Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Nous recevons aujourd’hui Éric Bothorel, député des Côtes d’Armor et auteur du rapport « Pour une politique publique de la donnée » ; ce sera notre sujet principal du jour. Avec également au programme « Install parties : comment réagir au pacte avec le diable » et « Des goûts et des couleurs », un hommage au travail des graphistes. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous y trouverez une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.
Nous sommes mardi 19 janvier 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission Patrick. Salut Patrick.
Patrick Creusot : Bonjour à tous et bonne émission.
Étienne Gonnu : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site web de la radio, causecommune.fm et cliquez sur « chat ». Retrouvez-nous ensuite sur le salon dédié à l’émission.
Vous pouvez aussi participer à nos échanges en appelant le 09 72 51 55 46, le numéro est bien sûr sur le site de la radio.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Nous allons commencer par notre premier sujet, la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet portant sur le texte de Richard Stallman « Install parties : comment réagir au pacte avec le diable », une chronique enregistrée le 13 janvier 2021 par mon collègue Frédéric Couchet.
Je vous propose d’écouter cette chronique. On se retrouve juste après en direct sur radio Cause Commune, la voix des possibles.
[Virgule musicale]
Chronique « Partager est bon » Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April, sur le thème « Install parties : comment réagir au pacte avec le diable »
Frédéric Couchet : Une lecture d’informations et de mise en perspective de la philosophie GNU, c’est la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April. Bonjour Véronique.
Véronique Bonnet : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : Quel sujet vas-tu traiter aujourd’hui ?
Véronique Bonnet : Aujourd’hui je vais commenter un texte de Richard Stallman qui s’appelle « Install parties : comment réagir au pacte avec le diable ».
Frédéric Couchet : D’accord. Je vais juste préciser que les install parties sont des fêtes d’installation, ce sont des évènements pendant lesquels les gens viennent avec leur ordinateur ou leur téléphone portable pour se faire aider à se faire installer un système d’exploitation libre. Ça vient de l’anglais install party. Nous t’écoutons.
Véronique Bonnet : Très bien.
C’est un texte qui a été publié par Richard pour le LibrePlanet des 23 et 24 mars 2019. La traduction est de Axel Barquero et il y a eu une révision par trad-gnu de l’April qui est un de nos groupes de travail.
Si je regarde le titre, « Install parties : comment réagir au pacte avec le diable », c’est vrai que ce titre peut paraître surprenant. Richard Stallman utilise une image forte « vendre son âme au diable », c’est risquer de ne pas pouvoir en réchapper, de ne pas pouvoir récupérer son autonomie. Diabolo veut dire en grec calomnier, diabolos c’est celui qui raconte des histoires, qui fait passer des illusions pour la réalité, donc ici le pacte avec le diable désigne l’utilisation de l’informatique non libre qui donne l’illusion que l’utilisateur gouverne son ordinateur alors que, bien sûr, c’est l’ordinateur qui gouverne l’utilisateur.
Et là, Richard Stallman examine une difficulté qui peut être rencontrée dans les install parties lorsque des militants libristes veulent implémenter GNU/Linux sur des ordinateurs qui, jusque-là, tournaient avec des programmes non libres.
On se demande bien où est le problème. Il se trouve que, en effet, il est parfois compliqué de réagir à ce pacte avec le diable, c’est-à-dire d’installer des outils de l’informatique libre à la place de ceux de l’informatique non libre. On ne s’attendrait pas du tout à ce que deux objectifs libristes, dans cette situation, puissent entrer en conflit et même deviennent inconciliables.
Richard Stallman énonce clairement ces deux objectifs :
- premier objectif : promouvoir les idées du logiciel libre ;
- deuxième objectif : promouvoir l’utilisation de programmes libres.
Mais il se trouve que lorsque les utilisateurs se rendent à ces évènements ils viennent avec leur matériel, c’est-à-dire leurs ordinateurs. Or, rien ne dit qu’il sera possible de les faire tourner avec une distribution GNU/Linux complètement libre, parce qu’il se trouve que certains périphériques et processus peuvent ne fonctionner qu’avec des pilotes et des logiciels non libres, ce qui, bien sûr, est fait exprès. D’où une conséquence qui est très préjudiciable. Il se trouve que les deux objectifs, dans ce cas de figure, au lieu de se compléter harmonieusement, c’est-à-dire rendre possible la promotion des idées du logiciel libre et des usages du logiciel libre, entrent en conflit.
En effet, de deux choses l’une : si, pour défendre les idéaux du logiciel libre, on n’installe que des outils 100 % libre, il se peut qu’on ne puisse pas faire tourner l’ordinateur ou, en tout cas, ne pas le faire tourner complètement. En effet, puisqu’il y a des défenses dans l’ordinateur qui initialement a tourné sur du non libre, il se trouve qu’il peut n’y avoir aucun usage possible ou seulement un usage partiel et, dans ce cas-là, les utilisateurs repartiront déçus.
Deuxième cas de figure. Pour que les utilisateurs ne repartent pas déçus, pour éviter de faire qu’ils se détournent du logiciel libre, ceux qui installent peuvent vouloir à tout prix assurer 100 % des fonctionnalités et, pour y arriver, ils peuvent avoir la tentation – j’utilise exprès cette expression –, d’utiliser des outils non libres. Dans ce cas-là, évidemment, on ne réagit pas au pacte avec le diable, on ne sort pas de cette aliénation de nos libertés, on ne fait que s’y installer plus profondément.
Pire encore, comme cet arbitrage qui ne peut pas être satisfaisant, parce que, effectivement si des systèmes verrouillent l’ordinateur, il sera difficile d’avoir 100 % de fonctionnalités avec 100 % de logiciels libres, donc pire encore, cet arbitrage est fait par les libristes, ceux qui aident l’utilisateur et pas par l’utilisateur lui-même. Dans ce cas-là, cette compromission est assumée par les installateurs et non pas par les utilisateurs. Les utilisateurs restent en dehors de ce dilemme éthique, de cette hésitation entre deux objectifs qui se contredisent.
Quelles propositions de la part de Richard Stallman ?
Déjà il serait préférable de ne jamais dissimuler la difficulté et même de l’exposer pour que l’utilisateur prenne conscience de ces entraves à sa liberté. Si on n’expose pas ces difficultés, on ajoute de l’illusion à l’illusion au lieu de la dissiper. D’où deux préconisations :
la première : installer uniquement du logiciel libre, 100 % libre ;
deuxième préconisation : rendre visible le diable. C’est-à-dire, pourquoi pas, sur les install parties, mettre une pancarte, demander à quelqu’un qui installe de mettre une panoplie du diable et celui-là proposerait d’installer des logiciels non libres pour faire fonctionner l’ordinateur. Ce qui, bien évidemment, serait présenté comme une contradiction.
Bien sûr on n’a pas à exagérer. Vendre son âme n’est pas à prendre à la lettre, mais simplement au sens de rogner sur ses libertés.
Au lieu de camoufler une contradiction, il est essentiel de la mettre à jour. Ceci relève de la transparence, de l’éthique du Libre. Parfois on dit que le diable est dans les détails et là il me semble, Fred, que le diable n’est pas du tout un détail !
Frédéric Couchet : Non, c’est loin d’être un détail. En tout cas c’est une très belle explication de ce qu’il est important de faire lors des fêtes d’installation. On reconnaît bien là, comme toujours, Richard Stallman pour qui le libre choix de la personne utilisatrice est important et qu’elle doit avoir toutes les informations, en toute connaissance de cause. C’est un très beau texte et j’espère que bientôt il y aura à nouveau des fêtes d’installation parce que, malheureusement, la période actuelle empêche ces évènements.
Les personnes qui seraient intéressées par ce genre d’évènement peuvent se renseigner sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, sur lequel elles peuvent retrouver les organisations libristes en France et ailleurs et les prochains évènements qui seront organisés. D’ailleurs certains sont peut-être organisés actuellement malgré les conditions sanitaires, peut-être en plus petit comité.
En tout cas c’était effectivement un nouveau très beau texte de Richard Stallman.
Je vais rappeler le site du projet GNU, c’est gnu.org et, comme tu l’as dit, le groupe de travail trad-gnu de l’April traduit la plupart des textes du site gnu.org en français. Vous pouvez rejoindre ce groupe si vous avez des compétences pour la traduction de l’anglais vers le français ; vous allez sur april.org et vous aurez les informations utiles.
Tu as également cité l’évènement LibrePlanet. Peut-être préciser que LibrePlanet c’est l’évènement annuel de la Fondation pour le logiciel libre, que la prochaine édition aura lieu les 20 et 21 mars 2021 entièrement à distance. Ça permet, en fait, à toute personne de pouvoir suivre ces conférences ; le site c’est libreplanete.org. Je répète les 20 et 21 mars.
Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose Véronique ?
Véronique Bonnet : Je trouve vraiment que ton accentuation de ce souci de transparence du Libre est totalement essentielle.
Frédéric Couchet : Ça a toujours été le cas. Beaucoup de personnes, au sujet de Richard Stallman, ont souvent employé le terme « intégriste » ou autre mais en fait, je pense que quand on le connaît bien,quand on lit ses textes, on se rend compte que ce n’est pas du tout ça. Il présente les problématiques notamment en mettant en avant et au centre la liberté des personnes utilisatrices, après, les personnes sont libres de faire leurs propres choix mais de façon éclairée. C’est ce qu’on a toujours fait, mais, des fois, il y a des compromis à faire. Je crois d’ailleurs que tu as déjà expliqué un texte de Richard Stallman sur cette notion de compromis si je me souviens bien.
