Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Les collectivités et le logiciel libre avec l’association Adullact, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Laurent et lorette Costy intitulée « Internet, un commun » et, en fin d’émission, la chronique de Luk sur le catalogue de la Direction interministérielle du numérique.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.
Nous sommes mardi 26 mai 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui Adrien Bourmault. Bonjour Adrien.
Adrien Bourmault : Salut.
Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
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Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy intitulée « Internet, un commun »
Frédéric Couchet : Comprendre Internet et ses techniques pour mieux l’utiliser, en particulier avec des logiciels libres et services respectueux des utilisatrices et utilisateurs, pour leur bien-être en particulier et celui de la société en général, c’est la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent Costy administrateur de l’April et de sa fille Lorette.
Le thème de la chronique du jour, qui a été enregistrée il y a quelques jours : « Internet, un commun ».
Nous allons écouter la chronique et on se retrouve juste après.
[Virgule sonore]
Lorette Costy : Allô papa ? J’ai une contraction !
Laurent Costy : Respire ma fille ! Courage !
Lorette Costy : Mais non ! Je veux dire que j’ai compris d’où venait le mot Internet : c’est la contraction d’Interconnected network.
Laurent Costy : Je me sens plus décontracté soudain ! Et à ce sujet, parce que tu ne me le demandes pas, c’est l’occasion de faire la distinction entre Internet et Web justement.
Alors que l’Internet c’est l’infrastructure matérielle, les protocoles et les logiciels qui régissent la circulation des données, le Web est sa principale application avec tous les outils qui permettent la publication de documents sous de nombreuses formes : les sons, les images ou plus simplement du texte.
Lorette Costy : Comme les réseaux sociaux, les wikis ou les outils qui permettent de faire un site internet entre autres !
Laurent Costy : « Easter Egg Zactement » !
Lorette Costy : Et même si le mot Web est très contracté, alors que, dans les faits, il est en constante expansion, il est une ellipse de World Wide Web, composé de world, wide et de web !
Laurent Costy : Attends, attends, laisse-moi essayer de traduire. Web, c’est la toile ou le réseau, en anglais, et world wild, c’est le monde sauvage, ce qui traduit bien ce qui se passe souvent sur les réseaux sociaux, non ?
Lorette Costy : Presque papa, tu confonds wild et wide dans world wide qui veut dire plutôt mondial. Toile ou réseau mondial en somme.
Laurent Costy : Mouais ! Dans mon oreille vieillissante « wouaïde » et « wouaïde », c’est pareil, mais cette toile mondiale est belle une image ! Et les nœuds d’informations sont reliés par les fils de la toile : les hyperliens !
Lorette Costy : Comme cet hyperlien qui nous unit mon Papounet ! J’espère qu’un mouchard-moucheron ne va pas venir se coller entre nous !
Laurent Costy : C’est ce qui s’appelle filer la métaphore Spider Woman ! Effectivement, cette toile est à tout le monde et il n’y a pas de grand chef de l’Internet. Comme tout bien commun, il attise à la fois la convoitise, confine à la bêtise, mais concentre aussi de l’expertise et conscientise !
Lorette Costy : Oh yes, it is ! Je sens que tu vas encore me raconter la tragédie des communs, comme quand j’étais petite alors que j’attendais juste l’histoire des Dix petites coccinelles.
Laurent Costy : Tu as deviné ma chérie. Du coup, je te rendrai ton argent de poche que j’avais fièrement gagné en t’aidant à configurer ton ordinateur la dernière fois !
Lorette Costy : Merci !
Laurent Costy : Je ne peux pas faire autrement que raconter ça car Internet est un commun à l’échelle planétaire et il est important d’avoir en tête l’expérience acquise sur la gestion des communs.
Lorette Costy : Ta spider Woman à toi c’est donc Elinor Ostrom ! Allez, raconte !
Laurent Costy : C’est juste. Elle était convaincue que tisser des liens entre les gens est une voie incontournable pour qu’ils construisent ensemble des règles et que les ressources communes puissent durer dans le temps.
Mais avant de parler de cette grande dame qui a obtenu le prix Nobel d’économie en 2008 pour ses travaux sur les communs, parlons de Garett Hardin et de La tragédie des communs.
Lorette Costy : Vas-y, je t’écoute !
Laurent Costy, en chantant : Le petit Chaperon rouge trottinait dans les grands bois.
Quand soudain une ombre louche, un grand loup à l’œil sournois.
Lorette Costy : Ah ouais ! Sauf que ça c’est ce que te chantait ta grand-mère. Et le grand loup à l’œil sournois ne pouvait vraiment pas être Facebook ou Google à l’époque !
Lorette Costy : Exact ! Et c’est en 1968, quand elle avait 40 ans, que l’article de Garett Hardin a été publié dans Science. En anglais, c’était The Tragedy of the Commons, La tragédie des communs.
Lorette Costy : Mais que racontait donc le texte de cet écologue et pourquoi son contenu a-t-il traversé les années ?
Laurent Costy : D’abord, je vais essayer de retranscrire en quelques mots ce que posait ce texte. Il convient de prendre ce qui va suivre avec des pincettes puisque synthétiser un contexte et une pensée reste un exercice approximatif !
Lorette Costy : OK. Je vais t’aider. Il s’agissait, si je me souviens bien, de voir comment allait évoluer une ressource naturelle partagée. Garett Hardin avait pris l’exemple d’un pré communal où chaque habitant du village avait le droit de venir, librement et gratuitement, comme bon lui semblait, faire paître ses moutons.
Laurent Costy : Béé ! C’est exactement ça ! C’est vrai que racontée tous les soirs depuis ta naissance, tu n’aurais aucune excuse de ne pas t’en souvenir. Et sa démonstration de pensée positionnait les différents fermiers utilisateurs du pré en compétition pour s’accaparer le maximum de la ressource libre et gratuite disponible.
Lorette Costy : Et la conclusion était qu’un bien commun finissait toujours par être détruit à cause de cette compétition et de la surexploitation de la ressource limitée et finie !
Laurent Costy : Oui. Et ce texte qui, dans la pensée d’Hardin, préconisait une gestion privée ou étatique, a servi les tenants de la propriété à asseoir et asséner que cette voie était la seule et unique si on voulait préserver la ressource. Dans un contexte de guerre froide, c’était sans doute aussi un argument de plus contre les communistes aux États-Unis !
Lorette Costy : Rappelle-moi les limitations de ce texte parce qu’en général, à l’époque, quand tu me racontais l’histoire, j’étais endormie environ à l’évocation du 2ᵉ mouton !
Laurent Costy : D’abord, il ne s’agit pas d’une démonstration scientifique mais bien d’un exercice de pensée. Sans doute sincère dans ce qu’il écrivait, il subissait inconsciemment le contexte idéologique de l’époque. Ensuite, c’est une approche économique qui oublie la dimension humaine et la capacité à s’organiser, poser des règles.
Lorette Costy : C’est ce qu’a montré Elinor Ostrom et toutes les autres recherches sur les communs : le bien commun n’est pas qu’un bien, car il intègre aussi des acteurs, des relations et des logiques de gestion.
Laurent Costy : Oui, et c’est d’ailleurs pour cette raison que les personnes qui se sont penchées sur ces questions préfèrent éluder le terme « bien » pour ne garder que le substantif « commun ».
Lorette Costy : D’autant qu’un bien reste souvent, dans l’inconscient collectif, quelque chose de matériel alors que sur Internet, on évolue souvent dans le domaine de l’immatériel.
Laurent Costy : Effectivement. Il convient aussi de considérer les biens matériels – un vélo par exemple – et les biens immatériels comme les œuvres de l’esprit que sont les musiques, les images ou les vidéos. La « consommation », entre guillemets, de biens, dans ces deux catégories, n’a pas du tout la même conséquence malgré ce qu’on veut parfois nous faire croire !
Lorette Costy : Oui, grâce à la vidéo de Nina Paley, j’avais parfaitement compris ça. Attends je la cherche. En français, ça donnait un truc comme ça !
[Dessin animé Copier n’est pas voler, Nina Paley]
Laurent Costy : Bravo ma puce et merci à Nina Paley d’avoir publié cela en Creative Commons By SA, citation de l’autrice et partage à l’identique ! Ça permet de bien comprendre que, au nom du sacro-saint business et du pognon, certains se sont sentis obligés de tenter de recréer de la rareté sur Internet alors qu’intrinsèquement, l’immatériel c’est la multiplicité ! Cette recréation de la rareté est artificielle selon moi. Ça ne fait que dissiper de l’énergie pour pas grand-chose dans la plupart des cas. Un jour, je t’expliquerai les NFT, les Non-Fongible Token.
Lorette Costy : Ah oui !, ces vieilles images claquées de chaussures qui volent en 3D !
Laurent Costy : Oui, c’est une illustration parfaite d’une volonté de recréer de la rareté.
Lorette Costy : OK mon Papounet, mais là, à l’image de l’entropie qui ne serait qu’une mesure du temps qui ne cesse de croître dans l’univers, on a « fongibilisé » tout le temps de cette chronique ! Il va falloir que l’on se quitte. À mon plus grand regret bien évidemment !
Laurent Costy : Tu as raison ma puce au silicium ! On va conclure en disant qu’il faut bien prendre soin de ce commun qu’est Internet et que nous devons toutes et tous contribuer à préserver ses bons côtés ! En attendant poutous à toi !
Lorette Costy : Poutous Papounet !
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : C’était la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy.
Je précise que Jean-Christophe Becquet, dans sa chronique du 12 février 2019, a parlé longuement du dessin animé Copier n’est pas voler de Nina Paley. Je vous renvoie sur les sites causecommune.fm ou april.org pour retrouver le podcast.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Depuis septembre 2020 Éric Fraudain, du site auboutdufil.com, gérait la programmation musicale de l’émission. Il doit malheureusement arrêter sa participation à l’émission, au moins temporairement, car il doit en effet se concentrer sur d’autres priorités. Un grand merci à lui de la part de toute l’équipe pour son aide dans la programmation musicale ; nous lui souhaitons le meilleur et, bien sûr, un retour bientôt dans l’équipe de Libre à vous !.
