Ouverture et présentation
Xavier Cailleau : Bonjour à toutes et à tous. Merci de répondre présent aujourd’hui. Je suis personnellement et aussi au nom de Wikimédia France très heureux de vous retrouver pour ce webinaire Wikidata et GLAM [Galleries, Libraries, Archives and Museums] avec, en toile de fond, le Web des données culturelles et un programme explorant les alignements de données.
C’est, en fait, un évènement proposé par Wikimédia France et Etalab. Christelle Molinié vous racontera un petit peu l’origine de sa création. Il est finalement une belle suite à la Journée Wikimédia Culture et numérique qui était dédiée à l’Open Content le 16 avril dernier. Cette fois-ci on plonge au cœur d’enjeux encore plus larges. L’association Wikimédia France [1] s’intéresse de très près à ces questions et beaucoup de ses membres côtoient la donnée culturelle au quotidien. Certains bénévoles en ont même fait un domaine d’expertise et le lien le plus évident avec la thématique de ce webinaire c’est Wikidata [2], la base des connaissances libres, qui est le dernier né des projets Wikimédia et qui a un rôle essentiel aujourd’hui dans la sphère Wikimédia.
Avant de laisser la parole à Cristelle Moliné je vous propose quelques informations pour le bon déroulement de l’évènement qui aura lieu aujourd’hui et jeudi prochain 10 juin.
Tout d’abord je vous invite à participer activement au chat, c’est ici que vous pourrez poser toutes vos questions et nous serons très heureux d’y répondre par écrit ou à l’oral d’ailleurs. Ensuite nous vous demandons de bien vouloir garder vos micros coupés pendant les présentations, pour que ça se passe dans les meilleures conditions ; vous pouvez évidemment laisser votre caméra ouverte si vous le souhaitez. Sachez que la matinée, et uniquement la matinée aujourd’hui, est enregistrée et pourra être visionnée à posteriori, pour les personnes qui voudront voir ou revoir toutes les présentations, toutes les conférences.
Je vous laisse souhaite un excellent webinaire. Petit aparté, les personnes qui sont inscrites aux ateliers peuvent évidemment y assister, en particulier pour l’atelier « Mix en Match » vous avez reçu un mail de confirmation vous précisant que c’était complet, nous serons très heureux de vous accueillir à partir de 14 heures pour ces ateliers-là.
Je vous souhaite une excellente journée, un excellent webinaire. Je laisse la parole à Christelle Molinié, documentaliste au musée de Saint-Raymond et incontournable membre de l’équipe d’organisation.
Cristelle Molinié : Merci Xavier. Bonjour et bienvenue. Nous sommes en effet très heureux de vous retrouver aujourd’hui pour la première partie de ce webinaire Wikidata et GLAM sur la question des vocabulaires, référentiels et thésaurus dans le cadre du web de données.
Comment faire en sorte que les divers catalogues de nos ressources culturelles communiquent entre eux sans utiliser le même langage d’indexation ? La solution passe par l’alignement des données et nous allons voir comment les GLAM, à travers de nombreux retours d’expérience au sein d’établissements français et étrangers, abordent cette problématique et définissent leur stratégie.
L’idée de cet évènement est née l’année alors que nous amorcions l’alignement des vocabulaires Joconde [Catalogue collectif des collections au service des musées de France, NdT] du service des musées de France sur Wikidata. L’initiative a soulevé des questions de fond intéressantes, a généré des échanges fructueux et révélé un grand intérêt de la part de la communauté wikmédienne, mais aussi des acteurs culturels et des gestionnaires de données. Ce moment a également été l’occasion de constater l’existence de nombreux projets d’alignement en cours auxquels nous avons souhaité donner de la visibilité aujourd’hui en invitant leurs acteurs à venir vous les présenter. À travers ce panorama nous souhaitons illustrer le fait que, malgré des démarches indépendantes, toutes convergent vers un même espace de savoir partager et interconnecter. Je vous souhaite une très bonne journée à toutes et à tous.
Xavier Cailleau : Merci beaucoup Cristelle pour cette ouverture, cette introduction. Je propose de passer la parole directement à Bastien Guerry, référent logiciels libres, Etalab, pour une petite présentation de la licence ouverte 2.0, si je ne m’abuse, et le code des relations entre le public et l’administration.
Présentation de la licence Ouverte
Bastien Guerry : Merci beaucoup à tous. Merci Xavier et merci Cristelle.
