- Titre :
- Décryptualité du 23 novembre 2020 - OpenStreetMap fait saliver les ogres
- Intervenants :
- Manu - Luc
- Lieu :
- April - Studio d’enregistrement
- Date :
- 23 novembre 2020
- Durée :
- 15 min 49
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Revue de presse pour la semaine 47 de l’année 2020
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Logo du projet OpenStreetMap, Ken Vermette - Licence Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic
- NB :
- transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Description
Un article de blog affirme que depuis un an, OpenStreetMap a été investi par les "AFAM" (les GAFAM sauf Google). Les contributions corporate ont représenté 75% du total alors qu’elles en font normalement 25%. L’occasion de parler cartographie et de ce que ce développement représente en opportunité et en risque.
Transcription
Luc : Décryptualité. Semaine 47. Salut Manu.
Manu : Salut Luc.
Luc : Qu’a-t-on au sommaire ?
Manu : Une petite revue de presse. Quatre articles principaux.
Luc : Le Monde.fr, « En rentrant dans de prestigieuses bibliothèques, le logiciel libre gagne ses lettres de noblesse », un article de Vincent Fagot.
Manu : Le logiciel libre, en gros le code des logiciels libres qui sont hébergés sur GitHub, il était question et il est en train d’être stocké sous des glaces dans des pays froids, pour être stocké à long terme et être là encore dans des milliers d’années. Il est aussi distribué notamment sous la forme de boîtes assez jolies avec des microfilms à l’intérieur, il est distribué à différentes bibliothèques qui veulent accueillir du code source. C’est bizarre, mais il y a un côté symbolique et il y a un côté « on l’a sous le coude au cas ». On veut stocker pour le long terme le logiciel libre qui fait notre monde aujourd’hui.
Luc : Développeurs de logiciels libres, dites-vous que vos bugs resteront jusqu’à la fin des temps !
Aquitaine Online, « Industrie du logiciel libre : un véritable atout pour la Nouvelle Aquitaine », un article de Jean-Marc Blancherie.
Manu : Ça parle d’attirer du logiciel libre dans une région de France, plutôt pas mal, on a déjà parlé du sujet. Je pense que les gars là-bas arrivent à faire parler d’eux. Ils veulent monter des entreprises, faire venir des initiatives, c’est plutôt bien.
Luc : ZDNet France, « Youtube-dl : l’EFF pousse Github à remettre le projet en ligne », un article de Catalin Cimpanu.
Manu : Ce sont les tragédies classiques : y a des ayants-droit qui se plaignent qu’un outil permet de télécharger, de pirater leurs contenus, à eux, parce c’est leur droit, donc ils se plaignent, ils envoient une lettre à GitHub. GitHub fait « c’est quoi ce bordel. OK ! » Donc ils ont enlevé un logiciel.
Luc : Comme ça, il n’y a pas de procès.
Manu : Voilà, il y a de ça. Donc ils ont enlevé youtube-dl et youtube-dl c’est quoi ?
Luc : C’est un plugin pour navigateur, au moins sur Firefox. « dl », c’est pour download, ça permet de télécharger des vidéos sur son disque qui sont sur YouTube initialement.
Manu : En fait c’est un logiciel assez basique, qui ne fait pas grand-chose et certainement pas contourner des règles ou contourner des dispositifs de protection. En fait, il n’y a aucune raison réellement de l’enlever, c’est juste un outil de téléchargement.
Luc : C’est un exemple de l’effet dissuasif de la menace juridique. Personne n’a envie de se prendre un procès, même une grosse boîte.
Manu : Ils l’ont remis en place et il y a des avocats qui sont mis sur le coup, notamment les avocats de l’EFF, Electronic Frontier Foundation, donc des gens bien qui vont défendre nos droits face aux ayants-droit.
Luc : usine-digitale.frc, « Qui est derrière Unsplash, la banque d’images gratuites qui inonde le Web ? », un article de la rédaction.