J’ai donc fait la programmation musicale de cette émission. Nous allons écouter el Jefe par San Blas Posse. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : el Jefe par San Blas Posse.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter el Jefe par San Blas Posse. C’est un groupe espagnol qui fait de la musique bien dansante. Nous avons dansé, j’espère que vous avez dansé, bientôt nous mettrons ici des caméras, des webcams pour que vous voyiez l’équipe en plein délire. Cette musique est disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Présentation de l’Adullact, Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur la thématique des collectivités et du logiciel libre avec l’association Adullact, Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les administrations et les Collectivités Territoriales, association créée en 2002. Je précise tout de suite le site pour ne pas l’oublier, c’est adullact.org.
Avec nous par téléphone, on va vérifier que tout le monde est là, Pascal Kuczynski, délégué général de l’Adullact. Bonjour Pascal.
Pascal Kuczynski : Bonjour. Il est là.
Frédéric Couchet : Parfait. Béatrice Pradillon, responsable communication de l’Adullact. Bonjour Béatrice.
Béatrice Pradillon : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et Christophe Dubreuil, responsable des infrastructures et des nouveaux projets au GIP reCIA de la région Centre, et qui est membre du conseil d’administration de l’Adullact. Bonjour Christophe.
Christophe Dubreuil : Bonjour.
Frédéric Couchet : Je vais juste préciser que le GIP reCIA est un groupement d’intérêt public qui regroupe différentes entités pour mener des actions de mutualisation de moyens et agir dans la meilleure coordination possible dans le domaine du numérique dans la région Centre. Aujourd’hui on va parler principalement de l’Adullact, peut-être qu’un jour on aura l’occasion de parler plus en détail du GIP reCIA.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Aujourd’hui on a trois invités. Ça va être une émission un peu particulière vu que les invités vont un petit peu se succéder en fonction des sujets. Pascal Kuczynski doit nous quitter vers 16 heures 15. Les personnes habituées à nos émissions, ne soyez pas surprises par ce changement de format.
On va commencer. L’idée de l’émission d’aujourd’hui c’est de mieux faire connaître l’Adullact, association qui, comme je l’ai dit, va fêter ses 20 ans l’an prochain. On va commencer d’abord par Pascal Kuczynski qui est le délégué général de l’Adullact avec une question d’introduction. J’ai dit, en introduction, qu’on allait parler de collectivités et logiciel libre. Avant de présenter l’Adullact j’aurais envie de te demander, Pascal, pourquoi les collectivités territoriales ont finalement intérêt à adopter le logiciel libre ? Évidemment de façon succincte, on ne va pas rentrer dans le détail de chaque raison, mais quelles sont les principales raisons qui feraient que les collectivités doivent adopter le logiciel libre ?
Pascal Kuczynski : Doivent, je ne sais pas, en tout cas on les motive à le faire.
Il y a deux objectifs principaux dans l’ordre.
Le premier c’est la très fameuse mutualisation. On invite les collectivités à mutualiser, la réglementation invite les collectivités à mutualiser, l’État invite les collectivités à mutualiser, elles s’invitent elles-mêmes à mutualiser. Je ne vais les entrer dans le détail, la loi NOTRe [nouvelle organisation territoriale de la République], etc., les regroupements de communes en communautés de communes, les communautés de communes de plus en plus grandes, toute cette notion de mutualisation est effective sur le terrain, c’est vrai, c’est de plus en plus vrai. Il y a cette pression naturelle qui existe et c’est donc vrai aussi du côté logiciel et quoi de mieux que le logiciel libre pour mutualiser ? Je m’explique très rapidement en deux mots. Mutualiser, tout le monde sait faire ! Même pour un logiciel pas libre, même pour acheter un stylo ou une voiture on peut mutualiser. C’est ce que je vais appeler, dans mon discours, la mutualisation en aval, autrement dit on se met à plusieurs pour l’acheter. Plutôt que d’acheter un stylo un euro, on va mettre chacun 20 centimes, on est cinq à avoir participé, et on va se passer le stylo pour pouvoir écrire sur le papier, on a mutualisé l’achat du stylo et son utilisation, aucun problème. Donc ça je peux le faire avec des logiciels propriétaires, non libres. Je peux être à plusieurs à utiliser le logiciel. Très bien.
L’avantage du logiciel libre c’est que je peux mutualiser en amont. Ça veut dire que je vais réunir des collectivités non pas seulement après que le logiciel existe pour l’utiliser, tel le stylo ou la voiture, non, on va se mettre ensemble autour de la table pour concevoir le logiciel et répondre à des besoins qu’on partage. Après tout, il y a 35 000 communes qui partagent la même chose, il y a une centaine de départements qui partagent la même chose, il y a quelques milliers d’EPCI – les EPCI sont les communautés de communes et d’agglomérations dont je parlais tout à l’heure, on est tous dans une communauté de communes ou d’agglomérations au travers de nos villes –, il y a une quinzaine de régions, tous ces gens-là partagent le même métier. Autrement dit, quand je développe un logiciel pour le métier d’une ville, il y a 35 000 communes qui vivent le même métier et je peux le partager et concevoir ce logiciel, ça c’est intéressant. C’est là où le logiciel libre intervient, est le plus efficace pour partager les choses.
Juste un point de repère. Je vais citer un des premiers logiciels libres auxquels l’Adullact a participé en son temps. L’Adullact est née en 2002, tu l’as rappelé Fred. Dès 2003, on a participé, avec la ville d’Arles, au développement, tout le monde sait de quoi il s’agit, d’un logiciel de gestion de cimetières. Il existe un logiciel de gestion de cimetières qui a été conçu entre collectivités, l’une avait un seul cimetière, l’autre avait des cimetières répartis en plusieurs endroits sur la commune, l’un avec ce qui s’appelle des allées, l’autre avec des avenues, bref !, il y a des cas différents qui sont à gérer. Elles se sont mises ensemble, elles se sont mises autour de la table, elles ont fait un truc configurable et elles l’ont fait. Pourquoi l’ont-elles fait ? Parce que, sur le marché, on ne trouvait pas de logiciel non libre – des logiciels qu’on trouve clefs en main chez des éditeurs qui nous vendent ça sur catalogue – qui réponde à tous ces besoins. Ou alors, si je demandais une modification, si je demandais quelque chose de différent, là, d’un seul coup, ça me coûtait une fortune, on alignait les zéros et encore, des fois c’était « non, ça ne nous intéresse pas de le faire ». Donc j’étais pieds et poings liés avec mon fournisseur de logiciels qui faisait la pluie et le beau temps en me disant « ça c’est faisable, ça ce n’est pas faisable ».
Un dernier mot sur cette mutualisation, là je parle d’un très vieux métier, le cimetière, OK. Il y a des métiers beaucoup plus récents, des besoins beaucoup plus récents dans les collectivités, je pense en particulier à tout ce qui est lié à la dématérialisation. Ce sont de nouvelles règles du jeu, ce sont de nouvelles réglementations, ce sont de nouvelles lois qui arrivent sur le terrain, ça développe de nouveaux métiers, donc il faut développer de nouveaux logiciels. Bref !, on va en reparler tout à l’heure.
Deuxième argument en faveur du logiciel libre. Puisqu’on a mutualisé en amont pendant la fabrication du logiciel et en aval, eh bien on arrive aussi à économiser les coûts. Vous notez que je le mets en deuxième position parce que ça n’est pas le critère numéro un, mais on ne peut pas reprocher à une collectivité de vouloir faire des économies de l’argent public. C’est dans nos gènes à l’Adullact : on aide les collectivités à économiser l’argent public, donc nos impôts.
Voilà les principaux critères que je mettrais en avant en faveur du logiciel libre dans les services publics.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc mutualisation et bonne gestion de l’argent public.
Je vais préciser, comme tu as parlé de la ville d’Arles, que nous avons normalement prévu, je pense que ce sera à la rentrée de septembre, de parler notamment d’openMairie avec François Raynaud qui était dans l’équipe à Arles. On va aborder un peu plus en détail ce sujet-là. Effectivement, tu as bien raison d’en parler. Étienne, sur le salon web, me précise qu’ils sont partants sur le principe et qu’ils doivent juste caler une date. Je pense que ce sera à la rentrée de septembre 2021, pour la saison 5.
Tout à l’heure tu parlais des départements et des régions, je vais rappeler à toutes les personnes qu’en juin 2021 il y a les élections régionales et départementales, que c’est l’occasion, évidemment, d’aller solliciter, sensibiliser les candidats et candidates aux enjeux du logiciel libre en leur parlant par exemple de mutualisation et de bonne gestion de l’argent public.
En introduction les raisons pour lesquelles les collectivités peuvent ou doivent adopter le logiciel libre. Je précise aussi qu’on a consacré beaucoup d’émissions sur le sujet avec des retours d’expérience, peut-être que la dernière en date, l’une des plus intéressantes à écouter, je pense que c’est celle avec Claudine Chassagne qui est aussi membre du conseil d’administration de l’Adullact, c’était le 22 septembre 2020.
J’ai dit en introduction que l’Adullact a été créée en 2002, donc bientôt 20 ans. Pourquoi créer une telle association en 2002 ? Avec quels objectifs ? Pascal Kuczynski.