Je travaille à Etalab [3] depuis deux ans maintenant. Mon sujet c’est plutôt les logiciels libres. Je suis ravi de cette collaboration et Etalab est ravi de coorganiser ce séminaire.
On avait par le passé, il y a deux ans ou deux ans et demi, déjà organisé un petit atelier autour de Wikidata et des données publiques publiées en open data sur le portail data.gouv.fr, c’était la première petite graine de ce qui, j’espère, va continuer à pousser, la convergence comme a dit Cristelle.
De mon côté je ne serai pas très long. Je voudrais juste simplifier les choses.
Je vais vous parler de la licence Ouverte.
Auparavant quelques rappels historiques, c’est toujours intéressant de savoir d’où on vient et de se rendre compte, un peu, que ça fait vraiment plusieurs décennies qu’il y a ces débats sur la question de l’accès aux documents administratifs et la question de leur réutilisation.
Vous connaissez peut-être le Freedom of Information Act qui est un peu un acte légal inaugural sur ce sujet de l’accès des citoyens aux informations que l’État fédéral américain possède.
Quelques années plus tard on a cette affaire, que vous connaissez sûrement aussi, l’affaire SAFARI [Système automatisé pour les fichiers administratifs et répertoires des individus]. Le ministère de l’Intérieur propose de construire un énorme fichier contenant des données personnelles. Cette affaire, et les problèmes qui vont avec, est révélée par Le Monde en 1974. S’ensuit un grand débat de société avec, quatre ans plus tard, trois réalisations qui, pour moi, sont intéressantes à mettre en regard : la première c’est ce rapport Nora-Minc [4], sur la télématique. Un rapport dont je vous recommande chaudement la lecture, qui aura vraiment un impact très fort sur toute la classe politicienne et tous les intellectuels qui s’intéressent un peu à cette chose émergente qu’est l’informatique.
Un mois plus tard la loi informatique et libertés et la création de la CNIL qui est vraiment une réaction à SAFARI, qui est un contrepoids et qui insiste sur l’importance de la protection des données personnelles des citoyens.
Quelques mois plus tard encore, la loi qu’on appelle la loi CADA pour Commission d’accès aux documents administratifs, qui est la loi qui encadre la façon dont les citoyens peuvent demander des comptes à l’administration, notamment demander des documents administratifs.
On fast forward très loin dans le temps, on arrive en 2011 à la création d’Etalab qui est une création symbolique mais importante, qui va justement orchestrer la publication de ces documents administratifs dont la plupart sont maintenant numérisés. « Documents administratifs » est un terme large qui recoupe à la fois des PDF scannés dans les mairies sur l’état civil, jusqu’à des bases de données scalaires, tabulaires, jusqu’à, y compris, les codes sources qui sont développés par l’administration, qui est le sujet dont le m’occupe particulièrement depuis deux ans.
2011, en même temps que la création d’Etalab, c’est la publication de la licence Ouverte 1.0. C’est toujours compliqué de proposer une nouvelle licence parce que, dans le domaine des logiciels libres, on sait très bien qu’on a un problème avec la prolifération des licences. Qui dit nouvelle licence donne le soupçon d’une licence qui, au lieu de simplifier le contexte légal, va le complexifier avec de nouvelles permissions.
Cette licence-là a vraiment été proposée dans un but pédagogique et dans un but de simplifier la visibilité des conditions dans lesquelles les documents publiés sur data.gouv.fr peuvent être réutilisés. C’est un peu le même principe, si vous voulez, que les licences Creative Commons qui ont vraiment permis de démocratiser l’idée que c’était aux auteurs eux-mêmes de décider de quelle façon ils voulaient publier, quels droits ils pouvaient accorder contractuellement aux gens qui réutilisent leurs contenus. Cette licence Ouverte ne fait que répéter le cadre juridique des documents administratifs - je reviendrai là-dessus - et donner de la visibilité à cette possibilité, pour tout le monde, de réutiliser les documents administratifs, y compris les documents publiés par le ministère de la Culture sous licence Ouverte.
2015, on a la consolidation de cet ensemble de lois qui régissent les relations entre le public et l’administration et c’est un peu la matrice pour de futurs décrets quoi vont encadrer les choses.
2016, une réaffirmation forte de cet accès des citoyens aux documents de l’administration avec le principe, pour la première fois, de l’open data par défaut. Toute l’administration a une obligation légale de rendre communicables les données administratives qu’elle produit.
2017, une révision de la licence Ouverte qui est connue dans le registre des licences comme la licence Etalab 2.0.
