- Titre :
- Prêcher la parole ou partager librement nos idées ?
- Intervenant :
- Elzen - Sébastien Dufromentel
- Lieu :
- Capitole du Libre - Toulouse
- Date :
- Novembre 2016
- Durée :
- 47 min 07
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
Présentation
Certains libristes ont tendance à adopter une attitude évangéliste. Sommes-nous légitimes à le faire ? Est-ce la meilleure manière de faire ? Et n’aurions-nous pas des questions à nous poser à propos d’autres mouvements proches du nôtre ?
Au cours de cette conférence, nous aborderons quelques autres sujets en rapport direct ou non avec le logiciel libre, et nous poserons la question de l’attitude de la communauté libriste vis-à-vis de ces questions, comme vis-à-vis de la manière dont nous communiquons autour du libre et de ses idéaux. En effet, un certain nombre d’entre nous ont adopté une attitude que l’on pourrait légitimement qualifier d’évangéliste, qui se manifeste notamment par le fait de vouloir porter la « bonne parole » du libre au reste du monde en étant soi-même fermé à ce que le reste du monde peut apporter à nos communautés. Peut-être faut-il, au contraire, accepter l’idée que le partage, l’une de nos quatre libertés fondamentales, est quelque chose qui se fait dans les deux sens, et que nous avons aussi à accepter que nous ayons parfois nous aussi quelques leçons à prendre.
Transcription
Bonjour à tout le monde. Je m’appelle Elzen. Si vous avez du mal à retenir le pseudo vous dites : « Le type au chapeau avec le tee-shirt par-dessus la chemise », en général on me reconnaît.
Et donc, aujourd’hui, je vais vous parler de prêcher la bonne parole ou partager librement les idées. Donc en gros, je vais vous parler de modèles qui sont là, le premier qui est ici c’est un peu ce que je suis en train de faire là. Et puis, le deuxième, c’est partager librement.
Il faut quand même que je vous prévienne. J’ai essayé de faire la conf le plus sérieusement possible, mais je ne vais pas pouvoir faire autrement que de passer super rapidement sur certains sujets, de me foutre un peu de certaines personnes, etc. Donc voilà, je vais essayer de réduire ça autant que possible, mais il y a quand même un peu de troll dedans. D’ailleurs on va commencer tout de suite, vu que je vais commencer par vous donner le résumé de la conf, comme ça vous saurez tout de suite si vous avez perdu du temps ou pas. Et puis si vous regardez les slides, autant pour moi.
Le résumé de la conf, en gros, c’est de dire que prêcher ce n’est pas le plus génial ; que c’est ce que je vais faire là, mais si on peut essayer de faire autrement, ça peut être mieux. Qu’il faut que nous autres, communautés du logiciel libre, on prête beaucoup d’attention aux autres domaines. Qu’oOn a beaucoup, dans notre communauté, les mauvais côtés d’une religion et on n’a pas les bons. Ça c’est assez dommage. Donc il y a du boulot pour essayer d’arranger les choses. Mais il y a aussi un point important à retenir : il y a du boulot pour y arriver, mais à la fin on gagne.
Après, plus précisément, de quoi on parle ? Pour faire les choses bien, on fait ça en quatre points. On commence par étudier la situation actuelle. Ensuite, on essaye de lever le problème et de soulever en quoi c’est un problème. Après, on essaye d’aller voir dans d’autres domaines, de faire quelques parallèles, essayer de trouver des idées pour arranger les choses. Et puis, à partir de là, on fait des propositions pour améliorer. Grosso modo, ça va être un peu ça que je vais faire, mais vous avez remarqué que j’aime bien faire les choses dans le désordre, donc je ne vais pas du tout suivre ce plan-là, mais je vais sauter d’un point à l’autre, au fur à mesure.
Donc on va commencer par le fait que le Libre serait une religion. Ça, je ne commente pas. Si vous connaissez le personnage [Richard Stallman déguisé en Saint IGNUcius, NdT], ils font ça pour se marrer, ils ne sont pas sérieux. Mais plus sérieusement, assez souvent, quand on écoute les gens du logiciel libre, on a l’impression que leur vision du monde ressemble à ça [illustration qui représente un missionnaire au milieu de personnages à demi dévêtus, NdT] : c’est-à-dire qu’on a le militant du logiciel libre, qui est là pour aller apporter la bonne parole aux sauvages, aux gens qui vivent tout nus, ils n’ont pas de firewall, tout ça. Donc voilà. On a une vision qui est extrêmement évangéliste du logiciel libre, où on aurait la responsabilité d’aller éduquer les sauvages. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette vision-là. C’est un peu pour ça que je fais la conf.
Pour illustrer un peu ça, un discours que j’ai entendu assez souvent dans ma vie de libriste, je suis militant pour le logiciel libre depuis une grosse dizaine d’années maintenant et, assez souvent, j’ai entendu des discours qui ressemblaient à ça : un libriste nous raconte qu’il était en train de parler avec une autre personne et puis que l’autre personne avait un discours qui était absolument génialissime, qui était super intéressant et tout. Et puis, d’un coup, l’autre personne se met à sortir un ordi Apple et, à partir de là, ça veut dire que c’est complètement nul, qu’il n’y a plus rien à faire, il n’y a plus qu’à râler ou se barrer comme choix. Ce qui, à moi, me semble un peu exagéré comme réaction.
