Émission Libre à vous ! diffusée mardi 19 avril 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
L’édition et la retouche d’image, le dessin vectoriel avec les logiciels libres GIMP et Inkscape, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Véronique Bonnet « À quoi sert le logiciel libre ? » et aussi la chronique de Vincent Calame « Le bogue qui envoie à la case prison ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 19 avril 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Derrière mon micro, je suis Frédéric Couchet, délégué général de l’April.
De l’autre côté de la vitre, il se prépare pour un prochain quinquennat, c’est mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Je parle d’un quinquennat, mais évidemment son prochain quinquennat d’animateur et réalisateur radio. Notre émission Libre à vous ! est diffusée en direct, depuis mai 2018, sur radio Cause Commune. L’autorisation de diffusion de la radio vient d’être reconduite pour une durée de cinq ans à compter du 25 octobre 2022. Bravo à toute l’équipe de la radio, aux autres animateurs et animatrices de la radio et surtout merci à vous de nous écouter !

[Jingle]

Chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet intitulée « À quoi sert le logiciel libre ? »

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April. La chronique s’intitule « Partager est bon ». Véronique nous propose une lecture philosophique du logiciel libre. La chronique a été enregistrée récemment, elle s’intitule « À quoi sert le logiciel libre ? ». On se retrouve en direct dans dix minutes.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous avons le plaisir de recevoir Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April, pour sa chronique « Partager est bon ». Dans cette chronique Véronique nous propose une lecture philosophique du logiciel libre. Le thème de la chronique du jour « À quoi sert le logiciel libre ? », une réflexion sur avoir et être.

Véronique Bonnet : En effet. Bonjour Fred.
Lorsque je m’interroge sur ce qui a fait qu’à un moment, ayant découvert le logiciel libre, j’ai décidé de diffuser ses principes, j’ai décidé de réfléchir à sa structure, à sa finalité – à quoi sert le logiciel libre ? –, je suis renvoyée assez souvent à la différence entre avoir, posséder, accéder à un maximum de gains et tout ce que le logiciel libre apporte en matière d’être, en matière d’existence. C’est vrai que lors des tables rondes, des conférences, des journées de sensibilisation, il est assez souvent demandé ce que le logiciel libre peut apporter par rapport à l’informatique propriétaire.
C’est vrai que le logiciel libre et le logiciel non libre servent, d’une façon technique, à des opérations qui sont assez analogues, mais alors quelle différence ? Si on a à choisir, qu’est-ce qu’on y gagne ? Est-ce qu’on a plus de résultats ? Est-ce qu’on s’approprie davantage d’éléments ? Est-ce qu’on y est nécessairement toujours gagnant ? Est-ce que le logiciel libre est plus compétitif ? Est-ce qu’il permet de faire la différence ?
Si on pose la question ainsi, si on se demande ce que le logiciel libre permet d’avoir, il me semble qu’on manque le véritable sujet. Il me semble que là on tourne en rond, on dit qu’on a le meilleur sans se faire avoir, qu’on cherche des solutions sécurisées, optimisées, certes. Mais le logiciel libre ne concerne pas simplement l’avoir.
Si on compare les performances respectives de l’informatique libre et de l’informatique propriétaire, ce qui est concevable, on risque d’oublier que le logiciel libre est une manière spécifique d’être, d’exister, pas seulement une occasion d’avoir plus ou mieux.

Je voudrais me référer ici à un article très intéressant qui a été publié dans Le Monde diplomatique de janvier sous la plume de Mathieu O’Neil, Laure Muselli, Fred Pailler et Stefano Zacchiroli. Le titre : « Le pillage de la communauté des logiciels libres » ; avant ce titre il y a un avant titre : « Que faire pour contrer la prédation des géants du numérique ? »
Je relève les deux termes clés « pillage », « prédation ». Ces deux termes-là laissent entendre que la cible est un trésor, un ensemble de réalisations désirables que les libristes voudraient se réserver et que les GAFAM voudraient prendre. Mais les auteurs prennent soin de montrer que le véritable enjeu, au-delà de l’avoir, concerne les principes, c’est-à-dire la charge existentielle du choix du Libre.
Je résume la teneur de l’article : comme la plateforme de développement collaboratif GitHub a été rachetée en 2018 par Microsoft, alors qu’elle était initialement destinée à stocker du code libre, faut-il raisonner en termes de pertes pour les libristes, de gain pour ceux qui le sont pas ? Certes, les auteurs évoquent une récupération, un siphonnage de l’énergie créative, de la patience, du sens de l’autre qu’ont mis les programmeurs du Libre, c’est-à-dire une captation de travaux universitaires, de réalisations sous copyleft, gauche d’auteur, qui semblent réduire à néant le choix de ceux qui ont voulu rendre disponible à tous le code source de leurs réalisations. Des morceaux de code libre se trouvent ainsi utilisés dans l’informatique propriétaire, qui se nourrit de ce qui n’est pas à elle, de ce qui voulait lui échapper.
Or, et les quatre auteurs le disent très tôt dans leur texte, un logiciel libre permet des bénéfices non financiers : plaisir, apprentissage, réputation, offres d’emploi. Autrement dit le logiciel libre ne sert pas simplement à avoir des résultats, à avoir prise sur des opérations, alors que le logiciel propriétaire est seulement dans une recherche de rentabilité, de bénéfices financiers, en monnayant le travail des bénévoles.

Le logiciel libre concerne l’être de celui qui se projette dans le monde en sympathie avec les autres, à tel point, disent les quatre auteurs, que l’informatique propriétaire, qui manque cette dimension, a besoin de faire semblant de l’avoir et abuse du lexique de la communauté – collaboration, ouverture. C’est-à-dire que ceux qui captent, ceux qui pillent ont besoin de cacher leur obsession d’avoir, d’avoir toujours plus.
Et là on peut retrouver un clivage cher à Jacques Lacan qui est un philosophe, psychanalyste, continuateur de Freud. Il fait la différence entre désirer et aimer. Désirer c’est l’avidité de la possession, l’obsession de l’avoir et avoir encore. L’informatique propriétaire désire toujours plus, elle veut s’approprier encore davantage.
Alors qu’aimer, c’est la construction d’être, la construction de son être propre en écho avec l’être des autres par des paroles, par des réalisations adressées aux autres. Exister véritablement c’est coexister et non pas exploiter.

Il me semble qu’à l’April, qui est notre association, il y a en effet ce plaisir de montrer ce qu’on croit avoir réussi, de s’inspirer de ce que les autres ont réussi, d’avancer ensemble, toujours.
Pour répondre à la question qui était la mienne au tout début de cette chronique, il me semble que j’ai trouvé pourquoi c’était le logiciel libre qui s’imposait à moi.

Frédéric Couchet : Merci Véronique pour cette belle chronique qui pousse à réfléchir. Je mettrai le lien vers l’article du Monde diplomatique dont tu as parlé. Je ne sais pas s’il est disponible en ligne complètement. On vérifiera, peut-être que tu le sais.

Véronique Bonnet : Il me semble avoir vu qu’il était disponible simplement pour moitié en ligne pour l’instant, peut-être le sera-t-il complètement.

Frédéric Couchet : Peut-être qu’au bout d’un certain temps il sera disponible, sinon on contactera les personnes qui ont rédigé cet article pour le mettre en ligne et qu’il soit consultable par tout le monde.
En tout cas je te remercie pour cette belle chronique. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose ?

Véronique Bonnet : Il me semble que ce vol, cette captation, pourra éventuellement faire main basse sur des lignes de code, sur des objets, sur des ouvrages, mais pas sur l’esprit du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Je suis assez d’accord avec toi, je pense que cette captation ne pourra pas capter notamment les personnes et ce qu’elles ont dans leur cœur.
C’était la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April. Dans sa chronique mensuelle Véronique propose une lecture philosophique du logiciel libre. Le thème de la chronique d’aujourd’hui c’était « À quoi sert le logiciel libre ? », une réflexion sur avoir et être.
Véronique, je te souhaite une belle fin de journée.

Véronique Bonnet : Très belle fin de journée à toi Fred.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : La chronique a été enregistrée il y a quelques semaines et l’article du Monde diplomatique est disponible en ligne. Vous retrouverez la référence sur le site libreavous.org.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons d’édition et de retouche d’image, de dessin vectoriel, avec les logiciels libres GIMP et Inkscape et on parlera aussi de la vie de ces projets.
En attendant nous allons écouter Shine par LiQWYD. On se retrouve dans 2 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Women Thoughts par Cyber SDF.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouterShine par LiQWYD disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. J’espère que vous avez apprécié ce morceau légèrement dansant, en tout cas moi j’ai apprécié.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Inkscape, dessin vectoriel, et GIMP, outil d’édition et de retouche d’image

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur l’édition et la retouche d’image, le dessin vectoriel, avec les logiciels GIMP et Inskape, mais également la vie des projets.
Nos invités sont Marc Jeanmougin, ingénieur de recherche à Télécom Paris et contributeur au projet Inkscape. Bonjour Marc.

Marc Jeanmougin : Bonjour.

Frédéric Couchet : Et à distance Jehan Pagès, développeur principal de GIMP et bénévole associatif LILA et ZeMarmot dont on parlera tout à l’heure. Bonjour Jehan.

Jehan Pagès : Bonjour.