Véronique Bonnet : Oui.
Frédéric Couchet : En tout cas, Véronique, je te remercie. C’était la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet.
Je te souhaite une belle fin de journée.
Véronique Bonnet : Belle fin de journée à toi Fred.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, présidente de l’April, portant sur le texte de Richard Stallman « Install parties : comment réagir au pacte avec le diable », une chronique enregistrée le 13 janvier 2021 par mon collègue Frédéric Couchet. Vous retrouverez la référence de ce texte sur le site april.org.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Aujourd’hui notre programmateur musical Éric Fraudain, du site auboutdufil.com, nous fait découvrir l’artiste Idyllic, un artiste américain originaire du Wisconsin. Le premier morceau qu’il nous propose, Light, est une musique instrumentale relaxante, aussi subtile qu’intense, aussi mélancolique qu’apaisante, aussi complexe qu’onirique ; du chillstep nous précise Éric sur site auboutdufil.com. Vous retrouverez d’ailleurs le détail de son texte sur ce morceau sur son site.
Nous allons à présent découvrir Light de Idyllic. On se retrouve juste après. Une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Light par Idyllic.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Light par Idyllic, disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation y compris commerciale à condition, bien sûr, de créditer l’artiste.
Vous retrouverez les références sur causecommune.fm et sur april.org. Vous trouverez également une présentation de l’artiste, comme je vous le disais, sur le site auboutdufil.com.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Passons maintenant à notre sujet principal.
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Échange avec le député Éric Bothorel sur son rapport « Pour une politique publique de la donnée »
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur le rapport du député Éric Bothorel « Pour une politique publique de la donnée ».
N’hésitez pas à participer à notre conversation soit en nous appelant au 09 72 51 55 46. En tout cas vous trouverez le numéro sur le site. Vous pouvez aussi nous rejoindre sur le salon web dédié à l’émission, sur causecommune.fm, bouton « chat ».
Nous avons le plaisir, pour discuter de ce rapport, de recevoir par téléphone le député lui-même. Bonjour Éric Bothorel, vous êtes avec nous.
Éric Bothorel : Oui, je suis avec vous. Bonjour.
Étienne Gonnu : Bonjour. Merci de vous joindre à nous.
Vous êtes député des Côtes d’Armor, membre du groupe majoritaire La République en marche et vous faites partie de cette poignée de députés qu’on peut considérer comme des spécialistes du numérique. Est-ce que ça vous convient comme étiquette ?
Éric Bothorel : À partir du moment où elle m’est attribuée par d’autres, je la prends et comme elle n’est pas insultante, je la prends deux fois.
Étienne Gonnu : Pour situer un petit peu notre échange, est-ce que vous pourriez nous dire, d’où vous vient cette expérience sur la thématique des technologies numériques ?
Éric Bothorel : Elle vient probablement de mon parcours professionnel. J’ai d’abord fait un BTS de systèmes d’information et de gestion à Paris, en travaillant du Cobol, bien sûr. Je suis d’une génération qui est née en 1966, ça permet de situer le point de départ.
Étienne Gonnu : Le Cobol est un langage de programmation pour les personnes qui l’ignoreraient.
Éric Bothorel : Oui. Mon premier sujet de mémoire c’est un sujet de gestion de cave de vins, que j’ai fait avec un binôme, qui s’appelait Sixvins, ce n’est pas très original. J’ai commencé par ça, ensuite j’ai intégré une entreprise française et ensuite une entreprise américaine sur un espace de 25 à 30 ans, je n’ai plus les chiffres précis en tête, dans des fonctions commerciales. Entreprises qui étaient plutôt au tout début de la micro qui venait révolutionner les architectures mini et puis les offres bureautiques. La fonction de ces entreprises était de commercialiser ce qu’elles faisaient auprès des grands groupes. J’ai commencé à la base, comme assistant commercial, puis directeur d’agence et après directeur de région. Ensuite, je suis parti rejoindre une entreprise américaine. À l’époque on faisait déjà un peu plus que du PC, on faisait du client-serveur, on commençait d’ailleurs avec du downsizing d’applications qui étaient sur Mini vers des PC avec des systèmes de gestion type ERD SAP qu’on commercialisait sur des machines processeur Intel. Et puis bien évidemment on a fait de l’infrastructure, on a vécu les heures du Web, d’Altavista. Ça c’est l’activité professionnelle. En parallèle de ça, j’étais aussi administrateur d’un tiers lieu qui s’appelle La:matrice à Saint-Brieuc, porté par l’association Kreizenn-dafar avec des fous furieux qui faisaient des Startups Weekend, des hackathons et puis, j’allais dire, de la diffusion de la culture numérique au sens des valeurs qu’on va probablement aborder dans le cadre de l’émission qu’on va avoir maintenant.
On peut difficilement s’arracher de son passé. Je n’avais pas rêvé d’être parlementaire, je n’avais pas ça à mon agenda. Les circonstances de la vie ont fait que la personne dont j’étais le suppléant, Corinne Erhel, pour ne parler que d’elle, est décédée le soir du 5 mai 2017 lors d’une réunion publique. J’étais son suppléant depuis deux mandats, je m’apprêtais à l’être pour son troisième mandat. Les équipes d’Emmanuel Macron m’ont demandé de prendre la suite. J’ai consulté ma famille, forcément, parce que ce n’est pas un pompon qu’on décroche au manège, et j’ai pris la décision de mettre entre parenthèses ma vie professionnelle pour me consacrer à ce mandat.
J’essaye de résumer au mieux d’où je parle. Peut-être pour bien conforter l’idée que je fais partie de cette poignée de députés, un peu plus nombreux depuis 2017 qu’ils ne l’étaient avant, qui se saisissent de ces enjeux numériques dans les grandes largeurs sans balayer tous les buzzwords du moment entre la blockchain, l’IA, j’en passe et des meilleurs.
Je viens plutôt, vous l’aurez compris, du monde de l’infra même si je suis un passionné, en fait, des usages. J’ai toujours eu cette difficulté de m’imaginer que… Je ne suis pas un naïf béat devant un serveur LAN ou un routeur, mais je suis curieux de voir qu’avec un modem Sportster US Robotics on peut se connecter au monde et ce qu’on peut en faire surtout. Voilà ce qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse c’est la part de sérendipité qui existe dans le numérique.
Étienne Gonnu : Je pense que vous avez bien démontré votre intérêt pour cette matière, et je pense que le rapport, on va en discuter, montre quelle conception et quelle maîtrise vous avez des enjeux qui nous intéressent.
J’avais une question avant qu’on rentre dans le détail de cette mission d’information et de ce rapport. De votre point de vue de législateur, pour vous, en quoi les enjeux des technologies numériques sont justement des enjeux politiques et non pas simplement des enjeux techniques ? Autrement dit, comment la technique influe sur le politique et ainsi de suite ?
Éric Bothorel : Le numérique a cette tendance à venir s’immiscer dans les interstices du droit qui n’est pas encore écrit pour essayer de le faire surgir, pas pour bypasser le droit, pas pour se faire un malin plaisir finalement d’être en dehors du droit. Mais, comme il n’est pas toujours très à l’aise dans des cadres très rigides et qu’on est sur quelque chose d’assez dynamique – là aussi sans employer les termes mille fois employés de type agile, classiques. Ce qui caractérise le numérique c’est que c’est une matière vivante. Ce que je disais tout à l’heure, le regard que je posais il y a 30 ans et ce qu’on fait aujourd’hui, en termes d’usages on est à peu près assez proches en définitive, mais la puissance de calcul a été multipliée, la richesse ou la valeur ajoutée qu’il peut y avoir dans les applications ou les usages qui sont rendus au service des citoyens c’est sans commune mesure avec ce qu’on faisait, notamment si on regarde la manière dont le numérique s’est investi sur le sujet des mobilités par exemple, en tout cas s’est saisi de l’opportunité de la mobilité pour déployer de nouvelles offres de services.
Le numérique n’attend pas que le droit soit prêt. Le droit, il faut un an, deux ans, parfois beaucoup plus de temps pour créer un texte de loi qui va écrire dans le marbre un certain nombre de grands principes, pas toujours très précis et c’est logique que le droit ne soit pas toujours très précis puisqu’il faut aussi laisser des marges de manœuvre au moment venu. Je sais bien qu’on s’époumone parfois à essayer, à coups d’amendements, d’aller dans les détails des choses, mais vous observerez comme moi, probablement, qu’il y a des textes de droit qui sont les textes de droit fondateurs de notre République, qui n’ont pas eu besoin de tant que ça d’aménagements ces dernières années, qui résistent encore au temps et qui nous font traverser tous les périls. Je ne suis pas un obsédé de la résolution des problèmes par la loi. Je l’ai dit très tôt d’ailleurs en prenant mon mandat. Je crois beaucoup aussi à la soft law, je crois beaucoup au côté jurisprudentiel des choses, à la manière dont on peut confronter les principes de réalité et les expériences. Je ne résume pas tout au droit.
Ceci dit, après, il y a des grands principes à réinventer. C’est vrai qu’en 1905 on s’intéressait à la laïcité et moins à la protection des données personnelles, donc c’est logique que des instances délibératives et représentatives de la population que sont les instances du type Assemblée nationale, Parlement au sens large, puissent, le moment venu, protéger des aspects de liberté en posant de nouveaux jalons à des acteurs qui viendraient proposer quelque chose, dont les effets ne sont pas forcément néfastes à l’origine, mais il y a toujours possiblement des externalités négatives à chaque innovation. Donc le droit a pour vertu, peut-être, de remettre sur des rails, en tout cas de remettre dans des espaces dont on fixe les limites de ce qui est permis, de ce qu’on a jusqu’à maintenant toléré et qui nous fait vivre ensemble. Créer ces espaces va permettre à ces innovations, finalement, de vivre et de ne pas venir empiéter sur d’autres sujets, qui peuvent être connexes, qui viendraient mettre en difficulté des principes auxquels, par ailleurs, nous sommes tous attachés.