Un autre point aussi c’est qu’on a beaucoup dans nos communautés du Libre, dans nos événements autour du Libre, une tendance à réagir en tartuffe, à ne pas vouloir parler d’autre chose. On est là entre geeks, on est là pour parler de numérique et tout ce qui n’est pas le numérique on s’en fout. Grosso modo, c’est quelque chose qu’on va retrouver dans plein d’événements et c’est quelque chose qui me semble assez spécifique au numérique. Pour prendre un exemple qui n’a rien à voir : je fais partie d’une association qui traite de jeux de rôle dans les jeux vidéo, donc voilà, ça reste un peu informatique mais pas grand-chose à voir avec le logiciel libre. Dans les AG de cette association-là, quand je vais leur causer d’auto-hébergement, quand je vais leur dire que si on mettait en place, sur notre serveur à nous, un Framadate pour prendre des rendez-vous pour faire des parties ou ce genre de choses, ce serait bien pour tout le monde, ce serait bien pour nous, et on pourrait le laisser public et ce serait bien, ils sont très sensibles à ce genre de discours. Ils m’écoutent. Après, quand je leur dis qu’il faudrait virer la chaîne YouTube et mettre MediaGoblin à la place, ils me disent que j’exagère, que le but c’est de faire venir des gens pas d’en virer. Les gens d’autres domaines sont beaucoup à l’écoute et peuvent être ouverts aux sujets qu’on va leur apporter.
Dans le numérique ce n’est pas exactement le cas. Petit exemple de troll, mais si vous appelez le THSF et qu’on vient vous dire en commentaire, à la fin de l’événement, que ce que vous faites c’est absolument génialissime mais que ça pourrait être encore mieux si vous étiez un peu plus inclusif, apparemment il y a des gens qui prennent ça comme une insulte. Ça a beaucoup clashé à la fin de la dernière édition ; je n’ai suivi ça que de très loin, je ne peux pas vous donner de détails, mais apparemment, il y avait un discours de quelqu’un qui disait vraiment : « C’est génial, mais ça pourrait être encore mieux si on était un peu plus ouverts aux autres sujets », et il y a eu une énorme réaction de dire : « C’est quoi ces gens qui viennent nous insulter ? » C’est quand même grave !
Public : THSF ?
Elzen : Toulouse Hacker Space Factory. Donc c’est quelque chose qui se passe ici, dans le coin. Je vous laisse voir avec les locaux pour des détails.
Pourquoi c’est important l’informatique ? Parce qu’on est quand même convaincus que notre domaine est vachement important. Donc pourquoi ? Eh bien on est dans un monde où l’informatique, le numérique est partout. Pour lire les livres maintenant, de plus en plus, on fait ça sur une tablette au lieu de faire ça sur un bouquin papier. Je suis convaincu, je ne vais pas faire de sondage, mais je suis convaincu que si je demande, à peu près tout le monde dans cette salle a un smartphone dans la poche. Je dois être à peu près le seul à avoir encore un vieux truc comme ça. Je ne suis pas le seul, ça va ! Mais c’est extrêmement réduit, même vv [Antoine Le Gonidec alias vv221, NdT] n’est pas venu, il ne peut pas troller vu qu’il n’a pas de téléphone du tout ! Donc à peu près tout le monde a un ordinateur dans la poche, parce que ce qu’on appelle un smartphone c’est un ordinateur, avec une fonction téléphone.
Si on va sur tout ce qui est formulaire, trucs chiants genre les impôts, genre pôle emploi, genre machins tout ça, à peu près tout ça passe par le numérique maintenant, de moins en moins de papier. Et puis on a toutes les problématiques des objets connectés qui arrivent, où on met de l’informatique absolument partout, jusque dans la cuvette des toilettes, exemple un peu caricatural choisi exprès, mais voilà.
Donc le numérique est extrêmement important parce que le numérique est extrêmement présent dans la société. Mais c’est encore un peu plus que ça, c’est que c’est la troisième grande révolution de l’humanité. La première c’était il y a grosso modo 5 000 ans, c’était l’invention de l’écriture. Avant l’invention de l’écriture, on n’avait pas de moyen de noter les choses. Tout ce qu’il fallait retenir, etc., on n’avait pas d’autre choix que de le retenir de tête. Si je voulais partager avec quelqu’un, j’étais obligé d’aller le voir physiquement et de parler avec lui.
À partir de l’invention de l’écriture, on invente le moyen de noter les choses pour ne pas les oublier ; on invente le moyen de s’envoyer du courrier. C’est absolument génial et ça, ça change déjà énormément de choses. Mais c’est encore plein de limitations parce que écrire, c’est long. Tout ça. Vous avez un bouquin de trois cents pages, vous voulez le sculpter en tablettes de pierre, vous imaginez bien que ça prend du temps, donc vous ne ferez pas beaucoup d’exemplaires.
Donc il y avait quand même encore un problème juste avec l’écriture. C’est là qu’est arrivée la deuxième grande révolution de l’humanité qui a été l’imprimerie, il y a, en très gros, 500 ans. En très gros ! Je suis très fatigué, ne me demandez pas les détails des dates pour de vrai.
L’imprimerie, ça a changé quelque chose d’absolument fondamental, c’est que ça a rendu facile d’imprimer, de faire des bouquins. On a pu, à partir de là, publier du livre en masse. On a pu publier du livre en masse et donc on a pu apporter de l’information chez tout le monde. Tout le monde a pu apprendre à lire et avoir des bouquins dans lesquels lire. Donc ça c’est absolument génial aussi, mais ça a quand même une limite qui est vachement importante : c’est que ça devient facile d’imprimer à condition d’avoir une presse. Et que avoir une presse ce n’est pas facile. Avoir une presse ça coûte des sous, c’est dur à récupérer, à mettre en place, tout ça. Donc, à partir de l’imprimerie, on peut apporter la lecture à tout le monde, mais il n’y a que quelques personnes qui possèdent leur presse et qui peuvent se mettre à émettre des données, à écrire des choses, diffuser, diffuser du savoir.