Frédéric Couchet : Super. Tout le monde est là, donc ça marche très bien, sachant, pour vous dévoiler les coulisses de l’émission, que nous avons réglé le problème technique à 15 heures 29 minutes et quelques secondes.
Le sujet va être découpé en deux parties pas forcément égales. Une première partie où on va parler un petit peu des logiciels, de ce qu’ils font, pour que les personnes qui nous écoutent découvrent ces deux logiciels. On va aussi parler de la vie des projets, parce que dans le monde du logiciel libre il y a une vie de projet, il y a une gouvernance, il y a des questions de financement. Voilà un petit peu les deux grandes thématiques.
Une première question, déjà une présentation personnelle. Je vais simplement vous demander de vous présenter de façon succincte. On va commencer par Jehan.

Jehan Pagès : Bonjour encore. Je m’appelle Jehan. Je suis le développeur principal de GIMP, même le mainteneur depuis un an. Comme GIMP est un logiciel communautaire, le développement est volontaire, moi je fais ça dans le cadre d’un projet de film d’animation, dans une production associative qui s’appelle LILA. Dans ce contexte-là on fait un film et moi je fais la partie logicielle, développement, donc j’améliore GIMP, je le rends stable, je corrige les bugs, j’ajoute des fonctionnalités au besoin, etc. En gros, c’est mon rapport avec GIMP.

Frédéric Couchet : D’accord. De toute façon on va évidemment rentrer dans le détail de tes contributions dans le cours de l’émission.
Marc Jeanmougin.

Marc Jeanmougin : Je suis ingénieur de recherche à Télécom Paris, une école d’ingénieur sur le plateau de Saclay spécialisée dans les questions du numérique. J’étais déjà engagé depuis assez longtemps dans le projet Inkscape et là je suis engagé notamment parce que mon employeur me permet de passer une partie de mon temps de travail sur le projet Inkscape, ce qui est assez pratique. Dans le projet, un petit peu comme Jehan, je m’occupe de pas mal de questions de code, de bugs de reviews et d’animation de la communauté. J’essaye notamment de gérer les releases du logiciel, les sorties du logiciel, les différentes versions, on va probablement en reparler, plutôt spécialisé dans les questions autour du développement lui-même, des questions de code. On a plusieurs équipes qui s’occupent de différentes choses, on y reviendra.

Frédéric Couchet : D’accord. Merci à tous les deux.
On va parler un petit peu de ce que font ces logiciels, les personnes qui nous écoutent ne les connaissent pas forcément. Deux logiciels qui ont des fonctionnalités différentes.
Une première question générale : essayer de présenter, dans les grandes lignes, les principales fonctionnalités de ces deux logiciels. On va commencer par GIMP avec Jehan.

Jehan Pagès : GIMP est ce qu’on appelle un logiciel de graphisme raster ou bitmap ; c‘est différent de Inkscape où c’est vectoriel. GIMP ce sont des matrices de pixels. En gros c’est similaire à Photoshop ; ce n’est pas un clone, comme certains nous le disent, ce n’est pas le but, mais c’est dans la même catégorie. C’est beaucoup utilisé par exemple par les photographes, parce qu’en photographie on travaille avec des pixels, dans l’illustration aussi puisqu’on fait aussi de l’illustration raster. Certains font de l’illustration plutôt type vectoriel, surtout si ce sont des choses plus simples. Ce qui va plus se rapprocher, on va dire d’un style physique, ce sera ce type de logiciel.

Frédéric Couchet : D’accord. Marc sur Inkscape, pareil les grandes fonctionnalités ?

Marc Jeanmougin : Inkscape, contrairement à GIMP, c’est plutôt un éditeur vectoriel. La différence avec les images qui sont, comme les photos, composées de pixels, une image vectorielle est, en fait, définie à partir de courbes et de définitions mathématiques. Par exemple un cercle ce n’est pas l’ensemble des pixels qu’il y a sur le cercle, c’est défini par un centre et un rayon. Du coup, ça permet d’avoir un résultat qui ne dépend du zoom qu’on a sur l’image. Donc Inkscape est un logiciel qui est centré autour de ça.

Frédéric Couchet : Je vais juste préciser, parce j’ai oublié, que vous pouvez participer à cette conversation pour réagir et poser des questions sur le salon de la radio. Vous allez tout simplement sur causecommune.fm, bouton « chat » et salon #libreavous ou vous allez sur le site libreavous.org. Je le précise parce que Marc vient de me mettre un message sur un autre salon, je surveille plusieurs salons à la fois. En tout cas n’hésitez pas à participer.
Avant de rentrer un peu plus dans le détail sur les usages, une première question qui peut peut-être intéresser les personnes, est-ce que ces logiciels sont multiplateformes ? C’est-à-dire est-ce que ces logiciels sont disponibles sur à peu près toute plateforme, c’est-à-dire systèmes d’exploitation libres, Microsoft Windows, macOS ? Marc pour Inkscape ?

Marc Jeanmougin : Oui. Toutes les distributions Linux « packagent » Inskape, pour autant que je sache, à part celles pour de l’embarqué. On a aussi des installateurs pour Windows. Un volontaire, en Allemagne, nous prépare aussi des installateurs pour macOS. Ça ne tourne pas sur les tablettes spécifiquement mais ça peut tourner sur tout ce qui est ordinateur.

Frédéric Couchet : D’accord. Et côté GIMP, Jehan ?

Jehan Pagès : C’est pareil. On est absolument partout, même pour des systèmes d’exploitation dont personne n’a jamais entendu parler. Je n’arrive plus à retrouver le nom, il n’y a pas longtemps il y a un truc pour lequel compilé GIMP a été compilé. Donc c’est assez similaire à Inkscape. On est absolument partout, quelle que soit la plateforme ou même l’architecture.

Frédéric Couchet : D’accord.
Dans la suite de l’émission on reviendra sur la partie logiciel libre, pour l’instant on va rester sur la partie logiciel. Les gens connaissent peut-être effectivement, au moins de nom, ou ont déjà utilisé Photoshop. Pour le dessin vectoriel, qu’est-ce qui existe en logiciel privateur, Marc ?

Marc Jeanmougin : C’est plutôt une alternative à Adobe Illustrator ou CorelDRAW.

Frédéric Couchet : D’accord. Intuitivement j’aurais tendance à penser, en tout historiquement peut-être que GIMP c’était de la retouche de photo, etc., quels sont les types d’usage les plus répandus pour ces deux logiciels ? On va peut-être commencer par GIMP avec Jehan.

Jehan Pagès : Pour GIMP c’est la photo, c’est évident. Ensuite, en illustration, on peut utiliser Inkscape ou GIMP quand on veut un dessin dessiné plus librement, on va dire. Inskscape ce n’est pas non plus mathématique, les gens n’ont pas l’impression de faire des équations, mais ce sont des courbes, ce sont des courbes plus parfaites, etc., et GIMP c’est vraiment un peu comme quand on dessine physiquement pour ce genre d’illustrations. Même en designer on va plutôt utiliser Inkscape, mais souvent, quand on dessine des petits logos ou je ne sais quoi, on va le faire d’abord sur GIMP pour que ce soit facile et après, une fois qu’on a bien l’idée, on va le redessiner sur Inkscape. En fait nous, nous utilisons beaucoup Inkscape. Nous développons GIMP, mais nous utilisons beaucoup Inkscape. En tout cas, avec GIMP, on se pose moins de questions sur les courbes.

Frédéric Couchet : Ce sont donc deux logiciels complémentaires. Côté Inkscape, Marc ?

Marc Jeanmougin : Inkscape est assez utilisé pour des histoires de graphisme, en particulier pour ce qui est des affiches ou des choses qui ont besoin de pouvoir être redimensionnées sur de grandes échelles. En particulier aussi pour les logos où c’est très important. C’est aussi utilisé pour quelques usages qui vont vers des imprimantes, par exemple les illustrations scientifiques sont souvent faites avec Inkscape. La communauté des fab labs utilise aussi beaucoup Inkscape pour diriger les machines à commande numérique comme les découpeuses laser ou autres.

Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux juste rappeler ce que c’est qu’un fab lab en une phrase ou deux ?

Marc Jeanmougin : Un fab lab c’est un endroit où on peut utiliser, globalement, des machines-outils dirigées par ordinateur pour faire les objets qu’on veut.

Frédéric Couchet : Très bien. D’accord.
Par rapport aux personnes qui connaissent, en tout cas qui connaîtraient des outils comme Photoshop et Adobe, en termes d’usage, de palette d’outils et d’interface, est-ce qu’elles vont s’y retrouver ? Est-ce qu’il va manquer des choses ? Est-ce qu’il a des choses en plus peut-être ? Je parle vraiment en première approche. Quelqu’un qui connaît Photoshop et qui va utiliser GIMP, est-ce que cette personne va s’y retrouver, parce que c’est un peu la même logique d’interfaçage, on retrouve un petit peu les mêmes palettes d’outils ?, sachant que j’ai déjà utilisé GIMP mais très succinctement. Jehan.

Jehan Pagès : Oui et non. Ce sont des critiques qu’on a assez souvent. On ne cherche pas du tout à cloner l’interface, donc on n’aura pas forcément les mêmes boutons aux mêmes endroits, les mêmes menus, ils ne s’appelleront pas forcément pareil. Mais, de manière générale, les outils sont assez similaires, ce qui fait si on connaît un outil et qu’on cherche à trouver l’équivalent sur GIMP, en général on va le trouver.
Ensuite il y a des choses qu’on trouve sur Photoshop, c’est une grosse entreprise, ils ont beaucoup plus de sous. Sur tout ce qui est en intelligence artificielle, je crois qu’ils ont pas de fonctionnalités là-dessus ces dernières années, de ce que j’ai compris, il n’y aura pas ça sur GIMP. On entend régulièrement des gens dire « sur Photoshop ils ne peuvent pas faire certaines choses qu’on fait sur GIMP ». Il n’y a pas longtemps quelqu’un me parlait de alpha to selection, quelque chose comme ça, ou peut-être color selection, bon ! Il y a des choses qui sont dans l’un qui ne sont pas dans l’autre.
Les gens qui sont ouverts nous disent souvent que le mieux c’est d’utiliser les deux et de les utiliser pour ce qu’ils font bien, parce que, sur un même projet, on peut passer d’un logiciel à l’autre.

