Partie 1
Les collectivités, de même que tout autre organisme public, doivent assurer la maîtrise, l’indépendance et la pérennité de leurs systèmes d’information : recourir à des logiciels libres peut y contribuer. Comment acheter des prestations autour de logiciels libres ? Pourquoi et comment publier les codes sources qu’une collectivité développe ou fait développer ? Où trouver de l’aide sur ces sujets ?
Steeve Williams : Bonjour à tous et bienvenue pour ce huitième webinaire du programme TNT [Transformation numérique des territoires]. Le sujet du jour ce sera les étapes clefs de l’appropriation de solutions libres et les réponses que l’on peut apporter à toutes les questions que vous vous posez sur ce sujet, ainsi que les ressources que vous pourriez mobiliser.
Pour tout cela on a la chance d’accueillir deux intervenants que l’on remercie grandement pour leur présence que je laisserai se présenter plus en avant un peu plus tard.
Je présente Bastien Guerry, responsable du pôle logiciels libres au sein de la DINUM [1], et Pascal Kuczynski, délégué général de l’ADULLACT [2].
Je finis en vous indiquant qu’il y aura trois séquences dans ce webinaire. La présentation de Bastien sera suivie d’un échange d’une dizaine de minutes, la présentation de Pascal sera suivie elle aussi d’un échange et enfin un échange commun en fin de séance pour vous permettre d’échanger avec nos intervenants.
Il me reste, Bastien, à te laisser la parole et à vous souhaiter à tous un bon webinaire.
Bastien Guerry : Tout d’abord un rapide focus sur deux produits auxquels nous contribuons.
Le premier c’est le catalogue GouvTech, qui est accessible, je vais mettre le lien, catalogue.numerique.gouv.fr [3]. Ce catalogue rassemble des solutions libres et non libres, il est alimenté par les éditeurs de logiciels eux-mêmes et vous pouvez très facilement sélectionner, dans ce catalogue, des solutions libres. Elles sont maintenant un peu plus que 56, elles sont 67, le catalogue ne cesse de référencer de nouvelles solutions libres. À partir de simples critères vous pouvez essayer d’explorer des solutions qui sont libres, portées par des éditeurs français, déjà utilisées ou non dans l’administration. Le catalogue précise aussi si le logiciel est référencé dans le socle interministériel des logiciels libres.
Ce socle c’est celui dont je parle dans la deuxième partie de cette diapositive, [4]. C’est un produit historique qui est là depuis bientôt dix ans, qui est construit par les agents publics. Ce catalogue est un catalogue où l’administration donnera une expertise sur des logiciels libres qu’elle déploie. Ils sont déployés soit sur les postes des agents publics, on pense à LibreOffice [5] qui est déployé dans plusieurs ministères ou opérateurs, on peut penser à d’autres solutions de bureautique, mais ce sont aussi des solutions, des outils métiers qui peuvent être déployés au sein des systèmes d’information.
Aujourd’hui on a plus de 200 solutions libres et on continue à en avoir de nouvelles.
La grande différence avec le catalogue GouvTech c’est que dans le SILL vous avez des solutions dont vous êtes sûr qu’elles sont utilisées dans l’administration, pour lesquelles vous pouvez contacter un référent qui a le plus souvent une expertise technique, c’est-à-dire qu’il peut répondre à des questions : comment avez-vous déployé cette solution ? Quels ont été les obstacles ? Ce produit continue d’évoluer. Il est porté par la DINUM, publié par la DINUM, il fait vraiment l’objet d’une expertise qui vient de plus d’une centaine d’agents publics ; vous avez aussi sur le site la liste des contributeurs.
Je vais me présenter ici, simplement pour vous dire que je suis développeur de formation et libriste de passion.
Rapidement, parce que je suis rentré directement dans nos deux produis phares que vous pouvez peut-être déjà connaître.
Je pense qu’il faut dézoomer un tout petit peu et reparler du logiciel libre pour rappeler que c’est un mouvement qui est déjà très ancien, qui alerte depuis très longtemps sur le besoin de liberté des utilisateurs et ces utilisateurs ne sont pas seulement les citoyens ou les utilisateurs finaux, ce sont aussi les services publics, les administrations utilisatrices qui ont besoin d’être libres avec les logiciels qu’elles utilisent et, quand elles font développer des logiciels, elles ont besoin de pouvoir utiliser ce qu’elles payent en toute liberté pour le faire évoluer, pour en garder la maîtrise, pour pouvoir contribuer avec les codes sources qu’elles développent à l’écosystème général du logiciel libre.
Il faut savoir que tout ce qui est brique open source ou en logiciel libre est omniprésent dans tous les systèmes qu’on utilise. Une étude sortie l’année dernière estime que 92 % des logiciels utilisent des codes sources sous licence libre à divers degrés, souvent gratuitement, souvent en allant chercher des dépendances pour utiliser telle ou telle brique fonctionnelle, parfois en étant vigilants sur la sécurité de ces briques, savoir si elles sont bien maintenues, mais c’est vraiment toute une infrastructure. On a coutume de dire en informatique que le logiciel a mangé le monde. En fait l’open source, d’une certaine façon, a envahi complètement nos stacks logicielles.
En France c’est un écosystème d’entreprises qui est en croissance. On estime aujourd’hui à 10 % la part de l’informatique open source dans l’ensemble du marché de l’informatique et c’est une part qui va croissante avec un écosystème de TPE, PME, ETI qui est lui-même très dynamique.
Un point à noter parce que ce n’est pas toujours visible, c’est que dans cette dynamique économique on a beaucoup d’éditeurs. On n’est pas seulement face à des fournisseurs de services qui vous rendent des services sur des logiciels libres qui ne sont pas développés par eux. Bon nombre de ces entreprises, 57 % en France, sont éditrices à divers titres. Elles peuvent être éditrices de logiciels libres pour lesquels elles vendent du support, de l’installation, de la documentation, de l’intégration. Elles peuvent aussi être éditrices de logiciels libres avec des modèles économiques qui s’appuient sur l’open core, c’est-à-dire on ouvre sous licence libre une partie du code source, mais on donne accès à des fonctionnalités qui, elles, sont refermées.
Se pose évidemment la question, pour un éditeur de logiciels, du modèle économique qu’on veut favoriser : si on est un pur player, jouant entièrement la carte de l’open source, est-ce qu’on est sûr de s’y retrouver face à des entreprises parfois plus grosses, intégrateurs, fournisseurs, qui profitent de ce qui est développé sans forcément contribuer en retour ?
En France on a un contexte légal qui est très favorable. Il y a bien entendu la circulaire Ayrault [6] qui date d’il y a 10 ans, qui inscrit le logiciel libre dans la feuille de route des usages ministériels. Il faut rappeler que ce sont des logiciels fiables. Pour mobiliser l’écosystème autour de besoins, de repérage et de référencements, le SILL, que j’ai évoqué tout à l’heure, est issu de cette loi Ayrault.
