Bonjour tout le monde.
En général je commence mes interventions par une petite devinette. Aujourd’hui, comme on est quand même sur Devoxx et que vous êtes quand même un petit peu tech, je me suis dit que j’allais vous poser une question, une devinette sur Apollo 13 : selon vous, quel est le point commun entre l’avenir de l’humanité et Apollo 13 ? Ce n’est pas évident, je pense que c’est la première fois que vous l’entendez, celle-là. Vous allez voir qu’en fait il y a trois points communs. Ça sonne un peu comme un western spaghetti. Il y a trois points communs : c’est le CO2, la low-tech et les hackers ; ça fait un peu Le Bon, la Brute et le Truand, quelque part. Vous allez voir qu’il y a vraiment trois points communs, réellement, sérieusement, entre l’avenir de la planète, l’avenir de l’humanité et puis la mission Apollo 13.
En 1970, Apollo 13 a eu un petit problème. Ils étaient dans leur vaisseau spatial en train d’essayer d’aller conquérir la Lune, un réservoir d’oxygène a explosé et ils se sont retrouvés dans une situation un peu critique avec le taux de dioxyde de carbone, le CO2 donc, qui augmentait de façon un peu catastrophique dans le vaisseau spatial.
Là, les ingénieurs de la NASA sont allés chercher, eh bien finalement les gens qu’il y a dans cette salle, des hackers, des experts de la techno, qui aiment la techno et qui aiment pousser la techno dans son retranchement. Il a fallu, pour les anciens qui ont les cheveux gris, qu’ils fassent un peu les MacGyver de l’espace avec du scotch, avec des tuyaux, avec des filtres qui n’étaient pas carrés qu’il fallait faire rentrer dans des ronds, ce qu’on appellerait aujourd’hui de la low-tech, ils ont dû trouver une solution en urgence pour arriver à construire quelque chose qui fonctionne concrètement pour filtrer le dioxyde de carbone dans le vaisseau spatial.
Donc finalement CO2, hackers, low-tech, c’est ce qui a fait le succès de la mission Apollo 13 qui a pu rentrer sur terre en vie.
Aujourd’hui l’équipage d’Apollo 13 c’est nous, c’est l’humanité finalement. Quand on y réfléchit bien, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a émis une quantité astronomique de gaz à effet de serre sur terre, donc concrètement dans notre vaisseau spatial, avec une concentration qui devient vraiment impossible dans l’atmosphère. Dans 78 ans, si on continue sur cette lancée, on aura triplé la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Comme vous le savez, c’est juste un petit rappel avant d’attaquer le sujet, ça va augmenter très sérieusement la température à la surface de la Terre. Pour l’instant nous sommes lancés dans une tendance à + 4 degrés et + 4 degrés c’est vraiment trop pour pouvoir maintenir la vie sur Terre.
Les scientifiques du monde entier, du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], nous disent qu’aujourd’hui ce n’est plus l’objectif Lune, c’est l’objectif 1,5 degré. Il va falloir tenir un réchauffement global au maximum de 1,5 degré sur Terre et, pour y arriver, on a trois échéances. La première : d’ici trois ans on doit avoir atteint le pic de nos émissions de gaz effet de serre sinon, après, plus de Devoxx. Et, dans huit ans, on doit avoir divisé par deux nos émissions de gaz à effet de serre sinon, après, plus de Devoxx. Vous imaginez un petit peu le travail qu’il nous reste à faire. La question qu’on peut se poser c’est est-ce qu’on est en ligne avec les préconisations des scientifiques ? En fait pas du tout ! Houston, we have again a problem, avec mon accent au moins aussi bon que celui des Belges.
Quand on regarde un peu les chiffres, en 2021 on a battu un record historique d’émissions de gaz à effet de serre. Il y a trois semaines, disons quelques semaines, au mois de mars 2022 il a fait –12 degrés à la station Concordia en Antarctique, c’est 40 degrés de plus que la moyenne saisonnière. Imaginez aujourd’hui si, à Paris, on augmente la température dans la salle de 40 degrés, imaginez ! C’est ça qu’on est en train de vivre concrètement sur Terre.
