Mieux inclure la diversité de genre pour mieux agir, le cheminement de l’April Pas Sage en Seine 2024

Comme ailleurs, la domination masculine est un problème dans le monde informatique et dans les communautés libristes. Pour ne pas entretenir ce statu quo et permettre aux femmes et minorités de genre de s’y sentir à leur aise, il faut prendre ses responsabilités et agir.
L’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre, se propose de présenter et de discuter des actions qu’elle mène depuis quelques années sur la diversité de genre et l’inclusion au sein de l’association et dans ses activités.

Bonjour. Bienvenue à cette conférence qui s’intitule « Mieux inclure la diversité de genre pour mieux agir, le cheminement de l’April ».
Je suis Isabella Vanni, je fais partie de l’équipe salariée de l’April. Si vous ne connaissez pas cette association, ne paniquez pas, je vais vous faire une petite présentation.
Tout d’abord, je voulais dire que je suis très contente d’avoir assisté à la conférence précédente, déjà parce que j’ai aimé la conférence, le sujet m’intéressait et ça m’a permis de reposer ma voix, parce que je suis en même temps sur le stand de l’April, dans le village associatif, et, comme je parle beaucoup avec les personnes, je la perds facilement. Là, je l’ai bien reposée, donc, je pourrai parler beaucoup pour vous, d’autant plus que je suis très bavarde. Vous aurez peut-être compris, en regardant mon nom, que je suis d’origine italienne, j’ai la nationalité franco-italienne, je suis née, j’ai grandi en Italie et j’y ai vécu jusqu’à 31 ans. Donc, si je parle beaucoup, que je suis vraiment très bavarde, que j’ai un débit important, pensez « ah oui, elle est née en Italie, tout va bien », mais si, un bout d’un moment, vous n’arrivez vraiment plus à me suivre, faites un geste, faites-moi comprendre qu’il faut que je baisse le débit, je suis consciente que, parfois, je parle trop vite et que je parle trop. Du coup, cette conférence est en italien. Non ! Je plaisante, tout va bien, ça va bien se passer.

L’April

L’April. Voilà le logo. Comme vous voyez, je ne suis pas très maligne, je n’ai pas pris un vectoriel, c’est moche, c’est pixelisé, du coup ça fait un petit rappel sur le pixelisé de Superflu [1] dans la conférence précédente.
L’April est une association qui fait la promotion et la défense du logiciel libre, c’est pour cette raison que nous sommes aussi ici à Pas Sage en Seine. C’est une association qui est née, qui existe depuis 1996, ça fait donc un petit paquet d’années déjà. Au départ, l’association s’occupait surtout de promouvoir le logiciel libre et puis, à partir de 2000, il y a « promotion et défense », parce qu’on s’est rendu compte en tant qu’association, pas moi personnellement parce que je n’étais pas encore dans l’association, qu’il y avait un risque pour le logiciel libre, qu’il y avait des lois qui pouvaient aller à l’encontre du logiciel libre, qu’il fallait donc faire aussi ce qu’on appelle du plaidoyer politique. C’est donc pour cela que notre tagline c’est : promouvoir et défendre le logiciel libre.
C’est une association nationale, dans le sens où on a des membres partout en France et aussi ailleurs.
Actuellement, on a un peu plus de 2500 membres et vous voyez, dans la diapo, qu’il y a surtout des personnes physiques, des personnes comme vous, et puis on a un peu moins de 300 personnes morales de différents types, vous voyez là quelques exemples : un peu moins de 200 entreprises, je crois, une centaine d’associations, une dizaine de collectivités dont la ville de Paris.
Sur notre site, il y a un trombinoscope, les personnes physiques qui le souhaitent peuvent afficher une petite présentation, ce n’est pas une obligation, bien évidemment, ça permet aussi de se connaître, et j’ai mis en exergue ce pourcentage-là : parmi nos membres, il y a uniquement 8 % des personnes qui se déclarent « femme ». Aujourd’hui, si vous allez sur notre formulaire d’adhésion, vous n’êtes pas obligé d’exprimer votre genre, mais, parmi les personnes qui ont choisi de l’exprimer, il n’y a que 8 % de femmes, et ça nous pose problème, on le verra tout à l’heure.

Comme je vous disais, c’est une association qui fait aussi du plaidoyer politique. Le plaidoyer politique, ça ne s’improvise pas, il faut avoir des connaissances juridiques et il faut aussi avoir du temps : on fait de la veille juridique, on analyse les projets de loi, on propose des amendements, on écrit des communiqués de presse, on contacte les parlementaires. Tout cela demande des compétences et du temps. On s’est donc rendu compte qu’il fallait avoir une personne salariée, c’est un peu comme ça que l’association est devenue une association qui emploie. Aujourd’hui, l’équipe compte quatre personnes, l’équivalent de trois temps pleins et demi ; ma collègue en charge des relations membres a choisi de travailler en temps partiel. Comme vous le voyez, en termes de représentation féminine, ça va déjà un peu mieux, on est dans la parité.