On va avancer plus vite sur cet aspect-là, seulement citer la loi pour une République numérique [7] qui continue d’encourager le recours au logiciel libre ; ce n’est pas une priorité, c’est un encouragement et, entre autres aspects, elle demande aussi l’ouverture des codes sources, de les considérer comme des documents administratifs qui doivent faire l’objet d’une ouverture au même titre que les autres documents ouverts en open data.
Quand est-ce que je pose la question du logiciel libre ?
Au moment de l’expression du besoin, de l’exploration des solutions, au moment de la rédaction des clauses de marché, de la mise en œuvre des solutions et éventuellement de la publication des codes sources spécifiques développés par les administrations quand elles achètent une solution. Elles peuvent acheter sur étagère une solution clés en main. Elles peuvent aussi acheter des services, dont une partie arrive clés en main par le fournisseur ou le prestataire et dont une autre partie est développée. Je donne un exemple trivial : vous achetez un site sous Drupal, vous avez besoin d’un module de newsletter, ceux qui se trouvent sur le marché ne correspondent pas à vos besoins, vous faites développer ce module et vous pouvez avoir envie de le partager au reste de l’écosystème administratif et au-delà, pour que tout le monde en profite.
L’expression des besoins est la phase critique du problème à résoudre et de l’investigation. C’est ici qu’on a tous les catalogues qui peuvent servir en se rappelant bien que derrière ces catalogues il y a à chaque fois de l’expertise humaine : les solutions du catalogue GouvTech et parmi elles les solutions open source ; les solutions du SILL et derrière ces solutions des gens qui peuvent vous aider. Je cite aussi, mais Pascal y reviendra, le Comptoir du Libre qui référence non seulement des solutions mais aussi tout le réseau de prestataires qui peuvent aider à apporter ces solutions.
Si vous êtes une administration, centrale ou non, vous pouvez vérifier que vous êtes éligible ou pas sur le marché du support et d’expertise logiciels libres. Sur le site communs.numeriques.gouv.fr, nous avons récemment publié de la documentation sur ce marché interministériel de support à l’expertise [8] qui est ancien lui aussi, c’est son troisième renouvellement, que vous pouvez solliciter soit pour du support sur des logiciels libres qui ont été utilisés soit pour des développements via la partie expertise de ce marché.
Et enfin, évidemment, n’hésitez pas à vous tourner vers les communautés informelles qui réunissent des agents publics dans vos écosystèmes et qui fourmillent souvent de gens qui ont des connaissances à divers titres sur les logiciels libres qui sont omniprésents dans vos achats.
Steve, je compte sur toi pour me limiter dans le temps. Je vais essayer d’avancer plus vite. Il me reste dix minutes.
Une phase critique c’est celle de la rédaction des clauses de marché. À la fin le lien de cette présentation vous parviendra en PDF, c’est une présentation de la mission d’appui au patrimoine immatériel de l’État qui présente la révision du CCAG-TIC [Cahier des Clauses Administratives Générales applicables aux marchés publics de techniques de l’information et de la communication] au 30 mars 2021 [9] . Je vous invite vraiment à suivre cette présentation qui est très simple, qui rappelle quels sont les points d’attention à vérifier quand on achète du logiciel de façon à bien connaître les connaissances antérieures qui seront réutilisées par vos prestataires, les développements spécifiques qui seront faits par votre prestataire et de quelle façon vous pouvez vous assurer de récupérer la propriété intellectuelle de l’ensemble de ces développements pour en garder la maîtrise et pour envisager aussi de publier telle ou telle partie d’un code source que vous avez fait développer.
Je mentionne un point important : dans un marché public, vous n’avez pas le droit de commander une solution propriétaire. Vous ne pouvez pas mettre en concurrence le marché autour d’une solution propriétaire que vous exigez, ce serait fausser la concurrence, évidemment. Si votre expression de besoin aboutit au choix d’un logiciel libre, vous avez le droit, vous pouvez exiger ce logique libre et mettre en concurrence les prestataires sur ce logiciel libre. Le principe étant que le logiciel étant libre, il y a une égalité de traitement entre les prestataires qui peuvent tous s’emparer du code source pour en proposer du support, de l’intégration, le déploiement, voire des développements spécifiques.
Il faut bien faire attention quand on a un nom de produit – je pense à Firefox, à Nextcloud, à LibreOffice – de bien distinguer le nom du produit qui désigne le logiciel et qui n’est pas forcément associé à une marque, du nom d’une marque, les noms de marque sont largement utilisés dans le logiciel libre aussi. Firefox est un mauvais exemple puisque Firefox est une marque déposée de la Fondation Mozilla, mais vous pouvez demander le déploiement de Iceweasel qui n’est pas une marque déposée par Debian, qui est l’équivalent fonctionnel de Firefox.
On peut rappeler que le logiciel libre c’est aussi la liberté d’avoir conclu sur votre besoin pour demander tel ou tel logiciel.
Voilà tout pour cette slide, je pourrai revenir après sur les détails.
J’ai déjà évoqué le marché de support.
Ne pas hésiter non plus, même si ça peut être chronophage, à consulter les canaux de support communautaire.
Du côté du pôle logiciels libres on a maintenant une audience assez large avec la communauté BlueHats [10] pour qu’elle-même fonctionne comme une communauté pouvant apporter du support communautaire. On a récemment ouvert une liste de discussion publique, il y a aussi des canaux privés et des listes de discussion privées.
Je reviens aussi sur les différents espaces d’échange qu’on déploie et qui peuvent aider, ces gens-là peuvent fournir des expertises.
Un point sur lequel être très attentif dans l’évaluation de ce qui vous parvient comme propositions ce sont les liens effectifs d’une entreprise avec les communautés du Libre. Il ne faut pas se laisser impressionner simplement par une longue liste de références, il faut se renseigner de près : est-ce que c’est une entreprise qui est vraiment en maintenance du logiciel pour lequel elle propose des services ? Est-ce qu’elle est simplement une grosse contributrice de ce logiciel qu’elle connaît très bien ? Est-ce qu’elle a vraiment des contributeurs au logiciel parmi ses employés ? Est-ce qu’elle est simplement observatrice et utilisatrice sans vraiment contribuer ? Ce sont tous des aspects importants dans la qualité du support.
Une fois que vous avez bien mis tout au carré et que vous vous êtes assuré de récupérer la propriété intellectuelle des codes sources que vous faites développer, vous pouvez les publier. Vous pouvez le faire a minima pour des enjeux de transparence ; vous pouvez le faire de façon plus ambitieuse en essayant vous-même de recevoir des contributions, des corrections de bugs sur ce que vous avez développé, sur ce que vous avez partagé.
On maintient le site code.gouv.fr qui n’est pas une forge, les gens confondent souvent, il n’est pas en train d’héberger les projets et les logiciels du secteur public sur code.gouv.fr, c’est simplement un index qui pointe vers différentes forges, Github, Gitlab, des instances Gitlab, notamment l’instance de l’ADULLACT, et on y référence l’ensemble des projets du secteur public ; il y en a plus de 9000 aujourd’hui et on continue de faire évoluer ce site.
