importantes dans la vie, le contrôle de notre informatique, c’est-à-dire que le logiciel soit libre, est devenu un des droits humains essentiel pour défendre les autres droits humains. Et parfois, la liberté exige un sacrifice, c’est la vie ! Il en a été toujours comme ça. Mais beaucoup maintenant refusent de faire même des petits sacrifices. Ils disent : « Non, je ne veux pas arrêter d’utiliser ce programme privateur. C’est très commode ! Si un jour vous me montrez un programme pour faire ce travail 100 % aussi commode et efficace et fiable que ce programme-ci, je l’adopterai. » Qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que pour lui, la valeur de la liberté est zéro. Si le sacrifice qu’il ferait pour la liberté est zéro, il valorise la liberté comme zéro. Et que faire ? Je ne peux pas le forcer à changer d’avis. Mais je peux le citer comme exemple d’un sot, du sot qui ne valorise pas sa liberté et donc est dans le chemin pour la perdre.
    Comment appuyer notre cause ? Si tu es programmeur, si tu es bon programmeur, tu peux écrire des contributions aux programmes libres. Il faut commencer en développant des contributions aux programmes libres existants. Après l’avoir fait 20 fois, tu sauras gérer un projet et tu pourras lancer un projet et tu sauras comment le faire.
    Mais si tu n’es pas programmeur, il y a d’autres manières également importantes de contribuer. Par exemple organiser le mouvement. L’administration des organisations activistes pour la liberté est essentielle. Pas besoin de savoir programmer. Tu peux apprendre à faire des conférences comme celle-ci. Très, très important. Nous avons beaucoup plus de programmeurs que de conférenciers. Tu peux persuader des écoles et des États à migrer au logiciel libre. Très important. Regarde [3] pour les écoles et [4] pour l’autre.
    Si tu es expert dans l’utilisation du système, tu peux aider les autres. Tu peux lancer un groupe d’utilisateurs de GNU et Linux, ou participer dans un groupe déjà existant d’utilisateurs de GNU et Linux. Et tu peux dire « Free Software », « logiciel libre » et jamais open source. Il y a d’autres manières de nous aider. Regarde [5] pour d’autres idées. Tu peux aussi adhérer, te faire membre de la Free Software Foundation, regarde [6]
    Mais ça c’est une des menaces qui est relationnée avec d’autres menaces à la liberté numérique. Mais il y en a d’autres, par exemple le flicage. Le numérique facilite le flicage. Quand une activité est numérisée, ça met du flicage. Par exemple maintenant, aujourd’hui, les restaurants proposent de leur donner ton nom pour réserver une place. Il y a trente ans, il était possible de réserver une place : le restaurant écrivait quelques noms sur un papier et jetait le papier à la fin de la journée. Pas vraiment de flicage. Mais maintenant c’est un système numérique qui garde toutes les données. C’est la pratique usuelle. Garder à jamais toutes les données qui sont évidemment disponibles à l’État. Il y a du flicage fait directement par l’État et du flicage fait par des entreprises, mais toutes les données sont disponibles aux flics ! Donc pas vraiment de différence.
    Parfois, ils nous fliquent à travers nos produits informatiques. En ce cas, souvent, ce sont les programmes privateurs qui fliquent, parce que les utilisateurs n’ont pas le contrôle et n’ont pas la possibilité de supprimer le flicage. Donc si tu n’utilises jamais du logiciel privateur, ça te protège de ce chemin de flicage. Mais il y a d’autres chemins. Il y a le flicage qui fonctionne à travers des systèmes que nous utilisons mais ne nous appartiennent pas, comme, par exemple, les fournisseurs d’accès Internet et les services de téléphonie. Nos ordinateurs fonctionnent avec ces services, mais nous ne sommes pas les propriétaires, nous ne pouvons pas changer le logiciel dans les services pour ne pas nous fliquer. La seule manière de réduire ce flicage est par l’organisation pratique contre les tendances d’imposer toujours plus de flicage. Ils utilisent n’importe quelle excuse pour augmenter le flicage. En France, le terrorisme est un petit danger, comparé à d’autres grands dangers, comme les voitures, le sucre, le tabac. Voici des grands dangers capables de tuer des millions, qui tuent beaucoup de milliers au moins. Et voilà le terrorisme qui tue beaucoup moins. Donc il faut éviter la panique. Mais il y a une grande tendance à utiliser la panique. Est-ce que c’est un mot français panique ? Oui. Et les politiciens l’exploitent et augmentent, les médias augmentent la panique. Je connaissais quelqu’un qui, suite à regarder à la télé plusieurs fois les avions choquant les tours à New York, elle, habitait en Californie, mais elle avait peur de sortir. Évidemment, il ne faut pas les regarder. Heureusement, je n’ai pas de télé ! Donc…
    Le 11 septembre 2001, j’étais à Washington. Il y avait une réunion cet après-midi-là, évidemment annulée. Il m’a fallu deux heures pour reconnaître la prochaine victime : notre liberté serait la prochaine victime. Donc j’ai commencé à écrire un article appelant les Américains à ne pas attaquer leur propre liberté. Par frustration de ne pas pouvoir trouver les organisateurs, ne pas pouvoir toucher les organisateurs des attentats, ils étaient susceptibles d’attaquer leur propre liberté.
    Et le 13 novembre j’étais à Paris pour faire une conférence le lendemain ici, qui a été malheureusement gratuitement annulée. Je me préoccupais de la liberté des Français. Je savais que l’État profiterait de cette excuse pour réduire les libertés des Français et voici que cela s’est produit.
    C’est à vous de vous organiser contre cette tendance. Vous devez dire qu’il faut risquer un peu de morts pour garder ce qui est vraiment essentiel : la liberté. Dans le passé, nous avons gagné des libertés par des grands sacrifices, des vies. Et les gens étaient disposés à le faire, à risquer même les grands sacrifices, parce que la liberté était importante. Et maintenant, ils enlèvent la liberté à tout le monde au nom d’éviter quelques peu de morts. C’est le contraire. C’est le contraire de la philosophie qui a acquis la liberté. Maintenant, c’est la philosophie de perdre la liberté. Il faut comparer le danger du terrorisme avec d’autres dangers pour reconnaître comment c’est petit, qu’il ne mérite pas de perdre la liberté, déchirer votre propre liberté.
    Mais qu’est-ce qu’ils font ? Ils font du flicage partout. Quand j’ai vu les Vélib’, j’ai pensé un système de flicage. Il faut ne pas l’utiliser. Pour moi, je suis habitué à rejeter les systèmes de flicage. J’utilise le métro mais j’achète des carnets. Je n’ai pas de carte. Je ne veux pas être fliqué. C’est très important de rejeter les systèmes de flicage qui s’introduisent dans tous les systèmes que nous utilisons. J’ai une carte de crédit que j’utilise pour acheter des billets d’avion et rien d’autre. Rien ! Ah, théoriquement, pour louer une voiture, si je le faisais, mais ça fait des années que je n’ai pas loué une voiture, je n’ai plus le temps de conduire moi-même. Trop de courrier. Mais je l’utiliserais comme ça, parce que les agences de voitures exigent de regarder le permis de conduire donc elles savent à qui elles louent la voiture. Pas d’anonymat à protéger donc j’utiliserais la carte. Mais hormis ça, je paie en liquide pour ne pas être fliqué.
    C’est avec ce type d’organisation que nous pouvons mettre de la pression contre le flicage. Mais aussi politiquement. Il faut dire aux élus : « Non au flicage. Le flicage est plus dangereux que les terroristes ! » Et c’est vrai, parce que le mal que les terroristes peuvent faire est limité. Mais l’État sans démocratie pourrait faire du mal sans limites. Que signifie la démocratie ? Que le peuple a le contrôle de l’État, le contrôle des actions de l’État. Mais l’État a tendance à agir secrètement. Comment donc avoir le contrôle des actions secrètes de l’État ? Il faut savoir ce que fait l’État. Et comment le savoir ? Grâce aux héros, aux lanceurs d’alerte, qui révèlent ce que fait l’État. La démocratie a besoin des lanceurs d’alerte, c’est-à-dire des sources des journalistes. Les deux sont synonymes. Mais l’État n’aime pas que des héros révèlent leurs actions secrètes. Donc les États les appellent des espions, essaient de les mettre en prison, suite à des procès injustes. Si l’État sait toujours qui va où et qui communique avec qui, l’État peut trouver toujours les lanceurs d’alerte et le lancement de l’alerte serait trop difficile, il y aura très peu de lanceurs d’alerte et fin de la démocratie.
    J’ai donc démontré la limite absolue du flicage, possible dans une démocratie. Quand le flicage suffit pour identifier, pour fliquer qui va où et qui communique avec qui, fin à la démocratie. Il faut donc réduire les niveaux de flicage par accumulation de données, c’est-à-dire au point où il serait insuffisant pour savoir qui va où et qui communique avec qui.
    Il faut rendre sauve la carrière de lanceur d’alerte. Mais comment le faire ? Quelques-uns proposent des limites à l’utilisation des données accumulées. Mais ça ne corrige rien parce que quand les règles sont proposées, elles disent toujours : « Pour trouver des délinquants l’État peut accéder aux données. » Mais quand l’État dit que le lancement d’alerte était un crime, voici l’excuse pour utiliser les données. Ce n’est pas une solution.