Pascal Kuczynski : À l’époque, en fait, certaines personnes, des élues de collectivités, se sont aperçues un petit peu avant tout le monde de l’intérêt de ce que je viens de décrire, à savoir que nous sommes aujourd’hui pieds et poings liés avec nos éditeurs, avec nos fournisseurs de logiciels, on n’a pas la main sur nos systèmes d’information, il faut qu’on reprenne le contrôle de nos systèmes d’information dans nos mairies, dans nos communes, dans nos départements, etc. Plusieurs élus se sont réunis en disant il faut faire quelque chose. Quoi ? On va créer une association dont c’est le métier de promouvoir le logiciel libre avec une spécificité, et c’est le cas de l’Adullact. Je parlais de cimetières, on voit bien que ça n’intéresse pas tout le monde, ça n’intéresse que, selon la réglementation en vigueur, les 35 000 communes en France. C’est ça notre créneau : des logiciels libres dans les métiers des collectivités.
Comment l’association a-t-elle démarré ? Sur un principe très simple. Les collectivités n’ont pas attendu l’Adullact pour commencer à travailler, l’informatique existait déjà depuis quelques décennies. Dans ces collectivités diverses et variées, à toutes les strates dont on vient de parler, il y avait déjà des développeurs qui avaient déjà développé des logiciels pour répondre à leurs besoins, pour les accompagner, pour les aider. Ces logiciels très particuliers, dans un contexte bien particulier, ne venaient pas d’un prestataire qui fournissait le service sur catalogue, non, c’était tellement particulier, encore une fois comme mon exemple tout à l’heure avec les cimetières, « je laisse de côté, moi éditeur ça ne m’intéresse pas, je ne vais pas gagner assez d’argent sur ce créneau trop étroit, je vous laisse tranquille, je ne réponds pas à ce besoin-là ». Les collectivités se sont relevé les manches et l’ont fait elles-mêmes. C’est constitutionnel, les collectivités ont tout pouvoir pour s’équiper, pour s’organiser, pour répondre à leurs besoins et aux besoins de leurs métiers et de leurs concitoyens.
Donc c’est comme ça que ça a commencé. Ouvrons nos armoires numériques, regardons ce qu’on a fait et partageons en mettant sous licence libre. Là c’est une mutualisation en aval, telle que je la décrivais tout à l’heure, mais il fallait bien commencer par quelque chose. Une fois qu’on a commencé à ouvrir nos armoires, ça a marché, on organisait des groupes de travail autour de tel ou tel besoin et, finalement, on s’aperçoit qu’il n’y en a pas qu’une, il n’y en a pas que deux, il n’y en a pas que dix, il y a des centaines de collectivités qui ont le même besoin, qui vont pouvoir partager avec, deuxième effet et deuxième objectif de l’association, l’effet boule de neige. Une fois que j’ai récupéré le logiciel développé par mon collègue de la collectivité d’à côté, je vais le mettre en place chez moi, je vais travailler avec et puis je vais avoir d’autres idées parce que mes besoins sont peut-être un petit peu différents et je vais rajouter telle fonctionnalité, je vais rajouter telle possibilité. Ces possibilités nouvelles, ces fonctionnalités nouvelles, je vais les partager avec la communauté des collectivités qui sont intéressées par ce métier-là et c’est ça l’effet boule de neige. C’est un peu la pile Wonder qui ne s’use que lorsqu’on s’en sert : à chaque fois je ne consomme, je ne dépense que ce que j’ai ajouté. Autrement dit c’est du logiciel libre, on le partage, et on commence à toucher du doigt l’argent public qui est économisé. Je récupère mon logiciel de cimetières qui a été fait par mon voisin, je le reprends, j’améliore la situation parce que je n’ai pas un, mais j’ai trois cimetières à gérer, j’optimise le logiciel, je l’améliore, et ça profite à tout le monde parce que, après, il y en a un qui en a cinq et qui va pouvoir l’utiliser. Bref ! Voilà l’effet boule de neige et c’est comme ça qu’a démarré l’association en 2002.
Fred, je sens que tu as envie d’être invité à notre vingtième anniversaire, tu en as parlé plusieurs fois. Tu seras invité !
Frédéric Couchet : J’espère surtout que le vingtième anniversaire sera possible en présentiel. Je vais préciser que l’April fêtant aussi ses 25 ans cette année, j’espère qu’en fin d’année on pourra aussi fêter nos 25 ans en présentiel, on peut l’espérer en tout cas. Évidemment vous êtes conviés ! Si je précise les 20 ans c’est parce qu’à la question d’après on abordera un petit peu les projets et les belles histoires, c’est une longue durée, on voit quand même ce travail de longue haleine que mène l’Adullact sur les collectivités, sur la partie logiciels libres, qui permet à des collectivités, comme tu le disais, de ne payer finalement que ce dont elles vont avoir besoin et, en plus, ça va permettre d’avoir des logiciels qui vont correspondre vraiment aux besoins de telle ou telle collectivité.
Je te laisse poursuivre sur ce que tu voulais ajouter.
Pascal Kuczynski : Sur la création de l’association, voilà comment ça a démarré avec ces besoins très concrets, cette ouverture des armoires numériques en disant « regardez, j’ai fait ça, ça vous intéresse ? Servez-vous ! ». C’est dans ce contexte-là que dès 2002, le premier travail réel qu’a fait l’Adullact à l’époque c’est de créer une forge. Une forge ce sont ces endroits — là où le forgeron forge, justement — où les développeurs se réunissent, bien sûr de façon virtuelle comme avec nos visioconférences aujourd’hui, où ils vont déposer le code source des logiciels, puisque logiciel libre veut dire aussi accéder au code source et publier les codes sources. Une forge est un outil pour publier les codes sources, c’est un outil éminemment technique, c’est pour ça que je parle des développeurs ; les gens qui font les logiciels se retrouvent ici pour partager leur travail. La petite fonctionnalité dont je parlais tout à l’heure, qui a été ajoutée, je vais la faire directement sur la forge, on va me donner une clef pour pouvoir accéder en mode écriture – par défaut j’ai accès en mode lecture, la terre entière peut accéder à la forge Adullact. Après, j’ai besoin de me connecter dessus, le chef de projet initial va me donner des droits pour pouvoir travailler avec lui et c’est comme ça que la boule de neige grandit, ça se concrétise sur la forge.
2002, création de la forge Adullact, c’était la première forge de ce type, autrement dit avec des projets financés uniquement avec de l’argent public ; c’est la première forge européenne qui a été créée dans ce contexte-là. On dit toujours numéro un en France et en Europe sur le sujet. La Commission européenne nous a suivis puisque, quelques années plus tard, OSOR, une autre forge, a été créée sur le même concept mais au niveau européen. Ils se sont approchés de nous : « Comment avez-vous fait ? — On fait comme ça. — On va faire la même chose ». Aujourd’hui OSOR est la forge européenne qui fait exactement la même chose qu’Adullact avec un peu moins de projets que chez nous.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux juste rappeler ce que signifie OSOR s’il te plaît ?
Pascal Kuczynski : Je ne sais plus !
Frédéric Couchet : C’est Open Source Observatory and Repository.
Je sais que tu dois nous quitter en cours d’émission et je vois le temps qui file. Avant de parler un petit peu des projets phares et des belles histoires, quelques précisions sur le fonctionnement de l’Adullact. J’en profite pour saluer François Élie, président historique de l’Adullact, professeur de philosophie, qui était à l’époque adjoint au maire à Angoulême, je ne sais pas si c’est toujours le cas, en tout cas je le salue.
Sur le fonctionnement de l’association, l’Adullact est une association qui concerne les collectivités, le modèle de fonctionnement ce sont des cotisations de collectivités. Première question : est-ce que vous avez une équipe salariée, de combien de personnes ?, pour donner un petit peu un ordre d’idée.
Pascal Kuczynski : Dans l’ordre. François Élie a été réélu à la mairie d’Angoulême en 2020 lors des élections municipales, il est toujours également au conseil communautaire de l’agglomération d’Angoulême et toujours président de l’Adullact.
Comment est-ce que ça fonctionne ? Effectivement, c’est bien de rappeler que le modèle de l’association Adullact ne repose que sur ses cotisations. Contrairement à nombre d’associations de ce type-là, c’est-à-dire qui travaillent avec les collectivités, travaillent souvent à base de subventions de l’État, de départements, de régions, enfin les gens qui subventionnent en échange de services, en échange de faire avancer tel ou tel schmilblick.
L’Association Adullact ne reçoit pas de subventions, elle ne fonctionne que sur une base de cotisations. On a une grille un petit peu compliquée selon que je sois une ville, un département, la taille de la ville, etc. La grille est un petit peu compliquée pour le commun des mortels, mais les collectivités s’y retrouvent très bien, elles reconnaissent leur profil de collectivité, elles adhèrent pour participer à cette grande aventure du logiciel libre et elles comprennent qu’en adhérant elles permettent cette mutualisation dès l’amont pour faire en sorte que le schmilblick avance et surtout, finalement, qu’on économise de l’argent public.
Je vais le raconter après, mais on en a de plus en plus d’histoires, en 20 ans d’expérience, permettant de justifier la réussite de l’Adullact et la réussite du modèle économique du logiciel libre dans le monde des collectivités.
Ces cotisations permettent à une dizaine de salariés de travailler pour le compte de l’association et pour le compte des collectivités qui en sont adhérentes.
Frédéric Couchet : D’accord. Très bien. Tout à l’heure on entendra Béatrice qui est responsable de communication de l’Adullact.
Je crois qu’on a bien compris les enjeux du logiciel libre pour les collectivités, le contexte de la création de l’Adullact en 2002, donc depuis bientôt 20 ans. L’Adullact a dû voir naître de nombreux projets, on ne va pas parler de tous. Quelles sont les belles histoires qui ont marqué ces 20 ans de l’Adullact ?