Beaucoup de bénévoles interviennent, agissent au sein de l’association ou à ses côtés, parce qu’on n’a pas l’obligation d’être membre de l’association pour participer à plein d’activités qu’on fait à l’April, c’est quelque chose qu’on n’arrête pas de dire : vous n’avez pas l’obligation d’être membre, par exemple pour vous inscrire à des listes ou pour participer à certains projets.
On va dire qu’on a entre 30 et 40 bénévoles qui s’engagent vraiment sur la durée, par exemple sur des projets réguliers et il y en a aussi plein qui interviennent ponctuellement, par exemple pour tenir notre stand dans des événements.
J’ai mis quelques chiffres qui peuvent être parlants. À l’April, on a choisi d’encourager les bénévoles à « bénévaloriser » leurs actions, c’est-à-dire à remplir un formulaire, qui se remplit très vite, pour indiquer combien d’heures ils ou elles ont dédié à l’association, si le travail était qualifié 1, 2, 3, on a seulement trois niveaux. Ça nous permet de le valoriser et de le mettre dans notre compte de résultat, sachant que plein de bénévoles de l’April ne « bénévalorisent » pas par choix, ce n’est pas une obligation, donc, peut-être que, potentiellement, il y a beaucoup plus d’heures et l’équivalent de beaucoup plus de temps pleins que ceux que l’on a collectés en tant qu’information.

Je ne sais pas si vous connaissez cet évènement, ce sont les Geek Faëries, un événement qui a lieu à Selles-sur-Cher, un festival de l’imaginaire, il y a beaucoup de mangas, des gens qui se déguisent, des jeux vidéo, des jeux de rôle aussi. Il se trouve qu’on a deux bénévoles qui ont une passion pour ça et cette cotte de maille a été faite main par la personne qui la porte. C’est pour vous dire qu’on peut aller très loin et pour vous dire aussi que l’April participe forcément sur des événements libristes, qui affichent effectivement une promotion du logiciel libre, ce qui est évident, mais on essaye aussi de participer à des événements où on peut trouver des personnes qui ont cette curiosité, qui sont potentiellement intéressées à en savoir plus, donc pourquoi pas les Geek Faëries, pourquoi pas la Fête de l’Huma en septembre, pourquoi pas d’autres événements grand public.
Il nous arrive aussi de donner des cours à l’université. Par exemple, une ancienne membre du conseil d’administration, toujours membre de l’April, donne régulièrement, chaque année, des cours à Polytech Sorbonne, si bien que Polytech Sorbonne a fini pour adhérer à l’association.
On peut participer à des débats publics, des tables rondes, si on nous invite, on y va volontiers.
Et puis, on a des bénévoles qui s’investissent encore plus, parce qu’ils et elles décident de rentrer dans le conseil d’administration et deviennent, en fait, les dirigeantes et dirigeants de l’association. On en a neuf et ce n’est pas mal, on n’a pas la parité, mais on a quand même quatre femmes sur neuf. Je tiens vraiment à le signaler, parce que, si vous avez vu, l’équipe salariée et le conseil d’administration sont deux leviers d’action pour arriver à recruter des femmes, on verra ça tout à l’heure.

Constat

Commençons par un constat.
Récemment, une personne membre de l’April, qui a participé à l’assemblée générale qui a eu lieu à la mi-mars, a un peu contesté l’April par rapport à nos actions pour l’inclusivité en disant « vous ne citez pas vraiment des pourcentages, je ne suis pas sûre que les statistiques que vous citez soient vraies. »
Je suis allée chercher sur l’Insee, édition 2023 sur l’année 2022, donc, je suis vraiment entre deux coussins, je peux vous présenter les chiffres :
les femmes occupent, en 2022, 24 % des emplois dans les professions du numérique, donc on est à un quart environ ;
parmi ce quart, parmi ces femmes qui travaillent dans ces métiers, dans ce secteur, seulement 36 % ont des métiers purement techniques, par exemple informatique et systèmes d’information ; je vous laisse faire le calcul, c’est vraiment une partie très minoritaire.
Ça va peut-être un peu mieux au niveau de la formation.
Le problème, c’est qu’elles ne tiennent pas, soit elles ne trouvent pas d’emploi, soit elles trouvent et elles quittent, en moyenne, au bout de cinq ans, en tout cas, elles quittent plus facilement que les hommes, c’est donc assez problématique.

Historique

Là, j’ai honte, parce que, après une conférence avec de super beaux dessins..., j’ai fait ce truc horrible, désolée. La prochaine fois, Gee, je t’appelle. En tout cas, j’espère qu’on comprend.
En fait ça n’a pas toujours été comme ça, il n’y a jamais eu un pourcentage plus important de femmes que d’hommes dans l’informatique, ça n’a jamais été le cas, on n’a jamais eu la parité absolue, mais il y a eu un moment où la part des femmes dans l’informatique était quand même très importante. Je n’ai pas le pourcentage, mais ce n’était pas ridicule. Pourquoi ? En fait, à l’époque, le métier de la personne qui code, qui développe, était un petit peu associé, en fait, c’était comme une prolongation des métiers de secrétariat, c’était un métier de bureau, ce n’était pas un métier de force, de chantier, donc, dans les années 60 par exemple, on le considérait comme complètement adapté à une femme.
Et puis des choses se sont passées à partir des années 80 et tout s’est écroulé. Je pense que vous avez une idée, peut-être — je ne suis pas méchante, je ne prétends pas la réponse —, de l’une des causes qui peuvent avoir provoqué cela.

Public : Le pognon !

Isabella Vanni : Tu es un génie !
Ça, c’est une image Openclipart [2] [image d’un sac contenant des dollars, NdT], car je ne sais pas très bien dessiner. Quand j’étais enfant, ce n’était pas mal, mais, après, j’ai abandonné, donc je me suis dit « je prends tout déjà fait ». J’en profite pour dire que vous pouvez trouver, sur le Web, des images sous licence libre que vous pouvez réutiliser à condition de les créditer.