Manu : Ce ne sont pas juste des images gratuites qui sont dans cette banque d’images, ce sont des images qui sont librement utilisables, même diffusables et, je crois, qu’elles sont modifiables, il faudrait aller creuser dedans, parce que justement c’est du Libre de ce point de vue là. Mais il y a une petite problématique, quand même pas toute petite, c’est qu’on peut faire tout ce qu’on veut avec les images qui sont sur cette banque d’images si ce n’est, grâce à elles, constituer une autre banque d’images. Donc ce n’est pas libre en fait. Ce critère-là fait que ça ne fonctionne pas. C’est un petit peu bizarre, un petit peu rageant et les gens qui posent des images dans cette banque d’images doivent et peuvent se poser des questions. Il y a eu d’autres problématiques, leurs images peuvent être utilisées un peu pour n’importe quoi et le gouvernement britannique a utilisé l’image d’une danseuse pour dire qu’elle devrait peut-être devenir informaticienne. Ça a un peu choqué tout le monde, y compris la personne qui avait pris la photo et la personne qui était sur la photo. Le gouvernement britannique l’a retirée, ça a fait un petit scandale. Voilà, c’est effectivement une conséquence possible de mettre des contenus à disposition librement. Il faut s’en rendre compte. Ça n’empêche que cette clause qui fait qu’on ne peut pas reconstituer une base de données à côté, c’est un peu choquant.
Luc : Ça souligne l’importance de la façon dont les données sont organisées et que tout ça est presque aussi important que les données : qui contrôle ça garde finalement beaucoup de pouvoir sur les usages et les gens.
Manu : Le sujet du jour, Luc ?
Luc : On va parler de tout autre chose, on va parler d’OpenStreetMap [1].
Manu : OpenStreetMap est aussi une basse de données, mais de cartes.
Luc : C’est de la cartographie. On le résume souvent en disant que c’est le Wikipédia de la cartographie en quelque sorte. Un projet qui est né en Grande-Bretagne il y a, je pense maintenant, une bonne quinzaine d’années. Quelqu’un s’est dit pourquoi on ne ferait pas une carto collaborative et ça a commencé avec des passionnés, des bénévoles.
Manu : Comme beaucoup de projets libres.
Luc : Comme à chaque fois, tout le monde a dit « ça ne marchera jamais ! »
Manu : Surtout quand tu as Google qui débarque avec Google Maps.
Luc : Effectivement. Je me souviens qu’à l’époque, dans mon boulot, on utilisait des cartographies et j’avais dit on pourrait contribuer un petit peu à OpenStreetMap, ne serait-ce que parce que un, on travaille beaucoup avec des clients publics.
Manu : Tu travaillais dans les transports.
Luc : Dans les transports publics. En fait les cartos, même Google Maps qui est une bonne carto en termes de fonctionnalités et de complétude, même dans ces cartos-là le milieu rural est très peu renseigné. Nous on travaillait beaucoup avec des collectivités qui ont toutes des contrats avec des fournisseurs de carto propriétaires et qui sont enchantés de prendre les données que ces collectivités vont récolter, dans le transport tu as notamment tout le transport scolaire. Les départements, à l’époque, allaient chercher les gamins dans les villages, les hameaux et tout ça, qui sont très mal répertoriés.
J’avais discuté avec des gens qui avaient dit : « En gros on va leur filer les données et après ils vont nous les revendre lors de la mise à jour et on n’est pas trop content » . J’avais dit à mes patrons on pourrait proposer juste de mettre ces données-là dans OpenStreetMap, envoyer les traces GPS qu’on avait et, en plus de ça, ce n’est même pas un sujet concurrentiel avec les boîtes qui font la même chose que nous, avec qui on est en concurrence, on n’est pas en concurrence sur la cartos, on va tous les acheter, grosso modo, chez les mêmes fournisseurs. Même si à l’époque la carto n’était pas encore assez complète, on met juste des billes dedans, ce qui ne nous prendra beaucoup d’efforts, on se fait une réputation, on contribue avec pas grand-chose, mais on contribue quand même et, un jour, on pourra peut-être basculer dessus et arrêter de payer des fournisseurs de carto.
Manu : Et comme d’habitude, tu as été trop en avance sur ton temps. Luc, tu as raté ton coup.
Luc : Oui. Ce qui est marrant c’est que notre directeur technique a dit « il y a Google Maps », c’était le début où Google Maps arrivait en force en disant « c’est facile à utiliser, ça marche très bien. »
Manu : Ce n’est pas cher !
Luc : Au début c’était même gratuit. Voilà, on ne va pas s’emmerder !
