Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La diversité de genre dans le logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak et aussi la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.
L’émission d’aujourd’hui a été préparée par mon collègue Frédéric Couchet qui a eu un empêchement pour l’animer ce jour, je prends donc le relais.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 14 juin 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Salut Isa.
Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak
Isabella Vanni : Nous allons commencer par la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Isabelle Carrère, de l’association Antanak, qui est en studio avec moi. Bonjour Isabelle. Quel sujet vas-tu traiter aujourd’hui ?
Isabelle Carrère : Bonjour Isabella.
C’est donc la dernière pour nous de l’année, la dernière chronique de l’année scolaire ou universitaire avant un été bien mérité, on a besoin de repos.
Aujourd’hui je voulais faire un petit point à propos des distributions que nous installons sur les postes qui nous sont donnés et que nous reconditionnons. Pourquoi ? Parce qu’on a deux sujets importants au titre du reconditionnement qui nous mettent parfois dans des cas de conscience un peu particuliers. Du coup on se pose la question de jusqu’où reconditionner, pour qui et pourquoi ?
Pourquoi je dis ça ?, parce qu’on se trouve en face d’une réalité qui est en train d’évoluer. La fourchette, on va dire ça comme ça, de performance des ordinateurs qu’on nous donne est en train de s’agrandir. Autant en 2015, on savait, on allait nous donner des veilles UC [Unités centrales] dont les gens se débarrassaient, etc. Très bien. On continue à nous donner des vieilles machines qui fonctionnent en 32 bits, comme au tout début d’Antanak, mais, de l’autre côté, on nous donne aussi des i7 et parfois des i7 de cinquième génération, septième génération, donc des machines en 64 bits. L’éventail plutôt que la fourchette, c’est plus joli, de ces dons est en train de s’agrandir. Du coup ça nous donne des difficultés plus particulières pour réfléchir à ce qu’on met comme distribution d’une part, et puis est-ce que ça fait du sens et quel sens ça fait. Comment peut-on faire pour continuer à faire fonctionner des machines qui sont en 32 bits et qu’est-ce que ça veut dire ?
Comme je ne sais pas ce que les auditeurs et auditrices savent, ou pas, sur ce sujet, je vais juste refaire un tout petit point sur ce dont on parle, 32 bits, 64 bits, etc., parce que c’est important. Je pense que pour les gens de l’April mais ailleurs, pour tout un chacun/chacune, c’est plutôt pas mal de savoir qu’il y a quand même des évolutions qui scandent vraiment l’évolution des machines pas simplement sur ce qu’on en voit sur des fonctionnalités mais plus sur du fondamental.
Le bit est une unité élémentaire en informatique, jusque-là on est d’accord, binary digit en anglais, nombre binaire, ce qui n’est pas la même chose que le byte qui est sur la question du volume d’un disque dur, qui est donc une somme de 8 bits, le byte ou l’octet. En français l’octet est représenté par le symbole « o » minuscule, qu’on retrouve que le mégaoctet. Ce n’est pas la même chose que les bits du processeur.
En fait c’est quoi ? Un bit ne peut prendre que deux valeurs, on est dans le binaire, donc 0 ou 1. Pour faire une analogie c’est comme si on avait un alphabet avec juste deux lettres, le A et le B. Avec le A et le B, on ne peut faire tant de mots que ça, du coup, le bit est rarement employé tout seul. À l’instar des lettres de l’alphabet il est utilisé pour former des suites de différentes longueurs. C’est avec ces longueurs, ces formules, ces mots en quelque sorte, si on garde l’analogie avec le langage, c’est avec eux qu’on fait du code. Par exemple avec quatre bits on peut ainsi écrire 0110 ou bien 1010, l’équivalent de ABBA ou de BABA si vous préférez les lettres. On a cette logique-là. Du coup plus augmente, plus on utilise de bits, plus on peut écrire de mots différents avec. Avec un bit on écrit deux mots, on en écrit quatre avec deux bits, huit avec trois bits, etc., c’est exponentiel comme progression. Ce que qui veut dire que plus on sait manipuler des mots longs plus on peut traiter d’informations. C’est là qu’intervient la question du 32 bits et du 64 bits. Quelles sont les différences majeures ? C’est l’architecture des processeurs. Normalement tout le monde doit voir un peu ce que veut dire processeur. Des gens disent que c’est le cœur, d’autres disent que c’est le cerveau, peu importe, en tout cas c’est un élément important d’un ordinateur et c’est celui qui va permettre de travailler, de donner des directives et d’appliquer toute une série de codes qu’on va mettre en place.
Il existe de très nombreux types de processeurs dans l’univers informatique, mais dans le monde du PC, pour faire simple, on en a deux grandes sortes : ceux avec l’architecture i86, donc 32 bits, et ceux avec 64 bits. Ça donne des performances différentes puisque ça peut parler plus ou moins !, ça peut traiter plus ou moins d’informations.
L’autre question c’est au niveau de la mémoire vive, ce qu’on appelle la RAM ; ce n‘est pas la peine de donner plus de quatre gigas de mémoire à une vieille unité centrale avec un processeur en 32 bits, elle ne pourra strictement rien en faire, le processeur ne pourra rien en faire. On voit bien que c’est déjà une limite très forte. Pourquoi ? Parce que quatre gigas de RAM c’est ce que nous mettons maintenant au minimum à Antanak dans les ordinateurs qu’on donne. On s’est rendu compte que les pages web qui sont développées sont de plus en plus gourmandes de plein de choses ; je ne suis pas informaticienne, je ne saurais pas dire de quoi c’est gourmand, pourquoi c’est comme ça et d’ailleurs pourquoi on fait ça, je n’en sais. En tout cas ce qui est sûr c’est que si on veut que l’utilisateur ou l’utilisatrice finale puisse ouvrir plusieurs pages en même temps, on ne peut pas lui mettre moins de quatre gigas. Donc, pour le moment, un ordi qui n’a que deux gigas reste chez nous.
Or il y a des ordinateurs en processeur 32 bits pour lesquels on ne trouve pas, on ne trouve plus la RAM en question. C’est un vrai souci. On se pose la question : que fait-on ? Est-ce qu’on essaie quand même de donner ces ordinateurs en 32 bits avec une distribution GNU/Linux qu’on va trouver ? Oui ? Non ? Ou bien est-ce qu’on laisse tomber parce que, de toute façon, ça ne suffira pas pour les utilisations que les gens voudront en faire ? On ne sait pas répondre à la question.
Notre principe de base c’est quand même de reconditionner le maximum de matériel avec le Libre, à condition que ça serve à quelqu’un et à quelque chose, sinon c’est un peu stupide.
Du coup se pose la question des distributions qui sont utilisables et qu’on peut mettre sur un de ces ordinateurs et plus on avance dans le temps plus ça se dégrade, c’est-à-dire qu’il y en a de moins en moins. Je comprends, il y a des tas de communautés libristes qui ont abandonné le fait de faire une version 32 bits pour la distribution en question. Dernièrement on mettait Xubuntu sur plusieurs types de machines, eh bien il n’y a pas plus la version 32 bits, c’est terminé, ça s’arrête avec la 18.04, donc la 20 il n’y en avait pas, la 22 il n’y en aura pas, etc. Il nous reste du Debian, c’est cool, il nous reste du LMDE, Linux Mint basée sur Debian et non pas celle basée sur Ubuntu qui est vraiment très chouette, c’est une de mes préférées, après je ne dis rien ! On a du Arch Linux, on a du Trisquel. Trisquel c’est très chouette, c’est une très belle distribution. Notre problème, à Antanak, c’est qu’on est obligé de tout faire en artisanal parce que ce sont de purs et durs du Libre, ça veut dire qu’aucun code propriétaire n’est mis dedans, ça veut dire que pour pouvoir mettre un pilote d’une carte Wi-fi c’est la galère, etc. On l’aime beaucoup, mais... ! C’est vraiment compliqué.
Avec toutes ces évolutions, on constate depuis sept ans, à l’asso, qu’on est à chaque fois entre deux trucs et là on est entre : est-ce qu’on industrialise nos processus, nos façons de faire, pour aller un peu plus vite parce qu’on a des demandes énormes, versus on reste sur un mode artisanal où on était en train de regarder telle machine et passer trois heures pour lui installer tout ce qui allait bien pour quelqu’un qui, peut-être, va la prendre, ou pas, ou va nous dire « ça ne me suffit pas ! ». On est vraiment sur des problématiques comme ça, qui sont intéressantes en même temps.
À ça je rajoute un dernier truc parce que c’est quand même drôle : ce que je disais sur les distributions au niveau du système d’exploitation c’est la même chose pour Firefox, pour LibreOffice. On est sur Internet, ce n’est pas la peine d’essayer d’essayer de mettre Firefox sur une version qu’on pousserait et LibreOffice c’est pareil. On continue à trouver une version en 32 bits mais c’est une version ancienne, du coup on n’a pas les fonctionnalités.
Donc on est là-dessus.
Si j’ai encore trois minutes, on a également une autre problématique qui est celle du BIOS. En 2015, quand on a monté Antanak, on avait majoritairement des BIOS en legagy, on n’avait pas de soucis particuliers, donc là aussi on a pris des habitudes.