Donc c’est quelque chose qui nous induit une société verticale, qu’on a gardée pendant super longtemps. C’est resté le modèle jusqu’à la télévision où on a quelques personnes, quelques privilégiés, qui peuvent émettre et toutes les autres qui ne peuvent que recevoir. Donc ça induit une société qui est extrêmement verticale. Ça, c’était le grand problème jusque-là, et puis arrive le numérique, Internet en particulier, mais le numérique en général, qui permet à tout le monde d’avoir son smartphone dans sa poche, d’avoir son blog à soi, à partir duquel on peut émettre de l’information. Donc cette troisième grande révolution, c’est celle qui permet vraiment à tout le monde de s’exprimer. Avant le numérique, avant Internet, la liberté d’expression c’était quelque chose de virtuel qui ne pouvait physiquement concerner que quelques personnes. Là, ça devient quelque chose qui concerne l’ensemble de la population.
Ce que je viens de vous dire, le numérique c’est vachement important. Quand il y a quelques personnes qui pourraient se dire « comme c’est vachement important, concentrons-nous sur ce sujet-là et ça justifie qu’on ne s’intéresse pas au reste. »
Je ne suis pas d’accord parce que l’imprimerie ça a servi à quoi ? L’imprimerie ça a servi à faire des cartes marines, à faire des encyclopédies, ça a servi à faire progresser la science, ça a servi à énormément de choses, et ce qui a été extrêmement important avec l’imprimerie c’est que d’emblée ça a concerné tous les domaines. Imaginez ce que ça aurait donné comme révolution de l’humanité, si les geeks de l’époque s’étaient dit « nous ce qui intéresse c’est l’imprimerie. Point. Et on ne va s’intéresser à rien d’autre. Et si on publie des bouquins, ce sera uniquement des bouquins sur la typo. » On ne serait pas allé très loin. C’est la même chose : l’informatique est importante parce que ça concerne plein de domaines.
Petite parenthèse, j’ai parlé d’imprimerie, je vais vous parler aussi d’écriture. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a un gros troll qui dure depuis super longtemps, et qui n’est pas près de s’arrêter chez les instits, de savoir si, pour apprendre à lire aux enfants, c’est mieux de se concentrer d’abord sur le code donc d’abord essayer de regrouper les lettres entre elles — B et A ça fait BA, etc. — pour essayer de maîtriser le code et puis, quand on aura réussi à maîtriser le code, on pourra commencer à s’attaquer à des textes. Ou s’il vaut mieux, au contraire, attaquer directement le texte et se dire que le code finalement c’est secondaire dans la mesure où ce qui est important c’est d’essayer d’accéder au sens et que, pour accéder au sens, on bossera sur le code en conséquence. Mais le plus important, quand on est devant un texte, c’est d’essayer de comprendre ce qu’il veut dire.
Je vais vous parler de parallèles avec d’autres domaines. Je vais profiter de ça pour vous parler d’éducation et justement, dans ce domaine-là, de ce qu’on appelle la pédagogie Freinet. S’il y a des instits dans la salle vous en avez probablement déjà entendu parler. Le principe général de cette pédagogie c’est de mettre l’élève au centre de l’apprentissage et de le rendre acteur de son apprentissage. Et notamment, pour cette question de comment on apprend à lire, ce que proposait Célestin Freinet c’était de dire que le plus efficace pour apprendre aux enfants à lire, ça va être d’apprendre à lire sur des textes qu’ils ont eux-mêmes produits. Donc d’utiliser leurs productions pour être sûr que ça les intéresse. Et ça, quelque part, on est vachement proche des thématiques du Libre, de dire qu’on va essayer de faire quelque chose qui va être spécifique à la personne à qui on parle, plutôt que de dire : « Tu prends le système comme il est et tu n’as pas le choix, c’est cette interface-là, c’est ce truc-là, c’est ce machin ; c’est Internet Explorer et pas un autre. » Donc c’est important, extrêmement important, de prendre en compte la personne qui est au centre et de ne pas suivre des trucs pré-écrits, mais de s’adapter en cours de route. Donc c’est important de pouvoir modifier les choses.
Je ne vais pas faire plus long que ça parce que je n’ai qu’une heure, je n’en ai pas cinq. Mais un autre domaine qui résonne vachement avec le nôtre. On disait : « Le numérique c’est vachement important », il y a un autre domaine qui est vachement important, c’est ce qu’on mange. Je ne sais pas si beaucoup de gens sont au courant, mais il y a des très grosses problématiques qui concernent tout ce qui est semences paysannes et compagnie. Il y a quelques personnes, assez influentes, qui ont mis en place un catalogue de l’ensemble des semences qui devraient pousser dans les champs et qui voudraient essayer de faire en sorte que tout ce qui n’est pas sur ce catalogue, on n’ait pas le droit de le planter et de le faire pousser. Ça veut dire qu’on n’a pas le droit de faire des croisements entre les plantes et ça, c’est quelque chose qui appauvrit énormément la biodiversité. Et tous ceux qui font un peu de biologie savent que c’est assez problématique.
Pareil, je suis très loin d’être spécialiste et je n’ai pas le temps donc je ne vais pas développer énormément ce parallèle, mais entre les semences paysannes et le logiciel libre il y a des parallèles à faire, extrêmement importants, et sur l’importance que ça a dans la société : c’est ce qu’on mange, donc c’est sacrément important aussi, donc ce serait bien qu’on s’y intéresse !
En parlant de ça, vous avez peut-être vu le stand Framasoft [1] dans le village assos, ils vous ont peut-être parlé du projet CHATONS [2]. Le projet CHATONS, un des super slogans qu’ils ont sortis pour essayer de mettre ça en avant, c’est de dire que ça va être les AMAP de l’hébergement. Je trouve ce slogan absolument génial, mais il a un énorme problème, c’est qu’il y a des gens qui ne savent pas du tout ce que c’est qu’une AMAP. J’étais le week-end dernier à l’Ubuntu Party à Paris, à un moment je suis passé à côté du stand Framasoft. J’ai vu une personne de Framasoft qui était en train de discuter avec un visiteur. Ils causaient de cette histoire-là d’AMAP. C’était très intéressant, ça avait l’air d’intéresser la personne, ça marchait très bien, mais c’était évident en les écoutant que ni l’un ni l’autre ne savaient ce que c’était qu’une AMAP ! Ça pose un petit problème ! En même temps, ils sont à Paris, on ne peut pas leur en vouloir, ce n’est pas le meilleur endroit pour ça !