    Autre solution proposée, c’est d’exiger chaque fois que l’utilisateur autorise le stockage de ses données. Mais nous savons que si un service informatique dit : « En utilisant ce service, vous utilisez le stockage de vos données », les gens le font. Sauf moi. Moi, si je vois que le site exige mes données personnelles, je ne l’utilise pas. Je vois que c’est déjà injuste. Je ne lis pas les politiques de vie privée parce que je sais que ça ne suffit jamais, dans aucun cas. Dois-je me confier à un site parce que la politique de vie privée m’assure de quelque chose ? Parce que qui sait si le site vraiment suit sa politique ? Et les politiques sont écrites pour avoir des confusions, pour paraître très fortes, tandis qu’elles sont en vérité très faibles.
    Normalement, ce sera le site qui interprète la politique. Et le site dit normalement que la gestion a le droit de changer dans le futur cette politique. Si je donne maintenant les données et le site change la politique après, l’entreprise sera autorisée à utiliser les données que je lui avais déjà livrées. Il ne faut jamais se confier de ça. Ça ne peut pas être adéquat. Donc, qu’est-ce qu’il faut faire ?
    Il faut des lois pour exiger que les systèmes numériques soient conçus pour ne pas accumuler les données. Ce doit être une loi et il ne faut pas accepter des excuses. Oui, il est facile de concevoir le site pour fonctionner de manière qu’il ait besoin des données personnelles. Si l’entreprise veut fliquer, elle peut construire une telle excuse. Donc il faut rejeter toute excuse. Il faut dire si, en principe, le service est possible sans accumuler ces données, il faut le faire sans accumuler ces données.
    Il faut interdire les caméras connectées à l’Internet. Sauf dans des lieux complètement privés. Si tu veux exposer l’intérieur de chez toi à tout le monde, tu as le droit. Mais si la caméra regarde un lieu où le public est admis, la connecter à un réseau doit être interdit. Il faut exiger que toutes les caméras soient des caméras de sécurité en lieu de caméras de surveillance. C’est quoi la différence ? La caméra de sécurité fait un enregistrement local accessible uniquement si tu vas au lieu. Donc ça sert pour observer les délits et pour poursuivre les coupables. Mais ça ne sert pas au flicage de tout le monde, parce que l’accès aux enregistrements est trop incommode pour le faire toujours. On le fera quand il y a une raison spéciale comme un délit, mais pas toujours. Mais une fois que la caméra est branchée à l’Internet, il est facile de centraliser tous les enregistrements, de chercher par des programmes de reconnaissance de visage, etc. Voilà le flicage général. Donc pour éviter le flicage général, il faut interdire de telles caméras.
    Il faut exiger que les systèmes matériels soient fabriqués pour ne pas fliquer les gens. Et ça doit s’appliquer à tous les systèmes, publics ou privés, qui ont des effets au public. Par exemple, les Velib’. Je crois que j’ai identifié une manière de faire fonctionner le système des Velib’ sans fliquer les utilisateurs. De manière que les utilisateurs paient et le système ne sait jamais qui a emprunté un vélo ou qui a rendu un vélo, sauf dans le cas où il ne rend pas le vélo. En ce cas, le système a besoin de savoir qui a volé le vélo, ou qui ne rend pas le vélo quand il doit. Donc il faut faire attention. Il faut donner la priorité à éviter le flicage. Si nous donnons la priorité à la commodité, si nous acceptons comme des solutions des systèmes qui fliquent, nous aurons une société de flicage total.
    Par exemple il faut rejeter Uber parce que c’est un système de flicage. Le système sait qui a utilisé une voiture de où à où. Donc c’est nettement pire que les taxis normaux. On peut appeler un taxi normal et payer en liquide sans qu’il sache qui tu es. Donc j’utilise les taxis normaux, je n’utiliserai jamais Uber !
    Une autre menace est la censure. Maintenant on voit que beaucoup de pays censurent l’Internet. La censure est injuste. Et même en Europe, il y a beaucoup de censure. Maintenant, nous voyons qu’un comédien allemand va être poursuivi pour insulter quelqu’un. C’est absurde ! Insulter quelqu’un ne doit jamais être un délit. Sarkozy était célèbre pour poursuivre ceux qui l’insultaient. Maintenant, c’est Erdogan. Les deux sont plus ou moins équivalents dans l’injustice. Il faut changer ces lois. En France, même des postures sur l’histoire sont censurées. En France, il est interdit de dire qu’il n’y avait pas de génocide des Arméniens. En Turquie, il est interdit de dire qu’il y avait un génocide des Arméniens. Deux lois également injustes.
    Et je veux citer un héros que j’admire. Il s’appelait Hrant Dink. Il était citoyen turc de descendance arménienne, et il cherchait à réconcilier les deux peuples, mais il a été poursuivi en Turquie pour avoir affirmé qu’il y avait eu un génocide des Arméniens. Quand il a entendu que la France proposait une loi pour interdire de nier, de dire qu’il n’y avait eu pas de génocide des Arméniens, il a dit que si la France adoptait une telle loi, lui, il irait en France pour nier ce génocide, pour défier l’État de le poursuivre. Malheureusement, quand la France a adopté cette loi, il était déjà mort. Il a été assassiné pour sa politique. Et maintenant la France a une loi injuste et il n’y a pas de Hrant Dink pour se manifester. C’est à vous de vous manifester contre cette loi. En France, tant que dure cette loi, il est impossible de parler de ce sujet honnêtement. Ou on imite l’opinion imposée par l’État, ou l’on fait un délit. Hors de la France, on peut considérer honnêtement cette question. Ce doit être possible en France.
    Beaucoup d’États imposent des filtres sur l’Internet, imposent le filtrage aux fournisseurs d’accès. Voici une autre attaque à la liberté des gens.
    Maintenant l’Europe est en train d’imposer une autre forme de censure : le droit à censurer les recherches de ton nom. Et des pays essaient d’imposer cette loi aux entreprises mondialement. Évidemment, les entreprises seront obligées de traiter l’Europe comme elles sont obligées de traiter la Chine.
    Il y a une d’autres formes de censure. En Australie, il y a la censure des liens, il y a des liens interdits. À l’organisation Electronic Frontiers Australia qui défend les droits humains dans le monde informatique, a été ordonné de supprimer un lien vers un site étranger, politique, sous la peine d’une amende de 11 000 dollars par jour. Et c’était quel site ? Ce n’était pas un site terroriste, c’était presque également horrible, c’était un site à l’encontre du droit de l’avortement. Mais ils ont le droit de présenter leur opinion, même en Australie.
    Et en Inde, il y a une autre forme de censure : des fonctionnaires ont le pouvoir de supprimer des pages sans procès, parce qu’ils considèrent que les pages insultent la religion de quelqu’un. Autre injustice. La liberté d’expression comprend le droit d’insulter n’importe quelle idée, y compris n’importe quelle religion. Et il faut soutenir ce droit. Je propose à tout le monde de regarder la bande dessinée Jesus and Mo, c’est très, très drôle. Ça présente Jésus et Mohammed comme couple homosexuel. Et toujours des commentaires sur des questions philosophiques et c’est drôle.
    Il faut défendre le droit de dire de telles choses, même si les gens religieux ne l’aiment pas. Ils n’ont pas le droit d’imposer à tout le monde de ne pas les critiquer ni de se moquer d’eux. Parce que la liberté d’expression contient le droit de se moquer de n’importe qui ou n’importe quoi. Même de moi. Même du logiciel libre.
    Une autre menace est l’utilisation des ordinateurs pour les élections publiques. On ne sait jamais ce qui se passe dans l’ordinateur. Seulement des experts sont capables d’étudier le fonctionnement du programme dans l’ordinateur. Mais ça ne suffit pas. Si c’est aujourd’hui l’élection et il y a un mois une équipe d’experts a étudié le code de ce programme, comment savoir si le programme qui s’exécute aujourd’hui est le même que celui qu’ils ont étudié. Peut-être que quelqu’un a installé ce matin un programme modifié pour compter mal les votes et ce soir il ré-installera le programme correct. Le problème d’utiliser les ordinateurs pour voter, c’est qu’on ne sait jamais si l’ordinateur a compté correctement les votes, il n’y a pas manière de le vérifier. Il faut voter de manière qu’on puisse vérifier les résultats, après.
    La votation par Internet est folle, totalement folle, c’est pire encore. Parce que ça expose l’intégrité de l’élection au risque de la sécurité d’Internet. Washington D.C. pensait utiliser le vote par Internet. Mais avant de l’utiliser vraiment, ils ont fait une expérience en défiant quelques investigateurs à rompre la sécurité et falsifier les résultats. Et une équipe d’étudiants a falsifié les résultats, a fait gagner un robot fictionnel. Heureusement, Washington D.C. a rejeté l’idée de voter par Internet.