Isabella Vanni : Que veut dire des BIOS en legagy pour nos auditeurs et auditrices ?
Isabelle Carrère : Je ne sais pas si je vais être capable ! Il faut expliquer.
Isabella Vanni : Déjà le BIOS ?
Isabelle Carrère : Je peux déjà dire ce qu’est le BIOS, c’est le machin que les constructeurs, les fabricants, mettent sur la machine, qui n’est pas encore un système d’exploitation, on dit aussi setup, ce sont toutes les informations qui vont permettre à l’appareil de faire l’appel : carte mère ? présente ; processeur ? présent ; RAM ? présente, etc., les bases qui vont donner l’horloge, l’heure, le temps, qui vont faire un minimum de trucs au démarrage. Je suis sûre que les informaticiens vont bouillir, ce n’est pas du tout comme ça qu’on parle, mais c’est ce que je peux en dire. Legagy c’était en fait la modalité de cette initialisation par le BIOS d’une machine, tous les constructeurs étaient là-dessus. En 2010 arrivent les premiers UEFI [Unified Extensible Firmware Interface] et en 2015, année de création d’Antanak, on a arrêté de voir des machines avec la double initialisation ; au début on pouvait avoir une machine pour laquelle on choisissait : « Salut je te mets en legagy, salut je te mets en UEFI », du coup on pouvait adapter la distribution correctement et faire ce qu’on voulait. Maintenant on a des machines dans lesquelles il n’y a plus que l’UEFI. Du coup cela nous pose d’autres questions avec nos clefs USB de démarrage. C’est très marrant !
Tout ça pour dire que moi qui ne suis pas du tout une informaticienne et la moitié de gens, à Antanak, ne sont pas des informaticiens, des informaticiennes, du coup nous découvrons, nous apprenons des choses, nous sommes mis face à des situation pour lesquelles on n’a pas toujours toutes les réponses. On est preneur d’idées des gens qui m’écoutent dire des âneries, avec grand plaisir, en même temps c’est intéressant, c’est comme si ces choses-là n’avaient pas été pensées par ailleurs pour une évolution. Chacun va, de là où il est, je le comprends « maintenant on va faire une nouvelle norme, elle va s’appeler UEFI ». So what ! Et que se passe-t-il pour le reste ? Que fait-on pour avant ? Les constructeurs s’y sont tous mis, OK, on est là-dessus et ?
On suit mais parfois on a l’impression de se bagarrer pendant des heures sur un truc sur un seul ordinateur. De la difficulté de travailler à la fois avec des standards versus rester en mode un peu plus artisanal, comme nous le sommes, en prenant beaucoup de temps sur chaque machine parce que nous voulons continuer à jeter le moins possible.
Isabella Vanni : Merci Isabelle pour ce cas concret d’expérience chez Antanak. Je me demande si vous avez élargi la discussion à d’autres associations ou structures qui font du reconditionnement pour essayer d’y voir plus clair avec la contribution d’autres personnes. Je pense que vous êtes déjà en contact avec plusieurs structures à Paris mais pas que.
Isabelle Carrère : Le réseau REFIS [Réemploi francilien & informatique solidaire] qu’on a monté, dont on a parlé une fois, on avait commencé à en parler avec Brice du Garage Numérique. À la rentrée je viendrai avec d’autres gens parce que c’est intéressant d’entendre parler aussi d’autres acteurs.
Bien sûr qu’on en parle et tout le monde a les mêmes difficultés ; après chaque structure et chaque personne répond avec ses propres moyens. Nous sommes parfois un peu butés et on dit « on veut reconditionner le max ». Je vois des gens qui lâchent la main, je ne citerai personne, c’est leur droit, qui disent « OK, c’est bon je jette ce matériel », mais nous on ne peut pas faire ça, on n’y arrive pas !
Isabella Vanni : D’accord. Merci beaucoup pour cette dernière chronique, mais seulement pour cette saison. On te revoit pour la saison 6.
Isabelle Carrère : Absolument. On fait un break, un été. D’ailleurs on souhaite à tous et toutes un très bel été.
Isabella Vanni : Merci Isabelle, très bel été à toi aussi.
Nous allons maintenant faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Isabella Vanni : Après la pause nous parlerons de diversité de genre dans le logiciel libre. Nous allons écouter pour l’instant Jack-O-Lanterns par Just Buns. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Jack-O-Lanterns par Just Buns.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Jack-O-Lanterns par Just Buns, disponible sous licence libre Creative Commons CC By SA 3.0. C’est une licence qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez ou créez du matériel à partir de cette musique, vous devez diffuser votre œuvre modifiée dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec la même licence.
[Jingle]
La diversité de genre dans l’informatique et le logiciel libre avec Isabelle Collet informaticienne puis sociologue, spécialiste des questions de genre dans le numérique, professeure en science de l’éducation à l’Université de Genève, et Stefano Zacchiroli, professeur en Informatique à Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris, cofondateur de Software Heritage, ancien Debian Project Leader et ancien membre du conseil d’administration de l’Open Source Initiative
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur la diversité de genre dans le logiciel libre. Nous allons le faire avec nos deux personnes invitées, Isabelle Collet, informaticienne puis sociologue, spécialiste des questions de genre dans le numérique, professeure en science de l’éducation à l’Université de Genève, et Stefano Zacchiroli, professeur en informatique à Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris, cofondateur de Software Heritage, ancien Debian Project Leader et ancien membre du conseil d’administration de l’open source Initiative.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Juste pour préciser, Stefano Zacchiroli est au studio avec moi. Bonjour Stefano.
Stefano Zacchiroli : Bonjour Isa. Bonjour à toutes et à tous.
Isabella Vanni : Tandis qu’Isabelle Collet, qui participe à l’émission d’aujourd’hui, intervient via l’outil d’audioconférence - libre bien évidemment - Mumble. Bonjour Isabelle.
Isabelle Collet : Bonjour.
Isabella Vanni : Parfait. Je t’entends très bien. Bien évidemment, comme je ne peux pas te voir, si tu as besoin de prendre la parole n’hésite pas à m’appeler à tout moment, Isa, pour que je donne la parole pour intervenir, rebondir sur un sujet.
Isabelle Collet : D’accord.
Isabella Vanni : Pour commencer, une question plutôt classique. On aime bien demander à nos personnes invitées de faire une courte présentation personnelle. Isabelle, veux-tu commencer ?
Isabelle Collet : Comme ça a été déjà dit je suis une ancienne informaticienne, informaticienne un jour informaticienne toujours. À l’époque, ma spécialité était le traitement numérique, le traitement du signal 3D. Je précise ça parce que, en tant que femme, on avait tendance à me dire que je devais être dans l’informatique de gestion, or non.
À l’époque où je faisais de l’informatique on était encore environ 1/4, ce n’était pas la parité, mais ce n’était quand même le sentiment d’être toute seule. Je dois être une des très rares personnes à n’avoir pas trouvé de travail en informatique, à en avoir trouvé en sociologie, d’ordinaire ça ne se passe pas comme ça, c’est plutôt l’inverse. Au moment où j’ai cherché du travail en informatique il y avait une des plus grandes crises de l’emploi en France, c’était en 1991, début des années 90, à un moment où même on débauchait, et, en traitement numérique 3D, autant dire qu’il n’y avait pas beaucoup de boulot. J’avais aussi un autre gros défaut c’est que j’étais une jeune femme mariée et je voyais bien que de la part de certains employeurs je n’étais pas le premier choix parce que j’allais sûrement faire vraiment beaucoup d’enfant. C’est seulement à ce moment-là que j’ai réalisé que le jeu n’était pas complètement fair-play entre les hommes et les femmes dans l’emploi déjà et dans le numérique aussi. Tant que j’étais dans les études, j’étais dans le mythe de puisque, ma foi, j’y étais allée vous pouvez le faire. Quelque temps plus tard, quand je suis retournée aux études, j’ai fait une thèse sur la masculinisation des études d’informatique et je suis devenue une sociologue très heureuse, mais si j’avais trouvé du travail dans le numérique, un travail intéressant, où j’aurais pu progresser, où on me faisait confiance, bref !une carrière, j’aurais pu devenir aussi une informaticienne très heureuse. Je n’ai pas quitté l’informatique parce que ça ne m’intéressait pas.
Isabella Vanni : Merci pour cette présentation qui anticipe d’ailleurs certaines des questions que je voulais te poser. Nous allons sans doute approfondir.
La parole à Stefano Zacchiroli. Peux-tu te présenter, s’il te plaît ?
Stefano Zacchiroli : Je suis professeur d’informatique à Télécom Paris. Mes intérêts de recherche portent principalement sur le logiciel libre, notamment sur les études à très grande échelle du code source et de l’historique des développements des logiciels libres. Je porte notamment, comme tu l’as évoqué, un projet qui s’appelle Software Heritage, que j’ai cofondé en 2015, qui est la plus grande archive au monde de codes open source, plus généralement de codes disponibles publiquement avec tout leur historique de développement. Cela donne une possibilité énorme d’étudier des motifs, des évolutions dans le temps, des types de modèles de collaboration sur le logiciel libre dont on va parler dans la suite. En parallèle de ça j’ai aussi une longue carrière d’activiste dans le monde du logiciel libre depuis, je dirais, une vingtaine d’années désormais. J’ai participé principalement au projet Debian, j’ai participé un peu à la standardisation des licences dans le contexte de l’Open Source Initiative. Plus récemment je me suis même lancé comme archiviste car il y a un rôle important pour la société, pour les prochaines générations, pour les générations futures, de l’archivage du logiciel libre.
