Présentation
- Titre : Les batailles politiques et institutionnelles autour du logiciel libre Par Jeanne Tadeusz
- Lien vers la vidéo
Transcription
Bonsoir à tous et merci d’être là pour cette conférence. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Jeanne TADEUSZ, je suis responsable des affaires publiques à l’April, c’est-à-dire que je m’occupe de tout ce qui est politique, institutionnel, et aussi, toutes ces questions là dans l’association.
Aujourd’hui, l’objectif de cette conférence, c’est de vous présenter un peu quelles sont les batailles politiques et institutionnelles en cours autour du Logiciel Libre. Et donc principalement de faire un point sur tout ce qui s’est passé ces dernières semaines ou ces derniers mois sur les questions Logiciel Libre et tout l’écosystème et l’environnement politique et juridique autour, qui nous concerne directement. Et de voir aussi un peu quelles sont les prochaines batailles et les prochains enjeux qui vont bientôt arriver.
Globalement, pour moi, en ce moment, il y a 4 grandes questions, 4 grands enjeux, qui sont vraiment essentiels, qui nous concernent et qui vont largement transformer le droit et la politique, l’écosystème finalement, dans lequel vit le Libre en ce moment.
Tout d’abord, il y a l’ACTA. L’accord commercial anti-contrefaçon, dont je pense beaucoup de monde a entendu parlé parce que c’est un enjeu récurrent qui concerne beaucoup de sujets, le Logiciel Libre mais aussi sans doute surtout les libertés sur Internet et de manière plus globale tout ce qui est question des libertés numériques.
Deuxième enjeu, c’est la question des brevets logiciels, qui revient malheureusement en ce moment sur le tapis, avec notamment un projet européen, que j’exposerai plus en détail, qu’on appelle le brevet unitaire. C’est des questions qui sont peut-être plus techniques, qui passent peut-être plus sous le radar pour beaucoup de gens parce que ça semble plus complexe, que c’est du droit, que ça se passe loin en plus, mais qui pourraient avoir potentiellement un impact très très important sur le droit et notamment sur le droit des brevets logiciels, et avec un risque très clair d’avoir des brevets logiciels qui arrivent à nouveau en Europe.
La troisième question qui est actuellement en cours, c’est la vente liée, que tout le monde connaît bien, qui nous concerne tous, parce que la vente liée, c’est la possibilité d’acheter souvent un ordinateur sans être obligé d’acheter un certain nombre de logiciels, notamment parmi les revendeurs grands publics. C’est une question dont tout le monde entend parler, on peut quand même se réjouir pour une fois qu’il y ait plutôt eu des avancées positives ces dernières semaines, avec notamment des débats assez intéressants à l’Assemblée Nationale. Aussi une décision importante de la court de cassation sur le sujet. On va revenir un peu dessus pour voir un peu quelles sont les évolutions, quel est l’état du droit et qu’est-ce qu’on peut attendre aussi maintenant.
Et la dernière question que je voudrais aborder aujourd’hui, c’est la question des marchés publics. C’est une campagne et un sujet sur lequel l’April se mobilise depuis quelques mois déjà, c’est notamment à la fois la question des marchés publics de Logiciels Libres, c’est-à-dire comment une collectivité locale, comment l’État peut choisir d’utiliser du Libre et quel type de procédure elle doit passer pour pouvoir le faire. Et aussi quelle est la place des logiciels libres et comment proposer du Logiciel Libre dans le cas d’un appel d’offre. Ce sont aussi des sujets qui sont un petit peu plus techniques et en même temps qui ont un impact très important, comme on peut l’imaginer, parce que si l’État se met à utiliser massivement du Logiciel Libre et que ça demande plus de facilité pour le faire, ça peut avoir des conséquences importantes dans notre quotidien. Simplement, imaginez si toutes les administrations développent et continuent d’utiliser du Logiciel Libre dans toutes les circonstances, à utiliser effectivement des formats ouverts, ça peut avoir des conséquences très positives pour nous tous.
Pour commencer sur le premier sujet, sur l’ACTA... Pour mémoire, sur l’ACTA, il me semble qu’il y aura une conférence sur les questions de libertés numériques, neutralité du Net, libertés sur Internet demain ou après-demain, j’ai un doute... Dimanche soir.
Discussion de 2 spectateurs sur la date de la conférence en question
Il y aura donc d’autres conférences sur le sujet, n’hésitez pas à aller les voir, ils rentreront sans doute dans ces enjeux là et dans ces questions là avec plus de détails. Je vais quand même rappeler globalement ce dont il s’agit.
L’ACTA, c’est un accord commercial qui est dit anti-contrefaçon. Il a été négocié depuis déjà 2 ans il me semble, dans le plus grand secret par 12 pays plus l’Union Européenne. Incidemment, ça a été d’ailleurs révélé par Wikileaks qui [avait dit] que cet accord était en cours de négociation, parce que c’était négocié complètement derrière des portes closes.
En fait, il concerne beaucoup de questions et finalement un scope très très large, il y a aussi bien le droit d’auteur, le droit des brevets, le droit des marques qui sont concernés. La première version de l’accord, celle qui était complètement passée sous le radar, c’était vraiment quelque chose de très intrusif et d’extrêmement inquiétant. Avec notamment l’interdiction de contournement des DRM, c’est-à-dire l’impossibilité de contourner les DRM si par exemple le vendeur du CD que vous achetez dans le commerce de musique disait qu’il fallait impérativement utiliser tel logiciel, même par exemple un logiciel Windows, pour pouvoir lire le CD sur votre ordinateur, vous ne pouvez plus rien faire. C’est-à-dire que tout logiciel qui vous permettait de passer à côté, c’était simplement illégal et interdit, passible de poursuites pénales.
C’est vraiment quelque chose où il y avait des conséquences dramatiques, changement du droit européen, changement du droit français qui était complet.
Aujourd’hui, cet accord est beaucoup plus limité, c’est-à-dire que l’Union Européenne et pratiquement l’ensemble des pays se sont engagés à ce que cet accord ne modifie pas le droit actuellement présent. Il n’empêche qu’il pose des principes qui sont quand même très dangereux et très négatifs, notamment il pose le principe que l’on ne devrait pas encourager le contournement de ce qu’ils appellent les mesures techniques de protection, les DRM, de ces verrous numériques.
Il pose des principes comme ça ! Il pose la sacralisation de ce type de verrouillage, comme quoi ce type de verrouillage devrait être la règle, et tant pis pour les utilisateurs, en faveur d’une certaine unification du droit, vers ce qu’il y a de plus répressif. Même si on ne change pas directement le droit avec ce type de traité, ce type de texte, on envoie un signal fort et ça ouvre la porte à changer le droit a posteriori, en Europe, en disant que "bah oui, mais on a déjà dit qu’on était d’accord avec ces principes là, pourquoi est-ce qu’on ne le ferai pas actuellement". Ça, c’est pour les conséquences techniquement, concrètement Logiciel Libre.
Les conséquences, elles sont multiples, elles sont sur pleins d’autres sujets, elles sont aussi dramatiques. Notamment sur des questions aussi vastes que la liberté pour l’accès aux médicaments. Notamment la question de droit d’auteur, de droit dit de propriété intellectuelle, mais principalement de droit d’auteur, sur les médicaments et les médicaments génériques.
Avec le type de droit que propose l’ACTA, on a déjà eu des exemples, avec notamment l’interdiction de bateaux entiers de médicaments génériques qui ont été bloqués dans certains ports alors qu’ils cherchaient simplement à se ravitailler. Parce qu’ils ne se conformaient pas au droit d’auteur ou au droit des marques dans le port de ravitaillement. Donc concrètement, des médicaments qui sont légaux en Inde, qui sont légaux au Brésil, déjà ils ne peuvent plus se ravitailler dans certains pays, ils se retrouveront avec leur cargaison bloquée à cause de questions de droit, de brevet, de licence. Alors même qu’ils sont légaux dans le port de départ et dans le port d’arrivée.
Simplement, ce texte il donne le droit à ce qu’on appelle les ayant-droits, ceux qui détiennent les licences, de bloquer des cargaisons de médicaments pour pouvoir contrôler le fait que ce soit légal. On peut imaginer les conséquences dramatiques que cela peut avoir, notamment quand on parle de traitements anti-rétroviraux ou de traitements contre la malaria, par exemple.
Après, il y a les questions bien évidemment de liberté sur Internet et de neutralité sur Internet, parce que vraiment, ce texte, il pose le principe et soutient le principe du filtrage. Il pose le principe de la responsabilité pénale des intermédiaires, c’est-à-dire que les intermédiaires techniques se retrouvent finalement dans l’obligation de surveiller tout ce qui se passe et de tout limiter, sinon leurs responsabilités peuvent se retrouver engagées au niveau pénal, c’est-à-dire au niveau de risques de prison et ainsi de suite. Donc on a vraiment une obligation finalement de créer des polices privées qui empêcheront chacun d’avoir réellement des libertés.
