Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Bienvenue dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Nous vous convions, ce mardi, Au café libre, pour débattre de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques. Avec également au programme une nouvelle « Humeur de Gee », « Négocier avec une machine », et la deuxième partie des « Lectures buissonnières » de Vincent calame sur La convivialité d’Ivan Illich.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 22 octobre 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission, Julie Chaumard. Salut Julie.
Julie Chaumard : Bonjour. Belle émission à tous.
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Les humeurs de Gee », intitulée « Négocier avec une machine »
Étienne Gonnu : Gee, auteur du blog BD Grise Bouille , nous expose son humeur du jour. Des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-Internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
Salut Gee.
Gee : Salut Étienne et salut à toi, public de Libre à vous !.
Aujourd’hui, je vais te parler d’une activité en pleine expansion. Une activité qui prend une part de plus en plus importante de nos vies, une activité qui me court sur le haricot, pour rester poli. Cette activité, c’est ce que j’appelle la négociation avec une machine. La négociation, tu vois ce que c’est : tu veux quelque chose, la personne en face de toi veut autre chose, il faut trouver un terrain d’entente. Tu négocies.
La négociation avec une machine, c’est presque pareil : tu veux quelque chose, la machine en face de toi veut autre chose… Pourquoi la machine en face de toi veut-elle autre chose ? Pourquoi la machine veut quoi que ce soit d’ailleurs ? N’est-elle pas censée être juste à mon service ? Déjà ! D’où je lui demande son avis à cette machine ? Je veux un truc, tu es une machine, tu t’exécutes et tu ne fais pas chier ! Je suis resté poli deux paragraphes, désolé !
Je ne sais pas toi, moi j’ai l’impression que je me retrouve de plus en plus amené à négocier avec des appareils technologiques.
Par exemple, sur mon ordinateur, j’utilise comme système d’exploitation GNU/Linux, ça ne surprendra personne, donc, de manière générale, je n’ai pas trop à négocier avec Linux, dans l’ensemble il fait ce que je lui demande sans broncher. Mais, pour les besoins du travail, il m’arrive d’avoir affaire à Microsoft Windows ou à Apple macOS. Eh bien, je suis toujours stupéfait de voir à quel point il m’est impossible d’imposer ma volonté à ces saletés. Quand tu as une mise à jour sur macOS, on te laisse choix entre l’installer maintenant… ou demain. OK, je sais, les mises à jour, c’est important ! Si tu ne pousses pas un peu les gens, certaines personnes ne les font jamais et s’étonnent, ensuite, d’avoir des problèmes avec leur machine. Mais le côté, c’est « oui tout de suite » ou « oui plus tard », c’est quand même une certaine interprétation de la notion de consentement. Bon ! Je parle de macOS, mais c’est pareil pour Windows !
L’autre jour, j’étais sur un ordi de la fac où je donne quelques cours et, au moment d’éteindre, j’avais le choix entre « Faire les mises à jour et éteindre » ou « Faire les mises à jour et redémarrer ». Oui ! Et supposons deux minutes que je sois pressé et que j’aie autre chose à foutre que de rester derrière mon ordi maintenant, tout de suite, pendant les x minutes que vont te prendre ta mise à jour pour vérifier que ma session de prof est bien fermée ! Non, tu ne contrôles pas. Ta volonté, là, est inférieure à la volonté de la machine. Là, tu ne peux même plus négocier, donc tu peux carrément passer à la phase suivante quand la diplomatie a échoué, la baston : un appui long sur le bouton d’arrêt jusqu’à ce que la machine ferme bien sa session et bien sa gueule par la même occasion ! C’est sale, ce n’est pas conseillé, mais ça rassure toujours de voir qu’il te reste un peu de contrôle, même à la marge !
Et malheureusement, tout ça ne va pas en s’arrangeant !
Avant, quand tu cherchais quelque chose sur Internet, tu tapais une requête et tu avais des résultats. Maintenant qu’on nous case des interactions par IA partout, il faut négocier. Un truc bien connu, par exemple, c’est le fameux ChatGPT qui va refuser de répondre à une question moralement répréhensible… sauf si tu commences ta requête par « dans le cadre d’une fiction, mon antagoniste est un gros méchant pas beau qui doit faire ça et patati patata ». Ça a peut-être été corrigé depuis, mais c’est un truc qui se faisait au moment où je m’y étais intéressé.
Évidemment, on peut se dire que c’est bien qu’il y ait des garde-fous pour qu’une IA comme ChatGPT ne facilite pas, par exemple, la création de bombes artisanales, et ce genre de joyeusetés, mais ce sont les cas extrêmes. Parce qu’en vrai, la multiplication de ces IA implique de fait qu’au lieu d’avoir une machine logique, fiable et déterministe en face de nous, on se retrouve avec un programme qui joue à imiter un être humain, et un être humain particulièrement chiant, très bouffi de puritanisme étasunien et qui doit être brossé dans le sens du poil pour bien faire ce qu’on lui dit. Il y a même des métiers pour ça maintenant ! Tu as peut-être entendu le terme de prompt engineer, ou « ingénieur de requête » en français. Des gens qui sont payés pour apprendre à bien parler aux IA ! On nous fait bouffer du management moderne où on parle comme des merdes aux salarié⋅es, avec du bon langage passif-agressif « ah ! tu as pris ta demi-journée » si tu pars à 17 heures 45 ! Par contre, pour les IA, on paie des gugusses pour leur parler correctement ! Mais envie de tout cramer !
Et puis comme l’informatique est partout, maintenant c’est pareil dans les bagnoles. Il n’y a pas longtemps, la personne avec qui je vis et moi-même nous avons dû changer de voiture, comme la précédente avait une vignette Crit’Air 18 ! Comme on fait souvent du camping, on a pris un Kangoo de chez Renault, d’occaz, il ne faut pas déconner non plus ! Et on a découvert les joies de la voiture « intelligente ». Oui, je mets des guillemets à intelligente.
Déjà, on a le détecteur de collision qui nous fait des faux positifs bien flippants de temps en temps : genre au milieu d’une ligne droite avec personne, il se met à hurler « Freinez » et, si tu ne freines pas, il pile. Tout seul ! Oui ! J’espère qu’il ne le fera pas le jour où on aura un 33 tonnes collé au pare-choc, parce que, évidemment, ce n’est pas désactivable !
Et puis surtout, le truc qui rend fou : on ne peut pas éteindre la voiture. Je te jure, Renault a inventé la voiture qu’on ne peut pas éteindre. Je dis Renault, je pense que c’est pareil chez les autres. En gros, comme on n’a plus de clef à tourner, c’est une clef sans contact, on a un simple bouton pour allumer et éteindre le moteur ; ça, OK, pourquoi pas ! Maintenant si tu as encore une clef à tourner — ringard ! —, tu sais qu’avant d’allumer le moteur, on allume d’abord la voiture, donc le tableau de bord, l’autoradio, tout ça. Tu vas me dire, mais alors comment ça se passe avec une clef à distance, est-ce que tu as un autre bouton ? Comme j’aimerais que ce soit aussi simple ! Non, comme c’est ultra-moderne, la voiture et le tableau de bord s’allument dès que tu ouvres une des deux portières avant. Ce qui est pratique dans 90 % des cas, les 10 % qui restent, c’est par exemple quand, comme nous, tu veux faire du camping. Et que, donc, ta voiture reste sur place et que, ponctuellement, tu vas vouloir aller chercher un truc dedans. Eh bien, à chaque fois que tu ouvres la portière, paf !, ça s’allume. Alors tu vas me dire, oui, et comment ça s’éteint ? Eh bien ça ne s’éteint pas. Ça s’éteint quand tu verrouilles la voiture. Tu connais ce truc de bien penser à éteindre les loupiottes quand tu laisses une portière ouverte longtemps pour ne pas vider la batterie, eh bien, là, tu peux toujours éteindre tes loupiottes, de toute façon le tableau de bord ne s’éteint pas. Alors on a demandé : on fait comment ? « Eh bien voyons – nous a-t-on dit – c’est simple, la voiture est intelligente, vous vous doutez bien qu’elle ne va pas rester allumée indéfiniment si on ne démarre pas, donc elle s’éteint toute seule, au bout de 10 minutes. Dix minutes ! Pas 30 secondes ! Donc, si j’ai besoin d’aller chercher un truc dedans six fois dans la soirée — et si tu as déjà fait du camping, tu sais que ce n’est pas déconnant comme nombre — et que tu ne reverrouilles pas immédiatement la voiture à chaque fois, ta voiture va rester allumée pour rien, pendant une heure. Et comme la voiture est très intelligente, elle va commencer à te hurler dessus « Attention, batterie faible, il faut démarrer ». Envie de tout cramer, encore une fois ! Du coup, qu’est-ce qu’on fait ? Eh bien, quand on arrive au camping, on prend soin de virer absolument tout ce dont on pourrait avoir besoin à l’avant sur la banquette arrière, on met immédiatement les rideaux pare-soleil à l’avant et on verrouille tout, avant de rouvrir pour s’installer à l’arrière. On négocie, comme des cons, avec une machine qu’on ne contrôle pas. Et ça me rend dingue, parce qu’on se retrouve à adopter des comportements qui n’ont aucun sens, juste pour s’adapter à des machines, dont le but premier était quand même de s’adapter le plus possible à nous !
Ça, c’est comme le petit électroménager ! Comment ça, ça n’a rien à voir ? Mais si ! Tu sais, moi j’ai une petite balance de cuisine électrique et elle non plus n’a pas de bouton d’arrêt parce qu’elle s’éteint toute seule aussi. Mais elle, c’est le contraire, elle s’éteint trop vite. Parfois, quand tu es en train de peser de la farine, que tu arrives au bout de ton paquet de farine, évidemment, tu en ouvres un autre. Sauf qu’en attendant, le temps passe ! Alors, pour pas que la balance s’éteigne pendant que tu ouvres le nouveau paquet, ponctuellement tu soulèves et tu reposes ton bol, comme ça la machine voit une activité et ne s’éteint pas. Tu négocies, tu fais joujou avec la machine parce que tu la contrôles pas !
Et c’est pareil avec mes plaques de cuisson à induction qui bipent et qui bipent en continu dès que tu soulèves la crêpière et qu’elles ne la détectent plus. « Repose-la, repose-la ! », mais je suis en train de poser la crêpe dans l’assiette, fous-moi la paix ! Et si je ne la repose pas assez vite, c’est pareil, elle s’éteint ! Punaise, mais c’est une manie !