On recommande de prioriser l’ouverture des codes sources en fonction de savoir s’il y a des enjeux de transparence, il y a peut-être des obligations légales en termes d’algorithmes publics, ou si vous arrivez à mesurer un potentiel de réutilisation de ce que vous allez ouvrir en priorisant ce qui a un fort potentiel de ré-utilisabilité.
Je mentionne aussi rapidement dans cette slide l’AMUE, l’Agence de mutualisation des universités et des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Dans le lien que je mets à disposition, elle propose une méthodologie [11] de priorisation des codes sources à ouvrir selon d’autres critères, mais, pour des grands producteurs de codes sources, c’est une méthodologie qui peut être pertinente et ne demande qu’à être expérimentée.
Je vous ai fait un décor à grands très traits. On peut discuter de tout le reste avec des questions. Le pôle logiciels libres travaille avec la mission LABEL [12] qui porte le catalogue. Nous-mêmes avons une offre de services que je mets en lien dans la discussion si vous voulez explorer. Vous êtes bien entendu invités à tous les ateliers BlueHats, le prochain a lieu en visio demain à 11 heures ainsi que l’ensemble des communautés informelles qui portent le sujet du logiciel libre dans l’administration. Vous pouvez aussi solliciter la DAJ [Direction des affaires juridiques] de Bercy, la mission pour le patrimoine immatériel, qui peut vous accompagner sur les enjeux juridiques au moment des achats en plus de la présentation que j’ai référencée.
J’arrête là et à votre disposition pour toutes les questions.
Steeve Williams : Merci beaucoup Bastien. Il y avait juste une question de Lionel : y a-t-il un espace de discussion quelque part qui regroupe les acteurs du développement des logiciels libres pour l’État, un forum, un Discord ou autre. Je pense que tu as en partie répondu à la question en parlant du support communautaire, mais est-ce qu’il y a d’autres canaux ?
Bastien Guerry : Les canaux en temps réel ce sont les salons Tchap. Dans ces salons il y a en particulier le salon BlueHats, le salon SILL et le salon MIM libre qui peuvent être pertinents. C’est indiqué dans la page espaces communication BlueHats [13]. C’est ici qu’on trouvera le plus de gens pour discuter en temps réel. On n’a pas de canaux asynchrones privés. On a une liste de discussion publique, il faut se rappeler qu’elle est publique, ça veut dire qu’il n’y a pas que des agents publics, il faut l’utiliser avec modération pour tout ce qui concerne ce qui ne doit pas sortir de l’administration.
On a mis fin au forum qui était forum.etalab.gouv.fr pour des raisons de maintenance et de sécurité. On n’avait plus la possibilité de porter directement ce forum.
Il n’y a pas de Discord qui n’est pas libre. Il n’y a pas non plus de Rocket.Chat ou de Mattermost entièrement dédié. Il y a sur MIM Libre, porté par le pôle Eole de l’Éducation nationale, un Rocket.Chat de mémoire, je ne sais pas s’il est très utilisé, c’est plutôt Tchap qui est l’espace aujourd’hui et la liste que Pascal a mentionnée. Tchap n’est pas ouvert à tous. Il est potentiellement ouvert à tous les agents publics. S’il n’est pas ouvert pour votre nom de domaine, vous pouvez faire la demande d’ouverture à l’équipe de Tchap. On l’a fait récemment par exemple pour amue.fr.
Steeve Williams : Super. Merci Bastien. S’il n’y a pas d’autres questions je vous propose qu’on avance avec la présentation de Pascal et on aura un temps d’échange de toute façon à la fin. Je vous invite à poser vos questions dans la discussion publique et nos intervenants y répondront.
Pascal, je te laisse la parole.
Pascal Kuczynski : Très bien. Merci de l’invitation et merci à toutes les personnes présentes.
On va rentrer dans le détail voir des exemples concrets au travers de l’expérience ADULLACT, Bastien vient de le rappeler, on a effectivement 20 ans d’activité. Quelques chiffres en vrac pour montrer le résultat de ces 20 ans de travail avec nos 380, on est passé à 400 depuis le début de l’année, membres directs mais, avec les mutualisations, c’est plus de 7000 collectivités, qui bénéficient aujourd’hui de nos services.
On va zoomer un petit peu sur tout ça au travers de ces quatre points qu’on va aborder.
Les animations qu’on réalise, vous avez vu le titre. Je me posais comme animateur de communautés et c’est un petit peu ce que je vais décrire au travers d’initiatives qu’on met à disposition de tous, d’expertise terrain qui bénéficient à un certain nombre de services et de logiciels qui sont nés dans ce contexte-là et après on va zoomer sur le service aux adhérents pour voir les exemples concrets.
En termes d’animation on a bien sûr des groupes de travail, des groupes de réflexion, des sites web,etc. Je voulais zoomer en particulier sur la notion de groupes de travail puisque c‘est ce qui va donner naissance à des nouveaux programmes, à des nouveaux logiciels, répondre à des nouveaux besoins qui émergent soit parce que la réglementation évolue soit parce qu’on n’a pas trouvé d’offre correspondante sur le marché et on va se relever les manches, entre collectivités, pour répondre à tel ou tel besoin.
Par exemple GTC DirectMairie [14]. Suite à des demandes de diverses collectivités qui trouvaient que toutes ces applications, Ma ville dans ma poche, etc., qui existent, étaient horriblement chères pour ce que c’était, qu’on a fait un logiciel libre, financé par ADULLACT, maintenu par ADULLACT, qu’on met sous licence libre, à disposition de tout le monde. Aujourd’hui on a quelques centaines de collectifs, même à l’étranger puisqu’on a une ville en Afrique qui vient de nous contacter pour utiliser DirectMairie ; c’est l’avantage du logiciel libre, ça s’exporte très facilement.
Bref ! GTC [Groupe de travail collaboratif] c’est exactement le sujet, l’endroit où on va se retrouver autour d’une table, virtuelle ou pas, pour définir non seulement des besoins nouveaux mais également de la maintenance du logiciel : dans la prochaine action qu’est-ce qu’on met ? Qu’est-ce qui est important à mettre ? On va même peut-être voter pour décider de la priorité qu’on doit accorder à telle ou telle nouveauté qui est demandée parce que le terrain change, parce que des évolutions sont nécessaires, parce qu’on a besoin qu’on a besoin de connecter à de nouveaux produits qui viennent d’arriver, etc.
L’expertise terrain de l’ADULLACT ce sont ses 20 ans où on accompagne effectivement les collectivités. Certaines collectivités débarquent avec leurs logiciels libres. Je voudrais faire un petit zoom pour Départements & Notaires. Je cite quelques exemples sur ce transparent, mais il y en a des dizaines.