Étienne Gonnu : Merci pour ce tour d’horizon sur cette question. Là où je vous rejoins c’est effectivement sur ce qu’on pourrait appeler du bon droit qui tient dans le temps, se pense dans le temps, dans le temps long et pousse à proposer des principes structurants. D’ailleurs on y reviendra sans doute pendant notre échange, c’est pour ça qu’à l’April nous défendons une priorité au logiciel libre, non pas que ça va régler systématiquement et immédiatement toutes les questions, mais ça pose un principe structurant sur comment on pense l’usage des logiciels dans une démocratie.
Je vous propose à présent de commencer à rentrer dans le vif de notre sujet. Donc le 22 juin 2020, le Premier ministre vous confie une mission d’information dont l’objet était, et je vais citer cette lettre de mission, « d’analyser les opportunités stratégiques et financières ainsi que les freins à lever pour favoriser l’ouverture par défaut des données et des codes sources publics ». Sont associés à vos travaux Stéphanie Combe, directrice générale du Health Data Hub, et Renaud Vedel, coordinateur national pour l’intelligence artificielle.
Déjà je trouve intéressant, avant d’entrer dans les détails de cette mission, de voir, de s’arrêter un instant sur l’objet même d’une mission d’information. On le sait ou on ne le sait pas, mais le travail parlementaire ne se limite pas à la présence en hémicycle pour les questions au gouvernement ou pour les votes finaux sur les projets de loi, il y a d’autres modalités du travail parlementaire comme le sont les missions d’information et celle-ci, en particulier, qui est donc issue d’une lettre de mission du Premier ministre.
Est-ce que vous pouvez nous préciser ce qu’est une mission d’information, la particularité d’une mission d’information confiée par un Premier ministre ?
Éric Bothorel : Oui. D’abord vous avez bien fait de repréciser que le travail parlementaire ne se limite pas à être présent ou produire des amendements dans chacune des commissions dans lesquelles on peut siéger. Moi je siège dans deux commissions, c’est une exception, la plupart du temps on siège dans une seule. Il se trouve qu’il y a une commission qui est un peu à part, qui n’est pas une commission de « plein exercice » qui est la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale à laquelle je suis aussi rattaché et membre en tant que commissaire et je suis membre de la commission des affaires économiques. Il peut d’ailleurs exister des missions au sein de ces commissions. J’ai produit un certain nombre de rapports pour le compte de la commission des affaires européennes ou pour le compte de la commission des affaires économiques avec ma collègue Laure de la Raudière, qui est peut-être la future présidente de l’Arcep, on attendra le 20 janvier pour le savoir. Ces commissions sont légitimes à déclencher des missions d’information, des missions flash, qui vont permettre aux parlementaires avec le soutien des administrateurs de l’Assemblée nationale de se pencher sur un sujet pour faire des propositions, réfléchir à un sujet donné. J’ai travaillé en amont du New Deal sur la couverture numérique du territoire. J’ai travaillé sur le Cybersecurity Act, j’ai travaillé sur le Free flow of Data, j’ai travaillé sur des sujets effectivement jamais très éloignés du numérique.
Le sésame, entre nous soit dit, puisqu’on est dans une émission où on se dit tout, je dirais qu’un parlementaire aura peut-être le sentiment d’avoir accompli son mandat s’il décroche une mission du Premier ministre ou une remise de son rapport au président de la République, c’était le cas d’un de mes collègues sur la coopération internationale. Il y a une forme de hiérarchie des choses. Bref. Pour être tout à fait clair avec vous, je n’ai jamais insisté pour que ce soit le Premier ministre. Je crois savoir que certains parlementaires font la tête quand c’est seulement un ministre qui leur confie une mission — enfin, qui font la tête…, ils font la tête deux minutes, ce sont de grands adultes, après ils passent à autre chose !
Pour tout vous dire l’origine de cette mission c’est une discussion que j’ai eue avec Cédric O sur l’interopérabilité et la portabilité.
On sait qu’il y avait un sujet qu’il était nécessaire de revisiter à l’aune des questions d’actualité, en tout cas des sujets d’actualité qui pourraient traverser nos sociétés, et c’est en discutant avec Cédric et en rajoutant un conseiller du président de la République et du Premier ministre que l’idée d’enrichir ce sujet de l’interopérabilité ou de la liberté de choix des outils, de venir dans une forme de prolongation des réflexions qui avaient eu cours sur l’open data, les codes sources et les données d’intérêt général, ce qui permet d’aborder ces sujets-là par ailleurs. Par construction ça s’est fait comme ça, des semaines de discussion entre les parties pour savoir quel périmètre lui donner, ce qui était donné, et puis au mois de juin dernier, effectivement, Édouard Philippe me confie cette mission qui sera remise à un autre Premier ministre puisque entre-temps, d’ailleurs une semaine après m’avoir remis la mission, Édouard Philippe était appelé à un autre destin.
Là vous ne travaillez pas, bien évidemment, avec les services de l’Assemblée nationale, mais vous bénéficiez, comme Cédric Villani a pu l’avoir, de l’allocation de moyens que sont notamment des personnes issues des différents corps d’inspection ; moi c’était une douzaine de personnes en plus de Stéphanie que vous avez mentionnée et de Renaud ; c’est à peu près la même taille d’équipe que ce dont a pu bénéficier Cédric Villani. Vous devez être vigilant au fait de ne pas excéder les six mois, en fait vous êtes détaché de l’Assemblée nationale pendant cette période, vous n’êtes plus tenu de siéger ni dans vos commissions ni à l’Assemblée nationale, donc vous n’apparaissez plus dans l’hémicycle évidemment. Quand on s’étonne de ne pas m’avoir vu dans l’hémicycle, en fait on a fait plus de 250 auditions entre septembre et la fin novembre. Il faut faire moins de six mois parce que sinon vous n’êtes plus parlementaire. Pendant six mois on considère que vous n’êtes plus rattaché à l’Assemblée nationale, c’est pour ça qu’il y avait une deadline qui était précisément au mois de décembre, dans le délai de six mois maximum qui était celui qui était prévu à l’origine.
Donc c’est une formidable aventure humaine. L’avantage que j’y ai vu c’est de travailler avec des gens extrêmement compétents, issus des différents corps d’inspection, quasiment en logique interministérielle, ce qui nous a d’abord pas mal mobilisés pour avoir des réunions assez tard le soir, pour tenter d’atterrir sur des solutions et des recommandations pragmatiques. Ce qui est une formidable aide parce que, au moment de remettre le rapport au Premier ministre, finalement, entre nous, on avait trouvé les consensus et les compromis qui permettaient de ne pas avoir un tropisme d’une administration sur l’autre : l’économie contre l’environnement, l’environnement contre je ne sais quoi, la justice contre la sécurité. Il y avait des gens qui venaient des corps d’inspection, du ministère de l’Intérieur, de la direction générale des entreprises, de l’environnement et puis le soutien d’Etalab aussi qui nous a permis, entre autres choses, de faire le bon choix sur une plateforme qui a permis de lancer une consultation un peu plus large, au-delà des auditions que nous avons pu faire et des benchmarks internationaux.
Donc je retiens que c’est une formidable aventure humaine.
Étienne Gonnu : OK. Merci pour ces coulisses du travail parlementaire. C’est vrai que ce sont vraiment des aspects qu’on voit difficilement. C’est intéressant aussi de voir comment se construit le périmètre d’une mission comme la vôtre. Avec un regard extérieur, vous parliez, en termes d’ego, de se voir confier une mission par le Premier ministre plutôt que par un ministre, ça donne aussi et ça joue beaucoup sur le poids politique de l’objet, là du rapport qui va en sortir, de l’objet qu’est cette mission d’information. Je pense que c’est aussi quelque chose qui est sans doute important à relever.
Vous avez répondu notamment à une question que je me posais sur les moyens pour conduire vos travaux. Vous avez mené énormément d’auditions, plus de 200, je me crois me souvenir, si j’en crois les annexes du rapport, dont celle de l’April, audition en octobre, de mémoire, qu’importe, c’est par transparence. Vous avez également fait usage d’une plateforme de consultation publique, d’ailleurs vous avez utilisé une plateforme basée sur un logiciel libre, ce que nous ne pouvons que saluer, bien sûr. Pourquoi ça faisait sens pour vous de mener une consultation publique pour la conduite de vos travaux ?