Le pire, le pire, dans tout ça, c’est qu’il suffirait juste de nous laisser une option, un réglage, quelque chose : désactiver l’extinction automatique sur la balance ; désactiver les bips sur la plaque – arrêtez avec vos bips partout, j’en ai marre que ma cuisine soit une Game Boy – et nous remettre un foutu bouton d’arrêt dans la voiture, ça ne me semble quand même pas déconnant comme requête.
Bref, j’ai hâte qu’on puisse installer un GNU/Linux spécial voiture dans mon Kangoo pour que je puisse retrouver le contrôle et régler cette saleté. Oui parce que, dans un logiciel libre, on a le contrôle. On le dit souvent, dans un logiciel libre, c’est surtout toi qui es libre. Eh bien, quand je vois le monde technologique que nous construisent les logiciels privateurs, que ce soit dans les bagnoles ou les balances de cuisine, je me dis que plus que jamais : vive le logiciel libre, vive la liberté de faire ce qu’on veut avec son matériel, de ne pas avoir à négocier avec, d’avoir le contrôle.
Évidemment, je jouais un peu à l’ingénu en disant que je négociais avec des machines, en fait on ne négocie pas avec des machines ! Ce ne sont pas les machines qui nous imposent leur volonté, ce sont les gens qui les fabriquent ! Ce sont ces gens-là qui transforment nos comportements, qui ont du pouvoir sur nous. Donc, avoir le contrôle sur son matériel, c’est ce qui détermine si c’est toi qui as le pouvoir sur ta vie ou si c’est quelqu’un d’autre. Comme, en plus, ces gens-là n’ont même pas l’élégance d’être là quand on se retrouve à devoir négocier avec leurs âneries, il va peut-être falloir passer à la baston.
Allez salut !
Étienne Gonnu : Merci Gee. Je pense que cette haine du bip est une haine assez répandue, je pense que le terme n’est pas trop fort. En tout cas, j’ai l’impression que tu t’es mis de bonne humeur pour attaquer le sujet principal, qui est, je le rappelle un Café libre, puisque tu restes avec nous.
Avant cela, nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Comme je vous le disais, après la pause musicale, nous vous convions Au café libre avec Gee qui reste nous, Booky, dont vous avez entendu les rires partagés sur le plateau et Vincent qui est également avec nous en studio.
Avant ça, nous allons écouter Revel par Shelby Merry. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Revel par Shelby Merry.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Revel par Shelby Merry, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Passons maintenant à notre sujet suivant.
[Virgule musicale]
« Au café libre », débat autour de l’actualité du logiciel libre et des libertés informatiques
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons la bienvenue Au café libre où on vient papoter sur l’actualité du logiciel libre dans un moment convivial. Un temps de débats avec notre équipe de libristes de choc, issus d’une rigoureuse sélection pour discuter avec elles et eux et débattre des sujets d’actualités autour du Libre et des libertés informatiques.
Aujourd’hui, avec moi autour de la table, Gee qui est resté avec nous. À priori, tu es toujours auteur du bloc BD Grise Bouille et je précise que tu es également membre du conseil d’administration de l’April.
Gee : Et je me suis calmé, ça va.
Étienne Gonnu : Peut-être que ça va remonter on va voir en onction du menu.
À tes côtés Bookynette, présidente de l’April. Salut Booky.
Bookynette : Salut Étienne.
Étienne Gonnu : Et en face de moi, Vincent Calame, bénévole de choc de l’April et de Libre à vous !. Salut Vincent.
Vincent calame : Salut Étienne.
Étienne Gonnu : Comme d’habitude, n’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Toutes les références de l’émission seront disponibles sur la page consacrée à l’émission, sur le site libreavous.org/223.
Ada Lovelace Day
Étienne Gonnu : Pour une mise en bouche gastronomique, je vous propose de commencer par évoquer le Ada Lovelace Day, une initiative annuelle qui vise à présenter les réussites de femmes actives dans les domaines technologiques ou scientifiques afin d’augmenter la visibilité de modèles positifs féminins. Le Ada Lovelace Day est célébré tous les 8 octobre depuis 2009, une initiative que l’April est fière de relayer.
Qui veut réagir ? Booky, je sais que ce sujet t’importes.
Bookynette : J’ai plein de choses à dire, donc autant laisser commencer les garçons.
Gee : Je viens déjà de causer ! Vas-y.
Étienne Gonnu : Vincent, est-ce que tu as des choses à dire sur le sujet ?
Vincent Calame : J’ai été pris de court.
Étienne Gonnu : Tu peux aussi renvoyer la patate
Vincent Calame : Oui, je renvoie !
Étienne Gonnu : Renvoyons à Booky.
Bookynette : Il faut savoir qu’on entend souvent le nom d’Ada Lovelace dans la communauté. Je l’ai découvert en particulier grâce à Catherine Dufour qui avait écrit un livre s’appelle Ada ou la beauté des nombres, que je conseille fortement de lire, qui est sorti aux Éditions Fayard mais qui existe aussi en livre de poche. Dans ce livre, on découvre la vie de cette femme qui est née au 19e d’un père poète qui est connu, Byron, un père qui a été totalement absent et totalement inutile et d’une maman qui s’appelle Annabella Milbanke— prononcez-le à l’anglaise, si vous en avez envie, vu mon accent, on va éviter. Ils se rencontrent, ils se marient, il la viole, elle se sépare, Voilà ! C’est merveilleux, mais ce qui est génial, ce qu’il faut retenir, c’est que la mère va éduquer notre Ada pour qu’elle soit très douée en mathématiques, en sciences, en plein de matières et, petit à petit, Ada va continuer à apprendre des choses. En 1833, elle va rencontrer Charles Babbage et qu’elle va découvrir la machine à calculer. Elle a 17 ans à cette époque-là, elle est très jeune, mais, tout de suite, elle comprend déjà les astuces et l’utilité que peut avoir une machine comme ça.
Étienne Gonnu : On rappelle, pour resituer, qu’on est environ en 1830.
Bookynette : Oui. Qu’est-ce que je peux dire d’autre ? Elle se marie, elle a des enfants et, fin 1842, elle retourne au contact de Babbage pour, de nouveau, l’aider à améliorer sa machine à calculer.
Elle est connue parce qu’elle a fait spécialement, en anglais, la première traduction d’un article qui est paru dans un magazine suisse. Elle en a discuté avec Charles Babbage qui a dit « ce serait peut-être bien qu’on améliore cet article, parce qu’il est un peu au ras des pâquerettes », il ne l’a pas dit comme ça. En améliorant cet article, elle va écrire ce qu’on appelle des notes qui vont plus ou moins multiplier par deux la longueur de l’article dont une dans laquelle il va y avoir le premier programme informatique. L’ordinateur n’existe pas encore que, déjà, elle programme et c’est une femme ! On peut dire que c’est la première programmeuse du monde. C’est pour cela que Ada Lovelace est super connue dans la communauté.
Techniquement, je ne sais pas ce que c’est, mais il paraît que, dans ce programme, il y a une boucle conditionnelle. OK, je regarde autour de moi, personne ne sait !
Étienne Gonnu : On va mentionner ce que c’est, je pense que c’est intéressant. Je ne suis pas informaticien, mais il me semble qu’une boucle conditionnelle, c’est une des choses un peu la base de la programmation informatique.
Gee : Disons que quand tu fais de la programmation, il y a beaucoup de langage, mais tous les langages reprennent un peu des concepts similaires et il y en a un qui à la base de tout, ce sont effectivement les conditions. Ce sont souvent des if, parce que c’est souvent anglais, en français c’est « si ». En gros, tu décides que si quelque chose est vrai, tu fais quelque chose et, si ce n’est pas vrai, tu fais autre chose. La boucle conditionnelle, c’est la même chose mais en boucle, c’est-à-dire que tant que quelque chose est vrai, tu fais une certaine instruction et, dès que cette chose n’est plus vraie, tu t’arrêtes. En fait, c’est avec ces deux choses-là qu’on fait à peu près tout ce qui est informatique dans le monde.
Bookynette : Sachant qu’à l’époque, il y avait juste une machine à calcul et pas encore des ordinateurs ultra puissants, ni même des ordinateurs pas puissants du tout.
Elle meurt à 36 ans, c’est super jeune, d’un cancer de l’utérus, donc pensez à vous faire tester. Malheureusement, toute sa fortune est passée dans cette fameuse machine en laquelle elle croyait énormément.
Est-ce que d’autres veulent reprendre ou je continue ?, parce que moi, franchement, Ada Lovelace !
Vincent Calame : Continue !
Bookynette : OK. On parlait de l’Ada Lovelace Day tout à l’heure, c’est quelque chose qui tombe chaque deuxième mardi du mois d’octobre, donc, cette année c’était le 8. À l’April, on a voulu mettre en avant les femmes qu’on avait reçues à la radio et qui avaient participé à un Parcours libriste. Il y en avait trois cette année. Il y avait Anca Luca, si tu nous entends bisous. Il y avait la reine des elfes, pareil, si tu nous entends bisous. La dernière c’était en septembre, donc il n’y a pas très longtemps, c’était Maud Royer, je ne te connais pas, mais bisous quand même.
Étienne Gonnu : Merci pour ce résumé très complet et recontextualisé avec utilité et intelligence.
J’avais juste une réflexion, je ne sais pas, Booky, ce que tu en penses, Vincent et Gee peut-être aurez-vous aussi une remarque. Souvent on nous dit, et on sait à quel point c’est important, de montrer des rôles positifs, des modèles de référence, notamment pour les jeunes femmes, pour leur montrer qu’elles peuvent réussir en informatique, mais on entend parfois aussi le risque inverse qui est d’en faire des modèles exceptionnels. Ada Lovelace était une femme exceptionnelle, mais, en fait, comme tout le monde, potentiellement, peut l’être et, finalement, on se dit qu’il faut être exceptionnel pour pouvoir se mettre à ce niveau-là et l’importance aussi de montrer des rôles modèles qui soient accessibles. Je crois, en fait, que c’est l’essence de ce jour qui est de montrer – c’est ce qu’on ce fait avec les Parcours libristes – qu’il y a plein de femmes, qu’il n’y a pas besoin d’être absolument brillantissime, d’avoir un QI stratosphérique, même si on peut dire beaucoup de choses sur la norme des QI. Il me semble que c’est un peu l’idée de ce Ada Lovelace Day qui est de montrer tout un panel de modèles.