En quoi Départements & Notaires [15] est intéressant ? C’est le département du Rhône qui a identifié un problème. Pour la petite histoire fonctionnelle de Départements & Notaires, quand quelqu’un vient à décéder sur un territoire départemental, le social étant traité par le département, on va systématiquement vérifier si on a fait des avances sociales, en argent, à cette personne qui vient de décéder et peut-être faut-il rembourser des sommes, donc s’adresser aux ayants-droit donc aux notaires. Et ça n’existait pas ou très peu ou alors à des prix absolument pas compétitifs de la part des logiciels non libres. Le Rhône a donc décidé de se relever les manches, de mettre deux développeurs dessus et de développer un logiciel qui permettait d’extraire automatiquement de la base de données des métiers du social les informations dont il avait besoin et de permettre aux notaires de faire cette extraction eux-mêmes sans passer par remplir un tableur, envoyer ça par mail, etc. Bref ! Il y a plusieurs millions d’euros à récupérer par département de cette façon-là, c’est entre 1 et 1,5 homme/an en fonctionnement qui était consommé à l’époque, en termes de ressources humaines, par chaque département pour réaliser ces transferts, ce qui n’est pas vraiment un travail intéressant. Bref ! Le logiciel a été mis en production au département du Rhône, puis on nous a contacté pour le faire connaître aux autres départements, les 100 départements ont exactement le même problème. Quelques années plus tard les nouvelles versions sont aujourd’hui effectivement pilotées par l’ADULLACT, sous l’égide des départements qui nous accompagnent. C’est aujourd’hui un quart des départements en France qui sont utilisateurs de ce logiciel, qui ont participé à son développement au travers des fameux groupes de travail en disant « on a besoin de telle nouveauté, on a besoin d’améliorer le moteur de recherche », que sais-je encore. C’est leur métier, ce sont eux qui nous expliquent ce qu’il y a de plus à faire en priorité.
Voilà un exemple typique de logiciel libre ultra-métier. Vous voyez les trois thèses du métier dans lequel on est, qui ne concernent que 100 départements en France, mais qui représente un certain avantage pour les agents de ces départements qui gèrent le social et qui vont trouver, sur ce métier-là en particulier, leur bonheur au travers de ce logiciel. Un quart des départements en quelques années, c’est un excellent score de notre point de vue. Le modèle économique derrière est très simple : tout le monde peut utiliser le logiciel Départements & Notaires, c’est un logiciel libre, de nombreux départements l’ont pris sans rien demander à personne. C’est la vie, c’est l’intérêt du logiciel libre.
Ceux qui veulent participer à son évolution, à son développement et en particulier voter lors des groupes de travail pour donner leur point de vue sur telle ou telle évolution, alors là c’est effectivement notre modèle économique association loi 1901 qui intervient. On va proposer aux départements d’adhérer pour avoir le droit de vote dans ces réunions. Ils peuvent également participer aux réunions sans droit de vote.
On a aussi, comme expertise terrain, les métiers des collectivités, bien évidemment. Je parlais des nouvelles réglementaires, par exemple la signature électronique [16], je l’ai mise en gras pour zoomer dessus, ça remonte maintenant à quelques années. C’était assez impressionnant, à l’époque où cette notion de signature électronique est née, de voir la différence de comportement entre les outils métiers non libres qui avaient une vision, comment dire, étriquée du métier de signature électronique : je suis éditeur d’un métier, je sais que je vais avoir des feuilles de paye, que je fabrique des feuilles de paye, je dois signer ces feuilles de paye ou ces demandes d’absence, de vacances, etc., j’intègre dans mon outil métier un outil de signature électronique dédié à ce métier. Sauf que j’ai d’autres métiers à côté, dans la collectivité, où j’ai aussi besoin de signature électronique et l’interaction entre les uns et les autres n’est pas le fort de ces entreprises éditeurs de logiciels non libres. On a débarqué avec une idée consistant à dire que la signature électronique est un outil transverse, agnostique du métier, et n’importe qui doit pouvoir se connecter avec l’outil de signature électronique. L’élu se retrouve comme avant avec son stylo devant son parapheur papier, à tourner les pages et à signer, sauf que là il tourne des pages électroniques et il signe avec sa souris et sa clef de signature. On a reproduit le modèle exact du papier et aujourd’hui, quelques années plus tard encore une fois, l’outil en question est majeur sur le marché de la signature électronique dans les collectivités.
Au-delà des services qu’on vient de voir, je parle de certaines initiatives, ça répond à un certain nombre de questions qui étaient dans le titre de cette conférence proposée par TNT.
Comment déposer des codes sources ? Il y a des forges pour ça, on l’a vu, Bastien en a présenté un certain nombre. Il y a une forge souveraine dédiée au service public, qui n’héberge que des logiciels libres, financés par de l’argent public, c’est la Forge ADULLACT, gitlab.adullact.net, qui est à votre disposition, qui héberge, on a vu les chiffres tout à l’heure, plus de 1000 projets qui sont aujourd’hui déposés sur nos forges par des collectivités ou l’État, les services de l’État — par exemple le ministère des Finances est très consommateur de notre forge et tant mieux, c’est bien ainsi. Elle héberge donc des codes sources des logiciels libres des services publics.
Bastien en a également parlé, une forge c’est un outil de techniciens, c’est pour les développeurs, on développe collaborativement sur une forge. Maintenant mon DGS [Directeur général des services] qui a besoin de savoir s’il existe un logiciel libre de gestion de bibliothèque, pourquoi pas, je dis ça au hasard, ou de cantine, ou que sais-je, a besoin d’un catalogue, c’est le fameux catalogue dont Bastien parlait. Le Comptoir du Libre [17] est une plate-forme qu’on a mise à disposition de tout le monde : je recherche un logiciel libre qui réponde à un métier de collectivité. Je vais sur le Comptoir du Libre, je vais sans doute trouver le logiciel qui répond à mes attentes, je vais trouver des collectivités, d’autres collectivités qui en sont utilisatrices. Je peux entrer en contact avec elles pour dialoguer avec mes collègues : comment le trouves-tu ? Comment l’utilises-tu ? Est-ce que ça va ? Est-ce que c’est facile à utiliser ? Etc. Bref ! On entre en contact et on échange entre collègues sur ce métier-là, c’est ce qui est intéressant dans l’histoire. Et cerise sur le gâteau, Bastien le rappelait, on met aussi en évidence, dans ce Comptoir du Libre, les entreprises qui peuvent vous accompagner, l’idée étant « je cherche un logiciel dans mon métier. OK, j’en trouve un, je demande à mes collègues si ça va, ils me disent que ça va, tous les feux sont au vert. Maintenant j’ai besoin de quelqu’un pour m’accompagner, je vais trouver des entreprises compétentes sur le sujet pour m’accompagner, que ce soit pour une formation, une installation, un accompagnement, que sais-je, sur l’outil en question dans ma collectivité.
Et enfin petit plus, on édite depuis 2016 maintenant, donc depuis quelques années, un label pour encourager les collectivités qui ont investi dans le logiciel libre, investi au sens large, ce n’est pas forcément de l‘argent sonnant et trébuchant, c’est on utilise tel ou tel logiciel. Par exemple, dans le département du Rhône, on a développé tel ou tel logiciel ; Arles a développé plus de 30 logiciels libres sur des métiers de la mairie, du cimetière aux élections en passant par les marchés du samedi ou du dimanche. Bref ! Il y a énormément de logiciels libres qui se retrouvent de cette façon-là. Les collectivités que les utilisent les mettent en avant, utilisent les bonnes façons de faire du logiciel libre. Vous allez retrouver ça sur le label Territoire Numérique Libre [18]. On labellise. Chaque année on remet un prix, un label à chaque collectivité qui aura participé. On a aujourd’hui plusieurs centaines collectivités sur le site en question, on peut même voir la carte de France des labels reçus par les collectivités.