Oui, le pognon ! Comme vous le savez, à partir des années 80, il y a un essor de l’informatique, ça devient central pour l’économie, c’est donc un travail, un métier qui se valorise ; de très bonnes carrières, des très bons salaires sont associés à ce métier. Comme on est dans un système patriarcal, désolée, mais, à un moment, il faut le dire, c’est arrivé au bout de je ne sais pas combien de minutes ; il fallait le dire ! À chaque fois qu’un métier se valorise, il se masculinise et, à chaque fois qu’un métier se dévalorise, il se féminise. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont des études, je n’ai pas de statistiques, mais c’est comme cela et ça a eu un impact énorme.
En plus, comme les métiers de l’informatique prenaient de plus en plus de place, les formations, les écoles pour devenir informaticienne/informaticien, ont augmenté, il y avait de plus en plus de places pour se former à ces métiers et qui est-ce qui a pris ces places, ces nouvelles places ? Ce sont les bonhommes. Les femmes n’ont arrêté d’aller dans ces formations, c’est qu’il y avait plus de places car elles avaient été clairement colonisées par des hommes, donc, à la sortie, ce sont eux qui ont pris les postes.
Et puis, il y a aussi eu l’arrivée du micro-ordinateur.

Ce que je suis en train de vous dire, l’historique de cette chute drastique, est très bien expliqué par Isabelle Collet dans son ouvrage Les oubliées du numérique. On trouve beaucoup d’interviews d’Isabelle Collet sur le Web et, comme c’est un sujet qui est très cher à l’April, on trouve aussi beaucoup de transcriptions de ses interviews sur notre site Libre à lire ! [3] Donc, si vous n’avez pas le temps d’écouter un podcast, vous pouvez lire ses interviews. Elle a aussi été interviewée aussi dans notre émission de radio Libre à vous ! [4].

Donc, dans les années 80, il y a aussi l’arrivée du micro-ordinateur à la fois dans les foyers et dans les entreprises. Comme c’est un objet technique, les micro-ordinateurs ont été offerts notamment aux petits garçons qui se sont mis à faire des jeux vidéo. Une anecdote personnelle, j’y tiens : j’ai été la première, dans ma classe, à 15 ans, à avoir un Amiga 500, mon père a tenu à me l’offrir et j’en suis très fière. Je faisais aussi surtout des jeux vidéo, mais on pouvait aussi travailler, créer des fichiers, faire des tableaux, etc. Cela pour dire que j’ai eu la chance de ne pas avoir eu une éducation si genrée que ça ; c’était complètement normal, pour mes parents, pour mon père en particulier, de m’offrir un micro-ordinateur.
Mais, la réalité a voulu que ce soient surtout les petits garçons qui soient équipés de ça et il y a eu une sorte de fausse continuité entre le micro-ordinateur avec lequel on faisait surtout des jeux vidéo et le micro-ordinateur de l’entreprise sur lequel on bossait.
Je sais qu’il faudrait plus d’images, mais, en gros, on s’imagine « il bidouille sur son ordi toute la journée, donc, il va forcément faire une école d’ingénieur, c’est super parce que, après, il sera informaticien, il aura une belle carrière, il gagnera beaucoup ». Et on ne se raconte pas cette histoire pour les filles !

Et puis il y a ça. C’est toujours Isabelle Collet qui parle. C’est un film qui est sorti au début des années 80, qui s’appelle Wargames. Combien de personnes dans la salle l’ont vu ? Ah ! Une bonne moitié quand même tout ce côté, sauf Étienne.
Personnellement, c’est un film qui m’a beaucoup marquée, j’ai beaucoup aimé ce film. En gros, c’est ce garçon qui est interprété par…, qui l’a dit ? Merci. Tu es cinéphile ? On parle un peu après, si tu veux. Moi, je n’aime pas trop Matthew Broderic, si je peux je l’évite, il ne m’a rien fait. Dans ce film, c’est lui, mais, comme il est ado, j’arrive à le regarder encore aujourd’hui. Il y a des choses comme ça, parfois, on n’aime pas les personnes, c’est une question épidermique, elles ne nous ont rien fait du tout.
En fait, c’est un jeune garçon qui est féru de jeux vidéo. Il souhaite rentrer dans les dépôts d’une entreprise spécialisée en jeux vidéo et regarder, en douce, ce qui se passe, éventuellement voir s’il y a des jeux auxquels il peut jouer. En fait, il ne se rend pas compte qu’il se connecte au dépôt de la Défense américaine. Du coup, il commence à jouer avec cet ordinateur qui a été conçu pour analyser, en fait, estimer les dégâts possibles d’une guerre nucléaire ; quels sont les dégâts qu’on aurait pu avoir avec une guerre nucléaire. Il ne se doute de rien, c’est trop marrant. En plus, l’ordinateur lui parle, c’est un bot, bien évidemment. Il y a de l’interaction, donc, il est trop content.
Au bout d’un moment, cet ordinateur fait déclencher une alarme auprès de la Défense américaine qui commence à mettre en place ses missiles contre l’Union soviétique – je vous rappelle qu’on est en pleine guerre froide –, on est donc vraiment à un pas de déclencher une guerre nucléaire, parce que les Américains sont convaincus qu’ils sont attaqués par les Soviétiques. Ce n’est pas vrai, c’est une fiction, mais une fiction qui risque, dans quelques minutes, dans quelques heures, de devenir la réalité.
Heureusement, ils arrivent à retrouver le garçon qui, bien évidemment– je ne spoile pas tant que ça, c’est un film américain –, va tout régler !

Ce petit garçon est là. Il y a aussi une fille dans l’histoire, c’est sa copine, peut-être, potentiellement, petite copine. Regardez qui fait l’action et qui soutient, avec beaucoup de tendresse, le garçon. Je suis fière de vous dire que je m’identifiais au garçon parce que, justement, j’ai eu une éducation non genrée et je me disais « c’est trop cool ! C’est trop bien ! Moi aussi, j’aimerais tellement faire ça. » Je ne me rendais pas compte que ce n’était pas si courant que ça, je ne sais vraiment pas combien de filles, comme moi, s’identifiaient au garçon.
Mine de rien, le cinéma, la culture véhiculée par le cinéma influence énormément notre façon de penser.
Et l’image du petit garçon geek dont je vous parlais, qui est dans sa chambre, qui joue à des jeux vidéo, associé à cela, alimentait énormément les stéréotypes : le jeune garçon est celui qui fait de l’informatique.