Les licences de réutilisations sont donc fixées par décret, c’est la page de référence pour toutes les administrations qui veulent publier. Il y a celles qui concernent les codes sources en dessous de la ligne de flottaison, je ne rentrerai pas dans ce détail, ça ne nous concerne pas aujourd’hui. Il y a les autres licences, on a deux grandes licences : la licence Ouverte 2.0 qui est l’équivalent d’une licence permissive, donnant à tous un droit très large de réutilisation, y compris commerciale, et la licence avec obligation de partage à l’identique qui est la licence ODbL [Open Database License] que le projet OpenStreetMap, par exemple, a permis de mettre en place et de faire connaître au plus grand nombre.
La doctrine est vraiment que ce sont les licences permissives, en l’occurrence les licences ouvertes, qui doivent être choisies par défaut. Les licences plus restrictives qui imposent, par exemple, des conditions de réciprocité dans la réutilisation, doivent être justifiées s’il y a un risque pour l’intérêt général. On n’a pas de jurisprudence de licence ODbL ou de licence restrictive qui ait été utilisée et qui ait été contestée par un acteur de la société civile, pas à ma connaissance en tout cas, disant à l’administration « vous n’avez pas réellement justifié de ce risque pour l’intérêt général », mais la doctrine est vraiment dans l’utilisation de licences permissives.
Très concrètement, quand vous êtes le ministère de l’Intérieur, en l’occurrence Santé publique France, que vous publiez un jeu de données sur data.gouv.fr, vous êtes invité à préciser la licence dans laquelle ce jeu de données est publié. Vous voyez ici « Licence Ouverte 2.0 » pour les données de vaccination au covid 19.
La licence Ouverte, je l’ai déjà dit mais je le redis, propose un droit de réutilisation le plus large possible et elle ne fait en cela que répéter le CRPA [Code des relations entre le public et l’administration]. Quand je disais que c’est un outil pédagogique et de mise en visibilité c’est ça, c’est-à-dire que même un jeu de données publiques qui ne précise pas la licence reste légalement encadré par le code des relations entre le public et l’administration. Une personne qui réutiliserait commercialement des données qui sont publiées par l’administration mais où l’administration aurait oublié de mettre la licence Ouverte 2.0, cette personne aurait tout à fait le droit. La licence Ouverte donne de la visibilité et clarifie les choses.
Ce droit est très large, il permet notamment de commercialiser les données réutilisées. Si vous voulez, c’est l’équivalent d’une licence MIT ou d’une licence Apache dans le domaine logiciel. Elle doit évidemment être compatible avec le respect du droit d’auteur. Je ne rentrerai pas, dans cette présentation, sur toutes les difficultés qu’on a autour du droit d’auteur des agents publics. Le principe, par défaut, c’est que les droits patrimoniaux de ces agents publics appartiennent à l’État puisqu’ils travaillent au service du public. Il y a quand même la question systématique du respect des droits moraux et, dans certaines circonstances, les ministères producteurs doivent demander l’autorisation aux auteurs, quand ils sont enseignants-chercheurs par exemple, pour donner la liberté de réutilisation. C’est un point de difficulté qu’on a assez régulièrement. Il faut le redire, la licence Ouverte se fait dans le respect du droit d’auteur.
Les deux seules obligations sont l’obligation de mentionner la source, c’est-à-dire l’établissement producteur, et la date de mise à jour des données. Ces obligations ne portent que sur le primo réutilisateur, c’est un point qu’on avait clarifié en atelier à Etalab avec Thomas Menant et Perica Sucevic qui sont les deux juristes de la DINUM [Direction interministérielle du numérique], à l’époque Dinsic [Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État]. Ces obligations portent sur le primo réutilisateur ce qui signifie, concrètement, que toutes les données publiées sous licence Ouverte 2.0 sur data.gouv.fr, sur data.gouv.culture.fr, sont publiables sur Wikidata, Wikidata se trouvant en position de primo réutilisateur, devant donc indiquer l’établissement producteur et la date de mise à jour des données, et sont publiables sous la licence CC0, permettant ainsi à tout le monde, trouvant ces données sur Wikidata, de les réutiliser dans les conditions de la licence CC0.