Éric Bothorel : J’avais fixé des lignes rouges, en tout cas des lignes fortes à l’équipe. J’étais dans l’équipe mais j’avais une situation un peu à part dans la mesure où j’étais le parlementaire porteur de cette mission, il me revenait donc aussi d’en fixer les orientations, de trouver là-dessus un accord. On peut partir dans tous les sens. Quand vous avez cette lettre de mission vous pouvez faire un inventaire de ce qui était ouvert, pas ouvert. Je ne voulais pas que ce soit un rapport de geek, que quelqu’un de quatre ans puisse le lire, je l’avais formulé comme ça. Même si je sais qu’il y a des subtilités, des nuances, des aspérités de la technologie qui font que même et surtout si on fait un effort trop important de vulgarisation, on perd l’essence même d’un certain nombre de substances de la technicité des choses qui rendent possibles certaines choses et impossibles d’autres, mais tendre vers une forme de vulgarisation, tendre vers une forme de rapport qui puisse être grand public. Ce qui veut dire, en tout cas ça n’induit pas directement, mais on a aussi pris le parti d’assumer que plutôt que de faire un large inventaire des choses, on s’est intéressés à des thèmes numériques. Et c’est par les use-cases en fait, en auditionnant et en ré-auditionnant — on a fait du contradictoire ; il y a des gens qu’on a parfois auditionnés trois fois parce que je partais du principe que ce n’est pas le dernier qui parle qui a raison et que vous avez des lignes d’influence dans ces écosystèmes entre les donneurs d’ordre, ceux qui produisent, ceux qui collectent, ceux qui mettent à disposition, etc., et si vous n’écoutez qu’une seule facette vous pouvez dresser un état des lieux qui n’est pas tout à fait fidèle à la réalité — qu’on s’est attachés à essayer, finalement, d’avoir le constat le plus proche de la réalité des choses.
L’autre ligne forte que j’ai aussi fixée à l’équipe, c’est de dire on va évidemment rencontrer des obstacles, des objections, des difficultés, surtout n’y répondons pas en créant un comité ou une commission supplémentaire. Regardons avec l’existant les extensions de périmètre, quel mouvement on peut opérer, évidemment ne pas avoir l’obsession de répondre par la loi avec des textes de loi en permanence. Regardons ce qu’on peut tuner, ce qu’on peut bouger, ce qu’on peut faire accepter par les organisations en présence pour que les choses évoluent favorablement sur un terrain. On parlera tout à l’heure de la partie codes sources et logiciels libres, même s’il y a une part extrêmement importante consacrée à la data, regarder comment faire mieux circuler la donnée.
Je disais qu’on n’a pas entamé cette mission en se disant d’un côté les amish de la fermeture, de l’autre côté les ayatollahs de l’ouverture, tentons de réconcilier les deux. Il y a probablement des endroits où on ne pourra pas ouvrir les données, des endroits où c’est nécessaire de le faire, mais, entre les deux, il y a des modalités d’accès ou de partage de la donnée qui ne sont pas suffisamment explorées, ce qui permettrait probablement certains usages, certains bénéfices, certaines innovations, complémentaires de ce pourquoi ça peut être utile, mais en confiance, en transparence, en création de richesse. C’est la raison pour laquelle on s’est jetés à corps perdu dans un grand programme d’auditions, on a dit 200, mais on était probablement 250 si je compte ceux qu’on a écoutés et réécoutés, et vous n’avez pas vu tout le monde quand vous avez vu 250 personnes. Quand vous faites un peu de benchmark à l’international, vous avez des administrations qui sont assez nombreuses, si vous voulez encore avoir une vision un peu plus profonde des choses, ce qui paraissait légitime, qu’on puisse ouvrir encore plus largement à un public plus large le partage des constats qu’on avait pu dresser sur la première période. Il ne s’agissait pas de les faire travailler finalement sur l’état des lieux, sur lequel on avait pu déjà se forger une opinion, mais de les questionner sur la pertinence de cet état des lieux et commencer à leur proposer de nous dire, selon eux, quelle serait la meilleure façon de corriger les choses. Voilà cette articulation. Elle correspond, et vous aurez probablement fait le lien avec ce je disais tout à l’heure de mon parcours professionnel, s’attacher finalement à traiter les causes plutôt que les conséquences. C’est tellement plus simple de faire les conséquences, à la limite on fait le constat, on voit qu’il y a un truc qui ne marche pas, on corrige le truc qui ne marche pas. Corriger le truc qui ne marche pas, en vrai, ça passe idéalement par le fait qu’on s’intéresse à la raison pour lesquelles les choses ne marchent pas, pour s’attaquer aux causes.
Étienne Gonnu : Merci. La consultation, et après on va passer au vif du sujet qui est le rapport que vous avez remis en décembre, la consultation publique a quand même montré une très forte mobilisation en faveur des propositions relatives au logiciel libre. Pour les citer, je parle des propositions de l’April et du CNLL — qui est l’Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert — qui ont été les plus soutenues. Est-ce que vous vous attendiez à cette mobilisation et quel regard portiez-vous avant et après sur le logiciel libre ?
Éric Bothorel : Je connais sa capacité à se mobiliser. Je participe de temps en temps, ici à Lannion, à Libre en Fête, on est en contact avec des écosystèmes qui, de près ou de loin, sont soit totalement dédiés à cette logique, soit, de façon très compatible, prennent part à cette vision du monde qui essaye de s’attacher à essayer d’en révéler les nuances et ne pas plonger dans les biais devant lesquels on veut s’enfermer, qu’on connaît tous, les zones de confort dans lesquelles on est qui voudraient finalement une vision du monde qui se construirait avec une forme d’impérialisme. Non il y a des choses sur lesquelles il y a parfois des gens qui peuvent être en désaccord parfois, en même temps compatibles sur d’autres.
Donc je connais la capacité de mobilisation des acteurs qui sont promoteurs des idées du Libre. Je n’ai pas été surpris qu’il y ait une mobilisation sur la plateforme. Si c’eut été sur une autre, ça n’aurait pas surprenant non plus. Ce n’est pas un indicateur pour moi. Ce qui est important c’était ce qui se disait, pas forcément… Parfois vous pouvez avoir une personne très discrète au fond d’une salle, qui a une idée géniale, c’est celle qu’il faut écouter. Comment dire, je ne suis pas perturbé par le bruit, je suis plus intéressé par le contenu et, pour le coup, le contenu était pertinent.
Étienne Gonnu : On voit d’ailleurs l’accueil qu’a reçu votre rapport, et on va justement en parler, par les communautés libristes, que ce soit le CNLL ou l’April puisqu’on en parlait, notamment dans notre communiqué on montre qu’il y a une réception assez favorable du moins de votre rapport.
Il y a pas mal de questions, quelques questions qui sont liées au déroulé des travaux, notamment un sujet qui a été un peu chaud en 2020, celui du Health Data Hub. Sans forcément entrer dans les détails, une personne nous demande sur le chat comment s’est passée la collaboration avec Stéphanie Combe par rapport à son choix décrié sur Microsoft. Et, toujours en lien avec Health Data Hub, est-ce que vous connaissez les initiatives comme InterHop qui promeut et soutient l’utilisation du logiciel libre dans le domaine de la santé ?
Éric Bothorel : On a auditionné InterHop et on a évoqué ensemble les différents choix d’architecture d’informatique distribuée ou pas. Si je me souviens bien, les schémas d’InterHop doivent être à la troisième slide de leur présentation, j’ai encore en mémoire qu’on avait fait un partage d’écran.
Je vais vous répondre sur Stéphanie, mais je vais vous faire un clin d’œil. Au début j’ai dit à mes équipes, puisqu’on était en confinement, qu’on allait donc devoir conduire des auditions à distance. Une mission sur le Libre, les codes sources, l’open data, on ne peut pas succomber et tomber sur Zoom. On a testé les outils qui n’étaient pas Zoom, qui n’étaient pas Google Meet ou je ne sais quoi encore, tentant d’être assez compatibles avec l’idée qu’on se fait, finalement, de la promotion d’outils différents de ceux qui nous sont proposés par les grandes plateformes américaines. Et puis on a été d’échec en échec en ayant balayé une dizaine d’outils, je n’ai plus la liste en tête, je pense qu’on a fait à peu près tout ce qui pouvait exister au moment où c’était disponible, parce qu’il fallait passer du temps à demander à changer de firewall, parce qu’il fallait passer du temps à demander à changer de navigateur, parce qu’il fallait changer des tas de choses, etc. On a fait 200-250 auditions, on commençait très tôt le matin, j’essayais malgré tout d’installer un break en matinée pour que chacun puisse soit fumer sa clope, soit faire d’autres choses, mais on ne pouvait pas se permettre de perdre un quart d’heure, 20 minutes, une demi-heure entre chaque audition parce que je vous assure qu’on a fait ça à un rythme très soutenu, que les corps d’inspection étaient tous là. Donc on a dû renoncer, et c’était un crève-cœur, et les copies d’écran de ce qu’on a tenté de rendre disponible le plus vite possible, même si on n’a pas rendu les auditions publiques et je pourrais revenir dessus si vous me posez une question, on les a conduites assez massivement, pour ne pas dire majoritairement, quasi uniquement sur Zoom. C’est un reproche qu’on pourrait me faire, c’est pour ça que je l’évacue tout de suite en donnant l’explication. Je sais bien qu’ici ou là certains pourraient dire « il y a tel ou tel outil qui marche ! » Je vous assure, je pourrai vous faire la liste si nécessaire, qu’on a bien testé d’autres solutions avec Stéphanie.
Étienne Gonnu : Je ne peux que vous croire puisqu’avec l’April nous avons trouvé une autre solution, pour témoignage. C’est vrai que vous avez beaucoup utilisé Zoom, mais il faut bien reconnaître que vous avez fourni autant d’efforts que possible pour passer par une autre solution, pour contourner les problématiques. Avec l’April nous avons utilisé BigBlueButton et vous êtes intervenu, vous, par téléphone. Ça a été compliqué, mais vous avez fait cet effort et je ne peux que le saluer.
Je vous propose, pour qu’on s’aère l’esprit avant de rentrer dans le sujet du rapport, de faire une courte pause musicale. Nous allons écouter un autre morceau de l’artiste Idyllic recommandé pour nous aujourd’hui par Éric Fraudain. Il s’agit de Far Off Dreams. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Far Off Dreams par Idyllic.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons Far Off Dreams par Idyllic, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Vous retrouverez les références sur le site april.org.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu chargé mission affaires publiques pour l’April et nous discutons avec Éric Bothorel de son rapport parlementaire sur l’ouverture des données et des codes sources.