Qu’est-ce que c’est qu’une AMAP ? Il n’y a pas de mystère, vous retrouverez ces points-là sur Wikipédia par exemple, c’est une association pour le maintien d’une agriculture paysanne [3]. Essentiellement, ce qui va sembler, pour moi, le point principal et la raison pour laquelle, effectivement, la comparaison entre les hébergeurs du projet CHATONS et les AMAP est très pertinente, c’est de dire qu’on va essayer de penser les choses autrement et de dire qu’on va être en relation directe entre les gens qui fournissent ou produisent la nourriture, qui fournissent le service, et les consommateurs, et de dire qu’on va essayer de réfléchir à des modèles de financement qui vont respecter tout le monde. Encore une fois je ne rentre pas du tout dans les détails, mais c’est un point qui me semble extrêmement important à creuser.
Il y a autre chose qui est extrêmement important et qui est extrêmement intéressant dans le discours de Framasoft, c’est de dire que le modèle AMAP ne va pas convenir à tout le monde. Il y a des gens qui, toujours, j’en fais partie d’ailleurs, qui toujours préféreront aller faire leurs courses en supermarché parce que c’est beaucoup plus pratique pour eux. De la même manière qu’il y a des gens qui vont continuer d’utiliser Gmail et compagnie parce que ça peut être dans leur cas beaucoup plus adapté qu’une AMAP.
Le point essentiel, à mon avis, c’est effectivement ça ne convient pas à tout le monde, ce n’est pas possible de trouver un modèle qui va satisfaire tout le monde. Il faut accepter qu’il y ait une certaine diversité dans ce modèle-là et je veux dire, on devrait être habitués à ça. Entre toutes nos distributions, tous nos environnements graphiques, tous nos logiciels concurrents, avec les trolls monstres genre Vim/Emacs qu’on se tape depuis longtemps, on devrait être super habitués à la diversité.
Et donc pourquoi est-ce que ça nous gêne à ce point-là que dans cette diversité-là on rajoute quelques acteurs qui, effectivement, ne sont pas géniaux du tout, mais qui existent et qui peuvent être plus adaptés à certaines personnes ? Est-ce que ce serait parce que tous nos systèmes-là sont des systèmes libres, alors que Mac OS, Windows, ça ne l’est pas du tout ? Eh bien moi je n’en suis pas convaincu, parce que si on regarde dans le détail, voici donc les quatre systèmes qui sont réputés pour être les plus grand public : Windows, Mac OS, Ubuntu, Mageia, si on va voir dans le détail ce qu’il y a à l’intérieur, alors OK, sur le cœur du système, il y a des choses qui sont plus ou moins libres ; au niveau des pilotes matériel on va avoir des trucs fermés à peu près partout. C’est possible pour les gens qui sont bien calés techniquement de se débrouiller pour n’avoir aucun pilote privatif, pour n’avoir que des pilotes libres, je ne pense pas que ça soit à la portée de M. et Mme Tout-le-monde. Par contre, si on regarde, même dans les systèmes fermés on a des tas de bouts de code libre qui sont dedans. La couche réseau dans Windows et dans Mac Os, elle vient de BSD [Berkeley Software Distribution, NdT] à la base et il y a beaucoup de code libre.
Tout ça c’est le cœur du système. À partir du moment où on arrive dans les logiciels à installer – j’ai mis la petite clef sur le schéma, c’est-à-dire qu’on a le contrôle du cadenas – on peut s’installer autre chose si on veut. Et c’est tout à fait possible à la fois sous Windows d’installer Firefox, à la fois sous Ubuntu d’installer Chrome. Donc, à partir de là, dans la partie sur laquelle l’utilisateur a le contrôle, il va pourvoir faire ce qu’il veut : s’il veut du Libre il va pouvoir mettre du Libre, s’il n’en veut pas il pourra mettre autre chose. Mais sur la partie cœur du système, dans tous les cas, ça va être un mélange de code libre et de code privatif. Et donc, on ne peut pas dire que c’est mieux parce que c’est Libre. Finalement, on est en proportion mieux que les grands systèmes-là, mais dans tous les cas il y a du Libre et du pas Libre.
Il y en a un dont je n’ai pas parlé c’est Android. Donc c’est le point d’après et c’est la bonne nouvelle c’est que, finalement, on a déjà gagné la bataille technique, parce que du code libre, il y en partout. Tous les gens qui ont un smartphone dans la poche vous avez dessus soit le noyau Linux, soit un cœur de système qui est du BSD. Mac OS, c’est une couche de BSD avec des saletés dessus.
Dans tout ce qui est équipements internet, tous les équipements qui font marcher le réseau en profondeur jusqu’aux box que vous avez chez vous, dedans c’est pareil, c’est du Linux ou c’est du BSD, alors du GNU/Linux, pas forcément, mais au moins voilà. Donc il y a au moins un peu de code libre dedans. Et le modèle open source, donc le fait d’ouvrir les choses – pour les gens qui ne sont pas au courant, open source et Libre, il y a une énorme différence philosophique, mais juridiquement ça veut dire la même chose ; dans les deux cas ce sont les mêmes libertés qui sont derrière, c’est juste pensé de deux manières radicalement différentes – et le modèle open source de dire qu’on va ouvrir le code pour permettre à tout le monde de travailler dessus parce que c’est ce qui rend les logiciels meilleurs, on a déjà gagné sur ce plan-là.
