Si c’est “gratuit”, c’est toi qui produis Pas Sage en Seine 2024

À propos de notre rapport aux grandes entreprises du capitalisme de surveillance, on entend très souvent la phrase « Si c’est gratuit, c’est toi le produit ! »
Dans cette présentation, nous remettrons en cause cette affirmation, d’abord en prenant du recul sur ce que sont effectivement les Big Tech et sur notre rapport à ces entreprises, en nous interrogeant sur les moyens de lutter contre le capitalisme de surveillance, puis en revenant sur la notion de commun pour dédiaboliser la gratuité qui n’est pas le bon critère pour déterminer ce qui est asservissant ou non.

Bonjour à tous et à toutes. Bonsoir, plutôt, vu qu’il est 18 heures.
Je vais commencer par présenter des excuses, parce que j’ai un début de migraine depuis le milieu de l’après-midi.

Public :Allez ! Tu es la bonne personne [1]

Pablo : Il se trouve que je suis un mec blanc, cis, hétéro, presque valide, je n’ai pas trop de problèmes de légitimité, ça va aller, ce n’est pas la peine de me dire que je suis la bonne personne, j’en ai déjà l’impression, ne vous inquiétez pas pour moi. J’ai mal au crâne, je suis désolé si c’est un peu ramolli.

L’idée de la conférence que je vais vous faire aujourd’hui, c’est de discuter de notre place dans les rapports de production par rapport aux Big Tech. Les Big Tech, ce sont les GAFAM [Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft], mais pas que, aussi les BATX [Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi] et les YVMOR [Yandex, VKontakte, Mail.ru, Odnoklassniki et Rambler]. Les GAFAM, ce sont ceux des États-Unis, les BATX les Chinois et les YVMOR, ce sont les Russes. Globalement, ce sont les grosses entreprises du capitalisme de surveillance.

La critique doit être critiquable

Comme la dernière fois, je suis désolé pour ceux qui étaient à mon talk de vendredi, c’est pareil, je n’ai pas changé de métier, ni de courant politique, ni de type de militantisme entre-temps ! Je suis toujours enseignant-chercheur en informatique, je travaille toujours en sécurité informatique, je suis toujours militant libriste, je suis toujours militant politique, je suis toujours un militant syndical, je suis toujours un habitué de ce genre de milieu libriste.
Si je vous dis tout cela, c’est pour que vous sachiez d’où je parle, parce que tout cela va influencer mon discours et, forcément, c’est important que vous sachiez d’où je parle pour pouvoir analyser mon propos. Je ne prétends pas à la neutralité, j’essaye d’être le plus objectif possible, c’est-à-dire honnête, mais je ne suis pas neutre ; je pense que les gens qui prétendent être neutres ne le sont pas, on ne l’est jamais. Je pense qu’il est important de savoir d’où je parle pour pouvoir faire preuve d’esprit critique par rapport à ce que je raconte.

Si c’est gratuit, c’est toi qui produis

Le titre de la conférence, « Si c’est gratuit, c’est toi qui produis », je pense que vous avez deviné que c’est un glissement, on peut dire un genre de jeu de mots par rapport à cette phrase très classique « Si c’est gratuit, c’est toi le produit ». À votre avis, à quoi cette phrase s’applique-t-elle ?

Public : Au cochon qu’on nourrit gratuitement dans un élevage.
Aux petites annonces.

Pablo Rauzy : Effectivement, il y a plusieurs bonnes réponses.
La première fois que je l’ai entendue, c’était bien avant que ce soit pour des histoires d’Internet, de GAFAM, je n’avais jamais pensé aux petites annonces, etc., c’était plutôt pour les boîtes de nuit et les sites de rencontre, gratuits pour les filles parce que « c’est vous le produit ». Pour le coup, je me suis dit « ah oui, effectivement, c’est une analyse sommaire, mais matérialiste qui fonctionne de ces situations-là ». Comme ça a été dit, on l’entend aussi beaucoup au sujet des Big Tech, des GAFAM, etc., sauf que je ne suis pas trop d’accord, donc c’est de cela que je viens parler.

La phrase « Si c’est gratuit, c’est toi le produit », c’est ce qu’on appelle une implication en logique ; il y a une prémisse, il y a une conclusion : « si c’est gratuit », c’est l’hypothèse, alors « c’est toi le produit » ; c’est la construction de la phrase. On va faire un petit détour par la logique : qu’est-ce qu’une implication en logique ?
J’explique à mes étudiants que l’implication, en mathématiques, souvent ce n’est pas intuitif, en fait, on ne comprend pas bien. L’exemple que je vais vous donner, c’est un exemple que j’ai trouvé en cherchant, en me creusant beaucoup les méninges pour trouver un exemple pédagogique, pour mes étudiants et étudiantes, quand je leur faisais un cours d’introduction à l’informatique fondamentale : j’ai une proposition V qui est « le vent souffle » et j’ai une proposition E qui est « l’éolienne tourne ». À votre avis : est-ce que c’est V qui implique E, E qui implique V ou est-ce que les deux propositions sont équivalentes, c’est-à-dire que l’implication va dans les deux sens ?

Public : Inaudible.

Pablo Rauzy : Du coup, l’implication n’est vraie que dans un sens.
Vous me dites, le problème, c’est si l’éolienne est cassée.
En fait, V implique E, ce n’est pas vrai, c’est E implique V : quand l’éolienne tourne, forcément le vent souffle. On ne fait pas tourner une éolienne à vide, ça n’existe pas, on ne fabrique pas du vent avec une éolienne, pour la blague oui, sinon non. OK. Donc, le sens de l’implication intuitif, c’est de se dire que c’est le vent qui fait tourner l’éolienne, donc c’est V implique E. Mais en fait non, l’implication logique, la phrase vraie, c’est E implique V : si l’éolienne tourne alors oui, le vent souffle, c’est sûr. Par contre, dans l’autre sens, ce n’est pas forcément vrai, l’éolienne peut être bloquée, le vent peut ne pas tourner assez fort, le vent peut tourner trop fort, etc.
C’est important de comprendre ce qu’est une implication. Du coup, si on l’applique à « gratuit implique produit », on se retrouve avec gratuit c’est une condition suffisante et produit c’est la condition nécessaire ; soit gratuit est faux, soit gratuit et produit sont vrais tous les deux. C’est ça une implication.
Ce qu’il faut comprendre de ça, c’est que la gratuité serait en soi un problème et que la solution c’est d’introduire partout un rapport marchand.
Vous avez compris, par rapport à mon alignement politique, que ce n’est pas ce que je vais vous proposer, je ne suis pas libertarien, je ne viens pas ici défendre le Web 3 qui est exactement cette idée-là, je ne viens pas vous vendre des blockchains qui sont aussi cette idée-là, donc, on va laisser tomber cette affirmation, à priori elle est fausse.

Reprenons les choses à la base

On va reprendre les choses à la base : qui est-on pour les Big Tech ?
Là, je vais essayer d’être très pragmatique et concret pour guider notre réflexion, donc, on va s’équiper de l’outil de la grille de lecture matérialiste qui nous permet de comprendre et d’agir et on va réfléchir à quelle est notre place dans les rapports de production avec les Big Tech :
Qui est le produit ?
Où se trouve la valeur ajoutée ?
Quelle est notre place dans la chaîne de production de cette valeur ajoutée ?