Donc pour le Logiciel Libre, comme je vous ai déjà expliqué sur les questions DRM et sur tous ces types d’enjeux.
Globalement, finalement, c’est le principe d’une pénalisation, d’une responsabilisation pénale pour toutes ces questions là qui, même si elles ne sont pas contraignantes, posent vraiment le principe que l’utilisateur est coupable par défaut, que les droits d’auteurs, droit des brevets, etc., doivent être... on doit donner tous les pouvoirs aux ayant-droits, de pouvoir contrôler par eux même avec la plus de facilité possible au détriment des droits des utilisateurs.
Où on en est aujourd’hui, de ces textes et de l’ACTA ? Une adoption prochaine, c’est possible, c’est clairement un risque. Il y a déjà un certain nombre de pays qui, début octobre... Le traité a été, le 1er octobre, ouvert à signature. Quelques pays l’ont déjà signé. Pas encore la France, pas encore l’Union Européenne. Pour que ce soit adopté, il faut encore qu’il y ait un vote au parlement européen, donc il y a beaucoup d’acteurs, notamment la quadrature fait un travail extra-ordinaire sur ce sujet, pour mobiliser les députés, pour leur expliquer les dangers. Il faut voir que si l’Union Européenne notamment refuse ce texte, il sera probablement abandonné. Si un pays de l’Union Européenne refuse ce texte, il sera peut-être abandonné également. On a encore un vrai travail à faire d’information, de sensibilisation, de mobilisation aussi, pour montrer que ces questions là nous intéressent et qu’on n’est pas prêt à voir nos libertés détruites et supprimées, simplement pour satisfaire le monopole de quelques acteurs actuellement présents.
Ça, ce que je vous expliquais tout à l’heure... Danger pour les DRM et changement complet du droit français.
Au risque d’être très négative sur ce sujet là, c’est vraiment un sujet important dont je pense vous avez entendu parler, mais qui mérite toujours d’être d’actualité, il y a des appels à mobilisation plus régulièrement. On ne peut que vous inviter à les suivre et à soutenir tout ceux qui travaillent sur ce sujet. Au niveau de l’April d’ailleurs, on est en train de préparer un courrier pour rappeler aux députés européens l’importance du sujet, si vous faites partie de l’association, n’hésitez pas à venir en discuter avec nous.
Le deuxième sujet, qui est également au niveau européen, c’est la question des brevets logiciels.
Pour ceux qui s’en souviennent, 2004, c’était la directive Brevet Logiciel qui était discutée au Parlement européen. C’était une directive qui voulait légaliser les brevets sur le logiciel. Ce qu’il faut bien voir aujourd’hui, c’est que le logiciel, il est protégé, bien sûr, par le droit, c’est à dire qu’il y a un droit autour d’eux, il n’y a pas de questions là-dessus, mais actuellement c’est du droit d’auteur, c’est à dire que le logiciel, finalement, c’est une formule mathématique.
C’est-à-dire qu’on ne peut pas exprimer, on ne peut pas copier comme on veut, comme on ne pourrait pas faire de plagiat pour un livre, par exemple. C’est logique, parce que ce serait finalement violer les droits des auteurs de ces logiciels. Par contre, les idées, c’est à dire le concept qui est derrière, n’est pas protégeable dans le sens où il n’est pas par exemple brevetable.
C’est un principe fondamentale, on dit en droit que les logiciels, que les idées sont de libre parcours, c’est à dire qu’une idée n’appartient à personne, chacun peut avoir une idée, tant qu’elle est dans le cerveau, elle n’est pas appropriable. C’est purement un concept, c’est simplement la manière dont elle est exprimée qui peut être protégé.
Comme le logiciel, c’est du texte finalement, c’est une formule mathématique, c’est l’expression du logiciel qui est protégée par le droit d’auteur. Le brevet, lui, il cherche à protéger d’autres choses, il cherche à protéger l’objet matériel, c’est à dire qu’il protège, qu’il empêche de la copie quelque chose qui est physique, par exemple un nouveau design ou une nouvelle machine.
Une machine comme on peut la regarder et la reproduire de la même manière, elle peut être protégée par du brevet. Un brevet, finalement, c’est un titre, c’est un monopole qui est autorisé par l’État, qui permettra qu’on ne fasse pas la même chose sans l’autorisation de l’auteur pendant un certain temps.
Par contre, le droit d’auteur, ça permet également de faire ça, mais uniquement vraiment sur l’explication, l’écriture concrète du logiciel. Ça c’est les règles qui sont en vigueur depuis très longtemps en Europe, depuis 1973 et la Convention Européenne des brevets.
En 2004, il y avait eu une nouvelle directive qui avait été mise en place pour changer complètement ce système et pour avoir l’idée d’un brevet sur l’ensemble des logiciels, comme ça existe d’ailleurs par exemple aux États-Unis. Cette directive finalement, elle n’avait pas été adoptée, elle avait été rejetée par le Parlement européen, qui avait reconnu assez clairement que le brevet logiciel est dangereux pour l’innovation, ce qu’on voit encore aujourd’hui dire aux États-Unis et qui posait beaucoup de difficultés et beaucoup de soucis.
Malheureusement, et alors même d’ailleurs qu’aux États-Unis, ils sont en train de revenir sur la question des brevets logiciels, parce qu’on le voit, actuellement, on a tous entendu parlé des affaires Google contre Apple par exemple aux États-Unis qui coûtent énormément d’argent, qui obligent des grosses entreprises à dépenser des millions de dollars en frais d’avocats pour finalement ne rien rapporter. Je pense que beaucoup d’entre vous ont entendu l’expression de Patent Trolls, de spéculateurs de brevet, c’est à dire ces gens qui déposent un maximum de brevets sur un maximum d’idées de logiciels, et simplement après, intentent un maximum de procès pour obliger les entreprises à leur payer des redevances alors qu’elles n’ont elle même rien produit. Ce qui coûte finalement de l’argent à tout le monde, et ne rapporte rien. On a plein d’études. La plus récente datant d’il y a 2 mois qui montre que simplement, les brevets logiciels, c’est un coût et ça réduit l’innovation. Malgré tout, les États-Unis sont revenus en arrière. Pas autant que certains l’auraient voulu, même si qu’en même, le champs de la brevetabilité a été réduit. Malheureusement, l’Union Européenne et principalement le Parlement et la Commission sont en train de complètement aller dans le sens contraire et sont en train d’envisager finalement différentes mesures qui pourraient finalement entraîner un retour des brevets logiciels en Europe, donc un danger très clair pour le Logiciel Libre et l’innovation en général dans toute l’Union Européenne. Juste, ça pour mémoire, c’est la campagne qu’il y avait eu en 2004 sur les dangers de la potentielle directive « Brevet logiciel ».
Aujourd’hui, qu’est ce qu’il se passe ?
On a la règle qui est claire, qui n’a pas bougé actuellement, les brevets logiciels sont illégaux, c’est à dire qu’on ne peut pas déposer de brevet sur un logiciel. Là où la situation se complique, c’est que, en Europe, les brevets sont délivrés au niveau national par les offices nationaux des brevets. Mais on a également l’office européen des brevets, qui regroupe un certain nombre de pays, qui lui peut aussi délivrer des brevets qui sont ensuite déclinés en brevets nationaux. Cet office européen des brevets, il est constitué uniquement de personnes nommées par les gouvernements, généralement des gens qui viennent vraiment du microcosme des brevets, de ce petit monde de gens qui se connaissent en plus très bien, qui eux sont globalement en faveur des brevets logiciels, parce que ce sont des avocats, parce que ce sont des juges, qui sont vraiment dans ce domaine et ont fait leur carrière grâce aux brevets logiciels. De plus en plus, on voit l’office européen des brevets qui tente de légaliser ces brevets logiciels. C’est d’ailleurs l’office européen des brevets qui était derrière toute la campagne en 2004 pour la directive "Brevet logiciel" et qui finalement délivre quand même des brevets sur des choses qui ne sont pas brevetables.
Donc ces brevets ne sont pas appliqués actuellement, tout simplement parce que les entreprises qui les demandent savent bien que devant un juge il ne tiendront pas. Mais en même temps, ils existent et ça leur permet d’avoir un porte-folio pour le cas où ça serait autorisé et légalisé un jour. Donc on est dans une situation qui est déjà complètement bancale, qui est très négative. Faut voir que les fonctionnaires de l’office européen des brevets se sont eux-même mis en grève en 2008 contre cette situation. Pour la dénoncer, ils ont écrit à de multiples reprises au Parlement européen, aux institutions européennes. La grande chambre de recours de l’office européen des brevets, qui est une chambre ad-hoc, qui fait un peu office de cours d’appel ou de cours suprême pour les brevets a elle-même souligné qu’il y avait des dérives que ce serait sans doute bien que le législateur prenne la main.
