- Titre :
- Logiciel libre, Internet, surveillance, écologie : vision commune d’une révolution en cours
- Intervenant :
- Benjamin Sonntag - Agnès de Cornulier
- Lieu :
- Ubuntu Party - Paris
- Date :
- Novembre 2015
- Durée :
- 52 min 47
- Licence :
- Verbatim
- Lien vers la vidéo :
- le fichier vidéo
Transcription
Bonjour. Ça va être une conférence un peu particulière. D’habitude, à toutes les Ubuntu Party, il y a quelqu’un de La Quadrature du Net [1], dont je fais partie, qui fait un point un peu sur les sujets de la Quadrature, où est-ce qu’on est, ce qu’on a fait. Cette fois-ci on va faire un truc un peu différent, parce que c’est un peu ce qu’on avait envie de faire aussi, et puis parce que ce ne sont pas les mêmes qui ont fait la conf. Et donc on est partis d’une idée assez rigolote qu’on avait un peu, à deux ou trois, dans le conseil d’orientation et puis des gens proches de La Quadrature]. Et puis on a essayé de tirer le bout de ficelle et j’ai plus de questions que de réponses à vous apporter aujourd’hui, mais c’est bien d’avoir des questions. On va essayer de se poser quelques questions.
L’idée c’était de voir, un peu, entre le logiciel libre, la façon dont fonctionne Internet, la surveillance de masse et l’écologie et un peu l’avenir de la planète. Ça tombe bien avec COP 21, on est un peu. Non, on n’y est pas du tout, on oublie COP 21, mais la surveillance, par contre, on est dessus. En quoi c’est quelque chose en relation avec ce qu’on appelle les Communs, qu’est-ce que c’est et, en tout cas de mon point de vue, pourquoi c’est une révolution qui est en cours. Et le petit truc bleu dans le coin, c’est un peu le centre du sujet.
Rapidement, je suis Benjamin Sonntag, je suis un des cofondateurs de La Quadrature du Net. Je ne fais pas beaucoup d’apparitions publiques. C’est plutôt les Jérémie, Philippe ou Félix qui s’y collent et maintenant Adrienne, beaucoup. Mais je suis plutôt le geek de la bande. S’il y a des trucs à faire avec les machines c’est plutôt moi qui m’y colle. Sauf qu’aujourd’hui on ne va pas trop parler des machines.
Qui n’a jamais entendu parler de La Quadrature du Net ici ? Avant aujourd’hui ? Non, alors toi je sais que c’est faux, toi je sais que c’est faux, donc c’est bon. Donc personne. Tout le monde en a entendu parler donc je ne vais pas vous dire ce que c’est, association de défense des libertés dans le numérique. Juste un petit truc. Au début on était une association de défense des libertés numériques. Puis c’est devenu il y a quoi, deux ans, une association de défense des libertés « dans le » numérique. C’est-à-dire qu’on applique des contextes où il y a Internet, la communication, etc. Et en fait, aujourd’hui, on est plus ou moins en train de se demander si on ne va pas juste se faire association de défense des libertés, point. Le contexte politique actuel peut en expliquer beaucoup.
Avant de parler du sujet, de questions qui nous intéressent, je vais vous poser quand même un petit bilan de ce qu’on a fait à La Quadrature du Net dans l’année passée. Eh bien ça été très lourd, je me dis, l’année 2015. Eh bien peut-être de laisser, Agnès, si elle veut nous dire 45 secondes ce qu’on a fait au niveau de la neutralité du Net. Est-ce qu’il y en a à qui le concept de neutralité du Net est totalement inconnu ici ? OK. Les mêmes qui veulent jouer. Donc c’est bon. La neutralité du Net, je vais quand même faire une toute petite définition, c’est l’idée très rapide de dire que, sur Internet, qui est un réseau de communication, où l’intelligence est aux extrémités, c’est-à-dire c’est votre ordinateur ou le serveur en face qui est intelligent, mais les tuyaux entre deux sont bêtes, ils ne font que passer l’information. Il est fondamental et il devrait être politiquement défendu, enfin oui, on devrait défendre politiquement le fait que les opérateurs n’ont pas le droit d’accélérer, ralentir, bloquer ou mettre sur des tuyaux préférentiels les contenus en fonction de leur origine, de leur destination ou de leur nature.