Éric Bothorel, vos travaux sont donc concrétisés et synthétisés dans un rapport de 206 pages et de 37 recommandations, publié et remis au Premier ministre le 23 décembre 2020.
Première question d’ordre général pour comprendre et rentrer dans le détail de l’objet de votre mission, de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’ouverture des données et des codes sources ? Est-ce qu’il suffit de les mettre en ligne pour considérer que ces données et ces codes sources sont ouverts ?
Éric Bothorel : Malheureusement non. D’ailleurs je pense qu’un certain nombre de recommandations font état de la nécessité de rapprocher à la fois les producteurs et les utilisateurs de la donnée. Je vous le disais tout à l’heure, l’enjeu, en tout cas la mission qui m’a été confiée, ce n’était pas tant de dresser l’inventaire de ce qui était ouvert et de ce qui devait l’être encore, c’était de regarder quels étaient les leviers, les freins et finalement les possibles derrière qui ont déjà été figurés par d’autres rapports – il y a eu ce rapport, il y en a déjà eu d’autres avant, il y en aura d’autres après – sur lesquels on pourrait objectiver que ça va pouvoir assurer plus de transparence, plus de confiance, de l’innovation, de la sécurité, de la souveraineté. Il y a différents axes sur lesquels on pourra probablement dialoguer dans le reste de l’émission, finalement autour de ce que tel choix d’architecture ou tel choix de paradigme encourage ou bouge le curseur dans un sens plutôt que dans un autre.
Le fait de faire des switch-on, de publier de la donnée n’est pas en lui-même suffisant. C’est d’ailleurs pour ça qu’on formule des recommandations, en termes organisationnels ou de portage politique, qui permettent de rapprocher les écosystèmes.
Il existe d’ailleurs probablement de jeux de données qui sont ouverts, que certains attendent à certains endroits et dont certains méconnaissent qu’ils sont ouverts ailleurs. C’est un constat qu’on a pu faire. Je ne vous dis pas ce qui se passe au sein de l’administration publique où il y a effectivement des choses qui ne communiquent pas d’un étage à l’autre.
Il ne suffit pas, en tant que tel, de publier, il faut faire savoir que c’est publié. Il faut aussi susciter l’intérêt de la communauté qui peut s’en saisir et surtout rester en contact avec elle pour connaître ses besoins, pour ouvrir les choses supplémentaires le moment venu, si ce n’était pas, j’allais dire, une priorité du moment pour l’instance qui les collecte ou qui les détient.
Tout ça c’est une forme de mayonnaise, en tout cas de mutualisation, de meilleurs échanges entre les hommes et les femmes au profit de la capacité de se ressaisir des choses qui sont ouvertes.
J’essaie de répondre simplement à votre question. L’open data ne se résume pas, en tout cas l’open data qui est un sujet de ma mission ne se résume pas simplement, encore une fois, à faire l’inventaire de ce qui est en fermé et de dire maintenant il faut ouvrir.
Étienne Gonnu : Merci pour cette introduction sur ce sujet. Votre travail portait effectivement sur les données publiques et sur les codes sources en particulier. Vous vous en doutez, la question des codes sources, de l’ouverture des codes sources et des logiciels libres est ce qui nous intéresse plus particulièrement à l’April. Je pense que le rapport le décrit bien, pourquoi, selon vous, est-ce que c’est important pour les pouvoirs publics, dans leur mission de service public, d’ouvrir leurs codes sources ? Si vous me le permettez je vais citer un passage que je trouve très bon dans votre rapport avant de vous rendre la parole : « S’agissant de l’ouverture des codes et de l’utilisation de logiciels libres, il faut structurer la communauté du secteur public et renforcer l’appui qui lui est apporté. Le logiciel libre n’est pas une idéologie déconnectée des besoins des administrations et ses enjeux ne se résument pas à la question de l’utilisation de LibreOffice. Il est au contraire le moyen de créer enfin du partage et de la mutualisation dans le secteur public, d’éviter que deux administrations s’épuisent sur un même problème sans le savoir et sans se parler. Enfin de permettre à l’administration et à l’économie de s’enrichir mutuellement en développement ensemble des outils d’intérêt général. » Je pense qu’avec ça vous balayez vraiment tout ce que le logiciel libre et l’ouverture des codes sources permettent d’apporter dans la mission de service public.
Éric Bothorel : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. En plus, je me reconnais dans ce qui vient d’être dit puisque, quelque part, on l’a vérifié.
on ne part pas de scratch [on ne part pas de zéro, NdT], l’ouverture des codes publics a progressé de manière significative depuis 2015. En fait c’est très hétérogène, ça reste assez confidentiel, c’est le fait de quelques minorités de la sphère publique. On a pu faire un benchmark plus ou moins consistant, même si l’échantillon de départ ne permet pas d’avoir une vision j’allais dire honnête du sujet, on va voir qu’il y a des axes de progrès. On peut penser, et nous on pense, qu’il faut aller plus loin sur le sujet.
Vous l’avez dit, c’est un sujet de meilleure efficience du service rendu à la population, ce qu’on appelle le service public finalement, par le partage au sein même d’une administration. Ce sujet-là me paraît tout à fait essentiel et dans les mots que vous venez d’employer, je me retrouve bien évidemment. Il n’y a pas de sujet là-dessus.
Étienne Gonnu : Vous parliez de recommandations, il sera justement intéressant de voir comment votre rapport propose concrètement d’organiser cette ouverture pour qu’elle puisse produire ses effets.
Vous me corrigerez mais, selon l’April, pour nous le rapport met vraiment en avant l’importance d’une coordination à l’interministériel, donc une approche transversale qui serait selon le document vraiment l’échelon le plus pertinent pour initier et porter cette dynamique d’ouverture. En plus, cela fait écho à une des propositions que l’April avait portée lors de votre consultation publique, qui était la création d’une agence, d’une mission interministérielle du logiciel libre. Vous me corrigerez, j’ai l’impression que cette proposition que vous faites, on va un peu rentrer dans ces détails-là, s’articule vraiment sur deux recommandations : d’une part de renforcer, ce qu’on appelle l’administrateur général des données qui existe déjà. Vous souhaitez qu’on le renforce pour qu’on fasse entrer dans son périmètre d’action la question des algorithmes et des codes sources et parallèllement la création d’une mission du logiciel libre au sein de la direction interministérielle du numérique et par laquelle la mission serait portée pour dynamiser et impulser une politique logiciel libre au niveau interministériel.
Est-ce que vous souhaitez infirmer, confirmer ce que j’ai dit et surtout développer ?
Éric Bothorel : Bien sûr. Il y a un changement de périmètre, je vous le disais tout à l’heure, dans la constitution de cette mission, au début ce n’était pas de recréer de dispositifs divers et variés. Typiquement, sur la partie administrateur général des données, on y adjoint la partie algorithmique et les codes sources. On a aussi fait la proposition qu’il puisse y avoir, à l’image de ce qui se fait en UK, un Open Source Program Office. Je ne vais pas rentrer dans le détail de chacune des missions de chacun, mais l’idée, et vous l’avez évoquée tout à l’heure, c’est de permettre une meilleure mutualisation et c’est sans doute une conduite interministérielle du sujet. Je l’ai évoqué à demi-mot. Si les efforts sont fournis mais avec des impulsions différentes au sein de chaque ministère, on n’y arrivera pas. Aujourd’hui, l’action publique se conduit principalement à l’interministériel. Les enjeux, les défis auxquels on doit faire face sont des défis et des enjeux qui sont d’ordre interministériel. Personne ne peut nier, par exemple sur le sujet sanitaire, qu’il y a des sujets qui relèvent de la mobilité des citoyens, qui ne sont pas à proprement parler des sujets qui sont aujourd’hui abordés par le ministère de la Santé. Demain, dans les enjeux climatiques, on va vraisemblablement avoir à manager des données qui sont à la fois des données sanitaires ou des applications, je mets tout ça dans un seul paquet. Vous voyez bien qu’il y a une forme d’extension du domaine de la lutte. On n‘est pas plus sur la verticalité des choses. Donc il est nécessaire de passer d’un état où, finalement, en silo ça marchait assez bien, d’avoir au sein de chaque ministère, de chaque administration quelqu’un qui va être responsable de, même s’il n’est pas responsable de la partie algorithmique et codes sources, qui peut se consacrer uniquement aux données.
Si vous voulez priver, en tout cas si vous n’insufflez pas la culture et la nécessité impérieuse de continuer à être en contact avec les écosystèmes parce que ce n’est pas vous qui faites, mais en une forme de délégation et de mise à disposition pour que d’autres s’en saisissent, que vous ne faites pas vivre cet écosystème, ça ne marche pas. Si vous ne le faites pas en interministériel, vous passez à côté des grands enjeux qui sont ceux des défis que nous allons avoir au 21e siècle.
Moi j’ai toujours à l’esprit la façon dont les écosystèmes qu’on connait aujourd’hui, notamment avec les grands acteurs américains, comment ils sont nés à Berkeley, comment ils sont nés dans certains endroits du territoire en France, et quand vous faites du Startup Weekend ou du hackathon, vous constituez des équipes avec des gens qui, parfois, ne se connaissent pas. Et c’est la somme des compétences de ces gens qui vont viser une finalité, qui va produire quelque chose qui est plus riche que si vous faites les choses avec cette verticalité, cette vision en silo.
