- Titre :
- Épisode 15 de Freezone
- Intervenants :
- Calimaq - OliCat
- Lieu :
- Studio Libre à Toi*
- Date :
- Septembre 2016
- Durée :
- 24 min 24
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
Présentation
DRM : HP a défrayé la chronique cette semaine en poussant un peu plus loin la logique des DRM. La firme a activé un logiciel implanté depuis le mois de mars dans ses imprimantes, qui reconnaît si les cartouches d’encre insérées dans la machine proviennent d’une autre marque que la sienne. Si c’est le cas, le logiciel bloque l’imprimante en lui faisant croire que la cartouche est défectueuse. HP justifie cette pratique de sabotage volontaire en mettant en avant la protection de sa « propriété intellectuelle ». C’est un exemple de la lente dérive de la logique des DRM et de leur rétroaction sur le monde matériel.
À surveiller : Un procès important est en cours aux Etats-Unis à propos de la définition de la clause Non-Commerciale des licences Creative Commons. Un éditeur de contenus pédagogiques sous licence CC-BY-NC-SA a attaqué un magasin de reprographie dépendant du groupe FedEx pour avoir reproduit ces contenus pour une école qui figurait parmi ses clients. La Fondation Creative Commons est intervenue dans la procédure pour expliquer qu’il s’agissait d’une interprétation absurde de la clause non-commerciale, voire dangereuse pour ceux qui utilisent de bonne foi les licences NC. Une affaire qui relance un vieux débat au sein de la communauté du Libre à propos de la pertinence des licences Non-Commerciale…
Pépite Libre : Netflix a publié cette semaine un court métrage de 12 minutes intitulé Meridian, qui présente la particularité d’être sous licence Creative Commons, et qui pourra être diffusé par des concurrents comme Amazon ou Hulu. Netflix a fait ce choix pour promouvoir le format ouvert IMF (Interoperable Master Format) destiné à l’encodage des vidéos HD. Netflix n’est certainement pas un champion de la Culture libre, mais il prouve par ce geste qu’il en comprend la logique et au-delà des standards ouverts, il contribue à différents projets Open Source.
Transcription
Musique
Olicat : Bonjour et bienvenue à toutes et à tous. Vous êtes à l’écoute de Libre@Toi*, la radio. C’est Freezone, épisode 15. On est en direct depuis nos nouveaux studios du samedi. C’est ça la radio itinérante, Libre@Toi*, on innove. Bonjour à toi Calimaq !
Calimaq : Bonjour !
Olicat : Merci de te déplacer dans le fin fond du 18e arrondissement pour assurer vaillamment chaque rendez-vous de Freezone, depuis deux semaines maintenant. Alors trois news au menu de Freezone aujourd’hui : on va causer DRM, on va causer d’une actu qui est plutôt intéressante et, en tout cas, à surveiller selon toi, et enfin on va terminer avec une pépite libre.
Calimaq : Tout à fait !
Olicat : Une seule pépite libre, cette semaine ? Tu n’as pas voulu faire que…
Calimaq : Tu veux que j’en mette plusieurs chaque semaine ? Pourquoi pas ! Bon !
Olicat : Écoute, je ne sais pas. À chaque fois on est déprimés pendant quinze minutes et après enfin, à la cinquième !
Calimaq : C’est un peu moins déprimant que la semaine dernière quand même. Tu vas voir.
Olicat : Quand même DRM. C’est HP, cette semaine, qui s’est illustré. HP, constructeur d’imprimantes, qui a défrayé la chronique, nous dis-tu, en poussant un peu plus loin la logique des DRM. La firme a activé un logiciel, implanté depuis le mois de mars dans ses imprimantes, qui reconnaît si les cartouches d’encre insérées dans la machine proviennent d’une autre marque que la sienne. Si c’est le cas, nous dis-tu, le logiciel bloque l’imprimante en lui faisant croire que la cartouche est défectueuse. Avant de poursuivre on va juste refaire un petit peu de contextualisation par rapport à cette problématique des imprimantes. On sait, depuis des années maintenant, que de nombreux constructeurs implémentent dans leurs propres cartouches une petite puce.
Calimaq : C’est ça !