En gros, une lettre à la poste, quel que soit le contenu de la lettre, elle ira à la même vitesse. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même sur Internet, notamment pour favoriser l’innovation et pour éviter les groupements de gros acteurs. Donc c’est un sujet qui est très débattu au Parlement européen et je vais laisser Agnès nous dire où est-ce qu’on en est très récemment.
Agnès : Donc la neutralité du Net. On a eu des négociations sur le règlement européen pendant des années, enfin depuis au moins 2011/12. Le règlement a fini par passer il y a quelques semaines, moins bien que ce qu’on aurait aimé et ce qu’on aurait pu espérer. Moins mauvais que ce qu’on craignait. Mais il n’est pas parfait du tout. On a jusqu’au bout essayé de déposer des amendements pour le renforcer ; ils ne sont pas passés, donc on n’est pas contents. Et du coup tout n’est pas perdu. Il y a encore les régulateurs européens réunis au sein de l’Union européenne, au sein du PEREC. Les régulateurs des Télécoms, c’est l’ARCEP en France et puis les ARCEP de tous les pays de l’Union européenne, qui sont réunis au sein de l’Union européenne, au sein d’une organisation qu’on appelle le BEREC [2]. Et ce BEREC a six mois pour sortir des lignes directrices, pour donner aux régulateurs nationaux, donc aux ARCEP, des lignes directrices pour savoir comment appliquer exactement ce règlement dans les différents pays. Et là-dessus on va essayer de jouer encore un petit peu pour renforcer, via ces lignes directrices, le règlement. Donc c’est quelque chose qu’on continue à faire, on continue à travailler avec l’ARCEP et au niveau du BEREC, au niveau européen. Voilà.
Benjamin : Le vert est coupé, ce n’est pas grave. Merci Agnès. C’est un des sujets de La Quadrature sur lequel on est très actifs, dès le début de La Quadrature finalement. Il y en a un autre qui nous est un peu tombé dessus en début d’année, qui était prévu depuis longtemps, mais forcément, après les attentats de Charlie Hebdo, ça a été compliqué à défendre, c’était le projet de loi renseignement qui visait, en gros, à légaliser la surveillance de masse des citoyens par les services secrets français. Et quand je dis des citoyens c’est des citoyens français et des citoyens non français, c’est-à-dire y compris les tuyaux de l’internet qui viennent ou qui sortent du pays. Les services secrets se permettent d’écouter ce que font les citoyens français, ils se permettent d’écouter en masse. Eh bien le projet de loi renseignement visait à, tout simplement, légaliser ces pratiques et dire que les services ont le droit de faire ça et que c’est normal.
Ce n’est pas ce qu’il y a écrit dans les fondamentaux de notre République. Mais bon ils ont essayé de faire passer cette loi. FDN, FFDN et La Quadrature ont attaqué un certain nombre de décrets, de choses comme ça. On a attaqué, non pas les décrets. On a attaqué au Conseil constitutionnel. On s’est fait rabrouer, on s’est fait rabrouer massivement. Ce projet de loi est passé comme une lettre à la poste sauf un petit bout qui est la partie surveillance internationale, parce qu’en gros c’était vraiment open bar côté surveillance internationale. Et dans tous les cas, les institutions de régulation, c’est-à-dire le machin semi-parlementaire chargé de vérifier que les services font bien leur boulot n’a, a priori, quasiment pas de pouvoir, en tout cas surtout pas en amont et en aval, enfin, après coup, il ne va pas pouvoir faire grand-chose. Donc le sous-projet surveillance internationale est ensuite passé comme proposition au de projet de loi et il est aussi passé comme une lettre à la poste. Et on a su récemment que le Conseil constitutionnel le validait en disant : « Non, non, tout va bien, il n’y a pas de problème. »
Donc, citoyens, bienvenue. Tout ce que vous dites sur votre téléphone, sur votre accès internet, tout ce que vous faites sur Internet est écouté et mis en statistiques par nos services qui sont censés nous protéger. On sait ce que ça a donné avec les révélations Snowden. On a vu tous les abus que les Américains ont fait en la matière. Je ne doute pas que nos services soient capables de faire le même genre d’abus.