Frédéric Couchet : D’accord. Avant de passer la parole à Marc sur Inkscape, je relaie une remarque qui est sur le salon web. Quelqu’un, d’ailleurs un membre de l’April qui écoute en direct pour la première fois – je salue michael64000, je pense que c’est sa résidence – nous dit « pour GIMP j’essaye, sans grand succès, de le faire adopter par mon entourage, mais beaucoup ont été échaudés par l’affichage en plusieurs fenêtres alors que ça fait bien longtemps qu’on peut afficher GIMP dans une fenêtre unique ». Peut-être que ce souvenir de multiples fenêtres pouvait rebuter les gens, sachez qu’aujourd’hui vous pouvez le mettre dans une fenêtre unique.

Jehan Pagès : C’est depuis 2012 même !

Frédéric Couchet : Ah oui ! Depuis 10 ans ! Le problème c’est que les gens restent sur leur première impression. Ne restez pas sur votre première impression, laissez une chance à GIMP et Inkscape. Testez-les.
Même question pour Inkscape. D’ailleurs Michael précise aussi que ce qui est absolument génial pour Inkscape ce sont les tutoriels intégrés au logiciel et basés simplement sur des fichiers, il en faudrait davantage.
Même question pour Marc pour Inkscape par rapport à Adobe.

Marc Jeanmougin : Les concepts sont très similaires. Ce sont à peu près les mêmes concepts et beaucoup d’outils sont très similaires entre l’un et l’autre. Après, ce n’est pas pareil que GIMP, on ne vise pas à faire un clone avec les mêmes outils, les mêmes fonctionnalités exactement. Certaines manières d’utiliser le logiciel vont être plus efficaces dans Inkscape ou dans Illustrator suivant ce qu’on cherche à faire exactement. Par exemple, pour Inkscape, la base ce sont les chemins qui sont un petit peu la base du vectoriel et, de ce qu’on nous dit, travailler avec des chemins c’est plus simple avec Inkscape qu’avec Illustrator, par contre il y a beaucoup de choses que Inkscape ne sait pas faire, pour lesquelles il y a besoin de plugins. Par exemple, si on vise à faire des dessins pour l’impression, qu’on vise des définitions de couleur extrêmement spécifiques et extrêmement précises, avec ce qu’on appelle du cyan-magenta-jaune-noir, c’est quelque chose qui est assez difficile dans Inkscape alors que dans Illustrator ce sont des choses qui sont intégrées parce que c’est le logiciel de référence de l’industrie. Donc il y a des petites choses comme ça qui sont différentes. Sachant que Inkscape est plus basé historiquement sur les concepts de CorelDRAW que d’Illustrator, donc il y a des passages qui sont plus simples que d’autres.

Frédéric Couchet : CorelDRAW est aussi un autre logiciel privateur qui est assez ancien.
Ta remarque sur l’impression me fait penser à une question. Quand on travaille avec ces logiciels on peut travailler juste pour soi et peut-être, des fois, avec des versions uniquement web, mais il peut arriver qu’on travaille avec des prestataires, notamment des prestataires d’impression pour des affiches ou autre. Il y a effectivement un petit peu cette image que quand on utilise GIMP ou Inkscape on peut avoir des problèmes avec les prestataires, par exemple les prestataires d’impression. Est-ce que c’est toujours le cas ? Tu as commencé à y répondre Marc. Est-ce qu’au niveau de GIMP il y a ce souci-là ou pas du tout ? Jehan.

Jehan Pagès : Je vais faire un petit commentaire par rapport à ce qu’a dit Marc juste avant. Tu disais que ce n’était pas pareil que GIMP. Je disais justement que pour moi GIMP c’est pareil. On ne cherche pas du tout à être un clone.

Marc Jeanmougin : J’ai dit « c’est pareil ».

Frédéric Couchet : Oui, je crois qu’il a dit « c’est pareil ».

Jehan Pagès : Ce n’est pas du tout le but.
Par rapport à l’impression, il n’y a toujours pas de prise en charge de CMJN dans GIMP, c’est-à-dire qu’une image ne sera pas en quatre canaux de CMJN dans GIMP. On peut les exporter ou importer, ça commence à venir, il y a notamment un projet qui devrait démarrer avec quelqu’un qui va un peu améliorer ça. Par contre, en général les gens qui disent qu’il y a encore des problèmes, de nos jours c’est faux, il n’y a plus de problèmes d’impression. Un imprimeur qui se respecte ne va pas vous dire de ne faire absolument que du CMJN. D’ailleurs, si on a vraiment besoin, on peut aussi transférer. Par exemple nous utilisons beaucoup Scribus qui est très bien pour faire la mise en page. On peut travailler sur GIMP ou Inkscape, importer et faire la mise en page sur Scribus où on met les profils de couleurs qui correspondent en CMJN et qui permettent de faire toutes les conversions. De nos jours tous les imprimeurs savent très bien travailler avec ça. De toute façon, même si on travaille entièrement en CMJN, c’est un sujet tellement compliqué que ça ne garantit absolument pas la bonne qualité des couleurs, sauf si on a parfaitement tout calibré, ce qui est très rarement le cas même chez les pros, de manière générale on demande toujours ce qu’on appelle des preuves physiques, des preuves d’impression à un imprimeur.

Frédéric Couchet : OK. Si je comprends bien, finalement aujourd’hui autant GIMP que Inkscape sont utilisés dans un cadre professionnel et pas uniquement, on va dire, un cadre personnel. On peut vraiment les utiliser dans un domaine professionnel. Est-ce que vous confirmez ça ? Est-ce que vous avez des exemples de cas d’usage ? Marc sur Inkscape.

Marc Jeanmougin : On connaît plusieurs studios de designers, notamment Web, qui utilisent Inkscape dans un cadre professionnel et qui participent à la communauté. Il y a des gens qui gagnent leur vie avec Inkscape.

Frédéric Couchet : D’accord. Et Jehan.

Jehan Pagès : De même. Déjà nous, nous l’utilisons professionnellement, pour du graphisme professionnel qui est rémunéré. Ensuite oui, on l’entend régulièrement nos canaux de discussion. Il y a quelques mois quelqu’un est venu dire que dans son entreprise de graphisme je ne sais plus combien de dizaines de designers sont passés sur GIMP, etc. Donc oui, ça s’utilise tout à fait professionnellement, il y a un énormément d’utilisateurs.

Frédéric Couchet : Une question sur la formation, double question en fait. Y a-t-il des prérequis de connaissances soit de dessin vectoriel ou de graphisme pour utiliser ces outils ? Et, en lien, est-ce qu’il y a des formations ? Est-ce qu’il y a des formations professionnelles ? Est-ce qu’il y a des universités qui forment à ces outils, des associations ? Si quelqu’un veut se former comment cette personne peut-elle faire ? Qui veut commencer ? Jehan, parce que Marc hoche la tête !

Jehan Pagès : Il y en a moins que pour les logiciels d’Adobe, c’est clair. Il suffit de chercher sur Internet. Je crois même, quand on regarde les formations qui sont remboursées par Pôle emploi on peut trouver des choses pour GIMP. Ensuite la personne avec qui je travaille, Aryeom Han, donne par exemple des cours à l’université de Cergy-Pontoise, « Illustration et retouche d’image avec GIMP », en licence 3, donc on trouve des formations.
Ensuite est-ce qu’il y a des prérequis ? Pas forcément des prérequis puisqu’on peut apprendre avec. Ensuite ce sont des logiciels compliqués, ce ne sont pas juste des logiciels qui peuvent être utilisés en milieu professionnel, pour moi, que ce soit Inkscape ou GIMP, ce sont des logiciels professionnels, ce qu’on appelle des logiciels métiers, un peu. Ce sont des concepts compliqués. On peut les utiliser en amateur, mais il y a plein de concepts compliqués. Plus on les utilise et plus on découvre des trucs. Même moi, après avoir développé GIMP pendant 10 ans, depuis 10 ans, je découvre encore des trucs.

Frédéric Couchet : Marc, est-ce que tu veux compléter ?

Marc Jeanmougin : Même chose. Je découvre des trucs dans Inkscape à chaque fois que je fouille, soit dans les fonctionnalités soit dans le code.

Frédéric Couchet : D’accord. Sur les formations, je veux rajouter qu’il y a aussi la formation CoLibre à Lyon, formation autour du graphisme et de la communication, qui n’utilise que des logiciels libres dont forcément GIMP et Inkscape.
Dernière question sur cette partie on va dire présentation générale des outils. On a parlé des logiciels. Le but de ces logiciels c’est aussi de créer, entre guillemets, « des fichiers ». Il y a la question des formats ouverts. Est-ce que l’un de vous veut expliquer un petit peu l’importance de ces formats ouverts par rapport à des formats fermés ? Marc.