Dernière nouvelle que j’ai vue hier avant de prendre mon train pour venir ici, Microsoft vient de rejoindre la Linux Foundation. Voilà. Sur ce plan-là on a déjà gagné. Mais il reste un souci qui est absolument énorme, c’est le monsieur que j’ai montré au début qui, quand il ne se déguise pas en en Saint iGNUcious, il dit parfois des choses intelligentes. Il nous explique que les gens qui font des logiciels non libres ce ne sont pas forcément des manchots. Des fois ils produisent des programmes de qualité et des programmes qui marchent bien. Et si la seule chose sur laquelle on se base, pour essayer de convaincre les gens, pour essayer de progresser, ce sont les aspects techniques, c’est quelque chose qui ne pourra pas marcher sur le long terme parce que, à partir du moment où il y aura des logiciels non libres mais qui marchent bien et qui marchent mieux que les nôtres — ça peut toujours arriver — qui apparaîtront, eh bien les gens seront tentés de retourner là pour aller voir ce qui marche le mieux. Et ce qui est le plus important, finalement, c’est de gagner la bataille philosophique. C’est de dire « que ça marche mieux ou pas techniquement, on s’en fout ! Ce qui est important c’est d’être libres. »
Et donc, la grande question, ça va être la bataille des idées. Celle-là comment on fait pour la gagner parce que ça ce n’est pas encore fait. Vous avez un certain nombre de propositions qui sont faites notamment par l’April [4] et par Framasoft qui font plein de trucs assez géniaux. Donc voilà, Kids : Don’t Do Drugs, etc. Pour les gens qui ne comprennent pas l’image du milieu c’est parce que Google est un aspirateur à données personnelles. Donc des arguments chocs, des trucs comme ça, on en a plein. Est-ce que ça va suffire, ou pas, on verra ! C’est notre boulot d’aller porter ça. Mais il y a un point dont je voulais parler c’est de la question « est-ce que ça, ça va suffire, juste de prêcher et d’apporter ce discours-là et rien d’autre, est-ce que ça va suffire ? » Et donc j’ai beaucoup parlé du parallèle avec les religions, est-ce qu’on ne pourrait pas aller voir ce qui passe du côté des religions ?
Quelques dates liées au christianisme, par exemple. Il faut savoir que le christianisme, au début, sur les premiers siècles, était une religion qui était interdite. Et puis, à partir de 313, ça devient autorisé dans l’Empire romain, donc vous avez le droit d’être chrétien. À partir de 382 ça devient même la religion officielle dans l’Empire romain. Vous imaginez la puissance des lobbyistes qui ont fait ça : en même pas un siècle on passe de interdit à religion officielle. Si vous connaissez des lobbyistes qui ont cette puissance-là, envoyez-les à l’April ou à La Quadrature [5], on en a besoin !
Mais ce qui est important de noter c’est que ça a beau devenir religion officielle de l’Empire romain en 382 et puis, après, il y a d’autres empires qui succèdent, c’était essentiellement – voilà, c’est lui le monsieur qui peut se moquer parce que lui il n’a pas de téléphone du tout [il s’agit de vv221 qui entre dans la salle à ce moment-là, NdT] – essentiellement, même à partir du moment où c’est devenu une religion officielle, c’était une religion qui était extrêmement minoritaire. C’était une religion qui était la religion des élites, peut-être, mais sur la population on restait polythéistes, on restait croyants en telle ou telle chose, mais on estime qu’en France en tout cas, je parle pour ce que je connais à peu près, le christianisme n’est vraiment devenu la religion majoritaire sur l’ensemble de la population qu’à partir du XIIe siècle. Donc entre 382 et le XIIe siècle, il s’est quand même passé un peu de temps. Donc ça peut être intéressant les dates, si jamais vous jouez à Timeline, qui est un jeu assez sympa, voilà vous avez les dates pour réviser un peu. Et la question c’est de se demander comment on est passé de la partie avant où c’était interdit à la partie où c’est devenu religion majoritaire.
Je vais prendre deux exemples. On est en novembre, donc je vais prendre les fêtes religieuses qui nous encadrent un peu : la Toussaint et Noël. Si vous regardez la Toussaint, aux alentours du 1er novembre, en fait, à la base ça ne s’appelait pas la Toussaint, à la base ça s’appelait le Samain, c’est le nouvel an celte qui existe depuis vachement plus longtemps que la religion chrétienne. C’est encore célébré dans certaines parties du monde, notamment en Bretagne.
Le 25 décembre. Il y a des gens qui se sont déjà demandé pourquoi Noël tombe le 25 décembre ? En fait, le 25 décembre, approximativement, ça varie un peu d’une année sur l’autre, mais c’est le premier jour à partir duquel on peut se rendre compte à l’œil nu, sans instrument super sophistiqué, que la durée du jour commence à ré-augmenter et que, ça y est, le soleil a arrêté de céder la place à la nuit et que maintenant les jours vont augmenter. Et ça, vous imaginez que ça a pu avoir des importances absolument géniales et, dans l’Empire romain notamment, c’était célébré comme étant le jour du Soleil Invaincu. Et c’est le genre de choses qui a existé très longtemps avant la religion chrétienne, et ce que les évangélistes chrétiens ont fait – ils ont eu une idée absolument géniale – c’est de dire « on ne va pas juste aller apporter notre truc et le reste brûler tout ça, ça ne sert plus à rien », ils ont décidé de dire « on va s’adapter à ce qui existe. Les gens font la fête à ce moment-là, eh bien on va essayer de leur trouver une raison chrétienne de faire la fête à ce moment-là. » Et donc c’est, quelque part, l’idée de se transformer pour accepter la diversité du reste du monde.