Problème

Merci Gee pour le GéGé [5] qui permet de créer et d’utiliser des images libres pour faire des slides ou pour faire des BD.

Le problème, c’est qu’on en est là aujourd’hui : il y a une domination masculine à la fois dans la formation des ingénieurs dans les écoles d’informatique, dans les métiers et aussi dans les associations, comme la nôtre, qui promeuvent et défendent le logiciel libre.

Notre association ne s’adresse pas, ou pas seulement, aux personnes qui développent du code, notre association s’adresse à toutes les personnes qui utilisent l’informatique. C’est l’objectif des quatre libertés du logiciel libre : la possibilité d’exécuter, étudier, modifier, partager avec ou sans rémunération, c’est-à-dire de redonner le pouvoir aux personnes, comme la reine des elfes [6] le disait ce matin, donc, potentiellement, ça intéresse toutes les personnes qui utilisent l’informatique, toutes les personnes qui ont juste un smartphone, parce que c’est un ordinateur de poche.
Et comment cela se fait-il ? Si on s’adresse à tout le monde, pourquoi n’y a-t-il que 8 % de femmes ?
Ce problème nous questionne, nous désole aussi et on veut changer. Pour changer quelque chose, juste rester à regarder ne changera rien et ne rien faire, finalement, c’est un peu valider ce qui est, c’est un peu entretenir le statu quo, il faut donc forcément agir, faire des choses pour changer ça. En fait, c’est l’objet de cette conférence aujourd’hui.

Propos

Je vais vous présenter ce que nous avons mis en pratique jusqu’à présent. C’est un cheminement, c’est dans le titre de la conférence et ne prenez surtout pas cette conférence comme une leçon, ce n’est pas l’intention. Nous n’avons aucune leçon à donner à personne, nous donnons juste des exemples de ce que nous avons mis en pratique et ça peut, peut-être, servir d’inspiration, d’idée pour d’autres personnes ou alors, vous pouvez venir nous aider à mettre en pratique d’autres actions. C’est vraiment juste une présentation de ce que nous avons fait jusqu’à présent, en espérant que les choses puissent changer.
Aujourd’hui, c’est donc une conférence sur la diversité de genre, parce que c’est surtout sur cela qu’on a pu agir jusqu’à présent, en tout cas, c’est surtout là que nous avons fait des actions, mais, bien évidemment, l’inclusivité n’est pas que la diversité de genre, c’est beaucoup plus vaste.

Ça va ? Je ne parle pas trop vite ? Je fais un effort.

Qu’est-ce qui bloque ?

Qu’est-ce qui bloque aujourd’hui ? C’est la première question à se poser.

On a répondu que s’il y a si peu de femmes, c’est visiblement parce qu’elles ne se sentent pas suffisamment bien accueillies, je ne l’ai pas écrit, mais ça peut être aussi parce que les femmes pensent qu’elles n’ont pas leur place dans une association qui s’occupe des libertés informatiques.
Déjà, comme on a vu, le milieu est très masculin. Il y a vraiment le stéréotype de l’informaticien, homme, blanc, geek, souvent barbu, peut-être que les femmes se disent « ce milieu n’est pas un milieu qui me ressemble, ce n’est pas pour moi. »

Il y a aussi des comportements qui mettent mal à l’aise, des propos déplacés, des blagues graveleuses, une façon de parler fort, plusieurs comportements qui, effectivement, ne sont pas très accueillants pour les femmes, pire, qui les mettent mal à l’aise.
J’ai récemment eu un retour, le témoignage d’une personne qui m’a parlé d’un événement libriste, pas en France, où les blagues graveleuses ne semblaient vraiment poser problème à personne. C’est triste. Ça contribue à faire fuir les milieux libristes, informatiques, et ça arrive aussi, malheureusement, dans les entreprises. J’ai récemment reçu un autre témoignage d’une personne qui a renoncé à travailler dans ce monde, dans ce secteur, parce que ce n’était pas possible, c’était extrêmement sexiste, humiliant, etc. Ce n’est pas toujours comme ça. Il y a aussi des boîtes informatiques qui font vraiment des efforts, d’ailleurs ça se voit dans le nombre de développeuses ; ça veut dire qu’elles ont vraiment changé les choses parce que, sinon, ça ne bougerait pas autant. Je ne veux pas voir tout négatif, il y a des boîtes qui font ce qu’il faut.

Il y a un langage excluant. Le langage ne concerne pas que la langue inclusive, ou pas, j’essayerai de détailler un peu plus, ça peut être aussi la façon de parler, par exemple le fait qu’on rentre dans des tunnels, qu’on ne fait pas parler les autres, qu’on accapare la parole ou on coupe la parole. Des statistiques, que je n’ai pas reportées, montrent que même quand on fait parler des femmes dans un événement, dans une table ronde, etc., comme par hasard, à la fin des comptes, le plus important du temps a été occupé par des hommes. J’ai récemment assisté à un événement qui n’avait rien à voir avec l’informatique, c’était sur la mobilité douce en lien avec le dérèglement climatique, la mobilité douce comme une façon, un levier d’action. Il y avait trois personnes sur scène, deux hommes et une femme, et l’animateur ne s’est pas rendu compte du nombre de fois qu’il a passé le micro aux hommes et la femme était là. Je me demandais « pourquoi ne fait-il pas attention à la distribution de la parole ? » et puis, finalement, quand elle a parlé, elle a tout déchiré, elle a reçu plus d’applaudissements que les deux hommes ensemble !
Il y a de façons qui peuvent ne pas être du tout accueillantes.