Marc Jeanmougin : On a choisi que le format de travail de Inkscape soit lui-même un format ouvert et un format standard. C’est-à-dire que Inkscape travaille directement avec le format SVG, qui veut dire Scalable Vector Graphics, qui est le format officiel pour les dessins vectoriels sur le Web, spécifié par le W3C, le World Wide Web Consortium, le comité qui définit les standards du Web comme HTML. C’est avec ce standard que nous travaillons directement comme ça nous faisons des fichiers qui, par défaut, sont le plus standard possible. C’est une prise de position du projet Inkscape sur ce point.

Frédéric Couchet : OK. Et côté GIMP c’est la même chose ? C’est le même principe ?

Jehan Pagès : Non. Il y a un format ouvert de collaboration qui s’appelle le format OpenRaster, ORA, mais il est encore assez limité, il est encore relativement peu utilisé. Il n’y a qu’un seul logiciel qui le prend vraiment, MyPaint, un logiciel d’illustration libre aussi, d’ailleurs très bien, qui l’utilise comme son format par défaut. Je parle de format de travail, chaque logiciel a son propre format. Le nôtre est ouvert dans le sens où c’est XCF [eXperimental Computing Facility], tout est entièrement documenté, n’importe qui peut le réimplémenter. Ensuite, c’est vrai que ce n’est pas standardisé, si on a besoin de modifier quelque chose, on le modifie de notre côté et c’est aux autres à suivre. Idéalement, il faudrait que le format OpenRaster s’améliore.
Sinon, à part ça, on peut échanger entre les fichiers. Si on a besoin d’échanger dans d’autres logiciels, ce sera plus en exportant dans des formats intermédiaires comme le PNG [Portable Network Graphics], etc., ça peut être par calques. Des fois les autres logiciels implémentent aussi XCF, il y en pas mal qui implémentent XCF, ou nous, GIMP typiquement, on implémente le format PSD [Photoshop Document] de Photoshop ; la plupart des logiciels vont l’implémenter, mais ce ne sera jamais parfait, c’est ça la grande différence. Des fois on n’arrivera pas à bien importer certaines fonctionnalités avancées de PSD. À l’inverse, d’autres logiciels qui savent ouvrir du PSD n’arriveront peut-être pas à bien ouvrir certaines des fonctionnalités avancées de XCF.

Frédéric Couchet : OK. Avant la pause musicale et qu’on change de thématique, je vais relayer la dernière question, on revient sur les formations. Mon collègue Étienne demande « dans les écoles de design, de graphisme d’art, savez-vous si ces deux logiciels sont enseignés au même niveau que Photoshop ou Adobe Illustrator, c’est-à-dire en termes de quantité horaire, etc. ? » Réponse rapide. Marc sur Inkscape.

Marc Jeanmougin : À priori, pour ce qu’on en sait, c’est beaucoup moins enseigné qu’Illustrator. Je dirais pour trois raisons principales.
D’abord parce que c’est ce que les profs et les professionnels du domaine connaissent, donc c’est ce qui leur est plus simple à enseigner.
Parce qu’il y a un gros lobbying d’Adobe sur les écoles d’art qui vont pousser pour faire des réductions pour les étudiants, les étudiants vont avoir l’impression d’y gagner en prenant Adobe pour seulement 40 euros par mois au lieu de 80 ou 90.
Et parce que, quand les étudiants vont chercher du travail après, la plupart du temps les demandes vont spécifier des compétences en Illustrator et pas en autre chose.

Frédéric Couchet : Et côté GIMP, Jehan ?

Jehan Pagès : C’est pareil. Les logiciels d’Adobe restent quand même les plus utilisés. Il y a tel lobbying, je pense que les étudiants ont souvent des licences gratuites. En plus, quand ils ont des licences gratuites, ils ont l’impression d’être plus professionnels parce qu’ils ont un logiciel cher.

Frédéric Couchet : D’accord.
On va faire une pause musicale avant de changer de sujet. Je précise que la pause musicale a été choisie par Jehan, il expliquera sans doute après. Nous allons donc écouter J’ai acheté·r un Agno Gastrik Chez Wish & Lid l - Part I - Scluziv Deal par Plagiat. On se retrouve dans 3 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : J’ai acheté·r un Agno Gastrik Chez Wish & Lid l - Part I - Scluziv Deal par Plagiat.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter J’ai acheté·r un Agno Gastrik Chez Wish & Lid l - Part I - Scluziv Deal par Plagiat, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA. Je précise que ce groupe fait partie du collectif AMMD, ammd.net, un collectif d’artistes qui diffusent des œuvres sous licence libre. Nous avions interviewé ORL de ce collectif dans Libre à vous ! 126. Vous retrouverez le podcast et la transcription sur libreavous.org/126.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion sur les logiciels libres GIMP et Inkscape avec Marc Jeanmougin et Jehan Pagès.
Juste avant la pause musicale nous avons parlé un petit peu des fonctionnalités de ces deux logiciels, qui sont des logiciels libres. Là on va plutôt parler plutôt de la partie projet, fonctionnement interne, gouvernance, pour expliquer un peu comment ces projets se sont développés parce que c’est souvent une question qui revient. C’est souvent un mystère pour les personnes.
Avant de rentrer un petit peu dans les détails, je ne sais même s’il y a une structure de fonctionnement, quel est le fonctionnement, en gros, du projet ? On va commencer par Inkscape.

Marc Jeanmougin : Quasiment toutes les personnes qui sont dans le projet Inkscape sont des bénévoles qui travaillent sur Inkscape sur leur temps libre.
Au niveau de la structure, Inkscape est un projet hébergé par la Software Freedom Conservancy qui est une association américaine, de droit américain, non-profit, qui n’a pas le droit de faire de bénéfices, à but non lucratif, sachant que, comme statut, c’est quelque chose de beaucoup plus restreint aux États-Unis qu’en France. Ce sont eux qui vont gérer les finances de l’association qu’on reçoit pas des dons. En ce moment, par exemple, on est dans le process pour embaucher quelqu’un pour s’occuper de la gestion de projet au niveau du projet en général, pour essayer de voir ce qui manque dans le projet, où est-ce qu’on pourrait faire un meilleur usage des personnes qu’on a en ressources.
Comment s’organise-t-on entre nous, entre bénévoles ? On s’organise plutôt par équipes. Il y a l’équipe de développement qui va s’occuper des codes, des bugs, des nouvelles fonctionnalités et autres. Les gens se rencontrent tous les huit jours par exemple pour discuter, sachant qu’on a aussi des canaux de discussion.

Frédéric Couchet : Quand tu dis qu’ils se rencontrent, c’est physiquement ?

Marc Jeanmougin : Non. Pas physiquement, en ligne, pour discuter.
Il y a aussi une équipe de gens qui va par exemple faire les traductions, les gens vont discuter entre eux de problématiques de traduction. Il y a une équipe de gens qui va s’occuper du design, de l’expérience utilisateur de Inkscape, donc les gens vont un petit peu se coordonner avec les développeurs de temps en temps, mais ils vont surtout discuter des aspects de parcours utilisateur. Etc. Il y a une équipe de gens qu’on appelle les Vectors, parce que ça fait un petit jeu de mots, qui va s’occuper du marketing, de la promotion d’Inkscape, faire des petits articles, contacter éventuellement des journaux qui s’occupent du Libre pour dire ce qu’il y a comme nouvelles fonctionnalités ou écrire des petits articles de blog, etc.
On fonctionne vraiment par teams, par équipes.

Frédéric Couchet : On va rentrer après un petit peu dans le détail, là c’est une présentation un peu générale. Même question pour le projet GIMP, Jehan.

Jehan Pagès : Nous aussi c’est entièrement communautaire. Si on parle de ce qui est finances, c’est la Fondation Gnome qui gère nos finances et qui héberge nos outils. Ensuite on est totalement indépendants, GIMP n’est pas un projet Gnome, d’ailleurs ce serait plutôt l’inverse, Gnome est né de GTK [The GIMP Toolkit] qui lui-même est né de GIMP.

Frédéric Couchet : GTK, c’est le cadre de développement que vous utilisez pour faire GIMP. C’est ça ?

Jehan Pagès : C’est ça. C’est la bibliothèque graphique pour l’interface.
La plupart sont des bénévoles. Certains, dont nous avec notre projet ZeMarmot, essaient de se financer indépendamment de façon participative. Le mainteneur de GEGL [Generic Graphics Library], notre moteur graphique dans le sens du traitement des pixels par l’interface, essaie lui aussi de se financer. En fait on se finance indépendamment et on a l’idée de monter une identité peut-être à part, probablement sous la forme d’une association et probablement en France parce que c’est moi qui fais la plupart des choses dernièrement. On verra si ça se fait.
Pour l’instant tous les financements, on va dire individuels pour ceux qui veulent essayer de vivre de développement, c’est indépendant.
C’est assez anarchique comme type d’organisation. Quand j’entends Marc je me dis qu’on n’a pas d’équipe comme ça, on n’a pas dix équipes pour tout. Depuis deux ans c’est moi qui fais la plupart des choses que ce soit en développement, c’est moi qui écris les news, les articles sur le site web, c’est moi qui fais beaucoup de choses. Heureusement que je suis quand même aidé, mais j’aimerais bien qu’on ait plein d’équipes pour faire plein de choses.

Frédéric Couchet : Je fais te laisser réagir Marc. Je vais préciser un peu la question : est-ce que vous avez une idée du nombre de personnes qui sont, c’est difficile de dire activement impliquées parce que ça dépend beaucoup ? C’est vrai que quand on écoute Marc on a l’impression d’avoir une grosse structure avec plein de personnes. Est-ce que vous pouvez donner une idée du nombre de personnes ? Marc.