Donc, si vous êtes sur Internet protégez-vous. Considérez que vos conversations, comme toutes les enveloppes en Allemagne de l’Est, sous la Stasi, étaient ouvertes, considérez que tout ce que vous faites sur Internet est fiché. Et ce n’est pas une paranoïa. Snowden nous l’a prouvé et même ça ne coûte rien !
La loi numérique de Mme Axelle Lemaire, avec sa consultation bidon. Alors ça a donné un vrai succès, il y a plein de citoyens qui se sont exprimés. Puis ils ont pris à peu près tout ce qui avait été exprimé et puis ils ont tout jeté, dès que le CSPLA ou d’autres trucs d’ayants droit ont dit : « Non, mais cet article-là est nul, on n’en veut pas ! » Ils ont dit : « Bon d’accord ! Fuitiiiichh. » Globalement la loi numérique on n’en attend rien, ça ne va pas changer, ça ne va pas défendre la neutralité, ça ne va pas permettre le partage des œuvres entre citoyens. Ça ne va pas avancer grand-chose. Peut-être un peu sur l’open data et encore. Voilà. Donc ce n’est pas gagné.
La loi création avec notre autre ministre, Fleur Pellerin, à venir, pas encore finie d’écrire a priori. On a eu des brouillons, déjà noyautés par les ayants droit ou les ayants tort, je ne sais plus trop, enfin bon. Celle-là aussi elle est bien. Il va falloir probablement taper très fort sur nos députés. Mais comme de toutes façons, le pouvoir en place, l’exécutif, prend tous les moyens pour aller au forcing, on n’y croit plus trop, mais il va falloir quand même se battre parce que des fois on a des petites victoires de batailles et on se dit « au moins celui-là ils s’en souviendront ». Souvenez-vous d’HADOPI, joli fiasco.
D’autres petits projets de loi comme, par exemple, le projet de loi contre le système prostitutionnel. Ça c’est un des exemples. Avant HADOPI, en gros, quand il y avait des projets de loi, ils ne parlaient pas d’Internet. Ils parlaient de sujets A, B, C. Et puis il y avait d’autres projets de loi qui parlaient du numérique et d’Internet. Après HADOPI, ils ont commencé, peu à peu, à faire des projets de loi sur tous les sujets, comme d’habitude, mais qui, à chaque fois, incluaient un article parlant d’Internet. Et c’est devenu un problème pour La Quadrature, c’est qu’on s’est retrouvés sous l’eau de projets de loi à suivre et d’articles de projets de loi à défendre ou à attaquer. Typiquement, celui sur la lutte contre le système prostitutionnel, comme tous les projets de loi de ce type, ou la défense du consommateur ou la protection des données, etc. À chaque fois ils proposent de pouvoir censurer des sites web sans intervention du juge judiciaire, ce qui n’est pas normal, À priori. Parce que quand on veut faire de la censure, l’atteinte à la liberté d’expression c’est quelque chose de grave. Il n’y a pas de raison qu’on ne passe pas par un juge qui dit : « Bonjour, c’est normal, ce n’est pas normal, il faut bloquer, il ne faut pas bloquer. » Donc ça, c’est devenu la petite marotte du gouvernement, celui-là et le précédent d’ailleurs, que de censurer administrativement à tout-va. Donc voilà un autre exemple, on n’est pas bien partis.
Dans les bonnes nouvelles, il y a eu l’invalidation du Safe Harbor qui est en gros le fait que, au niveau européen, on disait s’il y a des pays, considérons l’UE comme un pays, où les données des citoyens sont à peu près bien protégées, on autorise les boîtes privées à faire des transferts de données entre ces pays, entre l’UE et ces pays, sans avoir besoin de règlement particulier, tant que ça respecte les lois du pays cible.