En ce qui concerne l’écriture inclusive ou le langage inclusif, il y a différentes façons de faire. Il n’y a pas que le point médian. Beaucoup de personnes, aujourd’hui, identifient l’écriture inclusive au point médian, à la limite, je peux comprendre pourquoi ? Parce que qu’on se demande « c’est quoi ce truc-là ? », même moi, je me suis posé la question. C’est un caractère typographique qu’on n’avait pas l’habitude de voir dans les textes, donc, ça nous fait effectivement tilter, comme nous font tilter les néologismes comme iel, auditeurice pour dire auditeur/auditrice. C’est quelque chose qui nous marque parce que c’est vraiment nouveau.

Notre langue, le français, nous permet justement de faire du langage inclusif avec des méthodes qui sont, en fait, anciennes. C’est-à-dire que, dans notre langue, il y a déjà plein de possibilités pour faire du langage inclusif, par exemple en utilisant des monts épicènes, c’est-à-dire des mots qui peuvent être précédés par un article féminin ou un article masculin, indépendamment : on peut dire un bénévole/une bénévole, un membre/une membre, etc. Il y a des formules ou des mots qui sont englobants comme le mot « personne », une personne, je peux l’utiliser pour tout le monde, « tout le monde », justement, tout le monde aussi.

On peut aussi reformuler ses phrases.

On peut doubler un mot. Par exemple, dans notre émission de radio, on en parlera un peu plus tout à l’heure, on dit « chers auditeurs, chères auditrices » ou « chères auditrices, chers auditeurs » selon les personnes ; doubler permet de s’adresser aussi aux femmes, parce que le masculin, soi-disant neutre, n’est pas si neutre que ça. Des psycholinguistes ont fait beaucoup de travaux sur cela : le langage influence énormément notre façon de penser et de construire des représentations dans notre tête. Du coup, si on nourrit son cerveau uniquement avec du masculin, même si on le définit neutre sur le papier, le cerveau est un peu con et il va finir par penser qu’on ne parle que d’hommes ; notre cerveau fonctionne vraiment comme ça. Il faut donc aussi écouter les scientifiques, les personnes qui travaillent sur ces questions, parce que ça nous permet aussi de dépasser certains freins qu’on peut peut-être avoir sur l’usage de la langue.

J’ai envie de parler aussi d’une chose qui nous est arrivée au niveau de l’équipe associative, avec ma collègue Elsa, d’ailleurs surtout ma collègue qui s’occupe des relations avec les membres. On avait l’habitude de dire, par exemple, « nous sommes ravis que vous soyez toujours membre de l’association ». Elsa tient vraiment beaucoup à faire des messages personnalisés et c’est top qu’on ait une personne qui, en plus, a une très belle plume. Du coup, non, on ne peut pas le dire de cette façon. Comment fait-on ? On peut tout simplement changer la phrase : « Vous savoir dans notre association nous réjouit ». C’est du français, je n’ai rien inventé ! On peut donc aussi faire du langage inclusif de cette façon.
Je me suis trompée, merci de m’avoir écoutée, en fait, on était dans la partie « Ce qui bloque », du coup, je suis allée trop vite, j’ai anticipé ce que j’allais vous dire après, désolée. On va repasser sur ce qui bloque.

Les horaires inadéquats, par exemple après le boulot. Même si les choses sont en train de changer, heureusement, dans le foyer, comme vous le savez, beaucoup de choses sont prises en charge par les femmes, encore aujourd’hui, même si je sais et je suis convaincue que ça va bouger. Donc mettre des réunions après le boulot, ça peut être compliqué pour elles.

Des lieux pas accueillants. Par exemple, quand est née l’April, on était dans un squat qui, en plus, était difficile d’accès ; ça peut être aussi des lieux pas très bien éclairés, pas très « propres », entre guillemets.

Et puis des rendez-vous, en général, qui font penser que le fait de boire sera la chose la plus importante de la soirée, la chose prioritaire par rapport aux échanges. Ce n’est pas vrai, quand on faisait les apéros April – maintenant, on a changé de nom, on verra pourquoi – on a pensé que, peut-être, des femmes se disent « un apéro ! C’est déjà un environnement masculin, avec des hommes blancs, geeks, barbus, qui, en plus, boivent, merci, je vais peut-être faire autre chose, aller au ciné avec une amie ! »

Ce sont des exemples de choses qui peuvent bloquer, donc, comment on répond à ces choses qui bloquent ? Voilà quelques pistes que nous avons nous-mêmes mises en pratique.