Marc Jeanmougin : Ça dépend beaucoup de comment on compte les gens. Les gens vont et viennent.
Je voulais aussi dire que cette structure en équipe est quelque chose de relativement récent. On s’est aperçu qu’avoir cette sorte de structure c’est plus simple pour les gens qui veulent nous aider sans forcément coder et pouvoir leur dire « si vous voulez nous aider sur tel truc on a tel canal de discussion qui s’occupe de tel sujet » ; c’est plus simple comme ça. Je dis une équipe, mais, en vrai, il y a des équipes dans lesquelles il y a plus de gens que dans d’autres. Dans l’équipe qui s’occupe de la promotion, il y a peut-être six/sept personnes qui sont là régulièrement, dans l’équipe UX, expérience utilisateur, c’est peut-être deux/trois personnes. Donc je dis équipe, mais il ne faut pas s’imaginer qu’il y a 40 personnes par équipe. On a quelques développeurs, quelques personnes qui nous aident sur la promotion, etc.

Frédéric Couchet : Je vais préciser ma question et je laisserai Jehan y répondre aussi. Sur la partie développement pur du logiciel, côté Inkscape est-ce que vous savez combien vous êtes et combien vous êtes entre bénévoles et personnes payées pour ça ? Tu as expliqué tout à l’heure que tu es en partie payé par Télécom Paris pour contribuer à Inkscape sur ton temps de travail. Est-ce que vous avez une idée du nombre de personnes sur la partie purement développement ? Marc.

Marc Jeanmougin : Je dirais qu’il y a moins d’une dizaine de personnes qui sont là de manière régulière. Quand je dis de manière régulière c’est qu’on les voit depuis longtemps et qu’on sait qu’on pourrait les contacter. En termes de rémunérées, il y en a vraiment très peu. Il y a moi sur une toute petite partie de mon temps. Je sais qu’il y a Martin Owens, un développeur américain qui a un Patreon et qui essaie de se financer comme ça.

Frédéric Couchet : Patreon c’est du financement participatif.

Marc Jeanmougin : Quelques-uns font une tentative de financement participatif comme ça et aucun n’est rémunéré par le projet.

Frédéric Couchet : OK. Et côté GIMP, même question.

Jehan Pagès : Côté GIMP, au niveau développeur il n’y en a que deux, moi-même par ZeMarmot et Pippin, son vrai nom c’est Øyvind Kolås, mais je ne sais pas comment ça se prononce je l’ai sûrement mal prononcé, qui lui aussi se finance par un financement participatif. Donc nous ne sommes que deux.
Ensuite, en nombre de développeurs, ça dépend parce que GIMP existe depuis 1995. Je viens de faire un compte vite fait, plusieurs centaines de personnes ont contribué. Si je regarde depuis le 1er janvier 2022, je viens de regarder à l’instant, il y a eu, je ne sais pas, le problème c’est qu’on voit aussi les traducteurs, peut-être une dizaine de personnes qui ont contribué, sachant que depuis janvier j‘ai fait 306 commits et le deuxième développeur est à 13.
Par contre, sur la partie GIMP, ensuite on compte aussi GEGL, et là Pippin travaille lui aussi beaucoup. Je n’ai pas regardé son dépôt, mais il travaille de façon similaire à la mienne, énormément.
Donc en gros nous sommes deux à faire vraiment le gros du travail à l’heure actuelle. 13 ce n’est déjà pas mal en quelques mois, certains font de temps en temps des trucs de façon régulière.
On était un peu plus il y a quelques années. J’avais un co-mainteneur qui était là depuis une vingtaine d’années, depuis plus longtemps que moi et, depuis deux ans, c’est assez dur pour lui avec le covid et tout ça.

Frédéric Couchet : OK. Ça permet de prendre conscience que ces logiciels libres qui sont quand même très largement utilisés reposent, au fond, sur très peu de personnes. On a parlé de la partie effectivement dev, on voit que ce n’est pas énormément de personnes. Marc a évoqué différentes équipes. Une des forces du logiciel libre c’est qu’on peut contribuer pas uniquement en développement. Quelqu’un qui voudrait vraiment s’impliquer dans l’un de ces projets ou dans ces deux projets, quels sont les besoins les plus importants en termes de contribution hors développement ? Marc sur Inkscape.

Marc Jeanmougin : Je dirais que sur Inkscape l’expérience utilisateur est quelque chose où on aimerait avoir des vues plus diversifiées sur les questions, avoir une plus grande représentativité des gens qui utilisent Inkscape, qu’ils puissent venir s’impliquer sur les discussions, sur de futures fonctionnalités ou sur des refontes de fonctionnalités. S’il y a des designers d’expérience utilisateur qui nous écoutent, on en a besoin dans le projet Inkscape, parce qu’on sait que ce n’est pas forcément le point fort du logiciel.

Frédéric Couchet : Vous êtes tous les deux Français.

Marc Jeanmougin : Oui. D’ailleurs on cherche des traducteurs français. C’est moi qui me suis mis à traduire pour la prochaine version, mais si d’autres personnes veulent le faire.

Frédéric Couchet : Donc de la traduction. Ma question était plutôt sur la langue utilisée pour contribuer. Est-ce que quelqu’un qui ne parle pas l’anglais peut facilement contribuer ? Marc.

Marc Jeanmougin : Non. En réponse courte non.

Frédéric Couchet : Non, c’est compliqué !

Marc Jeanmougin : C’est vraiment compliqué en ce sens que l’anglais c’est un peu la langue des échanges internationaux sur les projets en logiciel libre et on ne fait pas exception.

Frédéric Couchet : Et côté GIMP, Jehan.

Jehan Pagès : Par rapport à ça il faut parler anglais, mais on ne demande pas aux gens d’avoir un anglais parfait.

Marc Jeanmougin : Non. On a des gens qui parlent très mal anglais et on s’en fiche en fait !

Jehan Pagès : Personne ne vous dira rien si vous faites des fautes tant qu’on vous comprend, tant que vous faites des efforts pour être compris. En ce sens, je dirais qu’il ne faut pas que ce soit ça qui arrête parce que ce serait un peu idiot.

Frédéric Couchet : Et contribuer à ces projets c’est une bonne façon d’apprendre l’anglais. Les gens doivent savoir qu’il y a un minimum, en tout cas pour être compréhensible.
Tout à l’heure Jehan a expliqué que c’était deux logiciels libres métiers. Quand on dit logiciel métier, il y a des concepts, etc., à comprendre, à maîtriser, en tout cas qui ne sont pas forcément évidents à appréhender. Côté documentation, côté tutoriels, est-ce qu’il y a des besoins ? Tout à l’heure, sur le salon web, quelqu’un disait justement que beaucoup de choses existent déjà. Est-ce que ce sont des besoins récurrents pour GIMP et Inskcape ? Jehan.

Jehan Pagès : Tout à fait. Nous avons une assez grosse documentation, elle n’est pas encore complète, mais il y a beaucoup de choses dedans. Elle a été plus ou moins un peu abandonnée pendant quelques années, mais là on a un contributeur, Jacob, qui l’a reprise, d’ailleurs je l’ai mis mainteneur sur la documentation parce qu’il fait beaucoup de choses.
Tout à l’heure j’ai donné le nombre de commits sur le code de GIMP, mais lui, en fait, il fait maintenant beaucoup de choses sur la documentation, c’est pour ça qu’il fait un peu moins sur le code, mais en même temps c’est très utile. Donc oui, tout à fait, il y a besoin. Ensuite il y a plein de gens qui ne vont pas lire la documentation et dire « il n’y a pas, je ne comprends pas ». Mais on a une documentation qui explique pas mal de concepts.
Sinon la traduction. Par exemple GIMP est traduit en plus de 80 langages. Il y a plein de traducteurs. On bénéficie des équipes de traduction de la Fondation Gnome, comme on est dans leur infrastructure, on est aussi connecté à ça et les traducteurs traduisent aussi. Il y a quand même pas mal d’activités pour toutes les personnes qui veulent aider sans être développeur.
Dernièrement, c’est moi qui fais beaucoup de choses sur le site web. On aimerait bien, par exemple, que des gens proposent des tutoriels pour tous les niveaux, ça peut être un tutoriel débutant si on est soi-même pas forcément très avancé. Ça permet aussi d’apprendre, d’avoir des tutoriels et plus tard d’avoir des tutoriels niveau avancé. Améliorer aussi le site web en lui-même, s’il y a des gens qui sont plus des designers web ou des développeurs web qui veulent l’améliorer. Il y a pas mal de choses où on peut aider.

Frédéric Couchet : D’abord, côté Inkscape, Marc.

Marc Jeanmougin : Pareil. On considère que les tutoriels et la documentation sont une partie importante de ce qui permet aux gens de se repérer rapidement dans un logiciel. On a déjà quelques tutoriels intégrés. Il y a plein de choses qui ne sont pas vraiment documentées ou pas bien expliquées dans le logiciel. Si des gens veulent nous aider à écrire des tutoriels ou autre, ils sont bienvenus, évidemment.

Frédéric Couchet : On voit que ces deux logiciels, GIMP et Inkscape, en tout cas ça a été évoqué en première partie, ont des liens en commun et il y a d’autres logiciels libres de graphisme. Est-ce qu’il y a des lieux d’échange entre les différents logiciels libres pour les évolutions ou autre ? Est-ce que vous vous rencontrez sur des lieux physiques, à certains moments, pour avancer sur des projets communs ou simplement pour échanger sur vos problématiques, sur vos projets, sur les versions à venir ? Marc.

