Vikidia, l’encyclopédie libre pour enfants

Delphine Sabattier :

Nous voilà de retour sur le plateau de Smart Tech, l’émission quotidienne sur l’innovation, le monde du numérique, que vous regardez sur B-Smart, en replay ou en podcast, comme vous voulez. Sont restés avec moi aujourd’hui pour cette deuxième partie de l’émission Véronique Saubot, directrice générale de Simplon, Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique et Alain Staron, président cofondateur d’Artifeel.

Pour notre interview, que j’appelle l’interview week-end parce que, finalement, il faut prendre un peu le temps de la découverte et, parfois, c’est surtout le week-end qu’on a le temps de découvrir les choses, j’ai convié Mathilde Louis. Bonjour Mathilde.

Mathilde Louis : Bonjour.

Delphine Sabattier : Vous êtes chargée de projet chez Wikimédia France, donc chargée du partenariat avec Vikidia. Vikidia [1] est une encyclopédie pour les 8-13 ans à laquelle chacun peut contribuer mais, en fait les contributeurs sont les 8-13 ans.

Mathilde Louis : Aussi, oui. C’est ce qu’a révélé un rapport qui a été réalisé aux côtés de Datactivist [2] et diffusé.

Delphine Sabattier : En fait, vous avez mené cet été une enquête [3] pour connaître un peu les utilisateurs et les contributeurs de Vikidia. Vous avez obtenu les résultats, ça vous a permis d’y voir un peu plus clair sur qui passe son temps à produire du contenu sur Vikidia, donc ce sont beaucoup de 8-13 ans.

Mathilde Louis : C’est une enquête de l’été 2021. On a récolté 799 réponses auprès de la communauté vikidienne. Ce qui a été révélé c’est que le contributeur moyen sur Vikidia est un garçon âgé de 8 à 13 ans, qui est au collège, qui contribue sur son temps libre, qui a contribué une à deux fois ou qui contribue un petit peu plus régulièrement selon la responsabilité qu’il va endosser sur l’encyclopédie.

Delphine Sabattier : Quand on dit qu’il contribue, c’est comme sur Wikipédia classique, c’est-à-dire qu’il poste des contenus, mais il peut aussi être modérateur ?

Mathilde Louis : C’est ça. On peut avoir différentes sortes de responsabilités, administrateur, patrouilleur, comme sur Wikipédia. Une personne qui va être responsable du contenu de différents articles va veiller pour s’assurer du critère d’admissibilité d’un article, si un sujet a sa place ou pas sur l’encyclopédie.

Delphine Sabattier : Comment peuvent-ils, tout seuls j’allais dire, participer à l’élaboration de cette encyclopédie qui est, vous nous dites, produite finalement par les enfants mais qui est aussi destinée aux enfants ? Comment s’assurer que les informations sont fiables, correctes ?

Mathilde Louis :

De la même façon que Wikipédia, Vikidia est régie sur des principes fondateurs qui sont notamment l’encyclopédisme et la neutralité.
Encyclopédisme ça veut dire que c’est une agrégation d’informations qui sont sourcées, qui respectent des critères de fiabilité, donc des sources qu’on peut trouver sur Internet ou sur des ressources matérielles. À la différence de Wikipédia ce sera un petit peu plus souple, puisqu’on va demander à des enfants, en tout cas aux enfants qui prennent la responsabilité d’aller contribuer, un petit peu moins de rigueur, de la rigueur quand même, puisque le but, surtout pour un intérêt pédagogique, va être aussi de comprendre ce qu’est une source fiable.
De l’autre côté la neutralité des points de vue, comme sur Wikipédia, va être de montrer une diversité de points de vue pour qu’il n’y ait pas de parti pris sur les articles.

Delphine Sabattier : J’ai parlé d’un partenariat entre Vikidia et Wikipédia. Quel est le lien ? Comment ces deux communautés travaillent-elles ensemble ?