Ce qui s’est passé c’est que des années après, une fois que tout le monde a mis du Google Maps partout parce que, effectivement, c’était très pratique et gratuit, etc., ils ont commencé par monter les tarifs. En gros, on disait qu’au-delà d’une certain quantité de requêtes c’était payant. Ils ont baissé ces seuils-là, monté les tarifs, etc.
Manu : Et ça devenait de plus en plus cher, rapidement.
Luc : Ils ont refait un deuxième coup il y a trois, quatre ans peut-être, où là ça a été vraiment très sévère, en fonction des tranches on a quand même eu une multiplication des coûts par 60.
Manu : En gros, quand tu installais Google Maps sur ton site web, au début ça ne coûtait rien. Au bout d’un an, si ton site web était très consulté, ça coûtait un peu d’argent et puis très rapidement ça coûtait très cher.
Luc : Effectivement. À l’époque on a plein de sites web qui ont arrêté leur carto, tout coupé, parce qu’ils ont dit « je veux de l’argent ». En plus de ça, il y a plein de malins qui se disaient « je ne vais pas payer, de toute façon le Web est grand ». Sauf que le métier de Google…
Manu : C’est de tracer les gens !
Luc : Voilà et c’est de surveiller tout l’Internet. Du coup, va leur échapper alors que tu fais appel à un de leurs services sur ton site web !, eh bien il faut se lever de bonne heure. Il y a des gens qui se sont retrouvés comme ça avec Google qui frappe à leur porte et qui dit : « Bonjour, c’est 100 000 euros. »
Manu : Ça doit faire bizarre quand tu as une facture qui arrive comme ça le matin. Pour le coup, tous ces gens-là se sont rendu compte du jour au lendemain qu’OpenStreetMap existait, ils ont commencé à l’intégrer. Ce n’était pas tout à fait le même niveau de qualité visuelle, moi je trouvais notamment que…
Luc : Il ne faut pas mélanger le côté visuel et les données qui sont derrière. Dans OpenStreetMap tu as plusieurs rendus possibles. Déjà tu peux choisir le type d’informations que tu vas donner, parce qu’il y a des couches, en quelque sorte, et rien ne t’interdit de développer ta propre présentation graphique. Eux en proposent une par défaut quand on va sur leur portail, mais derrière il y a des données, on peut récupérer des données, monter son propre portail, etc. D’ailleurs c’est un des trucs où beaucoup de gens, notamment des entreprises qui sont assez légères là-dessus : elles vont taper directement sur les bases de données d’OpenStreetMap qui reste un projet qui était à l’époque amateur.
Manu : Un truc communautaire avec des serveurs pas très solides.
Luc : Un truc communautaire, Voilà. Qui ne garantit pas, une fiabilité de folie et les gens ne se sont pas posé de questions, ils ont dit « c’est gratuit, on y va » et ils se sont mis à interroger tout ça évidemment sans se dire qu’ils pourraient peut-être verser 100 euros dans l’année, pas une fortune.
Manu : La base de données s’est constituée. C’était de l’open data, de fait, des données qui étaient partagées et tout le monde y contribuait. Je sais qu’il y a pas mal d’amateurs qui faisaient les chemins de randonnée, qui faisaient les bancs dans les parcs publics, même les arbres, les arbres sur les rues étaient cartographiés. Tout le monde mettait un peu ce qu’il voulait et c’était bien accueilli.
Luc : Il y a toujours ça. C’est toujours le cas. Dans l’Agenda du Libre [2] que tu as développé et que tu maintiens, il y a plein d’évènements, de cartoparties, de gens qui se réunissent pour travailler ensemble, parce qu’ils trouvent ça intéressant, ils vont sur le terrain.
Manu : Ou que, par hasard, leur coin n’est pas bien cartographié, pas aussi bien cartographié qu’ils le voudraient, donc ils font des tours dans la ville ou le village et ils essayent d’aider, de contribuer, de remonter les données qui manquent.
Luc : Effectivement c’est très rigolo. C’est moins conflictuel qu’un Wikipédia, parce que dans Wikipédia on arrive très vite dans des débats idéologiques avec des guerres de tranchée. Là on est sur quelque chose de plus technique.
Manu : De plus factuel.
Luc : De plus factuel, on va dire : où est la route.
Manu : On se rappelle que Google Maps n’est quand même pas un mauvais outil. Ils ont des millions de kilomètres qui sont parcourus par des voitures qui enregistrent tout et n’importe quoi.