Actions menées par l’April

  • Se former, c’est facile, d’autant plus qu’avec le Web on a accès à plein de choses, par exemple des podcasts, des interviews. On peut aussi lire des bouquins, aller à des conférences, il y a vraiment 1000 façons de se former.
  • Sensibiliser : une fois qu’on a l’information, on la partage autour de soi, avec ses collègues, dans le privé comme dans d’autres environnements, professionnels, associatifs, sportifs, ça dépend de ce que vous faites.
  • Encourager la candidature des femmes dans le recrutement, que ce soit dans l’équipe salariée, dans le conseil d’administration, chez les bénévoles. Vous avez vu que dans l’équipe salariée, on n’est pas mal ; au conseil d’administration, ça va ; pour ce qui est des bénévoles, je parle des bénévoles qui sont actifs et actives sur la durée, qui s’engagent vraiment sur la durée, qui sont les plus actives et actifs pendant toute l’année, il y a encore une grosse majorité d’hommes, mais il y a aussi de bonnes nouvelles : par exemple, pour une tâche technique comme la régie de notre émission de radio, dont je vous parlerai tout à l’heure, peut-être faudrait-il en parler plus tôt, il y a une équipe de trois femmes : donc tâche technique, trois femmes !, nous sommes fiers et fières de cela ; le traitement des podcasts, ce sont trois personnes dont une femme, pas mal ! Après, nous proposons des services libres en ligne pour nos membres, si je ne me trompe pas, on a 14 services aujourd’hui et les personnes qui s’occupent de ces services, qu’on appelle les « animsys », qui s’occupent, par exemple, de faire les mises à jour, ce ne sont que des hommes. Peut-être qu’on peut travailler encore là-dessus pour essayer de faire des appels à bénévoles, par exemple, qui rassurent les femmes sur le fait qu’elles ont leur place dans ces projets.
    Par ailleurs, même si c’est un projet un peu plus technique, si on ne sait pas faire, on peut apprendre, c’est le cas de la régie. C’est vrai qu’on ne peut pas faire de la régie sans rien savoir, mais on a documenté, on peut faire des formations, c’est d’ailleurs ce qu’on fait : les personnes arrivent, on fait des formations ensemble, on fait des régies ensemble et, quand elles se sentent prêtes, elles font leur première régie, elles feront forcément des erreurs la première fois, mais on s’en fiche, ce n’est pas grave, sauf si elles coupent l’antenne, là, c’est un peu dommage parce que c’est compliqué de la reprendre, sinon lancer un jingle quelques secondes plus tôt ou plus tard ce n’est pas bien grave ! Après, on fait un podcast, on amende et les personnes qui écouteront le podcast ne s’en rendront même pas compte ! On s’en fiche ! C’est avec les erreurs qu’on avance.
    Donc peut-être que pour certains projets on peut faire mieux on peut effectivement faire en sorte que les femmes, les minorités de genre, se disent « je peux être à ma place, là, c’est peut-être pour moi ! Je vais essayer de candidater ! »
  • Utiliser un langage non excluant, j’en ai parlé tout à l’heure.
  • Essayer aussi de faire attention à la distribution de la parole.
  • Éviter d’accaparer la parole.
  • Faire attention aux personnes qui sont autour de soi et ça vaut aussi, tout bêtement, par exemple dans une réunion.
  • Utiliser du langage inclusif.
  • L’évolution de la mise en œuvre du code de conduite. On a un règlement avec un code de conduite, ça a toujours existé. On l’a effectivement mis à jour en précisant qu’être à l’April, agir pour l’April c’est agir pour une cause, mais il faut que ce soit dans un environnement où on se sent bien, ça doit être aussi un plaisir, pas que des efforts. Le plaisir passe aussi par un environnement dans lequel on se sent protégé, par exemple, si des personnes ont des comportements qui nous mettent mal à l’aise, des propos qui nous mettent mal à l’aise. On rappelle ce code de conduite à chaque fois qu’on organise un événement et on le rappelle aussi quand on participe à des événements. Sur la page d’organisation de notre participation aujourd’hui, si vous allez sur notre wiki, vous trouverez « personnes référentes pour signaler un incident », j’ai donc mis les noms des personnes présentes de l’équipe de l’April, les autres membres du conseil d’administration et moi-même. On a envoyé nos numéros de téléphone aux bénévoles, par mail, pour des raisons de confidentialité.
    Toutes ces choses-là, normalement, rassurent, ce sont des choses qui contribuent à rassurer les femmes et les minorités de genre. D’ailleurs, une femme nous a dit que s’il n’y a pas de code de conduite, elle ne met pas le pied dans un événement, elle fait très attention à cela.
    Heureusement, maintenant, la plupart des événements prévoient cela. On l’avait, mais on ne s’était pas rendu compte qu’on ne le mettait pas en avant ; c’était dans le règlement, mais on ne l’affichait pas sur les différentes pages. Pour le coup, c’est une action très facile à faire.

D’autres actions

  • Prendre en compte la diversité quand on nous invite à participer à un événement. Si on nous invite, par exemple pour une table ronde, on demande « qui sont les autres personnes invitées ? ». Cela m’est arrivé récemment avec une entreprise du logiciel libre, une coopérative qui, justement, nous invitait. J’ai dit « cette possibilité, c’est bien, merci pour l’invitation, mais avez-vous essayé de trouver des femmes, parce que, là, je ne vois que des noms d’hommes, et je ne suis pas sûre qu’une personne de notre association soit disponible pour venir. — Oui, effectivement… ». En fait, il faut vraiment y aller ! Si vous voulez une personne qui représente son organisation dans votre événement, n’hésitez pas à dire clairement que, pour vous, la représentation, la visibilité des femmes est importante et n’hésitez pas, n’ayez pas peur de dire « idéalement, on aimerait bien une femme, si vous pouvez, ou alors une femme et un homme. »
  • Si c’est nous qui organisons un événement, normalement, nous essayons toujours d’avoir au moins une femme sur place, qui accueille.
    Là, je glisse des choses qui concernent l’inclusivité à d’autres moments, pour vous dire qu’on a fait beaucoup d’actions concernant la diversité de genre. Par exemple, dans les événements, on propose aussi des mets végétariens, on propose une salle de repos si les personnes ont besoin de s’isoler un peu, on essaye quand même de penser à d’autres choses qui peuvent aider les personnes à se sentir bien, sinon ça n’a pas de sens.
  • Dans l’organisation de notre travail, nous faisons attention aux horaires. La plupart du temps, on fait des sondages pour voir quand les personnes sont plus disponibles, on fait attention à ça. On essaie aussi de mettre à disposition des outils de visioconférence ou audioconférence, aujourd’hui c’est plutôt facile, d’autant plus qu’il y a d’excellents logiciels libres qui permettent ça.
  • Des lieux de réunion propres, éclairés, accueillants où les gens se sentent bien, notamment, justement, les femmes et les minorités de genre. Les hommes aussi aiment les lieux propres, mais vraiment faire encore plus attention si on veut cibler les femmes et les minorités de genre.
  • Et puis on accueille aussi, depuis quelque temps, des réunions libristes au local. Il se trouve qu’on a une grande salle de réunion qu’on utilise pour déjeuner avec les personnes de l’entreprise qui nous sous-loue les locaux, qui reste vide hors de la pause déjeuner ; on trouve que c’est du gâchis, donc, on s’est dit « proposons à d’autres associations libristes d’utiliser nos locaux pour leurs réunions ». Dans la page qui présente cette possibilité, il y a évidemment un langage inclusif.
    On dit aussi que si les personnes le souhaitent, elles peuvent organiser des réunions en non-mixité choisie. Elles peuvent, par exemple, vouloir faire des réunions sans hommes, seulement avec des femmes et des minorités de genre. C’est possible et, par exemple, je m’occuperai du contact, de l’accueil, je donnerai les clés, j’expliquerai ce qu’il faut faire, comme cela, on fait vraiment de la non-mixité jusqu’au bout, de a à z.