Olicat : Là, on était plutôt dans l’ordre de l’obsolescence programmée, puisque souvent l’imprimante vous disait que votre cartouche était vide bien avant qu’elle le soit. Alors il y a des bidouilles qui permettent de passer outre. Mais ça empêchait, également, de pouvoir utiliser des cartouches compatibles. Il se trouve que ces petites puces n’étaient manifestement pas très compliquées à copier pour nos amis les Chinois et qu’on avait quand même, avec la fameuse petite puce, sur le marché, des cartouches compatibles constructeur. Là le constructeur va plus loin, puisqu’au niveau matériel il va implémenter, enfin il a implémenté, un système qui décrète que la cartouche n’est pas valide.
Calimaq : C’est ça. Et qui même te bloque ton imprimante !
Olicat : En plus !
Calimaq : En faisant croire qu’il y a une malfonction, tu vois, dans l’imprimante. L’imprimante se pense défectueuse.
Olicat : C’est absolument énorme ! HP justifie cette pratique de sabotage volontaire en mettant en avant la protection de sa propriété intellectuelle. Voilà ! Nous y sommes ! C’est un exemple, Calimaq tu nous dis, de la lente dérive de la logique des DRM et de leur rétroaction dans le monde matériel. On dépasse là donc l’ordre de la culture, de la pensée, du savoir, mais on est au cœur du matériel.
Calimaq : C’est ça. Ce qui est fou. Normalement les DRM, à la base, c’est né dans les années 90 l’idée de mettre des verrous sur les fichiers des œuvres pour empêcher la copie et ce qu’ils appelaient le piratage.
Olicat : Absolument !
Calimaq : On peut être contre le principe, mais la logique c’était celle-là.
Olicat : Il y avait une éthique !
Calimaq : Il y avait, disons, il y avait une sorte de cohérence, on va dire. Mais là, en fait, la cohérence se désintègre complètement avec ce genre d’exemple. Parce que ce qui est fou, c’est que dans l’annonce de HP qui subit pas mal d’attaques, ils disent : « On fait ça pour protéger notre capacité d’innovation et notre propriété intellectuelle. » Déjà, la capacité d’innovation, c’est une grande blague, parce que justement, s’ils n’ont que leurs propres cartouches compatibles, c’est bien quelque chose qui va garantir qu’ils n’ont plus du tout besoin d’innover.
Olicat : Ou alors ils ont une acception singulière de la notion d’innovation !
Calimaq : C’est ça, oui ! Là déjà c’est amusant. Là en quoi c’est une question de propriété intellectuelle ? C’est quand même fou, parce qu’il n’y a pas de brevet, si tu veux, il n’y a pas un brevet sur la cartouche. Ça c’est fini. Le brevet sur la cartouche, il a dû expirer depuis longtemps, donc il n’y a plus de question de protection de la propriété intellectuelle sur le concept de cartouche.
Olicat : Non. Là, l’innovation, c’est la façon dont ils bloquent l’utilisation d’autres cartouches.
Calimaq : C’est ça. Déjà ça pourrait être un truc. Mais alors quand on creuse, en fait, là où il y a une question de propriété intellectuelle, c’est que si jamais tu vas essayer d’enlever le logiciel — parce que c’est une sorte de malware qu’ils ont mis.
Olicat : Absolument !
Calimaq : Qu’ils ont laissé dormir plusieurs mois dans le système à l’occasion d’une mise à jour, si jamais tu vas essayer d’enlever ce logiciel-là, là, il y a une question de propriété intellectuelle. Parce que le logiciel est protégé par le copyright, et donc tu vas tomber sur la fameuse loi aux États-Unis qui s’appelle le DMCA, le Digital Millennium Copyright Act, qui empêche, justement, de faire sauter des protections techniques pour attenter à une œuvre. Donc là, l’œuvre dont ils demandent la protection c’est ce logiciel de contrôle. Mais on est complètement extrêmement loin de ce que pourquoi avaient été fait les DRM, à la base.
Olicat : Complètement. Là c’est, tu le dis, bad buzz pour HP.
Calimaq : Oui, oui.
Olicat : Ça peut aller jusqu’à un procès aux États-Unis ? Je pense que c’est le genre de choses qui peut être envisageable.