    Je crois que c’est l’Estonie qui utilise beaucoup le vote par Internet. Une équipe a investigué leur sécurité et a déterminé qu’il serait très facile de rompre la sécurité de leurs serveurs. Pas pour tout le monde, mais de qui est-ce qu’il faut avoir peur ? Pas n’importe qui, mais plutôt l’armée de l’Internet de la Russie. Pour la Russie, rompre la sécurité de l’élection estonienne serait assez facile. Est-ce que les Estoniens veulent que leurs élections soient déterminées par les Russes, par l’État de Poutine [prononcé « putain », NDT]. Est-ce que j’ai dit quelque chose de drôle ? C’est son nom, n’est-ce pas ? Je ne dis pas « poutine », ça se trouve au Québec.
    Donc c’est fou d’utiliser les ordinateurs pour voter. Et pourquoi est-ce qu’ils le proposent ? Pour économiser. Mais combien coûtent les élections ? C’est très peu comparé à d’autres dépenses de l’État. C’est idiot de courir un tel risque pour économiser un petit peu.
    Une autre menace à la liberté, c’est la guerre contre le partage. Que signifie « partager » ? Partager des copies signifie la redistribution non commerciale, entre les gens, des copies exactes. Et je crois qu’il faut être légal. Tout le monde doit avoir le droit de partager des copies de n’importe quelle œuvre publiée. C’est très, très utile, et c’est une forme de coopération entre les gens. Voici la fraternité.
    Pourquoi est-ce que la technologie numérique est utile ? Parce qu’elle facilite la manipulation, copiage et transmission des données. Y compris, évidemment, le partage des œuvres publiées. Mais les éditeurs ne veulent pas que nous profitions de cette avance technique. Les éditeurs veulent nous imposer un univers de payer chaque utilisation. Donc ils ont mené une guerre contre le partage et contre ceux qui partagent, pendant des décennies. Ils ont commencé avec des insultes. Ils ont appelé ceux qui partagent des « pirates ». Ah ! C’est absurde, parce que les pirates attaquent les navires et je crois qu’il faut envoyer la marine pour mettre fin à la piraterie. Ça n’a rien à voir avec nos ordinateurs. Attaquer les navires est très, très mauvais. Partager est bon. Donc il ne faut pas utiliser le même mot pour tous les deux. Voici la propagande des éditeurs. Je le rejette. Je refuse d’appeler le partage, piraterie. Mais ils ont le droit de présenter leurs opinions. Ça ce n’est pas une guerre. S’ils s’étaient limités à exprimer des opinions, je ne dirais pas guerre contre le partage. Mais ils sont allés beaucoup plus loin.
    Il y a plus ou moins 30 ans, ils ont commencé à convertir les produits techniques que nous utilisons chez nous en flics de prison. Pas pour nous servir, mais plutôt pour nous restreindre. Je veux dire qu’ils ont mis des fonctionnalités malveillantes de menottes numériques. Ça s’appelle en anglais Digital Restrictions Management, DRM. Puis, ils ont acheté dans plusieurs pays des lois qui interdisent les développements pour rompre les menottes. Donc nos États ont pris le parti des éditeurs à notre encontre. L’État français a légiféré plusieurs fois des pénalisations de partager. Enfin, il a éliminé le principe fondamental de la justice : aucune punition sans procès juste. Le but de l’Hadopi était de punir les gens sans vrai procès. Le soupçon suffit pour punir quelqu’un, la seule accusation suffit pour punir.
    Heureusement, l’Hadopi n’a pas fonctionné. Mais on ne peut pas supposer que toutes leurs mesures injustes s’échoueront. Pas toujours. Il faut organiser contre de telles lois parce que le but est injuste. Au Japon, ils sont allés plus loin encore. L’acte de décharger une copie de n’importe quoi, sans autorisation, est puni par deux ans de prison. Et si ça ne suffit pas, je suppose qu’ils tueront les gens qui partagent. Parce que pour les éditeurs, il n’y a pas de limites. Les éditeurs veulent faire n’importe quoi pour réprimer le partage, la fraternité.
    Pourquoi est-ce qu’ils proposent et imposent cette série de mesures injustes ? Parce que partager est bon. Et avec la technologie numérique, partager est facile donc les gens partagent. Et pour que les gens arrêtent de partager, il faut des mesures cruelles. Donc, il faut mettre fin à cette guerre en légalisant le partage. Et pour protéger le droit de partager, il faut interdire les mesures que les éditeurs emploient et pourraient toujours employer pour nous enlever le droit de partager, comme les menottes numériques, les DRM. La fabrication de produits avec DRM, ou la vente de tels produits doit être un délit. Et aussi, l’imposition des contrats selon lesquels l’utilisateur s’engage à ne pas partager, doit être bloquée. Ce chemin de nous ôter le droit de partager doit être bloqué. La loi doit dire que n’importe quel contrat selon lequel l’utilisateur s’engage à ne pas partager, manque de valeur légale, signé où que ce soit. Même si le contrat a été accepté dans un autre pays, dans un autre pays ce contrat ne doit pas avoir de valeur légale,la force légale. Donc rien ne peut limiter le droit de partager une œuvre publiée.
    Les questions des données privées personnelles, c’est une autre question, rien à voir entre les deux.
    Évidemment, les éditeurs diront que si nous partageons des copies, c’est voler de l’argent aux artistes. Mais c’est absurde. Ce sont les éditeurs qui volent de l’argent aux artistes ! J’achète des disques de musique commerciaux. Et quand je les achète, je suis triste de ne pas appuyer les musiciens. Je sais que les éditeurs de disques ne paient pas les musiciens, sauf quelque peu de grandes stars établies pour longtemps, et pas pour leur premier disque. Mais je les achète parce que c’est la seule manière légale d’acquérir de la musique qui ne m’opprime pas. Je peux acheter un disque à l’anonymat, sans accepter un contrat, et le disque ne contiendra pas de DRM. Donc, ça ne m’opprime pas. Les autres systèmes de distribution commerciaux oppriment les utilisateurs, donc je ne les accepte pas. Ou ils imposent du DRM, ou ils imposent des contrats injustes, ou ils fliquent l’utilisateur.
    Mais c’est vrai que si nous apprécions les Arts, c’est de notre intérêt pratique d’appuyer les artistes. Mais il faut le faire d’autres manières, des manières qui ne contribuent pas et qui ne supposent pas la guerre contre le partage. Il faut donc des systèmes d’appuyer des artistes, compatibles avec la liberté du partage. Et j’en propose deux.
    Un système fonctionnerait à travers l’État. L’État peut avoir une somme d’argent à répartir entre les artistes selon le succès de chacun. On peut mesurer le succès de chaque artiste par un système de sondage ou en comptant la fréquence de partage de ses œuvres. Puis on a un chiffre de succès pour chaque artiste. Combien d’argent est-ce qu’il reçoit ? L’idée évidente est de répartir en proportion linéaire au succès de chacun. Mais ce système gaspillerait l’argent parce que vu il y a peu stars qui ont beaucoup de succès, plus de succès que d’autres artistes, mais énormément plus. La star A peut facilement avoir mille fois le succès d’un artiste capable et apprécié, mais pas star, B. Et avec la proportion linéaire, si A a mille fois le succès de B, A recevra mille fois l’argent de B. Comme ça, la majorité de l’argent sera pour peu de stars, qui n’ont pas vraiment besoin de plus d’argent. Et les artistes qui en ont besoin, les artistes capables mais pas stars, recevront très peu chacun. Donc c’est la mal utilisation de l’argent pour appuyer les Arts. Donc je propose de calculer la racine cubique du succès de chaque artiste. Pourquoi la racine cubique ? Je ne dis pas que ce soit la fonction parfaite. Peut-être la racine quartique ou la racine 2.8, je ne sais pas. Il y a beaucoup de fonctions qui ont plus ou moins cette forme. Et des économistes peuvent calculer laquelle est la meilleure. Le point, c’est que la racine cubique a des résultats assez simples. La racine cubique de 1000 est 10. Ça se voit. Donc si A a mille fois le succès de B, avec la racine cubique, A recevra dix fois l’argent de B, au lieu de mille fois, seulement dix fois. L’effet d’utiliser la racine cubique ou n’importe telle fonction, est de transférer la plupart de l’argent des stars aux artistes de succès moyen. Voici où plus d’appuis peuvent vraiment aider les Arts. Voici les artistes qui ont besoin de quelque chose de plus pour se dédier 100 % à l’art. Et ce système est complètement compatible avec la légalisation du partage. Chaque artiste dira à ses fans : « Partagez mes œuvres avec les autres ! »
    L’autre système que je propose fonctionnerait par des paiements volontaires. Si chaque produit pouvait produire une œuvre a un bouton pour envoyer une petite somme aux artistes, l’utilisateur peut l’envoyer, ou pas, comme il veut. Je propose une petite somme, pas minuscule, seulement petite. Peut-être en France, dix centimes. Si la somme est trop petite, la quantité envoyée en total serait très peu. Si la somme est zéro, le total envoyé sera zéro. Si la quantité est presque zéro, le total sera presque zéro. Mais si la somme est trop grande, très peu enverront de l’argent. Donc il y a une somme qui maximise le total envoyé par jour et je suppose que ce serait la somme optimale.