C’est déjà écrit, il faut rendre à César ce qui appartient à César, c’est déjà une approche de « rupture », entre guillemets dans les écritures du rapport de Cédric Villani, son approche au niveau de l’intelligence artificielle.
Sur les jeux de données on pourrait s’amuser à faire une commission sur la partie bac à sable, on pourrait s’amuser à faire du bac à sable sectoriel, etc. On n’a pas du tout cette approche-là. On pense qu’il faut favoriser de l’interministériel, de l’inter-administrations, de l’ouverture au plus grand nombre, parce que c’est une impérieuse nécessité. Ce n’est pas pour se faire plaisir et pour se démarquer par rapport à ce qui a existé dans le passé, mais parce que, encore une fois, les enjeux qui sont devant nous vont devoir mobiliser des sources de données, de la pratique, ce qui n’est pas forcément dédié.
Étienne Gonnu : Ce que je trouve très intéressant dans votre rapport, et là vous abordez cette question qu’on n’a pas toujours tendance à retrouver dans les auditions dans d’autres documents comparables, on a vraiment l’impression que vous invitez les pouvoirs publics à s’engager auprès des communautés, à devenir des membres actifs des communautés du logiciel libre tant pour favoriser l’attractivité en termes de compétences, pour valoriser aussi, vous le disiez dans ce que je citais, à la fois l’enrichissement mutuel de la société civile et des administrations. Je trouve que c’est quelque chose de très important. J’aime beaucoup cette citation : « La France doit accompagner ses talents comme elle le fait pour des sportifs de haut niveau et s’appuyer sur eux pour renforcer l’attractivité du secteur public grâce au logiciel libre. » On voit tout l’enrichissement mutuel qu’on peut tirer, comme vous le disiez, dans le fait de s’inscrire dans les écosystèmes.
Éric Bothorel : C’est la recette du succès. Encore une fois, j’essaye de cultiver un peu d’humilité dans les travaux que j’ai faits, très honnêtement, j’essaie de regarder le réel et de regarder ce qui s’est passé par le passé, de regarder éventuellement d’autres pratiques. Quand on prend Python qui était à l’origine un truc de l’Inria, si c’était resté dans l‘Inria, que l’Inria se soit désintéressé de la manière dont ça pouvait être saisi par d’autres, on serait probablement resté dans un outil qui serait resté confidentiel.
L’ouverture n’est pas quelque chose qui est naturellement ancré chez l’homme ; l’idée de protection, on préfère les murs aux passerelles. C’est notre histoire depuis des années, c’est plutôt la sécurité, la protection et le truc dans lequel on baigne depuis quelques années maintenant autour du RGPD [Règlement général sur la protection des données], c’est effectivement ce conflit autour de la protection, la fuite des données et la réponse qu’on apporte en permanence c’est plutôt de monter des murs.
Nous on pense, à l’image de que fait l’ANSSI avec le CERT [Computer Emergency Response Team] par exemple, à l’image de ce que font d’autres encore, que la meilleure façon de se protéger c’est de se confronter, c’est de s’ouvrir et de mesurer à quel point on est vulnérable.
On pourrait prendre des tas d’exemples, y compris les plus sensibles, et l’ANSSI fait figure, pas d’exception mais presque. Parmi les autorités de l’État, c’est quand même celle qui prône le plus le recours au logiciel libre, c’est elle qui ouvre le plus ses travaux en définitive, tout en conservant une part que chacun comprendra comme étant nécessairement secrète pour la conduite d’un certain nombre de ses opérations. Mais si on la compare à d’autres administrations qui sont très précautionneuses sur un certain nombre de choses, ça ne soit pas être plus compliqué de publier les codes sources de certains outils qui sont ceux de l’ANSSI que d’ouvrir le code source de Parcoursup, du calcul des impôts ou, je ne sais pas [inaudible].
Étienne Gonnu : Il y a beaucoup d’exemples. Je précise que l’ANSSI c’est l’Agence nationale de la sécurité et des systèmes d’information, qui est reconnue largement pour son savoir-faire.
On ne va pas forcément en parler parce que le temps avance vite, mais je trouve très intéressant dans votre document la manière dont vous déconstruisez un mythe sur la sécurité, le fait d’ouvrir les codes sources est plutôt garant de sécurité et garant de confiance dans l’action publique. Il n’y a pas de raison d’y voir un risque pour la sécurité.
Ce qui est très important pour l’April, qu’on a remarqué dans votre rapport, c’est que vous abordez quand même les considérations de moyens. Comment une telle agence du logiciel libre, au sein de l’interministériel, peut produire des effets, peut donner cette impulsion ? Vous parlez notamment d’équivalents temps plein qui doivent être dédiés. On sait bien que si une mission est confiée à une entité déjà existante à moyens constants, eh bien l’effet va se diluer, on ne pourra pas espérer, le projet restera lettre morte.
Pour vous l’importance d’avoir des vrais moyens dédiés au sein d’un ministériel avec des périmètres d’action clairement définis, des équivalents temps pleins, est-ce que vous identifiez ça comme quelque chose de clef pour que votre recommandation puisse porter ses effets ?
Éric Bothorel : Oui, ça l’est. On ne peut pas nier que parmi les recommandations que l’on formule, il sera peut-être nécessaire de passer par de l’intensification ou de la pérennisation, les entrepreneurs d’intérêt général en sont aussi un bel exemple. J’ai remis le rapport au Premier ministre. Je n’ai quand même pas dit au Premier ministre que pour que ça marche il va falloir multiplier par deux les effectifs des fonctionnaires de l’État. On explique qu’à certains endroits il va falloir recruter, renforcer, parce qu‘on va mettre telle ou telle priorité cohérente avec la politique globale, mais derrière il y a des gains qui vont s’opérer. Aujourd’hui, sur la partie libre, vous avez quand même des collectivités, pas forcément des collectivités de grande taille, qui recourent au Libre plutôt qu’à des solutions entre guillemets « propriétaires » et qui s’en sortent très bien. Et elles s’en sortent d’autant mieux qu’elles le font de concert avec des communes voisines, etc. Je veux dire par là que non seulement elles sont libres dans leurs écosystèmes, en plus elles s’offrent la possibilité d’être relativement souveraines, indépendantes, en tout cas pas enfermées dans des standards technologiques dont elles ne décident pas de leur évolution.
Donc c’est pareil, je le disais en avant propos, le match de ceux qui sont pour l’ouverture contre la fermeture, le monde n’est pas celui-là. On peut réconcilier un certain nombre de positions, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai eu plutôt du bonheur à travailler avec Stéphanie Combe, pour reprendre la question qui m’était posée tout à l’heure, à savoir que j’ai travaillé avec quelqu’un qui, finalement, a « confié », entre guillemets, l’architecture du Health Data Hub à Microsoft, alors que nous avons eu des débats avec Henri Verdier, avec d’autres, sur ce sujet. Ne voyons le monde avec d’un côté d’affreuses personnes qui seraient sous le coup des lobbies américains et puis, de l’autre, des révolutionnaires. Non, il faut entrer dans le cœur de ce sujet et là vous avez raison d’insister. Je l’ai fait, vous l’avez fait, on peut prendre des exemples d’administrations ou d’autorités qui se sont ouvertes au Libre sans que, pour autant, ça ait été pour elles nécessaire de rajouter des effectifs.
Je reviens sur la circulation des données parce que c’est très intime entre circulation des données et ouverture des codes sources. Sur les codes sources, on reviendra peut-être tout à l’heure sur les histoires de transparence, de confiance, du rôle des citoyens dans le sujet. Ne serait-ce que le partage des données. Quand vous avez un étage de Bercy qui ne partage pas avec l’étage du dessous, et que l’étage du dessous reproduit finalement les mêmes données qu’il y a au-dessus, franchement il n’y a pas besoin de passer trois heures avec le Premier ministre pour lui expliquer qu’il y a des choses à gagner, à avoir un peu plus de mutualisation, d’ouverture, de partage, de transparence.
Ça a été bien entendu par le Premier ministre. Il y a aura des annonces au mois de février.
Étienne Gonnu : Annonces au mois de février. C’était une des questions, le calendrier du Premier ministre sur le sujet. On attendra les annonces au mois de février.
C’est un des freins, un des points de blocage potentiels que votre rapport identifie bien, je pense que c’est vraiment un de ceux qui apparaissent le plus, vous insistez beaucoup sur cette question de l’importance d’un portage politique et administratif. Le rapport dit que « si le gouvernement ne mène pas cette politique la France manquera une occasion majeure de renforcer tout à la fois la confiance dans l’action publique – on y revient – l’efficacité des politiques publiques, la connaissance et l’innovation de l’ensemble de l’économie. Allons jusqu’à dire qu’en l’état actuel des choses, la mission craint que ses recommandations ne soient pas portées et suivies. »
Comment travaillez-vous avec le Premier ministre, pour vous en assurer ? Je me permets de citer le titre du communiqué de l’April « Le Premier ministre se montrera-t-il à la hauteur du rapport Bothorel ? » Nous pensons qu’il y a d’excellentes perspectives, ça dresse des lignes de mire très intéressantes, ça pose des constats concrets et des propositions concrètes très intéressantes. Est-ce que ça va produire des effets ? Est-ce que le Premier ministre sera à la hauteur ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Éric Bothorel : Je pense qu’il y a des choses qui bougent. Je pense que le Premier ministre n’est pas insensible au fait que quand on dit que si on avait ouvert les modèles Pasteur, on aurait peut-être affronté la crise pandémique d’une manière un peu plus sereine. Je ne dis que ça aurait changé les choses, je ne dis pas qu’on ne serait pas dans la situation dans laquelle se trouve le pays en termes d’arbitrage aujourd’hui. Peut-être de manière différente. Peut-être qu’en termes d’anticipation, peut-être qu’au niveau d’adhésion de la population à un certain nombre de mesures qui lui sont données à prendre, il y aurait eu moins de questions. Je peux prendre cet exemple puisqu’il est cité dans le rapport, je peux vous assurer qu’il n’y a pas un exemple dont on n’ait pensé qu’il n’était pas très politiquement correct qu’on n’aurait pas mis dans le rapport. J’ai dit « on assume tout » et j’assume tout et j’assumerai tout au moment où ce sera écrit et après, quand il faudra le défendre. On n’a pas pris de gants, quand on a parlé de ça, de la délinquance, de la sécurité intérieure, etc., tout ce qu’on a pu voir qui ne marchait pas on en a parlé.