Calimaq : On en avait parlé dans Freezone, dans un numéro précédent. Il y a l’EFF [NdT, Electronic Frontier Foundation], une association de défense des libertés, qui a lancé un grand procès aux États-Unis contre les DRM [1]. C’est un procès dont la logique est « le DRM ne peut pas empêcher un usage légitime ». Et il y a des tas de cas où le fait qu’il y ait des DRM, notamment dans les objets, empêche par exemple des chercheurs d’accéder à des codes qu’ils voudraient auditer ou des choses comme ça. Et là, en fait, on pourrait se dire que changer une cartouche d’encre sur une imprimante qu’on a achetée, c’est un usage légitime, en revendiquant qu’on a la propriété de l’objet, les questions d’obsolescence programmée, les questions d’interopérabilité. Donc il y a sûrement matière à faire un procès à ce genre de choses.
Olicat : Donc c’est une actu au sujet des DRM qui est à surveiller.
Calimaq : Oui, oui, c’est à surveiller pour la suite. Quand j’y ai pensé je me disais « c’est fou parce que quelque part le logiciel libre est né d’un problème d’imprimante. »
Olicat : C’est vrai, avec Richard Stallman, qui nous a raconté à nouveau cette histoire.
Calimaq : Il la raconte à chaque fois. Le jour où il n’a pas pu, en fait, intervenir sur des imprimantes défectueuses, il a compris que la machine le contrôlait. Il ne contrôlait plus la machine.
Olicat : Absolument !
Calimaq : Et il a lancé tout le mouvement qui nous a conduit au logiciel libre. Là on est avec HP, c’est l’imprimante…
Olicat : Ouais. Peut-être étape deux !
Calimaq : C’est ça, ouais ! L’instrument qui va faire naître une nouvelle génération.
Olicat : En tout cas ce qui est à surveiller également, Calimaq, c’est que, sans doute, dans les semaines à venir, d’autres constructeurs vont implémenter des logiciels analogues dans leurs imprimantes. On pense évidemment à Canon et consorts. Donc vraiment à surveiller, et on prendra toutes les mesures nécessaires ici pour vous alerter sur ces sujets. Alors, ceci dit, pour plus d’infos vous pouvez vous rendre sur www.minimachines [2], au pluriel, .net.
Calimaq : Excellent papier, d’ailleurs, sur ce site que je ne connaissais pas.
Olicat : J’ai connu ce site grâce à toi, effectivement.
Calimaq : Excellent papier qui détaille toute l’histoire, en plus, de ces histoires de DRM sur les imprimantes. Très bon site.
Olicat : Donc on est ravis de faire la promotion de minimachines.net, minimachines au pluriel. Alors à surveiller. Ça concerne les États-Unis, une fois n’est pas coutume, avec un procès important qui est en cours, à propos de la définition de la clause Non-Commerciale des licences Creative Commons [3]. C’est assez amusant puisque cette semaine sur le chat de libre à toi chat.libre-a-toi.org, un de nos chatteurs et auditeur, qui produit de la musique libre, se demandait s’il pouvait à la fois proposer ses œuvres en Creative Commons et les commercialiser, dans certaines mesures.
Calimaq : Lui-même ?
Olicat : Ouais. Lui-même. Donc c’était assez amusant et vous allez comprendre pourquoi. Là, tu nous dis qu’un éditeur de contenus pédagogiques sous licence CC BY NC SA, a attaqué un magasin de reprographie dépendant du groupe FedEx pour avoir reproduit ses contenus pour une école qui figurait parmi ses clients, donc les clients de FedEx. La fondation Creative Commons est intervenue dans la procédure pour expliquer qu’il s’agissait d’une interprétation absurde de la clause Non Commerciale, voire dangereuse pour ceux qui utilisent de bonne foi les licences NC. Une affaire qui relance, nous dis-tu, un vieux débat au sein de la communauté du libre à propos de la pertinence des licences Non Commerciales.
Calimaq : Oui.
Olicat : Alors raconte-nous un petit peu cet imbroglio. Alors c’est libre, mais ce n’est pas gratuit, ou ça peut ne pas l’être !
Calimaq : En gros, les Creative Commons, il y a un énorme débat dans la communauté du libre à propos de ces licences, parce que certaines des licences Creative Commons permettent de rajouter une clause Non Commerciale qui interdit, donc, de faire un usage commercial de l’œuvre qu’on va distribuer. Donc ça ce n’est pas compatible avec le libre au sens où on entend le terme.
Olicat : Absolument.