Quand on regarde un petit peu les réactions qu’on a par rapport à ce sujet, on a signé les accords de Paris en 2015, mais depuis on a émis 5 % de plus de gaz à effet de serre qu’on ne le faisait avant. Et quand on regarde le Sommet de la Terre à Rio en 1992, qui est le jalon historique, le moment à partir duquel on a commencé à s’intéresser sérieusement au climat, on a augmenté de 60 %. Autant vous dire qu’on a vraiment un problème parce que plus on s’intéresse au climat, plus on émet des gaz à effet de serre. Il y a un truc qui ne va pas ! Concrètement, ça ne va pas le faire pour Devoxx dans trois ans !
Le sujet c’est : comment peut-on faire, chacun à son échelle, pour hacker le système, pour aller nettement plus loin, nettement plus vite que ce qui est en train de se passer. Il y a des enfants dans cette salle, j’en ai vu, des grands enfants, des petits enfants aussi, et nous devons quand même un avenir à nos enfants.
La première chose c’est de prendre conscience que le numérique, ce ne sont pas les 2/3/4 % qu’on entend parfois, pour ceux qui s’intéressent au sujet des émissions de gaz à effet de serre entropiques, c’est effectivement vrai, mais c’est surtout 1/3 de notre budget annuel soutenable. Notre budget annuel soutenable c’est quoi ? C’est la quantité de gaz à effet de serre qu’on peut émettre pendant un an. Concrètement, c’est la quantité de matière qu’on peut extraire de la terre pendant un an, c’est la quantité d’eau qu’on peut consommer pendant un an. Quand vous rapportez nos usages numériques à ce budget annuel soutenable, eh bien le numérique c’est déjà 1/3. C’est une bonne nouvelle parce que ça veut dire que chaque être humain, chaque femme, chaque homme dans cette salle, est une solution pour réduire ce 1/3 de notre budget annuel soutenable. Vous allez pouvoir agir si vous le souhaitez.
Pour agir efficacement, il faut évidemment comprendre où se situe principalement le problème et c’est clairement du côté des terminaux des utilisateurs – nos smartphones, nos ordinateurs, nos télévisions connectées, nos Thermomix, nos montres connectées, etc. On a bientôt 15 équipements numériques par personne, ce qui est absolument considérable.
Quand on continue à creuser, on se rend compte que c’est surtout du côté de l’extraction des minerais et de leur transformation en composants électroniques qu’on a le gros des problèmes, le gros des impacts environnementaux.
En fait, je pourrais m’arrêter là, vous avez compris le sujet : il va falloir fabriquer moins d’équipements qui durent plus longtemps. Là, en général, on me dit « je n’y peux rien, je ne suis qu’un dev ou une dev, ce n’est pas de ma faute, c’est aux fabricants de faire le job ». Sauf que, quand on y réfléchit bien et c’est une très bonne nouvelle, il y a un lien très fort entre la couche logicielle et la couche matérielle. Aujourd’hui, ici dans cette salle, on a surtout des personnes qui travaillent sur la couche logicielle, mais on se rend compte que le phénomène d’obésiciel, la croissance démente, disproportionnée, des besoins en ressources de nos logiciels, c’est finalement le premier facteur qui va déclencher l’obsolescence du matériel – nos smartphones, nos ordinateurs, nos Thermomix qui rameront peut-être demain et ne seront plus capables de faire ce qu’on leur demande, etc.
C’est vrai pour toutes les architectures techniques logicielles, c’est vrai pour tous les éditeurs, c’est vrai pour tout le monde en fait. J’ai mis deux exemples, mais on pourrait en retrouver dans tous les domaines.
C’est une très bonne nouvelle. Ça veut dire que vous qui êtes dans cette salle, vous allez pouvoir vous emparer du sujet et faire baisser la quantité de ressources dont on a besoin pour exécuter un logiciel, afficher un site web, etc.
Juste pour faire un lien avec Apollo, puisque j’ai commencé sur Apollo, avant de parler de solutions concrètes. Je vous rappelle qu’aujourd’hui, à chaque fois que vous envoyez un mail, vous utilisez autant de puissance informatique que pour emmener des hommes sur la Lune il y a 50 ans, en 1970. Ça doit quand même nous faire réfléchir un petit peu ; il y a autant de puissance informatique.
Que pouvez-vous faire concrètement dès demain ou dès cet après-midi ? Vous allez pouvoir mettre en œuvre deux démarches. La première c’est l’écoconception et la deuxième c’est la slow.tech.