Public : Inaudible.

RMS : Quoi ? Je n’entends pas. Non, ce doit être un système anonyme. Et les cartes bancaires ne fonctionnent pas pour des paiements si petits. Mais nous avons développé un système qui fonctionnerait pour ça, il s’appelle GNU Taler. Et le but principal est d’éviter le flicage des paiements parce que GNU Taler donne l’anonymat parfait aux payeurs, mais pas à celui qui reçoit le paiement. Quand les entreprises reçoivent les paiements, leur revenu sera complètement observé par l’État. Taler rend possible les paiements anonymes mais pas l’évasion fiscale. Ça a été conçu pour ça. Regarde [7]
En vérité, il y a déjà des paiements volontaires aux artistes et ça fonctionne plus ou moins. Il y a des artistes qui reçoivent de l’argent, des paiements volontaires, et ça suffit. Mais il y a aussi le système de vendre des copies. Je ne suis pas contre ce système, je ne propose pas de l’éliminer. Il y a le système de vendre des entrées à un concert ou une œuvre de théâtre, pourquoi pas ? Ça ne fait pas de mal, donc je ne propose pas de l’éliminer. Mais je trouve que c’est bon de proposer d’autres systèmes, en plus, pour appuyer mieux les artistes. Le système actuel appuie mieux les éditeurs que les artistes. Et c’est injuste parce qu’il est basé sur l’interdiction du partage.
Enfin, il y a aussi l’injustice que nous n’avons aucun droit d’agir dans le monde virtuel. Si tu as une opinion et tu peux la présenter aux gens, tu as le droit de l’écrire sur un panneau et de te promener dans la rue. Pas vraiment en France où beaucoup d’opinions politiques sont censurées, mais dans un pays libre, au moins. Mais même en France, si ton idée n’est pas censurée, tu n’as pas besoin de l’appui des entreprises pour la présenter. Mais pour faire pareil dans l’Internet, qu’est-ce qu’il faut ? Il faut l’appui d’un fournisseur d’accès, d’un registre de noms de domaine, et d’un service d’hébergement. Et chacun peut te nier la coopération arbitrairement. Chacun écrit ses propres conditions de service et interprète ses conditions de service et peut te couper le service s’il juge que tu as violé ces conditions. C’est complètement arbitraire. Et nous l’avons vu il y a quelques années quand les États-Unis voulaient chasser Wikileaks de l’Internet, pas par une poursuite criminelle, mais plutôt en attaquant les entreprises qui fournissaient des services à Wikileaks. Wikileaks avait loué un serveur virtuel à Amazon. Un officiel a appelé Amazon et a convaincu les exécutifs de la gestion d’Amazon d’interpréter leurs conditions de service comme interdisant le lancement d’alertes. Donc Amazon a coupé le service sans procès. Pas besoin de procès. Puis les États-Unis ont attaqué beaucoup de noms de domaine, mais enfin la Suisse a refusé d’obéir aux commandes des États-Unis, donc wikileakds.ch existe toujours. Puis les États-Unis ont attaqué les entreprises de paiement, parce que Wikileaks dépendait et dépend toujours des dons pour fonctionner. Beaucoup qui appuyaient le travail de Wikileaks envoyaient de l’argent. Mais beaucoup d’entreprises, PayPal , Google, VISA, Mastercard, Bank of America et d’autres ont déclaré qu’ils refuseraient d’envoyer de l’argent à Wikileaks. Puis une entreprise en Islande a offert d’accepter des donations pour Wikileaks et VISA et Mastercard lui ont coupé le service, arbitrairement évidemment.
Puis la loi européenne est intervenue, parce que selon la loi européenne, vu que Mastercard et VISA ont une grande fraction de ce marché-là, ils ne peuvent pas couper arbitrairement le service. Et cette entreprise a fait un procès et a gagné. Donc enfin une limite. Enfin l’idée que celui qui a contracté le service a le droit de continuer tant qu’il suit les conditions et que ce n’est pas le fournisseur de service qui doit interpréter et qui doit décider. Il faut pour les services ordinaires et communs d’Internet, établir démocratiquement les conditions, de manière que le fournisseur d’un service ne puisse jamais décider arbitrairement de couper le service à aucun client, mais plutôt porter plainte. Par exemple si le client ne paie pas, le fournisseur pourrait porter plainte au tribunal disant « il ne nous paie plus » et le tribunal autoriserait de couper le service. Mais pas arbitrairement, pas par la décision selon les critères écrits par cette entreprise. Ça, c’est le pouvoir injuste.
Heureusement, Bitcoin a plus ou moins éliminé la possibilité de bloquer les donations à quelqu’un par les entreprises de paiement. On peut donner de l’argent à Wikileaks par Bitcoin et aucune entreprise ne peut l’empêcher. Donc c’est un problème résolu, mais il y a beaucoup de services normaux dans l’Internet. Et il faut établir des conditions justes pour continuer d’utiliser de tels services, comme il y a pour louer un appartement. Je ne sais pas si c’est pareil en France mais à Boston, si tu loues un appartement, le propriétaire ne peut pas arbitrairement écrire le contrat. Il y a des conditions autorisées et les autres conditions sont interdites. Et même s’il les met dans le contrat, elles manquent de valeur légale. Et il ne peut pas t’expulser arbitrairement. S’il juge que tu n’as pas suivi les conditions, il doit aller au tribunal et solliciter l’ordre de t’expulser. Ce n’est pas lui, le propriétaire, qui décide. Il faut être comme ça aussi dans l’Internet.
Maintenant, j’ai ici un petit gnou adorable qui a besoin d’une famille. Donc je vais le vendre aux enchères au bénéfice de la Free Software Foundation. Si tu achètes le gnou, je peux signer la carte pour toi. Si tu as un manchot chez toi, tu as besoin de gnou pour le manchot. Il ne doit y avoir aucun manchot sans gnou, jamais. À chaque manchot, son gnou. Nous pouvons accepter le paiement en liquide, par une carte bancaire si elle peut faire des achats internationaux par téléphone, ou par bitcoins si tu as avec toi de quoi faire le paiement ici devant moi. Quand tu enchéries, prière d’agiter la main et crier la quantité le plus fort possible car j’ai des problèmes auditifs et que tu veux que je prenne note.
Je dois commencer par le prix normal de 25 €. Est-ce que j’ai 25 € ? Combien ? Combien ? J’ai 30 €. Est-ce que j’ai 35 ? 35 ? 35 € pour ce petit gnou adorable. 35 € à la FSF pour… J’ai 35. Est-ce que j’ai 40 ? 40 €. Qui a dit 50 € ? C’est vous. J’ai 50. Est-ce que j’ai 55 ? Est-ce que j’ai 55 pour ce petit gnou adorable ? Combien ? J’ai 60. Est-ce que j’ai 70 pour ce petit gnou adorable qui a besoin d’une famille. 70 à la FSF pour protéger la liberté. 70 €, dernière opportunité pour offrir 70 € ou plus. Dernière opportunité. 70 ou plus. Un, deux, trois. Vendu pour 60.