Calimaq : Donc on dit souvent ce sont des licences de libre diffusion et il y a eu des tas de polémiques et de débats sur « qu’est-ce que c’est qu’un usage non commercial ? » C’est vrai que c’est extrêmement difficile, ça peut être difficile à déterminer en fait. Parce qu’il y a le fait de vendre l’œuvre sous une forme ou un support de l’œuvre, ça c’est un usage commercial direct.
Olicat : Tout à fait.
Calimaq : Mais il y a des tas de formes d’usage commercial indirect : par exemple je mets une vidéo sous licence NC sur mon site, je suis une entreprise, est-ce que le simple fait que je sois une entreprise c’est un usage commercial ? Ou est-ce qu’il faut, en plus, qu’il y ait de la pub sur mon site ? Est-ce que la pub sur le site ça suffit pour faire un usage commercial ? Voilà, il y a des tas de débats qui sont assez compliqués. Et là, dans ce procès aux États-Unis, le créateur de contenus pédagogiques s’appelle Great Minds.
Olicat : D’accord.
Calimaq : J’ai regardé. Ce sont vraiment des gens qui font des choses intéressantes, qui font des manuels, en fait, sous licence Creative Commons, qui ont l’air vraiment de qualité, et donc des écoles utilisent ces manuels. Tu peux télécharger des PDF sur leur site Et là, en fait, il y a une école…
Olicat : Qui se l’est fait imprimer par FedEx, enfin par une boite…
Calimaq : Ils ont apporté les fichiers qu’il y avait sur FedEx, donc qui a des officines de reprographie, et qui a fait imprimer les pages et qui les distribuait à ses élèves.
Olicat : Et c’est à ce titre que FedEx est attaqué ?
Calimaq : Alors là, Great Minds va attaquer FedEx en disant « l’usage que vous faites là, le fait d’imprimer contre argent le manuel pour l’école…
Olicat : Contrevient.
Calimaq : C’est un usage commercial et donc vous êtes responsables. » Ça veut dire que là, c’est une définition qui voudrait dire que l’usage qui peut être indirect, par le biais qu’un intermédiaire commercial se mette à un moment dans la chaîne, sur l’usage de l’œuvre. Creative Commons a immédiatement réagi parce qu’ils disent : « Si vous partez par là, en fait, les licences non commerciales vont tout interdire ! »
Olicat : Absolument !
Calimaq : Là par exemple, imagine que sur ton écran tu affiches une photo en NC, on pourrait dire que le FAI est coupable, parce tu vois il affiche contre argent.
Olicat : Oui, il me fait payer.
Calimaq : Il fait payer la connexion.
Olicat : Absolument !
Calimaq : Si tu appliques cette logique-là jusqu’au bout, en fait le NC va quasiment tout recouvrir, parce qu’il y a toujours, quelque part, un intermédiaire commercial. C’est très fréquent qu’il y en ait un qui intervienne. Là ils essayent de bloquer ça pour sauvegarder une dimension raisonnable du NC.
Olicat : Là ce qui parait étonnant, si j’osais le dire, c’est que ce soit la première fois qu’un tel procès soit fait.
Calimaq : Ça rejoint le fait que c’est rare qu’il y ait des procès autour des licences Creative Commons. Mais alors il y en a déjà eues, pas aux États-Unis. J’avais vu un procès, une fois, en Allemagne sur la définition du NC qui était assez problématique, parce que c’est une administration qui avait fait un usage et le juge avait considéré que l’usage était commercial parce que c’était une entité, presque parce que c’était une personne morale.
Olicat : Et là, est-ce que finalement les débats au niveau de la Fondation Creative Commons ne devraient pas jusqu’à aller à simplifier les multiples niveaux qui existent de licences CC.
Calimaq : En fait, ils ont un souci, Creative Commons, parce que la définition dans la licence c’est « un usage commercial c’est un usage qui vise prioritairement à avoir un avantage commercial ou une compensation monétaire. »
Olicat : OK !
Calimaq : Donc c’est une définition très vague. Bon ! Compensation monétaire, ça encore on verrait, tu vois ! Mais avantage commercial ? Qu’est-ce que c’est qu’un avantage commercial ?
Olicat : C’est quoi, c’est la notoriété ?
Calimaq : Oui, voilà ! Est-ce que si ça rend compte aussi, est-ce que c’est, par exemple, du trafic ? Si le simple fait d’obtenir du trafic par l’usage de l’œuvre c’est considéré comme un avantage commercial, donc toute entité commerciale est bloquée dans l’usage du NC. Et ils n’ont jamais pu retoucher à cette définition.