Du coup, qui sont les Big Tech ?
Ce sont des grosses entreprises du capitalisme de surveillance et le business modèle principal – évidemment, ils ne font pas que ça, je simplifie parce que si on va chercher tous les trucs, ça va être trop compliqué – qui donne le nom de ce capitalisme de surveillance, c’est la publicité. Donc, des espaces publicitaires sont vendus à des annonceurs qui sont les clients, donc nous ne sommes pas le produit, ce sont des espaces publicitaires. On a déjà répondu à un premier truc. Donc, les principaux clients sont des annonceurs, à priori pas nous non plus, nous ne sommes pas les clients de ces produits-là. Je sais très bien que vous pouvez payer pour avoir plus d’espace sur Google Drive, je sais très bien que vous pouvez avoir un abonnement Microsoft Office 360, etc. Je parle de la partie capitalisme de surveillance, donc la publicité : les annonceurs sont les clients. J’espère pas vous non plus, d’accord n’achetez pas de boost Facebook pour faire de la pub à Pas Sage en Seine !

Cette publicité est très lucrative. Si on regarde les plus grosses capitalisations boursières du monde, on retrouve les GAFAM dans les dix premières. Ça marche très bien comme business, encore une fois ce n’est pas leur seul business, je ne dis pas que c’est leur seule activité lucrative, mais c’est un gros morceau. Ce qui a permis à Google, entre autres, d’être aussi riche, c’est le capitalisme de surveillance, c’est la vente de publicité.
D’où vient la forte valeur ajoutée de ces espaces publicitaires ? Ce n’est un secret pour personne, c’est du ciblage très efficace, permis par un profilage qui est extrêmement précis, c’est pour cela qu’on parle de capitalisme de surveillance, et des audiences importantes, voire captives dans bien des cas, sur les plateformes sur lesquelles il y a les publicités.
Pour la petite histoire, si on veut compléter le top jusqu’au 7, en fait il y a aussi une autre entreprise là-dedans, qui fait aussi partie de la sphère numérique, qui ne fait pas vraiment partie du capitalisme de surveillance, c’est Nvidia ; Nvidia [2] est à la position 3. À la position 5, c’est Saudi Arabian Oil Group, la plus grosse entreprise de pétrole.

Donc, qu’est-ce qui contribue à cette valeur ajoutée, qu’est-ce qui fait que cette publicité ciblée fonctionne aussi bien ? Comment produit-on cette valeur ajoutée ?
Les Big Tech ont des employés et ces employés fabriquent des outils qui transforment les données brutes qui ont été collectées en profils de consommation extrêmement précis, qui permettent de faire de l’affichage publicitaire très ciblé, très efficace. Plein d’articles sont parus quand on a vu ces capitalisations boursières s’envoler, etc., pour dire que les données personnelles c’est le nouvel or noir, c’est le nouveau pétrole ; effectivement, c’est passé devant Saudi Arabian Oil Group.
Les données personnelles des utilisateurs et utilisatrices, c’est donc une forme de matière première dans cette chaîne de production. Donc, la matière première, ce n’est pas nous non plus, ce sont nos données personnelles. Le rôle de certains des employés de ces entreprises, c’est de prendre ces données personnelles, de fabriquer des outils, des machines, de les faire tourner pour que ça produise des profils de consommation extrêmement affinés, extrêmement précis, qui permettent de choisir à qui on affiche quelle publicité. C’est cela qui fait la forte valeur ajoutée de ces espaces publicitaires.
C’est une première chose. Ça va jusque-là ? OK.

D’où viennent ces données ?
Pour être transformée, il faut d’abord que la matière première soit extraite d’un gisement. Par exemple, si on parle de l’or, il y a des mines pour aller l’extraire ; si on veut transformer des pierres précieuses en jolis bijoux, par exemple, avant le travail du joaillier, il faut déjà aller extraire ce truc-là dans la mine.
Le gisement, pour le coup, c’est nous. Les données personnelles sont d’abord chez nous.
Mais, ces données ne s’extraient pas toutes seules. D’autres employés des Big Tech — parfois les mêmes, mais vous voyez ce que je veux dire — nous fournissent gratuitement des outils d’extraction de ces données que nous allons utiliser. Ce sont des outils souvent chouettes, pratiques et aussi addictifs, ça fait partie du principe, c’est étudié, en général, pour qu’on revienne les utiliser. Donc, c’est nous qui faisons ce travail d’extraction des données personnelles en utilisant les outils et plateformes qui nous sont fournis : on nous donne des outils et on travaille gratuitement avec.
Donc, si on regarde notre rôle dans la chaîne de production de la valeur, eh bien nous serions des travailleurs et travailleuses. Nous utilisons les outils qui sont fournis par les Big Tech et, ce faisant, notre rôle, dans les rapports de production, correspond à un travail productif dans le processus de production de la valeur ajoutée qui est celui de l’extraction de la matière première.
Si on continue l’analogie de la mine, on fait ce travail-là avec les outils qui nous sont gracieusement fournis.

Pour qu’une publicité ait de la valeur, il faut aussi qu’elle soit vue. Il y a donc la question de l’audience et on peut se demander quel est notre rôle là-dedans.
Évidemment, quand on utilise ces plateformes, si on n’a pas de bloqueur de pub et de traqueur, on fait partie de cette audience de la publicité.
Mais, est-on cantonné à ce rôle passif d’audience, juste comme ça ? C’est très difficile de faire ça, c’est même quasiment impossible en fait, parce que ce n’est pas la télé, on n’est pas juste devant comme ça, on est toujours actif quand on est sur le Web, sur ces plateformes.
On peut se demander si toutes les activités sont équivalentes et, suivant l’activité qu’on a, si on participe plus ou moins, etc. Probablement oui, en tout cas, d’après les Big Tech, les activités ne sont pas toutes équivalentes, puisque les Big Tech acceptent de rémunérer certaines activités sur ces plateformes : Youtubeur, Youtubeuse, c’est aujourd’hui un métier et je crois que Google, la maison-mère de YouTube, qui est lui-même chez Alphabet, décide de partager une partie des revenus publicitaires, une partie de la valeur ajoutée qui a été créée, qui a été captée, avec les créateurs et créatrices de contenu, qui fournissent du contenu à la plateforme.
Si on s’arrête à ça dans l’analyse, on pourrait se dire qu’il y a, en fait, deux types d’activités : il y a production de contenu et consommation de contenu, finalement, ça serait un peu comme la télé.

Du coup, est-ce que cette consommation passive est possible sur ces plateformes ?
En fait, non, pour les gens qui regardent plus tard, likez, commentez partagez même si c’est sur PeerTube !
En fait, dès qu’on a ce genre d’utilisation de ces plateformes, très vite on clique, on partage, on fait des choses comme ça, et quand vous faites un like, ça fait quoi ? Rappelez-vous que la plateforme est désignée pour être addictive, donc, la moindre chose que vous faites et qui peut être utilisée pour envoyer une notification à quelqu’un, pour que cette personne revienne, qui peut être envoyée pour que la personne reste, etc., est utilisée. Donc, quand vous faites un clic pour liker, pour partager, etc., vous propagez le contenu. Par exemple, quand vous likez leurs photos, vos contacts reçoivent une notification par mail, s’ils ne sont pas déjà sur l’appli ou s’ils n’ont pas la notification sur leur téléphone, pour les inciter à revenir sur la plateforme. Donc, cette création de contenu, va très vite, sans qu’on s’en rende compte.