Rien n’a bougé.
On a vraiment une situation avec un office européen des brevets qui est assez puissant, qui donne des brevets logiciel qui ne sont pas appliqués aujourd’hui. Donc on en a qui sont vraiment déposés toutes les semaines en Europe. Cette situation était déjà assez inconfortable. Depuis le début de l’année, début 2011, elle est devenue d’autant plus dangereuse qu’on a un nouveau projet de titre de brevets qui est arrivé au niveau de l’Union Européenne que l’on appelle le brevet unitaire.
Ce brevet unitaire, qu’est ce que c’est ? La différence serait qu’au lieu d’avoir des brevets qui seraient installés dans chaque pays, on aurait un titre de brevet unique, qui serait applicable dans tous les pays signataires à l’accord dans l’Union Européenne, actuellement ça représente 25 pays, donc tous les pays de l’Union Européenne sauf l’Italie et l’Espagne. Après tout, si c’était simplement l’idée d’unifier les titres de brevets, ça ne pose pas de soucis, ça ne pose pas de questions en terme de logiciels libres, sur toutes les questions qui nous intéressent. Pourquoi pas, c’est peut être juste de la simplification. Le danger, c’est que ce type de brevet, il serait finalement développé sans aucun contrôle et il serait distribué sans aucun contrôle démocratique et qu’il est poussé par un certain nombre de personnes, notamment l’OEB, l’Office Européen des Brevets, qui cherchent clairement à prendre la main mise sur l’ensemble du système. Comment ils vont nous faire ça ?
Finalement actuellement, on a ce titre de brevet unitaire et ce qu’ils appellent la juridiction unifiée des brevets, c’est à dire qu’ils sont en train de pousser pour qu’il y ait une court complètement indépendante de tous les systèmes juridiques que l’on a actuellement qui s’occupe toute seule de toutes les questions de brevet. C’est à dire qu’on aurait un système de justice complètement parallèle qui s’occuperait de dire si les brevets sont valides ou invalides sans qu’il y ait aucun recourt devant une court suprême, que ce soit la cours de cassation, que ce soit la cours de justice de l’union européenne ou quelque soit d’autres. Donc déjà, le fait d’avoir un système qui est complètement différent, ça peut poser des questions, ça peut interroger, parce que on peut se demander, l’indépendance de la justice, les droits de la défense, comment sont-ils respectés, ainsi de suite. Et surtout, cette juridiction unifiée, comment est-ce qu’ils cherchent à la mettre en place ? Ils cherchent à avoir uniquement des juges spécialisés, c’est à dire des gens qui auraient des connaissances très importantes sur les questions de brevet. C’est à dire en clair, ils cherchent à mettre des avocats des brevets comme juge sur les brevets. C’est à dire qu’ils contrôleraient l’ensemble de la chaîne, ce qui simplifie forcément beaucoup les choses. On en arrive même quand on suit les débats en commission au parlement européen à entendre des avocats des brevets qui se plaignent de ne pas avoir une justice suffisamment prévisible. C’est vraiment l’idée qu’il faudrait que ce soit le microcosme des brevets, c’est quelques personnes qui travaillent là-dessus, soient à la fois les juges, les avocats, les parties et contrôle l’ensemble du système.
Clairement, ça veut dire que ni le parlement français ni le parlement européen, ni aucun autre institution démocratiquement élu n’aura plus aucun contrôle sur le champs de la brevetabilité. C’est à dire que l’idée qu’un brevet logiciel soit légalisé, et bien simplement l’OEB et la Juridiction des Brevets pourrait le dire et plus personne n’aurait rien à dire sur ce sujet. Donc à partir de là, on a quand même clairement un gros danger potentiel. C’est complexe effectivement, je vais essayer de vous expliquer de manière la plus claire possible mais ça peut être un système qui a beaucoup d’étapes. Mais en même temps, très clairement, l’idée, c’est de finalement déposséder l’ensemble des citoyens de tout ce qui est brevet et champ des brevets et de la manière dont c’est appliqué pour le donner à un petit groupe de personnes qui a tout intérêt à voir les brevets logiciel légalisés et mis en place.
Qu’est ce qui va se passer, quelles sont les prochaines actions ?
Malgré tout ça, tout n’est pas négatif, parce qu’on a tout de même un système avec un certain nombre de contrepoids dans l’Union Européenne. La Cour Européenne de Justice, au printemps dernier, a retoqué un premier projet de court unifiée en disant que les droits fondamentaux devaient quand même être respectés et que ce n’était pas le cas. Elle a rappelé qu’il y avait des principes fondamentaux, notamment l’indépendance de la justice, le respect des droits de la défense, c’était quand même un peu le fondement de l’Union Européenne et de nos démocraties. Et que ce nouveau tribunal qu’ils voulaient mettre en place, il fallait quand même qu’il respecte ce genre de choses. Visiblement, ça n’a pas plu du tout. Il y a encore beaucoup de discussions pour essayer de faire respecter cette décision.
On entend beaucoup, et notamment beaucoup de blogs des avocats des brevets, s’agitent sur le fait que la cours de justice outrepasse ses fonctions parce que c’est vraiment trop complexe et que c’est du droit technique et donc elle a rien à voir avec ça. On peut ne pas être d’accord, moi j’ai tendance à penser que tout ce qui est droits fondamentaux et respect des droits de l’Homme, ça passe avant, quand même. Et visiblement, au conseil, au Parlement Européen, il y en qu’en même pas mal qui pensent la même chose.
Ceci dit, les discussions progressent, un certain nombre de parlementaires sont prêts à faire passer ce texte malgré tout en se disant un peu "on verra bien". On verra bien, au pire la court européenne de justice réinterviendra pour remettre les choses en place. Je pense que ce serait négatif pour tout le monde, parce qu’on aurait forcément un laps de temps entre les deux, on créerait de l’incertitude juridique pour tout le monde. En plus, on ne peut jamais prédire ce que sera une décision de justice, c’est un peu le fonctionnement même de la justice, si la réponse était déjà claire et tout le monde la connaissait, on aurait pas besoin d’aller devant un juge. On aurait pas besoin de demander à quelqu’un de trancher si tout le monde connaissait déjà la réponse.
Actuellement, c’est encore en discussion, il y a rien qui a été voté à part l’idée qu’on devait commencer à y réfléchir. À l’April et avec d’autres, et notamment Gibus, si certains d’entre vous le connaissent, on a essayé vraiment d’avoir une action d’information sur ce sujet là. Il y a des débats, les débats continuent, les prochains auront lieu à la fin du mois de novembre, donc si vous avez l’occasion d’en discuter et de soulever cette question des brevets logiciel et des dangers autour de toute cette législation des brevets, c’est aussi une question qui est vraiment importante et je pense que tous les développeurs, tous les utilisateurs qui ont eu l’occasion notamment de travailler avec les États-Unis où le système est très différent, auront bien conscience du danger que présente clairement les brevets logiciel pour nous tous.
Troisième sujet, pour revenir sur quelque chose qui semble être plus immédiat et plus direct et qui nous concerne plus au niveau français directement : la question de la vente liée ordinateur / logiciel. C’est une question sur laquelle on travaille depuis longtemps, où tout le monde s’est trouvé confronté un jour ou l’autre simplement en voulant acheter un nouvel ordinateur portable dans le commerce grand public, pouvoir l’acheter sans logiciel, c’est très difficile.
Alors même que le droit dit qu’on devrait pouvoir acheter séparément un bien et un service. Donc un ordinateur un logiciel.
Actuellement c’est pas le cas. On avait quand même eu, déjà en 2008, avec le plan « France numérique 2012 », le gouvernement qui s’est engagé en faveur du découplage des ventes, donc la possibilité d’acheter l’un sans l’autre. On n’a pas vu d’action sur le sujet, clairement. Le ministre, donc Eric Besson, a affirmé qu’il y avait eu des progrès. Personnellement, je ne les ai pas vus, je pense que personne ne les a vraiment vus. On reste encore au même état.
Après il y a eu une décision, plusieurs décisions pardon, de la cour de cassation, l’hiver dernier, qui a soutenu le droit des utilisateurs et des consommateurs de demander à avoir la machine sans les logiciels, et d’avoir les remboursements. C’est pas suffisant, parce qu’on devrait même pas avoir à se faire rembourser, parce qu’on devrait même pas avoir à les acheter.