Les États-Unis faisaient partie du Safe Harbor, parce que vous comprenez bien, les données des citoyens sont protégées aux États-Unis. Suite aux révélations de Snowden, c’est la CEDH ou la CJUE, la CJUE, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé que le Safe Harbor, pour les États-Unis, était invalide, parce qu’il n’y avait aucune raison d’avoir confiance dans les fournisseurs américains. Ce qui veut dire que théoriquement les Facebook, Google, Apple, Microsoft, et tous ces gens qui aspirent vos données, qui regardent tout ce que vous faites sur Internet pour vous traquer, vous ficher, devraient normalement avoir leurs données uniquement en Europe typiquement, ou ne plus avoir le droit de les transférer vers les États-Unis en tout cas. Vous vous doutez bien que ça ne va pas aller aussi vite, mais c’est quand même un sujet intéressant. Donc à suivre pour en voir les conséquences surtout. Donc là-dessus, c’est assez rigolo.
La protection des données au Parlement européen. Ça n’a pas trop bougé. Il y a un trilogue, c’est-à-dire la discussion entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Donc en gros, quand on a une montre c’est bien, quand on en a deux c’est ce qu’il y a de pire, à trois je ne suis pas sûr que ça marche bien. Le dialogue entre les trois ne se passe pas très bien et, pour l’instant, il y a un gros lobby de toutes les boîtes qui font de la donnée et ce n’est pas que les Google, Apple, Facebook, Microsoft. C’est aussi tous les assureurs, tous les banquiers, toutes les personnes qui sont susceptibles de savoir des choses sur les citoyens, eh bien ça les intéresse de pouvoir en faire tout ce qu’ils veulent pour de l’exploitation en masse, de la vente de pub, etc., du profiling. Donc ceux-là sont vent debout pour une protection très faible des citoyens. Donc si vous voulez que vos données sur Internet soient un peu sûres, vos données personnelles de tout type, y compris avec l’internet des objets qui se profile à l’horizon, eh bien il va falloir à nouveau se bouger au Parlement européen de temps en temps. On est en train de mettre à jour le site de ce côté-là. Ah oui le site controle-tes-donnees.net [3], sur lequel je vous invite à aller voir si vous voulez aider à protéger vos données sur Internet. Merci Agnès.
Et la dernière, celle-là est très récente. C’est tout simplement vous avez vu l’arrivée de l’état d’urgence. La Quadrature, suivie de près par Le Monde, suivie de près par tout un tas d’autres médias, s’est lancée dans une espèce de recensement des abus de l’état d’urgence. On n’a jamais eu autant de visites sur le communiqué de presse correspondant. On n’a jamais eu autant de visites sur un pad de La Quadrature. On a essayé de recenser tout ça, on était 500 sur le pad. Délirant ! Apparemment ça concerne les citoyens, ça concerne beaucoup de monde, parce qu’il y a eu des abus de perquisitions administratives en masse depuis le 13 novembre. Donc on essaie de recenser un peu ça et on essaie de voir dans quelle mesure le numérique, s’il est touché, va essayer de se défendre. Et on va essayer d’aider les citoyens, de leur fournir des outils et des analyses et des moyens pour se défendre. Mais bon ! Là aussi, souvenez-vous du 11 septembre 2001, voyez ce que ça a donné sur les quinze ans qui suivent aux États-Unis. La France n’est pas les États-Unis, mais on a les mêmes politiciens débiles avec les mauvaises idées aux commandes.