Finalement, c’est même pire que ça, c’est très difficile même si on ne crée pas de compte, si on ne clique pas sur « liker », si on ne partage rien, si on ne rajoute pas de commentaires, etc. La question, du coup, c’est : si je passe juste sur le site web, est-ce que je fais vraiment de la consommation passive ?

Du point de vue des Big Tech, est-ce qu’il y a vraiment une différence entre du contenu identifié en tant que tel et, juste les données que vous laissez passer derrière vous quand vous utilisez ? Ça fait quelle différence pour l’affinage des profils ?

J’imagine que des gens diraient que les algorithmes c’est de l’IA, je ne sais pas comment vous voulez appeler ça, mais les algos d’affinage des profils prennent en compte plein de données, y compris les métadonnées. En fait, le choix de contenu que vous consultez, l’horaire, le lieu d’accès, si vous y allez plutôt depuis un ordinateur ou plutôt depuis un smartphone, si vous passez plus ou moins de temps dessus, à quel moment vous faites « pause » sur une vidéo, à quel moment vous faites « pause » dans votre scroll sur les photos, sur les tweets ou je ne sais quoi, la sensibilité que vous avez à telle ou telle recommandation qui vous est faite, est-ce que vous allez passer votre souris dessus ou est-ce que vous allez vous arrêter sur la recommandation ou pas, tout cela est enregistré et tout cela sert aussi à affiner les profils pour que les gens qui ont des comportements similaires se voient proposer les mêmes genres de trucs qui fonctionnent bien déjà, etc.
Ces données-là alimentent autant les algorithmes de recommandation et de profilage publicitaire que les contenus produits et partagés activement. Évidemment, c’est quand même beaucoup plus clair de savoir que je partage un lien vers une conférence de Pas Sage en Seine ou vers les dernières universités d’été du MEDEF, on est d’accord, c’est beaucoup plus précis. Mais, quand j’ai une colonne de vidéos de recommandation, savoir que je scrolle dedans et que je m’arrête à un endroit plutôt qu’à un autre, ce sont aussi des informations qui sont enregistrées et qui sont utilisées pour faire, derrière, des analyses statistiques, etc. et affiner des profils, même si j’ai un bloqueur de pub, de traqueurs et tout ça. Il y a sûrement des bloqueurs de traqueurs qui peuvent aussi bloquer un certain nombre de ces trucs-là, mais, à un moment donné, des requêtes sont quand même faites au serveur et on peut savoir jusqu’où j’ai scrollé, parce que la requête de completion de la page s’est faite ou pas par exemple. Si je ne veux pas casser le service, ce n’est pas bloquable, ou alors je décide de casser le service et de ne pas accéder, c’est possible aussi.

En tout cas, il n’y a pas d’utilisation possible sans participer à la production de cette valeur ajoutée ; c’est impossible ! Forcément, rien que le moment où vous y accédez plutôt qu’un autre, l’endroit depuis lequel vous y accédez, etc., toutes ces métadonnées sont utilisées dans l’affinage des profils publicitaires, des profils de consommation.

Donc, finalement, cette utilisation ce n’est pas que ça, mais c’est aussi analysable comme du travail gratuit, ça correspond à ça, d’où le titre de la conférence « c’est toi qui produis » plutôt que « c’est toi le produit », puisque nous ne sommes pas le produit, personne ne nous a vendus.
On peut en faire une analyse assez similaire et j’ai eu cette réflexion et cette révélation en lisant L’ennemi principal de Christine Delphy qui pose problème par ailleurs, je ne suis pas en train de vous dire que tout ce qu’a fait Delphy est très bien, mais le féminisme matérialiste est quand même un truc super intéressant. Les analyses matérialistes, en général, permettent de comprendre et permettent d’agir. Donc, on peut faire des analyses similaires à l’analyse du travail domestique, qui est faite par ce courant du féminisme, du travail gratuit qu’on fournit pour les Big Tech.
Il faut comprendre que l’utilisation correspond, entre autres, à un travail productif, donc dans le travail, agir, on le sait, c’est la grève. Là, en l’occurrence, il se trouve que la grève correspond aussi à un genre de boycott du service et cela permettrait de mettre en place un rapport de force. Si, d’un coup, on arrivait à s’auto-organiser tous, toutes – à mon avis, ce que je suis en train de vous dire est irréalisable – et qu’on dise « on ne va plus sur aucun service de Google pendant une semaine, aucune pub de Google ne peut être affichée pendant une semaine, pas de vidéos YouTube sont vues, etc. », on aurait un pouvoir de négociation avec Google pour de vrai, c’est indéniable. Maintenant, ça n’est pas réalisable, on n’est pas assez, on n’a pas une grosse structure d’auto-organisation qui existe et on n’est pas capable de faire ça.
Mais, on peut quand même réfléchir à ce que la façon dont on lutte implique, comment on met en place les choses, quelles alternatives on propose, etc.

On peut dire une première chose : la grève ou le boycott sont des outils collectifs, on ne peut pas le faire tout seul. Vous pouvez vous dire « c’est bon, je fais ma part contre le capitalisme de surveillance, je n’utilise pas ces services-là ». Ça peut vous donner bonne conscience, ça peut, peut-être, vous protéger individuellement, ce n’est pas sûr, mais ça n’a aucun effet sur rien.
J’ai fait une espèce de caricature : « je chiffre mes mails avec GPG [3], mes mails sont auto-hébergés, mon téléphone est sous OpenBSD [4], de toute façon je n’utilise que Tor [5] , et puis je discute sur Matrix [6], en chiffré end to end et tout ça », c’est bien ! Je parle avec les gens qui font ça aussi, vous êtes quatre !

Public : Inaudible.

Pablo Rauzy : Ouais, bon ! On peut aussi ne plus avoir de téléphone, etc., bien sûr. Je ne dis pas que ce n’est pas bien, je dis juste que ce n’est pas comme ça qu’on va lutter et ce n’est pas comme ça qu’on va être efficace. C’est tout.
Sur ce point-là, sur l’aspect un peu individualiste du truc, une remarque que je veux faire aussi. Il y a souvent, dans le milieu libriste, cette volonté d’aller vers plus de décentralisation, toujours. Il faut vraiment se rendre compte que la décentralisation totale, j’entends par là chacun dans son coin, etc., genre tout le monde auto-héberge ses mails à la maison et tout – il y a vraiment ce discours qui existe –, déjà c’est un mythe, parce que c’est hyper élitiste et plein de gens ne sont pas capables de faire ça, n’ont pas envie de faire ça, mais, en plus, c’est très individualiste : demander à tout le monde d’être capable de sécuriser tout ça, etc., ce n’est pas du tout pensable.
Je ne dis pas que la centralisation c’est bien, la centralisation c’est l’autoritarisme, je n’aime pas ça.
La décentralisation totale, c’est une forme d’individualisme que je n’aime pas non plus, mais, entre, il y a la mise en commun, il y a la fédération, il y a le mutualisme, il y a la collectivisation ; ça peut correspondre à une forme de fédéralisme, d’autogestion, de collectivisme, etc., et ça c’est chouette.