Pascal Kuczynski : En préambule,il faut que je remette le contexte des débuts des années 2000. Tu imagines bien que même les informaticiens de la collectivité étaient encore rares à savoir ce qu’est le logiciel libre et ce que ça pouvait faire dans les collectivités ; il faut vraiment se replonger 20 ans en arrière sur un contexte différent. Dans ce contexte-là, ce n’était pas forcément évident de débarquer sur le terrain et de dire – excusez-moi, je boucle un petit peu sur mon logiciel de cimetières, mais on peut parler de logiciel de gestion des élections, on peut parler de logiciel de gestion de marchés, marché qu’il y a sur la place publique tous les dimanches sur la commune –, etc. ; une collectivité, une mairie c’est environ 200, 250 métiers différents, donc il y en a des logiciels et des potentialités de logiciels ! Je reprends mon logiciel cimetières, je reste sur cet exemple-là. Ce n’est pas parce que je vais voir la collectivité en disant « j’ai un super logiciel de gestion de cimetières, c’est du logiciel libre », que la collectivité déjà équipée depuis des années avec son logiciel de cimetières, qui n’a pas encore eu de problèmes avec, etc., va changer pour changer. Ce qui compte c’est que jusque-là ça fait le travail ; « OK, ça me coûte un petit peu d’argent, mais le but principal c’est que mon cimetière fonctionne. OK, je ne vais pas changer pour changer », encore une fois.
On s’est retrouvés confrontés à ce problème des anciens métiers, vous voyez ce que je veux dire par anciens métiers quand je parle de cimetières, d’une part on ne change pas pour changer et on s’est retrouvés confrontés à un autre phénomène. On commençait le modèle le modèle économique du logiciel libre, vous le connaissez, ce n’est pas vendre des licences c’est vendre du service. Donc on commençait à travailler, dès 2002/2003, avec les quelques entreprises qui existaient à l’époque, qui travaillaient en logiciel libre, avec des outils sous licence libre ; ces entreprises étaient très compétentes sur tel ou tel type de développement, c’était toujours technique. Le jour où il fallait répondre à un appel d’offres de marché public sur tel ou tel logiciel, cimetières par exemple, alors elles me disaient « oui, ça je sais faire parce que c’est du PHP, parce que c’est Java, parce que je ne sais pas quoi », très techniques, mais qu moment de parler du métier cimetières il n’y avait plus personne. Autrement dit on s’est retrouvés dans une situation où on était dévalorisés par les personnes avec lesquelles on travaillait, avec lesquelles on voulait travailler, les entreprises du Libre, pour mettre en avant tel ou tel logiciel libre. On a pris le taureau par les cornes. Finalement on s’est dit « on va choisir certains de ces logiciels et on va les mettre à disposition en ligne en mode SaaS [Software as a Service] ». Là aussi il faut se remettre en 2003.
Frédéric Couchet : C’est quoi le mode SaaS ?
Pascal Kuczynski : Je n’installe rien sur ma machine, j’ai mis ça sur un serveur et j’y accède en mode web avec un navigateur, je vais directement sur l’application qui y est. Quand je vais sur Framasoft, je tape le nom « Framasoft » dans mon navigateur, j’arrive sur le site de Framasoft et j’utilise leurs outils, Framadate, etc. Voilà. Je suis en mode SaaS, je n’ai rien installé sur ma machine, je ne fais qu’utiliser le mode web. Eh bien ça existe aussi avec tous les logiciels dont je parlais.
Si on se replonge en 2002/2003, c’était encore très rare et les éditeurs métiers, qui sont là depuis 30 ans, étaient encore sur les vieilles technos.
Donc on a un peu innové en expliquant aux collectivités « maintenant votre métier vous pouvez aussi le faire en mode web » et on a décidé, nous Adullact, dès 2006, de répondre à des nouveaux besoins, je vous l’ai dit tout à l’heure, des nouvelles réglementations. Je pense en particulier à la dématérialisation qui a généré tellement de nouveaux métiers et on est loin d’arriver au bout, je citerais la signature électronique, je citerais l’archivage électronique, etc.
Parmi ces nouveaux métiers, il y en a un que peu de gens connaissent, mais qui est quotidien pour toutes les collectivités : je suis dans mon conseil municipal, je me réunis avec mes conseillers municipaux — c’est dans toutes les mairies de France, dans tous les départements et dans toutes les collectivités — pour prendre des décisions. Une fois que ces décisions sont prises elles s’appellent des délibérations. Systématiquement, toutes les décisions qui ont été prises sont collectionnées et envoyées à l’État, une fois régionalisé ça s’appelle la préfecture, j’envoie ça à la préfecture et la préfecture a un boulot, fait son boulot de l’État, de la Nation, pour vérifier si c’est réglementaire. Elle vérifie si les décisions qui sont prises par la mairie sont légales, ça s’appelle le contrôle de légalité.
Dans le temps je prenais mon tas de papiers en sortie du conseil municipal, j’allais à la préfecture, on donnait un coup de tampon dessus avec la date et la préfecture avait deux mois pour répondre : si elle ne répond pas c’est légal, si elle répond, elle dit « attention, là il y a un truc qui ne va pas » et on a le doit de remettre en cause la décision. Ça arrive régulièrement chaque année, ça peut même se terminer au tribunal administratif. C’est la vie, c’est la Constitution qui explique comment ça fonctionne.
En 2006 l’État a décidé de dématérialiser cette chose-là, « vous n’avez plus à vous déplacer avec votre tas de papiers, vous allez poster des PDF sur une plateforme homologuée par nos soins » – c’est le ministère de l’Intérieur qui a organisé tout ça, les logiciels des préfectures, ça s’appelle la dématérialisation du contrôle de légalité. Qu’est-ce qu’on a fait à ce moment-là ? On a été sollicités par certains de nos membres qui nous disaient « attention, là il y a un truc qui est en train de se passer. On est en train de dématérialiser le contrôle de légalité. On va nous demander des mille et des cents pour avoir le droit d’utiliser ces plateformes ». Bien sûr, ce n’est pas l’État qui fait les plateformes sur lesquelles on poste le PDF, ce sont des prestataires qu’on appelait pour tel ou tel envoi sur le service de télétransmission.
La première structure qui a été sollicitée par le ministère de l’Intérieur pour le faire, vous la connaissez tous ou vous en avez tous entendu parler, cette fameuse pieuvre étatique qui sert de banque de l’État, la Caisse des dépôts et consignations ; plus gros tu meurs ! Autrement dit on avait le mastodonte financier de l’État qui était en train de déployer la première plateforme de dématérialisation du contrôle de légalité avec des prix prohibitifs parce que, bien sûr, ils ont monté une entreprise avec pignon sur rue qui s’appelait FAST [Fournisseur d’Accès Sécurisé Transactionnel], la notion de vitesse, ça va vite, etc. FAST était le premier à avoir sorti ce truc-là, sur les conseils du ministère, avec un cahier des charges qui dit « il faut faire ci, il faut faire ça », hyper-sécurisé, on a des contrôles, c’est validé, c’est homologué par les services spéciaux de l’État pour le faire. Bref ! FAST, avec des prix prohibitifs. Nos collectivités membres nous alertent à l’époque en disant « ça va nous coûter cher, ça serait bien qu’on mette un petit peu de logiciel libre là-dedans ». Ni une ni deux, Adullact se remonte les manches, sollicite des entreprises compétentes sur le sujet et on développe une plateforme concurrente qu’on propose au ministère de l’Intérieur. Je ne vous raconte pas, le ministère de l’Intérieur qui vient de travailler avec la Caisse des dépôts, qui voit arriver le logiciel libre, « quoi ? C’est quoi ? Il faut être sérieux ! Nous on travaille avec la Caisse des dépôts si vous voyez ce que je veux dire ! » On a déposé une plateforme qui s’appelle S²LOW [Service Sécurisé Libre inter-Opérable pour la Vérification et la Validation], vous noterez l’humour entre FAST et S²LOW. C’était au début. FAST était une grosse boîte, 80 commerciaux qui parcouraient toute la France pour vendre le système. Encore une fois, un département devait payer 20 000 euros par an pour utiliser la plateforme, alors qu’avant je prenais mes papiers et je les emmenais à la préfecture, ça me coûtait à la rigueur le prix de l’essence, pas plus. Bref !
On était dans cette situation-là en 2006. On a monté notre plateforme, on s’est fait homologuer par le ministère de l’Intérieur, on a décidé, et c’est là qu’est la magie de l’économie d’argent public, nous, Adullact, de financer cette plateforme sur nos fonds propres, forts nos cotisations, c’est autre forme de mutualisation au niveau national et on décide que cette plateforme est gratuite pour nos collectivités membres. Autrement dit chaque collectivité adhérente de l’association Adullact utilise ce service gratuitement alors que, je reprends l’exemple du département, ça lui coûte 20 000 euros par an s’il veut utiliser FAST. Et on fait la même chose puisque que c’est hyper-réglementé, c’est le ministère qui dit « ça doit faire ça, ça et ça et rien d’autre ». On arrive sur le marché en 2006 avec ça. Encore une fois je ne vous raconte pas la tête que fait le ministère, mais il nous a acceptés et petit à petit on a gagné nos galons, on a commencé à se faire connaître.
On a un autre mot clé que j’aurais peut-être dû citer tout à l’heure dans les avantages du logiciel libre, ce nouveau mot clé s’appelle interopérabilité, la capacité à plusieurs systèmes informatiques de dialoguer entre eux. Cette notion de contrôle de légalité, cette délibération n’est pas issue de n’importe où. C’est peut-être affiché qu’elle est fabriquée avec un simple traitement texte, mais il y a aussi des outils métiers pour fabriquer ça automatiquement. Autrement dit j’ai des outils métiers qui coûtent eux aussi très cher, qui fabriquent automatiquement ces documents. Avant je les imprimais, je les emmenais à la main à la préfecture ; aujourd’hui je dois les poster sur une plateforme informatique. On a envie que ça soit automatique, justement. On a envie de cliquer sur un bouton et les 200 délibérations qui sortent du département arrivent directement à la préfecture, sans avoir rien d’autre à faire que de cliquer sur un bouton. C’était très compliqué sur l’aventure FAST parce qu’il y avait très peu d’interopérabilité ; si, leur interopérabilité c’est « vous voulez dialoguer avec moi ? Vous utilisez mes produits à moi ! » ; après, il faut signer électroniquement ces délibérations, même chose « vous utilisez mon outil de signature électronique » ; après il faut les archiver, « vous utiliser mon outil d’archivage ».