Alors ça ce n’est pas Quadrature, c’est tout à fait personnel. Je me souviens d’un truc , c’est quand il y a eu le 11 septembre, M. Bush était là en mode « c’est la guerre, c’est la guerre, c’est la guerre. » Jacques Chirac, le Président de la France, pour qui je n’avais pas voté à l’époque, avait dit : « Je ne suis pas sûr que le terme de guerre soit très approprié. » Ça avait fait un scandale ! Il n’était pas tombé dans le piège qui consiste à répondre à une agression par une agression. Le œil pour œil, on sait que ça ne marche pas. Sur le long terme, ça ne peut faire que des morts civils, alors que c’est la guerre des puissants. Vous voyez. « C’est leur guerre, nos morts. », comme on dit, merci Julien. Et donc, ce qui se passe, c’est que là, M. Hollande est tout simplement tombé dans le piège. Et aujourd’hui, il nous a dit : « La guerre, la guerre, la guerre . » L’état d’urgence est déclaré sans raison a priori valable, parce que les services secrets français n’ont pas fait leur boulot en écoutant en masse les citoyens, plutôt qu’en essayant d’écouter sous forme ciblée les gens concernés. Donc on voit ce que ça donne. Gros boulot en perspective pour La Quadrature !
Par contre il y a plein de bonnes nouvelles cette année. Il y a un groupe constitué de trois organisations avec La Quadrature du net, la Fédération des fournisseurs d’accès associatifs, FFDN et French Data Network qui est un des plus anciens fournisseurs d’accès français, de type associatif qui plus est, qui se sont mises ensemble, depuis un an maintenant quasiment, dans un petit groupe que certains politiques ont appelé « les exégètes amateurs », et on a fini par dire qu’on va les appeler comme ça, ça marche bien, qui a fait une dizaine maintenant, je crois, de dossiers d’attaque en justice, soit au Conseil constitutionnel, soit au Conseil d’État pour des décrets. On envisage d’autres cas s’il y a besoin, tout simplement à des tribunaux civils ou carrément à des cours européennes si besoin, sur des décrets de type projet de loi de renseignement et tous les décrets ou lois qui peuvent être appliqués et qui sont pour nous anticonstitutionnels, eh bien on les attaque. Si vous avez des avocats, des juristes autour de vous, ou si vous êtes vous-même avocat ou juriste et que vous avez envie d’aider, je pense qu’ils sont toujours preneur. Ils se réunissent par téléphone ou physiquement dans Paris tous les lundis, je crois, tous les lundis soir, et c’est un groupe qui déchire. Ils font des super dossiers, merci à tous ceux qui en font partie. Je n’ai pas les noms en tête. Je vous laisse aller voir. L’URL, laquadrature.net/recours, vous permet de voir où on en est. C’est une page qu’on met à jour régulièrement avec les news de ces sujets
On a mis à jour nos propositions. Parce qu’à La Quadrature on râle beaucoup, mais on a toujours proposé des alternatives, on a toujours proposé de manière très précise. Donc si vous voulez savoir un peu, avoir une petite idée de comment on peut essayer de défendre les libertés, de défendre les données des citoyens dans le numérique, n’hésitez pas à aller voir nos propositions. Un truc phare, un peu, de La Quadrature, c’est de dire : « Il y en a marre d’avoir une justice administrative qui est très difficile à mettre en œuvre pour les citoyens pour se défendre, notamment parce qu’ils ne sont pas toujours au courant des décisions en la matière ». Donc on cherche à avoir tout simplement qu’il y ait plus de moyens pour la justice judiciaire et moins d’arbitraire administratif, notamment confère les perquisitions de ces derniers jours.
Dans les trucs à venir, c’est très récent, on est à peine en train de balbutier là-dessus, mais on a envie de relancer des ateliers comme on le faisait. [Il est où lui. C’est le bazar dans mes docs, je suis désolé ! Oh la la ! Tagada tsouin tsouin ! Ça ce sont les fameux gif, ça ne passe pas. Mon Dieu !] Donc à venir une ouverture de La Quadrature, comme je vous disais tout au début. On va de plus en plus s’ouvrir à d’autres ONG, avec d’autres ONG, les Amnesty International, les Ligues des droits de l’homme, les syndicats de la magistrature et d’autres. On est vraiment ouvert à toute discussion avec toute ONG relative, de près ou de loin, à la défense des libertés des individus, à essayer de faire des choses un peu plus centrées sur les libertés en général. Parce que quand on voit l’évolution de notre État et le déclin démocratique progressif mais certain, eh bien voilà ! Je vous invite à nous aider à faire ça, si vous êtes dans des ONG de ce type, venir nous écrire, à essayer de faire des trucs ensemble. Et dans les trucs ensemble, on va essayer de faire plus souvent des ateliers comme on faisait à une époque, soit des ateliers techniques où on va mettre au point ou améliorer des outils techniques comme Memopol, comme le Piphone, ou d’autres à venir, ou des sites web comme Contrôle tes données. Soit simplement des campagnes. On va publier des contenus, mettre en ligne, inviter à faire des flyers, des trucs comme ça, des gifs animés comme on en voit d’autres. C’est-à-dire faire du bruit.