Marc Jeanmougin : Avec le covid c’est un peu plus compliqué. En tout cas jusqu’en 2020 il y avait le Libre Graphics Meeting, une réunion annuelle des projets en logiciel libre liés au graphisme. On rencontrait des gens de GIMP, de Krita, d’Inkscape, de Blender et de plein d’autres logiciels liés de près ou de loin au graphisme.

Frédéric Couchet : C’était un événement physique.

Marc Jeanmougin : C’était un événement physique annuel. Sinon on essayait aussi de faire un événement par an pour rencontrer les autres développeurs d’Inkscape pour discuter du projet.

Frédéric Couchet : D’accord. Même chose côté GIMP ? Vous avez des rencontres dédiées à GIMP ou vous participez à d’autres rencontres comme le Libre Graphics Meeting ?

Jehan Pagès : Tout à fait. On allait au Libre Graphics Meeting qui est d’ailleurs un peu une extension, c’était avant que j’arrive, des conférences GIMP où les premiers développeurs se rencontraient. Après il y a eu le Libre Graphics Meeting. GIMP, Inkscape, les projets de l’époque se sont dit « si on se rencontrait entre nous ». On y allait tous les ans. J’y suis allé tous les ans depuis 2013. On n’en a plus depuis deux/trois ans. D’ailleurs l’autre mainteneur, dont je disais qu’il a plus ou moins disparu, je sais qu’il nous disait tout le temps que c’était ce qui lui manquait le plus. Il travaille et ne se finance pas du tout sur GIMP et tout ça. Il est libraire, il fait ça entièrement sur son temps libre. Comme il est son propre patron j’imagine que quand il n’y a personne dans sa librairie il est en train de coder. Je sais que ne plus pouvoir se rencontrer est un truc qui manque énormément. C’est quelque chose de très important.
De temps en temps on avait fait aussi ce qu’on appelait des Wilber Weeks. Wilber est notre mascotte, en fait c’est le logo de GIMP, le logo s’appelle Wilber, donc le Wilber Week où on se rencontrait juste entre nous. Des fois on louait un lieu au milieu de la campagne genre en Espagne, au milieu de la forêt, et on restait une semaine à coder entre geeks et à faire des projets sur le futur de GIMP.

Frédéric Couchet : D’accord. Peut-être qu’avec la période, on va dire que la pandémie n’a pas totalement disparu, mais peut-être le Linux Grafic Meeting va pouvoir revenir à un moment ou à un autre. D’ailleurs c’était en France.

Marc Jeanmougin : C’est Libre Graphics Meeting.

Frédéric Couchet : J‘ai dit quoi ?

Marc Jeanmougin : Linux.

Frédéric Couchet : Mince !

Marc Jeanmougin : Pas grave !

Frédéric Couchet : Libre Graphics Meeting et, si je me souviens bien, l’événement était souvent organisé en France, sauf erreur.

Jehan Pagès : Je pense que les premiers étaient en France, effectivement, et le dernier qui était censé se produire c’était aussi en France. Ensuite, à part ça, il a quand même eu lieu dans pas mal de pays du monde, mais plusieurs fois en France, effectivement.

Frédéric Couchet : Tout à l’heure, en introduction, Marc disait qu’il s’occupait notamment de ce qu’il appelle les releases, c’est-à-dire la publication des versions on va dire, entre guillemets, « officielles ou stables ». Il y a des versions de développement, des versions officielles. Comment ça se passe d’un point de vue pratique ? Et même question après pour Jehan parce que j’ai vu tu as récemment posté une dépêche sur linuxfr.org annonçant tout ce qui allait arriver dans la prochaine version de GIMP. Comment se passe le choix, tout d’un coup, de dire à un moment « cette version-là est une version officielle avec un numéro » ? Comment ça se passe ? Marc Jeanmougin.

Marc Jeanmougin : On a un petit changé de paradigme il y a deux ans parce qu’on a mis plusieurs années à sortir la version 1.0 après des gros changements sur le code et on s’était dit qu’il fallait faire des trucs plus réguliers. À ce moment-là on a décidé de faire une sortie majeure par an à peu près en mai et on fait deux releases de correction de bugs quatre mois après et huit mois après, comme ça tous les quatre mois il y a une releases et c’est comme ça.

Frédéric Couchet : D’accord. Je précise que tu viens de poser le mot bug. La prochaine chronique de Vincent Calame, qui s’est installé, nous parlera d’un bug qui peut envoyer en prison. Vous écouterez la chronique, c’est un petit teasing.
Donc mai. C’est bientôt la prochaine version majeure comme tu le dis, puisque nous sommes en avril 2022, je le précise pour les personnes qui nous écouteront dans le futur, qui sera déjà la version de Inkscape. Même question pour GIMP. Récemment sur linuxfr.org qui est un site d’information autour du logiciel libre, tu as publié, Jehan, une longue dépêche, d’ailleurs on te félicite sur le salon web, détaillant ce qui allait venir. Pareil, comment se passe la décision de « telle version devient une version majeure » ?

Jehan Pagès : C’est beaucoup plus bordélique parce qu’on n’a pas vraiment de calendrier comme ont beaucoup de projets. Pour une version majeure c’est différent, mais pour une version qu’on appelle mineure ou micro, on se dit, à un moment donné, « là on a des bonnes corrections, des bonnes choses », on la sort et on sort comme ça des versions à peu près tous les trois mois, je dirais. En général on se décide dix jours avant, voire une semaine avant, et, par rapport à notre décision, on a encore en général deux semaines de retard. En gros c’est ça.
Nous avons aussi changé notre logique avec la 2.10, c’était en 2018. Jusqu’alors on faisait les versions micro, on a des chiffres sur trois numéros, on est, par exemple, à la 2.10.30. Micro c’est quand on change seulement le troisième numéro. On disait que ce n’était que des corrections de bugs, sauf que maintenant on a décidé, depuis 2018, qu’on peut avoir de nouvelles fonctionnalités. On s’était rendu compte que beaucoup de gens croyaient que GIMP était mort parce que, entre les sorties de versions mineures où on pouvait avoir des fonctionnalités, il pouvait se passer plusieurs années, alors que tous les quelques mois on avait des sorties mais les gens ne les voyaient pas puisque ces sorties ne corrigeaient que des bugs. Quand ce sont des corrections de bugs les gens n’ont pas l’impression que c’est développé.
Ensuite, pour la sortie majeure, c’est plus compliqué parce qu’il y a pas mal de choses où, en fait, on a notamment une interface de programmation pour les plugins, ou ce genre de choses, et il faut absolument que ce soit stable, parce que, ensuite, on sera bloqué avec ça pendant dix ans ou plus.

Frédéric Couchet : D’accord. Le temps passe vite, il nous reste très peu de temps. Je vais d’abord relayer une question rapide pour Marc, question sur le salon web : est-ce que tu considères que LibreOffice Draw et Inkscape sont comparables ? La question est complétée par : est-ce que les équipes ont des contacts ? Marc Jeanmougin

Marc Jeanmougin : Je n‘utilise pas assez LibreOffice Draw pour savoir si c’est vraiment comparable. Je l’ai utilisé il y a très longtemps, pour moi il y avait plus de fonctionnalités dans Inkscape, mais c’était un petit peu le même principe de base. Après, je ne sais pas trop ce qu’ils utilisent comme format de fichier et on n’a pas vraiment de contacts avec The Document Foundation à ma connaissance.

Frédéric Couchet : The Document Foundation qui est notamment derrière LibreOffice, qui chapeaute un petit peu LibreOffice.
Dans le cadre de la préparation de l’émission, un sujet te tenait à cœur, Jehan, c’est le terme « logiciel libre communautaire », pas juste « logiciel libre » et pas juste « logiciel communautaire ». Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu entends par « logiciel libre communautaire », notamment dans le cas de GIMP ?

Jehan Pagès : C’est un peu ce dont on a parlé, que ce soit pour Inkscape ou GIMP. Il y a beaucoup de logiciels libres qui sont quand même créés de manière très centralisée et des fois par des grosses boîtes, même Google fait des logiciels libres. Que ce soit Inkscape, de ce que je connais, ou GIMP, ce sont vraiment des communautés derrière et c’est vraiment vous qui les créez en fait. J’étais n’importe qui quand j’ai commencé. J’ai envoyé mes premiers patchs en 2012, je crois que mon tout premier patch rajoutait une icône sur un bouton, quand on cliquait ça changeait l’icône, parce que c’était un bouton play/stop. Je me disais « quand j’appuie sur play je veux que ce soit stop ». Je crois que c’était ça mon premier patch, donc c’était vraiment un truc de base.
En fait assez rapidement j’ai fait quelques corrections comme ça et à un moment on m’a dit « tu fais des bons patchs, vas-y, maintenant je te donne les droits d’accès ». On ne fait pas n’importe quoi, on a une responsabilité à ce moment-là. C’est ça en fait, c’est vraiment une communauté qui crée, n’importe qui peut vraiment participer. Pour moi c’est un concept très important, je trouve que c’est ça qui fait la beauté de ces logiciels. Tout à l’heure je parlais de possiblement faire un organisme, une entité. C’est quelque chose auquel je réfléchis beaucoup. Je ne veux pas que ce soit une entité qui puisse, on va dire, prendre le contrôle du développement, par exemple, que je ne veux pa perdre.

Frédéric Couchet : Tu as peur qu’une structure, quelle qu’elle soit, puisse en fait rigidifier quelque chose qui est assez souple. C’est ça ?

Jehan Pagès : Tout à fait. Exactement.