On est arrivés avec un modèle complètement différent qui est de dire « vous voulez dialoguer avec S²LOW ? Très bien. Voilà la documentation de l’API S²LOW » – l’API c’est l’interface de programmation pour faire qu’un logiciel puisse dialoguer automatiquement avec le nôtre. C’était une évidence pour les éditeurs. Au début ils rechignaient un petit peu « non, non, on a perdu tellement de temps, c’est tellement compliqué de travailler avec ça qu’on ne veut pas recommencer ». Sauf que ces gens-là avaient des clients et les clients ce sont nos collectivités qui utilisent les choses et qui ont dit « non, moi je veux utiliser S²LOW, je ne veux pas utiliser FAST, alors tu vas le faire ». Ça a coûté un peu d’argent au début. Finalement, aujourd’hui, il n’y a pas un éditeur qui ne connaisse pas S²LOW, qui ne soit pas interfacé avec S²LOW.
On a ouvert cette brèche-là et tout le monde a dû faire la même chose. Autrement dit tous les éditeurs qui n’étaient pas à base de logiciel libre essayaient d’enfermer les collectivités dans leur catalogue en disant « tu veux faire ça, tu achètes mon produit ; tu veux faire ça, tu achètes mon produit » et on a ouvert la voie de l’interopérabilité avec cette chose-là. Aujourd’hui tout le monde interopère, ce n’est même plus un problème. J’ose dire que grâce à l’Adullact – on n’a pas inventé, ça existait avant, on n’a pas attendu l’Adullact – on a su promouvoir l’interopérabilité au sein des collectivités.
Cerise sur le gâteau dans mon histoire et pour en terminer, vous l’aurez compris, la Caisse des dépôts et consignations n’est pas la plus bête, nous Adullact, vous voyez, dix personnes, à l’époque il y en avait cinq, on est une toute petite structure et ce qui s’est passé c’est que de 2006 à aujourd’hui, on vient de passer nos 15 ans d’expérience sur le sujet et ça fait trois ou quatre ans qu’on est numéro un en France sur ce domaine.
Autrement dit vous avez compris que c’est compliqué sur le cimetière, sur ces vieux métiers c’était très compliqué de s’imposer. OK, on met ça de côté. Maintenant des nouvelles réglementations arrivent, des nouveaux métiers arrivent, des nouveaux besoins arrivent, on est tous à égalité sur la ligne de départ, top chrono, la nouvelle réglementation est en place, il faut des plateformes. Allons-y, sortons nos plateformes et là on part à égalité encore une fois. On joue la carte de l’interopérabilité, on joue la carte de ça coûte moins cher, on joue la carte de « venez, vous allez pouvoir améliorer l’effet boule de neige avec vos propres besoins ». On a joué ces cartes-là et aujourd’hui on est numéro un devant la plus grosse structure française publique qui existe encore aujourd’hui, la Caisse des dépôts et consignations. Si ça ce n’est pas une belle histoire, comment vous appelez ça ?
Frédéric Couchet : Pascal, merci pour cette belle histoire, en plus tu as le sens du timing parce que tu étais disponible jusqu’à 16 heures 15, il est 16 heures 14. On va bientôt faire une pause musicale. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose, par contre très rapidement dans ce cas-là ?
Pascal Kuczynski : Des projets comme ça, j’ai cité le plus ancien et celui qui marche bien, mais on en a des dizaines. Je vais citer la signature électronique : le logiciel libre le plus connu pour la signature électronique c’est un logiciel libre issu de la galaxie Adullact. Pareil pour l’archivage électronique ; l’outil d’archivage électronique numérique qui existe c’est le logiciel AS@LAE qui est le plus connu et le plus distribué, il doit y avoir 90 % des départements – l’archivage est un métier de département – qui utilisent AS@LAE. Bref ! C’est un exemple parmi beaucoup d’autres, l’exemple de S²LOW dont je viens de parler n’est pas un cas particulier. J’ai des dizaines de cas comme ça à raconter.
Frédéric Couchet : OK ! On t’invitera dans une émission un peu plus longue à ce moment-là. Merci Pascal. On se retrouve bientôt pour la grosse fête pour les 20 ans de l’Adullact l’an prochain.
Pascal Kuczynski : No problem. Merci Fred. Merci à vous.
Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Je poursuis la programmation musicale, nous allons écouter Kings par Cyber SDF. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Kings par Cyber SDF.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Kings par Cyber SDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Je précise que Cyber SDF était un informaticien libriste et un artiste de talent, Laurent Seguin, disparu en 2020. Je précise également que nous utilisons un autre de ses titres, que nous adorons particulièrement, qui s’appelle Dolling en habillage musical du nouveau jingle que vous allez d’ailleurs entendre immédiatement.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion. Avant la pause musicale nous parlions de collectivités et logiciel libre, notamment de l’association Adullact avec Pascal Kuczynski. Maintenant nous allons continuer l’échange avec Béatrice Pradillon et Christophe Dubreuil.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Nous allons poursuivre notamment avec Béatrice Pradillon responsable communication de l’Adullact et Christophe Dubreuil qui est membre du conseil d’administration de l’Adullact et nous allons parler un petit peu des projets phares que mène actuellement l’association.
Je crois que c’est Béatrice qui souhaitait commencer. Béatrice.
Béatrice Pradillon : Tout à fait.
Au-delà des services spécifiques qu’on propose aux adhérents, vous avez compris que notre modèle économique est basé sur les cotisations, l’association Adullact propose un catalogue de services en ligne pour permettre, en fait, aux collectivités de tester les logiciels libres, de s’acclimater, de voir un petit peu ce qui est proposé en termes de dématérialisation. Le plus célèbre de ces services, dont on parlait tout à l’heure, c’est notamment le logiciel S²LOW. Au-delà de ces services, on porte trois grands projets en fait.
Il y a la forge dont on parlait tout à l’heure, Pascal l’a évoquée. C’est quelque chose qui est assez ancien parce que ça a été mis en place en 2003. Il y a quelques années on a décidé de moderniser un peu ce site. C’est un site de développement coopératif pour les développeurs, pour déposer et travailler sur du code source et c’est vrai que la forge, en l’état, était un petit peu vieillissante, donc on lui a associé une instance GitLab – un outil comme GitHub, qui est assez connu par les développeurs – qui permet de bénéficier de toutes les fonctionnalités avancées offertes par cet outil, il y a des systèmes de tests, tout ça, voilà. Au fur et à mesure ça a permis à la plupart des utilisateurs de passer sur GitLab pour travailler sur leurs projets parce que c’est quand même beaucoup plus agréable et dynamique aussi comme interface. Il était temps, entre guillemets, de « moderniser » la forge.
Le deuxième projet qu’on a porté depuis 2016, qu’on on a lancé, c’est un label indépendant qui est soutenu par tout un comité d’associations du Libre, d’acteurs du numérique et des services publics, dont l’April, qui est destiné à récompenser les collectivités engagées dans une stratégie en faveur du logiciel libre. Actuellement il y a une soixantaine de collectivités qui ont été labellisées en cinq ans. Entre parenthèses, on parlait de Laurent Seguin tout à l’heure, c’est aussi un ami de l’Adullact et il était au jury du Territoire Numérique Libre auparavant.
Le troisième projet que l’on porte depuis quelques années et qu’on essaye vraiment de mettre en avant parce que c’est une plateforme collaborative, donc il est important que les gens se mettent dessus, qu’ils participent, qu’ils contribuent, c’est le Comptoir du Libre. C’est en fait une plateforme, c’est un petit peu le Play Store du logiciel libre, c’est-à-dire que c’est une market place, une plateforme où on peut trouver référencés les logiciels libres utiles aux missions de service public. Pourquoi a-t-on mis en place cette plateforme ? C’est parce que les problématiques que les collectivités rencontraient quand elles cherchaient un logiciel libre, c’était souvent comment trouver un outil correspondant à mes besoins parce qu’ils étaient répartis sur plein de sites, il fallait chercher sur le Net, est-ce que la bonne source est ici, est-ce qu’elle est ici ? ; il fallait pouvoir identifier d’autres collectivités utilisatrices parce que c’est toujours intéressant d’avoir les témoignages d’autres utilisateurs qui ont les mêmes besoins que nous pour savoir si ça correspond bien à ce qu’on souhaite faire et enfin quels sont les prestataires ayant une expertise sur l’outil qu’on souhaite utiliser. Le Comptoir du Libre c’est vraiment d’un côté les utilisateurs ou collectivités, les prestataires du logiciel libre qui proposent des services sur les logiciels libres et près de 400 logiciels libres référencés par les utilisateurs eux-mêmes. C’est vraiment du partage d’expérience.
Frédéric Couchet : D’accord. On va quand même revenir sur deux des projets que tu as cités, pas la forge parce que Pascal en a largement parlé tout à l’heure, mais le label Territoire Numérique Libre. Je vais indiquer le site, c’est territoire-numerique-libre.org. C’est un label qui a été mis en place en 2016, si je me souviens bien de ce que tu as dit. Comment ça fonctionne ? C’est un label, les collectivités candidatent, elles ont un formulaire à remplir, est-ce qu’il y a des niveaux ? Comment fonctionne le label Territoire Numérique Libre ?