On a d’ailleurs inspiré un certain nombre de personnes avec ce thème de labellisation de gens qui ont investi dans le logiciel libre, puisque l’Éducation nationale – ce ne sont pas des territoires donc ça ne fait pas partie de notre couverture du label – nous a contactés et souhaite — je ne sais pas si c’est un scoop, ça n’existe pas encore, ça va exister — pouvoir organiser un label concernant le logiciel libre dans les écoles, donc labelliser les écoles qui auront investi dans tel ou tel logiciel libre, qui se seront investies, qui auront fait des cours sur le logiciel libre, qui auront utilisé des logiciels libres, qui auront éduqué les élèves à utiliser tel ou tel logiciel libre plutôt que tel autre logiciel non libre, etc. Donc tant mieux si on inspire des gens qui ont cette influence-là, c’est très bien ainsi !
Les services aux adhérents, c’est le zoom dont je vous parlais, on va zoomer sur un certain nombre de sujets.
J’aime citer celui-là parce que c’est le premier des services qu’on a offerts à nos membres. L’idée étant que vous êtes une collectivité, vous avez besoin de répondre à tel ou tel service, là c’est le contrôle de légalité. Lorsque je sors de mon conseil municipal avec 50 délibérations, je dois les envoyer à la préfecture pour un coup de tampon. La préfecture a deux mois pour me dire si cette délibération, les décisions qui ont été prises par le conseil municipal sont légales ou pas, contrôle de légalité. Tout cela a été dématérialisé depuis 2005. Il existe donc des plateformes pour automatiser ou plutôt dématérialiser l’échange avec la préfecture. Le coup de tampon n’est plus un coup de tampon manuel, c’est un coup de tampon informatique sur ma délibération en format PDF.
Depuis 2007 nous sommes effectivement homologués sur ce thème-là. C’est S2LOW [19]. Pour la petite histoire, on avait à l’époque un concurrent, la Caisse des dépôts et consignations, dont le produit s’appelait Fast. Ça nous a beaucoup aidés parce qu’on a fait de grosses économies de discussions et d’explications puisque tout le monde avait entendu parler de Fast via la Caisse des dépôts et consignations. On arrivait avec S2LOW et la messe était dite. D’ailleurs ça a tellement bien marché que nous sommes aujourd’hui numéro 1 sur le marché de contrôle de légalité en France.
Le fait est que là encore le modèle économique est très simple. Nous, ADULLACT, organisons cette plateforme S2LOW. On l’a faite développer, on l’a fait maintenir, on paye pour l’hébergement, pour la maintenance du logiciel, un prestataire dont c’est le métier d’organiser ça avec les niveaux de sécurité qui vont bien. Nous sommes homologués par le ministère de l’Intérieur, même chose avec HELIOS [S2LOW/HELIOS] par le ministère Finances. Les collectivités s’inscrivent pour utiliser S2LOW et c’est gratuit pour les membres de l’association ADULLACT. Je zoome sur S2LOW.
On va retrouver la même chose pour une dizaine de services qu’on va développer, essaimer.
La, réussite, vous l’avez entendu, nous sommes devenus numéro 1 avec cette bizarrerie consistant à dire qu’on va faire du logiciel libre sur un métier aussi important que le contrôle de légalité vu que le ministère de l’Intérieur de l’époque nous regardait d’un drôle d’œil, il faut se remettre en 2006/2007. Aujourd’hui ça paraît naturel de faire ça. Non seulement nous sommes numéro 1 en nombre de collectivités, mais également en nombre de fois où on est repris en marque blanche, le logiciel libre oblige. On a des structures publiques mutualisantes qui ont décidé de reprendre ce logiciel libre, de l’installer sur leurs propres serveurs, de se faire homologuer et d’opérer le service de contrôle de légalité pour les collectivités de leur territoire en tant que mutualisantes. Je parle de structures mutualisantes publiques, mais il y a aussi des entreprises qui ont repris ce logiciel libre, qui sont partenaires de l’association pour opérer ce service-là et qui bénéficient de notre investissement. Mais globalement tout le monde en bénéficie et tout le monde peut récupérer le code source en question que nous continuons de maintenir, bien évidemment, plus de dix ans, en tout cas 15 ans plus tard.
Donc c’est l’histoire de S2LOW qui a commencé en 2006, première homologation en 2007.
Le nombre de prestataires est important à noter. C’est une copie d’écran du fameux Comptoir du Libre qu’on voyait tout à l’heure. Ce Comptoir du Libre affiche les entreprises capables de vous accompagner. Nous, ADULLACT, ne faisons rien d’autre que mettre à disposition l’outil. On ne marche pas sur les platebandes des entreprises dont le métier est de créer de la valeur ajoutée sur les logiciels libres en question. Les huit prestataires qui sont affichés ici sont des prestataires que nos collectivités peuvent contacter pour avoir un support de hot-line, avoir de l’accompagnement, comment est-ce que je mets mon certificat électronique d’authentification dans la machine, etc., ce n’est pas ADULLACT qui le fait, ce sont les prestataires cités ici, qui ont la main dessus.
Je passe très vite. On a un service de mesure automatique des niveaux d’accessibilité [Asqatasun].
On parlait des conseils municipaux, il ne s’agit plus de contrôle de légalité, il s’agit d’envoyer les projets de délibération aux élus [i-delibRE] et leur permettre d’échanger entre eux, de travailler toujours avec un certain nombre d’entreprises autour pour aider les collectivités à mettre en place sur tablette, sur PC, sur tous les médias possibles et imaginables.
As@lae c’est de l’archivage électronique qu’on offre également à nos membres.
Une plateforme marchés publics [Web-marché] qu’on met également à disposition de nos membres.
DirectMairie, j’en ai parlé tout à l’heure.</p]
Ma ville en poche : il y a un trou dans la route, j’ai un tag sur la porte, que sais-je, je déclare ça à ma mairie en trois clics. Il y a une photo géolocalisée et hop !, je clique, ça arrive directement dans le bon service à la mairie.
Démarche Simplifiées. Bien évidemment je voulais faire un zoom sur celui-ci aussi. Démarchées Simplifiées c’est intéressant parce que ce n’est pas le département du Rhône ou une collectivité qui a développé, c’est la DINUM, donc ce sont les services de l’État qui ont réalisé ce développement-là. Ils avaient commencé par imaginer pouvoir l’ouvrir à tout le monde, mais les collectivités sont très nombreuses, c’est un peu compliqué à gérer. Du coup on nous a contactés, on a une convention qui va en ce sens entre la DINUM et l’ADULLACT pour nous permettre d’opérer, aux côtés de la DINUM, demarches-simplifiees.fr ; on a demarches.adullact.org qui permet aux collectivités de faire la même chose, c’est exactement le même logiciel, on a pris le logiciel libre en question. Ce qui est intéressant c’est que depuis maintenant deux ans on travaille main dans la main avec la DINUM pour faire évoluer ce logiciel-là, collaborativement avec la DINUM. Autrement dit, toutes les évolutions qu’on a réalisées sur des marchés pour les collectivités sont intégrées sur le github de la DINUM. Autrement dit vous récupérez le logiciel libre Démarches Simplifiées de la DINUM, vous allez récupérer aussi les nouveaux codes sources issus de l’ADULLACT, financés par l’ADULLACT, pour le bien-être des collectivités.