Il faut savoir qu’un des trucs fondateurs de La Quadrature et je vous invite à le garder pour vous et à l’utiliser avec d’autres, c’est tout simplement que les pouvoirs en place n’arrivent à faire du mal que dans le noir. C’est comme des vampires. Ils ne peuvent mordre que dans la nuit. Si vous mettez les projecteurs dessus, ils disparaissent. Le coût politique de faire quelque chose sous les yeux des citoyens est trop élevé. S’il est trop élevé ils ne le feront pas. ACTA a été une réussite pour ça. HADOPI a été une réussite pour ça. On peut gagner d’autres batailles. Il faut juste suivre ces idées-là, je pense qu’il y a vraiment quelque chose à faire, tout simplement en faisant beaucoup de bruit.
Dans ce contexte-là, La Quadrature a lancé sa campagne annuelle de financement. Donc si vous avez quelques sous à mettre, n’hésitez pas. On a un super site web avec des jolis gifs animés, que vous pouvez voir ici sur soutien.laquadrature.net. On en a besoin, vraiment. Si vous ne pouvez pas nous aider avec une action, en appelant vos députés, en ayant une espèce de force citoyenne de proposition et de défense, eh bien n’hésitez pas à donner quelques sous. Et si vous ne pouvez pas donner quelques sous, n’hésitez pas à nous écrire et à dire comment on peut aider. Sur le site il y a plein de façons d’aider qui peuvent être très utiles.
Voilà. Ça c’était le bilan, un peu, des activités de La Quadrature. On va passer un peu au questionnement du moment, sur le logiciel libre, l’internet, la surveillance, l’écologie et les Communs en général. En quoi ça serait peut-être quelque chose d’assez révolutionnaire finalement, même si le logiciel libre a été inventé il y a trente ans, on pourrait dire globalement par Richard Stallman.
Je suis parti d’un constat, c’est que quand j’étais jeune j’ai fait beaucoup de Lego, Lego Technique, des trucs comme ça, avec ceux de mes frères et sœurs, et à chaque fois je faisais de trucs marrants. Et puis mes parents étaient là : « Ah c’est cool ! Tu vas déposer un brevet ?
– Oh ouais, peut-être ! » Bon ! Je n’ai jamais déposé de brevet parce que, quand on a douze ans, on ne dépose pas des brevets. Et puis quand on a vingt ans, on voit comment ça s’écrit un brevet, on se dit « hou là, jamais ! » Et puis quand on a vingt-cinq ans, on découvre le logiciel libre et on se rend compte que c’est chouette parce qu’on peut accéder au code des autres et on peut modifier le code des autres et faire faire autre chose avec. Et puis on peut faire son propre code et le partager avec d’autres qui, pouf !, se mettent à faire des trucs avec. Et juste on se retrouve dans une espèce d’écosystème génial. C’est très biologique, c’est très vivant, ça bouillonne et à la fin on ne se souvient plus comment on faisait avant en fait. « Ah si, je piratais PaintShop Pro 3 sous Windows. » Ouais, c’était nul parce que je ne pouvais pas débuguer le machin qui faisait les flous, qui était tout pourri. Et puis je ne pouvais pas non plus distribuer le flou tout neuf que j’avais écrit et qui permettait de faire des jolis flous sous PaintShop Pro, que je n’ai pas pu faire vu que je n’avais pas le droit de le faire de toutes manières et je n’avais pas le code source.