[Applaudissements]

Richard Stallman : Comment voulez-vous payer ? Venez payer. Ah, vous pouvez aller au distributeur de billets et revenir, il y aura du temps pendant que je réponds. OK, donc, venez payer 60. Et donc je le signerai après les questions.
Et vous pouvez toujours acheter des marchandises par là, elles sont moins chères, il y a des petits badges pour 2 €. C’est une manière d’appuyer la FSF. Mais vous pouvez aussi vous adhérer à la FSF à travers le site fsf.org, ou ici, vous pouvez remplir un formulaire, payer la cotisation annuelle et vous serez membre.

Maintenant les questions. Est-ce qu’il y a un autre microphone utilisable pour ça ? Je peux utiliser l’autre microphone et le garder à la main. Donc celui-ci sera pour poser des questions mais pour ne pas perdre de temps, je propose de maintenir le micro dans un seul lieu ici et que les gens se déplacent pour poser des questions. C’est beaucoup mieux, vous verrez. Donc ici, venez ici pour poser des questions. Est-ce que ça fonctionne ? Il n’est pas encore activé. Allô. Celui-ci ne marche pas. OK. Maintenant oui. Donc les questions. Venez maintenant à la queue, c’est une méthode plus juste et plus efficace. Par là à la queue.

Public : Il y a des gens comme moi, comme la plupart d’entre nous qui se soucient…

RMS : Il faut prononcer plus clairement chaque consonne, mon problème est de reconnaître les consonnes, donc il faut parler plus lentement, en articulant chaque consonne.

Public : D’accord. Donc, ici, la plupart d’entre nous sont soucieux de leur protection de leurs données privées. Mais la majorité des gens s’en moque complètement. Il y a même des gens qui sont prêts à donner leurs données privées pour être célèbres.

RMS : Il y a des fous !

Public : Il y a des fous.