Bookynette : On a tellement l’habitude d’invisibiliser les femmes que, pour une fois, ce jour-là, on n’a pas le choix, il faut les mettre en avant. Après, je pense que tous nos invités sont exceptionnels, mais je n’ai aucune objectivité là-dessus et le but de ces Parcours libristes, c’est vraiment de montrer, de dire « regardez les filles, c’est possible, il y en a qui le font, qui le font bien ». Quand je vois la reine des elfes qui est partie de zéro connaissance technique, qui s’est formée elle-même en véritable autodidacte, donc, si elle est moi pouvons le faire, je pense que tout le monde peut le faire.
Étienne Gonnu : Cela me paraît un beau résumé de ce point. Tu lèves la main Gee.
Gee : Juste pour rajouter sur la question et ce que tu dis. Moi c’est pareil, je ne suis pas très fan des idoles et de la starification comme ça. On peut aussi faire un peu de sociologie et remarquer que la place des femmes, dans l’informatique, était très importante au début de l’informatique parce que c’était considéré comme un travail de secrétariat et, à partir du moment où il a commencé à y avoir du pognon, en fait, que, soudainement, c’est devenu un boulot d’homme et on a gentiment évacué toutes les femmes. Mais, statistiquement, c’était un métier de femme et absolument rien ne s’oppose à ce que des femmes soient dans l’informatique, des femmes ordinaires, des femmes comme toi et moi juste pour un boulot.
Étienne Gonnu : Je ne me souviens plus quelle invitée [Isabelle Collet] nous avions reçue, qui nous en avait parlé, je pourrais le retrouver, je le mettrai en référence, qui nous mettait aussi en avant que cette disproportion et ce métier qui est devenu extrêmement masculin, c’est surtout vrai dans les pays occidentaux. En Asie, notamment, ça ne se vérifie pas et ce sont plutôt des métiers qui sont encore majoritairement féminins, tout en étant plutôt bien payés, mais dans le monde actuel c’est difficile autrement quand on a de bonnes compétences sur ces outils. En plus, c’est contextualisé en fonction des endroits, dans le monde, dont on parle.
Vincent.
Vincent Calame : Je voulais rappeler qu’avant l’informatique, il y a aussi la question des mathématiques. J’ai lu qu’avec la réforme du bac le nombre de filles qui font des maths a diminué. C’est donc vraiment quelque chose de très inquiétant. Ada Lovelace a d’abord été formée en mathématiques. C’est aussi le rapport aux mathématiques et le fait que les mathématiques soient un monde masculin qui pose énormément problème et, là, il y a un travail en amont à faire, avant même les premiers pas en informatique, dès les classes primaires.
Étienne Gonnu : Oui, la science en général, après certaines sciences plus que d’autres, mais les sciences fondamentales. Du coup, on voit l’impact d’une politique publique, ce n’est pas neutre et ça peut aller dans les deux sens. En tout cas, ce sont des choses auxquelles il faut penser. Je pense qu’ils ne se sont pas posé la question, ils ont perpétué des systèmes qui privilégient les hommes et ça se répercute.
Merci pour cette remarque, ce n’était pas une parenthèse, c’était pleinement dans le sujet.
Vous allez reconnaître ce bruit.
[Clochette]
Campagne d’appel à soutien financier de l’April
Étienne Gonnu : Cette petite clochette qui indique qu’on change de sujet, qu’on passe à notre item suivant dans le menu. Je vous propose de continuer en douceur avec un point communautés libristes en commençant par une grosse activité aprilienne, nous allons parler de nous et de notre nombril, mais, en même temps, c’est une actualité du monde du Libre. L’April a lancé une campagne d’appel à soutien financier, sobrement intitulée Le Lama déchaîné. Qui nous en dit plus ?
Bookynette : Ça va encore être moi !
Étienne Gonnu : Tu as initié. Il faut dire que c’est toi qui as lancé l’idée d’une campagne.
Vincent Calame : Je pourrai juste parler des mots croisés.
Étienne Gonnu : Il faudra en parler. Il y a des mots-croisés, c’est effectivement un aspect important. Booky, c’est vrai que c’est toi qui as lancé l’idée de cette campagne, notamment dans sa forme.
Bookynette : Exactement. En fait, ça a commencé avant l’été, après l’AG où on s’est dit qu’il fallait vraiment qu’on refasse une campagne d’adhésion ou de soutien financé parce qu’on pioche un peu trop dans nos économies, deux années de suite, et les économies, malheureusement, ça s’amenuise et puis ça s’épuise. On s’est dit « il faut qu’on lance une campagne de soutien financier ».
À ce moment-là, j’ouvre un énorme pad et je dis « allez-y, balancez-moi vos idées », en faisant comme d’habitude. Un pad, on va dire que c’est un traitement texte partagé sur Internet sur lequel n’importe qui peut contribuer. Donc j’ouvre ce pad et je dis « balancez vos idées », en pensant, comme d’habitude, on va en avoir deux/trois, ça sera facile de choisir. Sauf que là, manque de pot, tout le monde s’y est mis, tout le monde était inspiré et on se retrouve avec plus d’une quinzaine d’idées différentes, pas vraiment totalement 15, j’en avais déjà chopées huit, donc rien que la moitié c’est ma faute. Bref, on se retrouve avec plein d’idées et je me dis « il va falloir qu’on combine tout ça, qu’est-ce qu’on met en avant, qu’est-ce qu’on choisit, qui est-ce qu’on vexe ? », parce que si on ne prend pas les idées de tout le monde, on vexe forcément quelqu’un.
Et puis cet été, pendant que mes compagnons de route faisaient la sieste, parce qu’il faisait particulièrement chaud, entre 14 heures et 16 heures 30, j’ai pensé à l’idée d’une feuille de chou, une sorte de gazette, de magazine avec plusieurs rubriques, dans laquelle on pourrait reprendre toutes les idées. J’en parle à la première réunion et tout le monde fait : « Waouh ! OK, on fait ça ». On commence à discuter, à voir quelles sont les rubriques qu’on garde. Gee nous balance une maquette le lendemain de la réunion – tu devais être particulièrement inspiré pour balancer la maquette aussi rapidement – et c’est comme ça qu’est née Le Lama déchaîné.
Étienne Gonnu : On peut encore en parler. Je vais juste préciser qu’on en dira beaucoup plus, on en parlera beaucoup plus la semaine prochaine, mardi 29 octobre, parce qu’on fait une spéciale Au cœur de l’April, un sujet long, qui est dédié à cette campagne. C’est aussi l’intérêt de montrer l’envers du décor d’une campagne d’une association comme l’April, notamment une campagne de financement. On pourra développer un peu sur tout ça.
Rappelons que c’est une feuille de chou. Combien d’exemplaires ? Quelle parution ?
Gee : Ce sont neuf exemplaires en tout, ça va de 0 à 8, parce que nous sommes des informaticiens et que, de fait, on commence à compter à 0.
Étienne Gonnu : Et en hexadécimal ?
Gee : C’est pareil puisque, en hexadécimal, ça change à partir du moment où tu dépasses 10.
Étienne Gonnu : Je voulais faire le malin !
Gee : Désolé ! En binaire, par contre, c’est autre chose !
Il y a vraiment ce côté « ne choisissons pas et faisons tout ». On avait eu l’idée de faire des interviews, on avait eu l’idée de faire des articles de fond, de faire des jeux, de faire des choses comme ça – Vincent parlera peut-être des jeux après. Si on fait un journal, un journal ça a des chroniques, ça a différentes sections, on a commencé à afficher à ce qu’on mettait dans chaque case de ce journal.
Je reviens juste, vite fait, sur Le lama déchaîné parce que c’est ma faute si ça s’appelle comme ça. Je ne suis pas l’April depuis très longtemps, il faut savoir que je suis là peut-être depuis deux ans maintenant, par rapport à l’âge de l’association ça n’est pas très long.
Bookynette : Tu es actif depuis deux ans, mais tu es membre depuis beaucoup plus longtemps.
Gee : Non. En fait, des gens qui sont là depuis plus longtemps me racontent régulièrement des choses. Donc Fred, le délégué général de l’association, m’a raconté qu’il y avait eu cette idée de faire cette image de lama en reprenant ce truc de Tintin « quand lama fâché, lama toujours faire ainsi », parce qu’on reprochait à l’April, si je me souviens bien, d’être un peu trop virulente sur certains sujets. Ça m’avait amusé parce que, en plus, j’aime bien dessiner des animaux, donc j’avais dessiné un petit lama avec une espèce de logo April dans la fourrure, dans la laine. Ça a bien fait marrer les gens au CA et c’est vrai qu’au moment où on a commencé à travailler sur ce « faux journal », entre guillemets, je me suis dit que ça pourrait être sympa comme logo. Quand on a listé les titres possibles, il y avait tout un tas de trucs et j’avais mis « le lama enchaîné », je crois, à la base, pour vraiment faire Canard enchaîné et c’est devenu Le lama déchaîné.
Bookynette : C’est moi qui l’ai transformé en « déchaîné » et, quand tu as proposé ta maquette, tu a mis Le lama déchaîné.
Étienne Gonnu : En plus, cette image de briser les chaînes, notamment quand on défend les libertés informatiques, prend tout son sens et je trouve que le clin d’œil est très réussi. Personnellement, j’adore.
Gee : Il y avait aussi autre chose. On s’est dit que ça nous changeait un peu des manchots et des gnous. On aime bien ces petites bêtes-là, mais c’est vrai que c’est un peu toujours ça dans le Libre. On s’est dit qu’on allait mettre un peu d’autres trucs, quand même.
Bookynette : Ça n’avait pas encore été fait le lama parmi toutes les idoles.
Gee : C’est un chouette animal, je trouve que c’est très joli.
Étienne Gonnu : Donc, il y a des mots croisés.
Vincent Calame : Je les ai testés.
Étienne Gonnu : C’est important, il faut des gens pour tester !
Vincent Calame : Je ne sais pas quel est votre niveau de cruciverbiste. Pour certains mots, il faut lire le texte avant, il y a quelques pièges. Il y a à la fois les mots habituels, qu’on va retrouver dans tous les mots croisés, surtout en deux lettres, mais certains font vraiment spécifiquement référence à l’April et au texte qui est avant, dans la rubrique. Donc, si vous séchez un petit peu, commencez à regarder et lisez. Je suis allé aux mots croisés avant de lire, je le reconnais, donc lisez d’abord le texte et vous trouverez. Et puis, il y a des noms de membres de l’April cachés dans les mots croisés, c’est un plaisir de les découvrir.