Finalement, avec le temps, le logiciel libre ça m’est vraiment apparu comme une évidence. Mais plus qu’une évidence, c’est même une nécessité. Et on s’en est rendu compte avec les histoires d’Edward Snowden et avec le monde de la crypto, c’est-à-dire le monde des codes secrets et du chiffrement et du petit cadenas dans votre navigateur. On s’est rendu compte d’une chose, c’est qu’on n’a pas trouvé de logiciel propriétaire qui ne soit pas noyauté de l’intérieur. C’est-à-dire pour lequel il n’y a pas soit une clef qui permet de passer outre le chiffrement, soit une clef qui permet de tout déchiffrer, soit un bug franchement volontaire. Parce que les bugs pas volontaires de ceux, parmi ceux qu’on a pu voir, c’était trop gros ! Qui fait qu’on peut désactiver la crypto ou lui dire « ne fais pas de crypto ». Ce qui fait que les services ou des écoutes ciblées peuvent éventuellement écouter les conversations des gens, ou écouter ce qu’on fait, sans problème.
C’est un problème. C’est un problème aussi industriel. On oublie souvent, on pense souvent, nous on dit souvent : « Oui si vous avez des choses à cacher ou même si vous êtes activiste c’est important. » Mais si vous êtes dans une grosse industrie ou dans une entreprise qui a des secrets ou des choses, c’est un problème parce que vous ne pouvez pas communiquer entre vous de manière confidentielle sans que des États ou des barbouzes ne puissent vous écouter pour un oui pour un non. Et si un État peut le faire, des barbouzes le font, il ne faut pas croire. On a même vu avec les révélations de cette boîte italienne qui s’était fait pirater, que ça se trouve, ça peut s’acheter des logiciels d’écoute, sans problème.
Et donc finalement, pour moi, le logiciel libre est devenu vraiment une nécessité. Pire ! au fur et à mesure, on se dit « on a entendu parler aussi des musiques libres ». Alors les musiques libres, j’ai un vrai problème avec ça, ou l’art libre en général, c’est que, autant je peux prendre Gimp à la place de PaintShop Pro, autant je ne vais pas écouter X, Y, Z à la place de Pink Floyd. Parce que juste X, Y, Z, il ne fait pas pareil que Pink Floyd. Et c’est un vrai problème pour l’art et je n’ai pas trouvé de solution pour l’art, d’ailleurs, pas aujourd’hui. Si ce n’est les propositions de La Quadrature qui consistent à dire « Quand même, on va un peu loin là : 70 ans après la mort de l’auteur avant qu’une œuvre puisse s’élever dans le domaine public, c’est un peu long. » Et puis vous savez, essayer de mettre des trucs d’ayants droit entre deux, qui font plutôt plaisir aux middle men, aux intermédiaires, plutôt que financer les vrais auteurs et les vrais acteurs et les vrais interprètes, ce n’est pas une bonne idée non plus. À part ces grandes idées de La Quadrature qui finalement ne sont pas forcément très orientées open source, logiciel libre, applicables à l’art, je n’ai pas trouvé trop pour l’art.
Il y a plein d’autres domaines dans lesquels les concepts de logiciel libre sont vraiment super intéressants. On va en parler un petit peu.
Un des exemples c’était la surveillance, la surveillance des peuples. Comment ça fonctionne ? En gros ça a été les dernières révélations en la matière, ça a été Edward Snowden dont vous avez tous entendu parler. Qui n’a jamais entendu parler d’Edward Snowden ici ? N’ayez pas peur, ne vous cachez pas. OK. Donc vous voyez de quoi il s’agit : ce sont les écoutes de masse des États-Unis. Avant ça il y a eu Duncan Campbell qui a révélé ce qu’on appelait le programme ECHELON, qui était, en fait, lui-même issu d’accords entre les cinq pays autour des États-Unis – Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et Grande-Bretagne, qui était l’accord UKUSA, où, en gros, il y avait des écoutes de masse des signaux électroniques, donc la radio, et puis toutes ces choses-là, les télécommunications en général, dès les années 45. Donc ce n’est pas nouveau. Dès la fin de la Seconde guerre tout l’Occident, l’Occident américain on va dire, était en ligne, rangé, je ne veux voir qu’une tête en mode bidasse, pour écouter toutes les conversations de tout le monde. Ce n’était pas cool.