C’est malgré tout un petit progrès pour tous ces consommateurs qui ne veulent pas avoir à payer ces licences, et donc au moins à récupérer l’argent qu’ils avaient versé.
On a eu, suite à cette décision de la cour de cassation, beaucoup de décisions de proximité, au printemps 2011, qui ont validé l’idée que justement, le remboursement de défaut de découplage devait pouvoir se faire de manière plutôt plus simple, plus rapide, sans poser trop de restrictions au consommateur.
Donc, c’était un petit progrès.
Et on a eu une décision, qui elle par contre était très très positive, en mai 2011, de la cour d’appel de Versailles.
Donc, c’était l’UFC que choisir, qui avait porté vraiment le dossier, et qui avait attaqué HP en justice, justement sur le découplage, et donc la possibilité d’acheter un ordinateur sans avoir à acheter des logiciels. La cour d’appel de Versailles a donné raison à l’UFC sur tout la ligne. En disant que effectivement, un consommateur pouvait très bien choisir d’acheter une machine sans avoir à acheter nécessairement des logiciels, et que en plus, dans la mesure où HP propose ce type de chose, à leur clients professionnels, il y a aucune raison, qu’il ne propose pas à leur client grand public, et que finalement c’est contraire au droit du commerce, parce que c’est contraire simplement à la diligence professionnelle, auquel est astreinte chaque vendeur.
Donc a priori, HP a fait appel, donc cette décision n’est pas encore appliquée, enfin c’est pourvu en cassation, pardon, donc cette décision n’est pas encore appliquée.
Malgré tout, c’est clairement une avancée, parce que la décision est très claire, les juges ont visiblement bien compris les enjeux, et ont vraiment expliqué que, à partir du moment où le consommateur le demandait, et que c’était techniquement possible puisque c’est déjà proposé, c’était anormal que ça ne soit pas le cas.
Malgré tout, c’est vrai que l’on ne voit pas vraiment de différence dans notre quotidien. Je suis bien d’accord, malheureusement ça reste un vrai problème.
On a quand même eu, des discussions aussi sur le sujet dans le cadre du projet de loi « protection et droit des consommateurs » fin septembre et début octobre dernier, à l’assemblée nationale. Où il y a eu un certain nombre d’amendements qui ont déposés, donc trois amendements si mes souvenirs sont bons, pour justement permettre le découplage.
Avec des débats assez houleux à l’assemblée nationale, parce que, certains affirmant qu’il n’y avait pas de problème, et que les consommateurs n’en voulaient pas, d’autres que ça n’intéressait personne, d’autres affirmant que vu le nombre de coups de téléphone et de mails qu’ils avaient reçus sur cet enjeu là, c’était bien la preuve que si, il y avait quand même du monde que ça concernait.
Finalement aucun amendement n’a été adopté. C’est peut-être dommage, en même temps, on a eu des débats d’une tenue qu’on avait jamais vu jusqu’à maintenant.
C’est à dire qu’on a quand même beaucoup de députés qui ont visiblement compris quels sont les enjeux, puisque la question du découplage/non-découplage, les débats ont porté vraiment sur des enjeux techniques, qu’on a arrêté d’entendre que linux n’était pas utilisable par le commun des mortels et autre argument qui vole vraiment très bas. On a plus entendu des questions sur, beaucoup plus techniques, sur l’égalité vis à vis du droit européen, sur qu’est ce qu’on peut imposer aux entreprises, ainsi de suite. Donc à ce niveau là on a clairement eu des avancées, et des évolutions.
Malheureusement pas d’amendement adopté, principalement parce que, il a été su, le jour même des débats à l’assemblée nationale qu’il y allait avoir une décision de la cour de cassation, sur le même sujet, deux jours plus tard. Ce qui, forcément, limite beaucoup l’intérêt de voter des amendements, quand la cour de cassation va se prononcer sur la légalité par rapport au droit européen.
Cette décision, ça a été le six octobre 2011.
On peut regretter que c’était une décision a minima, alors qu’elle avait été très attendue. Elle est globalement positive, c’est à dire qu’elle donne raison à l’UFC, quand elle dit que être informé sur les conditions de vente et sur l’ensemble des logiciels qui sont achetés en même temps qu’un ordinateur, c’est un droit fondamental du consommateur, et le fait d’avoir les conditions de licence, aussi c’est un droit fondamental.
Malgré tout, la décision elle est très courte, pour ne pas dire franchement lapidaire. Elle se contente de dire que le juge de cour d’appel, qui avait dit que le consommateur il était pas très intelligent, linux c’était compliqué à installer, et que donc du coup le consommateur moyen en avait rigoureusement rien à faire, de pouvoir choisir d’acheter ou non des logiciels avec son ordinateur, donc il y avait pas de violation du droit.
Cette décision a été complètement, a été quand même annulée, donc du coup une nouvelle décision doit être prise par la cour d’appel, donc cette fois ci ça a été renvoyé devant la cour d’appel de Versailles. Malgré tout la cour de cassation n’a pas du tout été claire sur ce qu’elle estimait, et qui était légal ou illégal, elle a juste considéré que le juge avait eu une erreur manifeste d’appréciation.
Donc qu’il fallait simplement redonner une nouvelle décision sans donner vraiment de précision par ailleurs.
Donc, la suite, cette décision qui a été cassée, va revenir devant la cour d’appel, et on peut espérer que d’ici un an on ait une décision plus claire, sur ce sujet là, et donc, ce sera cette fois ci la cour d’appel de Versailles, qui va devoir trancher.
Et en parallèle, quand même, même si les amendements n’ont pas été adoptés dans le cadre du projet de loi consommateurs. Ce projet de loi va être discuté en première lecture au sénat dans les prochaines semaines ou prochains mois, et donc on peut penser que, des groupes politiques qui avaient déposé des amendements sur le sujet de la vente liée, les redéposent à nouveau. Et se ressaisissent du sujet dans le cadre des prochains débats. Sachant que la législature est quand même bientôt terminée, donc ce n’est pas une évidence qu’on ait le temps de trancher directement sur tous ces enjeux.
Dernier sujet, avant de discuter un peu plus librement, et si vous avez des questions.
C’est la question des marchés publics, et de l’acquisition de logiciels libres par les collectivités locales.
Donc on a déjà eu un certain nombre de décisions, que ce soit politique, plus pragmatique ou par des collectivités locales et par des acteurs publics, donc on peut se souvenir du passage des postes de travail des députés à l’assemblée nationale en 2007,
C’est des décisions qui ont été prises il y a déjà quelque temps. Qui sont importantes parce que c’est vraiment des migrations de grande ampleur, que ça concerne beaucoup de gens, beaucoup de postes, et que finalement c’est un très bon exemple de l’importance et l’utilité du libre dans le cadre des collectivités locales et des acteurs publics.
Globalement, on a quand même un grand problème, aujourd’hui encore sur les marchés publics, qui est la possibilité simplement pour les entreprises qui font du logiciel libre, de proposer leur produit, de proposer des solutions en libre, à des acteurs publics, à égalité, finalement, avec des logiciels propriétaires. Parce que on a beaucoup d’appels d’offre qui exigent, du logiciel propriétaire, qui exigent un type de logiciel unique, finalement, sans aucune possibilité de pouvoir en changer. Ce qui est contraire au droit des marchés publics, et qui est, aussi simplement, qui va simplement à l’encontre d’une concurrence qui pourrait pourtant sembler évidente, surtout quand il s’agit d’argent public.
En parallèle on a aussi la question qui a longtemps été posée, de la possibilité ou non, de choisir de manière, plus politique peut-être, ou en tous cas en interne, un logiciel libre.
Puisqu’après tout un logiciel libre est librement disponible, donc souvent s’acquiert, en tous cas pour un certain nombre de logiciels libres, s’acquiert sans coût, direct. Puis après de passer un marché sur de l’accompagnement, de la maintenance, ainsi de suite.
Donc c’est une question où il y a eu pas mal de débats, notamment juridiques, politiques, peut-on acquérir un logiciel libre sans passer par un marché, et comment ça se passe concrètement.
On a eu très récemment une décision du conseil d’état. Donc le 30 septembre dernier, dans le cadre de la région Picardie.
Alors là, bon on se pose dans un cadre qui est quand même assez précis, donc la région Picardie, comme toutes les régions, est en charge des lycées, et donc notamment des espaces numériques de travail, les ENT, qui sont les espaces numériques que tous les lycéens, et souvent aussi les enseignants, parfois les parents, utilisent pour pouvoir travailler et se contacter.