Émission de radio Libre à vous !

Nous avons une émission de radio qui s’appelle Libre à vous ! [7], qui est diffusée en direct chaque mardi de 15 heures 30 à 17 heures sur radio Cause Commune, une radio associative, il n’y a que des bénévoles qui animent les émissions, il y en a pour tous les goûts – société, politique, architecture, cinéma –, vraiment de tout. Elles sont très intéressantes, j’ai découvert beaucoup de choses intéressantes grâce à ces émissions. Nous avons ce créneau, on peut donc parler, on peut raconter les libertés informatiques à la radio. Ensuite, on fait des podcasts, comme je vous ai anticipé, et les transcriptions sont aussi disponibles ; si vous avez peu de temps, avec l’écrit ça va encore plus vite.

En ce qui concerne comment mieux inclure la diversité de genre dans cette émission, déjà, on a une charte, comme je vous disais un peu, qui nous impose de faire un effort pour chercher des femmes. Quand on invite une organisation, on demande à ce qu’il y ait des femmes. On fait vraiment attention à ce que, sur le plateau, il y ait idéalement la parité, sinon au moins une femme. Ça arrive encore, rarement, qu’il n’y ait que des garçons. La saison dernière, on a eu quand même 40 % de femmes intervenantes.
Il y a des actions pour lesquelles, c’est plus simple. C’est difficile de dire aux personnes « Adhérez à l’April, c’est aussi pour les femmes ». On est toujours à 8 %. Par contre, quand on a ce type d’action-là, c’est plus facile parce qu’on a vraiment la main, c’est nous qui décidons le contenu des émissions, ce dont parler. On a un peu plus la main, d’autant plus que, maintenant, l’un des sujets que l’on traite assez régulièrement, ce sont les « Parcours libristes ». On invite une personne, pas les stars masculines habituelles des logiciels libres, on trouve qu’elles ont assez de place, assez de visibilité comme ça. Le but, c’est de rendre visibles les femmes pour les valoriser et pour donner envie à d’autres femmes de faire de même : quand on voit quelqu’un qui fait quelque chose, c’est inspirant, ça nous donne envie de le faire nous aussi. C’est vraiment hyper important de rendre visibles les femmes. Jusqu’à présent, on a fait cinq Parcours libristes et quatre sont des parcours de femmes. En plus, la première était Agnès Crepet, on a aussi commencé avec une femme. Donc là, c’est plutôt facile, c’est nous qui choisissons les sujets.

On fait un accompagnement spécifique, on invite les personnes, si elles le souhaitent et vous aussi d’ailleurs : si vous avez un sujet, qui vous intéresse, qui vous passionne, autour du logiciel libre et de la culture libre en général, vous pouvez nous proposer d’animer vous-même une émission à la radio sur ce sujet, sachant qu’on ne va pas vous laisser tout seul : c’est nous qui faisons la régie, c’est nous qui faisons la communication, c’est nous qui animons le reste de l’émission. On vous accompagne, on vous aide, vous n’êtes pas livré à vous-même, vous pouvez faire cette expérience avec nous. On invite systématiquement les personnes qui sont passées à la radio à se mettre de l’autre côté, à se mettre derrière le micro de l’animatrice ou de l’animateur. On les rassure sur le fait qu’on les accompagnera et, si elles le souhaitent, c’est une femme qui les accompagnera, moi en l’occurrence.

Et on invite systématiquement les femmes qui sont passées dans notre émission à s’inscrire à ce site-là, expertes.fr [8], je ne sais pas si vous le connaissez. C’est un annuaire, sur base volontaire, dédié aux femmes. Vous pouvez vous inscrire, vous pouvez préciser vos centres d’intérêt, les domaines dans lesquels vous êtes spécialisée, experte, je crois qu’il faut mettre au moins deux médias dans lesquels vous êtes apparue, du coup, on suggère aux femmes de mettre l’émission Libre à vous !, si elles n’ont rien sous la main. C’est aussi une façon de leur dire « si vous le faites, non seulement vous vous rendez visible, vous permettez à des gens qui cherchent des femmes spécialistes sur un sujet de vous trouver, c’est plus simple quand il y a un annuaire, c’est quand même plus pratique, et vous pouvez aussi partager l’information autour de vous, peut-être qu’il a plein de femmes, autour de vous, qui ont tout à fait leur place dans cet annuaire, qui sont expertes de quelque chose, spécialistes en quelque chose. » Comme je vous le disais, ça permet de rendre visible, ça permet de valoriser et ça encourage d’autres femmes à faire pareil.