Public : Ça veut dire quoi, pour toi, individualiste ?

Pablo Rauzy : Individualiste, ça peut vouloir dire plein de choses. En l’occurrence, quand tu ne penses pas les choses de manière collective, quand tu dis, par exemple, « si chacun fait sa petite part dans son coin, on va y arriver », en fait, tu oublies les structures. Pour moi, individualisme s’oppose à, je ne sais pas si on peut dire structuralisme, ça doit sûrement vouloir dire quelque chose qui n’est pas ce que je suis en train de vouloir dire, mais je pense ça peut vous aider à voir ce que je veux dire. En fait, quand tu réfléchis à comment résoudre les problèmes en t’attaquant aux structures qui sont plus puissantes que les individus, les individus naviguent dans les structures, plutôt qu’aux individus, eh bien, là, tu n’es plus dans l’individualisme.
On en discutait tout à l’heure suite à la conférence de Bookynette « Vous êtes la bonne personne », c’est très important de faire passer ce message de légitimation, d’empowerment, etc., mais, si tu dis juste ça, tu n’as pas fait assez à mon avis, parce que si tu dis aux gens « prenez la parole, osez poser des questions, etc. », même quand tu as 50 % de femmes, 50 % d’hommes dans une assemblée, tu vas te retrouver avec 80 % de questions d’hommes. Alors que si tu changes la structure, que tu arrêtes de faire des trucs qui sont à l’échelle de l’individu, que tu dis, par exemple, « on va prendre des questions en alternant une femme, un homme, une femme, un homme et, s’il n’y a plus de femmes qui veulent poser des questions, on arrête », là du coup, tu vas changer les choses petit à petit et tu vas laisser la parole se libérer, etc.
C’est donc, en fait, dire : l’individualisme, c’est quand tu penses à l’échelle de l’individu et ne pas être individuel, ne pas être individualiste, c’est quand tu penses les choses au niveau de la structure.
Il y a une question derrière.

Public : J’ai un petit problème avec l’équivalence que tu sembles faire entre décentralisation et individualisme. Je ne vois pas pourquoi la décentralisation ça serait forcément individualiste, au contraire, il faut penser une structure qui permette la décentralisation ; ce n’est pas du tout incompatible.

Pablo Rauzy : J’ai dit « décentralisation totale », c’est quand même très différent.

Public : À définir.

Public : Inaudible

Pablo Rauzy : C’est ce qui est voulu par certaines personnes, quand on écoute certains discours. Vous avez des gens qui vous disent, par exemple, « Mastodon [7], ce n’est pas bien parce que c’est encore centralisé ; le fédivers [8], c’est encore centralisé, c’est juste que vous avez plusieurs points de centralisation, avec quand même des administrateurs ou administratrices qui ont le pouvoir sur leurs utilisateurs et utilisatrices. Ou qui vont vous dire « le protocole mail, c’est nul parce que c’est centralisé aussi ». De fait, c’est concentré, c’est vrai, mais, ce n’est pas une forme de décentralisation totale, c’est une forme de fédération qui est une autre forme de décentralisation. C’est ce que je veux dire, je vais en parler un peu plus loin.

Donc, une stratégie de lutte qui est efficace, c’est une stratégie des contre-pouvoirs. L’idée, pour pouvoir se passer des Big Tech, des Google, Facebook et compagnie, il faut qu’on ait des contre-pouvoirs, il faut qu’on ait des structures alternatives dans lesquelles on peut s’auto-organiser et dans lesquelles on peut voir émerger des tentatives, des expériences, etc., différentes structures et voir comment on peut faire sans. Et si on arrive à les rendre suffisamment grandes, suffisamment puissantes, suffisamment collectives, suffisamment démocratiques, ce qui nécessite nécessairement d’être inclusif aussi, on peut faire émerger des alternatives pour de vrai et, effectivement, réduire drastiquement l’utilisation des trucs centralisés qui nous sont imposés.
Mais ce genre de chose, les contre-pouvoirs, c’est quelque chose qui fait très peur au capital. L’exemple vraiment typique c’est la Sécu. À la base, la Sécu a été montée comme un rassemblement de plein de caisses, de mutuelles, etc., et puis ce sont les ouvriers et ouvrières de la CGT qui, le soir, après le travail, se sont retroussés les manches et ont commencé à faire tout ça. Et ils ont réussi à auto-gérer, c’est vraiment le terme, un budget qui était deux fois celui de l’État et ça, évidemment, ça fait très peur. Ça a été détricoté petit à petit, réforme par réforme. Par exemple, aujourd’hui on ne cotise plus directement, ou très peu, à la Sécurité sociale, ça passe par un impôt qui, du coup, est contrôlé par l’État, qui finance ensuite, en ricochet, la Sécu. C’est ce qui fait, aujourd’hui, qu’on peut se prendre une réforme de l’assurance chômage décidée par le Gouvernement, alors que, normalement, le Gouvernement n’a pas son mot à dire là-dedans. On est censé cotiser directement, en tant que travailleuses et travailleurs, à la Sécu et auto-gérer cet argent qui n’a rien à voir avec le Gouvernement.

On peut donc créer des contre-pouvoirs comme ça, ils peuvent exister, ils peuvent même exister dans le système, c’est l’intérêt ; ce n’est pas un truc utopique où on doit dire qu’on doit d’abord faire la révolution, on casse tout, et, ensuite, on créera notre truc, ça va être trop bien et tout. Ce sont des choses qu’on peut construire aujourd’hui, qui peuvent exister, qu’on peut essayer de maintenir, qu’on peut essayer de démocratiser, qu’on peut essayer d’auto-gérer, etc., qui enfoncent des coins dans le capitalisme et qui permettent d’avancer vers la solution.

Un truc très important : selon moi, pour que ces alternatives puissent être qualifiées de contre-pouvoirs, les moyens doivent être alignés avec la fin. On ne peut pas dire « ne t’inquiète pas, on va renverser l’État et on va mettre en place une dictature du prolétariat, ça va être trop bien, ça va nous permettre de virer la bourgeoisie et de mettre en place un ordre où tout le monde est égal, etc. », parce que vous savez très bien que comme les moyens ne sont as alignés avec la fin, finalement ce n’est pas le prolétariat, c’est le parti, et finalement ce n’est pas le parti, c’est la direction du parti, etc., et on se retrouve avec un régime autoritaire. Encore une fois, les structures sont plus fortes que les individus, même avec un individu de très bonne volonté à sa tête, un régime autoritaire ne peut pas aboutir à une démocratie libre, etc., en tout cas je n’y crois pas.
Donc, les moyens doivent être alignés sur la fin : on crée l’autogestion, on crée les structures autogestionnaires, on crée la démocratie, les structures démocratiques, nécessairement inclusives, parce que tout le monde ne peut pas être là. Ensuite, une fois qu’on a déjà les structures d’après, on remplace ce qu’il y a maintenant et il y a un peu de friction, mais ça peut se passer.