Luc : C’est un excellent outil.
Manu : Ils sont plus ou moins interdits en Allemagne.
Luc : Pour Street View.
Manu : Voilà. Les Allemands ne veulent pas qu’on cartographie, ça leur a créé des problèmes. On rappellera aussi que Google Maps n’était pas présent dans certaines zones, notamment des zones de conflit. Bagdad, bizarrement, n’était pas aussi bien cartographiée par le grand G alors qu’OpenStreetMap, au contraire, avait des cartographies assez à jour. Il y avait des gens qui participaient et on sait qu’OpenStreetMap a été utilisé dans des zones de conflit, dans des zones de catastrophes.
Luc : Oui. On en a parlé régulièrement. Un des atouts c’est la souplesse et comme n’importe qui peut apporter les éléments, etc., il y a même une association qui s’est montée, notamment de réaction rapide en cas de catastrophe pour pouvoir travailler sur des vues aériennes ou des choses comme ça.
Manu : Des images satellites.
Luc : Des images satellites pour, très rapidement, faire une cartographie de telle sorte que les gens qui sont sur le terrain puissent bosser plus efficacement. Ce n’est pas du tout le même objectif qu’un Google qui est là pour gagner du fric. Effectivement, lui s’en fout un petit peu du tremblement de terre.
Manu : Il y a même des institutions, des pays qui ont contribué.
Luc : Je me suis intéressé d’un peu plus près à ça il y a des années. Par exemple en Hollande, l’équivalent de l’IGN [Institut géographique national], je ne sais plus quand, ça va faire au moins huit, dix ans je pense, a dit « nous y croit et on met tout notre fonds cartographique en Libre et on le met dans OpenStreetMap ». Il y a tous les ans un évènement qui s’appelle State of the Map [3], l’état de la carte. À une époque, je ne sais pas si ça se fait encore, une entreprise faisait une animation avec la Terre, passée en accéléré, où, au fil de l’année, on avait des lumières où il y avait des choses qui étaient déclarées dans OpenStreetMap.
Manu : Tous les contributeurs allumaient la planète.
Luc : Cette année-là les pays-Bas, boom !, se sont allumés en une seule fois parce que tout a été versé d’un coup, c’était très impressionnant.
Manu : Là, c’est pour ça qu’on en parle, il y a des contributeurs nouveaux et puissants qui ont débarqué et qui s’intéressent à OpenStreetMap comme un bijou, un petit trésor.
Luc : C’est un article [4] que tu as déterré, écrit par Joe Morrison qui travaille dans une boîte qui est dans le domaine de la carto, qui dit qu’en un an, les « AFAM » puisque Google n’est pas le coup, se sont jetés sur OpenStreetMap et inversé un peu la tendance puisque, avant, il y avait 25 % des contributions qui venaient d’entreprises et maintenant c’est l’inverse, c’est 75 % des contributions qui viennent d’entreprises avec Apple en tête.
Manu : Le grand G n’est pas là parce que justement c’est lui qui est dominant sur la cartographie sur Internet, on va dire, et les autres qui sont derrière, qui sont un peu à la ramasse, quelque part ils se sont mis ensemble sur quelque chose de commun alors que, pourtant, ce sont des ennemis mortels sur tellement de domaines.
Luc : On le voit. Il y a plein d’autres domaines dans le développement, dans l’informatique, la Fondation Linux [5] par exemple, où il y a plein de gens qui sont concurrents mais qui contribuent ensemble à quelque chose qui profite à tout le monde.
Manu : Là il y a du BIG-MAP qui tape sur OpenStreetMap. Apple, c’est Apple Map ?, je ne sais même pas, qui doit taper sur OpenStreetMap, des trucs comme Tesla.
Luc : Apple s’était cassé les dents il y a quelques années. Ils avaient essayé de faire un concurrent à Google Maps, leur truc n’était pas fini. Il y a des gens qui avaient failli mourir parce qu’en Australie ils faisaient tourner à droite au lieu de tourner à gauche.
Manu : Et tu te retrouvais ?
Luc : Au milieu du désert avec rien, pas de station-service, donc si les gens roulaient trop longtemps, ils arrivaient au milieu du désert, il n’y avait personne et ils pouvaient crever de chaud.
Manu : C’est un minimum dangereux, on a besoin d’avoir des données un peu solides. Je sais que Tesla utilise OpenStreetMap, en tout cas d’après l’article.