J’en ai fini. Je ne rentre pas plus dans les détails. Je suis prêt à répondre à des questions. Tout Etalab est toujours disponible, je vous donne quelques liens utiles :
- le lien de la licence [5] elle-même que je vous invite à lire, elle fait deux pages et demi, elle est assez simple et assez claire ;
- le lien avec la liste des licences [6]. Dès que vous avez un établissement impliqué dans une mission de service public, vous pouvez lui donner cette liste de licences pour lui indiquer que c’est bien la licence Ouverte qu’il faut utiliser ;
- des guides juridiques [7] qui encadrent les choses et qui nous servent à dialoguer avec l’administration ;
- un guide [8] un peu plus interactif qui permet, encore une fois, de se réapproprier le cadre juridique, de rappeler les principes d’open datapar défaut ;
- et le point contact avec Etalab [9] pour toutes les questions.
Je vous remercie.
Xavier Cailleau : Merci beaucoup Bastien. Un grand merci pour cette présentation et pour cette introduction justement à la licence.
Est-ce qu’il y a des questions pour cette présentation. Je vois : « Quelle est la différence entre cette licence et les licences Creative Commons pour un établissement culturel ? ».
Bastien Guerry : Il y a beaucoup de licences Creative Commons avec toutes les déclinaisons, avec les possibilités d’ajouter des clauses, « non commercial », « non dérivation ». La licence Ouverte serait l’équivalent de la CC By, c’est-à-dire la licence Creative Commons ne demandant que d’attribuer l’œuvre à son auteur. La différence avec les autres licences, avec la licence interdisant la réutilisation commerciale, c’est que la licence Ouverte autorise la réutilisation commerciale. La différence avec la clause de non dérivation c’est que la licence Ouverte autorise complètement les œuvres dérivées. On est vraiment sur le niveau CC By.
Xavier Cailleau : Merci. Ça me fait penser à une autre question. Il y a eu beaucoup de discussions par le passé dessus et c’est peut-être l’occasion d’éclaircir sur ce point : est-ce que la licence Ouverte est compatible, tout simplement, avec le projet Wikidata ?
Bastien Guerry : Oui. C’est ce que je viens de dire. La question n’est pas de publier dans Wikidata sous licence Ouverte, c’est impossible, le projet Wikidata demande la licence Creative Commons CC0. Mais, encore une fois, si vous êtes un citoyen, vous trouvez un jeu de données qui est publié sous licence Ouverte, vous pouvez publier ces données sur Wikidata en citant la source, l’établissement producteur et la dernière date de mise à jour. L’obligation porte simplement sur l’existence de ces champs dans la fiche Wikidata que vous créez. La disponibilité de ces données-là sous licence CC0 ne pose pas de problème.
Xavier Cailleau : Merci. N’hésitez pas à continuer à poser vos questions, on a jusqu’à 9 heures 45 pour répondre. Question : « Est-ce qu’il y a des différences de fond entre les licences ouvertes 1.0 et 2.0 ou s’agit-il plus de la forme ?
Bastien Guerry : C’est une différence de forme et de clarification. Je ne saurais pas exactement vous dire moi-même quelles sont les différences, je n’étais pas Etalab à l’époque.
Xavier Cailleau : Ce sont peut-être des différences un peu de subtilités, un peu comme les différences des licences Creative Commons qui peuvent rajouter certaines conditions très précises.
Bastien Guerry : Je pense, mais je ne saurais pas dire.
Xavier Cailleau : Merci. Une information : pour les versements massifs, la mention de la source et la date sont requises, avec un petit lien que vous pouvez voir sur le chat.
Public : Pour rebondir à la question sur la différence entre 1 et 2.0, est-ce qu’une 3.0 serait prévue pour la licence Ouverte ?
Bastien Guerry : Non, pas du tout. Encore une fois Etalab a bien entendu que c’est toujours difficile de proposer une nouvelle licence, celle-là est bien installée et aujourd’hui on n’a pas de retour qui justifierait de travailler sur une licence Ouverte 3.0.
Xavier Cailleau : Y a-t-il d’autres questions ?
Bastien Guerry : Oui, il y en a une sur la compatibilité ODbL pour l’upload sur Wikidata.
En pratique on a quand même des établissements producteurs de données, et c’est indiqué sur le lien que je vais vous mettre directement dans le chat, qui ont demandé à pouvoir écrire leur propre licence et à avoir une exception. Vous trouvez ces licences, qu’on appelle les licences homologuées, en bas de la page que je vous ai désignée. Vous avez, par exemple, la licence Creative Commons By SA qui est homologuée pour le Shom. Le Shom [Service hydrographique et océanographique de la Marine] a le droit de publier sous licence Creative Commons By SA.