L’écoconception est une démarche qui est basée sur un standard international - parce que plein d’experts, dans le monde, se sont mis d’accord -, qui vise à intégrer l’environnement dès qu’on conçoit ou qu’on réalise un service numérique.
Il y a quatre niveaux qui vont adresser, finalement, les trois premiers profils et après le citoyen.
Le premier niveau c’est pour vous : le niveau 1 c’est l’amélioration du produit. C’est l’idée que vous allez pouvoir mettre en œuvre tout un tas de réflexions sur l’architecture technique, technologique que vous utilisez, la façon dont vous écrivez vos lignes de code, des optimisations ; vous allez bien mettre en cache, compresser des fichiers, etc. Ça vise les techs et les devs.
Le niveau 2 vise les UX [User eXperience]. C’est l’idée de modifier le parcours utilisateur pour qu’il soit plus court, plus rapide, plus efficace.
Le niveau 3, ce sont les product owners, c’est comment je fais avec la même techno, les mêmes compétences, pour faire un produit différent. Comment je passe de Yahoo, un annuaire hiérarchique qui classe en catégories, sous-catégories, sous-sous-catégories, dont les plus vieux et les plus vieilles se souviennent, à Google finalement. La même techno, exactement, mais on va répondre au besoin différemment.
Et puis le niveau 4, c’est la quatrième dimension de l’écoconception, ça vise surtout le hacker ou la hackeuse qui est en vous. Là le sujet c’est carrément de supprimer tout le numérique de nos services numériques, ce qui est un peu bizarre dans une salle remplie de 3000 informaticiens, mais vous allez voir que c’est une approche qui peut être très intéressante.
Sur les trois premiers niveaux, les niveaux 1 à 3, plein de solutions existent déjà, différents collectifs, le Collectif Conception Numérique Responsable [1], le collectif Designers Éthiques [2], le collectif IT’s on us, [3] qui proposent tous des outils qui sont 100 % ouverts, 100 % gratuits. Il y a des formations, etc. Je vous invite à aller regarder de ce côté-là toutes les ressources qui sont à votre disposition pour passer à l’action dès demain. C’est vraiment facile à mettre en œuvre.
Je vous invite aussi à découvrir la quatrième édition du référentiel du Collectif Conception Numérique Responsable qu’on présentera le 10 mai prochain.
Le sujet de mon intervention ce n’est pas tant ces trois premiers niveaux, parce que vous allez pouvoir très facilement trouver les ressources et les mettre en œuvre.
Mon sujet est plutôt celui de la slow.tech [4] , parce que je pense que c’est vraiment là qu’on a un effet de levier suffisant pour fournir, livrer une planète vivable à nos enfants.
La slow.tech c’est très simple, c’est l’association, en fait, de la low-tech et de la high-tech. Vous dites la low-tech [5] vous ne voyez pas trop ce que c’est, la high-tech [6] vous voyez bien que c’est votre domaine, le numérique. Je vais vous montrer deux exemples concrets juste après.
Pourquoi est-ce important de mettre en œuvre cette démarche de slow.tech ? Parce que le numérique est une ressource non renouvelable : dans 30 ans il n’y aura plus d’ordinateurs. Ça peut paraître complètement bizarre. En général, quand je fais des conférences, les gens, dans la salle, ne réagissent pas, ça leur parait complètement impossible. Et pourtant, au rythme où on consomme les dernières réserves rentables de métaux, de minéraux, eh bien dans 30 ans il n’y a plus d’ordinateurs : entre la barrière minéralogique, le coût écologique inacceptable, le coût économique dément, on ne pourra plus fabriquer d’ordinateurs.
Si, comme moi, vous pensez que la tech et le numérique sont une formidable ressource, que c’est génial pour se soigner, simuler l’évolution du climat, éduquer nos enfants, se divertir, etc., il va falloir commencer à économiser cette ressource pour pouvoir en léguer à nos enfants.
Je vous rappelle que notre objectif de 2100 c’est dans 78 ans et 78 ans c’est une vie d’homme, donc 2100 c’est demain en fait !
Pour pouvoir léguer du numérique à nos enfants, vous allez pouvoir mettre en œuvre cette démarche de slow.tech qui, finalement, est très simple, c’est du bon sens paysan.