Au-delà de mes recherches spécifiquement informatiques, notamment dans le domaine du génie logiciel, depuis quelques années je travaille aussi pas mal avec des sociologues. On s’intéresse d’abord au sujet de la diversité dans les contributions au logiciel libre, dont on va parler dans cette émission, notamment de genre mais aussi d’origine géographique, et aussi aux relations entre le bénévolat dans le logiciel libre et les productions de code open source faites par les entreprises, comment les deux aspects se mélangent car ça peut donner lieu à des dynamiques un peu compliquées, notamment de souveraineté numérique ou d’interactions entre communautés et entreprises.
Isabella Vanni : Merci pour cette présentation. Tu as évoqué le projet Software Heritage. Je rappelle qu’on a déjà consacré deux émissions à ce sujet, ce sont les émissions numéro 13 et numéro 134. Vous faites libreavous.org/, vous mettez 13 ou 134 et vous pouvez accéder à ces émissions. Tu as parlé de Debian, donc ancien Project Leader de Debian. Comme le rappelait Isabelle d’Antanak tout à l’heure il s’agit d’une distribution, en fait une façon de composer les éléments d’un système d’exploitation GNU/Linux. Il y a énormément de distributions, mais c’est vrai que Debian est très connue dans l’environnement libriste notamment pour sa gouvernance, sa façon de prendre les décisions sur la façon dont le projet doit évoluer. Tu as parlé aussi de l’Open Source Initiative. Peut-être deux mots pour nos auditeurs et auditrices, s’il te plaît.
Stefano Zacchiroli : Très brièvement. On sait que dans le logiciel libre il y a des licences différentes, d’ailleurs il y a aussi des organismes différents qui « décident », entre guillemets, quelles sont les bonnes et les mauvaises licences. En gros, il y a des organismes de standardisation qui décident quelles licences sont considérées libres par exemple par Debian, par exemple par la Free Software Foundation. L’Open Source Initiative est l’organisme qui décide notamment quelles licences peuvent se définir open source au sens strict du terme. C’est très important pour standardiser un peu ce qui existe sur le marché et surtout pour maîtriser un peu les problèmes qui peuvent se poser dès qu’on mélange des logiciels libres qui sont diffusés sous des licences différentes. Évidemment plus on a de licences, plus de combinaisons possibles existent. Du point de vue de la liberté des utilisateurs aussi c’est important de maîtriser un peu cette complexité.
Isabella Vanni : Merci.
Isabelle a notamment écrit un ouvrage dont le titre est Les oubliées du numérique. L’absence des femmes dans le monde digital n’est pas une fatalité, cet ouvrage est sorti en septembre 2019. Tu me sembles la plus à même pour répondre à une question qui peut introduire notre sujet : quelle est la situation dans l’informatique en général par rapport à ce gap de genre ? Peux-tu aussi nous faire un rapide rappel historique ?
Isabelle Collet : On va dire que la situation n’est pas terrible. D’ailleurs elle n’est pas terrible surtout en Occident. On a tendance à penser que ce qu’on voit autour de soi est absolument partout. Actuellement, en Occident, à quelques pourcentages près, en France, en Suisse, en Europe, aux États-Unis, tout dépend comment on compte, quand on annonce un peu fièrement 30 % de femmes dans le numérique, en général on a une acception très vaste du numérique, c’est-à-dire qu’on inclut également tous les métiers de support, le marketing, les RH [Ressources humaines], la documentation, etc. Si on essaie de se restreindre vraiment à la dimension technique, l’informatique dans le sens premier du terme, on est plutôt vers 15 %. On ne va pas se battre sur 3 %, on va dire que la part des femmes est minuscule.
Je vous disais que c’est plutôt un problème occidental parce que quand on va Asie du Sud-Est par exemple, en Afrique du Nord – il ne faut pas non plus fantasmer et se mettre à dire que les femmes sont majoritaires et ont le leadership, ce n’est pas ce que je veux dire –, mais ces proportions absolument microscopiques c’est d’abord un problème occidental et c’est un problème occidental récent. C’est-à-dire que dans l’histoire de l’informatique, si on remonte, allez, à un début qui serait au moment de la Deuxième guerre mondiale, il y avait une scission assez nette entre ce qu’on appelait le hardware, le matériel, où il y avait les ingénieurs et c’était des hommes, c’était la partie la plus noble de l’informatique, c’était la partie la plus reconnue et la plus rémunérée et puis il y avait la partie logicielle, le software, et si ces termes sont genrés, hardware, software, comme on parle des sciences dures et des sciences molles, ça représentait aussi une réalité dans la population. Le software était peu valorisé, il n’y avait pas vraiment de formation dans les universités, c’était beaucoup des mathématiciennes autodidactes qui, en quelque sorte, apprenaient le code tout en le développant, des métiers peu reconnus, considérés comme étant des métiers de petites mains, même si ce n’était pas du tout un métier ouvrier, il ne faut pas s’y tromper, et là les femmes étaient plutôt nombreuses.
À aucun moment on ne peut dire que les femmes ont été majoritaires en informatique ou qu’elles ont tout inventé, il ne faut pas non plus s’emballer, mais il est vrai qu’à l’époque, dans ce métier, la fracture se faisait, comme souvent dans les métiers, selon la ligne d’un certain prestige. C’est-à-dire qu’on constate, de manière générale, que chaque fois qu’un métier se valorise il se masculinise et inversement, quand un métier se dévalorise il se féminise et pas dans l’autre sens, ce n’est pas parce qu’il se féminise qu’il se dévalorise. En informatique, à partir du moment où la programmation a pris de la valeur et où le métier a, de façon générale, pris de la valeur, on a entendu des propos institutionnels, politiques, d’entreprises, quasi incantatoires, « c‘est l’avenir assuré, c’est une bonne carrière certaine, la France – on peut mettre un autre nom de pays à cet endroit-là – entre dans le 21e siècle avec sa jeunesse formée à l’informatique. ». Bref ! C’est à ce moment-là que la discipline s’est énormément masculinisée. Ce n’est pas que les femmes sont parties, elles étaient assez peu, elles sont restées assez peu, mais c’est que la part des hommes a considérablement augmenté. Pour vous donner des chiffres : 1979, à l’INSA de Rennes, c’est à peu près le record, il y avait la parité dans la filière informatique à une époque où ce n’était pas du tout à la mode, pour une femme, d’être ingénieur. Dans ces années-là l’informatique était le deuxième diplôme d’ingénierie le plus suivi par les femmes, le premier étant biologie/agronomie. Aujourd’hui c’est toujours biologie/agronomie qui est en tête chez les femmes, par contre l’informatique est la discipline la moins choisie par les femmes alors que les femmes sont maintenant 28 % dans les écoles d’ingénieur et bien plus dans des écoles de type INSA, le moins choisi avec l’aéronautique.
S’il n’y a pas eu moins de femmes, comme il y a eu tellement plus d’hommes la part, évidemment, a dramatiquement chuté.
Isabella Vanni : Si j’ai bien compris ce sont les années 80 qui font un peu de charnière entre une période où il y avait encore quand même des femmes qui travaillaient, comme tu disais, notamment dans le software. Après on a commencé à donner de la valeur à ces emplois, ce sont devenus des emplois de prestige, une façon pour faire une belle carrière, pour avoir de bons salaires. On peut dire que ce sont les années 80 qui sont un peu charnière ?
Isabelle Collet : C’est ça, ce sont effectivement les années 80. Deux phénomènes se sont passés en même temps, d’une part cette montée en prestige du métier et il y a eu un autre phénomène dans ces années-là, c’est l’arrivée du micro-ordinateur. La représentation qu’on avait de l’informatique avant c’était des gros systèmes, c‘est l’époque du début des IBM, etc., des gros systèmes dans les administrations, dans les banques. Les disciplines qui y menaient c’était, par exemple, le calcul numérique. Pour une femme scientifique ou une femme technicienne c’était un emploi du tertiaire qui était moins contre stéréotypé que, par exemple, aller dans l’industrie, donc ça passait pour un bon métier pour une femme scientifique parce que c’était quand même un travail de bureau.