Béatrice Pradillon : En fait, c’est vraiment une volonté de la part des collectivités, c’est-à-dire que ce n’est pas nous qui allons « distribuer », en guillemets, des coups de fil aux collectivités qui font bien. Ce sont elles qui font la démarche. Elles remplissent un formulaire de candidature où on va évaluer, par exemple, leurs usages des logiciels libres, leurs usages des systèmes libres, la stratégie qui est mise en place vraiment au niveau politique, ce qui se passe au niveau de la gestion de leurs données publiques. Un jury va se réunir, va noter ces dossiers en fonction de ce qu’elles auront rempli et « répartir », entre guillemets, ces dossiers sur des niveaux, du niveau 1 au niveau 5. On obtient des copylefts, c’est l’inverse du copyright. Sur les panneaux représentant le label on a symbolisé les un à cinq copylefts qu’on obtient. Ça permet vraiment à ces collectivités-là de promouvoir leurs usages parce que, finalement, c‘est toujours un petit peu difficile de communiquer auprès du grand public, auprès des usagers, auprès d’autres collectivités, de dire pourquoi on fait ça, en quoi c’est intéressant. Quelque part, ce label permet de promouvoir ça, de montrer que non seulement il y a de plus en plus de collectivités qui utilisent des logiciels libres, que c’est simple, que ce n’est pas si difficile de migrer et, en plus de ça, qu’on peut économiser de l’argent, qu’il y a vraiment un gain important au niveau de la transparence, au niveau du côté interopérabilité, etc. On essaie de faire la promotion de tout ça au travers de ce label.
Frédéric Couchet : D’accord. Christophe Dubreuil.
Christophe Dubreuil : Si je peux me permettre d’ajouter pour compléter un tout petit peu les choses. Je me place de l’autre côté puisque le GIP reCIA a postulé, a candidaté à ce label l’an dernier. Il y a aussi un autre avantage qu’on ne voit pas forcément de l’autre côté, qui est un élément extrêmement structurant pour la collectivité, qui l’amène à se poser des questions sur sa pratique numérique. Du coup, en répondant à toutes les questions posées justement pour établir le label, ça permet à chacun de se questionner, de savoir où il en est, mesurer lui-même sa propre marge d’avancement vers le logiciel libre et, de manière générale, sur sa maturité numérique. C’est une approche, un travail très intéressant. Même si à la sortie on n’a pas le label, ce n’est pas forcément grave en soi, la démarche est déjà extrêmement intéressante pour mettre quelques activités, ne serait-ce que pour faire un projet. Rien que pour ça, cette démarche vaut le coup.
Béatrice Pradillon : Tout à fait. Une autre chose, du coup je rebondis dessus, on a eu des retours de collectivités qui disent que parfois, en fait, la démarche d’aller vers les logiciels libres est initiée par le service informatique. Une fois que le service informatique répond à cette candidature et obtient un label de niveau 3 ou 4, il va pouvoir aller le présenter à ses élus en disant « notre travail ne sert pas à rien parce qu’on a été labellisé ». Ça permet aussi d’aider à convaincre les élus de l’intérêt de la démarche. On n’avait pas forcément songé à ça au moment de la création du label, mais c’est parfois un outil de communication en interne du service informatique vers les élus, parfois inversement, plus rarement. C’est aussi un outil de communication interne.
Frédéric Couchet : D’accord. Les différents niveaux permettent aussi de suivre l’évolution des collectivités puisque qu‘une collectivité peut avoir une démarche logiciel libre débutante ou, en tout cas, juste mise en place, donc recevoir un label de premier niveau et ensuite, au fur et à mesure des années, progresser dans sa démarche logiciel libre et recevoir de nouveaux labels supérieurs. Je rappelle, si je me souviens bien, que le label est uniquement pour une année. C’est ça ?
Béatrice Pradillon : C’est ça. C’est pour une année, on peut renouveler chaque et on peut voir comme ça l’évolution sur les années. On a beaucoup de collectivités qui sont fidèles au label quasiment depuis ses débuts, qui reviennent et on les voit effectivement progresser de niveau d’année en année.
Frédéric Couchet : D’accord. Le label est millésimé. Je cherchais le mot tout à l’heure, Étienne Gonnu, que je salue, me le dit sur le salon web. Je rappelle aux gens qu’ils peuvent venir sur le salon web de la radio, site causecommune.fm bouton « chat », s’ils ont des questions sur l’Adullact pour Béatrice et pour Christophe.
Béatrice, la prochaine édition de ce label Territoire Numérique Libre, c’est pour quand ? À partir de quand les collectivités pourront-elles candidater ?
Béatrice Pradillon : On va bientôt en parler, on va bientôt communiquer dessus. Ça devrait normalement démarrer le 1e juillet 2021. En général on a un temps de candidatures d’à peu près quatre mois, donc là ça va aller jusqu’au 15 octobre 2021. Normalement, on devrait remettre les labels aux alentours du mois de novembre, comme chaque année, entre novembre et décembre. Effectivement, c’est un label, ça va labelliser sur la démarche en cours de cette année-là. L’année suivante, les collectivités peuvent revenir pour faire évaluer leur démarche.
Frédéric Couchet : OK. On va juste revenir deux minutes sur l’autre projet dont tu as parlé avant d’aborder les autres sujets parce que le temps file quand même vite, le Comptoir du Libre, le site c’est comptoir-du-libre.org. Il y a à peu près 400 logiciels libres métiers, l’important c’est logiciels libres métiers par rapport à des logiciels libres on va dire grand public. Le fonctionnement : les personnes peuvent soumettre un logiciel libre métier et il est évalué par d’autres collectivités ou c’est l’Adullact qui évalue la pertinence de ce logiciel ? Comment ça marche en quelques mots ?
Béatrice Pradillon : On n’intervient pas, en fait, dans les choses. On va simplement inviter les gens à s’inscrire et à aller déclarer quels logiciels ils utilisent. D’ailleurs, je corrige, il y a des logiciels libres métiers principalement, mais on a laissé ouvert aux autres logiciels. Par exemple on va avoir VLC qui va être référencé, tout simplement parce qu’on a aussi une sorte de partenariat avec la DINUM, la Direction interministérielle du numérique de l’État qui, elle, produit son propre référentiel de logiciels libres qui s’appelle le SILL, le Socle interministériel des logiciels libres, si je ne dis pas de bêtises. En fait, tous les logiciels qui sont au SILL sont référencés sur le Comptoir. Effectivement, on a des logiciels très spécifiques, très techniques et très métiers, et des logiciels on va dire de bureautique, des navigateurs web ou de vidéo. On a vraiment tout type de logiciels. La base c’est vraiment les utilisateurs qui s’inscrivent, je suis une collectivité, je m’inscris, je vais déclarer quels logiciels j’utilise. Si le logiciel existe déjà je vais pouvoir, par exemple, le noter et mettre un commentaire sur mon usage et s’il n’existe pas je vais le créer, l’enregistrer.
De leur côté, les prestataires peuvent se déclarer en disant « je propose du service sur tel, tel et tel outil ». Du coup, ça permet d’avoir le point de vue utilisateur et le point de vue prestataire et d’avoir des informations un petit peu à jour sur ces logiciels, avec la licence, où on peut trouver le code source, le site officiel. Ça permet vraiment d’avoir l’information officielle sur chaque outil.
Frédéric Couchet : D’accord. OK. Je vais juste me permettre de préciser que le SILL, le Socle Interministériel des logiciels libres, est publié surtout par Etalab qui est une structure de la DINUM. Etalab, autour de la donnée publique, qui fait vraiment un beau travail notamment avec les agents publics depuis des années. De son côté la DINUM, malheureusement, publie un catalogue, catalogue.numerique.gouv.fr, qui référence des logiciels libres alors qu’ils ne sont pas libres. Je vous renvoie sur l’actu que l’April a publiée et je vous renvoie sur la chronique que Luk va consacrer après, justement au sujet du catalogue de la DINUM.
Ceci dit ça me venir la question suivante, la circulaire du Premier ministre Jean Castex qui est parue récemment et qui vise à poser les bases d’une politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources. Est-ce que vous avez un avis ? Est-ce que l’Adullact a un point de vue sur cette circulaire ou même sur le catalogue de la DINUM ? Déjà sur la circulaire.
Béatrice Pradillon : En fait, c’est vrai que quand une circulaire paraît on a toujours beaucoup d’attente quand on voit qu’elle qui parle du logiciel libre, forcément. Là, dans ce cas, elle invite les ministères à renforcer l’ouverture des codes sources et à utiliser des logiciels libres et ouverts. C’était déjà le cas de la circulaire Ayrault de 2012. On reste dans le domaine de l’incitation. On attend derrière du concret, on sait que ce n’est pas forcément suffisant pour provoquer un réel changement des pratiques en interne.
Finalement la principale information à retenir c’est la création d’une mission interministérielle du logiciel libre. On avait eu l’information un petit peu avant, elle avait fuité dans les médias. Ça veut dire qu’on aura désormais une instance dédiée au Libre qui pourra donner le ton pour l’ensemble des ministères et des services publics. On trouve que c’est quand même un grand pas en avant même si on a encore peu de précisions sur les missions réelles qui seront les siennes.
Pour rappel, l’Adullact avait fait des propositions vis-à-vis de cette nouvelle instance dans une tribune qui est parue dans Acteurs publics. On parlait notamment de la question du logiciel libre dans les imputations comptables, j’espère que je ne vais pas perdre du monde en route là-dedans. En gros, pour résumer l’idée, c’est que l’achat d’un logiciel propriétaire, actuellement, pour une ville, est imputé au budget investissements de la collectivité alors qu’il s’agit, en fait, d’un contrat de location, un droit d’usage, alors que le développement d’un logiciel libre, lui, est imputé au budget fonctionnement. Notre proposition c’est qu’il faut inverser les deux. Le budget fonctionnement est toujours, entre guillemets, un peu « ric-rac » dans la collectivité, elles ont toujours du mal parce que les budgets sont de moins en moins grands d’année en année, par contre le budget investissements c‘est là où il y a un petit peu de place, où il y a un petit peu de marge. Du coups la logique voudrait qu’on inverse les deux. C’est une des propositions faite à cette future mission interministérielle du logiciel libre.