La région Île de France, il y a déjà quelque temps, avait lancé le développement et la mise en place d’un logiciel libre, un ENT libre, qui s’appelle Lilie. Qu’ils ont déployé dans l’ensemble de la région. En Picardie ils ont trouvé que finalement ça marchait pas mal, et qu’ils utiliseraient bien le même. Donc ils l’ont récupéré, concrètement ils l’ont récupéré sur internet, et ils ont commencé à le tester, en interne etc., et ils ont décidé que ça leur plaisait bien, et donc du coup ils ont passé un marché de prestation de services pour demander à un prestataire de le déployer, de faire la formation et de faire la maintenance. Ce choix de la région Picardie avait été attaqué, parce que ils considéraient, par des entreprises qui disaient que c’était injuste, parce qu’elles pouvaient pas proposer leur propre solution.
Et le conseil d’état, donc après un certain..., c’était l’appel, puisque c’était une décision en référé, a déclaré que, si si la région Picardie pouvait le faire, puisque d’une part le fait que ce soit un logiciel libre, il y avait pas d’achat de logiciel à proprement parler, puisqu’il n’y avait pas de coût de licence, et deuxièmement, que le fait que ce soit un logiciel libre, ça implique que tout le monde peut l’étudier, que tout le monde peut le modifier, et donc que chaque prestataire qui existe sur le marché peut tout à fait proposer de faire le déploiement, la maintenance, ainsi de suite, sans qu’il y ait vraiment de discrimination entre les différents prestataires. Et donc à ce titre, on pouvait tout à fait faire ce choix et faire comme l’a fait la région Picardie.
Alors pourquoi c’est important ?
Parce que clairement, c’est quelque chose qui peut vous sembler évidente. Un logiciel libre, il n’y a pas de coûts de licences donc vous n’avez pas besoin de l’acheter. N’empêche que c’est quelque chose qui avait été souvent contredit, remis en cause, et qui était souvent source d’inquiétude pour beaucoup d’acheteurs publics. Et aussi ça montre bien que les caractéristiques intrinsèques du logiciel libre, ça offre vraiment des possibilités d’égalité en terme de concurrence et autre, et d’égalité sur le marché que ne propose pas le logiciel propriétaire.
Donc à ce titre là, on peut vraiment se réjouir que le conseil d’état ait vraiment donné cette décision qui semble vraiment qu’il ait compris ces différentes questions sur le libre. C’est quelque chose de très positif, après il y a encore beaucoup de choses qui restent à faire, évidemment, sur cette question. Le fait qu’il n’y ait pas des achats de licences notamment sans aucun appel d’offre, c’est qu’en même quelque chose qu’on avait vu très récemment pour les institutions européennes. Au printemps dernier notamment, la Commission avait décidé d’acheter plusieurs millions de licences Windows 7 pour l’ensemble des postes de toutes les institutions européennes sans passer par un appel d’offre, en considérant qu’il n’y avait que Windows qui existait. Donc on peut quand même regretter encore cette décision et on voit qu’il y a encore beaucoup de travail sur ces questions là. Malgré tout, le Conseil d’état qui rend une décision dans ce sens ainsi que des région qui tout de même commencent à choisir du libre, des acteurs aussi importants que l’assemblé nationale ou la gendarmerie nationale qui sont prises en exemple encore aujourd’hui, et puis aussi d’autres pays qui utilisent du libre de plus en plus, comme au Brésil ou au Canada. On peut espérer que la situation va continuer à évoluer, notamment sur ces dossiers.
Donc voilà, pour un petit panorama des différentes questions, forcément sur un certain nombre de sujets limités, il y a d’autres enjeux, d’autres débats qui sont en cours. En même temps, j’ai déjà beaucoup parlé, donc si vous avez des choses que vous voulez que j’aborde, si vous avez des questions, des remarques, n’hésitez pas.
Public : Bonjour, est-ce que vous connaissez des exemples d’utilisation de logiciel libre dans le cadre de marchés publics européens ? Vous citiez le Brésil et le Canada.
Jeanne Tadeusz : Au niveau de l’Union Européenne ?
Public : Oui.
Jeanne Tadeusz : Je sais qu’il y a en Espagne, notamment, en Estremadura, il y a beaucoup d’exemples dans le cadre des écoles, d’utilisation du logiciel libre. On peut aussi citer le cas de la région du Piémont en Italie, qui a changé sa législation, pour que tous les logiciels, qu’ils soient choisis par l’ensemble des acteurs locaux dans la région, donc des acteurs publics, soient des logiciels libres par défaut, et que s’ils ne veulent pas utiliser du logiciel sous licence libre ils doivent expliquer pourquoi. C’est à dire qu’ils doivent le justifier. C’est à dire qu’en fait, finalement, on a un renversement de la situation, qui ne leur empêche pas d’utiliser du propriétaire quand c’est ce qui convient effectivement le mieux. Mais s’ils ne veulent pas utiliser du libre il faut qu’ils le justifient. Donc c’est un exemple de politique qui est intéressante, en termes, justement, de promotion et d’usage par les collectivités locales.
Public : Merci
Public : Oui, vous avez cité la gendarmerie nationale comme utilisateur. Mais bon, l’utilisateur qui serait quand même le plus important ce serait l’éducation nationale... Alors qu’est ce qu’on fait ? Parce que là, si on commence à diffuser, dès le départ à des jeunes, on peut penser que, quand ils seront en entreprise, ils auront tendance à réclamer du libre. Donc qu’est ce qu’on peut faire ? Ça sort un petit peu du cadre juridique, mais...
Jeanne Tadeusz : Mais non non, mais c’est tout à fait politique ensuite. Donc, après, je pense qu’il y a effectivement de la sensibilisation qui est importante à faire au niveau du ministère. Après je pense que c’est intéressant de voir aussi, au niveau notamment des départements et des régions, puisque quand même, maintenant la responsabilité du quotidien dans les régions, dans les départements, dans les collèges et les lycées, sont confiés aux départements et aux régions. On le voit concrètement, je pense par exemple, moi j’ai fait mes études dans l’académie de Créteil, et déjà on utilisait Open Office. Parce que c’est l’académie qui décidait, c’est la région qui décidait quel type de logiciel on utilisait au quotidien. Pareil, la région Île de France avait d’ailleurs distribué des clés USB avec un certain nombre de logiciels libres, pour justement leur proposer, pour pouvoir justement à la fois sensibiliser et permettre aux lycéens de pouvoir utiliser ces logiciels. Donc, il y a effectivement de la formation à faire, de l’information à faie, mais au niveau local je pense qu’il y a quand même beaucoup d’initiatives qui sont à encourager, pour l’utilisation par les écoliers, les collégiens et les lycéens.
Public : J’aurais voulu savoir : c’est en tant qu’individu isolé, comment se mettre au courant de tout ce qui se passe ? de la progression et savoir même vous : comment vous êtes au courant de ces évolutions ? Parce qu’on entend, je veux dire, dans les médias de masse, jamais parler. Là ce soir je suis au courant d’un tas de choses, dont j’ai jamais entendu parler.
Jeanne Tadeusz : Et bien, le plus simple c’est de venir à l’April, et de lire directement. On essaye de tenir au courant un maximum de personnes par les lettres d’information publiques et internes. Après il y a quand même, ça dépend des sujets, même si les médias de masse ne relaient pas forcément... Sur la vente liée par exemple, il y a eu un certain nombre d’articles qui sont passés.
Je pense, il y en a eu, il me semble, sur le monde notamment... et sur un certain nombre de journaux plus spécialisés. Idem sur ACTA, on en voit quelques uns. Sur la question des brevets : Brevets unitaires, brevets logiciels, alors en France je ne suis pas sûre, mais je sais que le Guardian par exemple, en Grande Bretagne, a publié une série d’articles sur le sujet. Donc c’est peut-être plus..., voilà, il n’y en a pas partout, c’est pas quotidien, mais il y a quand même un certain nombre de relais dans la presse qui se font et qui ont lieu. Et après, pour l’information, bah c’est les journaux spécialisés. Nous on essaie effectivement de collecter de l’information, de la relayer. A l’April on a aussi, donc on a deux lettres, une lettre d’information publique, une lettre d’information interne. On fait une revue de presse aussi, toutes les semaines, pour justement essayer d’informer un maximum sur ces enjeux là.
Public : merci.
Public : ... ils ont un média kit en fait, qui reprend en vidéo, c’est un flux de news, qui reprend en vidéo tous les articles, à la fois des journaux télévisés, mais aussi des émissions, tout ce qu’on peut trouver par exemple sur France 5 ou parfois aussi sur France 3 tard dans la soirée, qui reprennent tous ces sujets en fait, sur l’ACTA, sur la copie, etc. Donc ça c’est une bonne source d’information, et en plus elle est télévisuelle... C’est sur le média kit de la quadrature du net. Donc il faut taper "media kit quadrature du net" sur google, et normalement on tombe sur la page.