Et puis le micro-ordinateur arrive et il arrive avec tout un tas de représentations dont on dirait aujourd’hui que ce sont des représentations de nerds ou de geeks, même si à l’époque on n’utilisait pas les termes, des représentations portées par la science-fiction. Le film emblématique de ces années-là c’est Wargames où on voit, d’une part, un petit génie informatique qui programme et un petit génie qui est devenu plus adulte qui programme aussi ; alors que l’ordinateur va faire basculer le monde dans la troisième guerre mondiale, eh bien ils ont la capacité de l’arrêter ! Se crée cette représentation du jeune homme génial, éventuellement anti-scolaire mais qui fait des choses absolument magnifiques avec un ordinateur. Cet ordinateur est un micro-ordinateur, on peut l’utiliser chez soi, et puis simultanément le micro-ordinateur arrive en entreprise à la place des gros systèmes. Évidemment ce n’est pas le même et on ne bidouille pas, on ne fait pas du tout la même chose, mais il y a une fausse continuité de représentation qui s’installe entre ces deux machines. En quelque sorte, quand on est adolescent/adolescente, parent, enseignant/enseignante, conseiller/conseillère d’orientation, on peut se dire « ça va être un peu le même univers, s’il sait bidouiller sur son ordinateur, s’il aime ça, il pourra aller en informatique en entreprise, il aura le même matériel. »
Vous mettez ensemble l’arrivée du micro-ordinateur qui transforme les représentations, qui donne ce faux sentiment de continuité, et la montée en puissance du métier, des carrières et des salaires, et vous avez cette chute dramatique que l’on constate effectivement dans les années 80.
Isabella Vanni : Cette chute dramatique qui arrive parce que les femmes sont poussées dehors, comme tu le disais.
Je ne sais pas, Stefano Zacchiroli, si tu veux rebondir sur ce sujet. Je veux juste introduire le fait que tu as produit une étude qui s’appelle, je le dis en anglais, tu traduiras, Gender Differences in Public Code Contributions : a 50-year Perspective, ça remonte à novembre 2020. C‘est une étude qui analyse une énorme quantité de données, c’est très intéressant. Et 50-year Perspective c’est-à-dire que c’est une perspective sur 50 ans, c’est aussi très intéressant, c’est un temps très important, très long. Par rapport à tes études que peut-on déduire, peut-être en rebondissant aussi sur les propos qu’Isabelle vient d’exprimer ?
Stefano Zacchiroli : Là on est sur des études, celle que tu as citée et les deux suivantes qui sont parues cette année, qui sont quantitatives. Ce que j’ai fait moi-même dans cette étude initiale, c’est de prendre l’archive de Software Heritage qui est aujourd’hui la plus grande archive au monde, disponible publiquement, des codes sources et des contributions associées. Qu’est-ce qu’il y a d’important là-dedans ? Quand je dis « contributions » je veux dire par exemple les commits, c’est l’unité à laquelle les développeurs font des modifications à un projet open source.
Isabella Vanni : Peut-on faire un cas encore plus pratique de commit pour nos auditeurs et auditrices qui n’ont pas forcément l’habitude de penser aux forges libres ?
Stefano Zacchiroli : Tout à fait. Imaginons un jeu vidéo libre sur une machine. On découvre qu’il y a une erreur dans un message, on change un mot par le mot correct, qui va à sa place, et c’est une unité de modification, ça s’appelle un commit. Une personne, un développeur, une développeuse fait ce changement-là et c’est une unité de changement unique qui constitue un commit. Un logiciel populaire, avec une communauté de développeurs assez active, peut avoir des dizaines, des centaines voire des milliers de commits par jour. Périodiquement on prend tous les changements qui ont été faits dans la dernière période et on fait une nouvelle version, une nouvelle release, comme on dit en anglais, de ce logiciel-là.
Dans Software Heritage, pour vous donner une idée, nous avons archivé aujourd’hui à peu près plus 2,5 milliards de commits, 2,5 milliards de modifications des codes sources. Ce qui est intéressant là-dedans c’est que les commits sont associés à des métadonnées, à des informations sur qui a fait ces modifications. Les personnes peuvent déclarer leur nom publiquement et l’enregistrer dans des systèmes de contrôle de version, ça s’appelle comme ça, qui sont disponibles publiquement. Les personnes qui utilisent des systèmes modernes comme Git connaissent cette pratique-là, mais la pratique d’utiliser des outils pour gérer les changements à un logiciel, notamment à un logiciel libre, date d’une trentaine d’années et même avant, on peut remonter encore en arrière, car il y a des gens qui ont fait l’effort de reconstruire, avec des outils modernes de gestion des versions, l’historique de développement de codes très anciens.
La période que nous pouvons observer avec l’archive de Software Heritage remonte à peu près au début des années 70, parfois avec des historiques qui étaient vraiment là au départ, versés dans le système de contrôle des versions, parfois des historiques qui ont été reconstruits après, avec des informations temporelles plus ou moins fiables.
Pour cette étude-là nous avons pris cet historique de développement sur 50 ans, entre 1970 et à peu près 2020, je crois que 2019 était la dernière année complète dans cette étude. Nous avons utilisé des techniques de détection des genres des auteurs, appliquées aux noms des auteurs, pour voir qu’elle est l’évolution, sur 50 ans, du ratio des hommes et des femmes qui contribuent à du code qui est disponible publiquement ; là on ne parle que du code disponible publiquement, seulement ce qui est archivé dans l’archive de Software Heritage, même si c’est l’archive la plus grande que nous avons à disposition aujourd’hui. Pour vous donner une idée, là-dedans nous avons une base d’une trentaine de millions d’auteurs différents qui ont contribué à des changements de code, donc des commits, sur à peu près 120 millions de projets. Donc c’est une base considérable.
Il y a énormément d’études dans le logiciel libre spécifiquement autour du gender gate, de la disparité des contributions.
Isabella Vanni : En quoi cette étude est-elle différente ?
Stefano Zacchiroli : J’y arrive. Historiquement c’étaient des études à petite échelle, en gros on prend une communauté, ça peut-être Debian, ça peut être GNU, ça peut une autre communauté du logiciel libre, et on regarde, dans cette communauté-là, qui participe. On peut même aller interviewer des gens, leur demander pourquoi ils participent, pourquoi ils ne participent pas, pourquoi, peut-être, ils ont arrêté de participer, là on trouve des raisons pour lesquelles les femmes, par exemple, peuvent décider de participer ou arrêter de participer. La différence, dans cette étude, c’est qu’on change complètement d’échelle. Au lieu de regarder une communauté spécifique, on prend cette masse énorme de code, 120 millions de projets, et on regarde s’il y a un trend en partant de l’évolution du ratio des contributions des hommes et des femmes. C’est super intéressant, on retrouve quasiment le gap dans les années 80 dont tu parlais tout à l’heure avec Isabelle.
Si on regarde notamment l’évolution du ratio des contributions des femmes au logiciel libre, on voit que c’était relativement haut avant les années 80, haut mais quand même minoritaire, j’ai les graphes sous les yeux, je vois un pic, un max autour de 15 à 20 % de participation des femmes avant les années 80. Après ça baisse énormément avec un minimum autour des années 80, jusqu’aux années 90, et ça plonge entre 2 %, voire moins que 2 %. Après ça commence à remonter et on arrive à un maximum qui reste très faible, juste avant la covid, 2019, c’est la première fois où on voit que la quantité des autrices, des développeuses actives, sur l’année, est de 10 % par rapport aux 90 % des hommes, et même la quantité de contributions faites, donc la quantité de commits, arrive aussi à 10 % en 2019 sur la totalité des commits faits dans cette année-là.
Il y a de bonnes et de mauvaises là-dedans. La bonne nouvelle c’est que le trend est assez stable pendant 12 à 15 ans selon ce qu’on compte, il monte jusqu’en 2019, mais le maximum auquel il arrive est de 10 %. C’est le message principal, ça reste assez faible comme disait justement Isabelle. Après on a observé un effet covid pour la suite, dont on peut peut-être parler plus tard si nous en avons le temps.
Isabella Vanni : Tu as évoqué énormément de sujets, j’ai plein de questions à poser. Tout d’abord Software Heritage, par définition, c’est une archive de tout le code public. Qui parle de code public parle de code libre ou de code libéré, sinon on ne pourrait pas faire. C’est pour ça que cette étude, finalement, va regarder effectivement la diversité de genre dans les projets libres ?
Stefano Zacchiroli : C’est une précision importante. Software Heritage contient, a la vocation de contenir tous les logiciels libres, elle contient aussi des codes qui, au sens de la définition classique du logiciel libre ou de l’open source, ne sont pas forcément libres, c’est-à-dire qu’on peut avoir quelqu’un qui a mis le code source disponible publiquement, qui le développe publiquement, mais la licence n’est pas forcément une licence reconnue comme libre ; après c’est du code qu’on peut observer quand même.
Isabella Vanni : Que le code soit public est une condition nécessaire mais pas suffisante. Tu as raison de le rappeler.
Stefano Zacchiroli : Exactement. C’est pour ça que le terme utilisé dans l’étude est public code, plutôt que logiciel libre, mais évidemment Software Heritage a la vocation de contenir tous les logiciels libres.
Isabella Vanni : Tu parlais du fait que vous avez utilisé un outil pour attribuer le genre aux auteurs qui ont participé, qui ont contribué par des commits. C’est intéressant parce que, dans le cas des études que tu as citées, on allait plutôt vers les personnes pour voir si elles avaient envie de répondre à un sondage, c’était vraiment une participation volontaire et c’était facile, aussi, de leur demander si elles se reconnaissaient dans un genre et si elles étaient d’accord pour le dire. Par contre, dans ce cas-là, vous n’avez pas eu besoin de faire ça parce qu’il y a des identités qui sont publiques et c’est grâce à ça que vous avez pu, à travers cet outil, attribuer un genre. Je sais que dans le Libre il y a plein de gens qui, par exemple, se « cachent », entre guillemets, derrière un alias. Comment avez-vous traité les auteurs qui ne donnaient pas de façon claire leur vraie identité publique, leur identité connue ?