Étienne Gonnu : Je vais préciser que le premier, le numéro 0, c’était la semaine dernière. Demain, mercredi 23 octobre, vous pourrez découvrir le numéro 1, donc le deuxième Lama déchaîné.
Je n’ai pas passé tant de temps que ça sur ces mots croisés, mais c’est vrai qu’ils ne sont pas si simples, mais c’est amusant, du coup on se creuse la cervelle et ça peut être aussi une manière de diffuser. C’est une feuille de chou, donc l’idée c’est de faire tourner autour de vous. Si vous connaissez des gens cruciverbistes mais qui ne sont pas forcément familiers, familières de l’April et du logiciel libre, je trouve que c’est une bonne manière peut-être de faire passer, en le laissant traîner dans une salle de repos ou une salle d’attente, ça peut peut-être attraper l’œil.
Gee : Il faudra les faire avec parce qu’il y a certains noms propres, dedans, et, si tu viens pas du milieu du Libre, je pense que c’est compliqué.
Étienne Gonnu : Effectivement. Il est en ligne, bien sûr, et, de mémoire, un bouton permet de l’imprimer dans un PDF propre qui rend plus facile ce partage.
Bookynette : Il y a une petite imprimante tout en bas.
Étienne Gonnu : Parfait. Est-ce qu’on oublie quelque chose ? Je redis qu’on vous donne rendez-vous mardi 29 octobre, la semaine prochaine, pour avoir plus d’informations et de détails sur l’envers du décor de cette campagne très amusante. Peut-être dire quel est l’objectif financier, parce que c’est un appel à soutien financier. Tu as donné un chiffre, c’est important aussi.
Bookynette : Si on veut bien finir l’année, sans piocher dans les économies, il nous faut 20 000 euros.
Étienne Gonnu : Donc un appel que ce soit par dons, par cotisations et, si vous êtes déjà adhérent et que vous avez la possibilité d’augmenter votre cotisation, c’est un appel à soutien. On y a pris beaucoup de plaisir. J’ai participé un peu de loin, mais c’est une campagne très amusante et elle donne envie d’y participer. N’hésitez pas à participer à votre niveau, à diffuser ce Lama déchaîné. Des contributions peuvent aussi être faites avec un générateur d’images, on peut proposer des images. Il y a des manières de contribuer. On peut en parler sur les réseaux, notamment Mastodon, et sur d’autres réseaux sociaux, ne pas hésiter. On vous invite à découvrir cette amusante feuille de chou.
Un dernier mot Vincent.
Vincent Calame : Juste une parenthèse, plutôt une anecdote. Gee parlait du lama. Dans le logiciel libre, on aime beaucoup avoir des animaux comme mascottes, donc le pingouin, le manchot, c’est Linux et le gnou, c’est GNU. J’ai découvert ce matin qu’il y avait une autre mascotte, un peu cachée, à l’April, qui est le hamster d’Alsace. J’explique. J’ai travaillé ce matin avec Benjamin Drieu sur GDTC, le logiciel de l’April pour gérer vos cotisations, toutes celles que vous allez faire très rapidement et ainsi de suite. J’ai eu un message d’erreur et la photo du message d’erreur était un hamster d’Alsace. Benjamin m’a expliqué qu’à l’époque, dans les années 2000, il avait lu une directive, un journal de l’Union européenne avec un truc sur le logiciel libre et, juste après, c’était sur le hamster d’Alsace, donc il avait pris ça. Donc, si vous êtes en manque de petits animaux fétiches, le hamster d’Alsace c’est très mignon et il fait aussi partie de l’April.
Bookynette : On a toujours beaucoup d’humour à l’April.
Étienne Gonnu : On aime rire. Question importante de Fred : est-ce qu’on peut redonner l’URL ? Où peut-on trouver cette campagne ? De toute façon, on la mettra en référence.
Bookynette : Logiquement, elle est censée être en référence, sinon c’est april.org/campagne.
Étienne Gonnu : Tout simplement. En fait, si vous allez sur n’importe quel site de l’April, un bandeau devrait vous y conduire assez rapidement.
[Clochette]
Communautés libristes
Étienne Gonnu : On reste sur le même sujet, on reste sur le point communautés libristes. Bien sûr, il n’y a pas que l’April dans les communautés du Libre, c’est une communauté qui est riche d’associations et de personnes. C’est aussi la fin de l’année, les libristes le savent, une période qui est riche d’événements.
Le premier, un événement qui arrive bientôt, c’est le Capitole du Libre, à Toulouse, organisé par nos amis de Toulibre, un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices du logiciel libre. À chaque fois que je suis allé à cet évènement, j’ai passé un super moment, c’est vraiment un événement de libristes pour le coup. Il y a plusieurs conférences de l’April. Gee et Booky, je crois que vous y serez.
Bookynette : On part en campagne. Toi aussi tu y seras.
Étienne Gonnu : J’y serai. Vincent, je ne sais pas si tu as prévu d’y aller.
Vincent Calame : Non.
Bookynette : Isabella aussi devrait y être.
Étienne Gonnu : Isabella qui est une des salariés de l’April, comme moi, qui anime la vie associative, qui s’occupe de la coordination des projets. Il y aura plusieurs conférences. Je vais en animer une qui s’appelle « Député⋅es, attrapez-les toustes ! », pour montrer un petit peu l’envers du travail de plaidoyer politique, comment on va chercher des parlementaires pour leur donner nos arguments et les convaincre de porter certaines positions.
Booky, je crois que tu proposes aussi une conférence.
Bookynette : Ce sera justement « L’April est en campagne ». On va parler de la campagne, de la façon dont on l’a construite – c’est pour cela que ce qu’on va dire la semaine prochaine va être une base pour la conférence – et puis la façon dont on l’aura animée, ce qu’on aura déjà réussi à récupérer au bout d’un mois de campagne.
Étienne Gonnu : Et Isabella, puisque tu l’as mentionnée, je n’ai plus le nom exact, j’aurais dû le noter, propose une conférence pour montrer le cheminement de l’April sur les questions d’inclusivité, notamment la place des femmes et des minorités de genre [« Mieux inclure la diversité de genre pour mieux agir, le cheminement de l’April »]. C’est un travail en continu à l’April, qu’on juge important, donc elle présentera ce travail.
Et, bien sûr, il y aura un stand de l’April où vous pourrez, si vous êtes de ce côté-là, nous retrouver.
Si vous avez l’occasion, que vous n’êtes jamais allé au Capitole du Libre, c’est vraiment un événement super. Encore bravo à Toulibre pour la superbe organisation, à chaque fois c’est vraiment très réussi. Vas-y Booky.
Bookynette : Sachant qu’ils enregistrent toutes les conférences, donc, même si vous ne pouvez pas vous rendre sur les lieux de l’événement, vous pourrez récupérer les enregistrements des conférences et c’est vraiment un bel effort que je salue. Merci.
Étienne Gonnu : Oui, je te rejoins là-dessus.
Autre événement important, qui est moins communautaire dans le sens où on peut l’entendre, un peu plus entreprise, mais qui reste, je pense, un événement important, c’est l’Open Source Experience à Paris, les 4 et 5 décembre. L’April y aura un stand. Booky, je me tourne vers toi parce que je crois que tu organises le Village associatif au sein de cet événement.
Bookynette : Comme chaque année, on fait appel à stands pour que les associations puissent avoir un stand. Au sein de cette superbe exposition, remplie d’entreprises, il y aura un petit Village du Libre avec, cette année, sept malheureux petits stands, mais on espère que l’année prochaine ce sera un peu plus, puisqu’on retrouvera une taille de salon.
Étienne Gonnu : C’est exceptionnel, d’habitude, c’est plus et ce sera plus dans le futur.
Bookynette : J’ai commencé avec le salon Linux Expo où on avait 60 associations ! C’est tombé à 40, 20 et 7 cette année. On espère que l’année prochaine on repassera au moins à 15.
Étienne Gonnu : C’est devenu un salon vraiment professionnel. En général, j’ai plein de discussions assez intéressantes là-bas, notamment au sein du Village associatif, mais il y a aussi des entreprises avec des vrais libristes qui, souvent, soit individuellement soit en tant qu’entreprise, sont membres de l’April ou d’autres associations. Je trouve que ça reste un évènement sympa auquel aller, mais ça reste un évènement assez professionnel.
Bookynette : Après, tant que le salon ne meurt pas, je suis contente !
Étienne Gonnu : Oui, ça reste un événement important. Les entreprises font vraiment partie des communautés du logiciel libre et sont des éléments extrêmement importants pour animer, pour faire vivre les logiciels.
Je vous propose de mentionner un dernier vrai événement, ils sont dans l’ordre chronologique, PSL XXL.
Bookynette : PSL XXL. Ce sont les Premier Samedi du Libre format XXL. Au lieu d’être juste un samedi à la Cité des sciences et de l’industrie, Parinux va occuper tout le week-end, toujours à la Cité des sciences et de l’industrie. Des conférences sont prévues, toujours une install partie, des ateliers, de nouveau un village avec pas mal de monde. Donc, un gros événement parisien qui a lieu, malheureusement, la même semaine, le week-end de la même semaine de l’Open Source Experience, mais il a le mérite d’exister, il faut donc y aller.
Étienne Gonnu : Je précise qu’une install partie est un endroit où on peut aller pour se faire accompagner dans l’installation de logiciels libres sur son ordinateur ; sur son téléphone, c’est parfois plus compliqué, mais c’est faisable, si on est accompagné. Je précise que Parinux est un groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres basé à Paris, un peu comme l’est Toulibre à Toulouse.
J’ai bafouillé parce que j’avais Pas Sage en Seine, un autre événement très important du Libre qu’on peut mentionner, c’est plutôt fin juin, début de l’été, à Choisy-le-Roi.
On peut saluer également, du côté de Lyon, les Journées du Logiciel Libre, qui est aussi un super événement, c’est plutôt en avril, de mémoire.
Il y a des évènements toute l’année. On a mentionné ceux qui arrivent bientôt. Merci encore à toutes celles et tous ceux qui organisent ces événements vraiment essentiels pour le logiciel libre.
Vous voyez d’autres actualités à mentionner sur la communauté libriste ? Eh bien, on avance.
On va peut-être faire une pause musicale, en fait. On va se détendre un petit peu les oreilles avant de rentrer dans des sujets un petit peu moins détendus. Il faut que je retrouve mon fichier pour pouvoir lancer la pause musicale dans de bonnes conditions parce que je ne me souviens pas du titre, pourtant il y a café dedans.