Une solution pour faire ça, c’est construire ce qu’on appelle du commun.
Un commun c’est quoi ? Pour une introduction plus longue, j’ai fait une conférence à Pas Sage en Seine 2018 [9] si jamais.
Un commun c’est une ressource partagée, un mode d’accès et les règles de son partage, et une gouvernance, très important aussi.
Un exemple classique de commun, que vous connaissez tous et toutes, c’est Wikipédia :

  • la ressource, c’est du savoir encyclopédique partagé ;
  • le mode d’accès c’est en ligne, par copie depuis le serveur, on peut aller récupérer une page localement et la lire ; les règles de partage c’est la licence Creative Commons By SA, maintenant, avant c’était la FDL [GNU Free Documentation License], mais ce n’est plus le cas ;
  • et la gouvernance est assez complexe sur Wikipédia puisque, en fait, il y a la Wikimedia Foundation, il y a aussi les Wikipédia par langue et il n’y a pas que Wikipédia d’ailleurs, il y en a d’autres, et, ensuite, vous avez même de la gouvernance assez décentralisée par page, par discussion, etc.

Wikipédia est un exemple de commun immatériel. Il y a plein d’autres communs, on ne va pas rentrer dans les détails maintenant.

En fait, ce cadre de pensée des communs est assez générique. Le fédivers, les plateformes qu’on est en train de construire peuvent s’analyser comme une forme de commun. On a des plateformes de discussion, on a des moyens de discussion, de partage, d’échange, de production parfois, quand ce sont des outils qui nous permettent de créer, de travailler et tout ça. On peut jouer avec et expérimenter différentes formes de gouvernance, différentes formes de règles d’accès, de partage, etc.

Les communs c’est donc un cadre théorique, c’est un cadre de pensée qui nous permet de construire des alternatives. Plein d’associations, plein de gens qui sont là à Pas Sage en Seine participent à tout ça : le logiciel libre en fait partie, on peut analyser plein de logiciels libres comme des communs : ce sont des ressources, des moyens de production, etc., qui sont là, qu’on peut utiliser, avec une gouvernance qui va être très différente d’un projet à l’autre, mais, justement on peut expérimenter tout ça pour voir ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins bien et c’est important qu’on puisse, du coup, de façon décentralisée, expérimenter tout ça, mais de manière collective.

Typiquement, une des associations qui est présente, qui a tout compris, qui fait ça très bien, c’est coin-coin Framasoft [10]. Le travail de Framasoft, c’est vraiment dans cette optique-là, c’est comme ça que je le comprends : donner les structures qui permettent de créer ces embryons de contre-pouvoirs.
Framasoft n’est évidemment pas toute seule, j’ai fait une petite liste en bas : l’April, La Quadrature [11], La Dérivation [12], tout le Collectif CHATONS [13], FFDN [14], Exodus Privacy [15], etc. Dans le numérique, autour du Libre — le Libre est un grand mouvement —, il y a plein de gens, il y a plein de structures impliquées ; on a un vrai embryon de contre-pouvoirs qui existe sur le terrain numérique. Ces structures ne se parlent pas toutes, mais elles se parlent beaucoup dans des événements comme ici, au Capitole du Libre, aux Journées du Logiciel Libre, etc. En France, on a tout ça, c’est super intéressant. Il y a vraiment du travail à faire pour faire fonctionner tout ça ensemble, etc. Par exemple, ce que fait Framasoft : créer de la structure pour permettre l’émergence de ces choses-là, c’est super important : PeerTube, Mobilizon, Framaspace [16], toute la campagne Collectivisons-Convivialisons, les mots sont bien choisis, c’est super important. Ce sont des choses qui nous permettent d’agir pour créer des alternatives qui nous permettent d’arrêter l’utilisation, donc l’enrichissement des Big Tech.

Maintenant, on va revenir sur la gratuité.
Souvent, quand on parle de ça, il y a toujours quelqu’un qui dit « rien n’est gratuit ». Oui, d’accord, c’est bien !, effectivement. On va dire gratuit pour tout ce qui est déjà financé par ailleurs, ce qui est pris en charge collectivement, ce qui est subventionné, etc.
Par exemple, il y avait la conférence de Pyg avant-hier sur Framaspace [17] Framaspace, c’est payé par Framasoft, mais, pour les associations et collectifs de lutte qui l’utilisent, c’est gratuit. Ça ne veut pas dire que ça ne coûte rien, ça coûte du travail, forcément, comme toute activité, et puis il y a les serveurs, il y a les ressources, etc. Donc, évidemment, rien n’est gratuit, d’accord, c’est bien !

Du coup, si on se met d’accord sur le fait qu’on a le droit d’utiliser le terme « gratuit », si on revient à notre question : est-ce que c’est émancipateur, est-ce que c’est asservissant, est-ce que ça nous permet de nous sortir du fait de travailler malgré nous pour enrichir les Big Tech qui nous surveillent et facilitent la Technopolice [18], puisque c’est le système qui va avec le capitalisme de surveillance ?, eh bien la gratuité n’est pas le bon critère. Dans le titre de la conférence, j’ai gardé « si c’est gratuit », au début, avec des guillemets, sinon on ne voyait plus d’où je partais. En fait, on devrait dire : quand c’est une forme de gratuité, parfois c’est… Du coup ça faisait moins catchy.

Donc, « Si c’est gratuit, c’est toi le produit », à priori, on se met d’accord : on ne dit plus cette phrase pour les Big Tech, elle est toujours valable pour les applications de rencontre, pour les boîtes de nuit, etc., parce que l’utilisation d’un logiciel libre, c’est gratuit, ça ne fait pas de vous un produit ; la consultation d’une page Wikipédia c’est gratuit, ça ne fait pas de vous un produit ; la prise en charge d’un soin, quand vous allez à l’hôpital public, c’est gratuit, ça ne fait pas de vous un produit, au contraire, c’est plutôt l’inverse.

Les communs, la création de ces plateformes, etc., c’est plutôt un antidote au capitalisme marchand qui fait qu’on se retrouve dans cette situation par rapport aux Big Tech.
Certains de ces communs peuvent participer à la construction de contre-pouvoirs tel que je vous en parlais.
C’est vraiment ça qu’il faut soutenir, c’est la meilleure manière d’agir ; je pense que c’est déjà ce que la plupart des gens, ici, font, mais c’était important de remettre en question ce truc de « on est le produit », d’essayer de vraiment comprendre pourquoi c’est une bonne manière de lutter, de faire comme ça, pourquoi le mouvement libriste, etc., est plutôt sur la bonne voie, à priori, pour dégager du temps hors de ce système Big Tech et, du coup, lutter contre, nécessairement, puisque le temps qu’on passe dessus, c’est du temps de travail pour eux.

Si vous avez maintenant des questions, je suis ouvert à la discussion, vu que le but c’est d’ouvrir la discussion.

Questions du public et réponses

Public : Inaudible.

Pablo Rauzy : OK, mais je ne connais pas.
Il y a des gens qui ont pensé à tout ça avant moi. Il y a Synware – free software syndicates, un livre à 13,12 euros avec une couverture rouge et noir et ça a l’air très intéressant. Je partagerai ça, merci.
Tout le monde est claqué suite aux trois jours de festival, c’est ça ? On va attendre.

Public : Je suis soucieuse d’utiliser Ccleaner et de retirer les cookies. Est-ce que je limite mes données, comme ça ?