Petite scénette troll, les gens qui ont joué à Ages of Empires doivent connaître ça. Ages of Empires vous avez le prêtre qui fait : « Wololo », l’unité en face change de couleur et ça devient la vôtre. Et si c’était le prêtre ennemi, c’est la vôtre qui devient ennemie. Bon, voilà ! Ça, ça marche c’est un truc qui marche bien quand il n’y a qu’une seule couleur en face. Si on essaie de faire un truc complètement multicolore comme ça, j’aime beaucoup Elmer, si on essaie de faire un truc complètement multicolore, le coup du « Wololo », ça va moins bien marcher. Et donc l’idée c’est de dire que si on essaie de prendre en compte toutes les différentes philosophies, toutes les différentes idées qui existent, et de construire quelque chose avec tout ça, plutôt que de dire on en prend une et on oublie tout le reste, on va avoir quelque chose qui va être beaucoup plus robuste et qui va beaucoup mieux marcher.
Qu’est-ce que je voulais dire après. Oui voilà. C’est pour ça que je dis que prêcher ce n’est pas génial et que c’est important de partager, parce que l’essentiel dans le partage, c’est que ça se fait dans les deux sens. C’est qu’on accepte que l’autre nous apporte des choses en même temps qu’on lui apporte des choses. On n’est pas là pour évangéliser les sauvages, on est là pour parler entre personnes civilisées et ils vont potentiellement avoir autant de choses à nous apporter que nous on en a à leur apporter.
Je suis scientifique de formation. C’est quelque chose qu’on fait beaucoup dans la science. Ce dessin assez compliqué vous représente quelque chose qui est vraiment étudié en pratique, c’est l’arbre des relations entre les différentes langues. Vous avez ici ce qu’on appelle indo-européen, qui était une langue qui était parlée – comme son nom l’indique indo-européen, Inde/Europe – qui s’est développée, qui a donné progressivement naissance à toutes nos langues modernes. Je le fais très mal. S’il y a des linguistes dans la salle, ils vont vouloir me baffer. Mais voilà, j’essaie d’aller vite. Et ce qui est vachement intéressant c’est que ce modèle-là d’étude des relations de parenté entre les langues, on retrouve les mêmes algorithmes, les mêmes équations, la même manière de fonctionner que quand on regarde l’arbre de la vie en biologie. [Tiens je n’avais pas remarqué. Lui est encore là, on va le planquer un peu]. Et c’est la même théorie de l’évolution qui s’applique à la fois aux êtres vivants, s’applique aux langues et s’applique dans quelques autres domaines. Notamment, ça marche aussi sur l’informatique, l’étude des relations entre programmes. Je ne détaille pas, mais voilà, il y a énormément de choses. C’est une habitude qu’on a beaucoup dans les sciences de reprendre ce qui marche comme modèle pour expliquer les choses quelque part et d’essayer de l’appliquer ailleurs.
L’équipe de recherche dans laquelle je travaille, son objectif officiel, c’est de dire – c’est une équipe de base de données, on travaille sur les bases de données – et l’objectif officiel de l’équipe c’est de dire : « Sur les bases de données on a mis au point plein de techniques absolument géniales, maintenant le but de l’équipe c’est de prendre ces techniques et d’essayer de les appliquer dans d’autres domaines et de regarder si ça marche aussi bien. »
L’idée est de dire que quand il y a des parallèles, s’il y a des parallèles à faire entre les domaines, eh bien il y a peut-être des parallèles à faire entre les solutions et c’est peut-être une bonne idée d’essayer de communiquer un peu dans ce qu’il y a à faire.
Petite parenthèse ici : l’informatique, à la base, c’est quand même un fork de la recherche en mathématiques.
La notion d’algorithme. OK ! Bon, il faut que je bouge. Ceci ça s’appelle le crible d’Ératosthène ; c’est un algorithme qui a 2300 ans. À l’époque il n’y avait pas beaucoup d’ordinateurs, mais il y avait déjà des algorithmes. Quand ils ont commencé à faire les premiers ordinateurs, les premiers trucs qui allaient donner ensuite des ordinateurs, c’étaient des machines à calculer, vous avez la Pascaline ici. Et puis, quand on a commencé à faire vraiment dans le numérique, c’était pendant la Seconde guerre mondiale, c’était pour essayer de casser les codes allemands, donc c’était de la cryptographie. Ça c’est une branche de recherche des mathématiques.
L’informatique c’est un fork des mathématiques à la base. Donc on devrait aussi savoir qu’il y a d’autres domaines et qu’il faut aller voir le reste.
Ce qui me permet de vous parler des parents de l’informatique. Généralement on résume à ces quatre personnes-là, qui ont des apports assez géniaux. Le premier monsieur, là, il s’appelle Charles Babbage, c’est le type qui a conçu les plans de ce qu’on appelle la machine analytique. C’était le premier truc qui ressemblait vraiment à un ordinateur sauf que c’était mécanique à l’époque et pas encore numérique, mais pour Charles Babbage lui-même, c’était principalement une machine à calculer. Il voyait quelques avancées, mais il n’avait pas encore l’intuition de à quel point ça pouvait servir à plein de choses différentes.
La première personne qui a eu cette intuition-là, donc qui a eu l’idée, qui a conceptualisé l’ordinateur tel qu’on l’envisage actuellement, c’était une collaboratrice de Babbage qui s’appelait Ada Lovelace, qui est la première personne au monde à avoir programmé, pour de vrai, quelque chose qui ressemblait à un logiciel. Donc ça c’était l’époque pré numérique.
Ensuite, pour l’époque numérique, on a eu les apports géniaux d’Alan Turing et de Grace Hopper. Je ne détaille pas, mais entre autres, Grace Hopper est la personne qui a écrit le premier compilateur de l’histoire. Et donc, là où je veux en venir puisque je n’ai pas le temps, c’est qu’on peut noter que l’informatique c’est quelque chose qui a été inventé essentiellement par deux femmes et un homo. Donc ce n’était peut-être pas parti, à la base, pour donner quelque chose comme ça. L’informatique actuellement, eh bien ça se voit notamment dans la répartition des gens dans cette salle, reste un milieu extrêmement masculin et, malheureusement, assez sexiste.