RMS : Il y a des sots !

Public : Il y a des sots. La plupart des gens s’en moquent complètement.

RMS : La question, s’il vous plaît.

Public : La question c’est « la plupart des gens utilisent Facebook pour organiser… »

RMS : Non, c’est Facebook qui les utilise. Oui, ce sont des sots, mais c’est quoi la question ?

Public : C’est, je n’ai pas envie de me couper de ces gens, parce que le seul moyen que j’ai d’aller à leurs événements qu’ils organisent, c’est d’avoir un compte Facebook.

RMS : Mais moi, je n’aurai pas de compte Facebook. Ça, c’est un principe. Et je dis aux gens, si vous voulez m’inviter, voici les manières possibles.

Public : Mais ils n’ont pas tous envie de faire l’effort de se débarrasser de Facebook.

RMS : Donc ceux qui ne font pas l’effort, évidemment, n’ont pas vraiment envie de vous inviter.

[Rires et applaudissements du public]

Public : Voilà.

RMS : Prochaine question.

Public : Pendant votre exposé, vous nous avez indiqué que vous utilisiez des voitures de location.

RMS : Oui, je l’utilisais.

Public : Et ça ne vous dérange pas le fait, par exemple, de savoir que sur les routes, il y a des caméras et que donc on peut…

RMS : Oui, ça me dérange. Mais je ne me trouve pas obligé d’éviter toute forme de flicage. Je déteste le flicage. Mais je ne vais pas aux limites absolues dans mon rejet du flicage. Je voyage dans des avions aussi, et ça aussi est fliqué. Mais par contre, aux États-Unis où les trains de longue distance sont fliqués, j’utilise plutôt les autobus, en lieu des trains. Je refuse d’utiliser les trains d’Amtrak, parce que Amtrak flique les clients et les autobus, non. Donc, je ne dis pas que chacun est obligé d’être un héros en refusant tout flicage, à n’importe quel prix. Mais je vais assez loin. Je vais assez loin parce que ce n’est pas vraiment si difficile que tout ça.

Public : D’accord. OK. Alors, ça m’amène à une autre petite question toute bête. Vous avez un ordinateur et dessus il y a une connexion pour l’écran et sur la connexion pour l’écran il y a un boîtier HDMI que vous vous êtes procuré.

RMS : Je n’entends pas les mots que vous dites maintenant. Oui il y a un adaptateur et donc quoi ?

Public : Sur l’adaptateur HDMI, il me semble qu’il y a un logiciel qui s’assure de crypter les données qui circulent pour s’assurer…

RMS : Je ne le crois pas. HDMI contient cette fonctionnalité malveillante. Il y a des ordinateurs libres qui possèdent des prises HDMI, mais le système libre n’active jamais la fonctionnalité de DRM.

Public : D’accord. OK. Et ma toute dernière question si personne ne veut me prendre le micro avant.

[Contestation du public]

Public : Bon, eh bien ça va.

RMS : Donc au prochain.

Public : Bonjour, j’ai plusieurs questions.

RMS : Deux et puis quelqu’un d’autre.

Public : Trois !

RMS : Vous pourrez revenir à la queue.

Public : Non, parce qu’il y en a une, ce n’est pas moi, parce que comme le célèbre inspecteur, j’ai une femme.

[Rires]

RMS : Je ne comprends pas. Peut-être que je n’ai pas complètement entendu.

Public : Ce n’est pas important pour vous, pour la question.

RMS : Donc direct à la question.

Public : Donc ma femme, elle utilise XP.

RMS : C’est dommage !

Public : Mais moi je suis sage, j’utilise Trisquel. Mais ma femme utilise XP et je voudrais savoir si je dois la passer à Windows 10, c’est-à-dire si Windows 10 c’est vraiment plus performant que XP.

RMS : C’est même plus injuste. Mais moi, je ne ferai rien pour aider l’utilisation de Windows. Je ne ferai rien pour personne.

Public : Ma question de savoir seulement lequel est le plus performant.

RMS : Quoi ? Je n’entends pas, je n’entends pas.

Public : Quel est le plus performant des deux ?

RMS : Ça ne m’intéresse pas. Je refuse d’utiliser ni l’un ni l’autre et je refuse d’appuyer l’utilisation de Windows par les gens. Si quelqu’un me demande d’aider son utilisation de Windows, je dis « par conscience je refuse d’appuyer l’utilisation de logiciels privateurs. Je ne peux pas vous ordonner d’arrêter de l’utiliser, mais je ne vais me mêler dans votre utilisation de ce programme injuste.

Public : Alors je ne saurai pas quel est le plus dangereux.

RMS : Pour elle, les deux sont également dangereux parce qu’ils sont du logiciel privateur, donc injustes.

Public : Il n’y a pas eu de progrès, alors ?

RMS : Bien sûr ! Chez les logiciels privateurs, les choses deviennent pires.

Public : Il n’est même pas plus dangereux ?

RMS : Non. Chez le logiciel privateur, ils perdent chaque année de conscience éthique, ils deviennent toujours pires. Dans Windows XP, il y a une porte dérobée universelle. Dans Windows 10, Microsoft a annoncé la présence d’une porte dérobée universelle. Microsoft a, je ne sais pas le dire en français, c’est difficile même en anglais, maintenant, je ne sais pas le dire. C’est la même chose, aux États-Unis nous parlons l’anglais.C’est la même langue, c’est l’anglais. Microsoft et les développeurs du logiciel privateur ne connaissent pas la honte. Prochain. Ça suffit. Prochain !

Public : Bonsoir et d’abord bravo pour le fait que vous parlez très bien le français.

RMS : Mais vous devez parler plus fort pour que j’entende ! Le micro fonctionne. Vous devez articuler mieux chaque consonne. À la question !

Public : Les questions. Ça va paraître des questions bateau parce que c’est ce qu’on m’oppose systématiquement quand je parle du logiciel libre, c’est vraiment une question bête. On me dit que les créateurs de logiciels préfèrent ne pas partager parce que sinon c’est le concurrent qui va en profiter.

RMS : Ça ne justifie pas le logiciel privateur, rien ne peut le justifier. Si vous ne voulez pas libérer le programme, vous ne devez pas le développer.

Public : Ça, je l’ai bien compris, mais allez dire ça à mon patron !

RMS : La distribution d’un programme privateur est une entreprise pour soumettre les gens. Et c’est injuste, il ne faut pas le faire.

Public : À titre perso, je l’ai parfaitement compris, mais la majeure partie des gens dans le monde professionnel auxquels on essaie de l’expliquer, vont vous dire : « Vous tuez tout un pan de l’industrie ».

RMS : Ça c’est autre chose. Est-ce que nous parlons de l’éthique ou de leurs opinions. Ce sont deux sujets.

Public : Je ne sais pas faire comment les convaincre.

RMS : Moi non plus. Mais ce que je dis, c’est que ce qu’ils font est injuste. Moi, je refuse d’utiliser leurs produits.

Public : Moi aussi, à titre individuel, mais malheureusement.

RMS : Moi entièrement !

Public : Mais du coup, je me retrouverais sans boulot, malheureusement.

RMS : Moi, je refuserais un boulot d’utiliser du logiciel privateur.