Frédéric Couchet : OK. On aborde vraiment la toute fin. Tout à l’heure on a parlé un petit peu du financement, notamment côté GIMP et côté Marc avec son petit bout, mais qui est important, d’un employeur public qui le finance pour contribuer à Inkscape.
Jehan, côté GIMP, tout à l’heure tu parlais, et Marc aussi a parlé de Patreon, ce sont des financements participatifs. Comment fonctionne ce genre de financement, notamment dans le cadre de ton activité à GIMP ?

Jehan Pagès : On avait fait au tout début un financement participatif sur des grosses plateformes, le genre de plateforme qu’on connaît, que ce soit Kickstarter ou Indiegogo, mais c’est en une fois. Les types Patreon ou Tipeee, on est sur Patreon, Tipeee, ou Liberapay, je conseille plutôt Liberapay parce que c’est aussi une association française à but non lucratif qui gère ça et la plateforme, elle-même, est en logiciel libre. Les gens souscrivent et peuvent donner. Pour Patreon et Tipeee c’est par mois, pour Liberapay c’est par semaine. Par exemple quelqu’un souscrit et donne quelques euros par semaine ou quelques euros par mois. C’est une autre façon de voir le financement plutôt que faire un gros truc, il faut absolument avoir une énorme somme. On peut avoir plein de gens qui donnent juste un tout petit peu de temps en temps, plus souvent.
Vous pouvez trouver notre projet, ZeMarmot, sur les trois plateformes Patreon, Tipeee, Liberapay. Il y a en a d’autres. Vous pouvez trouver Pippin sur Patreon et aussi sur Liberapay. Lui c’est pour le moteur graphique qui est aussi très important.
Pour Inkscape, comme disait Marc tout à l’heure, on sait qu’un développeur a fait pas mal de choses dernièrement et est aussi sur Patreon.

Frédéric Couchet : Tu veux compléter là-dessus, Marc, avant de passer à la dernière question ?

Marc Jeanmougin : Pour moi c’est un peu complémentaire. Inkscape reçoit des dons qui passent par la Software Freedom Conservancy qui financent le projet en général, c’est-à-dire les dépenses qu’on a au niveau de projet mais qui n’emploie pas de développeurs. C’est un petit peu complémentaire pour permettre aux développeurs d’avoir un revenu régulier ; Martin Owens a ça notamment.

Frédéric Couchet : Ce que permettent ces plateformes, comme dit Jehan, c‘est cette récurrence qui « garantit », entre guillemets, une certaine pérennité, une certaine visibilité sur le long terme.
Avant la dernière question finale de résumé, de synthèse, est-ce que vous avez des annonces, même des besoins que vous n’auriez pas évoqués pour le moment ? Très rapidement. Marc.

Marc Jeanmougin : Une annonce rapide : dans à peu près un mois on a Inkscape 1.2 qui sort, donc c’est très cool.

Frédéric Couchet : Parce que nous serons en mai, donc très bientôt. Et côté GIMP ?

Jehan Pagès : Je ne peux pas vous annoncer quand GIMP 3 sortira. On ne le sait pas.

Frédéric Couchet : Quand il sera prêt !

Jehan Pagès : Quand il sera prêt. J’essaie de pousser. Si ça peut être cette année, mais il y a de choses dont il faut être sûr, donc je ne peux pas vous dire si ce sera cette année. On travaille beaucoup dessus.

Frédéric Couchet : OK. Question finale rituelle de l’émission : en conclusion, quels sont les éléments clefs à retenir de l’émission en moins de deux minutes chacun ? On va commencer par Jehan Pagès pour GIMP.

Jehan Pagès : Les éléments clefs c’est un peu tout ce qu’on a dit. Pour moi c’est assez important de comprendre comment GIMP fonctionne, comment Inkscape fonctionne aussi. Je trouve que c’est très important parce que des gens nous parlent encore comme si on était du support technique, qui vont nous insulter. Ils ne comprennent pas que la communauté c’est eux aussi.
Ensuite je reviens sur le financement. Cherchez-nous, ZeMarmot et Pipppin, sur Patreon, Tipeee, Liberapay, parce que je pense que c’est très important.
N’hésitez pas à contribuer. Franchement tout le monde peut faire de la contribution même s’il n’est pas développeur. Comme je disais, il y a plein de choses que je fais que j’aimerais ne pas avoir à faire parce que je préférerais me concentrer sur le code. Si des gens veulent aider, il y a des choses pour tout le monde et, pour le coup, pour des développeurs aussi, évidemment, si vous êtes développeurs.

Frédéric Couchet : OK. Merci Jehan. Marc Jeanmougin, même question.

Marc Jeanmougin : Je vais faire une réponse un petit peu similaire.
À retenir le fait que Inkscape c’est en fait ce que nous en faisons collectivement.
D’une part n’hésitez pas à contribuer si vous voulez influencer sur la direction future du projet Inkscape. Nous sommes assez accueillants, n’importe qui peut venir et essayer d’aider le projet sachant que c’est vraiment un investissement en temps.
Inkscape, en soi, c’est plus un collectif anarchiste au sens auto-organisé. On décide nous-mêmes du sens dans lequel on avance. C’est un peu ça que ça veut dire.
Enfin, petit complément sur les financements de projets. Je voudrais faire un petit peu un appel aux entreprises, aux collectivités publiques ou autres : si vous utilisez Inkscape ou autres, la manière la plus simple et la plus pérenne de faire prospérer ces projets c’est d’employer un contributeur sur des postes internes, y compris à temps partiel, pour permettre aux gens de débloquer du temps pour participer à ces projets. Je pense que c’est un modèle qui a de l’avenir pour aider les projets en logiciel libre en ayant des employeurs pour leurs contributeurs.

Jehan Pagès : Si je peux me permettre, ce que Marc vient de dire est un très bon point, je n’y ai pas pensé. On parlait des utilisateurs professionnels et tout ça, mais on sait qu’énormément de collectivités utilisent GIMP et Inkscape. On sait que les gouvernements aiment bien dire que le logiciel libre c’est bien, etc., et, à côté, ils font des contrats pour les logiciels propriétaires. Si des collectivités écoutent, elles peuvent mettre cet argent plutôt dans les logiciels libres qu’elles utilisent.

Frédéric Couchet : Appel lancé.
Je remercie nos invités Marc Jeanmougin et Jehan Pagès pour Inkscape et GIMP. Toutes les références citées sont sur le site de l’émission libreavous.org où vous pouvez les retrouver, notamment les liens de financement participatif.
Merci à vous deux et belle fin de journée.

Marc Jeanmougin : Merci. Bonne journée.

Jehan Pagès : Merci beaucoup.

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous entendrons la chronique de Vincent Calame intitulée « Le bogue qui envoie à la case prison ». La pause musicale a d’ailleurs été choisie par Vincent.
On va écouter Humans versus Machines par Ehma. On se retrouve dans 2 minutes 20. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Humans versus Machines par Ehma.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Humans versus Machines par Ehma, disponible sous licence Art libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame intitulée « Le bogue qui envoie à la case prison »

Frédéric Couchet : Vincent Calame, informaticien libriste et bénévole à l’April, nous fait partager son témoignage d’un informaticien embarqué au sein de groupes de néophytes. Choses vues, entendues et vécues autour de l’usage des logiciels libres au sein de collectivités, associations, mouvements et équipes en tout genre, c’est la chronique « Jouons Collectif ».
Bonjour Vincent.

Vincent Calame : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Le thème du jour m’a un petit peu surpris, quand le code envoie en prison.

Vincent Calame : Oui, tout à fait. C’est dans ce sens que j’avais proposé ce morceau de musique qui s’appelle Humans versus Machines. L’idée de la guerre entre les humains et les machines est un thème presque aussi vieux que la science-fiction elle-même. D’ailleurs la pièce de théâtre R.U.R [Rossum’s Universal Robots], écrite par le Tchèque Karel Čapek en 1920, où a été inventé le terme « Robot », décrit déjà une révolte des machines conduisant à l’anéantissement de l’humanité. Aujourd’hui nous n’en sommes, heureusement, encore pas là. Certes, le terme « intelligence artificielle » est à la mode et mis à toutes les sauces, j’imagine d’ailleurs qu’aucun projet informatique ne peut lever de fonds actuellement sans prétendre faire appel à de « l’intelligence artificielle », entre guillemets ; le terme est évidemment abusif, nous sommes loin d’une vraie intelligence.
Pas besoin d’ailleurs d’une quelconque intelligence hostile et extra-humaine pour s’inquiéter de la place prise, de nos jours, par les algorithmes dans les réseaux sociaux et du risque qu’ils font courir à notre vie démocratique. Je pense que toute personne qui code, consciente de l’enjeu politique du code, doit se poser la question de sa responsabilité dans cette informatisation du monde. D’autant plus que le code informatique qui broie des vies humaines, qui envoie en prison, ce n’est pas de la science-fiction, on y est là, aujourd’hui, depuis vingt ans même au Royaume-Uni avec le scandale du logiciel Horizon.

Frédéric Couchet : Peux-tu entrer les détails de cette affaire ?