Nous allons écouter Moliendo Cafe par Zezinho Fernandes. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Moliendo Cafe par Zezinho Fernandes.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Moliendo Cafe par Zezinho Fernandes, disponible sous licence Creative Commons Attribution.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous vous convions Au café libre. Je suis en compagnie de Bookynette, Gee et Vincent.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Le nouveau gouvernement
Étienne Gonnu : C’est vrai qu’on a passé plus de temps à l’apéro qu’on avait anticipé, c’est pourtant une chose qui n’arrive jamais. C’est vrai que c’était un apéro tout doux, on a parlé de plein de choses super positives et vous voyez où je veux en venir, ce sera peut-être un petit peu moins doux sur la suite, peut-être un peu plus piquant. On va parler du nouveau gouvernement et, plus particulièrement, de la place accordée au sujet des technologies numériques, au moins dans l’apparence.
Pour nous mettre dans le ton, je vais citer le titre d’un article publié dans Clubic le 22 septembre 2024 : « La secrétaire d’État à l’IA et au Numérique est à la dernière place du gouvernement, un nouvel affront à la Tech », donc pas content. En effet, le 21 septembre, après un suspense que je ne vais pas prendre la peine de qualifier ici, nous avons découvert le gouvernement mis en place par Michel Barnier avec la nomination de la secrétaire d’État chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz.
Avant de parler de la personne en elle-même, c’est déjà très intéressant de se pencher sur la question de l’organigramme et du périmètre de ce secrétariat. On voit déjà, dans l’ordre protocolaire que c’est rattaché au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ce qui n’était pas le cas avant, un des derniers dans l’ordre protocolaire, donc c’est aussi la dernière secrétaire d’État. Avec cette position, on voit une sorte de relégation assez bas dans le classement.
Bookynette : La pauvre ! Elle a dû attendre que tous ses petits copains passent pour passer un dernier. Ça me fait un peu penser quand on forme des équipes et que tu es la dernière choisie ! Ça peut être méchant !
Gee : Ça t’est aussi arrivé ? Ça m’arrive tout le temps !
Bookynette : Mais là, elle est dans l’équipe. Pendant un moment, on n’a pas su qui ça allait être.
Étienne Gonnu : Sur l’ordre protocolaire, il faut rappeler que le garde des sceaux est deuxième dans l’ordre protocolaire et je ne pense pas que dans le gouvernement actuel la question du garde des sceaux sera prioritaire, donc il ne faut pas trop se soucier de l’ordre protocolaire !
Bookynette : Tu veux dire qu’on s’en fout !
Vincent Calame : D’une certaine manière, c’est aussi bien d’être présent. Par exemple, il n’y a aucun intitulé sur la ville, donc, on est presque heureux qu’il y ait une mairie, quelque part, dans le gouvernement.
Avant, c’était rattaché au ministère de l’Économie, maintenant c’est rattaché au ministère de la Recherche ce qui n’est pas inintéressant. Après, un secrétaire d’État ce n’est pas grand-chose non plus, parce qu’il n’y a pas de direction et d’administration derrière. Un secrétaire d’État, c’est juste un cabinet !
Étienne Gonnu : Absolument. C’est vrai qu’on a tendance à vouloir préférer, ça fait longtemps qu’on le demande, ce qu’on appelle un ministère de plein droit, de plain-pied, qui serait dédié à ce sujet.
Bookynette.
Bookynette : Je vais être un petit peu Bisounours, en tout cas une dernière fois. La première et la dernière fois que les mots « logiciel libre » sont entrés dans la loi, c’était pour l’Enseignement supérieur et la Recherche, donc, peut-être que c’est bon signe !
Étienne Gonnu : C’est le seul endroit où il y a explicitement une priorité au logiciel libre, c’est effectivement pour l’Enseignement supérieur et la Recherche. Comme pour beaucoup de lois, le principe est là, mais n’est pas forcément mis en œuvre parce qu’il n’y a pas les moyens accordés, tout simplement. Je trouve intéressant que ce soit rattaché à la Recherche parce qu’il y a une notion de recherche. Avant c’était à l’Économie. La différence, c’est que le ministère de l’Économie a beaucoup plus de poids politique, tout simplement, une capacité d’action.
Elle a été précédée par Marina Ferrari qui était elle-même précédée par Jean-Noël Barrot, qui étaient donc rattachés à l’Économie. On préférerait déjà que ce soit un ministère de plain-pied ou, au moins, rattaché au Premier ministre pour avoir une vraie portée interministérielle. Rattaché à la Recherche, est-ce que ce n’est pas moins traité comme un sujet business, économique ?
Gee : J’avoue que le fait que ça soit rattaché à la Recherche et aux sciences au lieu qu’à l’Économie et Finances, je voyais plutôt ça d’un point de vue positif. Je me disais « ça y est, on a compris que le numérique n’est pas juste une question de trucs pour faire du pognon ! ». Après, je ne me fais pas d’illusion sur la façon dont le gouvernement voit la recherche qui est aussi une façon comme une autre de faire du pognon et certainement pas de rendre service aux gens, mais bon ! Je ne trouve pas ça délirant. Le numérique c’est quand même quelque chose qui, à la base, est une science et une science quand même assez poussée.
Tu as effectivement raison sur le côté poids politique. On peut aussi voir ça d’un point de vue négatif en disant que c’est un peu une dégringolade, on met ça avec un ministère dont on se fout et, en même temps ce n’est pas bien que la Recherche soit un ministère dont on se fout ! Je suis donc un peu partagé, j’ai envie de voir le positif là-dedans parce que c’est un peu le seul truc positif que je vois dans ce sujet. On ne va pas revenir sur le fait qu’on a un gouvernement de droite alors qu’on a une majorité, certes relative, mais de gauche à l’Assemblé. Je trouve chouette que ce soit rattaché la Recherche, mais je suis biaisé. J’ai fait un doctorat, tout ça, donc j’aime bien la recherche.
Étienne Gonnu : Elle n’est pas juste secrétaire d’État du numérique, c’est « de l’Intelligence artificielle et du Numérique », donc intelligence artificielle mise en premier, ce qui, généralement, n’est pas anodin dans les intitulés. Qu’est-ce que ça peut vous évoquer, si ça vous évoque quelque chose ?
Bookynette : C’est buzz !
Étienne Gonnu : Ça fait assez buzz !
Bookynette : L’intelligence artificielle, c’est un peu le sujet du moment. C’est ce qui a relancé les cotations boursières des grosses entreprises. C’est buzz.
Gee : Et leur bilan carbone !
Étienne Gonnu : Est-ce que ça n’enferme pas le sujet numérique à l’intérieur de celui de l’intelligence artificielle. Après, on verra ce qu’ils vont mettre en place.
Gee : C’est évident. Même si ce n’est plus à l’Économie et aux Finances, je pense, comme je l’ai dit, que le numérique reste quand même vu comme une niche pour faire du pognon et l’IA particulièrement. Il y a une bulle, donc allons-y ! C’est un truc terrible ! Je pense qu’il n’y a aucune vision politique à long terme. On a vu IA, on s’est jeté dedans. Il y aurait eu la dissolution il y a deux ans, ça aurait été le secrétariat d’État au Métavers ! Je suis désolé, je ne suis pas très optimiste sur ce point.
Étienne Gonnu : C’est vrai qu’on a du mal à attendre autre chose ! On continue comme avant !
Tu parlais d’économie. On peut peut-être parler du profil de la secrétaire d’État parce qu’elle a plus un profil business qu’un profil Enseignement supérieur et Recherche.
Gee : Comme d’habitude !
Étienne Gonnu : Je crois que tu avais envie d’en parler un petit peu. Je vais donner deux/trois informations. Elle s’appelle Clara Chappaz, elle a été la patronne notamment de la French Tech en 2021, qui est une mission, je vais donner le titre exact : mission chargée de soutenir la structuration et la croissance de l’écosystème des start-ups françaises en France et à l’international. Ça existe depuis 2013. Je vais citer une remarque d’un article de Numerama : « C’est la seule « prise » de la société civile ». Tous les autres membres du gouvernement sont des routiers et des routières de la politique et les deux personnes qui ont précédé Clara Chappaz à ce poste, je parlais de Marina Ferrari et de Jean-Noël Barrot, étaient aussi des personnes du sérail politique plus traditionnel.
Gee : « Société civile », ça me fait toujours rire comme terme. Oui, c’est une personnalité typique de la Startup Nation. Encore une fois, on ne dirait pas que Macron a perdu l’élection, c’est toujours la même chose. Elle est passée par l’Essec Business School, par Harvard Business School. Oui ! Business, business ! Il y a un truc rigolo, on va dire, ce n’est pas forcément du népotisme, c’est la fille de Pierre Chappaz, un entrepreneur qui a fondé des entreprises pour le coup dans la tech, pas de business. Dans ces entreprises, il y a Kelkoo qui est un comparateur de prix et Teads qui fait de la publicité vidéo. Ce ne sont pas les aspects du numérique qui m’éclatent le plus, je ne vais pas vous mentir. Pour moi c’est business, business, business as usual, on est toujours dans quelque chose de Startup Nation ! Quand on parle de société civile, je ne trouverais pas déconnant, par exemple, qu’on ait des chercheurs ou des chercheuses à la Recherche et des gens qui connaissent quelque chose au numérique au Numérique. Je suis peut-être un peu optimiste. Je n’ai pas énormément de trucs à dire de plus. Je regarde toujours ça d’assez loin, parce que, finalement, j’ai l’impression que c’est toujours à peu près la même chose depuis que je suis né, probablement même avant. Ça n’a rien de réjouissant.
Étienne Gonnu : Oui, on ne s’attend à rien de révolutionnaire. Avant qu’on passe au sujet suivant, Booky ou Vincent, est-ce que vous auriez aimé réagir ?
Vincent Calame : Juste sur le fait que ça devrait avoir une dimension interministérielle ou rattaché au Premier ministre, ça serait assez cohérent. En plus, on a parlé de la DINUM, la Direction interministérielle du numérique, ça aurait effectivement beaucoup plus de sens. Après, cette pauvre personne, on ne sait pas quelles sont ses relations, quel poids personnel elle peut avoir. Parce que, dans toutes les négociations, ce qui compte après c’est quand même le poids politique de la personne.
Étienne Gonnu : Effectivement, dans les arbitrages politiques, avec, on imagine, ce secrétariat d’État qui, comme tu le disais, n’a pas d’administration attachée. Nous verrons bien.