Un retour d’expérience concret.
La startup WeatherForce [7], basée à Toulouse, calcule des prévisions pluviométriques pour des agriculteurs. Initialement, ils avaient une application 4G, dernier cri à l’époque, qui fonctionnait sur des smartphones 4G, avec un réseau 4G déployé, etc. Ils voulaient réduire l’impact environnemental de leur solution tout en conquérant les pays émergents, le gros vivier, finalement, de leurs futurs clients.
À l’époque on les a accompagnés. On a abouti à une solution qui visait à associer de la low-tech avec de la high-tech. De la high-tech on a conservé les supercalculateurs à Toulouse, blindés d’IA, qui calculent les prévisions pluviométriques ; il n’y a que des ordinateurs, des informaticiens, des algorithmes qui savent faire ça. Par contre, pour transmettre les prévisions pluviométriques et surtout les alertes aux paysans dans un village pilote en Côte d’Ivoire, autant vous dire que tout le monde n’est pas équipé d’un smartphone 4G et que la 4G ne passe pas partout, eh bien nous sommes revenus sur une solution low-tech ou low-tech numérique : un simple SMS en 2G et ça fonctionne très bien.
Le problème c’est qu’il y a 30 % d’illettrisme dans ces zones rurales, alors nous sommes allés chercher une solution encore plus low-tech mais très efficace. Nous avons équipé tous les instituteurs et les institutrices du village, nous leur avons donné accès à un abonnement. Ils écrivent et dessinent à la craie, sur un tableau noir, les prévisions pluviométriques qui seront ensuite transmises par les enfants, lorsqu’ils rentrent de l’école, à leurs parents.
Grâce à cette association on a transformé des écrans de smartphone 4G en des tableaux noirs avec des craies et cette startup WeatherForce est en train de devenir le leader mondial dans son domaine parce qu’elle est capable d’attaquer des marchés qu’elle n’aurait jamais attaqués, parce qu’elle a, en fait, dé-clivé sa pensée. Elle est sortie du tout technologique, elle a associé low-tech et high-tech pour une solution globale qui répond vraiment à ces enjeux.
Pour vous donner un dernier exemple avant de conclure. Dans le cas du dépistage du cancer, on a deux approches qui sont diamétralement opposées, qui sont très intéressantes. On a d’un côté Google qui a une intelligence artificielle, donc super tech, qui détecte mieux certains cancers – sein et poumons notamment – que des oncologues. À force d’entraîner les IA sur des millions d’itérations, elles détectent quelques pixels sur un énorme cliché, qui est un signal faible du fait qu’il y a peut-être un cancer qui est en train de se déclencher. Un être humain, aussi brillant soit-il, ne va pas détecter ces trois pixels.
En France on n’a pas Google, mais on a l’Institut Curie avec des chercheurs qui se sont dit « puisqu’on est capable de détecter de la drogue avec des caniches et des bergers malinois comme Thor, qui apparaît sur la photo, c’est son nom, peut-être que quand on est malade, on émet des phéromones, des marqueurs olfactifs, qui sont détectables par un chien ». Le projet KDOG [8] démontre aujourd’hui qu’un chien détecte mieux, donc plus précocement et avec moins de faux positifs, un cancer.
L’idée de la slow.tech ce n’est surtout pas de jeter l’IA, mais c’est de se dire que quand un chien est capable de détecter un cancer, n’utilisons pas, ne grillons pas les dernières réserves de numérique à notre disposition pour faire ce qu’un chien sait faire. Conservons cette puissance informatique pour calculer l’évolution du climat, pour faire n’importe quoi d’autre qu’un chien ne sait pas faire. C’est finalement ça l’idée de la slow.tech.
Pour conclure. Le grand défi du 20e siècle c’était de conquérir la Lune. L’URSS, qui s’appelait à l’époque encore l’URSS, et les États-Unis d’Amérique se tiraient la bourre et l’enjeu c’était à qui poserait le premier le pied sur la Lune. Pour relever ce défi, la NASA, à l’époque, a eu l’intelligence, je dirais même l’ingéniosité, d’associer des hackers, de la low-tech, de la high-tech. Elle a pris tout ce qu’elle avait à sa disposition pour relever le défi.