Vincent Calame : En ce qui me concerne, je l’ai découverte tout récemment via un article du Magazine M du Monde daté du 19 mars, malheureusement l’article est réservé aux abonnés, mais j’ai mis d’autres références publiques sur le site. De quoi s’agit-il ? Dans les années 1990, la Poste britannique met en chantier l’informatisation de son système de comptabilité. Le logiciel, appelé Horizon, est développé par l’entreprise Fujitsu. Il faut savoir que de nombreuses agences postales sont en fait gérées comme des franchises avec des gérants qui sont des indépendants, parfois en gérant en parallèle un autre commerce ; ils sont appelés subpostmasters. Le système est déployé massivement en 1999 et, très vite, des erreurs apparaissent. Jusqu’ici rien de plus classique, les bogues font partie de la vie d’un logiciel. Le problème, c’est la réaction de la direction de la Poste britannique. Comme le logiciel fait apparaître des différences entre recettes et ventes dans de nombreuses agences, la Poste britannique accuse leurs gérants de détournement de fonds. Le Monde cite le témoignage d’une personne incarcérée à l’âge de 19 ans, en 2002 : « J’ai été accusée d’avoir volé 11 503 livres par le Post Office. Depuis le premier jour où les erreurs comptables sont apparues j’étais coupable à leurs yeux, ils me demandaient juste à quoi avait servi l’argent, j’ai été condamnée à six mois de prison ». À aucun moment le logiciel n’a été mis en cause ! Il y avait une foi aveugle dans les données qu’il retournait et aucun moyen de les contester : pas de trace papier et, bien sûr, pas de code source ouvert pour aller vérifier de quoi il retournait.

Frédéric Couchet : Tu parles de 1999 et 2002. Donc 20 ans après, cela fait encore l’actualité ?

Vincent Calame : Oui. C’est un autre aspect un peu hallucinant de ce scandale. C’est seulement en avril 2021 qu’un jugement en appel a cassé les condamnations pour fraude et vol des 555 victimes regroupées dans un collectif appelé Justice for Subpostmasters Alliance.
Il faut savoir que le logiciel n’a vraiment commencé à être mis en cause qu’à partir de 2009 grâce à un article du média spécialisé Computer Weekly. Une raison très importante de ce décalage dans le temps c’est que les franchisés accusés étaient isolés et se croyaient seuls dans leur cas, la direction de la Poste britannique se gardant bien de signaler que plusieurs centaines de personnes étaient concernées. La personne témoignant dans Le Monde dit même qu’elle ne s’est aperçu qu’en 2015 qu’elle n’était pas seule.
Au passage, je trouve que cela fait étonnamment écho au combat actuel des livreurs d’Uber et d’autres plateformes pour faire reconnaître leur statut de salariés.
Donc logiciel opaque, direction irresponsable, employés précarisés par un statut d’indépendant – certains à 18 ou 19 ans -, tout le cocktail est là.
Notons également que le logiciel a continué de sévir longtemps puisque Le Monde cite une autre personne, nommée gérante en 2006, dont les problèmes sont apparus en 2014.
Au final, ni Fujitsu, ni la direction de la Poste n’ont été inquiétés, d’après l’article, et la facture de l’indemnisation – on parle d’un milliard d’euros – sera pour le gouvernement britannique.

Et le logiciel libre dans tout ça ? Un logiciel libre n’aurait évidemment pas protégé du cynisme de la direction de la Poste britannique. Mais l’accès au code aurait permis une contre-expertise technique qui n’aurait pas attendu dix ans. Dans un article de Computer Weekly on annonce le lancement, par la Poste britannique, d’une expertise extérieure sur le système informatique en 2012 seulement. L’article du Monde parle de frais d’avocats énormes pour le collectif de plaignants, plusieurs dizaines de millions de livres.
Payer quelques centaines de milliers de livres des codeurs talentueux et indépendants pour se plonger dans le code du logiciel Horizon, est-ce vraiment du luxe dont on peut se passer ?

Frédéric Couchet : C’est une bonne question et j’aurais aussi une question : finalement qui est coupable dans cette histoire de dingue ? Là tu parles d’un bogue logiciel, mais un logiciel est un outil de travail qui, comme tu l’as dit, comme l’ont dit tout à l’heure nos invités dans notre sujet principal, peut avoir des bugs. L’affaire date de 1999, une expertise a été menée en 2012, donc, au début de l’affaire, aucune analyse ou aucun audit du logiciel n’a été fait et la direction de la Poste et surtout les juges qui ont pris la décision d’envoyer des gens en prison ont cru ce logiciel sur parole. Finalement c’est plus, quelque part, un scandale judiciaire, qu’un scandale informatique. Quel est ton avis sur la question ?

Vincent Calame : En soi, qu’un logiciel ait des problèmes, je crois que c’est vraiment très courant, ça doit être intégré dans la réflexion sur un logiciel. On a beau le tester, le jour où on le met en production, où on le déploie massivement sur des milliers et des milliers d’agences, c’est sûr qu’il y aura des problèmes qui n’auront pas été prévus au moment de la conception. Personne ne prétend déployer un logiciel propre au premier clic. Il y a un problème. De toute façon le logiciel n’est qu’un outil, effectivement il n’est pas intelligent, il a un responsable. Au lieu de se poser la question « il y a des erreurs, peut-être que ça vient de nous », non, les erreurs ont tout de suite été imputées aux gérants.

Frédéric Couchet : Tu as parlé tout à l’heure de cynisme, j’ai regardé un petit peu les articles de presse que tu cites. Un des articles indique, j’ouvre les guillemets : « La Poste britannique a soutenu que les erreurs ne pouvaient pas être dues au système informatique, tout en sachant que c’était justement le cas. Il est en effet prouvé que le service juridique de la Poste savait que le logiciel pouvait produire des résultats inexacts avant même que certaines des condamnations ne soient prononcées. » Là on arrive vraiment dans un scandale ! Je crois d’ailleurs que là-bas c’est le plus gros scandale judiciaire qui existe parce que ça concerne énormément de gens.

Vincent Calame : Tout à fait. Il y a plus de 500 personnes concernées, beaucoup de vies brisées, des gens qui ont eu beaucoup de mal à se remettre de ça. C’est effectivement comment faire la preuve de son innocence. Normalement il y a d’abord la présomption d’innocence, on est d’abord innocent puis coupable. Là on a vraiment l’impression qu’on est coupable d’entrée de jeu parce que le logiciel a dit qu’on l’est.

Frédéric Couchet : Comme le dit Étienne sur le salon web, c‘est une vraie question de la valeur de la preuve.
Merci pour cette chronique Vincent. J’espère que la prochaine sera un peu plus guillerette. Ce sera en juin je pense. Je te souhaite une belle fin de journée.

Vincent Calame : Merci.

Frédéric Couchet : Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par une petite annonce.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Samedi 23 avril 2022 il y a plusieurs fêtes d’installation en France. Une fête d’installation est un événement physique qui permet de trouver de l’aide pour installer un système libre ou des logiciels libres sur sa propre machine ou les configurer si ces logiciels sont déjà installés. Sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, vous pouvez trouver les fêtes d’installation. Il y en a une à Mérignac en Nouvelle-Aquitaine, à Marseille dans les Bouches-du-Rhône, à Châteauneuf-du-Faou en Bretagne et sans doute dans d’autres régions. Vous allez sur agendadulibre.org.
Autre annonce. La licence professionnelle, Administration et Développement de Systèmes d’Information à base de Logiciels Libres et Hybrides, qui a ouvert en septembre 2016, ouvre de nouveau ses portes à l’Université de Bordeaux à la rentrée 2022. Cette licence professionnelle vise à former les étudiants et étudiantes à intégrer des logiciels libres et hybrides en un ensemble cohérent répondant aux besoins des entreprises, un système d’information complet par exemple. Il s’agit également de s’impliquer dans les communautés de développeurs et développeuses de logiciels libres, pour remonter ou corriger les bogues, contribuer des fonctionnalités. C’est tout l’objet du projet tuteuré qui pourrait d’ailleurs concerner des logiciels comme GIMP ou Inkscape dont on a parlé. C’est une licence professionnelle en un an. Elle est ouverte aux licences L2, DUT, BTS, en formation initiale et en alternance, mais aussi en formation continue, reprise d’études et contrat professionnel. On peut faire une VAP – Validation des Acquis Professionnels – pour l’inscription. Des VAE, Validation des Acquis de l’Expérience, sont également possibles. Vous retrouverez les références sur le site de l’émission libreavous.org concernant cette licence professionnelle, Administration et Développement de Systèmes d’Information à base de Logiciels Libres et Hybrides.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Véronique Bonnet, Marc Jeanmougin, Jehan Pagès, Vincent Calame.
Cette 139e émission a être mise en ondes et réalisée par Étienne Gonnu. Merci Étienne.
Cette émission sera bientôt disponible en réécoute sur causecommune.fm et libreavous.org grâce aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Olivier Grieco, Quentin Gibeaux.

Vous trouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question. Vous pouvez nous contacter à l’adresse contact chez libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

Je ne sais pas ce que vous ferez dimanche 24 avril à 20 heures, mais quel que soit le résultat rien ne sera perdu. Il faudra continuer à se mobiliser, à s’organiser pour construire une société libre, juste, émancipatrice et inclusive. La participation aux structures du logiciel libre est un moyen, mais il y a bien d’autres combats. N’hésitez pas à rejoindre des associations. Faisons en sorte que l’avenir soit rempli d’espoir et d’énergie positive dans le respect des libertés, des égalités, des solidarités.

Rendez-vous en direct mardi 26 avril 2022 à 15 heures 30 ou en podcast où vous voulez, quand vous voulez, comme vous voulez. Notre sujet principal portera sur France Nature environnement et la contribution à l’avis du CESER Occitanie, comment mettre le numérique au service de l’humain et des territoires, le CESER étant le Conseil économique, social et environnemental régional.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 26 avril et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.