Frédéric Couchet : D’accord. On attend surtout, évidemment, les moyens humains en équivalent temps plein qui seront consacrés.
On va passer sur les nouveaux enjeux de l’Adullact et sur l’avenir. On va peut-être dépasser un peu le temps prévu, je préviens au niveau de la régie, au niveau de la pause musicale notamment, on va voir. Quels sont les nouveaux enjeux à venir pour l’Adullact ? Je ne sais pas si c’est Christophe ou Béatrice qui souhaitait commencer.
Béatrice Pradillon : Je vais commencer, je laisserai parler Christophe juste après. Je vais essayer de faire vite.
En gros, sur l’avenir de l’Adullact, actuellement on a déjà envie de continuer à diversifier notre catalogue de services en ligne parce qu’on s’est vraiment rendu compte que c’est le meilleur moyen, pour nous, de mettre en pratique notre discours. Si on veut montrer que le logiciel libre est fiable, il faut le tester, il faut habituer les utilisateurs parce qu’on se rend compte, finalement, que quand les collectivités entament un processus de migration, le principal frein qu’elles rencontrent est lié aux habitudes des usagers. Le fait de pouvoir tester des services en ligne libres, ça favorise l’acculturation, un peu à l’image du travail formidable que fait Framasoft depuis des années. Quand ils proposent tout un tas de logiciels « frama quelque chose », finalement ils habituent les gens à utiliser des logiciels libres, ils leur montrent que c’est performant et derrière l’idée c’est « vous voyez que ça fonctionne, vous voyez que ça marche ; si vous voulez voir plus grand vous déployez chez vous, vous faites appel à un prestataire, en tout cas ça fonctionne, on vous le montre ».
Je vais ajouter un dernier petit mot pour dire, effectivement, qu’on a pensé à diversifier ce catalogue. On a mis en place de nouveaux services ces dernières années. On a lancé une application pour remonter l’information citoyenne qui s’appelle DirectMairie. On a adapté le logiciel libre, justement de la DINUM, qui s’appelle Démarches Simplifiées pour les collectivités territoriales, donc on a une plateforme Démarches Simplifiées en partenariat avec la DINUM et on propose aujourd’hui service Nextcloud, je n’ai pas besoin de le présenter. Prochainement on espère pouvoir mettre un service Tchap ; vous en avez peut-être entendu parler, c’est une messagerie interne sécurisée qui a été développée par l’État et on va la proposer aux collectivités.
Je vais laisser la parole à Christophe pour la suite.
Christophe Dubreuil : Pour les projets qui arrivent, effectivement Démarches Simplifiées et Tchap. D’ailleurs ce sont des choses qui sont assez intéressantes pour le partenariat qu’il y entre la DINUM et l’Adullact puisque, au départ, ce sont vraiment des projets portés par la DINUM puis repris, adaptés, complétés par l’Adullact, c’est vraiment un partenariat très intéressant.
Un autre logiciel a été développé encore en partenariat il y a quelques années qui est Asqatasun. Asqatasun est un logiciel qui va permettre de faire de la mesure de la qualité de l’accessibilité aux sites Internet. Il y a un gros projet au niveau de l’Adullact qui est en train de se mettre en place en ce moment qui est un observatoire de l’accessibilité. L’idée c’est d’arriver à faire un scan d’un maximum de sites, voire de tous les sites de toutes les collectivités, pour mesurer site par site quelle est l’accessibilité, classer un peu les niveaux d’accessibilité, avoir des scores, connaître chacun des sites au nouveau de cet observatoire de l’accessibilité. Après voir comment on peut accompagner les collectivités dans une amélioration, est-ce que c’est du conseil ? Est-ce que l’Adullact va plus loin en termes de services au-delà de l’observatoire. C’est un sujet qu’on commence à travailler effectivement, il y a plein de questions qui se posent. Ce sont vraiment des choses très motivantes et très intéressantes pour l’avenir, donc une partie sur l’accessibilité.
Il y a d’autres projets qui ont été nommés. Pascal avait cité, dans les conseils d’administration, le travail qui a été fait avec des partenaires notaires. C’est très intéressant ce travail fait avec des partenaires notaires, c’est un travail collaboratif qui a été fait et tout le travail d’animation. L’Adullact, au-delà de construire, de fabriquer des logiciels, Pascal en a parlé un peu tout à l’heure, on est là aussi pour animer une communauté d’utilisateurs, pour permettre, dans les cahiers des charges, de faire converger les besoins des collectivités pour fabriquer ces outils. C’est comme ça qu’a été monté un produit qui s’appelle Départements et Notaires. Ça concerne effectivement les départements.
On est aussi en train de monter avec l’Adullact et la région Centre un nouveau projet. C’est un projet qu’on a mené avec la région Centre qui consiste à mettre à disposition ce qu’on appelle les plateformes de rénovation énergétique. Ce sont des plateformes qui sont dans les territoires pour accompagner les particuliers, pour les aider sur toutes les aides possibles sur la rénovation énergétique. Ça permet aux personnes qui souhaitent cet accompagnement d’avoir un suivi particulier. Dans la région Centre on a monté cette plateforme d’accompagnement pour permettre aux conseillers de suivre les gens et on l’a montée en logiciel libre. En ce moment la région Centre a proposé à l’Adullact de porter au niveau national ce projet et d’animer tout le travail d’utilisation, la nouvelle structure de la plateforme au niveau national et d’animer les groupes de travail qui permettront à d’autres régions, si ça les intéresse, de reprendre et de continuer la grande aventure qu’on a commencée en région Centre mais déployée au niveau national. Là on est vraiment sur un projet qui a été construit et financé au départ par la région mais avec une volonté réelle de partager les fonctionnalités.
Ça fait partie des pistes qu’on a pour l’avenir au niveau des différents projets. On a deux projets sur lesquels on a en train de travailler en ce moment à l’Adullact. Il y a en a plein d’autres qui sont dans les tuyaux. Ça donne un peu une idée de ce vers quoi on va et des modes de fonctionnement.
Il y a beaucoup d’autres sujets qui arrivent, notamment toutes les notions autour de la ville intelligente. On est en train de s’apercevoir qu’il y a beaucoup d’enjeux sur les villes intelligentes avec des capteurs qui se multiplient. Très souvent, au niveau de ces villes, on obtient le même type de fonctionnement qu’il y a eu il y a 20 ans avec un certain nombre de logiciels ou avec ce qu’a décrit Pascal tout à l’heure, qui est que tous les systèmes d’interopérabilité se retrouvent propriété de différents opérateurs. Donc il y a des gros enjeux autour de la ville intelligente pour faire en sorte que tous ces capteurs-là puissent dialoguer entre eux, être interopérables d’une solution à l’autre ; on a un énorme chantier là-dessus. De manière un peu plus générale, derrière la notion de ville intelligente il y a le problème qui est encore au-dessus qui est la gestion de la donnée, la propriété de la donnée et la propriété du volume de données qui sera libre, ouverte, en open data qui est la partie ouverte, mais aussi toute la partie qui va concerner la gestion de la donnée des collectivités au sens large, puisque chaque application métier a ses données mais, à un moment, doit être capable d’aller moissonner tous ces ensembles de données pour en sortir des choses. Ça peut être des observatoires de l’accessibilité dont on vient de parler, ça peut être des observatoires pour mettre en place des plans climat, des choses comme ça. Un des enjeux aujourd’hui c’est comment arriver à faire interopérer tous ces outils à travers des grands enjeux politiques qui voient le jour à longueur d’année en ce moment.
On a de plus en plus de défis politiques à relever. Il faut que tous les systèmes d’information puissent interopérer, que les données qui sont sous ces systèmes d’information puissent être connectées de manière intelligente pour pouvoir servir différents projets. D’énormes projets en perspective.
Frédéric Couchet : D’accord. De nouveaux défis. Je suis désolé, mais le temps file et l’intervenant suivant presse à la porte du téléphone !
Christophe, comme vous êtes le dernier à intervenir et que, finalement, vous avez eu le moins de temps, je vous pose la question finale rituelle : quels sont les éléments clefs à retenir de cette émission selon vous, en moins de deux minutes ?
Christophe Dubreuil : Le Libre n’est pas gratuit, c’est déjà la première chose. Une fois payé et payé à son juste prix, le logiciel libre est partageable librement entre tous les utilisateurs potentiels, c’est ça qui fait l’intérêt du logiciel libre.
Le logiciel, une fois créé, a la nécessité derrière d’être maintenu, donc ça n’empêche pas tout le circuit économique qui existe autour la maintenance logicielle de vivre puisqu’il y a, derrière la création de logiciels libres, besoin de faire fonctionner ces logiciels, donc le maintien en condition opérationnelle reste une réalité. Comme l’aurait dit François Élie qui, malheureusement, n’a pas pu être là, « mutualiser c’est bien, mais mutualisons ensemble, c’est encore mieux ».
Frédéric Couchet : C’est super. Belle conclusion. Je repasse à nouveau le bonjour à François Élie.
Je vous remercie grandement pour cette heure qu’on a passée ensemble, quasiment une heure ensemble, et on aura évidemment l’occasion de revenir sur les activités de l’Adullact dans de prochaines émissions, notamment avec Béatrice sur le label Territoire Numérique Libre.
Je remercie Pascal Kuczynski, Christophe Dubreuil et Béatrice Pradillon de l’Adullact, adullact.org, où vous retrouverez tous les projets et toutes les actualités de l’association.
En tout cas je vous remercie et je vous souhaite de passer une belle fin de journée.
Béatrice Pradillon : Merci à vous.
Christophe Dubreuil : Au revoir.
Frédéric Couchet : À bientôt.
On va faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : J’ai choisi la pause musicale exprès pour l’intervenant suivant, Luk, je sais que ça va lui faire plaisir. On n’ira peut-être pas jusqu’au bout, mais on va quand même commencer.