Jeanne Tadeusz : Oui, et la revue de presse de l’April, effectivement, il y a un flux RSS, on essaye justement de relayer les articles les plus importants, pour pouvoir se tenir au courant.
Public : Est-ce que vous pourriez nous parler juste un petit peu plus de l’April, parce que je ne connaissais pas jusque là, et l’April.
Jeanne Tadeusz : Donc l’April, on est une association de promotion et défense du logiciel libre. Donc on existe depuis presque 15, puisqu’on aura 15 ans la semaine prochaine. On s’occupe principalement de promouvoir et défendre le libre au niveau plus éthique, philosophique, c’est à dire qu’on ne défend pas un logiciel libre particulier, on défend le logiciel libre en général. Et donc on a deux types d’action principales. C’est tout ce qui est politique institutionnelle, c’est à dire que, et c’est ce dont moi je m’occupe principalement, c’est donc d’aller voir les politiques, de se tenir au courant de l’actualité, d’aller expliquer l’importance du logiciel libre à la fois au niveau gouvernemental, au niveau de l’assemblée, aux collectivités locales, je suis à Bruxelles aussi régulièrement. Pour essayer à la fois de leur expliquer l’importance d’utiliser du libre, et aussi l’importance de ne pas avoir un éco-système politique et juridique qui soit négatif et qui empêche au libre simplement de se développer et de se mettre en place. Et après aussi on a une action de sensibilisation, d’information plus orientée grand public, on édite notamment un certain nombre de brochures, de guides.
Vous avez par exemple vu le guide 26 logiciels libres à partager, à découvrir... On est aussi présents sur les salons, sur un certain nombre d’événements pour informer plus le grand public, les gens potentiellement intéressés sur ces questions. Et donc on représente actuellement 5 500 adhérents environ. Donc 5 000 personnes physiques, des gens comme vous et moi qui sont simplement intéressés, passionnés, et qui deviennent membres pour soutenir notre action, et après on a environ, un peu moins de 500 entreprises, collectivités locales, associations, qui nous soutiennent également. Et c’est vrai que chacun est important dans ce genre d’action, parce que même si chacun adhère juste comme ça, même sans être nécessairement actif... Simplement, concrètement, pour moi, quand je vais demander un rendez-vous à un ministre, dire "je représente 5 500 personnes", c’est une crédibilité quand même nettement plus importante que si j’en représente 45 ou 350.
Public : Est-ce qu’on pourrait revenir sur l’ACTA, parce que j’ai pas bien compris ce que c’était, est-ce que c’est un projet de loi ou...
Jeanne Tadeusz : C’est un accord international, c’est un accord commercial. C’est un accord qui est décidé, qui est discuté entre différents pays, entre les différentes nations qui comme n’importe quel autre accord international en fait, les accords TRIPS ou l’accord de l’OMC, et qui se mettent d’accord sur des principes de textes de lois qu’ils vont chacun ensuite appliquer dans leur pays.
Oui, c’est comme ça qu’ils annoncent la lutte anti-contrefaçon. Donc c’est contre les copies contrefaites et contre ce type de questions. Sachant que c’est l’ensemble de la contrefaçon, donc c’est la contrefaçon sur Internet, la contrefaçon en termes de téléchargement d’œuvres, mais aussi les questions de contrefaçon de médicaments, contrefaçon d’objets de luxe, tout ce qui est contrefaçon en général.
Public : ... est-ce qu’on peut acheter une licence Windows par exemple, même si il y a un logiciel libre qui fait la même chose. Parce que je suis Brésilien, et au Brésil c’est très différent : s’il y a un produit qui est gratuit ou moins cher qu’un produit. S’il y a un processus d’achat, c’est interdit d’acheter un produit comme par exemple Windows s’il y a un produit libre qui sait faire la même chose. Comment ça marche en France ? C’est possible de vraiment acheter une licence Windows par exemple ?
Jeanne Tadeusz : Oui, en France malheureusement les règles sont pas aussi positives pour le logiciel libre qu’au Brésil. Clairement actuellement on a encore le gouvernement qui achète beaucoup de licences Windows et autres. En France, ça passe par le principe, donc du marché public et de l’appel d’offres, c’est-à-dire que le gouvernement va dire qu’il a besoin de licences logicielles, de licences de systèmes d’exploitations, et donc les différents prestataires vont pouvoir proposer des licences, et donc en France ça ne se fait pas seulement sur la règle du "moins-disant", c’est-à-dire le moins cher, mais aussi selon la règle du "mieux-disant" : c’est-à-dire qu’il faut remplir un certain nombre de caractéristiques techniques, et des caractéristiques techniques qui sont en général tournées de manière à ce qu’elles soient exactement celles d’un logiciel, enfin typiquement de licence Windows s’ils ont décidé de vouloir ça, et non de logiciels libres. Et après, on a aussi un nombre non négligeable de marchés publics qui ne respectent simplement pas ces règles là, et qui disent qu’elles veulent acheter les licences Windows point. C’était ce qui s’était passé au niveau des institutions européennes mais on le voit encore régulièrement au niveau français. Des études statistiques ont été faites et c’est je crois une quinzaine de pour cents de marchés publics en France qui citent nommément le nom du logiciel qu’ils veulent acheter. On aimerait arriver à la situation brésilienne mais on n’en est pas encore là.
Jeanne : Oui, le fait qu’il n’y ait pas d’argent, c’est une motivation de certains pour passer aux logiciels libres parce-qu’il n’y a pas de coût de licence. Après, il y a un coup de migration quand même, qui n’est jamais à négliger ou à oublier. Ça représente un gain très clair sur le long terme mais sur le court terme ça peut représenter un investissement que tout le monde n’a pas forcément envie de faire en ce moment justement à cause de la crise. Donc, c’est un peu à double tranchant quand même.
Public : J’ai juste une question par rapport à la vente liée comment je peux, en tant qu’individu, faire exercer mon droit ? Admettons que j’aille dans un magasin et que je veuille acheter un ordinateur portable, y a dessus des logiciels dont je n’ai pas besoin, si le vendeur ne veut pas dissocier le prix de matériel et du logiciel, comment je peux faire ? Existe-t-il une procédure ? Quelle est l’action que je peux mener ?
Jeanne : Aujourd’hui, c’est effectivement compliqué. Malheureusement, dans un monde où tous les vendeurs respecteraient le droit, on pourrait acheter l’ordinateur sans à avoir à acheter les logiciels. Clairement, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Donc, aujourd’hui, moi ce que je peux recommander, c’est de consulter quels sont les bons revendeurs. Parce-qu’il y a un certain nombre de revendeurs qui le proposent. Notamment, il y a un site, http://bons-vendeurs-ordinateurs.info/, qui propose justement une liste et quelles sont les procédures. Si après, ce n’est pas possible parce-qu’on a besoin d’acheter un ordinateur chez un certain prestataire ou que l’ordinateur que l’on veut n’est pas disponible chez les bons vendeurs, un certains nombre de constructeurs proposent une procédure de remboursement, donc ce qui exige quand même, malheureusement, d’acheter le logiciel. Ce qui n’est pas suffisant mais déjà, pouvoir ce faire rembourser, c’est toujours mieux que rien, j’imagine, concrètement pour le consommateur, et là, ça dépend des constructeurs, y en a pour qui c’est plus simple que pour d’autres, et là aussi, je peux que recommander de se renseigner avant. Parce-que certains demandent simplement, par exemple, de renvoyer le ticket de caisse avec l’autocollant et le remboursement se fait. D’autres peuvent jusqu’à exiger de renvoyer l’ensemble de la machine pour pouvoir se faire rembourser potentiellement de 20 ou 30 euros, ce qui est quand même bien pire.
Mais globalement, il y a l’initiative "Racketiciel", qui est très engagée sur ces questions là. Il me semble d’ailleurs qu’ils font une conférence à un autre moment pendant l’Ubuntu Party. Donc, n’hésitez pas à aller voir leur site qui est assez clair et bien documenté sur la question.