Je n’ai pas connaissance d’homologation, je pense qu’il n’y en pas, de la licence ODbL avec une administration qui demanderait de pouvoir publier exclusivement sous licence ODbL. Ensuite, effectivement, si on cherche sur data.gouv.fr et qu’on trouve des jeux de données sous licence ODbL, ces jeux-là ne sont pas publiables sur Wikidata puisqu’ils sont publiés sous une licence trop restrictive.
Une bonne question d’Hèlène, si on a publié des données LO, sous licence Ouverte 1.0.
Je ne pense pas. Encore une fois c’est un outil pédagogique, on pourrait presque ne pas mettre la licence, mais ce n’est pas conseillé, on conseille à tout le monde d’utiliser la licence pour des questions de visibilité. Je ne pense pas qu’ait été abordé, je ne sais pas, ce sujet du passage de la 1.0 à la 2.0, ça rejoint mon ignorance sur les différences entre les deux.
Xavier Cailleau : Question : « Quelle licence est adaptée pour un logiciel open source ? »
Bastien Guerry : Du côté des logiciels libres la doctrine est la même, c‘est-à-dire que, par défaut, les établissements publics doivent utiliser une licence permissive. Les licences permissives sont sur le lien que je vous ai envoyé, licences MIT, Apache et d’autres. S’il y a un risque avéré pour l’intérêt général, les établissements peuvent utiliser une licence plus restrictive comme la licence GPL [GNU General Public License], AGPL [GNU Affero General Public License].
Ce qui se passe souvent en pratique c‘est qu’un projet de logiciel libre prend place dans un écosystème. Si vous produisez un package JavaScript, ce sera dans l’écosystème npm [Node Package Manager] ; cet écosystème utilise massivement l’une des licences et vous essayez de vous caler sur cette licence.
Xavier Cailleau : Merci Bastien. Avez-vous un inventaire de tous les sites culturels utilisant la 2.0 ?
Bastien Guerry : Je dirais oui, data.gouv.fr. Ça ne se présente pas comme un inventaire ni comme une liste qu’on pourrait réutiliser telle qu’elle, il y a peut-être un peu de travail. Je pense qu’en utilisant soit l’interface web soit l’API de data.gouv.fr, on peut voir toutes les données taguées comme données culturelles et essayer de retrouver celles qui sont sous cette licence Ouverte.
Cristelle Molinié : Bastien, j’ai une question. Dans la mesure où la licence Ouverte équivaut à la CC By pourquoi ne pas avoir utilisé la CC By ?
Bastien Guerry : C’est une excellente question. J’enlève ma casquette d’employé d’Etalab. À mon avis on devrait pouvoir évoluer et faire rentrer à nouveau les licences Creative Commons By et By SA comme des licences standards, réutilisables par l’administration, notamment parce que tout le secteur de la recherche est déjà calé sur ces pratiques. C’est un secteur international. Quand un projet de recherche financé par des fonds français ou des fonds européens existe, il va publier des données de recherche dans des entrepôts internationaux pour lesquels les pratiques de licence sont les Creative Commons.
Aujourd’hui on a une situation un peu en porte-à-faux où beaucoup de projets de recherche ne voient pas l’intérêt de se caler sur la licence Ouverte. Je les comprends et j’espère qu’on pourra évoluer pour, de nouveau, faire rentrer ces deux licences Creative Commons, pas toutes les licences Creative Commons. Le problème des Creative Commons c’est que, parfois, des gens disent « la Creative Commons ». On peut donner l’impression de donner un feu vert sur toutes les licences Creative Commons, ce qui, à mon avis, serait préjudiciable parce qu’on réintroduirait la possibilité pour tout le monde de mettre des restrictions.
Bonne question. Mon avis personnel est que ce serait mieux de se caler sur les pratiques actuelles pour que tout le monde rentre dans le cadre juridique. De la même façon que, pour le logiciel, on ne va pas utiliser la licence Ouverte. Techniquement c’est faisable, techniquement un établissement public producteur peut ne pas mettre de licence si son code est réutilisable. Mais quelqu’un arrive sur GitLab ou sur GitHub, qui ne voit pas de licence, ne va pas s’amuser à chercher si c’est le ministère de la Culture qui publie pour s’assurer qu’il a le droit de réutiliser. Devant une cour ça passerait, mais en réalité ça ne passe pas.