Olicat : Pourquoi ?
Calimaq : Pourquoi ? Parce que dès qu’ils essaient de lancer des chantiers, il y a tous les libristes, on va dire puristes durs et durs, qui lancent des campagnes pour leur dire « supprimez la clause NC ». Et Creative Commons ne veut pas aller jusqu’à supprimer ses licences NC parce qu’il y a encore à peu près 40 % des œuvres, il y a un milliard, plus d’un milliard d’œuvres sous licences Creative Commons, et au dernier pointage il en avait à peu près 40 % qui étaient sous clause NC.
Olicat : D’accord.
Calimaq : Donc ils ne veulent pas, non plus, se couper de 40 % de leur communauté qui est encore dans cette logique-là. Même si le libre, vraiment libre, progresse d’année en année, en fait. Donc c’est un débat très compliqué. Là, effectivement, ça montre aussi le gros problème des licences libres, c’est qu’elles sont très dépendantes des tribunaux. C’est bizarre, parce qu’au quotidien, c’est rare qu’il y ait des procès, ça marche sans litiges, donc ça va. Mais il suffit qu’il y ait un procès qui tourne mal et qui t’interprète la licence dans un sens un petit peu restrictif ou un peu absurde tout le monde sera impacté, enfin toute la communauté.
Olicat : Donc là le procès est en cours, en l’occurrence. Est-ce qu’on en sait un peu plus sur les arguments de, j’ai oublié le nom.
Calimaq : Great Minds.
Olicat : De Great Minds
Calimaq : Oui, parce qu’eux, en fait, ils ont un business double. C’est-à-dire qu’ils permettent l’usage Non-Commercial sur leurs PDF, et ils vendent les impressions papier.
Olicat : Ah ! Ils les vendent. D’accord !
Calimaq : C’est un peu le cœur de leur business. C’est-à-dire ils disent : « Voilà, les fichiers peuvent circuler, il n’y a pas de piratage, vous pouvez les transmettre, vous pouvez les afficher sur supports sans problème.
Olicat : La valeur ajoutée, c’est la version papier.
Calimaq : Le cœur de leur business model, c’est la vente des manuels papier. Ils disent si un tiers peut les imprimer…
Olicat : La question qu’on peut se poser, c’est pourquoi cette école a fait appel à un intermédiaire du groupe FedEx, plutôt que de commander directement les ouvrages à imprimer à Great Minds ?
Calimaq : J’imagine que peut-être c’est moins cher.
Olicat : Voilà !
Calimaq : Donc il y a bien un souci quelque part, quand même.
Olicat : C’est compliqué, c’est très compliqué !
Calimaq : En France on a ça. On a une boite qui s’appelle Sésamath [4]qui a pris une importance dans le milieu scolaire, dans les collèges. Ils font des manuels de mathématiques, mais alors eux, ils sont sous licence GFDL [5], donc c’est complètement libre, mais ils ont quand même aussi ce double modèle : vente du papier et accès gratuit aux contenus en ligne.
Olicat : C’est un petit peu le modèle de l’open source aussi, du côté logiciel où effectivement, le logiciel, le service est gratuit, mais c’est le support qui peut être apporté ou les développements personnalisés, qui constituent l’économie du business.
Calimaq : C’est ça. Oui.
Olicat : OK ! Donc ça reste à surveiller.
Calimaq : Et pour répondre à l’auditeur qui nous a posé une question.
Olicat : Oui. Voilà !
Calimaq : Imagine que tu diffuses ta musique sous licence vraiment libre CC BY, CC BY SA, voilà. Rien ne t’empêche de la vendre.
Olicat : Oui, en fait.
Calimaq : C’est-à-dire que c’est le fameux truc qui dit : « Libre ne veut pas dire gratuit. » Donc tu peux la vendre, par exemple tu peux vendre des CD avec ta musique dedans, ça il n’y a aucun problème, mais tu peux même la mettre derrière un paywall et dire « si vous voulez accéder aux fichiers, vous devrez payer, je ne sais pas moi, trois euros. » Par contre après, ce que tu ne peux pas empêcher, c’est que si c’est vraiment sous licence libre…
Olicat : C’est que quelqu’un d’autre le fasse !
Calimaq : C’est que déjà un, quelqu’un d’autre le fasse, mais après le premier qui est rentré en possession du fichier, il peut le rediffuser et il y aura des points d’accès gratuits.