Pablo Rauzy : Les cookies sont des petits fichiers texte qui sont sur votre ordinateur, qui sont envoyés avec vos requêtes ; les sites web vous les mettent quand vous naviguez sur le Web ; il y a aussi des cookies tiers, c’est un peu compliqué, etc., mais voilà ! C’est un système qui est utilisé assez classiquement pour faire du tracking : on peut mettre un identifiant unique qui vous correspond et ça permet de vous suivre. Par exemple, ça permet à une agence de publicité de vous suivre d’un site web à l’autre ou ça permet à un site web de savoir que vous êtes arrivée depuis la publicité de tel site et, même si deux jours après vous faites votre achat, en fait, moralement, c’est le site d’il y a deux jours qui vous a envoyée.
Quand vous supprimez vos cookies, vous pouvez supprimer une partie de cette information, mais c’est vraiment très loin d’être le seul moyen de vous pister et ce n’est absolument pas suffisant.
Je crois que l’Electronic Frontier Foundation, l’EFF, a un site de ce qu’on appelle fingerprinting d’empreintes : ils ont créé un outil qui regarde un peu toutes les données qu’un site peut récolter sur vous, sans parler de cookies ni rien, sans même parler d’adresse IP, juste en regardant la configuration de votre navigateur, quelles polices sont installées sur votre système, quelles extensions sont là, quelle est votre résolution, etc., et on vous dit à quel point vous êtes unique, pour permettre de vous tracer et, en général, c’est assez flippant.
Ça ne peut pas faire de mal de le faire, mais ça ne peut pas être suffisant.

Public : Juste une dernière petite question : utiliser un truc comme Ccleaner, ça sert à quelque chose ?

Pablo Rauzy : Je ne sais pas ce qu’est Ccleaner, désolé.

Public : C’est interdit de sourire et de rigoler.

Pablo Rauzy : C’est pour ça que je ne connais pas. Si c’est un outil Windows qui permet de faire des choses plus proprement et tout, en vrai, en tant que militant je devrais connaître, je ne suis pas là pour dire aux gens « de toute façon, je ne m’occupe pas de toi, tu n’as qu’à installer Linux ! », c’est une attitude sectaire et stupide. Par exemple, dans le passé, Framasoft a fait la Framakee, c’étaient des logiciels pour Windows qui introduisaient au Libre et c’était très bien. Je ne connais pas Ccleaner, my bad.

Public : Le problème, c’est que je ne connais rien à tout ça, j’utilise. En fait, je découvre ce qu’il y a dans la bécane. Ces trois jours auront une vertu : je vais aller regarder de plus près.

Pablo Rauzy : C’est cool. Merci à l’organisatio !

Public : Oui. Merci à tout le monde !

Pablo Rauzy : Il y avait une autre question là-bas. Normalement, il y a au moins des gens qui ne sont pas d’accord avec ce que j’ai raconté.

Public : Ça va peut-être être un peu provoc, ce que je dis, après tout, on est dans un milieu un petit peu geek et militant, donc, on a tendance aussi à se provoquer un peu entre nous pour démarrer une réflexion. On dit « Si c’est gratuit, c’est toi qui produis », je suis parfaitement d’accord, mais on parle aussi de capitalisme et anticapitalisme dans le milieu. Le problème, c’est que sans le capitalisme on ne peut pas non plus se loger, se nourrir ou autre. Comment fait-on pour vraiment réussir à lutter contre le capitalisme sans, finalement, utiliser le capitalisme aussi à des fins en soi ?

Pablo Rauzy : En fait, on vit dans un système, on ne peut pas partir dans l’espace faire autre chose. Les vêtements que je porte n’ont probablement pas été fabriqués de manière éthique, je gagne plutôt bien ma vie, mais pas assez pour acheter des fringues à 300 balles chacune quand elles ont été produites en France ; c’est un fait. La nourriture que je consomme aussi, et c’est pareil pour tout le monde.
Je trouve que ce n’est pas tellement entendable comme argument, parce qu’il n’y a pas vraiment de possibilité de faire autrement. On peut essayer de construire des alternatives, c’est ce que je dis qu’il faut faire et je ne suis vraiment pas le seul à dire ça, ce n’est pas une pensée originale, mais on ne peut pas sortir du système, comme ça, du jour au lendemain ; il faut faire les choses petit à petit. Et puis, je suis désolé, mais on ne demande pas aux capitalistes de ne pas se faire rembourser leurs soins, alors que la Sécu c’est nous, ce n’est pas eux !

Public : Je me fais une réflexion. Si j’ai bien compris, la production de valeur par la publicité, c’est quand elle s’affiche mais aussi quand les gens vont cliquer dessus, c’est là où les régies publicitaires vont gagner de la thune. À ton avis, est-ce que les bloqueurs de publicité n’ont pas aussi intérêt à se dire, « OK, elle est toujours produite », mais, à la fin, les régies publicitaires vont se dire que si personne ne clique dessus c’est parce que personne n’a vu.

Pablo Rauzy : Si, bien sûr. J’ai marqué en petit, dans les slides, à un moment donné, « utiliser des bloqueurs des pubs et de traqueurs, carrément, il faut faire ça. »
Pour les publicités, il y a plusieurs régimes de rémunération, il y a le Pay Per View et le Pay Per Click. Le clic est effectivement toujours plus rémunéré que la vue, mais l’affichage compte aussi, parce que c’est comme ça que la pub fonctionne, juste de la voir, même quand tu ne cliques pas dessus, ça fonctionne déjà.
C’est sûr que si tout le monde bloquait les publicités, ça participerait à ce que, à la fin, le produit ne soit pas vendu. C’est le principe du boycott, c’est sûr. La question c’est : est-ce que c’est réaliste d’imaginer que tout le monde a un bloqueur de publicité, est-ce que c’est réaliste de penser que les bloqueurs de publicités vont toujours gagner la bataille si vraiment ils deviennent un problème ? Vous savez très bien qu’il existe des bloqueurs de bloqueurs de pub et puis des bloqueurs de bloqueurs de bloqueurs de pub. En fait, je ne sais pas à quel point il est possible de gagner cette bataille. Typiquement, il y a beaucoup de critiques à faire sur Mozilla, mais c’est très important qu’on maintienne le commun qui est Firefox, parce que, sinon, c’est Google qui a la maîtrise de l’outil qu’on utilise pour aller naviguer sur le Web et si Chrome décide que les bloqueurs de pub ce n’est plus possible, ça va être compliqué.
Encore une fois, je sais qu’il va y avoir des réactions de gens qui vont dire « ce sera possible, on pourra forker le truc et tout ça ». Oui, d’accord, c’est une solution individualiste qui va permettre de toucher dix personnes, ce n’est pas une solution pour tout le monde. En fait, les gens utilisent Chrome, justement, du coup, il faut faire de la publicité pour Firefox. Alors de la publicité, vous avez compris ce que je veux dire !

Public : De la propagande.

Pablo Rauzy : De la réclame pour Firefox parce que, typiquement, il ne faut pas qu’il n’y ait qu’un seul acteur qui contrôle ce qu’on peut faire sur le Web et si on peut avoir un bloqueur de pub ou pas.