La question que vous posez c’est en quoi, finalement, le politique peut être convaincu de la pertinence des choses. C’est pareil, on a repris des exemples, je prends le premier, le modèle Pasteur ça parle au Premier ministre, je peux vous assurer que ça lui parle. Évidemment, par capillarité, il comprend assez vite que le reste c’est pareil, je n’ai pas besoin de lui faire une démonstration par l’absurde. Ce qui marche pour le modèle Pasteur marche aussi pour autre chose. J’ai des discussions assez régulières aujourd’hui avec Olivier Véran sur la campagne de vaccination. C’est pareil, à partir de quel moment on va dire qu’il y a une dose, il y a deux doses qui ont été données, on est sur des vaccins à deux doses, est-ce qu’on peut dire qu’on a vacciné tout le monde quand on n’a fait qu’une injection ?
Finalement on a contractualisé des entreprises privées pour l’agenda pour les prises de rendez-vous. Est-ce qu’on a un suivi, on a des métriques sur le délai moyen entre la première et la deuxième, par région, etc. Je vois qu’Oliver Véran commence à intégrer, c’est d’ailleurs lui-même qui m’appelle, qui dit « tiens Éric – il utilise open access, il échange avec Guillaume Rozier tout à l’heure – tu ne pourrais pas les faire changer tout de suite d’open access en open data ? » Mais lui-même me dit « je veux qu’on mette les stocke en open data et ce sera fait avant la fin de la semaine, etc. » Je vois bien qu’il y a des choses qui bougent. Je ne suis pas l à pour faire plaisir à Éric Bothorel, je suis là encore pour 18 mois, peut-être un peu plus si je me représente et que mes électeurs le veuillent. Le sujet c’est effectivement que si ce n’est pas porté au plus haut de l’administration et par le politique il y a peu de chances que l’administration, qui est plutôt réticente à faire un truc en plus, quand elle considère que c’est un truc en plus, le fasse.
Je me félicite que le Premier ministre, Olivier Véran et Amélie de Monchalin qui vient de publier son baromètre la semaine dernière. Notre baromètre ce sont les actions publiques. J’explique à Amélie que aujourd’hui elle publie ce baromètre à partir de jeux de données qui sont disponibles. L’objectif c’est que demain, si on met en œuvre l’ensemble des recommandations, elle n’aura plus de choix à faire entre le menu ou la carte. Elle pourra choisir finalement et publier massivement un certain nombre de résultats et de jeux de données sans se soucier de savoir si c’est disponible ou pas disponible. La question, aujourd’hui, c’est que finalement on fait avec ce qui est disponible en présumant que ça l’est peut-être et c’est ce changement de paradigme qu’on doit opérer pour faire en sorte que la puissance publique, au premier chef de laquelle le politique, puisse se saisir sous l’influence d’ailleurs des citoyens qui pourront demander d’avoir de la transparence et l’accès à l’information sur la manière dont les choses sont construites, que ce soit un bout de soft ou que ce soit de la data pure et dure, statique ou dynamique.
Étienne Gonnu : En tout cas on espère que le Premier ministre, comme l’ensemble du gouvernement, se saisira de votre rapport pour enfin définir une stratégie globale sur l’utilisation, la publication, des politiques de contribution au logiciel libre, le recours au code source. En tout cas l’April y veillera et restera bien sûr à la disposition du gouvernement pour apporter son expertise.
Éric Bothorel : Il n’y a pas de clause de revoyure. Il est peut-être utile que je vous dise ça, il n’y a pas de clause de revoyure sur cette mission. Le Premier ministre a pris un peu plus de temps que ce qu’il avait prévu de prendre au moment où on a remis le rapport parce qu’on a discuté de plein de choses. À ses côtés il y avait quatre ministres qu’il avait invités et il a conclu en disant qu’il confiait à la mission, à Eric Bothorel en particulier, à moi-même donc, le fait de vérifier que les recommandations seraient bien mises en œuvre. Je peux vous dire que ce n’est pas un rapport qui va servir à caler son notebook pour avoir les yeux à la bonne hauteur quand il fera sa prochaine visioconférence, en tout cas je l’espère. Mais même si on était inquiets on a eu raison de l’écrire parce que, du coup, ça suscite une réaction qui est de se dire qu’on va faire les choses. Moi je redeviens un parlementaire, je reviens à mes travaux à l’Assemblée nationale, mais je n’abandonne pas le suivi de l’application des recommandations qu’on a formulées, je serai vigilant voire coercitif.
Étienne Gonnu : Vous interrogerez peut-être le directeur interministériel du numérique, Nadi Bou Hanna, qui est auditionné ce jeudi par la mission d’information sur la souveraineté numérique et il me semble que vous en êtes membre ?
Éric Bothorel : Oui.
Étienne Gonnu : En tout cas on suivra cette audition.abr/>
Malheureusement le temps file, nous sommes en direct, est-ce que vous auriez, en une minute ou deux, vraiment un mot de conclusion ? Si vous souhaitez, par exemple, qu’on retienne une idée forte de votre rapport, en une minute ?
Éric Bothorel : Non, je n’ai pas d’idée forte parce que je ne voudrais pas hiérarchiser les choses. D’abord parce qu’on a fait cette construction qui est une construction qu’on a tenté de rendre homogène et complémentaire. Ce n’est pas un piège que vous me rendez, mais comme c’est la question qui revient assez souvent : c’est quoi le point clef ou la recommandation forte ? On a tous à l’esprit celle qu’on aimerait idéalement qu’elle puisse être mise en œuvre. Mais franchement ce n’est pas pour faire l’apologie de toutes les recommandations que je renvoie l’idée que tout ça est une forme cohérente et un ensemble cohérent.
Je remercie l’April. Je suis sur votre antenne et c’est son délégué aux affaires publiques qui me questionne depuis tout à l’heure.
Je vous remercie pour le travail que vous faites au quotidien.
Je vous remercie à la fois de la confiance et en même temps de l’exigence que vous portez à ceux que vous interrogez.
Je vous remercie de comprendre que parfois on peut faire les choses et que parfois on ne peut pas les faire.
Je vous remercie d’un dialogue constructif. C’est ça qui me paraît important dans une société qui commence à se fracturer pour la moindre des choses. Il y a encore des espaces où on peut se dire qu’il y a des choses possibles, qu’on peut tendre vers le même horizon d’idéal, pas toujours au rythme auquel les gens voudraient que ça puisse être atteint. C’est ça qui me parait essentiel, c’est de rassembler, réconcilier et faire en sorte qu’on puisse atteindre un objectif commun. L’objectif commun c’est que l’action publique gagnera à être faite de façon plus transparente, même si et là aussi si on atteint ça, la transparence ce n’est pas la confiance automatique, ça se saurait, ça fait longtemps que les grandes démocraties sont transparentes. Ce n’est pas parce que vous rendez les choses publiques que derrière elles sont mieux comprises. Dans l’autre sens c’est certain que ça ne marche pas, c’est-à-dire que si vous les cachez, il est très certain que vous rendrez difficile l’adhésion de la population aux politiques que vous menez.
En fait il n’y a pas d’autre choix que d’ouvrir, il n’y a pas d’autre choix que de faire confiance au travail collaboratif, collectif et de la mise en commun.
Étienne Gonnu : Une très belle conclusion qui fait d’ailleurs le pont avec notre première chronique sur l’importance de la transparence qui n’est pas une solution à tout mais qui est un élément indispensable et minimal pour une démocratie qui fonctionne et que pour tous les citoyens puissent se saisir des politiques publiques.
Un grand merci Éric Bothorel, député de Côtes d’Armor, et auteur du rapport « Pour une politique publique de la donnée ». Merci d’avoir passé du temps avec nous. Je vous souhaite une très belle fin de journée Monsieur Bothorel.
Éric Bothorel : Merci. Vous aussi.
Étienne Gonnu : Au revoir.
Éric Bothorel : Au revoir.
Étienne Gonnu : Nous allons faire à présent une pause musicale.
Nous allons écouter le dernier morceau sélectionné pour nous par Éric Fraudain. Il s’agit de Reminiscent par Idyllic. On se retrouve juste après. Une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Reminiscent par Idyllic.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Reminiscent par Idyllic, un morceau disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Vous retrouverez les références sur le site april.org,
Vous écoutez Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Nous allons passer à notre dernier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, bénévole à l’April. Un hommage au travail des graphistes intitulé : « Des goûts et des couleurs »
Étienne Gonnu : Comme je vous le disais, j’ai le plaisir de recevoir Vincent Calame, en studio et masqué, pour sa première chronique de 2021, bonne année Vincent.
Vincent Calame : Bonne année Étienne.