Vas-y Booky.
Bookynette : Du coup, je suis allée chercher des informations sur cette personne et sur tout ce qu’elle avait fait depuis le 21 septembre et elle a fait des choses, en tout cas deux.
La première, début octobre, elle est allée visiter l’entreprise Index Éducation. On ne connaît pas beaucoup cette entreprise, mais je peux vous dire que c’est celle qui développe Pronote, ce logiciel pour les écoles qui gère les agendas, les cours, les salles et tout ça et qui est tout sauf libre, qui fait même beaucoup de choses très discutables, donc ce n’est pas très bon signe pour le logiciel libre.
Après, elle est allée visiter des locaux de la start-up Teale, encore une start-up, et elle a participé à une table ronde où il y avait plein de startupers, en tout cas la moitié des participants. Il y avait aussi un député de la première circonscription de Paris, une mairesse du 9e arrondissement et le thème c’était « Numérique et IA au service de la santé mentale » ! Voilà !
Donc, autant vous dire que cette jeune secrétaire d’État n’apporte pas beaucoup d’espoir. J’ai donc décidé de ne rien d’attendre, ça m’évitera d’être déçue.
Étienne Gonnu : Youpi ! On avance.
[Clochette]
Transformation numérique de l’État
Étienne Gonnu : Même si on ne change pas complètement de sujet, on va parler de transformation numérique de l’État, une des principales manière dont est appréhendé le sujet informatique par les pouvoirs publics, en gros comment intégrer les outils numériques pour répondre aux missions de service public. Dans le détail, ça recouvre pas mal de réalités différentes, ça va de l’équipement informatique des agents et des agentes, de la rationalisation de la gestion interne, de l’accès au service public par les usagers et usagères, parfois aussi le flicage, malheureusement. Donc, comment on utilise les outils informatiques.
Avant d’entrer dans le détail de l’actu, vous n’aurez peut-être pas de remarques à faire, mais est-ce que cette notion de transformation numérique vous évoque quelque chose ? C’est quelque chose auquel vous avez pu réfléchir à l’occasion ou pas ? Vous n’êtes pas obligés parce que je ne vous ai pas posé la question avant. Si ça ne vous inspire pas, on rentre directement dans l’actu.
Bookynette : Basiquement, transformation numérique ça pourrait être positif si c’était bien fait, mais je sens que ça ne va pas être bien fait, donc.
Étienne Gonnu : Vincent parlait de la DINUM, la Direction interministérielle du numérique. Il y a effectivement eu un rapport de la Cour des comptes sur la DINUM. Je vais citer le titre d’un article de silicon.fr : « Transformation numérique de l’État : la Cour des comptes critique la DINUM » – ça a le mérite d’être factuellement clair. Je lis le chapô de cet article, « Créée en 2019, la Direction interministérielle du numérique (DINUM) développe les services numériques de l’État. La Cour des comptes s’est penchée sur son fonctionnement et ses réalisations. Et ne ménage pas ses critiques. »
Bookynette : Après, c’est le rôle de la Cour des comptes de critiquer ce qui est fait financièrement dans l’État.
Étienne Gonnu : Bien sûr. Son rôle c’est de mettre en lumière. En fait, elle fait un travail un petit peu de synthèse, d’exploration, d’enquête, d’audit, c’est un audit financier, tout simplement. Je vais citer aussi plus particulièrement sur la question du logiciel libre, qui est celle qui nous intéresse parce qu’à l’April, on a lu ce rapport parce qu’il concerne quand même nos sujets, on a relevé que, pour la Cour des comptes, les objectifs sont encore insatisfaisants en ce qui concerne la promotion des logiciels libres. Je précise d’ailleurs que le rapport en question s’appelle « Le pilotage de la transformation numérique de l’État par la Direction interministérielle du numérique ». Ce regard sur le logiciel libre n’est pas nouveau à la Cour des comptes, on a déjà eu un rapport annuel, en 2018, qui appelait à amplifier la stratégie qui était mise en place à l’époque vis-à-vis du logiciel libre et qui émettait des recommandations pour que ces stratégies soient amplifiées.
Je ne sais pas si vous avez des choses concernant ce rapport, sur les actualités qui ont été faites.
Gee : Ça va rester encore un peu dans la même thématique que précédemment, mais il y a un truc qui m’a un peu interpellé.
Déjà, on peut être d’accord avec la Cour des comptes sur le fait que la DINUM, clairement, ne va pas assez vite et pas assez loin sur tout ce qui est logiciel libre. Par contre, ce qui me gêne un peu, c’est la raison. Dans le rapport, j’ai lu : « Les économies budgétaires réalisées grâce à la mise à disposition de logiciels libres ne sont pas calculées pour l’ensemble des administrations », c’est un reproche et là, encore une fois, le logiciel libre est vraiment juste vu comme un moyen d’économiser. Tu vas me dire que c’est la Cour des comptes, quelque part elle s’occupe de gérer l’argent, donc c’est normal ! Mais quand même ! Je comprends, même moi, je pense que je suis un peu venu au logiciel parce qu’il y a le côté « c’est gratuit, c’est sympa », mais, d’un point de vue politique, le logiciel libre c’est quand même plus que ça. Il y a des raisons de vouloir passer au logiciel libre qui vont au-delà de l’aspect purement budgétaire et voir ce truc-là ! La Cour des comptes qui titille « ça serait moins cher, si vous faisiez du logiciel libre ! ». Oui, mais pas que ! Ça qui m’irrite toujours un peu, mais bon, encore une fois c’est la Cour des comptes.
Étienne Gonnu : Elle est dans le périmètre de son mandat. Mais je trouve quand même, ça va dans le sens de ce que tu dis, qu’elle met en avant qu’il y a un manque clair, ça fait même écho à ce que tu disais plus tôt, de vision politique et de stratégie politique. Je trouve dingue qu’en 2024 on en en soit encore là quand on voit par où on est passé : il faut montrer le logiciel libre, mais il faut, fonctionnellement, qu’il soit mieux, qu’il convainque uniquement fonctionnellement et on le compare bêtement aux logiciels de Microsoft ou d’autres, sans mettre en avant politiquement ce qui va concerner les enjeux de mutualisation, d’interopérabilité, d’indépendance, de souveraineté, etc.
Gee : Exactement. C’est ça. En fait, on fait comme si on était dans un supermarché : sur une étagère, on a du propriétaire et du Libre et on va prendre celui qui est le mieux. Mais le Libre, ça ne fonctionne pas comme ça. Le Libre permettrait, justement, au lieu de payer des licences en pure perte, qu’on puisse payer des gens pour développer des choses, notamment au sein de l’État et ce serait un cercle vertueux, c’est-à-dire qu’on développerait des compétences en interne, on participerait à des communs que sont le logiciel libre. Ce serait peut-être moins d’économies que si on ne payait personne, qu’on prenait juste le logiciel libre gratos comme il existe, par contre, c’est vrai qu’en termes de souveraineté, en termes de pouvoir en fait, c’est-à-dire retrouver un peu de pouvoir sur notre numérique, c’est quand même un peu dérangeant d’avoir autant de dépendance dans les ministères français à des logiciels étasuniens. OK ! On peut se dire que les États-unis sont nos alliés ! Oui, mais le monde d’aujourd’hui est quand même relativement instable, je ne sais pas jusqu’à quand on aura des intérêts complètement alignés avec ceux des États-Unis, d’ailleurs est-ce déjà le cas aujourd’hui ?
Vincent Calame : On verra après le 5 novembre !
Étienne Gonnu : Après les élections américaines, pour les personnes qui n’avaient pas la référence. Ça peut effectivement changer des choses.
Booky.
Bookynette : Après, même si c’est juste une question financière, il faut quand même reconnaître à la Cour des comptes qu’elle soutient le logiciel libre depuis 2018. Ça fait donc quasiment six ans qu’elle dit qu’il faut faire du Libre, ça coûterait peut-être moins cher, mais elle le soutient. Comme la DINUM s’est lancée dans ce parcours de faire du Libre aussi, c’est normal qu’il y ait des attentes de la Cour des comptes : pourquoi n’en faites-vous pas plus, mieux ou d’une autre manière ?
Étienne Gonnu : Ça coûterait moins cher. De mémoire, dans ce rapport, ce que ça permet en indépendance, etc., c’est aussi de l’investissement du point de vue de la Cour des comptes. Il y a d’ailleurs un chiffre intéressant dans ce rapport, c’est une estimation de la DINUM. Elle propose une suite numérique, ce qui, d’ailleurs, a été critiqué par nos amis du CNLL, une association des entreprises du numérique ouvert, on ne va pas rentrer dans les détails, on n’a pas forcément le temps, je vous invite à lire leur communiqué que je mettrai en ligne. En tout cas, dans ce rapport, sort un chiffre, c’est toujours intéressant d’avoir ces chiffres-là : « La DINUM estime en effet que les dépenses engagées par des licences privées – par exemple celles de Microsoft et compagnie – ouvrant l’accès à une suite numérique – bureautique, messagerie, échange de fichiers – s’échelonnent entre 300 et 590 euros par an et par agent ». On n’est pas sur des petites sommes et c’est de l’argent en location, on n’est pas sur de l’investissement. Si on avait les mêmes chiffres qui permettraient, finalement, de devenir, entre guillemets, « propriétaire », d’avoir une maîtrise dans le temps de ses outils informatiques, l’argent serait dépensé autrement.
On avance.
Bookynette : On peut peut-être rester un petit peu sur la Cour des comptes.
Étienne Gonnu : J’oubliais un aspect important, c’est peut-être celui-là que tu voulais évoquer.
Bookynette : Dernièrement, la Cour des comptes a fait une sorte d’ouverture pour permettre au grand public d’aller faire des propositions sur ce qu’elle étudierait l’année 2025. Je suis toute contente parce que je suis allée participer, dès qu’il y a une plateforme ouverte, comme ça, je participe. Je suis allée soutenir la proposition que l’April a faite, qu’elle avait déjà faite en 2022, puis qui avait été faite par le CNLL, je crois.
Étienne Gonnu : En 2022, on avait soutenu une proposition de Stéfane Fermigier qui est coprésident du CNLL. En fait, là on l’a très légèrement retravaillée à la marge pour la remettre dans le contexte actuel.