Public : En fait, je me rends compte qu’il y a quand même un changement de l’économie, notamment pour Google, qui n’est plus basée sur la captation de données, mais sur le traitement de la donnée.
Quand l’Union européenne leur a dit : « Les gars, les cookies, c’est un peu pété, il faudrait peut-être que vous arrêtiez », ils ont dit « OK ». Je pars du principe que quand un acteur, un GAFAM dit « c’est OK », c’est qu’il a un autre moyen de gagner de la thune. Que peut-on faire là-dessus ? En gros, ils ont estimé qu’il y a suffisamment de données pour alimenter leurs IA, c’est-à-dire que tous ces trucs de blocage de publicité, etc., ce n’est plus efficace.

Pablo Rauzy : Tu veux dire que là. maintenant, les données qui sont captées, qui sont intéressantes pour eux, sont celles qui permettent d’entraîner les IA.

Public : Qu’ils ont suffisamment de données, maintenant, pour faire autre chose, en fait.

Pablo Rauzy : Je ne peux pas prédire l’avenir et je ne sais pas du tout ce qu’il va en devenir. Pour l’instant, beaucoup de thune est mise dans le développement des IA, etc, je ne sais pas s’il y a un business modèle derrière. Est-ce qu’on gagne vraiment de l’argent avec les IA ? Peut-être que oui ! Je pose la question, je ne suis pas du tout au courant. Je me demande si ce n’est une espèce de mode qui, en fait, va se casser la gueule d’elle-même ou si c’est vraiment un truc qui va pouvoir être vendu et mis à toutes les sauces, au sens où ça va rapporter de l’argent ; je ne sais pas. De toute façon, c’est un truc contre lequel il faut lutter, parce que ça pose plein de problèmes dans les moyens de le créer – le travail du clic, l’exploitation de travailleurs dans les pays du Sud –, ça pose plein de problèmes éthiques et d’utilisation des données personnelles qui sont balancées dans les IA quand on les utilise n’importe comment. C’est un autre champ de bataille.

Public : J’aimerais bien rebondir sur l’exemple de Mozilla et aussi sur un autre exemple un peu similaire. Dans le Libre, je pense qu’on pourrait essayer de faire mieux aussi sur les modèles de financement et tout ça. Si on voulait vraiment bloquer la pub, que ça marche pour tout le monde et que ce ne soit pas individualiste, peut-être que si on pouvait trouver un moyen de financer nous-mêmes Mozilla pour qu’il puisse, en fait, avoir la marge de manœuvre pour mettre ce blocage, ce ne serait pas mal.
Un autre exemple similaire, ce serait les logiciels libres pour les gens qui sont malvoyants, non-voyants, etc. ; quand ce n’est pas libre, les logiciels en question coûtent très cher. J’imagine que payer des gens pour faire du code libre, ce serait moins cher au final pour tout le monde.
Je me demande si tu as des idées pour qu’on arrive à s’auto-organiser de façon beaucoup plus large pour régler des questions comme ça.

Pablo Rauzy : Une idée m’est venue en t’écoutant, ce n’est probablement pas une idée originale : faire une espèce de Sécurité sociale du logiciel. Je ne sais pas si vous avez lu ce petit bouquin qui s’appelle Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation, un jeu de mots puisque c’est un truc sur la Sécurité sociale alimentaire. En fait, ce modèle-là de cotisation, donc d’extraction d’une partie de la valeur produite par le travail pour la socialiser, pour la mettre en commun, pour la différer, pourrait être utilisé. Quand on a créé la Sécu, c’était en identifiant plusieurs choses : la vieillesse, la maladie, la petite enfance, la famille quoi, les accidents, des choses comme ça, mais on pourrait imaginer le faire aussi pour l’alimentation, pour l’accessibilité, le logiciel, l’énergie.

Public : Je n’ai pas tout suivi pour l’alimentation, mais je crois qu’il y a des essais actuellement et c’est peut-être en train d’être mis en place, je ne sais pas ; il faudrait regarder.

Pablo Rauzy : Mis en place, je ne sais pas, il y a des gens qui y réfléchissent sérieusement, il y a des essais. Le problème c’est que c’est très difficile de faire des essais avec ce genre de truc parce que ce ne sont pas des systèmes qui fonctionnent à petite échelle. Le principe de la Sécu c’est que c’est massif et c’est comme ça qu’on y arrive.
Stéphane voulait poser une question.

Public – Stéphane Bortzmeyer : Pour les logiciels, c’est déjà partiellement fait. Par exemple, en Allemagne, le Fonds souverain allemand [19], qui est financé par l’argent public, donc par les impôts, finance pas mal de projets de logiciels libres. Il y a des conditions, il y a un examen par un expert, mais si vous payez une bière à l’expert il pourra recommander tel ou tel projet. Il y a déjà ce truc-là. Je trouve que c’est bien et ça devrait être fait dans d’autres pays.
Maintenant, je voudrais revenir à la question des communs. Le premier slide sur les communs citait les critères, qui sont à peu près ceux d’Elinor Ostrom [20] ou d’autres chercheurs travaillent là dessus, notamment le fait qu’un commun ce n’est pas un terrain vague, il y a une gouvernance commune et après, les exemples donnés ne collaient pas toujours. De ce point de vue-là, le fédivers n’est pas vraiment un commun, il n’y a pas de gouvernance commune, c’est plutôt un système westphalien, comme disait le politologue, c’est-à-dire où chacun fait ce qu’il veut dans ses frontières. Après, oralement, tu as cité Mozilla ; là aussi la gouvernance n’est pas commune, d’ailleurs, elle est très contestée.
C’est donc important de ne pas utiliser le mot « commun » pour tout le monde, sinon ça ouvre la voie à l’objection réactionnaire classique de la tragédie des communs, avec le terrain vague qui est à tout le monde et à personne. La raison pour laquelle cet argument de la tragédie des communs est pourri, c’est justement qu’un commun n’est pas un terrain vague, il y a cette gouvernance commune, ce qui est le cas de Wikipédia, par exemple, mais pas du fédivers.

Pablo Rauzy : Oui, tout à fait. Merci beaucoup pour ces précisions, ce rappel et cette correction. Je suis complètement d’accord avec ce que tu dis. Quand je disais le fédivers, c’est une structure qui permet l’expérimentation et la création de communs dedans, ce qu’on ne peut pas faire par exemple avec Twitter ou Facebook : on ne peut pas dire qu’on va faire son truc à côté qui est compatible, où les gens peuvent venir petit à petit, etc. C’est tout l’aspect interopérabilité qui permet de faire ça, mais le fédivers en lui-même n’est pas un commun, bien sûr, tout à fait.
J’ai cité Mozilla, dans la discussion, on sait qu’il y a eu des problèmes de gouvernance justement. Oui, je suis complètement d’accord avec ce que tu dis.

Public : Il y a beaucoup de surveillance qui passe par le navigateur. Si con crée des applications, je pense à NewPipe [21] pour YouTube, si on utilise des applications qui ne passent plus par les API de YouTube, par exemple, on contourne ce souci. Par contre, YouTube va sûrement s’en rendre compte, peut-être bloquer NewPipe. Donc, en fait, ça ne peut marcher que si YouTube accepte un petit nombre de personnes qui regardent sans publicité. Ou alors, l’autre solution plus radicale, c’est de passer par autre chose que YouTube, ce qui, aujourd’hui, n’est pas possible en volume.

Pablo Rauzy : Aujourd’hui c’est compliqué, réalistement. Ça dépend ce que tu veux regarder.