Stefano Zacchiroli : Je commence à préciser que dans des études quantitatives de ce style-là il y a différentes approches. Il y a une approche dans laquelle on a suffisamment peu de personnes concernées, on peut, par exemple, les interviewer et leur demander quel est le genre dans lequel ces personnes se reconnaissent. Par contre, de l’autre côté, il y a des études à plus grande échelle, on parle de dizaines de millions d’auteurs, ce n’est pas possible de les interviewer tous, donc on se base sur des outils automatiques, il y en a différents dans le domaine. Pour cette étude nous avons choisi Gender Guesser qui est un outil en logiciel libre, qui a été vérifié dans d’autres publications comme un outil assez précis pour ce type de détection notamment quand il y a des noms d’auteurs qui viennent d’un peu partout sur la planète. On peut avoir des outils qui sont très précis sur la base de noms français ou anglais ou italiens, peut-être qu’ils marchent moins bien sur des noms d’autres régions. Là on s’est plutôt basé sur des outils qui sont efficaces sur une grande diversité, même géographique. Par contre, effectivement, si on regarde combien d’auteurs on est capable, ou pas, de détecter comme étant des personnes d’un genre ou de l’autre, on a beaucoup d’identités de personnes pour lesquelles on n’arrive pas à déterminer le genre. Toutes les pesonnes pour lesquelles on n’a pas pu identifier le genre, par exemple quand elles sont derrière des alias, ont été exclues des chiffres que j’ai mentionnés tout à l’heure.
Isabella Vanni : D’accord. Je rebondis sur ça. Je me demande, parmi les personnes qui utilisent des alias, on ne peut pas savoir, quel est le ratio de femmes. Lors d’une émission précédente de Libre à vous !, on avait justement une invitée informaticienne qui nous disait qu’au début de sa carrière elle utilisait un genre neutre pour parler de ses projets parce qu’elle avait peur, si elle faisait son coming-out de femme, que ses commits, ses projets, ses contributions puissent être vues avec un prisme sexiste, donc pas reconnues à leur juste valeur.
Je ne sais pas, Isabelle Collet, si tu peux rebondir, si tu peux en dire plus sur cette condition que vivent les femmes au point de masquer leur identité, parce que, finalement, ça peut peut-être biaiser les études. Je me demande même si le fait que le ratio de femmes augmente à nouveau c’est peut-être aussi que les femmes ont plus envie de se rendre visibles, peut-être qu’il y a moins d’alias qui cachent des femmes. Je ne sais pas, ce sont des hypothèses. Qu’en penses-tu Isabelle ?
Isabelle Collet : Évidemment, si ce sont des alias, on n’a aucune idée. Il y a des études qui ont été faites, par exemple, dans les jeux vidéos sur qui est derrière un alias, sur les forums aussi à l’époque où les forums internet étaient plus actifs que maintenant. Il y avait deux motivations. La première c’était d’être prise au sérieux et la deuxième c’était de ne pas être harcelée ou insultée en tant que femme. C’était une remarque très forte en particulier sur les jeux vidéos. Si on veut éviter d’une part les insultes et d’autre part les sollicitations sexuelles, qu’elles soient polies ou non – on est simplement venu pour jouer, pas pour se faire draguer –, la meilleure solution c’est quand même de prendre un alias neutre. Cette remarque de vouloir éviter les insultes et les sollicitations je l’ai entendue de la part de plusieurs femmes dans le logiciel libre qui disaient que c’est complètement insupportable : en arrivant sur un forum, à la première question qu’on pose, une partie nous dit qu’on est stupide, une autre partie fait des remarques sexuelles outrageantes et une troisième partie veut avoir une photo de vous.
J’ai eu cette discussion avec un homme qui me disait : « Pour savoir un peu à qui j’ai à faire, je commence à arriver avec un pseudo féminin, ça me permet de faire le tri, je localise tout de suite les abrutis et ensuite, comme ça, je peux parler aux autres ». Évidemment, lui ne se sentait pas insulté directement, forcément.
Donc il y a évidemment un enjeu autour des alias qui n’est même pas sur le côté de la compétence mais qui est juste « je ne veux pas me faire insulter ».
Une étude a été faite : est-ce qu’un code porté par une femme, avec un alias féminin, sera retenu ou pas retenu ? Il s’est avéré qu’il avait moins de chances d’être retenu si l’alias était féminin, mais qu’il avait peut-être un peu plus de chances d’être retenu si l’alias était neutre, non pas que les femmes programment mieux que les hommes, mais il y a une telle sur sélection à ce niveau-là et aussi une volonté de produire non pas des codes tous azimuts mais des codes plutôt propres parce que ce n’est pas forcément si simple de percer, là les codes avaient tendance à être plus aboutis, mais pour qu’ils aient la chance d’être reconnus comme tels il valait mieux avoir un alias neutre. Et ce n’est pas pour rien qu’un certain nombre de communautés de développeuses ont fait sécession et ont fait des groupes non mixtes, d’ailleurs, de temps en temps, d’ailleurs, avec des tentatives d’intrusion d’hommes disant « pourquoi êtes-vous non mixtes ?, ce n’est pas normal, il n’y a pas de raisons qu’on n’ait pas le droit de venir ». Simplement parce qu’elles n’ont pas envie de se dissimuler, donc, à partir de là, de se faire insulter ou alors, à partir de là, d’avoir leur code qui ne soit pas reconnu.
On est bien d’accord, il s’agit d’une minorité, c’est loin d’être la majorité qui vient insulter ou quoi que ce soit, il s’agit effectivement d’une minorité, mais cette minorité c’est juste complètement insupportable à vivre.
Isabella Vanni : Merci pour ces retours d’expérience. La conversation est très intéressante, j’ai plein de questions à poser, mais je vois que le temps file et que c’est le moment de lancer une pause musicale.
Pour cette deuxième pause musicale, nous allons écouter Sur la terre par Sucrepop. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Sur la terre par Sucrepop.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Sur la terre par Sucrepop, disponible sous licence libre Creative Commons By SA 3.0
[Jingle]
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion. Je suis Isabella Vanni de l’April. Les autres personnes qui participent à l’émission sont Isabelle Collet et Stefano Zacchiroli. Cette émission est consacrée à la diversité de genre dans le logiciel libre.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causcommune.fm, bouton « chat ».
Tout à l’heure nous parlions du fait que les femmes peuvent choisir un alias neutre, voire chercher la non-mixité tout simplement pour ne pas être embêtées, voire insultées. À ce propos mon collègue me rappelle que lors de l’émission de la semaine dernière Agnès Crepet faisait justement référence à ce sujet de la non-mixité. Si vous voulez approfondir le sujet n’hésitez pas à taper libreavous.org/146.
Il y a plein de sujets à aborder, je ne sais pas si on pourra tout aborder, en tout cas on essaye.
Stefano Zacchiroli, je voulais savoir pourquoi tu as fait cette étude.
Stefano Zacchiroli : C’est une très bonne question. D’un côté c’était l’opportunité de me lancer un peu dans le sujet de la diversité comme scientifique, auquel, avant, j’ai participé en tant qu’activiste. J’ai cité ma longue carrière d’activiste dans Debian. Debian était une des premières distributions qui, je pense, à partir de 2006/2007, avait lancé un projet qui, à l’époque, s’appelait The Debian Women Project, car l’observation était claire pour tout le monde. On se retrouvait une fois par an pour la conférence internationale de Debian, on regardait dans la salle, il n’y avait que des hommes, la plupart blancs. Les femmes qui étaient des activistes de Debian, comme moi, ont lancé cette initiative pour améliorer et augmenter le taux de participation des femmes dans Debian. C’était la première fois que j’ai été confronté au sujet ; c’est un sujet qui m’intéresse comme activiste depuis plus de 15 ans désormais.
Isabella Vanni : Quand est-ce qu’est née cette initiative ?
Stefano Zacchiroli : Autour de 2005/2006, date exacte à vérifier, mais ça date de plus de 15 ans désormais. Une fois obtenue, pour différentes raisons de recherche et de biens communs, l’archive de Software Heritage, je me suis posé la question : plein d’études ont étudié ce phénomène dans le micro mais que se passe-t-il dans le monde à très grande échelle, sur 50 ans ? Est-ce que nous sommes en train d’aller dans la bonne direction ou dans la mauvaise direction ? C’est une curiosité, comme c’est souvent le cas dans la science, qui m’a amené à faire cette étude.
Isabella Vanni : Tout à l’heure tu disais qu’avec l’épidémie de covid malheureusement cette progression qui était certaine, j’ai vu la courbe de ton étude, a subi une flexion. Avez-vous pu analyser ? J’imagine que vous avez juste formulé des hypothèses. Qu’avez-vous pensé ? Je le demanderai aussi à Isabelle tout à l’heure.