Pause musicale : J’ai acheté·r un Agno Gastrik chez Wish & Lidl – Part III – Le Clash des Coaches Buccals – feat. Vin rouge par Plagiat.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter J’ai acheté·r un Agno Gastrik chez Wish & Lidl – Part III – Le Clash des Coaches Buccals – feat. Vin rouge par le groupe Plagiat, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Je précise également que le groupe propose un clip de 13 minutes que je vous encourage à voir. Les références sont sur april.org et causecommune.fm
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » intitulée « L’effet catalogue » au sujet du catalogue de la DINUM, Direction interministérielle du numérique
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk » intitulée « L’effet catalogue ». Luk, tu es avec nous ?
Luk : Je suis là.
Frédéric Couchet : Avant de commencer, j’espère que tu as apprécié mon choix musical ?
Luk : Oui tout à fait. Dans ta présentation du morceau tu as oublié de dire qu’à la fin du morceau il y a des gens qui chantent extrêmement mal, c’est un groupe qui s’appelle Vin rouge et qui a fait un featuring, comme on dit, avec Plagiat.
Frédéric Couchet : Je l’ai dit en introduction mais, effectivement, je ne l’ai pas dit en désannnonce. Les références sont sur le site. Vin rouge effectivement.
Ceci dit je te laisse la parole pour ta chronique, cher Luk.
Luk : J’ai toujours adoré les catalogues. À Noël, quand j’étais gamin, je passais des heures à tout examiner, à lire les descriptions dans le détail. Au final, l’exploration était presque plus intéressante que les cadeaux eux-mêmes. Plus tard, j’ai découvert le même plaisir avec le matériel technologique, notamment les enregistreurs audio/numériques : quelle est la configuration la plus optimisée, la moins chère, la plus compacte, la plus pratique ? Par contre, je n’ai pas trouvé celle qui me fait bafouiller moins.
Du coup, je comprends un petit peu ces gens qui se gèlent les gonades pour mater les avions ou les trains dont ils connaissent les identifiants et les horaires par cœur. Je ne les comprends qu’un peu parce que je ne suis pas assez atteint pour aller me cailler les miches pour un sujet que je trouve assez vain au final. Mais bon !, c’est grâce à eux qu’on a des super vidéos de crash les rares fois où ça se passe mal. Et quand on y pense, on a vite fait de considérer ces gens un peu comme des débiles, mais eux, au moins, sont heureux quand tout se passe bien alors que les gens normaux ne s’intéressent au sujet que quand il y a des morts et des catastrophes.
Mais je m’égare… Les listes descriptives que sont les catalogues a quelque chose de beau, cette impression de voir un bout du monde entièrement décrit, structuré, intégralement appréhendable page par page. C’est grisant ! D’ailleurs, ça me donne une super idée, on devrait écrire une encyclopédie collaborative où tout le monde pourrait enrichir le savoir commun. Pas con, hein ?
À une époque, je me disais que les gens qui écrivent les textes d’accompagnement dans les catalogues avaient un beau métier : ils devaient pondre un texte concis mais qui donne envie. Souvent il y avait une promesse de bonheur intense, d’accomplissement personnel : être le roi de la cour de récréation, provoquer l’envie de ses amis, tromper l’ennui d’une vie morne avec une merde en plastique peinte à la main par quelqu’un qui vit dans la misère à l’autre bout du monde avec des vrais problèmes en tête. Puis je me souviens, adolescent, avoir fait un blocage sur une manette « idéale pour tous les jeux ».
« Idéale pour tous les jeux », l’expression disqualifiait tout le reste. Toute autre manette plus chère ou plus spécialisée était superflue. C’est là que j’ai perdu mon amour des catalogues, car j’ai réalisé que quand on compare les descriptions commerciales entre elles, il n’y a plus aucune cohérence. La représentation du monde est brisée. Je me suis rendu à l’évidence, les gens qui écrivent les descriptions dans les catalogues font ça à l’arrache.
Je parle de tout ça parce que c’est le genre de déception que la DINUM [Direction interministérielle du numérique] nous livre actuellement. Son catalogue Gouvetech [catalogue.numerique.gouv.fr], qui propose des logiciels aux collectivités, n’est qu’une compilation d’assertion des éditeurs. Certains s’auto-adoubent open source sans même utiliser une licence reconnue par l’OSI [Open Source Initiative], mais ça ne gêne pas la DINUM. La véracité de son catalogue ne la concerne pas parce qu’elle a couvert son petit cul avec ses CGU. Elle précise que rien n’est vérifié et qu’il s’agit juste que des déclarations des éditeurs.
En fait, quand la DINUM édite un catalogue c’est comme quand McDo affiche une photo de son dernier hamburger. Dans le catalogue de la Gouvetech aussi les infos sont non contractuelles. On croit qu’on va avoir un beau hambourgeois doré avec une feuille de salade fraîche, on bouffe, en réalité, un rat crevé, écrasé entre deux tranches de pain caoutchouteux, aplati sous une roue de bagnole.
La DINUM édite un catalogue du genre des articles putaclics, en compilant au pif des infos biaisées et propose ça aux collectivités. Elle aurait pu l’intituler « 100 logiciels pour les collectivités, le dernier va vous étonner ! »
On voit ce que donne l’auto-évaluation avec Bill Gates et sa femme. Le couple s’est autoproclamé bienfaiteur l’humanité et tous les gens qu’il arrose de ses subsides en sont convaincus. Maintenant qu’ils divorcent, Melinda se plaint que Billou culbutait volontiers ses collaboratrices et était trop copain avec Epstein. De façon incroyable, des tas de gens plaignent cette pauvre femme outragée qui s’exprime après 40 ans de vie commune, pile au moment de négocier le nombre de milliards de son bonus de rupture.
Mais ainsi va le monde et bon !, je n’aime pas laisser passer les opportunités. Comme j’ai constaté que le site de la radio propose une sorte de catalogue de ses émissions et qu’il n’y a rien sur ma pituite, voilà ce qu’il faudrait mettre : « La pituite de Luk est une chronique rafraîchissante au bon goût exemplaire, qui éveille l’esprit et développe la libido. Il a été prouvé scientifiquement que les auditeurs de la pituite deviennent plus séduisants, réussissent mieux dans les affaires et aux examens et voient même leur sex-appeal décuplé. Retour de l’être aimé, il reviendra manger dans votre main comme un petit chien. » Voilà, je vais aussi mettre ça dans ma lettre de motivation pour candidater à la DINUM. Si je ne suis pas embauché, je ne comprendrais pas !
Frédéric Couchet : Je ne comprendrais pas que tu ne sois pas embauché, effectivement, par la DINUM. Je note, pour le futur site consacré à Libre à vous !, la description que tu veux pour la pituite. On va voir ce qu’on peut faire.
Luk : Merci.
Frédéric Couchet : En tout cas je trouve le commentaire d’Étienne, sur le salon web, quand tu as dit « elle a couvert son petit cul avec ses CGU », « c’est la meilleure analyse du bouzin », le bouzin étant le catalogue de la DINUM. Les références, Bill Gates et compagnie, seront sur la page consacrée à l’émission sur les sites april.org et causecommune,fm.
Cher Luk on se retrouve, je crois, le 29 juin pour la dernière émission de la saison donc pour ta dernière pituite, l’occasion de rendre les gens encore plus beaux !
Luk : C’est ça. Très bien. Merci.
Frédéric Couchet : À bientôt. À fin juin en tout cas. Bonne journée.
Luk : Salut.
Frédéric Couchet : Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Frédéric Couchet : Du 27 au 31 mai, Libre Graphics Meeting. Libre Graphics Meeting est une rencontre annuelle de contributeurs au logiciel libre dédiée au graphisme et à la création visuelle en général. Il se tiendra majoritairement en ligne cette année. Je précise que tout sera en anglais, le site c’est libregraphicsmeeting.org. Évidemment, comme nous savons que vous tenez à la belle langue française, nous avons pensé à vous. En effet, l’émission de la semaine prochaine, celle du 1er juin 2021, sera consacrée à la communication visuelle et aux logiciels libres avec trois personnes invitées dont l’une des organisatrices d’ailleurs et qui parleront en français de communication visuelle et d’outils logiciels libres.
La semaine prochaine c’est la Fête de la radio, de toutes les radios, parce que nous célébrons les 100 ans de la radio, les 40 ans de la libération des ondes, donc il y a un certain nombre d’événements qui sont organisés. Vous allez sur fetedelaradio.com. Je suppose que les camarades de Cause Commune ont prévu un certain de choses. Nous, nous vous proposerons une sorte de portes ouvertes pour l’émission du premier juin. Nous proposons à deux/trois personnes maximum parce que, évidemment, il y a des conditions sanitaires, de venir au studio de Cause Commune mardi 1er juin pour assister à la mise en place de l’émission autour de 14 heures 45,15 heures puis au direct à partir de 15 heures 30 jusqu’à 17 heures avec ensuite un partage de petites boissons et de petites friandises. Si ça vous intéresse, vous nous contactez via april.org ou causecommune.fm. Les premiers arrivés seront les premiers servis. Je précise que le studio est dans le 18e arrondissement de Paris. Si ça vous intéresse, merci de nous contacter.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Laurent Costy, Lorette Costy, Pascal Kuczynski, Béatrice Pradillon, Christophe Dubreuil, Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Adrien Bourmault qui a beaucoup dansé.
Merci également à l’équipe qui s’occupe de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels, peut-être que ce sera Adrien qui le fera pour cette émission, on va voir.
Vous trouverez sur notre site web, april.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites également connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles. Par exemple, si l’actualité de l’informatique vous intéresse William vous donne rendez-vous à 14 heures pour Cyberculture chaque samedi et il y a plein d’autres émissions magnifiques, vous allez sur causecommune.fm
La prochaine émission Libre à vous ! aura lieu en direct mardi 1er juin 2021 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur la communication visuelle et les logiciels libres.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 1er juin et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par realaze.