Et les hommes ?

J’aurais bien voulu vous envoyer l’extrait audio de cette phrase, mais je n’ai pas eu le temps, ça aurait été encore plus drôle d’avoir l’extrait.
Lors des émissions de radio, on essaie aussi de choisir des sujets qui parlent de cette question, de la place des femmes dans l’informatique. On a fait plusieurs émissions sur ce sujet et, une fois, mon collègue a demandé à une personne, Anne-lise Martenot, informaticienne indépendante, à la fin de l’échange : « Et les hommes, que peuvent-ils faire ? ». Question assez logique, ça reste des luttes de femmes, elles se libèrent elles-mêmes, mais c’est quand même sympa d’avoir des alliés. C’était une question : que peuvent faire les hommes pour devenir vos alliés ? Je lis la réponse : « Cette question me gêne vraiment, parce que moi je n’ai pas à expliquer aux mecs ce qu’ils ont à faire. Merde ! […] Comment dire, la déconstruction masculine, s’intéresser, lire, regarder sur Internet ce que les femmes disent, de quoi les femmes se plaignent. […] Tu apprends où le respect, comment, à l’école, par des publicités ? Il va falloir inventer des choses, mais c’est aussi aux mecs de trouver. Voilà ! ». C’est la réponse d’une personne qui a subi des choses, qui le raconte pendant l’émission, si vous voulez l’écouter, c’est une émission qu’on a diffusée en 2022 [9], il y a aussi des ressources, éventuellement. C’est une personne qui avait subi des choses, qui nous a vraiment parlé de comportements, d’environnements qui n’allaient pas, qui étaient sexistes. Elle répond sur un coup de colère, ce qu’elle dit n’est pas tout faux : en fait, les mecs, les garçons, si vous voulez être alliés, vous savez effectivement ce qu’il faut faire. Comme je suis gentille, je vais vous le dire :

  • prendre sa dose quotidienne de témoignages de femmes — podcasts, interviews —, ou de féministes ;
  • s’informer par soi-même et transmettre, ce que j’ai dit tout au début, une fois qu’on a la formation, c’est beau aussi de partager à la fois avec son entourage, mais aussi dans son milieu professionnel, dans sa vie publique ;
  • laisser la place. Je me souviens distinctement d’un événement, le Capitole du Libre, où beaucoup de conférences, la plupart des conférences étaient données par des mecs. À un moment, un mec a posté un message, a dit : « Je laisse ma place. Ma conférence a été acceptée, mais je la retire et je veux bien qu’il y ait une femme qui parle à ma place. » Excellent ! ;
  • briser la solidarité masculine : si des mecs font des blagues graveleuses autour de vous, vous n’êtes pas obligé de rire, vraiment ! Vous pouvez leur aussi dire ce que vous pensez de ces comportements, de ce qu’ils font endurer aux femmes. Vous pouvez aussi les encourager, les inviter à se comporter différemment ; ayez le courage de dire ce que vous pensez à vos amis ;
  • et puis acceptez que Yes, all men. Même si vous pensez être un brave garçon qui n’a rien fait de mal à personne, même si c’est involontaire, vous faites partie, vous êtes un maillon de ce système patriarcal et de domination. Plus tôt vous l’acceptez et plus tôt vous changerez.
  • j’ai mis des lunettes, c’est ma collègue qui m’a inspiré cette diapo : si vous portez des lunettes, que vous les changez, par exemple lorsque vous devez changer la correction, vous savez qu’il faut une petite semaine pour s’habituer, « je voyais mieux avant ! Comment ça se fait ? », et puis ça passe. J’ai voulu dire que quand on change, il y a un effort à faire, je vous l’ai expliqué, vous le savez, et il y a aussi un inconfort, il ne faut pas se leurrer, mais c’est comme quand on change de lunettes, c’est un inconfort qui est temporaire et puis c’est compensé par la joie de savoir d’être devenue une personne meilleure et de contribuer au changement. Je vous invite donc à changer de lunettes sans crainte.

Merci pour votre attention.

[Applaudissements]

Questions du public et réponses

S’il y a des questions, il y reste seulement cinq minutes, je suis vraiment désolée, je vous propose de poser juste la question : une phrase, une question, comme ça, j’essaie de répondre.

Public : Inaudible.

Isabella Vanni : Mon avis ? Je ne vis presque plus en Italie. Je sais que Giorgia Meloni a demandé à être appelée « Le président », pas « La présidente » du conseil. Tout est dit ! No nomment. Je pense qu’on progresse un peu plus vite en France, c’est mon impression. Après, je n’ai pas vraiment de données parce que je ne vis pas de la même façon, je vais en Italie en vacances, sinon je suis vraiment ici, ma vie est ici.

Il y avait une question, peut-être ?
Ça veut dire que tout était clair. En tout cas, si vous avez une question qui arrive plus tard, sachez que je suis aussi sur le stand de l’April jusqu’à 18 heures, je ne serai pas là demain, demain, il y aura Bookynette, la présidente de l’April, sur le stand. Vous pourrez poser des questions aussi à Bookynette.
Merci beaucoup pour votre attention. Vous pouvez scanner ce QR Code pour retrouver les ressources qui sont publiées aussi sur notre site.
Merci beaucoup. Je laisse la parole aux autres.

[Applaudissements]