Stefano Zacchiroli : On a fait une étude, ce dont on a parlé tout à l’heure, avec mon collègue Davide Rossi de l’Université de Bologne, et la question qu’on s’est posée : est-ce que ce trend qu’on a observé au niveau global est différent par région géographique autour du monde. Deux ans plus tard on s’est lancés. On a pris la nouvelle version de l’archive de Software Heritage qui, entre-temps, avait augmenté de taille et on s’est dit qu’on allait découper par région géographique avec des techniques de détection des régions géographiques. En regardant les données, il nous a sauté aux yeux que le ratio, que la part des contributions par des auteurs femmes, qui avait continué à augmenter jusqu’à 2019, eh bien en 2020 non seulement il s’arrête, mais il change carrément de direction. Il saute aux yeux que le trend positif, dont on a parlé, qui est là depuis 15 ou 20 ans selon ce qu’on compte, s’est inversé en 2020. Ce n’est pas une étude dans laquelle on a pu prouver la relation de cause à effet, mais on note la corrélation. Que s’est-il passé de gros et d’important en 2020, un peu partout sur la planète, qui pourrait justifier ce changement, c’est évidemment la pandémie de covid. D’autres études dans d’autres domaines que l’informatique – certainement qu’Isabelle en sait plus que moi et pourra en parler avec plus de détails – montrent que dans d’autres domaines les femmes ont été discriminées par l’épidémie de covid car elles ont eu plus de mal à participer, à continuer leurs activités professionnelles ou autres que les hommes.
En gros la pandémie, pour cause d’autres discriminations qui existent déjà dans la société, a impacté plus les femmes que les hommes. Là, peut-être, le phénomène qu’on observe quantitativement vient de la même raison.
Isabella Vanni : Isabelle, peux-tu en dire plus ? La pandémie est un événement qui a chamboulé tout le monde, qui a révolutionné nos vies pendant une longue période, un peu comme le font les guerres. Que peut-on tirer de cette chute dans la contribution féminine d’après toi ?
Isabelle Collet : Ce ne sont pas uniquement les femmes, ce sont plus précisément les mères. On le voit par exemple dans la recherche, les mères ont significativement moins publié d’articles depuis la pandémie qu’avant. C’est une étude pour le coup largement documentée dans le domaine de la recherche parce que, effectivement, il s’est produit en partie l’école à la maison, d’une part, et aussi le fait que les deux membres du couple se retrouvent à la maison et, assez souvent, la personne qui a le bureau isolé, où on peut travailler tranquillement, c’est l’homme, disons le père, et la personne qui est dans la cuisine en gérant les devoirs d’une main, le petit dernier d’une autre, en essayant tant bien que mal de faire son boulot, eh bien c’est plus souvent la femme.
Il s’est aussi passé autre chose avec cette pandémie, quelque chose a été révélé. La répartition des tâches ménagères, quand elle était inéquitable, il y avait souvent cette idée que les hommes n’ont pas le temps, ils ont un travail plus prenant, ils font plus de trajet, ils sont plus souvent dehors, donc ils ne peuvent pas. Là il a une espèce de révélation parce que tout le monde était confiné à la maison et il n’y a eu aucun remaniement, aucun changement dans la répartition des tâches ménagères dans la plupart des couples. La charge des enfants ça n’a pas été que le soir et le matin, c’est retombé toute la journée sur les mères.
On peut espérer qu’on retrouve la tendance dans le logiciel libre, vous allez la retrouver une fois que ça ce sera passé, en tout cas on a vu très clairement qu’en termes de répartition les mères avaient été bien plus impactées pendant la pandémie.
Isabella Vanni : Ce que tu viens de dire c’est que la situation, la différence de genre dans l’informatique, dans le logiciel libre en particulier, si on la regarde du point de vue du prisme de la vie au quotidien, nous montre que ça peut basculer à tout moment. On peut se dire que dans les moments d’urgence ceux qui font des travaux, ont des emplois plus importants ce sont les hommes, finalement les femmes s’occupent en plus de la maison, des enfants, comme tu le dis les mères sont plus souvent en charge des enfants. J’ai envie de demander comment faire ou éviter de retomber dans cette situation. C’est bien plus loin qu’il faut aller, c’est peut-être dans l’éducation, tout simplement, des enfants. Il faut commencer à parler un peu de solutions !
Isabelle Collet : On est à 10 % ! Une érosion quand on parle de 10 %, tant pis !, le problème n’est pas là, le problème c’est qu’on est à 10 % !
Je suis en science de l’éducation, je ne vais pas vous dire que l’éducation ce n’est pas important, en fait ça ne me va pas parce que j’ai 50 ans et je n’ai pas envie d’attendre que ceux qui ont 5 ans aujourd’hui fassent l’égalité dans 25 ans ; c’est l’égalité tout de suite qui m’intéresse. Pour le coup, des femmes compétentes, en capacité de programmer, qui auraient envie de s’engager par exemple pour le logiciel libre, je ne pense pas qu’elles ont 5 ans aujourd’hui et qu’il va falloir attendre 20 ans qu’elles soient en capacité.
Étant donné le tout petit pourcentage, je pense qu’il faut absolument avoir des actions volontaristes au sein de la communauté et, en particulier, il est très important de faire son deuil de cette idée que dans le logiciel libre c’est ouvert, tout le monde peut venir et il n’y a qu’à ! Que si les femmes ne viennent pas c’est parce qu’elles n’osent pas, qu’elles n’ont pas la compétence ou qu’elles n’ont pas envie parce que nous on ouvrira les portes à tout le monde. Écoutons ce que disent les femmes dans le logiciel libre, ce qu’elles ont vécu, et même si elles le vivent de la part d’une minorité d’hommes, ça leur enlève l’envie de rester. Réfléchissons à pourquoi cet univers n’est pas suffisamment attirant. Ne plus mettre la faute du côté des femmes qui n’auraient qu’à venir et si elles ne veulent pas, eh bien elles ne veulent pas, on ne va pas les forcer, mais plutôt se demander qu’est-ce qui fait que cet endroit qui est si chouette – parce qu’en général les hommes qui y sont absolument convaincus que c’est un endroit qui est vraiment chouette – n’attire pas les femmes ? Ce n’est pas uniquement parce qu’elles ont la charge d’enfants, évidemment, on ne peut pas renvoyer la responsabilité sur la société en disant « le jour où la société sera égalitaire, les femmes seront là ». Non ! On peut tout à fait renverser la tendance en allant au-devant de ces situation, déjà de base, avec une tolérance zéro, mais alors zéro, contre toute agression, harcèlement sexuel, propos dévalorisant. S’il y avait déjà cette tolérance zéro, ça rendrait les communautés libres safe, ça ferait des safe spaces pour les femmes.
Isabella Vanni : Tout à fait. Je voulais justement parler de solutions, comment surmonter cette différence, ce gap énorme, tu disais 10 %, même s’il y a un peu d’érosion ça reste quand même très important. Je sais qu’il y a une initiative qui s’appelle Outreachy, je ne sais pas si je prononce bien, qui se pose comme une piste possible de solution. Peux-tu en parler un peu plus Stefano ? Déjà qui a lancé cette initiative et en quoi consiste-t-elle ?
Stefano Zacchiroli : Outreachy fait partie de plusieurs initiatives qui existent depuis 15 ans, je dirais, dans les communautés libres, pour augmenter la diversité et l’inclusion, d’ailleurs pas que de genre. Outreachy est une initiative intéressante qui vient du projet Gnome. Initialement, je crois que le nom original était GNOME Outreach Program for Women.
Isabella Vanni : Gnome est un environnement de travail.
Stefano Zacchiroli : Un environnement de travail graphique.
Isabella Vanni : Quand elles utilisent un ordinateur la plupart des personnes, celles qui ne sont pas geeks, ont normalement un environnement de travail qui permet d’accéder plus facilement aux différentes applications et il y en a un qui s’appelle Gnome.
Stefano Zacchiroli : Tout à fait. Outreachy est un programme de stages, d’internships qui prend son inspiration dans l’initiative Google Summer of Code que Google avait lancée il y a 20 ans, un peu moins peut-être, pour, en gros, payer des stages à des étudiants pendant l’été, d’ailleurs l’été de l’hémisphère nord, dans des projets libres. Avec aussi d’autres intérêts pour l’entreprise, notamment d’identifier de futurs candidats, etc., donc il y avait deux côtés, un côté mécénat et un caté d’intérêt de la boîte. En fait le projet GNOME a lancé quelque chose d’équivalent, mais, ne pouvant pas payer lui-même en tant que projet libre, nonprofit, les stages pour tout le monde, c’est une initiative que des organisations qui voulaient payer le stage ont récupéré, au titre de mécénat. Le projet le GNOME faisait la mise en relation entre les sujets sur lesquels travailler autour du projet logiciel libre GNOME, les mentors, en gros les enseignants, les encadrants qui suivaient les stagiaires pendant les stages pour faire cette sorte de matchmaking entre qui a un sujet et qui est disponible pour y travailler.