Un exemple : un pays particulier a été implémenté par nous et ça aide bien les collectivités qui peuvent récupérer les informations.
FranceConnect multi-jetons alors que l’État n’en a qu’un, vous, en tant que collectivité, vous avez besoin pour FranceConnect d’autant de jetons que de services que vous offrez. On a implémenté FranceConnect multi-jetons dans Démarches Simplifiées.
On est en train d’implémenter la notion de gestion de groupe. Vous êtes un mutualisant, un EPCI [Établissement public de coopération intercommunale] avec ses 30 communes, qui doit gérer ses démarches séparément, mais avec un chef de file. Le chef de file va être l’EPCI qui va piloter ses 30 communes qui feront les formulaires dont elles ont besoin, chacun dans sa commune, mais avec une interaction directe avec l’informaticien de l’EPCI et les 30 communes qui n’ont peut-être d’informaticien, sans avoir à obliger l’intervention de l’ADULLACT en tant que super admin de la plateforme. Vous aurez compris l’intérêt de la chose.
Là encore des prestataires sont là pour aider, accompagner, former, les collectivités qui le souhaitent à l’utilisation de Démarches Simplifiées si elles le peuvent. C’est un exemple très intéressant.
Encore une fois je m’annonçais en tant qu’animateur de communautés. Aujourd’hui j’ose dire qu’on apporte réellement une plus-value au logiciel libre Démarches Simplifiées en permettant à des collectivités d’exprimer leurs besoins de collectivité, qui n’est pas forcément un besoin pour les services de l’État, et qui vont être intégrés, malgré tout, dans le logiciel libre commun à tout le monde.
Je termine avec Nextcloud, beaucoup plus de prestataires, bien évidemment.
Petit résumé avec toute la galaxie de ADULLACT pour reprendre ce terme-là.
Merci de votre attention.
Partie 2 - Questions/Réponses
Les collectivités, de même que tout autre organisme public, doivent assurer la maîtrise, l’indépendance et la pérennité de leurs systèmes d’information : recourir à des logiciels libres peut y contribuer. Comment acheter des prestations autour de logiciels libres ? Pourquoi et comment publier les codes sources qu’une collectivité développe ou fait développer ? Où trouver de l’aide sur ces sujets ?
Pascal Kuczynski : Y a-t-il des questions ? Je crois avoir vu passer quelque chose.
Steeve Williams : Merci beaucoup à Pascal pour ton intervention.
Des questions, Romain M., conseiller municipal d’une petite commune rurale en Meurthe-et-Moselle : « Sans compétence en interne, la commune, comme beaucoup d’autres, est conseillée par l’Association départementale des maires. Cette association propose des outils métiers non libres. Son rôle ne devrait-il pas être de promouvoir des solutions libres conformément aux directives gouvernementales prises depuis 2012 ? »
Pascal Kuczynski : Je vais laisser Bastien répondre sur la partie « directives gouvernementales », je vais répondre simplement sur la partie faisabilité. L’Association des maires pourrait très bien venir nous voir, adhérer à l’association de manière mutualisée, ce qui est très simple à réaliser, et tous les services qu’on vient de voir, qu’on a passés en revue très rapidement, seraient à disposition de l’ensemble des communes du département. On a ça par exemple avec l’ADM [Association départementale des maires] 74, avec l’ADM 38, avec le CDG59 [Centre de gestion de la fonction publique territoriale], avec le 56. Bref ! Je ne vais pas tous les citer, mais c’est quelque chose de très courant et de très facile à réaliser.
Bastien, tu veux ajouter un mot sur la directive gouvernementale ?
Bastien Guerry : Il n’y a pas de directive gouvernementale, il y a une circulaire de 2012, la circulaire Ayrault, qui mobilise les administrations, surtout les administrations centrales. Il y a un article de loi, l’article 16 de la loi pour une République numérique, qui encourage les administrations à utiliser du logiciel libre. C’est un encouragement aux administrations, donc c’est aux administrations de rappeler à ces associations qu’elles ont besoin d’une expertise qui touche d’abord le logiciel libre. Il faut sensibiliser, il faut continuer d’expliquer à ces associations pourquoi c’est important en termes de souveraineté, en termes d’économie, en termes d’indépendance des systèmes. Ensuite, pour avoir un point de vue réaliste, il faut le faire dans la mesure où il y a la possibilité de tirer vraiment partie de toutes ces promesses. Il ne faut pas faire du Libre simplement les yeux fermés, il ne faut pas demander à ces associations de référencer, de recommander des logiciels libres les yeux fermés, mais en s’appuyant sur les réseaux à disposition, dont l’ADULLACT et les réseaux déjà acteurs dans l’administration, qui peuvent témoigner de l’intérêt de telle ou telle solution. Il faut que ces acteurs remontent cet intérêt auprès des associations départementales et même nationales, des maires de France.
Il y a aussi les groupements d’achats ou les opérateurs de services numériques à qui vous devez vraiment refaire passer le message, que ce soit l’association Déclic [20], vous avez besoin d’accompagnement sur le logiciel libre. OK pour tout ce qui vous est proposé, mais vous souhaitez du logiciel libre pour garder la maîtrise, l’indépendance, la pérennité de vos systèmes d’information ou tout simplement par engagement et vous avez besoin d’une forte visibilité des entreprises dans les solutions libres.
Pascal Kuczynski : Je vois une autre question d’Olivier : « Existe-t-il une alternative libre à tous les logiciels métiers des collectivités ? »
Bien évidemment non. Je serais bien incapable de donner des chiffres ou un pourcentage.
On estime qu’une collectivité, une mairie, a environ 200 métiers différents à traiter, je le disais tout à l’heure, du cimetière aux élections en passant par ci ou par ça, l’affichage publicitaire ou que sais-je. Il en existe un certain nombre, Bastien avait cité la suite openMairie [21] tout à l’heure, issue de la mairie d’Arles. C’est effectivement très intéressant de regarder de ce côté-là. Ne pas y aller les yeux fermés, il y a des prestataires sur des outils pour vous accompagner. Le Comptoir du Libre qui référence environ 400 solutions de ce type-là est une aide, en tout cas c’est une première approche pour vous qui cherchez des logiciels libres dans les métiers des collectivités, pour débroussailler le terrain, pour voir ce qui est faisable. Encore une fois interrogez les collègues d’autres collectivités sur la façon dont ces outils sont utilisés, utilisables et effectivement, finalement, trouver des entreprises, récupérer des entreprises et travailler avec elles si besoin.