Public : Deuxième question. Je suis également scandalisé par le fait que, bon moi je suis plutôt dans l’univers de tout ce qui est au niveau machines industrielles, mais les concepteurs de machines industrielles, pour utiliser leurs machines, ils développent presque exclusivement sous Windows. Et ça, moi, je le déplore.

RMS : Les développeurs de quoi ?

Public : Les gens qui construisent différentes machines qu’on utilise dans l’industrie, les machines-outils.

RMS : Il faut changer. Il faut les remplacer. Ça ne fait pas de logique. Je dis ce qui est nécessaire éthiquement et vous répondez que c’est difficile ! Je sais que c’est difficile, ça ne change rien.

Public : Comment les convaincre alors ?

RMS : Je n’ai pas de recette pour convaincre quelqu’un. Mais si quelqu’un distribue du logiciel privateur, je ne l’utilise pas. C’est très simple. Il faut le courage de dire non. Changer l’opinion d’un autre est hors de notre pouvoir. Mais de dire non, c’est dans notre pouvoir.

Public : C’est ce que je fais à titre individuel. Et j’essaie de convaincre au moins les gens à titre individuel, même si je n’y arrive pas parce que…

RMS : Mais, mais, mais, mais, mais ! Il faut essayer avec beaucoup de gens. C’est du gaspillage d’essayer trop longtemps de convaincre celui-là. Si vous voyez qu’il ne fait pas attention, parlez à un autre.

Public : OK. Donc en parler au plus grand nombre et ne pas perdre de temps sur ceux qui refusent.

RMS : Oui, bien sûr, c’est plus efficace.

Public : Je laisse ma place à la personne suivante.

RMS : Mais il faut démontrer que vous refusez le logiciel privateur. Parce que ça, c’est dans votre pouvoir. Si vous ne résistez pas assez fort, il est difficile de convaincre les autres !

Public : Bonsoir. Bravo pour votre présentation sur les logiciels libres.

RMS : Je n’entends rien. Il faut parler plus fort et lentement.

Public : Je parle plus fort. Bravo pour votre présentation sur les logiciels libres. Que pensez-vous du hardware libre ?

RMS : La distinction de libre ou privateur s’applique aux œuvres. Mais un objet physique n’est pas une œuvre, sauf dans le cas d’une sculpture. Donc ce qui peut être libre, c’est la conception du produit. Regardez [8]

Public : OK. Merci.

Public : Bonjour Richard. Moi j’essaie de faire ce que je peux au niveau de l’information et de convaincre les autres. Bon, ici, j’ai un Ubuntu Touch, donc c’est un téléphone…

RMS : Pas complètement libre.

Public : Alors justement, j’aurais voulu dire que c’était complètement libre, mais du coup, en quoi ça ne l’est pas ?

RMS : Je veux le dire. Ubuntu est une des distributions GNU et Linux qui n’est pas libre. Et Ubuntu utilise son influence pour enseigner les valeurs superficielles. Comment est-ce qu’on enseigne des valeurs ? En les incorporant dans vos paroles et vos actions. Les actions et les paroles des développeurs d’Ubuntu enseignent les valeurs superficielles parce qu’ils incorporent, ils mettent des programmes privateurs dans Ubuntu. Et dans ce qu’ils disent, ils citent uniquement les valeurs superficielles. Par exemple, ils pourraient dire : « Tu mérites la liberté dans ton informatique mais chez nous, tu ne l’auras pas ». Ils pourraient le dire, mais évidemment, ils ne le disent pas. En lieu de ça, ils disent : « Nous essayons de te fournir la meilleure expérience possible d’utilisateur », c’est-à-dire ils ne valorisent pas la liberté mais plutôt la commodité, et rien de plus profond. Voici un des obstacles au mouvement logiciel libre. Regarde [9] Continuez s’il vous plaît.

Public : Là [le questionneur montre son téléphone, NdT], il n’y a pas de logiciel propriétaire, c’est entièrement libre, il n’y a aucun logiciel privateur.

RMS : Non, ce n’est pas vrai. Je suis désolé, mais ce n’est pas vrai. Ubuntu contient des logiciels privateurs. Ubuntu installe des programmes privateurs. Je sais que dans les téléphones portables, beaucoup de périphériques exigent des drivers privateurs. Il faut de l’ingénierie inverse pour corriger ce problème. Donc la question c’est quoi ?

Public : Est-ce que ce n’est pas un moindre mal, par rapport à Android ?

RMS : Je ne sais pas comparer Ubuntu et Android dans ça. Je sais qu’il y a une version modifiée complètement libre d’Android, qui s’appelle Replicant, qui fonctionne dans plusieurs modèles de téléphones, mais ne sait pas gérer beaucoup de périphériques parce que ces périphériques exigent des programmes privateurs. Si Ubuntu sait fonctionner avec ces périphériques, c’est parce qu’il contient ces drivers privateurs. Donc au prochain.

Public : Alors il y a des distributions qui mélangent dans leurs dépôts des logiciels libres et des logiciels non libres. Mais il y a des distributions qui font la différence. Si j’installe Mageia GNU/Linux et que je n’active pas les dépôts non libres, pourquoi ne vous voulez pas que je puisse considérer ma distribution comme libre ?
RMS : Ah ! Mais c’est une confusion. Si une distribution distingue bien les programmes libres des programmes privateurs, et vous installez uniquement les paquets libres, vous avez un système libre. Mais juger la distribution est autre chose. Pour juger la distribution, il faut prendre en compte tous les paquets offerts, les paquets libres et les paquets privateurs. Par exemple Debian. Vous avez cité un autre nom que je ne reconnais pas.

Public : La distribution française Mageia qui est un fork de Mandriva. Elle est bien connue.

RMS : Ça, je ne connais pas.

Public : Parce qu’elle utilise RPM.

RMS : Debian est un exemple que je connais. Debian sépare les paquets libres des paquets privateurs. Et Debian fait beaucoup attention à les séparer bien. Donc si vous installez uniquement les paquets libres, vous avez un système libre. Et c’est une manière efficace d’avoir un système libre si vous êtes expert et vous faites attention. Le problème, c’est que pas tout le monde fait tant attention à la liberté. Nous ne pouvons pas proposer l’installation de Debian, ni de Mageia, si Mageia fait la même chose que Debian, c’est un cas pareil. Nous ne pouvons pas recommander ni Debian, ni Mageia, ni n’importe quelle distribution qui sépare les paquets libres des paquets privateurs, au grand public. Parce que dans le grand public, il y a beaucoup qui ne feront pas attention, qui installeront aussi les paquets privateurs. Nous ne devons pas diriger les gens vers les programmes privateurs. C’est notre devoir éthique. Donc si quelqu’un est expert et libriste, je pourrais lui proposer d’installer de telles distributions, mais au grand public, non. Je fais confiance au projet Debian, de séparer bien les paquets libres des paquets privateurs.

Public : Et au niveau du noyau ? C’est le noyau Linux libre.

RMS : Debian sépare le code libre de Linux même des BLOBS. Les BLOBS sont dans la catégorie pas libre. Debian sépare le libre et le privateur soigneusement.

Public : J’ai compris.

RMS : Le prochain.

Public : J’aurais une question.

RMS : Je n’entends pas. Vous parlez trop vite pour moi. Je suis dur d’oreille.

Public : Oui. En plus je parle vite de base.