Public : Le président Obama a remercié à titre posthume Mme Hopper, il y a deux jours, pour son apport au service de la nation.
Elzen : C’est cool ça ! On a une communauté qui est assez peu ouverte à la diversité des genres et c’est quelque chose auquel il faut prêter attention parce que le genre ça peut être beaucoup plus compliqué que ce qu’on a l’habitude de percevoir. Ça peut aller jusque-là, pareil, je ne vais pas détailler tout ça, mais le bonhomme de pain d’épices en genre est quelque chose d’assez intéressant à regarder et ce qu’il y a derrière ça, c’est l’idée de la liberté de se définir soi-même. Et si on milite pour la liberté de ce qu’on met dans nos machines, ce serait peut-être bien de regarder un peu aussi la liberté de se définir soi-même, parce que ça va un peu ensemble, quand même.
Et il y a un point important à souligner, c’est qu’on a tendance à se présenter comme une communauté ouverte dans laquelle on n’exclut pas les gens. Alors effectivement, on n’exclut pas vraiment les gens, mais on a beaucoup de gens dans nos communautés qui ont un comportement qui est excluant et qui ont un comportement qui fait que si vous êtes une femme, si vous êtes une personne homosexuelle, si vous êtes une personne de couleur ou ce genre de choses, vous n’allez pas forcément avoir envie de venir parce que vous savez que vous allez trouver des gens qui vont faire des remarques, des blagues sexistes et racistes en permanence, etc., et qui ne vont pas vous donner envie de rester dans cette communauté-là. Et de se dire qu’on n’exclut personne mais qu’on empêche les gens d’entrer, c’est quand même un peu dommage. Et ce serait bien, des fois, et des fois c’est sain et salutaire, de se dire que, potentiellement si c’est un personne qui empêche d’autres gens de venir, ça peut être intéressant de l’exclure.
Il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse. Dans les assos LGBT, ils ne virent pas les utilisateurs de Windows, il ne faut pas non plus qu’on vire les hétéros, ce n’est pas ça l’idée. Ça ne m’arrangerait pas, mais il faut qu’on prête vraiment attention au fait d’être vraiment ouverts, etc.
Après je ne détaille pas, mais un peu de pub. Si vous avez envie, surtout vous qui êtes dans le coin, Toulouse et compagnie, si vous avez envie de faire un événement chouette, allez voir les gens de Martin Persil. Ce sont quelques personnes qui font de la cuisine végétalienne, donc ça convient à tout le monde généralement. À la dernière AG de la fédé FDN [6], toute la nourriture de toute l’AG a été faite par Martin Persil et tout le monde, y compris les gros viandards, a adoré. Donc c’est le genre de choses qu’il faut aller regarder. Les seuls qui n’ont pas réussi à manger végétalien pendant les quatre jours, ce sont les personnes qui ne pouvaient pas envisager survivre sans fromage.
Autre point vachement important que je ne détaille pas non plus parce qu’on me fait signe qu’il ne reste plus de temps, c’est de faire attention à ce que les personnes en situation de handicap puissent accéder à nos logiciels aussi. Si on a la liberté de faire ce qu’on veut avec le logiciel, mais que physiquement, parce qu’on est aveugle ou ce genre de choses, on ne peut pas s’en servir, ça n’a pas d’intérêt. Donc je ne détaille pas non plus, mais allez voir ce que fait Liberté 0 [7] qui est extrêmement important et intéressant aussi.
Et voilà. Point suivant, point intéressant, c’est que, quand même, on bosse quand même pas mal sur ce genre de choses, tout ce qui est production de documentation, on a beaucoup d’efforts qui sont déployés dans la communauté, depuis un certain temps, pour produire de la documentation sur tout, et de rendre accessible à tout le monde. On a aussi des teams traduction qui font du boulot absolument génial. Donc on a quand même commencé à faire des choses à ce niveau-là. On a aussi des tas d’événements bien sympas où c’est possible de monter en compétences et de partager du savoir et tout, donc c’est assez génial. Et je vais m’attarder sur un événement particulier, c’est que moi je suis lyonnais donc je vais vous parler de ce qui se passe à Lyon : ce sont les JDLL. Les JDLL [Journées Du Logiciel Libre, NdT], c’est un événement qui est porté par trois associations, donc l’Aldil [8]
qui est l’équivalent lyonnais de Toulibre, IllyseIllyse - Fournisseur d’Accès à Internet sur la région lyonnaise et stéphanoise, qui est l’homologue lyonnais de Tetaneutral et la Maison pour Tous, Maison pour Tous des Rancy, donc qui est la MJC qui accueille l’événement.Nous, à Lyon, on n’a pas d’ENSEEIHT [École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications, NdT], on fait ça dans une maison, une petite MJC de quartier, mais ça a des côtés chouettes, c’est que quand il y a un état d’urgence, on n’est pas obligés d’annuler ! Ce que je voulais dire, surtout, c’est que je ne sais pas comment ça se passe, je ne suis pas du tout l’organisation côté Toulouse, mais nous, l’orga des JDLL elle est complètement ouverte et dans les membres de l’organisation, il y a des gens qui ne sont d’aucune de ces trois assos et qui font du boulot absolument génial. Le but du jeu c’est d’essayer de faire venir tout le monde et de faire des choses tous ensemble. Et c’est ça qui est génial !