Lionel pose la question sur l’Éducation nationale. Il faut avouer que, depuis quelques années, l’Éducation nationale a introduit quelques logiciels, je citerais LibreOffice par exemple, on commence quand même à trouver pas mal de logiciels libres de ce type-là dans les écoles, mais ça peut sûrement continuer.
Bastien Guerry : Là-dessus il y a un autre enjeu. Mentionnons quand même au passage que Alexis Kauffmann, fondateur de Framasoft [22], a rejoint récemment la Direction du numérique éducatif sur le sujet des ressources éducatives libres, ressources qui comprennent les logiciels aussi bien que les ressources pédagogiques. Une Journée du Libre Éducatif [23] a été organisée à Lyon la semaine dernière qui a mobilisé plus de 300 enseignants, où les uns et les autres ont pu montrer ce qu’ils faisaient. Il y a vraiment l’envie de valoriser ce que font les enseignants, de les soutenir, d’avoir un message clair sur les usages du logiciel libre.
On a aussi l’enjeu dans le supérieur pour la formation. Il nous faut plus de formations professionnalisantes liées au logiciel libre. Il faut faire rentrer plus fort les compétences de toute la stack logiciel libre et open source dans les formations d’ingénieur et dans les compétences dont on a besoin, c’est un sujet pour les entreprises comme pour l’administration. Ce sont des questions qu’on souhaite ouvrir. Il faut évidemment faire de l’acculturation à tous les niveaux, au niveau des enfants dès le primaire, mais il ne faut pas oublier ces enjeux stratégiques qu’on a au-delà, dans le supérieur ; je sais que ce n’est pas le sujet direct des collectivités.
Je le mentionne parce qu’il me semble, Pascal, que tu ne l’as pas mentionné, la forge souveraine de l’ADULLACT fait l’objet d’un partenariat entre la DINUM et l’ADULLACT. Quand les administrations centrales nous posent la question, à nous DINUM, de l’hébergement de leurs sources, nous renvoyons vers l’association ADULLACT, en disant « si vous voulez héberger sur une forge souveraine, elle-même hébergée en France, vous aurez un accompagnement d’un acteur français, tournez-vous vers l’ADULLACT » et on a, pour ça, une convention qui lie l’ADULLACT à la DINUM.
Pascal Kuczynski : Tout à fait. Merci Bastien.
Steeve Williams : J’ai une question de Jean-Sébastien : « Un logiciel libre équivalent du reCAPTCHA est-il envisagé au sein de l’ADULLACT ou de la DINUM ? »
Bastien Guerry : C’est une excellente question et c’est, j’allais dire, un serpent de mer. Nous avions, il y a deux ans, exactement à la même époque, à Etalab, ouvert un dépôt qui s’appelle Tchatcha [24]. C’est un reCAPTCHA libre, orienté accessibilité, qui, de façon intéressante, a été développé par une société qui s’appelle ARTIFICA, qui l’avait elle-même développé pour une collectivité, une mairie, qui souhaitait simplement avoir un reCAPTCHA accessible. La version que vous avez sous les yeux est un logiciel libre, la licence est une licence Apache entièrement libre, seulement ce système n’est adapté que pour le CMS TYPO3. Il est adaptable pour d’autres CMS comme Drupal, Wordpress et autres, mais ce n’est pas une solution générique de reCAPTCHA pour toute l’administration. Le sujet revient régulièrement. Ce n’est pas notre mission, en tant que Pôle logiciels libres, de développer à la volée toutes ces solutions dont aurait largement besoin l’administration, mais c’est clairement un enjeu de souveraineté. On commence un peu de la même façon qu’on a lancé des actions pour se séparer de Google Analytics qui est interdit pas la CNIL, qui est malheureusement encore utilisé de façon résiduelle. Je pense qu’en termes de souveraineté de l’usage des données, de propriété du code et de l’indépendance, un chantier serait aujourd’hui à ouvrir sur les reCAPTCHA.
Si vous avez des pistes, au-delà de la petite brique qu’on propose et qu’on a ouverte, n’hésitez pas à les remonter en termes de besoins de mutualisation d’acteurs. Vous allez me répondre que c’est à la DINUM de faire les choses par le haut et d’organiser cette mutualisation. Nous souhaiterions le faire, pour l’instant ça ne rentre pas directement dans nos missions. Au pôle Logiciels Libres nous sommes trois, nous développons beaucoup de choses, nous n’arriverons pas à prendre en main un sujet stratégique comme celui-ci tout de suite.
Steeve Williams : J’ai une question de Catherine. Elle veut la liste exhaustive des logiciels métiers en se connectant à la suite Pastell, parapheur, TdT, As@LAE...
Pascal Kuczynski : Si on ne me l’avait pas dit j’aurais deviné que la question venait du SITIV ! En fait, vous connaissez la liste exhaustive, c’est Libriciel [25], l’entreprise éditrice de Pastell, qui pourra vous répondre, mais, finalement, ce n’est pas intéressant. Ce qui est intéressant dans cette histoire c’est le fait de comprendre, de prendre en compte le fait que chacun puisse développer ses propres connecteurs vers les outils dont il a besoin. On l’a vécu il y a un certain temps par exemple avec le SIB, le Syndicat interhospitalier de Bretagne, qui se posait ce genre de question, qui s’est finalement remonté les manches avec certains développeurs et qui développe ses propres connecteurs sur ses propres instances Pastell. Il y a aujourd’hui un studio Pastell qui vous permet de faire ça. Vous pouvez développer et maintenir, voire organiser la maintenance collaborative — si vous voulez on peut vous accompagner sur le sujet — pour faire en sorte que ces outils puissent servir aux uns et aux autres. Je crois que Gironde numérique a fait aussi un travail de ce type-là du côté de la validation électronique par SMS par exemple, tout ça en lien avec Pastell et ça fonctionne. Ils le maintiennent et ils le mettent à disposition de chacun aujourd’hui, c’est du logiciel libre.
La vraie réponse à cette question est dans le fait qu’on puisse le faire soi-même et Pastell permet ça.
Steeve Williams : Merci Pascal. Guillaume a confirmé le besoin de formation et d’accompagnement sur le sujet : « Le Libre, dans les collectivités territoriales, est souvent porté par un ou deux agents qui sont parfois sur le départ. »
On a une question de Vincent : « Vous parliez de parapheur dans l’une des diapositives. Il y a quelques années une signature sur OS libre était impossible, qu’en est-il aujourd’hui ? Savez-vous si cela évoluera dans les années à venir. »
Pascal Kuczynski : Je reviens sur la première question du SIDEC du Jura. Souvent, effectivement, si on est dans les sous-sols informatiques de la collectivité on va trouver des techniciens, et là on va plutôt avoir à faire à des logiciels techniques, le mail, que sais-je, ces outils-là. Si je me projette dans les outils métiers, donc ce sont les agent des services métiers qui vont être peut-être concernées par le logiciel, et là il n’y a pas de secret. C’est pour ça que dans le Comptoir du Libre, dont je parlais tout à l’heure, on a ajouté cette composante : trouver l’entreprise dont j’ai besoin pour m’accompagner. On retrouvera là, effectivement, le modèle classique qu’on connaît depuis des années avec n’importe quel logiciel : j’ai besoin de formation, j’ai besoin d’accompagnement et je trouve ça sur le Comptoir du Libre.