L’initiative a été généralisée quelques années plus tard dans Outreachy qui est devenu une initiative qui fait exactement ce que je viens de vous dire, une sorte de mise en relation entre projets qui ont besoin de stagiaires techniques, à condition que ce soit des projets libres, mécènes qui sont disponibles pour payer pour ces stages et encadrants qui viennent des projets pour encadrer les étudiants. Cette initiative a pour objectif, en gros, d’augmenter la diversité de genre, d’origine géographique ou autre, dans les projets libres. En fait, toutes les communautés qui sont sous-représentées dans le logiciel libre sont invitées à participer.
Isabella Vanni : Ce que tu dis est important, « sont invitées à participer ». Je pense qu’au moment, comme Isabelle le rappelait, les femmes ont déjà besoin de sentir à l’aise dans leur environnement de travail, je pense que la façon dont on formule l’invitation est importante. Que faites-vous par rapport à d’autres projets pour faire comprendre ce qu’est vraiment un environnement safe, que les femmes seront contentes de travailler sans se faire embêter ?
Stefano Zacchiroli : Je précise que j’ai participé à Outreachy comme encadrant, je ne suis pas un des organisateurs. Le projet est porté aujourd’hui par une nonprofit américaine qui s’appelle Software Freedom Conservancy, j’ai participé à la fois comme encadrant pour Software Heritage et dans le passé pour Debian. Ce que tu dis est très important. Le fait qu’un projet libre participe à une initiative comme Outreachy c’est une indication du fait que ce projet est déjà conscient du problème du manque de diversité dans son projet et il encourage les personnes qui appartiennent à des communautés traditionnellement sous représentées dans le logiciel libre à participer, donc c’est une indication très importante. Une autre indication que je voulais ajouter ici, c’est l’adoption par un projet libre d’un Code of Conduct, de règles de bonne conduite qui disent ce qu’il faut faire en cas de harcèlement, comment il faut se comporter pour éviter le harcèlement. Il faut aussi de la formation aux membres de la communauté pour éviter les comportements qui peuvent se faire se sentir un peu mal à l’aise n’importe quel membre de la communauté.
Isabella Vanni : C’est une gradation. Avant d’être insultée ou agressée sexuellement il y a déjà le fait de recevoir des blagues sexistes qui est très désagréable, c’est déjà une violence. C’est bien de mettre tout ça sur la table.
Stefano Zacchiroli : Tout à fait. Je dirais que c’est le deuxième gros signe qu’un projet libre peut donner : dire « nous prenons au sérieux ce type de problème, notamment le harcèlement quand il se manifeste, et voici nos solutions, ce que nous faisons dans le cas où ce problème se manifeste dans notre projet ».
Isabella Vanni : Très bien.
On a évoqué plusieurs études qui ont été faites sur la diversité de genre dans l’informatique et dans le logiciel libre en particulier. Ça veut dire qu’on était au courant qu’il y avait un problème et que c’était intéressant d’explorer, de comprendre. Pourtant, Isabelle, lors des échanges qu’on a faits pour préparer l’émission, tu as évoqué une enquête du début des années 2000 sur ce sujet-là et tu disais que les conclusions de cette enquête reflètent la faible prise de conscience sur la question de genre. Je voulais en savoir plus, c’est-à-dire qu’il y a eu une étude sur ce sujet, mais, en même temps, ça n’avait pas l’air de considérer que c’était important d’investiguer, d’approfondir.
Isabelle Collet : Ce que dit Stefano est génial, c’est-à-dire qu’actuellement on prend acte que le problème n’est pas du côté des femmes, ce n’est plus Fix the Women, c’est Fix the System. Là, évidemment, c’est un grand progrès.
Quand on a commencé à faire cette enquête, que j’ai commencé à travailler sur la question genre et numérique, j’ai rencontré des gens qui me disaient : « Les femmes ne veulent pas, le problème est de leur côté », ou alors « c‘est la société qui est comme ça et nous en sommes les victimes en quelque sorte ». Cette enquête FLOSS [Free/libre/open-source software] disait, en gros, que comme les femmes étaient prises par les tâches ménagères, qu’elles faisaient une double journée de travail, pour toutes ces raisons-là elles n’avaient pas le temps de se mettre dans le logiciel libre. Oui, ça fait partie des causes, et la pandémie a rappelé qu’on peut même aggraver les choses, ça en fait partie, mais cette enquête n’avait pas ouvert le champ à s’interroger sur est-ce que ce ne serait pas le phénomène de cooptation, est-ce que ce ne serait pas le comportement de certains individus qui, plus sûrement que les tâches ménagères éloigneraient les femmes de ce domaine ? J’ai discuté avec Françoise Conil il y a quelque temps sur ces chartes mises en place pour éviter les comportements malvenus.
Isabella Vanni : Tu peux nous la présenter brièvement pour les personnes qui ne la connaîtraient pas, s’il te plaît.
Isabelle Collet : Françoise Conil est une chercheuse en informatique qui travaille dans le logiciel libre, nous étions à une rencontre du numérique à Lyon [Journée du Libre Éducatif, 1er avril 2022[, NdT], d’ailleurs elle est dans une formidable BD sur les femmes en informatique Les décodeuses du numérique.
Isabella Vanni : On mettra la référence si tu nous la transmets, avec grand plaisir.
Isabelle Collet : Je vous donnerai la référence.
Elle nous disait qu’au début, quand ces chartes ont été mises en œuvre, elle avait rencontré une très forte résistance disant un, on n’en a pas besoin — je ne sais pas si les hommes qui disaient « on n’a pas besoin » étaient les mieux placer pour s’en rendre compte — et deux, « ça va mettre un soupçon sur nous tous, c’est-à-dire qu’à cause de cette charte on va tous être soupçonnés ». C’est prendre le problème à l’envers. Si un soupçon risque de planer sur chaque homme ce n’est pas à cause des femmes qui dénoncent, c’est à cause des hommes qui harcèlent. Cette prise de conscience que c‘est un problème de toute la communauté, c’est-à-dire des hommes, que c’est à la communauté de faire attention à ce que, parmi eux, il n’y ait pas ces genres de comportements qui excluent les femmes, ce sont des prises de conscience qui sont vraiment récentes. C’est pour ça que les premières enquêtes qui ont fait les comptes constataient le déséquilibre, mais c’était difficile de se remettre en question, de remettre en question la communauté face à cette idée qu’on est libre, on est ouvert, tout le monde peut venir, donc, en gros, on est les gentils, que ça ne peut pas venir de nous.
Isabella Vanni : Stefano, tu veux rebondir sur ce point ?
Stefano Zacchiroli : Je suis complètement d’accord et je veux ajouter un élément qui est l’élément de rôle modèle, l’exemple que les projets libres, notamment les projets libres assez connus, peuvent donner aux nouveaux projets libres. On constate que la production de logiciels libres, au moins de ce qu’on peut voir via Software Heritage, augmente exponentiellement. Même si on corrige des problèmes de sexisme ou de discrimination dans un certain nombre de projets qui existent aujourd’hui, il y en deux fois plus qui vont être créés dans les prochaines années, même seulement dans la prochaine année, qui peuvent être des projets bien construits pour éviter des problèmes de discrimination ou alors qui peuvent répliquer des problèmes qui sont déjà réglés dans les projets précédents.
C’est très important d’avoir des projets de communautés libres de succès qui contiennent des personnes qui sont regardées comme des exemples par beaucoup de développeurs et de développeuses, des activistes dans le domaine, et qui demain, quand elles vont créer un nouveau projet libre, elles le créent tout de suite sur des bases qui favorisent la diversité et qui n’engendrent pas de discrimination.
Isabella Vanni : Ça pourrait être le mot de la fin. Normalement on a l’habitude de demander un mot de la fin, on est un peu juste avec le temps. Je constate qu’il y a au moins deux bonnes nouvelles, c‘est-à-dire qu’il y a quand même une progression du nombre de femmes contributrices, même si, comme Isabelle l’a rappelé, le ratio reste assez bas, mais il y a quand même une progression, donc on le remarque. Il y a aussi ce changement qu’Isabelle a bien souligné en t’entendant parler, Stefano, ce changement de prospective, c’est-à-dire qu’on a l’impression que les hommes ont finalement compris que le problème est de l’autre côté.
Isabelle, tu souhaites peut-être ajouter quelque chose, en moins de deux minutes, nous n‘avons pas beaucoup de temps.
Isabelle Collet : Je suis d’accord que c’est un bon mot de la fin parce que, mine de rien, entre le moment où j’ai commencé à travailler sur ce sujet, un peu avant les années 2000, j’étais dans un désintérêt complet. Aujourd’hui non seulement c’est un sujet, mais, en plus, il y a une vraie prise en main par le bon bout. Je pense qu’on a vraiment de bonnes raisons d’être optimistes.
Isabella Vanni : C’est parfait. Stefano, tu veux rajouter quelque chose ?