Et actuellement, tout ce que je peux recommander, c’est de se renseigner avant d’acheter, pour pouvoir éviter de se retrouver à être obligé d’acheter une licence dont on a pas besoin et qu’on a pas envie d’avoir et qui représente un coût important, parce-qu’il ne faut pas oublier que les licences de logiciels ça présentent environ 20% du coût que vous payez quand vous achetez un ordinateur, donc ce n’est quand même pas rien.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Ah non... A moins d’être allé jusque devant un juge pour exiger le remboursement, ils ne remboursent jamais 20%, non.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Toujours ? Non. Ne serait-ce que parce-que c’est devant la juridiction de proximité, donc après, les juges sont plus ou moins conscients des enjeux, plus ou moins sensibilisés. Mais en règle générale et surtout depuis novembre dernier où on a eu des décisions très claires de la cours de cassation, la plupart des gens gagnent. Sachant que, malheureusement, à partir de maintenant y a un droit au timbre pour intenter une action en justice, qui représente 35 euros, et du coup y a une désincitation à aller en justice, malheureusement pour ces questions là aussi, car il faut investir 35 euros pour demander le remboursement.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Voilà, c’est ça. Il y a un certain nombre de constructeurs qui vont aller directement au procès, systématiquement, refusant tout remboursement, parce-que eux, ils préfèrent payer un avocat et des dommages et intérêts de temps en temps plutôt que d’avoir à rembourser tous ceux qui en font la demande. Et d’ailleurs, à ce sujet là, il y a un certain nombre de constructeurs qui ont été même condamnés pour procédures abusives à force d’avoir été en procès pour des problèmes de ventes liées.
Public : Est-ce qu’on a une idée des économies réalisées par la gendarmerie, par exemple sur le logiciel et quel est le recul par rapport aux utilisateurs ?
Jeanne : Alors, ce n’est pas encore terminé parce-que ça a été lancé y a déjà quatre/cinq ans. Mais ça a été une migration qui a été progressive donc c’est en cours de déploiement, même si c’est bientôt terminé. Les économies, alors c’est sujet à caution car je n’ai pas les chiffres sur moi, ça se chiffre en millions d’euros, il me semble.
Public : 2 millions et demi
Jeanne : 2 millions d’euros par an, d’accord, voilà. Je savais que le chiffre dépassait le million d’euros par an, ne serait-ce qu’en terme de licences. Et les retours d’utilisateurs sont très bons. C’est cela qui est le plus encourageant pour nous : que les utilisateurs sont globalement très satisfaits parce que le système fonctionne bien, c’est un progrès par rapport à ce qu’ils avaient auparavant. Il y a bien eu quelques difficultés liées au déploiement et à la mise en place, mais globalement il n’y a pas de difficulté particulière, et au contraire, par rapport au système précédent, et en comparaison avec le système de la police qui est antédiluvien, c’est beaucoup, beaucoup mieux.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Oui, et effectivement, il est moins attaqué, il y a moins de problèmes de sécurité, ce qui est assez essentiel pour la gendarmerie.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Pour lutter contre l’ACTA, contactez vos députés, il y a des pétitions qui ont été mises en place, il y a des vidéos qui circulent également, n’hésitez pas à aller les voir. Ce sont des vidéos de la Quadrature qui sont aussi sur le site de l’APRIL. N’hésitez pas à aller les voir, n’hésitez pas à appeler vos députés, à leur envoyer des mails, et à insister sur le fait que c’est vraiment un enjeu qui est important. Parce qu’au début, clairement l’ACTA, c’est quelque chose qui est passé sous le radar, parce qu’ils avaient l’impression que c’était des sujets techniques qui n’intéressaient personne. Aujourd’hui, on commence à le voir dans les plus grands journaux, ça donne lieu à de grands débats au parlement européen, etc. Simplement parce qu’il y a une mobilisation citoyenne et quotidienne, par des gens comme vous et moi. On l’a vu nous aussi sur la vente liée, on avait demandé aux gens de le faire : on a eu une mobilisation et les députés ont vraiment, pour certains d’entre eux, pris conscience que ça concernait des gens. Parfois, c’est pas plus simple que d’écrire un mail ou de prendre son téléphone pour contacter directement les députés ; pour le faire, pour avoir toutes les informations, je vous invite à contacter la Quadrature, qui coordonne toutes ces actions-là.
Public : Vous souhaitez lutter contre l’ACTA, mais est-ce que vous proposez des solutions équivalentes ou différentes ? Aujourd’hui, est-ce qu’il existe clairement des solutions pour lutter contre le piratage ? La contrefaçon est quand même un problème qui existe, est-ce qu’il y a des solutions alternatives ?
Jeanne : D’abord, est-ce que le fait de fixer des règles internationales à 12 pays plus l’Union européenne, donc un petit club de pays riches, c’est vraiment la manière de lutter contre la contrefaçon, et en plus de le faire dans le secret, sans vouloir sortir les textes avant qu’ils soient décidés et actés complètement, personnellement, j’en doute. Je ne pense pas que ce soit la manière de faire et que ce soit la manière d’apporter une solution quelle qu’elle soit. Après, une position concrète sur la contrefaçon... En plus la contrefaçon, elle prend beaucoup de formes différentes, je ne suis pas sure qu’un texte global sur la contrefaçon soit pertinent parce que la contrefaçon de marque, les fausses montres ou les faux sacs ou la question du téléchargement ne relèvent pas tout à fait des mêmes enjeux. Donc vouloir traiter ça dans un seul et même texte, à petit comité, de manière réduite et cachée, ce n’est vraiment pas la réponse. Moi, personnellement ce que je pense, c’est qu’il y a un débat qui devrait être engagé, et notamment sur la question du droit d’auteur, et de la rémunération des auteurs, qui n’a pas du tout lieu aujourd’hui parce qu’on veut que des règles qui ne sont peut-être pas tout à fait... ou plus pertinentes aujourd’hui soient appliquées dans un système qui est différent, qui a beaucoup évolué. Donc à ce titre là, je pense que c’est plutôt une réflexion globale sur les règles et non un simple durcissement des sanctions pénales qui devrait être mis en place.
Public : Heu, non, mais, le problème de l’ACTA en fait c’est que la contrefaçon c’est une parade. Il est dit que c’est pour protéger les auteurs, mais en fait c’est plus les corporations, les multinationales, qui vont avoir du profit là dedans. C’est pas les artistes, les ingénieurs, ou je ne sais pas, les couturiers qui vont être protégés, mais c’est justement les gens qui touchent de l’argent là-dessus. On ne peut pas dire qu’il faut vraiment des solutions à certains domaines que touche l’ACTA, parce que on n’en a pas besoin, c’est eux qui en ont besoin. Voilà, c’est les gens qui négocient ça qui en ont besoin et pas les individus.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Heu, nous on agit au niveau de la France.
Public : Intervention dans le public (hors-champ micro)
Jeanne : Oui, après il y a d’autres associations qui travaillent sur ces mêmes questions là, dans d’autres pays européens. Quand on va au niveau européen, après on se connaît, on discute entre nous, on peut travailler ensemble, sur un certain nombre d’enjeux, même si il n’y a pas de coordination officielle. On se connaît et on travaille ensemble. Si, si, bien sûr. Et même sur des questions, là comme on parle beaucoup d’ACTA je parle de la Quadrature, on travaille ensemble. C’est des questions qui nous touchent tous. De la même manière les questions qui touchent différents pays sur les mêmes enjeux, évidemment on va travailler ensemble.
Public : Pour reprendre par rapport à l’ACTA : ils mettent en avant le mot contrefaçon, piratage. Mais c’est juste quelques mots pour pouvoir cacher derrière la forêt des stratégies commerciales. Et il mettent en avant le pedo porn et autres pour pouvoir faire du filtrage de contenus, et derrière en fait il y a des impacts en cascade sur tout ce qui est politique, censure des idées... Tout ce qui peut être dit par Internet peut être censuré, par exemple si on est contre Sarkozy ou autre, on sera censuré. On va atteindre... disons que ce sont des lois dans l’ACTA qui contournent la démocratie et il y a une vidéo en ce moment qui tourne sur YouTube et notamment sur le site de la Quadrature du net qui indique en deux minutes et quelques avec un design et une animation, en anglais, en français et dans toutes les langues traduit ce que c’est qu’ACTA : Si c’est interdit de copier : alors, on peut déjà penser à l’éducation : comment tu peux enseigner à un enfant comment écrire, comment calculer si tu ne montres pas sur un tableau comment c’est et comment il peut re-produire sur son cahier, déjà ? Alors faire de la contrefaçon, c’est mal quand on fait de la copie de Vuitton ou je ne sais quelle marque de vêtement ou de sac... Mais si on essaie de faire de la copie pour un médicament qui peut sauver des vies, ça change, c’est vraiment une autre stratégie, ça aide la vie des autres personnes, et ce n’est pas dans la même optique.