Je n’ai pas dit que c’est exhaustif, on peut toujours faire mieux. Et c’est là où on a besoin de vous, les collectivités. Inscrivez-vous sur le Comptoir, déposez-y les logiciels libres que vous utilisez. On passe notre temps à solliciter les entreprises pour leur dire de venir inscrire leurs compétences dessus et la boucle est bouclée. On évolue comme ça, main dans la main, les uns avec les autres, pour faire avancer le Schmilblick.
Le parapheur électronique dont je parlais fonctionne sous Linux exclusivement, je parle du côté serveur. Maintenant il me semble qu’il y a possibilité de signer à partir d’un GNU/Linux, je ne crois pas que ce soit impossible.
Steeve Williams : Merci. On a une question de Jérôme : « Bonjour, j’observe une importante campagne de communication autour de Démarches Simplifiées, sauf que pour les collectivités de taille conséquente cette solution n’est pas adaptée pour s’interfacer à un OS libre, aussi une majorité se tourne vers Publik [logiciel libre édité par Entr’ouvert, NdT] qui répond à la plupart des besoins. Quelle est la roadmap de Démarches Simplifiées ? Quelle vision à long terme ? Merci. »
Pascal Kuczynski : Je vais répondre Bastien, si tu permets. L’idée de Démarches Simplifiées, vous l’avez compris, c’est une plateforme, la nôtre est nationale, on s’adresse à toutes les collectivités, celles qui voudraient l’utiliser peuvent le faire, bien évidemment. Maintenant on a aussi des contacts avec des éditeurs. Les premiers éditeurs à nous avoir contactés pour créer des liens avec Démarches Simplifiées sont les éditeurs d’outils sous licence libre, bien sûr, de gestion de courrier. Il faut savoir que Démarches Simplifiées s’appelle Simplifiées parce que c’est simple à utiliser, parce que, entre autres, il n’y a pas de circuit, alors que la plus-value des logiciels de courrier c’est justement d’organiser un circuit selon le métier concerné : si c’est tel type de courrier, je vais m’orienter vers telle liste de bureau, si c’est tel autre métier j’aurais une autre liste de bureau et mon courrier va circuler dans ce genre de circuit. D’ailleurs pareil pour le parapheur électronique.
Il est là l’intérêt. Ces éditeurs, en l’occurrence c’est Maarch et Libriciel avec le logiciel Maarch-Courrier, le logiciel webGFC chez Libriciel, tous les deux logiciels libres, savent se connecter avec Démarches Simplifiées. Autrement dit votre citoyen, c’est un exemple, s’inscrit à la bibliothèque, clique, remplit son formulaire, clique sur « envoyer ». Le logiciel de courrier dans la collectivité récupère le formulaire rempli, le fait circuler dans les différents services pour accepter cette inscription à la bibliothèque municipale. Une fois que ça a été validé par le logiciel de courriel, le statut de validation va remonter dans Démarches Simplifiées et la chose sera validée. Le citoyen qui a voulu s’inscrire aura un résultat positif, ou négatif, qui viendra du logiciel de courrier qui a fait son travail.
Ce n’est pas parce que ma plateforme est nationale que je ne peux pas m’interfacer. C’est le premier niveau de réponse. Techniquement on peut le faire, ça marche et il y a déjà des cas qui fonctionnent comme ça.
Deuxième niveau de réponse. On a aussi, et c’est une des actions réalisées par l’ADULLACT toujours en collaboration avec la DINUM, le fait d’autoriser et de permettre la duplication du logiciel libre Démarches Simplifiées. Je vais le dire autrement. Nous, ADULLACT, avons essuyé les plâtres de « je prends le logiciel libre Démarches Simplifiées, je l’installe sur mes serveurs et je le mets en production ». Ça n’a pas été simple, il a fallu nettoyer deux/trois trucs pour que ça fonctionne. Aujourd’hui ce travail de nettoyage est fait, je peux citer le GIP [Groupement d’intérêt public] Territoire numérique Bourgogne-Franche Comté, je peux citer Gironde numérique, je peux le CDG du Nord, etc. Il y a déjà un certain nombre de structures mutualisantes de ce type-là qui ont décidé de prendre, sur le modèle de l’ADULLACT, le même code source, « labellisé par nous », entre guillemets, de l’installer sur leurs propres serveurs et ça fonctionne dans un contexte de collectivités. Et là, vous aurez tout loisir de réaliser les connexions que vous voulez avec des outils divers et variés. J’ai cité le courrier ou le parapheur électronique, mais libre à vous de réaliser une fois que vous êtes chez vous.
On a eu l’exemple avec un département qui, toujours dans le social, a besoin d’hébergement compatible santé. Le département a des hébergements compatibles santé labellisés HDS [Hébergement de données de santé], le label santé pour l’hébergement. Je ne suis pas et je ne serai sans doute pas labellisé HDS de sitôt, mais le département dont c’est le métier, lui a des salles blanches homologuées HDS et il va pouvoir installer Démarches Simplifiées. Ça ne se fait pas en claquant des doigts, ça demande un petit peu de réflexion, un petit peu de travail, mais on a fait le travail, encore une fois on a débroussaillé le terrain, ça reste un vrai travail, mais on a des accompagnants, on a des entreprises qui savent. Le gros du travail a été fait, c’est à portée de n’importe quelle structure digne de ce nom. En tout cas une structure capable d’installer Publik est capable d’installer Démarches Simplifiées. Pour installer Publik c’est Entr’Ouvert qui fait le travail.
Encore une fois, c’est le troisième volet de ma réponse, je ne voudrais pas que Démarches Simplifiées devienne le concurrent de Publik [26]. Publik a une ampleur fonctionnelle bien plus importante que Démarches Simplifiées, qui comme son nom l’indique reste simplifiées. C’est assez important d’entendre les limites de Démarches Simplifiées par rapport à Publik. Je n’ai pas lu le document de Entr’Ouvert sur la comparaison, mais j’imagine très bien la différence. On ne joue pas dans la même cour.
Encore une fois, si vous avez les moyens d’utiliser en termes de formation, d’accompagnement, Publik, vous avez les moyens d’avoir votre propre Démarches Simplifiées. Ça ne veut pas dire que vous n’aurez pas besoin de Publik au demeurant.
Présentateur : Merci beaucoup Pascal pour ces réponses. Je vois que le temps file. S’il n’y a pas d’autres questions, je vous propose de clôturer.
Merci beaucoup à Bastien, merci beaucoup à Pascal pour vos présentations et vos éclairages. Le support de présentation vous sera transmis après cette séance et vous permettra de contacter les intervenants si besoin. Je souhaite à tous une belle fin de journée. Merci beaucoup pour votre participation.
Pascal Kuczynski : Merci.
Bastien Guerry : Merci.