Étienne Gonnu : Je te laisse la parole.
Vincent Calame : Le titre de ma chronique c’est « Des goûts et des couleurs, on ne discute pas », on connaît cet adage qui rappelle la subjectivité de nos appréciations sur ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. Au passage, il viendrait du latin et, si vous avez écouté mes précédentes chroniques, vous savez que j’ai un petit faible pour les citations latines, c’est pour ça que je ne résiste pas au plaisir de la citer in extenso ; en latin ça donne de gustibus et coloribus non disputandum qui peut être abrégé à l’oral par de gustibus.
Je vous rassure, je ne vais pas parler ici de questions fondamentales parmi les libristes comme « faut-il écrire son code sur fond d’écran noir ou blanc ? » ou « faut-il indenter son code avec des tabulations ou des espaces ? », ce sont des sujets de débats sans fin qui ne seront jamais tranchés car, justement, de gustibus, etc. Non ! Dans cette chronique, je veux rendre hommage aux personnes dont c’est précisément le métier de gérer les goûts et les couleurs et qui sont un maillon essentiel de la production informatique, en particulier des sites web, je veux parler des graphistes.
Étienne Gonnu : Qu’est-ce qui t’a donné envie de rendre cet hommage ?
Vincent Calame : C’est parti d’une boutade lors d’un échange avec Antoine Bardelli qui est un pilier du groupe Sensibilisation, dont, je pense, les travaux ont souvent été évoqués ici, qui, d’ailleurs, sont affichés dans le studio. C’est parti d’une boutade, mon hommage est tout à fait sincère parce que, plus qu’un maillon, les graphistes sont à la fois à l’amont et à l’aval de la production d’un site web, je suis surtout parti de cet exemple des sites web.
En amont, parce que souvent les clients d’un site web – je dis « clients », ça peut être tout aussi bien dans le cadre d’une prestation, qu’un groupe, qu’un collectif – ne commencent vraiment à se projeter dans un futur site web que lorsqu’ils ont face à eux la proposition de maquette proposée par le ou la graphiste. Avant, vous pouvez évoquer avec eux « structure de données », « scénarios de circulation », bref !, tout cela reste abstrait. La maquette qui est souvent une image semblable à une capture d’écran, c’est ce qui va leur permettre d’entrer dans le concret du site.
De mon expérience, j’ai vu que beaucoup d’éléments essentiels par exemple dans l’organisation des données donc dans le futur code que j’aurai à écrire – je ne suis pas graphiste, je suis du côté du code – apparaissaient grâce aux réactions face à la maquette. Par exemple telle personne va trouver intéressant de mettre un bloc avec les auteurs de la page à tel ou tel endroit et, c’est là que vous découvrez, dans la discussion, qu’il faudrait que les auteurs aient leur propre page à eux sur le site ! Évidemment, c’est aussi le graphisme qui va susciter le plus de discussions au sein du collectif qui veut mettre en place le site.
De gustibus, comme nous le disions en introduction, dès qu’il s’agit de mise en forme, chacun a une opinion. Et je ne vous parle pas des cas où le nouveau site web est l’occasion d’élaborer un nouveau logo, il va falloir s’armer de patience pour arriver à un consensus dans le groupe. Le ou la graphiste va devoir faire de nombreux allers-retours et multiplier les propositions.
On voit que plus la réflexion et les échanges sont poussés à ce stade du graphisme, plus fluide sera la suite. Une bonne proposition graphique vaut, pour moi, tous les cahiers des charges. C’est en tout cas la conclusion personnelle à laquelle j’arrive dans mon travail qui est assez artisanal. Je dis « artisanal » parce que je ne sais pas comment ça fonctionne au sein des grosses agences web, je suis plus dans un mode de type deux ou trois personnes.
Étienne Gonnu : Entendu. Tu avais également parlé de l’aval ?
Vincent Calame : Oui, parce qu’un site web n’est jamais vraiment terminé, en particulier dans sa partie graphique. Une maquette graphique, aussi bien faite soit-elle, ne couvre pas tous les cas de figure. C’est lorsque le site commence vraiment à se remplir, avec de vraies données – souvent les graphistes travaillent avec des faux textes – qu’on voit apparaître plein de détails supplémentaires. C’est aussi le domaine où il est le plus facile d’intervenir, de modifier des détails, parce que quand la structure des données est établie, on n’y revient pas facilement, sauf à tout recoder.
Quand on vous demande de modifier les données, la structure, vous pouvez vous opposer facilement à trop d’ajustements, dans ce cas-là on jette tout le travail, alors que dans le cas du graphisme c’est beaucoup plus simple de modifier et, du coup, certains ne s’en privent pas et en abusent. J’ai même eu le cas d’une personne exigeant un positionnement pratiquement au pixel près, ce qui est assez absurde quand on sait que maintenant la grande problématique des sites web c’est de s’afficher sur des tailles d’écran très diverses.
Étienne Gonnu : Oui, tout à fait. Le problème se pose-t-il aussi pour les autres logiciels ?
Vincent Calame : J’ai surtout parlé des sites web mais les graphistes sont tout aussi essentiels dans les autres logiciels. Ils interviennent moins en amont, mais leur apport est très important pour la touche finale. Je pense que dans le monde du logiciel libre, nous sommes très bons pour faire le moteur et le châssis, beaucoup moins pour faire la carrosserie. Or, si nous proposons des trabans, des voitures d’Allemagne de l’Est avec des moteurs de Rolls-Royce, nous allons avoir du mal à diffuser nos outils et aussi nos messages. C’est pour cela que les libristes militants, qui ont des compétences en graphisme, sont des ressources très précieuses et il faut vraiment les choyer. Cela méritait une petite chronique…
Étienne Gonnu : Du coup, j’aurais une question, ton point de vue. Je sais que longtemps on a reproché au graphisme du logiciel libre qu’il était très reboutant pour le grand public. On a quand même l’impression qu’il y a beaucoup de progression là-dessus. Est-ce que tu fais ce constat ?
Vincent Calame : Oui. De toute façon je pense que les gens ont commencé à intégrer le fait que collaborer à un logiciel libre ce n’est pas seulement y faire du code. On sait bien que c’est à la fois le documenter, c’est à la fois le rendre attrayant. Il y a aussi beaucoup plus de graphistes qui sont militants et qui interviennent dans ce domaine-là. Donc il y a bien sûr une nette amélioration du graphisme en général et de la présentation en général.
Étienne Gonnu : Je te prends un peu à l’emporte-pièce, pas du tout !, je pense qu’on aura compris l’idée que je véhiculais.
Je te remercie pour cette chronique. Je pense que tu as raison. On voit, même au sein des militants et militantes libristes, l’importance de la communication lorsqu’on milite. Les contributions des graphistes sont vraiment des choses essentielles.
Je vais en profiter moi aussi pour saluer le précieux travail d’Antoine Bardelli pour l’April.
Merci Vincent.
Vincent Calame : Il faut ajouter un dernier adage : Un petit dessin vaut mieux qu’un long discours.
Étienne Gonnu : Pas mal. En tout cas merci. On va résister à l’envie d’aller prendre l’apéro et on se retrouve le mois prochain.
Vincent Calame : Tout à fait.
Étienne Gonnu : Merci Vincent.
Nous approchons de la fin de notre émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Étienne Gonnu : Déjà rappelons que l’émission et globalement la radio sont contributives. On parlait beaucoup de contribution et de communautés ; nous y sommes. N’hésitez pas à proposer des sujets, des musiques, des personnes à inviter. Vous pouvez contribuer à l’émission. Vous trouverez sur les sites april.org et causecommune.fm les différents moyens de nous connecter. Vous pouvez également contribuer aux autres actions de l’April et/ou de la radio par un don pour les actions bénévoles et pour cette belle aventure qu’est Cause Commune, une radio associative qui a aussi besoin de nos soutiens financiers.
Qu’est-ce qui se passe dans le monde du Libre ?
Jeudi 21, le groupe Sensibilisation de l’April se réunit en ligne, une réunion ouverte à tout le monde que vous soyez ou pas membre de l’April. En ce moment le groupe travaille sur le jeu de plateau coopératif et pédagogique Jeu du Gnou. Dans le cadre de ce jeu, le groupe se penche en ce moment notamment sur le moyen d’expliquer efficacement au grand public les dangers que posent les restrictions d’usage. Toutes les informations sont sur le site de l’April et sur agendadulibre.org.
Meta-Press.es, une extension pour Firefox qui permet de faire de la veille automatisée sur la presse en ligne, dont nous avions reçu le développeur dans Libre à vous !, numéro 50 du 4 février 2020, lance un appel de crowd spreading, donc de diffusion par la foule. Il appelle ainsi à parler, à faire parler et à relayer l’information autour du logiciel, sur son existence. Il est aussi possible, bien sûr, de faire des dons de soutien et, si vous en avez les compétences sur différents sujets, ça peut être notamment le graphisme, pourquoi pas, de contribuer au développement de ce logiciel, puisque c’est un logiciel libre, après tout.
Vous retrouverez tous les autres évènements liés au Libre sur l’Agenda du Libre, agendadulibre.org
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Véronique Bonnet, Frédéric Couchet, Éric Bothorel, Vincent Calame.
Aux manettes de la radio aujourd’hui Patrick Creusot.
Merci également à l’équipe qui s’occupe de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Olivier Humbert, Lang1, Sylvain Kuntzmann, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio. Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site web, april.org,, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question, nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission du jour.
Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous. Faites également connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 26 janvier 2021 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur les outils de messagerie instantanée ou comment se passer de WhatsApp.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 26 janvier et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.