RMS : Pour que j’entende, vous devez parler lentement.

Public : Vous nous avez clairement expliqué l’avantage pour l’utilisateur d’utiliser un logiciel libre. Et je suis d’accord avec vous. Mais quel est l’avantage pour une société, telle Microsoft, de proposer un logiciel libre ?

RMS : Ça ne m’intéresse pas. Le logiciel privateur est injuste. Ils ne doivent pas le faire.

Public : Oui. Mais quels sont les arguments que l’on peut avancer ?

RMS : Je n’ai pas d’argument de cette forme. Je ne dis pas : « Vous gagnerez plus si vous respectez les droits des autres ». Non ! Je dis : « Ce que vous faites est injuste, il faut arrêter ». Mais évidemment, Microsoft ne va pas arrêter de soi. C’est à nous de vaincre les entreprises privatrices.

Public : D’accord, voilà. Merci.

Public : Bonjour, j’ai deux questions. Est-ce que vous considérez que la liberté 0 est vraiment respectée si un programme n’est pas accessible, par exemple aux personnes non-voyantes ?

RMS : Oui bien sûr. La faute de quelques fonctionnalités désirables n’est pas un manque de liberté. Il faut les distinguer. Un programme libre mais pas accessible est beaucoup meilleur qu’un programme injuste, privateur, qui ne respecte la liberté de personne. Et donner un programme libre auquel manquent quelques fonctionnalités désirables, n’importe qui est libre d’ajouter ces fonctionnalités. Mais donner un programme privateur, nous ne pouvons pas le libérer, nous ne pouvons rien faire pour le libérer. Le seul chemin pour arriver au but désiré, c’est-à-dire au programme libre qui fait toutes les choses désirables, est à travers le programme libre qui ne fait pas toutes, parce que nous pouvons ajouter les fonctionnalités. Il y a environ 15 ans, un programmeur aveugle qui s’appelle Krishnakant, est venu à ma conférence en Inde, et il s’est plaint qu’un programme de vocaliser l’écran, un programme libre, ne fonctionnait pas vraiment bien. Et il a dit : « Qu’est-ce que je dois faire ? » Je lui ai proposé de l’améliorer. Quelques années plus tard, il est venu à une autre conférence, en Inde, et il a raconté ce que je viens de dire. Puis il a dit : « Et je l’ai fait ! » Il est devenu développeur de ce programme, Orca et l’a beaucoup amélioré, et a contribué. Voici quelque chose que vous pouvez aussi faire si vous êtes bon programmeur, je ne vous connais pas. Lui, il était bon programmeur. Vous, si vous pouvez programmer bien, vous pouvez corriger les fautes techniques pratiques dans les programmes libres. Mais les fautes éthiques dans les programmes privateurs, nous ne pouvons pas corriger, nous ne pouvons rien faire. C’est nous rendre ou nous battre. Et je dois dire que je ne tolérerai jamais un programme privateur seulement parce qu’il fonctionne mieux pour quelque peu, au niveau pratique. C’est meilleur de libérer la majorité d’abord, et avoir la possibilité de libérer le reste, que de ne rien faire, de ne libérer personne.

Public : D’accord. Et du coup, est-ce qu’au niveau de la Free Software Foundation, vous allez militer pour que tous les projets GNU soient accessibles aux personnes déficientes visuelles ?

RMS : Nous faisons un peu d’efforts, mais les développeurs des programmes GNU sont des volontaires, nous ne pouvons pas les commander, seulement encourager. Maintenant nous cherchons des développeurs et des administrateurs, volontaires, bien sûr, tous les deux. Mais quelqu’un qui veut coordonner avec les développeurs des projets, pourrait aider beaucoup dans ce travail, parce qu’il pourrait trouver les fautes dans les paquets GNU et les indiquer aux développeurs. Et je peux appuyer quand il leur dit de faire attention à améliorer ces points.

Public : D’accord. OK. Merci.

RMS : Si vous voulez le faire, je vous invite parce que ça serait une amélioration désirable.

Public : Oui, j’aimerais bien, effectivement, participer.

RMS : Voudriez-vous m’envoyer un message ?

Public : Oui, je peux faire ça.

RMS : rms chez gnu.org

Public : D’accord. OK. Merci.

RMS : Happy Hacking !

[Rires du public]

Public : Je n’aime pas mon FAI.

RMS : FAI ?

Public : Fournisseur d’accès Internet. Donc, je voudrais savoir si nous pouvons rêver, pour le futur, d’un Internet qui se passe de FAI, qui n’ait pas besoin de FAI. Et en attendant, pouvez-vous me donner un truc qui me permettrait de me brancher quelque part au réseau sans passer par mon FAI ?

RMS : Ce n’est pas mon champ.

Public : Ce n’est pas votre champ ! Je me sentirais plus libre sans lui.

RMS : Je serais très content si c’était possible. Mais en tout cas, je n’ai pas de fournisseur d’accès. Je voyage tout le temps, je branche l’ordinateur à l’Internet chez quelqu’un.

[Rires du public]

Public : Merci.

Public : Bonjour. J’avais une question qui concernait le matériel libre, qui a été déjà abordé tout à l’heure.

RMS : Plus fort. Je n’entends pas. Mais direct à la question s’il vous plaît.

Public : Du coup, ma question, celle que j’aurais aimé vous soumettre concerne…

RMS : Il faut prononcer chaque consonne pour que je l’entende.

Public : Ma question serait de savoir si vous aviez déjà envisagé une société complètement libre ?

RMS : C’est trop large comme question. Il y a beaucoup de questions éthiques dans le monde, dans la vie. La liberté, j’ai pensé beaucoup aux libertés dans l’informatique, mais je ne sais pas si j’ai trouvé toutes les questions. Mais dans d’autres champs de la vie, il y a d’autres questions, complètement différentes. Donc vous me proposez de penser longtemps à tant de questions que je n’aurai pas le temps.

Public : L’interrogation était surtout de pouvoir libérer complètement un ordinateur et de pouvoir le propager sur d’autres choses.

RMS : Enfin, maintenant, il faut remplacer le logiciel et dans cet ordinateur-ci, même le BIOS est libre. Ça veut dire même le logiciel d’initialisation est libre.

Public : Mais le système qui va contrôler le CPU par exemple ?

RMS : Je n’entends pas.

Public : Le système qui va contrôler le CPU par exemple.

RMS : Ça n’a pas de système pour contrôler le CPU. C’est est une image. Mais dans les nouveaux processeurs d’Intel, il y a une porte dérobée dans le processeur même qu’il est impossible d’éviter. Il faut rejeter ces processeurs. Je ne connais pas d’autres solutions. Ça s’appelle le Management Engine et c’est totalement horrible.

Public : Quelle serait une alternative à ces microprocesseurs alors ?

RMS : Je ne sais pas vraiment. Mais il y a des projets pour développer des processeurs de conception libre. Mais je ne peux rien faire sauf attendre. Je n’ai pas de solution pour toutes les injustices de la vie. Pour quelques-unes, je propose des solutions.

Maintenant, je termine, ça fait trois heures, je n’ai plus de temps, j’ai d’autres choses à faire, mais merci pour être venus et je vous propose de lutter pour la liberté.

Je vous propose de dire aux élus « le flicage est plus dangereux que les terroristes ».

[Applaudissements]