Luc : De fait, il y a un fonds cartographique est assez utilisé qui s’appelle Here, comme « ici » en anglais, h, e, r, e, qui était porté depuis plusieurs années par des constructeurs automobiles européens. Ce besoin d’être indépendant de Google a été clairement identifié par beaucoup de grosses entreprises au fil des années. La preuve, quand on dit qu’il faut être autonomes des GAFAM, il n’y a pas que nous qui le pensons, il y a des tas de gens qui gagnent beaucoup d’argent qui en ont conscience. Effectivement, le fait que Google ait fait exploser ses tarifs a motivé plein de gens à essayer de se passer de lui.
Manu : C’est un moyen de se rendre compte qu’il y a quelqu’un qui est dominant et qui utilise sa position dominante pour en tirer un gros avantage.
Là les entreprises, ces fameux « AFAM » – je trouve ça génial, les « AFAM » qui poursuivent le G, je trouve ça super – c’est quand même quelque chose comme six trilliards de capitalisation boursière, c’est quelque chose de conséquent.
Luc : Ça ne change pas grand-chose pour la carte.
Manu : Non, mais ça donne des moyens.
Luc : Oui. Mais ça pose aussi des questions, parce qu’il y a toujours cette peur de dire que le projet qui était essentiellement communautaire, même s’il y avait des entreprises c’était des PME ou des boîtes de taille plus ou moins importante mais pas des mastodontes comme peuvent être ces boîtes-là.
Manu : Il y avait un équilibre.
Luc : Il y avait une forme d’équilibre. C’est une chose dans l’article qui parle de la tragédie des communs dont on a très souvent parlé. Or, c’est une chose qui ressort dans le bouquin d’Elinor Ostrom [6]. Elle dit que quand il y a un commun à gérer et qu’il y a un acteur qui est beaucoup plus gros que les autres ça ne marche pas. Là on n’est pas dans un bien commun puisque la carto est réplicable, c’est juste de l’information, c’est un bien public selon sa définition, peut-être que ça ne marche pas exactement pareil, mais on peut craindre que le poids de ces boîtes-là fasse que le projet puisse être dévoyé.
Manu : À priori il reste des points qui peuvent poser problème. Il y a la gouvernance, la gestion de la communauté c’est quelque chose qui peut être pris en charge par des groupes particuliers ; il y a la marque qui peut appartenir à quelqu’un et peut être contrôlée et puis les serveurs, mine de rien ce n’est pas rien !
Luc : Après, si le projet devient énorme, il va falloir beaucoup d’argent pour avoir des serveurs parce que tout le monde va vouloir taper dessus. Du coup les GAFAM vont dire « venez chez nous, on a toute l’infrastructure qu’il faut ». Après ça, il y a un système de gouvernance du projet, du coup même la marque qui appartient à quelqu’un, sauf à avoir un dictateur éclairé, pareil, tu peux avoir du noyautage. Je comprends l’angoisse de la communauté qui a fait grandir ce projet au fil des années et qui voit maintenant, une fois qu’ils ont fait le gros du bouleau, les GAFAM débarquer là-dedans en disant « on va être super copains ! ». Dans ce cas-là oui, tu as tendance à serrer les fesses.
Manu : On en a parlé il n’y a pas très longtemps. Les institutions françaises essayent de se bouger et faire de l’open data, ce qui était déjà le cas avant et la France n’est pas trop mauvaise sur ce sujet. Là on pourrait imaginer que la France contribue : elle met toutes les cartos de l’IGN, les cartos de météo et autres données qu’on a aujourd’hui, dieu sait qu’il y en a, la Poste par exemple, je ne sais pas, tout ça pourrait aboutir dans OpenStreetMap, ce serait super intéressant.
Luc : Oui, ce serait bien ! Je crois que l’IGN n’a pas mal assoupli sa position par rapport à OpenStreetMap, mais, initialement, ils ont été plutôt dans une logique assez frileuse. En tout cas ça démontre, encore une fois, la pertinence du Libre et le fait que nos décideurs ont été bien bêtes de ne pas se précipiter là-dessus beaucoup plus tôt.
Manu : Tu as été encore trop en avance, trop tôt Luc. Tu me diras si tu as d’autres idées comme ça d’ici la semaine prochaine.
Luc : À la semaine prochaine.