Aujourd’hui, au 21e siècle, notre défi c’est de livrer un monde viable à nos enfants. On a trois ans pour atteindre le pic de nos émissions. On a huit ans pour avoir divisé par deux nos émissions de gaz à effet de serre. Ça veut dire qu’il va falloir s’y coller de façon vraiment sérieuse.
Avec les deux approches que je viens d’aborder vous avez vraiment, à l’échelle individuelle, chacun, chacune d’entre vous, les moyens d’infléchir cette trajectoire pour qu’on puisse enfin transmettre à nos enfants un monde qui soit plus viable.
Ça a l’air un peu trop sérieux quand je fais la conférence de cette façon-là, mais, au quotidien, c’est en plus hyper-créatif. Si vous étiez fans de MacGyver à l’époque, quand vous étiez petit, je peux vous dire qu’on s’éclate au quotidien, c’est super intéressant, on redevient vraiment des hackers au sens noble du terme et c’est vraiment réjouissant.
Si vous voulez nous rejoindre, si vous voulez passer à l’action, on vous encourage vivement à vous former sur le sujet pour avancer, pour gagner du temps, et surtout à nous rejoindre. Tout ce qu’on fait est 100 % gratuit et 100 % open source. Je vous ai mis l’adresse de notre dépôt [github.com/cnumr].
On partage avec le reste du monde des outils pour accélérer le mouvement. On a besoin de votre intelligence. On a besoin de votre énergie, on a besoin de vos bras pour faire avancer le sujet plus vite. C’est vous, les hackers dans cette salle, qui pouvez nous aider à vraiment insuffler cette énergie et faire avancer la problématique.
Merci.
[Applaudissements]
Frédéric Bordage : Je ne sais pas comment ça se passe pour la suite. Est-ce qu’il y a des questions ?
Animatrice : Levez la main s’il y a des questions pour Frédéric. On a quelques minutes. On a le temps pour une question. Je vais prendre quelqu’un au hasard au deuxième rang.
Public : J’ai une question assez rapide. Par rapport à l’effet rebond, on économise et on se rend compte que, derrière, du coup on améliore l’efficience, l’efficacité, mais au bout du compte on ne diminue rien dans la consommation. C’est ce qui s’est passé dans beaucoup d’optimisations qui ont eu lieu. Qu’en pensez-vous ?
Frédéric Bordage : L’effet rebond existe. La 5G, littéralement, unitairement par mégaoctet transféré, ça consomme nettement moins d’électricité, nettement moins d’impact, mais comme on va en transporter beaucoup plus en valeur absolue ça aura plus d’impact. C’est ça l’effet rebond, tout à fait. C’est pour ça qu’on vous amène à penser le sujet plutôt en slow.tech, c’est-à-dire à aller vraiment beaucoup plus loin dans la réflexion et à sortir des gains d’efficience uniquement. C’est super important les gains d’efficience et autant en profiter, mais ils ne seront jamais suffisants. Aujourd’hui il faut vraiment sortir du cadre actuel, on est dans de l’optimisation technologique, mais, concrètement, ça ne sera pas suffisant.
Le monde de demain sera inéluctablement low-tech, que ça nous plaise ou non. Pourquoi ? Parce que la tech, les véhicules électriques, le numérique, les énergies renouvelables sont progressivement en train d’épuiser les dernières réserves rentables de métaux et de minéraux à notre disposition. Quoi qu’on fasse, à l’échelle de quelques générations le monde de demain sera plus low-tech. Que ce soit bien ou mal, que ça nous plaise ou pas c’est comme ça ! L’enjeu c’est de commencer à dé-cliver notre pensée et vraiment à chercher à associer des chiens à des intelligences artificielles, des tableaux noirs et des supercalculateurs à Toulouse ; c’est comme ça qu’on va construire l’avenir de l’humanité.
Très probablement que les grands succès de demain de Google, sans faire du tout l’apologie de Google, injecteront cette idée de la slow.tech dans leur ADN.
Animatrice : Merci beaucoup. Est-ce que tu vas rester la journée ?
Frédéric Bordage : Oui.
Animateur : Donc vous pourrez tous et toutes lui poser des questions qu’on n’a peut-être pas abordées. Maintenant c’est la pause. Profitez de la journée et merci beaucoup, merci tout le monde.
[Applaudissements]