Et ce qu’ils essaient de faire, ACTA et tous les lobbyistes, c’est de mettre dans le même sac, et de dire voilà ce sont des mauvaises pommes, faut pas faire le piratage, faut pas faire ci, faut pas faire ça, et ils mettent du pedo porn et tous les termes techniques et je ne sais quoi pour pouvoir faire du bourrage de crâne, du lavage de cerveau. Mais en ce moment, sur le site de la Quadrature il y a RespectMyNet.eu ou .org qui parle de ça, et selon votre système d’exploitation Windows, Mac ou Unix Ubuntu, vous pouvez télécharger ????Noybot ???? pour pouvoir voir ce qui se passe, mais d’un point de vue d’une personne qui ne connaît pas trop l’informatique comme moi, utiliser ????Noybot ????, je ne sais pas comment l’utiliser et je ne sais pas comment justifier, voilà, que SFR ou Neuf fait du filtrage du net, ralentit le streaming video ou fait fermer certains ports Ethernet ou je ne sais quoi, moi je ne connais pas les termes techniques. C’est bien de mettre en ligne RespectMyNet pour pouvoir remonter tous les problèmes de filtrage selon les différents fournisseurs d’accès à Internet, que ce soit SFR, Bouygues, Orange, ou France Telecom, en France, en Italie, en Europe, ou au Brésil, ou je ne sais où... Mais pour le commun des mortels, si on veut agir, on va sur cette page Respectmynet.com ou .org mais après ça pour pouvoir justifier et dire que ça c’est vrai... et pouvoir remonter ça aux députés ou autres pour qu’il soit reconnu de façon technique, moi j’ai des points d’interrogation. Je ne sais pas. Je sais qu’il y a un outil, mais qu’est ce qui est plus simple pour pouvoir dire voilà j’autorise ?????Noybot ??????? à voir, à screener ce qui se passe dans mon ordinateur. Mais pour le commun des mortels, qu’est ce que c’est qu’un port, qu’est ce que c’est que UDP qu’est ce que c’est que je ne sais quoi, on est perdu. C’est bien on a envie d’agir en tant que citoyen, en tant que consommateur, par rapport à tout ce qui est vente liée, filtrage et Internet. Mais, des fois on veut donner un coup de main par rapport à une association, on a la même philosophie, on a la même optique mais voilà...
Jeanne : oui mais après il y a différentes manières de pouvoir aider aussi. Les manières qui sont plus techniques et moi j’admets que quand il s’agit de regarder ce qui se passe dans ma connexion internet, je serai sans doute incapable de voir si mon fournisseur d’accès filtre ou pas hormis si je vois vraiment que les débits sont très très lents et que je me demande s’il y a un problème. Mais après, voilà, on parlait de contacter ses députés, ça je pense que tout le monde peut le faire. Après il y a d’autres compétences où on peut aider, il y a par exemple des questions de traduction de textes parfois qui peuvent être utiles. Il y a quand même beaucoup de choses qui peuvent être faites sans avoir des compétences techniques ou selon les compétences des uns et des autres. Et après effectivement il y a pas mal d’associations qui proposent souvent de filer un coup de main d’une manière ou d’une autre selon les compétences et aussi les envies de chacun.
Public : en fait j’aurais une petite question un peu plus politique. Moi je viens du monde technique, donc je suis depuis déjà quelques années ce que fait l’April, la Free Software Foundation, ce genre d’association, sans jamais vraiment participer, mais à l’heure actuelle, donc suite aux derniers évènements en France on commence à filtrer l’accès internet de plus en plus. Un des derniers exemples en date c’est le site Copwatch. Donc personnellement, le site je suis allée le voir, je ne suis pas particulièrement pour ce qu’il faisait, mais bon il y a quand même ce côté liberté d’expression qui me semble très important et c’est ce pourquoi j’ai pris l’adhésion à l’April. Mais ce que je voudrais savoir c’est au niveau politique, quels sont les partis à l’heure actuelle qui sont au courant de ces questions et qui peuvent nous aider justement à aller vers la liberté d’expression et qu’on arrête de bloquer de plus en plus les accès et les utilisateurs, dans l’utilisation de l’informatique et des données.
Jeanne : Personnellement je pense que c’est plus compliqué qu’une simple question de partis. C’est à dire qu’il y a des gens qui sont conscient de ces enjeux et qui se battent en faveur des mêmes choses que nous dans tous les partis politiques, dans l’ensemble de l’échiquier ; de l’extrême gauche à l’extrême droite. Après l’April est une association qui n’est pas partisane. C’est à dire qu’on est politique, parce qu’on agit sur le terrain politique, mais on ne prend pas parti pour l’un ou pour l’autre. Cependant et comme on arrive en période électorale, c’est quelque chose qui va de plus en plus se poser, on met en place une initiative qui s’appelle « Candidats.fr » et dont le but, elle sera renouvelée cette année pour 2012, c’est de contacter l’ensemble des candidats à chaque élection pour leur demander quelles sont leurs positions sur tous les enjeux qui nous concernent. C’est à dire pour l’élection présidentielle on a un questionnaire détaillé sur des questions qui touchent à l’éducation, qui touchent aux brevets , qui vont toucher aussi probablement l’accessibilité et ainsi de suite, pour leur demander de se positionner. Et on publiera leur réponse. Donc en 2007 on l’avait fait, on avait eu 9 réponses sur les 12 candidats dont les principaux ce qui permet après à chacun de se faire une opinion et déjà aux candidats aussi de se positionner sur les enjeux et de pouvoir voter en connaissance de cause. Donc on fait ça pour la présidentielle, et de même manière pour les législatives on va relancer ce qu’on appelle le pacte du logiciel libre qui permet, enfin, on demande aux députés de s ’affirmer en faveur du logiciel libre et de s’engager à le promouvoir dans le cadre de leur travail. Donc on avait pas mal de députés qui avaient signé, on va essayer d’avoir un maximum de personnes à l’assemblée qui le signent. Parce que même finalement ce n’est pas un texte qui peut être très engageant, ça leur permet déjà de se poser la question et c’est un premier pas dans la porte pour après éventuellement les rencontrer et rediscuter, mais aussi souvent eux ça peut les intéresser de simplement en savoir plus. Et donc ce sera plus ce type d’actions là qu’on va mener.
Et je profite justement de parler de Candidats.fr pour dire qu’on va aussi lancer un recueil des initiatives, notamment au niveau local parce qu’il n’y a pas qu’eux. C’est évidemment fondamental ce qui se passe au niveau du gouvernement et de l’assemblée, mais il y a aussi tout ce qui se passe au niveau des régions, des départements, des communes. Donc pour simplement recueillir quels sont les initiatives de chaque petite collectivité ou grande collectivité en faveur du Libre et l’utilisation du Libre pour avoir une carte un peu plus claire. Donc on va lancer ça dans les prochains jours au niveau de l’April, pour justement avoir une vision un peu plus claire de toutes ces choses là.
Public : Non compréhensible
Jeanne : La Quadrature, ce qu’ils font ça s’appelle mémoire politique c’est à dire que pour chaque homme politique ils vont noter ce qu’ont été leurs votes sur les différents enjeux. Nous c’est pas tout à fait ce qu’on fait. C’est à dire que nous ce qu’on fait c’est simplement on leur demande de signer un engagement comme quoi ils sont en faveur du logiciel libre qui ensuite est noté sur le site Candidats.fr, ou alors pour les candidats à la présidentielle on leur demande de se positionner précisément sur un certain nombre d’enjeux. Et après ce qu’on fait, ce qu’on appelle Initiatives.candidats.fr c’est simplement la collectivité. On ne va pas dire quelle est l’élu. Parce que ça peut être lancé par l’administration ainsi de suite.... C’est plus concrètement pour savoir le logiciel libre en France qu’est-ce que ça représente. Et qu’est-ce qui se passe dans ma région et qu’est-ce qui se passe dans mon département, et qu’est-ce qui se passe à l’école de ma ville par exemple. C’est pas forcément que des grandes choses, ça peut être voilà ma commune qui a décidé que les trois ordinateurs qui sont dans l’école du village seront sous Ubuntu. Ça peut être ça. Mais c’est simplement avoir un état des lieux plus précis peut-être.
Public : Sur le plan technique, personnellement je ne connais qu’Ubuntu, je n’ai eu l’occasion de travailler que sous Ubuntu, est-ce qu’il y a d’au tres systèmes, d’autres OS qui soutiennent réellement la comparaison pour ce type de travail, pour l’éducation par exemple.
Jeanne : Je ne suis pas du tout spécialiste sur la technique donc il y en aura pleins qui répondront mieux que moi, mais après des distributions il y en a beaucoup qui fonctionnent très bien actuellement. On peut citer, voilà que ce soit sous Debian, que ce soit sous …, il y a des distributions plus spécialiées, dans tout ce qui est éducation, je pense à ???? par exemple. Après s’il y en a qui connaissent, je ne sais pas ici, j’en connais quelques unes mais sans avoir d’expertise.