Public : La diversité des sujets, surtout si on veut du francophone, parce que si on ne parle pas anglais, c’est un peu compliqué. PeerTube c’est bien, mais l’offre n’est pas énorme.

Pablo Rauzy : Ça fait partie des choses pour lesquelles il faut lutter, rendre les choses plus accessibles, plus faciles, plus visibles, plus connues. Ça fait partie de notre travail de militantes et militants du Libre. C’est un truc qu’on ne peut pas faire juste en tant qu’utilisateur/utilisatrice. Quand on parle de propriété collective des moyens de production, de choses comme ça, pour un supermarché ce ne sont pas que les gens qui travaillent dans le supermarché, ce sont aussi ses usagers/usagères.
Là, ça veut dire qu’il faut aussi que les producteurs/productrices de contenu puissent se réapproprier leur plateforme, etc., et, aujourd’hui, les coûts de gestion sont tels que la plupart n’ont pas intérêt à quitter les plateformes des Big Tech, Twitch, YouTube, etc. Si on veut vraiment aller vers une sortie de ce système-là, si on veut vraiment essayer de taper dans le capitalisme de surveillance, en fait, c’est ce genre de chose qu’il faudrait essayer de mettre en place.

Public : Les personnes qui gagnent de l’argent sur YouTube, c’est leur métier. Est-ce qu’elles gagneront autant d’argent sur PeerTube ?

Pablo Rauzy : La question, ce n’est pas forcément autant, mais suffisamment pour vivre.

Public : En fait, la limite est là, c’est une des limites.

Pablo Rauzy : C’est un frein, ce n’est pas forcément une limite, c’est un frein à la transition sur lequel il faut travailler par plein de moyens différents.

Public – Stéphane Bortzmeyer : Sur la question spécifique de la monétisation, il faut noter aussi que, contrairement à ce que répètent les ministres de la Culture successifs qui disent « s’il n’y a pas le système de droits d’auteur il n’y aura pas de création », l’écrasante majorité des créateurs ne sont pas payés, c’est déplorable par ailleurs. Mais prétendre que si c’est comme ça, ils ne créeront plus, c’est clairement faux ! L’écrasante majorité des gens qui mettent des vidéos sur YouTube, soit ils gagnent des clopinettes, soit ils ne gagnent rien du tout, donc ce n’est pas ça le problème principal. Je suis désolé pour Tibo InShape et Squeezie qui, effectivement, perdront de l’argent s’ils passent sur PeerTube, mais c’est une infime minorité des créateurs.

Pablo Rauzy : Tout à fait, c’est une infime minorité. Par ailleurs, il y a plein de problèmes, puisque le principe de ces plateformes, c’est qu’on travaille gratuitement et qu’on soit une audience captive, etc. Du coup, il y a un effet, je ne sais pas comment on dit, mais, en gros ce qui marche va être plus recommandé, donc, au contraire, on a une concentration. C’est-à-dire que non seulement ils payent peu de gens, ils les payent très bien, mais ils payent peu de gens mais, en plus, il y a un effet automatique de concentration de qui sont ces gens plutôt qu’une découverte plus large.
Si on imagine des alternatives, si on imagine avoir un vrai service public qui permette de mettre en place une fédération d’instances de PeerTube pour faire ça et qu’on imagine avoir une espèce d’intermittence, par exemple, pour les créateurs/créatrices de contenu audiovisuel, voire un genre de salaire à vie, je ne sais pas ce qu’on peut imaginer, on aura probablement, au contraire, une effervescence de créations bien plus larges, bien plus différentes. Je pense que si on analyse YouTube on voit quand même très clairement les effets de ce qu’on va appeler – je n’aime pas trop – l’algorithme de YouTube : ce qu’il vous propose influe clairement sur le contenu qui est créé. Si vous regardez par périodes, vous faites des sauts de deux ans dans YouTube, vous voyez clairement le type de contenu qui marche bien, le type de miniature qui marche bien ; au bout d’un moment, tout le monde se met à écrire ses titres en majuscules, qui rajoute tel truc, d’un coup on voit des flèches rouges sur les miniatures, etc. Même le type de contenu, faire des tops, faire des vidéos qui ne font que trois minutes, puis plus de dix minutes, tout cela, en fait, c’est de la création qui est hyper contrainte par la structure, par la plateforme et par ce qu’elle va faire marcher, par ce qu’elle va mettre en avant. En sortant de ça, peut-être qu’on permettrait à plus de gens d’en vivre, si on fait les choses bien, alternativement. Comme disait Stéphane, peu de gens gagnent leur vie de ça actuellement. Il y en a qui gagnent très bien et, en fait, ce n’est pas grave s’ils ne gagnent plus d’argent parce qu’ils en ont suffisamment pour un moment ! Mais la plupart des gens ne font pas ça pour ces raisons-là. C’est dommage qu’ils n’en vivent pas.

Public : Un élément que tu n’as pas cité, c’est peut-être un élément critique ou bien d’ouverture pour une réflexion plus poussée, c’est l’actionnaire qui, assez souvent, subventionne très largement les activités des plateformes des Big Tech. La caricature, c’est Uber qui n’a jamais dégagé un euro, même Amazon n’a jamais gagné un euro en vendant des livres et même le service de livraison en général, il gagne de l’argent plutôt sur les services numériques à côté.
Ça m’amène au moment où le propriétaire, l’actionnaire veut valoriser, veut récupérer son argent. Je crois que c’est Cory Doctorow qui a appelé ça la enshittification, traduit en français par Plum par « merdification », qui a fait l’objet d’une excellente chronique sur la radio Cause Commune dans l’émission de l’April [22] . Le moment où, en fin de compte, ça n’est plus gratuit, ça y est, il va falloir payer et pour un service qui, en plus, se dégrade parce qu’on va économiser. On n’est plus là pour faire des cadeaux, donc, à ce moment-là, on produit peut-être encore, mais on se fait surtout saigner.

Pablo Rauzy : Donc le capitalisme ce n’est pas bien et ça ne marche pas comme il faut, effectivement.
Il y a quand même un truc dont il faut se méfier quand on dit « l’actionnaire subventionne », et tout. L’écrasante, mais alors vraiment l’écrasante majorité de l’actionnariat, c’est du marché secondaire, c’est-à-dire des gens qui spéculent, qui rachètent des actions, etc., ils n’ont pas mis un kopeck dans la boîte et quand ils demandent leurs dividendes, etc., ils n’ont servi à rien. Le seul moment où on met des thunes dans une boîte c’est au moment de l’émission primaire des actions et ça n’arrive pas souvent. Après, il y a les créanciers, etc., de la boîte quand elle fait des emprunts, c’est à ce moment-là qu’on finance. Pareil, on pourrait tout à fait sortir de ce système-là avec une caisse de cotisation qui serve à l’investissement dans les projets qui sont nécessaires, qu’on estime nécessaires ; il y a du boulot pour en arriver là. Effectivement, le fait d’avoir un système, comme ça, d’actionnariat à satisfaire, ça fait partie des choses qui « merdifient » les services, les systèmes, etc., puisqu’il faut toujours proposer plus.
C’est fini.

[Applaudissements]

Pablo Rauzy : Comme c’était la dernière conf de Pas Sage en Seine, merci beaucoup à l’organisation de ces trois jours, c’était très cool, qu’on les applaudisse.

[Applaudissements]