Je pense que la licence Ouverte est adaptée à tous les documents administratifs qui ne sont pas du logiciel, qui sont de la documentation, qui sont des données. Pour certaines données de recherche, des données culturelles en particulier, les licences Creative Commons seraient plus proches des pratiques.
Cristelle Molinié : Merci.
Xavier Cailleau : Une question : « Y a-t-il des obstacles réglementaires ou juridiques à ce qu’une administration utilise directement la licence CC By ? »
Bastien Guerry : Oui, l’obstacle est la loi. La loi c’est vraiment ce décret, qu’on appelle le décret des licences [6], qui est le lien que je vous ai donné et qui donne la liste des licences que les établissements ont le droit d’utiliser.
Avant ce décret, au ministère de la Culture notamment, il y avait eu un effort d’appropriation des Creative Commons, de cet univers de licences. Les Creative Commons existaient depuis 2001, au début des années 2010 le ministère connaissait très bien ces licences et commençait à les utiliser jusqu’à ce que le décret impose légalement de ne plus les utiliser. C’est pour ça que, de mon point de vue personnel, il y a eu un peu de confusion dans la communication.
Pour les mairies, la loi sur l’ouverture en open data par défaut concerne toutes les collectivités de plus de 3500 habitants et de plus de 50 agents publics. Il y a quelques collectivités qui sont en dessous de ça. Il est important aussi de noter que c’est la notion de mission de service public qui est importante plutôt que le statut institutionnel de l’établissement producteur. Si vous êtes une association par exemple avec une délégation de gestion, investie dans une mission de service public financée par des fonds publics, vous relevez aussi de cette obligation d’open data par défaut. Ça peut être important dans le domaine culturel.
Derrière le fait de choisir une licence permissive plutôt qu’une licence à réciprocité, c’est un débat, on va dire un grand débat idéologique qui a eu lieu à Etalab, qui a eu lieu en discussion avec la société civile. Je pense que le sommet de ce débat c’était l’année 2015 avec la préparation de la loi pour une République numérique [10] et le sommet de l’Open Gouvernance Partnership qui a eu lieu en décembre 2016 avec Etalab et l’écosystème.
Le principe, je pense, c’est que les licences permissives permettent le plus d’externalités positives non prévisibles. Je pense que c’est aligné aussi avec le choix de grands communs numériques comme Wikidata pour dire, en fait, limitons le moins possible la réutilisation.
Je pense et je suis assez d’accord avec ça, y compris dans le logiciel, il y a parfois un réflexe d’utiliser des licences à réciprocité pour protéger la communauté. En réalité, je pense qu’il n’y a pas connexion directe entre les licences permissives qui nous déposséderaient du code source parce que des entreprises privées peuvent faire des améliorations sans reverser les améliorations et les licences à réciprocité qui favoriseraient la construction de communautés. En tout cas je ne l’observe pas.
Xavier Cailleau : Est-ce que la réponse à une saisie CADA peut-être publiée par un tiers par exemple sous licence Ouverte ? Prenons l’exemple de données d’inventaire d’un musée, une fois communiquée, la personne ayant saisi, peut-elle la publier ?
Bastien Guerry : Oui. En gros la licence Ouverte s’adresse plutôt aux administrations, mais c’est une licence, juridiquement n’importe qui peut l’utiliser. Elle n’est pas réservée aux administrations. Si vous recevez une réponse de l’administration dans le cas d’une saisie CADA, cette réponse est publiable.
Il faut voir que ce qu’on appelle l’open data par défaut, c’est passer d’un régime de communicabilité des documents administratifs avec sollicitation des citoyens — pour donner un exemple caricatural, c’est quelqu’un qui va à la mairie pour demander des données sur sa généalogie ; le document est communicable mais ça demande une initiative citoyenne — à open data par défaut : normalement, il n’a plus besoin d’aller frapper à la porte de la mairie, il va trouver lui-même ce document-là ; on fait ce raccourci. En réalité, il y a quand même beaucoup de documents qui sont communiqués directement de l’administration à l’individu et quand c’est le cas, l’individu a le droit de republier massivement en faisant attention, évidemment, à ne pas republier d’informations personnelles, puisqu’il y a toujours cet équilibre entre la CADA et la CNIL.
Xavier Cailleau : Merci beaucoup Bastien. On va enchaîner sur la prochaine présentation. Je vois qu’il y a encore une question, si tu veux bien y répondre dans le chat en parallèle, pour qu’on ne perde pas trop de temps sur le programme. Merci beaucoup pour vos questions.
Bastien Guerry : Pas de problème. Merci à tous.