Olicat : Absolument !
Calimaq : Mais rien ne t’empêche de faire un usage commercial de ta propre œuvre, si tu l’as mise en libre. Pas de souci quoi !
Olicat : Très bien et bien j’espère, Antoine, que tu nous écoutes puisqu’il s’agissait de toi sur le chat.
J’en profite pour faire une petite parenthèse avant d’en arriver à la pépite libre. Tu sais, Lionel, que d’ici mercredi nous déposerons auprès du CSA un dossier de réponse à un appel à candidature sur l’exploitation d’une fréquence, à Paris, le 93.1, alors exploitation en temps partagé avec une radio qui est déjà présente. Et, depuis quelques semaines, j’essaye de joindre la SACEM, puisque dans le cadre de notre dossier, nous devons, au niveau du plan de financement prévisionnel, y mettre la ligne SACEM.
Calimaq : Ah !
Olicat : Nous ne diffusons sur Libre@Toi* que de la musique sous Creative Commons, donc j’ai eu beaucoup de mal, mais c’est parce qu’ils ne sont pas bien organisés à la SACEM, à avoir quelqu’un au bout du fil susceptible de me dire combien coûte une licence pour avoir le droit de diffuser de la musique libre. Voilà ! Donc la réponse a été « je n’en sais rien ! »
Calimaq : Eh oui, c’est intéressant ça, comme sujet.
Olicat : C’est génial. Du coup, la jeune fille que j’ai eue au téléphone, après avoir demandé à tous, m’a dit qu’elle ne savait pas. OK. Alors je lui ai dit : « Donc très bien, je mets zéro ! » Elle me fait : « Non, non, il va falloir payer. » Je fais : « Mais combien ? »
Calimaq : Avec la SACEM, ce n’est jamais zéro !.
Olicat : J’adore. OK, mais combien. ? Elle me fait : « Je ne sais pas. Nous verrons après la première année avec les résultats des comptes d’exploitation. »
Calimaq : Tu sais que là tu lèves un lièvre.
Olicat : Mais complètement.
Calimaq : Le principe même du paiement n’est pas si évident que ça. Parce que ça, ça nous fait retomber dans les histoires. Le principe du paiement n’est pas si évident que ça. Il faudra y réfléchir. Il faut qu’on y réfléchisse.
Olicat : Non, non. Parce qu’elle me dit : « Il y aura une redevance, sans doute minimale, dont je ne peux pas vous donner le montant », parce que je ne rentre dans aucune case qui est radio commerciale ou 20 % d’expression française, de machins, de trucs. Là elle m’aurait sorti ses grilles, elle m’aurait dit : « Voilà, vous passez un titre toutes les quinze minutes, tant de pour cent d’expression française, etc., ça vous coûte 3 000 euros l’année. »
Calimaq : Oui, parce qu’après la SACEM va reverser aux auteurs sous licence libre ?
Olicat : Je n’en sais rien !
Calimaq : Parce qu’elle a admis que ses propres auteurs puissent mettre des œuvres sous licence libre, uniquement si c’est NC ?
Olicat : Mais même pas, parce qu’elle me dit : « Donc ce que vous me dites, c’est que vous aller diffuser de la musique d’auteurs sans », comment elle m’a dit ?
Calimaq : En gestion individuelle.
Olicat : Ouais, en gestion individuelle. Je lui dis : « Oui ». Elle me fait : « Donc non affiliés SACEM. Je fais : « Non ! donc c’est bon, je mets zéro ? » Elle me fait : « Non ». Je dis : « Mais combien ? »
Calimaq : C’est sûr. On en reparlera. On pourra faire un point là-dessus un de ces jours.
Olicat : Du coup, ce qui est rigolo, c’est qu’on va emmerder le CSA, parce que je vais devoir expliquer au CSA qu’on ne rentre pas dans le cadre des grilles de la SACEM pour lui donner…
Calimaq : Ça, encore une fois, ça montre à quel point le système est vraiment préformaté pour avantager toute la filière propriétaire.
Olicat : Mais oui !
Calimaq : Et dès que tu veux faire du libre, en fait, comme tu sors des cases, ça fait un coût d’entrée supplémentaire. Alors ce n’est pas un coût forcément financier, mais procéduralement, ça va être compliqué.