Mathilde Louis : Chez Wikimédia France on s’était dit, à la base, que les Vikidiens seraient potentiellement de futurs Wikipédiens, ce qui est intéressant.

Delphine Sabattier : En fait vous recrutez ! C’est la mission cachée.

[Rires]

Mathilde Louis : Et vice-versa. On a aussi des Wikipédiens, qui sont sur Wikipédia depuis des années, qui se rendent compte que sur Vikidia il n’y a seulement, pour l’instant sur la version française, que 36 000 articles, par rapport à la version française de Wikipédia, je ne voudrais pas dire de bêtise, sur laquelle on compte plutôt des millions d’articles. Donc ça donne vraiment un champ libre en termes de sujets à traiter, sachant que sur Vikidia l’intérêt va être aussi de vulgariser, de synthétiser les contenus ; c’est s’adresser à un public plus jeune, donc c’est aussi un rapport différent à l’information.

Delphine Sabattier : Les enseignants s’emparent-ils également de l’outil ?

Mathilde Louis : Exactement. C’est aussi une des missions que je porte au sein de Wikimédia France, promouvoir l’utilisation de Vikidia comme un outil pédagogique.

Delphine Sabattier : De quelle manière ? Comment peuvent-ils l’utiliser ?

Mathilde Louis : La façon la plus simple c’est de proposer à leurs élèves de contribuer sur Vikidia soit en créant soit en modifiant des articles, en les améliorant.

Delphine Sabattier : Ça peut êtes un exercice en classe en fait.

Mathilde Louis : C’est ça. Dans le cadre de mon mémoire, j’avais commencé en alternance chez Wikimédia France, j’ai suivi une classe dans un petit collège des Ardennes, en fait un professeur documentaliste, la personne qui est notamment responsable de l’éducation aux médias et à l’information. L’enseignant propose aux élèves de choisir un sujet et d’aller contribuer sur ce sujet, tout simplement en se posant soit avec les ressources documentaires du CDI soit avec les ressources qu’on peut trouver sur Internet. À la base c’est prendre un brouillon, écrire à la main pour ensuite venir taper sur le wiki qui fonctionne comme un média wiki, comme Wikipédia et tous les autres projets, avec un wikicode [4], ce qui donne, en plus, des compétences numériques, apprendre à coder petit à petit.

Delphine Sabattier : C’est super qu’on ait Véronique Saubot avec nous en plateau, je pense justement au Simplon Kids [5], les ateliers pour les plus jeunes, ça pourrait êtes un outil extraordinaire !

Véronique Saubot : Il faudrait peut-être qu’on réfléchisse à un partenariat, tout à fait, pourquoi pas, faire des ateliers autour de ça, une formation autour de ça.

Delphine Sabattier : Parce que c’est vraiment déjà une façon de participer aux savoirs collectifs, aux communs numériques auxquels, Bernard, vous êtes également sensible, et, en même temps, apprendre à faire un usage assez critique et responsable de ce numérique.

Mathilde Louis : Exact. Le but, derrière, c’est l’esprit critique, vraiment se poser la question de la fiabilité des sources avant tout, pour ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu’on trouve sur Internet ou, pour reprendre l’expression du professeur documentaliste que j’ai suivi, « leur apprendre à pécher dans un océan d’informations ». Sur internet c’est beaucoup de désinformation, les adolescents, et finalement aussi les adultes, s’informent de plus en plus sur les réseaux sociaux et sur Internet sans vraiment...

Delphine Sabattier : Et ça ne se dispute pas trop entre 8 et 13 ans sur les contenus de certaines pages ?

Mathilde Louis : À priori moins que chez les adultes !

Delphine Sabattier : Merci beaucoup Mathilde Louis pour cette découverte à découvrir ce week-end et plus largement peut-être dans les écoles. Mathilde Louis chargée de projet chez Wikimédia France et chargée du partenariat avec Vikidia.