Bookynette : La proposition, c’est l’évaluation des dépenses logicielles de l’État et des administrations centrales. En gros, elles dépensent quoi, comment, à qui donnent-elles des sous et ainsi de suite ? Je pense que c’est important qu’on ait accès à ces chiffres-là pour se rendre compte des dépenses phénoménales qui sont faites en licences privatrices et surtout des économies qu’on pourrait leur faire faire.
Étienne Gonnu : Tout à fait. On imagine que la Cour des comptes sera intéressée à reprendre ça, parce que ce problème de l’absence de mesures sur le financement et sur les dépenses ressort à plusieurs reprises dans le rapport sur la DINUM qu’on évoquait juste avant. On souhaite que ce soit dans le cadre de ces consultations qu’elle reprenne ce rapport. Elle va donner sa décision en janvier 2025 avec une synthèse. La proposition de l’April a fini en septième position avec plus de 400 soutiens.
Bookynette : C’est quand même assez impressionnant que notre proposition arrive septième. Je crois qu’ils se sont engagés à faire les dix premières.
Étienne Gonnu : Ils ne s’engagent à rien sur les propositions qu’ils vont reprendre, c’est normal, en tout cas ils s’engagent à répondre, à étudier les plus soutenues et à expliquer, dans un document, leurs choix ou leurs refus de reprendre certaines propositions. Ça ne me choque pas que ce ne soit pas automatique.
Bookynette : En tout cas, s’ils ne font pas d’études sur ces dépenses-là, il faudra quand même qu’ils nous expliquent pourquoi. Je les attends au tournant !
Étienne Gonnu : Oui. On serait surpris par rapport, justement, à leur position dans le rapport, ce serait en tout cas assez cohérent de s’engager sur la voie d’un tel audit.
Vincent.
Vincent Calame : Souvent, en argent public, on fait la différence entre fonctionnement et investissement. Il faut quand même dire que louer des licences pour un an pour un agent, c’est du fonctionnement, alors que financer un logiciel libre, c’est de l’investissement. Philosophiquement, ce n’est pas du tout la même chose. Je sais que pour les collectivités locales, les règles budgétaires ne sont pas les mêmes. Je crois qu’il faut que la dépense en informatique soit d’abord de l’investissement avant d’être du fonctionnement.
Étienne Gonnu : Je pense que ça demanderait une vraie vision politique pour comprendre et avoir cette logique. Tu as extrêmement raison de la mettre en avant. En plus, c’est de l’investissement qui ne se fait pas au niveau d’une collectivité, mais d’une administration. Si une administration soutient un projet ou investit, ça va bénéficier à toutes celles qui partagent les mêmes besoins informatiques.
Bookynette : Sachant que c’est faisable même au niveau d’une collectivité. Il me semble que Nicolas Vivant, de la ville d’Échirolles, a lancé un rapport financier sur les économies que sa ville avait faite en utilisant du logiciel plutôt que du logiciel propriétaire, donc c’est faisable, c’est vraiment faisable au niveau des villes. Je ne trouve donc pas ça déconnant de le demander par la Cour des comptes à des villes, à des départements ou même à l’État.
Étienne Gonnu : Si on veut avancer, il faut savoir d’où on part et où on va. En tout cas, c’est à cela que sert un audit.
Bookynette : Et ça nous servirait à l’April.
Étienne Gonnu : Pour comprendre où on va. Ça servira à mener des politiques publiques utiles plutôt qu’un peu au doigt mouillé et à coups d’annonces. Je m’énerve aussi, dis donc !
On avance. Il est 35.
[Clochette]
IA et logiciel libre
Étienne Gonnu : On a un sujet qui n’est pas simple. Je précise d’entrée de jeu que ce seront plus des expressions individuelles, parce qu’il n’y a pas vraiment de position April qui ait été formalisée sur le sujet, c’est à venir, je parle d’IA et de logiciel libre, notamment parce que l’Open Source Initiative, l’OSI, travaille sur l’élaboration d’une définition de l’intelligence artificielle open source, on dira libre — est-ce qu’une intelligence artificielle peut être du logiciel libre ? Je pense que, éthiquement, la question peut se poser. En tout cas, elle a publié une première version, ce qu’on appelle une version candidate de ce travail, une proposition qui ne fait pas forcément consensus, comme le rapporte ZDNet, le 10 octobre, dans un article intitulé « Première version de l’IA open source, voyons ce que ça donne ».
Je vais peut-être donner deux/trois détails. Cette version de travail reprend déjà les quatre libertés fondamentales d’usage, d’étude, de partage et de liberté de modifications et puis elle essaye, et c’est un petit peu, il me semble, le nerf de la guerre, sur des questions d’IA, ce qu’on appelle les données de formation pour entraîner l’algorithme et quel est niveau de transparence sur ces données de formation. C’est là que, justement, le travail de l’Open Source Initiative, de l’OSI, a essayé de proposer quelque chose.
Je ne sais pas comment vous avez pu recevoir un petit peu ce travail de l’OSI et les critiques qui lui sont faites. Puis, globalement, la question de ce croisement entre IA et libertés informatiques, logiciels libres. Le sujet est difficile et, je trouve, même complexe.
Vincent Calame : Je vais donner un avis totalement personnel, c’est le but. D’une part, l’IA pose des problèmes de sobriété énergétique énormes, c’est la première question. Qu’il y ait des briques logicielles libres pour construire sa propre IA, c’est une bonne chose, il y a des domaines. Mais ce que j’attends d’un logiciel, comme disait Gee dans sa chronique, c’est que ce soit déterministe et là, la question, c’est effectivement qu’on ne sait pas comment est construite l’IA. J’attends d’un logiciel que je puisse l’auto-héberger chez moi, un jour, mais, en fait, je ne pourrai jamais auto-héberger une IA similaire à celles qui peuvent tourner, donc c’est un vrai problème que de se dire « je ne pourrai jamais héberger moi-même, sauf à habiter à côté d’une centrale nucléaire », comme le sont les centres de données actuels.
Gee : Déjà, effectivement la problématique des données d’entraînement n’est pas anodine. Une des critiques qui est faite à l’OSI, c’est justement qu’en l’état les données d’entraînement ne seraient pas nécessairement publiques, en tout cas pas entièrement, et c’est quand même un énorme problème. Justement, la grosse différence entre les algorithmes d’IA actuels, dont on parle beaucoup, et les algorithmes classiques, les logiciels qu’on avait auparavant, c’est que maintenant les données d’entraînement font la qualité, en tout cas les fonctionnalités d’un logiciel. Un truc est super connu : des gens avaient développé un sèche-mains, quelque chose qu’on met dans les toilettes pour se sécher les mains, je ne sais pas pourquoi ils ont besoin d’IA pour ça, mais ils n’avaient fait un entraînement que sur les mains des gens de leur équipe et il n’y avait que des Blancs. Une première personne noire est arrivée en dessous et ça ne marchait pas. C’est cela qui est important : les données d’entraînement, c’est ce qui va faire si un logiciel marche ou pas.
Et je rejoins ce que tu disais, Vincent, sur le côté « il faut savoir comment ça marche », mais même ça en fait. La grosse problématique de ces algorithmes d’IA, notamment ceux qui sont basés sur ce qu’on appelle le deep learning, les réseaux de neurones, c’est qu’en fait ce sont un peu ce qu’on appelle des boîtes noires. On a des articles scientifiques qui disent comment c’est foutu, mais même en voyant ça, ce n’est pas du tout évident de comprendre comment ça marche. Souvent, même les gens qui bossent dans ces domaines ne comprennent pas vraiment comment le logiciel marche. Il y a des gens qui comprennent, mais ils sont de moins en moins nombreux parce que c’est de plus en plus compliqué. Le fait que ça soit source ouverte, ça ne nous aide pas beaucoup.
Pour finir, je suis d’accord et toi quand tu parles de la gabegie écologique que ça représente. J’irais même au-delà de ça : le fait qu’un logiciel soit open source ou libre, déjà c’est open source, peu importe, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Imaginons : on a un logiciel qui contrôle des drones pour aller assassiner des gens, ça ne devient pas un bon logiciel parce qu’il est sous licence libre ! Je pense qu’on devrait quand même pas mal se poser aussi la question de tous ces logiciels-là. Il y a sans doute des nuances à apporter, toute l’IA n’est pas mauvaise, probablement, mais il y a tout un tas de trucs qui, actuellement, produisent des résultats qui sont discutables, en pompant une énergie folle, en alimentant une espèce de bulle qui risque d’exploser et de faire beaucoup de mal à beaucoup de monde. Le fait que ce soit sous licence libre, ce n’est pas ma première préoccupation dans ce problème. J’ai vraiment l’impression qu’on a un problème qui est plus large que ça.
Bookynette : Je me pose une question : à force de produire des choses, les IA vont finir par apprendre d’elles-mêmes – c’est déjà le cas, c’est tragique –, du coup, où va-t-on si ça boucle comme ça et qu’il n’y a plus d’apports humains ?
Gee : Il y a des choses qui se passent actuellement : il y a déjà des IA qui commencent à pas mal dysfonctionner parce que, justement, comme une IA se nourrit d’elle-même, c’est un peu le serpent qui se mord la queue et qui finit par disparaître. En l’absence de données vraiment nouvelles qui viennent de l’extérieur, ça a tendance à se répéter. C’est comme si tu prends une photo, que tu l’imprimes, que tu la reprends en photo, que tu l’imprimes, que tu la reprends en photo, au bout d’un moment, ta photo devient de plus en plus moche. Il y a des choses comme ça, d’ailleurs c’est un problème, je ne sais pas si ça avait été prévu : il y a des IA qui absorbent tout ce qu’elles peuvent trouver sur le Web, d’ailleurs sans aucune considération pour le droit d’auteur et compagnie, qui se retrouvent un peu prises à leur propre piège parce qu’il y a tellement de trucs qui sont générés par des IA sur le Web qu’elles commencent à absorber des trucs sans intérêt. C’est peut-être un des gros dangers pour les IA, pas pour nous, mais pour le fait que, à un moment, les IA risquent de s’autodétruire.
Étienne Gonnu : Sans parler de la gabegie écologique, il y a aussi un gros problème social de travail qui ne s’opère pas forcément en France, en ce qui nous concerne, etc., même si on participe quand on fait des captchas pour vérifier si on est un robot ou pas, qu’on sélectionne des images, en fait, on entraîne des IA, mais beaucoup de personnes font un travail très mal payé et très difficile psychologiquement de modération de contenus pour continuer à former l’IA. Et puis, l’homme peut toujours débrancher l’IA, heureusement d’ailleurs, peut-être pas sur les Kangoo !, je ne sais pas, il faut voir. On arrive sur la fin.