Olicat : Mais ça va être compliqué. Il va falloir que le CSA comprenne que je ne peux pas, dans mon plan de financement prévisionnel sur l’année un, lui donner une ligne SACEM SPRE [NdT, Société de Perception de la Rémunération Équitable]. SPRE pareil. J’ai appelé à SPRE, il ne savait pas. Il me fait : « Voyez avec la SACEM ! » Eh bien merci ! Donc voilà, c’est assez drôle. Mais il y a plein de trucs que le CSA va adorer, je pense ! Ce n’est pas grave. Pépite libre. Et là, tu nous emmènes chez Netflix.
Calimaq : Ça, ça m’a surpris, tu vois, parce qu’on ne s’attend pas à ce que dans la rubrique pépite libre on cite Netflix.
Olicat : Non, absolument.
Calimaq : Qui n’est pas un champion de la culture libre, les Netflix, on est bien d’accord !
Olicat : En termes logiciels si, ils le sont.
Calimaq : J’ai découvert ça, aussi avec cette pépite libre.
Olicat : Ils le sont parce qu’ils sont malins, en même temps. Ils aimeraient bien que les gens sous Linux puissent accéder à leurs contenus. Forcément, ils laissent la communauté développer tout ce qu’il faut. Là, on parle par contre d’œuvre et notamment d’un court métrage qui a été mis en ligne cette semaine, un court métrage de douze minutes qui est intitulé Meridian et qui présente la particularité d’être sous licence Creative Commons et qui pourra être donc diffusé par les concurrents de Netflix, comme Amazon ou Ulu. Netflix a fait ce choix, nous dis-tu, pour promouvoir le format ouvert IMF [NdT, Interoperable Master Format] qui est destiné à l’encodage des vidéos HD.
Calimaq : Oui ! Comme ils veulent,
Olicat : Pousser ce format.
Calimaq : Ils ont visiblement beaucoup travaillé sur ce format qui simplifierait beaucoup les choses, parce qu’ils expliquent qu’ils ont de grosses difficultés. Comme ils reçoivent des œuvres, en fait, qui viennent de différents pays, ils ont des difficultés à gérer la diversité des formats, donc ils veulent pousser ce format-là. Et ils ont dit, pour le mettre en avant on va produire un contenu, alors Meridian. C’est une histoire, ça se passe dans les années 30, c’est un peu ambiance polar noir, tu vois, Eliott Ness, tout ça.
Olicat : OK !
Calimaq : L’histoire est un peu nébuleuse, on sent que ce n’est pas l’histoire le truc le plus important, par contre la qualité de l’image est incroyable !
Olicat : Magnifique !
Calimaq : Ils ont vraiment poussé à fond là-dessus, sur la définition des images, et tout. Visiblement ils ont dit aussi qu’il y a des tas de plans qui sont assez compliqués avec de la fumée et tout. Ça pousse vraiment le truc de la machine à fond quoi ! Ils ont dit pour que les gens puissent travailler sur ce format, puissent travailler les images, puissent s’emparer vraiment du truc, on va le mettre sous licence libre comme ça ils pourront vraiment mettre les mains dans le cambouis et voir ce que c’est et ce que permet de faire ce format. Donc ça c’est un exemple assez intéressant toujours, de voir que des grosses entreprises qui sont dans une logique tout à fait de profit, etc., peuvent, par moments, avoir intérêt à utiliser le libre comme ça.
Olicat : Et comme tu le dis, Netflix n’est certainement pas le champion de la culture libre.
Calimaq : C’est sûr !
Olicat : Mais il prouve par ce geste qu’il en comprend la logique. Au-delà des standards ouverts il contribue à différents projets open source dont le développement de IMF justement.
Calimaq : C’est ça.
Olicat : Eh bien super. Donc pépite libre à suivre. Tu n’en avais pas une autre, un petit bonus, un one morphing ?
Calimaq : Hou là ! Non, mais j’essaierai d’en trouver plusieurs, si tu veux.
Olicat : Allez deux pépites libres, s’il te plaît !
Calimaq : Deux pépites libres. OK !
Olicat : Merci Lionel d’avoir assuré ce nouveau numéro de Freezone, C’était le numéro 15 que vous retrouverez en podcast, dès lundi, sur le site de Libre à toi*, libre-a-toi.org [6]. On se retrouve la semaine prochaine.
Calimaq : Au revoir.
Olicat : A bientôt.
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