Vous aurez peut-être remarqué le titre de la diapo, vous vous demandez peut-être pourquoi je parle de grandes batailles pour l’organisation d’un événement ça veut dire que nous n’avez pas essayé d’organiser un événement de cette ampleur-là ; je pense que les orgas du Capitole pourront confirmer. Mais si on veut regarder des batailles autrement plus remarquées : la bataille contre la loi renseignement, on a beaucoup entendu parler de La Quadrature du Net. Si vous retournez sur le site sous-surveillance.fr [9], vous allez voir qu’il y a, notamment, toutes ces assos-là qui ont contribué, qui ont fait des choses. Et ce sont des assos qui, pour une certaine partie d’entre elles, n’ont rien à voir avec le numérique. Mais c’était un sujet tellement important et tellement fédérateur qu’on s’y est mis à plusieurs pour faire des choses et c’est ça qui est extrêmement important. Bon après, pour troller un peu quand même, il faut aussi savoir qu’on a beau avoir le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats avec nous, une énorme partie du travail juridique a été apportée par La Quadrature et la Fédé. Mais bon !
Donc c’est important de s’y mettre à plusieurs et, pour faire des choses, c’est vachement mieux de faire des choses à plusieurs et c’est peut-être aussi ce que veulent dire nos vieux circle of friends, ces vieilles images de plusieurs personnes qui se tiennent par la main. C’est qu’on ne peut pas tout faire chacun tout seul. Une personne ne peut pas s’occuper de tout. Mais si on s’y met à plusieurs et que chacun amène les sujets qui lui sont importants, à nous, tous ensemble, on arrivera à faire des choses. Je laisse le temps à la personne qui prend des photos, voilà !
Et j’attaque le vrai résumé de la conf ce coup-ci qui est de dire que le logiciel libre c’est absolument essentiel mais ça ne fait pas tout. Il y a plein d’autres choses extrêmement importantes à prendre en compte, notamment tout ce qui est éducation, éducation au numérique, éducation populaire. La façon de faire de l’éducation et tout ça, c’est quelque chose auquel on devrait prêter beaucoup attention. Microsoft, Monsanto, même combat. On a les mêmes problématiques au niveau de la production de bouffe et au niveau du numérique et ce serait bien qu’on essaie de faire des choses ensemble de temps en temps.
Si on veut, si le but c’est de faire une société égalitaire ce serait bien qu’on fasse attention à tout le monde et qu’on traite vraiment tout le monde à égalité. Et la question principale à se poser, en fait, c’est « vers quelle société on veut aller ? » Et donc, à partir du moment où on a décidé vers quelle société on veut aller, comment on va faire, tous ensemble, pour réussir à y aller.
Et donc je vais arriver à la conclusion vu qu’on me fait signe que je n’ai plus de temps, ça tombe bien j’avais fini, ma conclusion c’est que maintenant il faut se mettre au boulot. Et donc c’est le moment où j’arrête de prêcher et maintenant je vous invite à partager avec moi, donc je vous écoute.
Applaudissements
Public : Au niveau des libertés, il y a la liberté 0 avec l’accessibilité qui est indiquée, il y en a une que j’aime bien rajouter qui est la liberté des communautés sur tout ce qui est outils hébergés, outils avec des interactions entre utilisateurs. Si on ne veut pas capturer la communauté, ça me paraît très important d’avoir un fonctionnement où on n’a pas une instance centrale et la communauté qui est associée à cette instance, mais des instances inter compatibles avec des hébergements décentralisés et distribués.
Elzen : Je ne vais pas avoir grand-chose à rajouter parce que c’est le genre de conf que je fais régulièrement. Donc oui. Tout ce qui est projet CHATONS, tout ce qui est auto hébergement, Brique Internet, tout ça, c’est absolument génial. Je crois que ce n’était pas vraiment une question, donc on va peut-être donner la parole à quelqu’un d’autre.
Public : Je m’excuse. Je suis un profane, je débarque complètement, je ne m’y connais pas du tout en numérique. Je n’ai pas compris, en fait, l’AMAP, je n’ai pas compris du tout la référence à l’AMAP. Je vois ce que c’est qu’une AMAP, je ne vois pas le sens que ça prend dans le logiciel libre.
Elzen : Les gens de Framasoft en parleront probablement beaucoup mieux que moi, enfin ceux qui savent ce que c’est qu’une AMAP en tout cas. Mais l’idée, vraiment, c’est que l’AMAP est quelque chose qui se construit par opposition au mode de production où il y a les grands qui produisent énormément de choses, tout ça. Et c’est exactement la même démarche qu’on a par rapport à l’hébergement, par rapport aux Gmail et compagnie, par rapport à tout ce qui est GAFAM, de dire qu’on ne va pas produire de la donnée en masse et que tout le monde aille au même supermarché et tout ça. L’idée c’est de se remettre en relation entre les acteurs qui produisent le service et les utilisateurs, de se mettre en relation directe. Et si tu viens chez un CHATONS pour ton hébergement, ça va être des personnes que tu vas connaître, avec qui tu vas pouvoir parler ; tu vas pouvoir discuter avec elles de ce qu’elles vont faire, etc. Et au niveau du mode de construction c’est globalement la même idée que celle d’aller dans une AMAP plutôt que d’aller dans les grands groupes.
Public : Les CHATONS ?
Elzen : Les CHATONS, je n’ai pas donné la signification du sigle : Collectif des hébergeurs alternatifs transparents ouverts neutres et solidaires. J’avais essayé de chercher un peu avant Framasoft d’utiliser le même sigle, mais moi je n’ai pas réussi, eux ils ont réussi, petit coup de chapeau ! Mais voilà, c’est un collectif d’hébergeurs dont une bonne partie sont associatifs, mais pas que, de gens qui sont là pour t’aider à avoir autre chose que du Google, que du Apple, Facebook, Microsoft, et ainsi de suite.
Public : Bon. C’était nickel.
Elzen : Je t’invite à aller sur le stand Framasoft ; ils t’en parleront beaucoup mieux que moi. Est-ce qu’il y a d’autres questions ? S’il n’y a pas de questions, merci beaucoup. Merci à tout le monde.
Public : Merci.
Applaudissements