Stefano Zacchiroli : Juste une remarque. Le logiciel libre est censé libérer les utilisateurs de dispositifs numériques et ces libertés sont là pour éviter les discriminations de qui a le pouvoir dans un ordinateur, qui l’a construit, qui a construit les logiciels qu’il y a dedans, et les utilisateurs. Pour minimiser le risque que ce pouvoir soit abusé, en gros il faut que les producteurs de logiciels libres respectent la diversité qui existe dans la société. Augmenter la diversité dans les communautés qui produisent du logiciel libre n’est pas seulement un sujet pour éviter, en soi, les discriminations dans les communautés, mais c’est aussi un sujet pour réduire, minimiser les risques qu’il y ait des dynamiques mauvaises de pouvoir entre les producteurs et les utilisateurs des technologies. C’est vraiment un enjeu de société au sens beaucoup plus large de celui qu’on peut imaginer si on regarde seulement les communautés de libristes.
Isabella Vanni : Conclusion parfaite, j’ai envie de dire.
Je souhaite vraiment remercier énormément nos deux invités, Isabelle Collet et Stefano Zacchiroli, je vous souhaite une très bonne continuation avec vos projets. Merci d’avoir participé.
Stefano Zacchiroli : Merci.
Isabelle Collet : Merci et au revoir.
Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Isabella Vanni : Après la pause musicale nous entendrons la chronique de Vincent Calame qui est déjà arrivé au studio, il est avec moi. Pour l’instant nous allons écouter Women Thoughts par Cyber SDF. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Women Thoughts par Cyber SDF.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Women Thoughts par Cyber SDF, disponible sous licence libre CC By 3.0.
[Jingle]
Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni. Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique de Vincent Calame « Jouons collectif » sur le thème « Logiciel libre, outil convivial »
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame qui porte aujourd’hui sur le thème « Logiciel libre, outil convivial ».
Bonjour Vincent. À toi la parole.
Vincent Calame : Bonjour Isabella.
Pour cette dernière chronique de la saison, je vais commencer par faire un peu de réclame : la fondation Charles Léopold Mayer – FPH –, qui accueille l’April Camp à la fin de cette semaine, a fondé une maison d’édition, les Éditions Charles Léopold Mayer qui publient des ouvrages sur la transition écologique, économique et sociale. Son succès de vente de l’an dernier est un ouvrage au format de poche de Barbara Nicoloso intitulé Petit traité de sobriété énergétique. Je précise que le PDF d’impression de l’ouvrage est disponible gratuitement sur le site des éditions et vous trouverez les références sur le site de l’émission.
Le lien entre logiciel libre et sobriété énergétique serait très intéressant à approfondir et j’espère pouvoir revenir sur le sujet lors de la prochaine saison de Libre à vous !. Cependant, pour aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une citation d’Ivan Illich que m’a fait découvrir cet ouvrage, citation qui, si elle ne concerne pas directement les logiciels libres, s’y applique de façon presque ironique.
Isabella Vanni : Pourrais-tu préciser qui est Ivan Illich, s’il te plaît ?
Vincent Calame : Rapidement, je vais surtout citer sa fiche Wikipédia. C’est un philosophe autrichien né en 1926 et mort en 2002 qui, après un passage par la prêtrise, est devenu un penseur de l’écologie politique et une figure importante de la critique de la société industrielle. On lui doit plusieurs notions intellectuellement stimulantes comme celle de la « vitesse généralisée ». Celle qui va nous intéresser ici est celle « d’outil convivial ». La citation est la suivante, elle est page 119 de l’ouvrage, d’ailleurs elle est aussi sur la fiche Wikipédia : « J’appelle société conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. » ; c’est dans La Convivialité publié en 1973.
Barbara Nicoloso, dans le petit traité, rajoute à la suite de la citation : « Elle, donc la convivialité, permet de s’émanciper des systèmes socio-techniques en encourageant les personnes à s’épanouir en accomplissant les choses elles-mêmes et en partageant leurs savoir-faire et connaissances avec autrui ».
Je pense que c’est une définition qui irait très bien au logiciel libre, n’est-ce pas ? On pourrait même dire que le logiciel libre est l’outil convivial par excellence !
Isabella Vanni : Tu avais parlé d’ironie à propos de cette citation ?
Vincent Calame : Oui, parce que je pense que toute personne qui a fait de la promotion des logiciels libres a subi, j’en suis sûr un jour ou l’autre, cette remarque : « Le logiciel libre Trucmuche, c’est quand même moins convivial que le logiciel privateur bien connu Machinchouette ». Remarque qui allie souvent de vrais arguments à beaucoup de mauvaise foi et de paresse intellectuelle.
Alors voilà, chères militantes et militants du logiciel libre, la prochaine fois qu’on vous sort cet argument, vous pourrez répondre qu’au sens donné au mot « convivial » par Ivan Illich, « le logiciel libre Trucmuche est 10 fois, 100 fois, 1000 fois plus convivial que le logiciel privateur Machinchouette ! » Et toc ! Si, avec ça, vous ne laissez pas votre interlocuteur bouche bée, j’en perds mon latin.
Bon, bien sûr, ce n’est pas une excuse pour faire des interfaces pourries dans les logiciels libres, nous sommes d’accord, on ne va pas prétendre que la ligne de commande est un parangon de convivialité. Nous avons besoin des graphistes, des spécialistes des interfaces pour que ce soit agréable à l’œil et facile à prendre en main. Mais j’ai trouvé intéressant qu’un terme comme convivialité, utilisé parfois ad nauseam pour nous vendre des pseudo-innovations – d’ailleurs tout comme « intuitif » ou le beau mot « expérience » qui est horriblement détourné – soit vu sous un autre angle, revienne à sa définition première. En effet, d’après le Larousse, le premier sens du mot convivialité est la « capacité d’une société à favoriser la tolérance et les échanges réciproques entre les personnes et les groupes qui la composent ». Qualifier de « convivial » un logiciel qui vous aliène à force de simplifier les choses, est-ce que ce n’est pas là, au fond, que réside le véritable abus de langage ?
Isabella Vanni : Super. Tu as bien conclu cette saison 5 et ce sera avec grand plaisir qu’on t’accueillera pour la saison 6, on a même fait un petit teasing, ça parlera peut-être de sobriété énergétique. En tout cas je te remercie, je te souhaite un très bel été et j’ai vraiment hâte de te retrouver pour la saison 6.
Vincent Calame : Merci. À vous aussi.
Isabella Vanni : Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Isabella Vanni : Un April Camp aura lieu samedi 18 et dimanche 19 juin 2022 à Paris et à distance. L’idée est de se réunir pendant un week-end entre membres et soutiens de l’April pour faire avancer des projets en cours, lancer de nouveaux projets. Tout le monde, membre ou pas de l’association, peut participer en fonction de son temps disponible et de ses envies. Les informations pratiques sont sur le bloc-notes en ligne dédié à l’organisation de l’April Camp.
À l’occasion des élections législatives, il y a le deuxième tour ce dimanche 19 juin, l’April propose aux personnes candidates de signer le Pacte du logiciel libre afin de marquer leur engagement, si elles sont élues, à promouvoir et défendre une priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans les administrations, établissements publics et collectivités territoriales ainsi qu’à défendre les droits de celles et ceux qui créent et utilisent des logiciels libres. Il est bien sûr toujours temps de nous transmettre des pactes pendant l’entre-deux-tours. Nous invitons toutes celles et ceux qui le souhaitent à contacter les candidates et candidats pour les encourager à signer le Pacte du logiciel libre et profiter de l’occasion pour les sensibiliser aux enjeux des libertés informatiques.
L’April fêtait ses 25 ans fin 2021, mais pour ce qui est des célébrations ça se passe ces jours-ci avec des pique-niques dans plusieurs lieux en France. Les prochains pique-niques 25 ans de l’April auront lieu à Marseille le dimanche 19 juin et à Beauvais le 2 juillet.
Notre émission Libre à vous ! est contributive. Vous pouvez proposer des sujets, des musiques, des personnes à inviter, tout comme vous pouvez nous adresser des remarques, des suggestions et pourquoi ne pas le faire avec nous lors de la réunion de bilan de la saison 5 et de préparation de la saison 6 qui aura lieu le 1er juillet de 10 heures 30 à midi, c’est un vendredi, en visioconférence. Si vous n’êtes pas disponible pour participer à la réunion, vous pouvez tout de même contribuer, si vous le souhaitez, en indiquant des points forts, des points d’amélioration et des idées sur le bloc-notes dédié.
Comme d’habitude je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des évènements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre près de chez vous.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Isabelle Collet, Stefano Zacchiroli, Isabelle Carrère, Vincent Calame.
Aux manettes de la régie aujourd’hui c’était mon collègue Étienne Gonnu.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts, c’est-à-dire Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, qui sont bénévoles à l’April et Olivier Grieco qui le directeur d’antenne de la radio. Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et question sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 21 juin 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur la musique libre avec notamment des interviews d’artistes qui ont choisi de publier sous licence libre leurs créations musicales. C’est l’occasion pour moi de me rattraper parce que j’avais oublié de vous signaler, lors de la première pause musicale, que la voix qui chantait dans le tout premier morceau est celle de Minda Lacy, artiste qui sera parmi les personnes interviewées. Vous pourrez écouter l’interview de Minda Lacy à l’occasion de la prochaine émission.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 21 juin 2022 à 15 heures 30. Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 21 juin et d’ici là, portez-vous bien !
Générique de fin d’émission : WeSoftware Heritage Tone par Realaze.