Vincent Calame : On disait qu’Ada Lovelace avait fait la première boucle conditionnelle, avec l’IA, on va avoir une boucle pas conditionnelle du tout.
Gee : Ça boucle bien !
Étienne Gonnu : Exact. On se fait des blagues en cascade, c’est merveilleux !
Je vais juste mentionner, on n’a pas le temps d’en parler, mais le sujet est important, la question du financement du logiciel libre au niveau européen. Il y a ce qu’on appelle le Next Generation Internet, qui fait partie d’un truc de financement beaucoup plus large, c’est un fonds européen de soutien au développement des logiciels en général. Ce financement semble sur la sellette. C’est un financement qui est, en fait, très faible relativement, mais qui a permis du soutien à de nombreux logiciels libres assez connus, Mastodon, Nextcloud, BigBlueBotton. Je pense que l’April fera très bientôt une communication là-dessus, parce qu’il va y avoir un avis. On avait signé une lettre ouverte au début de l’été. On mettra les liens. Si les sujets du financement du logiciel libre et des logiciels en général vous intéressent, je vous invite à creuser le sujet. On en reparlera très bientôt.
À présent, nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : C’était un peu abrupt. Je vais remercier Booky, Gee et Vincent, Vincent qui reste avec nous parce qu’il nous présentera une nouvelle lecture buissonnière, la continuité de ses lectures buissonnières.
Avant cela, nous allons écouter Balcarabic Chicken par Quantum Jazz. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Balcarabic Chicken par Quantum Jazz.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Balcarabic Chicken par Quantum Jazz, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre dernier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « Lectures buissonnières » de Vincent Calame sur La convivialité d’Ivan Illich (2de partie)
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec les « Lectures buissonnières » de Vincent Calame, ou comment parler du Libre par des chemins détournés, en partageant la lecture d’ouvrages divers et variés.
Salut Vincent. Tu es toujours avec nous. Lors de ta dernière chronique dans l’émission 218, tu avais commencé à partager avec nous ta lecture de La convivialité d’Ivan Illich. Tu poursuis aujourd’hui.
Vincent Calame : Si vous avez manqué l’épisode précédent, vous vous êtes peut-être dit en entendant l’annonce que nous allions parler de la convivialité : « Chouette, Libre à vous ! propose enfin une chronique culinaire ou sur les arts de la table ! ». Effectivement, ce ne serait pas une mauvaise idée, j’ai pu constater que, dans le Libre, on aime bien manger et, contrairement à la caricature, la gastronomie ne se limite pas à un bout de pizza devant un écran. Rappelons également que l’une de nos métaphores préférées est de comparer le code source d’un logiciel à une recette de cuisine.
Je dois malheureusement vous décevoir, la convivialité dont nous allons parler ici est différente. Cependant, vous n’avez pas tort sur le fond, car Ivan Illich rappelle que le père de ce vocable est Brillat-Savarin dans son ouvrage Physiologie du goût, ou méditations de gastronomie transcendante écrit au 19e siècle. En fait, c’est Ivan Illich qui va ressusciter ce mot et lui donner un sens nouveau, en l’appliquant non plus à une personne, mais à des outils, voire à la société. Si, aujourd’hui, Le Petit Larousse propose la définition suivante de convivial, je cite : « [en informatique] Se dit d’un système accueillant et doté d’une interface d’utilisation facile », c’est à Ivan Illich que nous le devons.
Bien sûr, cette définition et notre usage actuel du vocable est un peu édulcorée par rapport à ce que propose Ivan Illich, mais ce n’est pas un contre-sens non plus, la simplicité d’usage est un des critères de la convivialité.
Alors qu’est-ce que la convivialité et, surtout, qu’est-ce qu’un outil convivial, qui est le terme principal utilisé, le terme anglais, c’est « outil pour la convivialité » [Tools for conviviality].
Dans son texte, Ivan Illich oppose régulièrement l’outil convivial à l’outil industriel.
Et là, il va falloir tout de suite dissiper un énorme malentendu. Car, si je vous dis « l’outil convivial s’oppose à l’outil industriel », vous dites tout de suite « ça y est, il va nous faire le coup de l’opposition entre l’outil fait main par le forgeron du village et l’outil standardisé fabriqué en usine ». Normal que vous ayez ça en tête, le mot « industriel » est polysémique. Mais ce n’est pas du tout ça ! Le sens que donne Ivan Illich à « industriel » est particulier, il demande d’ailleurs à être approfondi, ce que je ferai dans ma prochaine chronique. Pour le moment, je vais vous donner deux exemples qui vaudront mieux que tous les discours.
Dans son texte, par deux fois, Ivan Illich rend hommage au roulement à billes. Alors, ça fait sourire – en tout cas, cela m’a fait sourire – tellement le roulement à billes est un objet invisible du quotidien, il suffit d’aller dans n’importe quel magasin de bricolage pour s’en rendre compte. Ivan Illich rappelle simplement que c’est un objet inconcevable au 18e siècle. Voici la première citation, je vais demander à Bookynette de la lire.
Bookynette : « Une société équipée du roulement à billes et qui irait au rythme de l’homme serait incomparablement plus efficace que toutes les sociétés rugueuses du passé et incomparablement plus autonome que toutes les sociétés programmées du présent. »
Vincent Calame : Merci. « Sociétés rugueuses du passé », il n’y a pas de nostalgie chez Ivan Illich, il est pour l’innovation technologique si elle rend les outils plus efficients et les personnes plus autonomes.
Je viens maintenant au deuxième exemple d’outil convivial qui est encore plus parlant, mais aussi plus surprenant, car je dois avouer que je ne m’y attendais pas du tout à ma première lecture de l’ouvrage. Je m’attendais au vélo qui est peu la tarte à la crème de l’outil convivial, mais je ne m’attendais pas du tout à celui-ci qui est le téléphone.
À nouveau, je vais demander à Bookynette de citer directement le passage de l’ouvrage
Bookynette : « Certaines institutions sont, structurellement, des outils conviviaux, et ce, indépendamment de leur niveau technologique. Le téléphone est un exemple. À la seule condition de pouvoir acheter un jeton, chacun peut appeler le correspondant de son choix pour lui dire ce qu’il veut : les dernières informations boursières, des injures ou des paroles d’amour. Aucun bureaucrate ne pourra fixer d’avance le contenu d’une communication ; tout au plus, pourra-t-il en violer le secret ou, au contraire, le protéger. »
Vincent Calame : Bien sûr, on a compris, il s’agit du téléphone de l’époque d’Ivan Illich, des années 70, pas de celui que nous avons dans nos poches d’aujourd’hui dont on pourrait dire beaucoup de choses.
Maintenant que nous avons ces deux exemples en tête, on peut mieux comprendre cette définition de l’outil convivial donnée par Ivan Illich, c’est ma dernière citation, s’il te plaît Bookynette.
Bookynette : « L’outil est convivial dans la mesure où chacun peut l’utiliser, sans difficulté, aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire, à des fins qu’il détermine lui-même. […]. Le caractère convivial ou non de l’outil ne dépend pas, en principe, de son niveau de complexité.
Vincent Calame : Merci. Si je reviens par exemple à notre époque et suivant ma propre interprétation du texte, je proposerais comme nouvel exemple d’outil convivial une imprimante 3D telle qu’elle est mise à disposition dans les fab labs. Une imprimante 3D est un condensé de technologie qui, me semble-t-il, coche toutes les cases de la définition d’Ivan Illich de l’outil convivial. Avec, toutefois, une dernière précision. Le terme « outil », chez Ivan Illich, ne désigne pas uniquement l’objet, mais, on l’a compris, le système autour de l’objet. Des imprimantes 3D qui ne pourraient être utilisées que pour des modèles fermés ne seraient pas un outil convivial. Ce sont les imprimantes 3D plus le catalogue de modèles sous licence libre que l’on peut adapter à son besoin qui font de l’ensemble un outil convivial.
On va terminer là pour le moment. Je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour la suite où, comme promis, nous aborderons la question des monopoles telle que traitée par Ivan Illich et sa critique de l’outil industriel.
Étienne Gonnu : Merci Vincent. Comme tu l’as très bien dit, au mois prochain pour une nouvelle lecture de ce livre. Sais-tu combien tu en auras ?
Vincent Calame : Au moins deux ou trois. J’essaye de caser.
Étienne Gonnu : Il y a beaucoup à dire, sans doute. Ça marche. En tout cas, merci Vincent.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Étienne Gonnu : Nous l’avons évoqué dans le Café libre, l’April a lancé, la semaine dernière, une nouvelle campagne. Chaque mercredi, jusqu’au 18 décembre, paraîtra une gazette, Le lama déchaîné. Il s’agit d’une campagne d’appel à soutien financier, car les finances de l’April ne sont malheureusement plus à l’équilibre. Nous vous invitons à lire cette gazette et, si vous le pouvez, à faire un don, à adhérer ou à diffuser Le lama déchaîné autour de vous. Merci et cœur paillettes sur vous. Rendez-vous donc demain, mercredi 23 octobre, pour un nouveau numéro.
Libre à vous ! est diffusée depuis 2018 sur la radio associative Cause Commune, la voix des possibles. Le modèle économique de Cause Commune fonde sa pérennité sur son indépendance vis-à-vis d’éventuelles recettes publicitaires et concentre son appel aux fonds publics à la seule subvention d’exploitation, FSER, Fonds de soutien à l’expression radiophonique. Plus de 750 radios associatives bénéficient de ce don.
Le projet de loi de finances 2025 prévoit une coupe de 35 % du FSER, le faisant passer de 35 millions d’euros – ce qui est déjà très peu –, à 24 millions d’euros en 2025, mettant gravement en danger l’existence de radios telles que Cause Commune. Nous vous encourageons à agir. Contactez votre député pour lui signaler l’alerte. N’hésitez pas à utiliser vos propres mots, à faire simple, même une phrase peut suffire. Faisons corps pour défendre les radios libres !
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Gee, Bookynette, Vincent Calame.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Julie Chaumard.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, ainsi qu’Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/223 toutes les références utiles de l’émission du jour ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas nous faire de retour pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour chez libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements, pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est le 09 72 51 55 46.
Nous nous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 29 octobre à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur « Au cœur de l’April » où, nous vous l’avons dit, nous vous proposerons l’envers du décor de la campagne en cours.
Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée. On se retrouve mardi 29 octobre et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.