Mais on se rend compte d’une chose finalement, c’est que ces écoutes sont possibles parce qu’elles sont faites par les puissants, parce quelles sont faites dans l’ombre. Il y a des trucs, par exemple, qui ont eu lieu cette année. Il y a intelexit.org [4] qui est un site web qui est a été monté par des copains de Peng à Berlin, qui dit : « Vous êtes des services de renseignement. Si vous jugez en votre âme et conscience, éthiquement, que ce que vous faites est illégitime, sortez, barrez-vous. Si vous êtes talentueux vous allez trouver du boulot ! Et venez dire, venez fuiter, venez sonner l’alerte, devenez whistleblower, devenez lanceur d’alerte pour dire ça ne va pas, il y a ça qui ne va pas, ce n’est pas possible. » Et globalement, cette surveillance, moi j’ai fait le lien un peu avec la façon dont l’histoire est écrite. Quand on regarde les livres d’histoire on se rend compte d’une chose, c’est que, finalement, on voit l’histoire des vainqueurs, toujours. Et même si on voit l’histoire des perdants, c’est-à-dire que les Allemands, je me doute bien qu’ils racontent qu’ils ont perdu les deux guerres mondiales. Et puis les Français, on se souvient qu’on a perdu Waterloo, mais ça reste des grandes batailles. L’avis des citoyens de base, vous, moi, de ce que je vois à peu près tous ceux qui sont ici compris, ce n’est pas nous qui allons écrire l’histoire. Et c’est l’histoire de ces 1 % de vainqueurs, simplement 1 % de ceux qui ont pris le pouvoir parce qu’ils avaient choisi de le prendre, c’est eux qui ont toujours fait la surveillance des peuples.
Et plus que la surveillance, il y a même des bouquins qui ont été écrits là-dessus, que je vous recommande, sur le contrôle de l’individu. Le fameux livret ouvrier, vous voyez. Le livret ouvrier c’était l’ouvrier il a droit d’être dans telle ville, il a droit de travailler à telle mine, et puis c’est tout. Ce n’est pas un passeport. Il a le droit d’être là. Il n’a pas le droit d’aller se promener, il n’a pas le droit… Ou ça lui donne le droit de travailler dans une industrie, à la rigueur, vous voyez. Il a le droit d’être mineur. Il n’a pas le droit de devenir, je ne sais pas, de se mettre à faire autre chose, forgeron ou charpentier, je n’en sais rien moi.
Eh bien ce contrôle, on est en train de le voir revenir peu à peu, par le fichage général des individus, finalement. Parce que quand on voit que Google ne file pas les mêmes résultats à vous qu’à moi, où, à chacun d’entre nous, il file des résultats différents, c’est un peu il crée des bulles et puis il crée un peu le livret ouvrier moderne. On ne sort plus de sa bulle. Il ne nous l’interdit pas, mais on façonne comme ça les gens, on façonne les peuples par la surveillance et par le fichage.
Et puis tout simplement, la surveillance de masse, elle a un problème aussi, c’est qu’elle s’applique aussi dans l’industrie. Elle s’applique aussi quand vous avez des industries d’un pays, et puis la même industrie dans un autre pays. Eh bien les espions du pays A essayent d’espionner l’industrie du pays B, et inversement, pour savoir qui fait quoi, et puis essayer de leur piquer leurs secrets. Et finalement, s’il n’y avait pas de secrets industriels à piquer, il n’y aurait pas besoin de ce genre d’espionnage.
On verra pourquoi. Alors c’est complètement utopique, oui, c’est complètement utopique. S’il n’y avait pas de secrets industriels à protéger, on n’aurait pas besoin de ce genre de choses. On verra pourquoi ça peut, peut-être, avoir du sens finalement. Pourquoi ça pourrait avoir du sens ? Voilà, c’est la question de comment peut-on et doit-on, d’ailleurs, se passer de la société de surveillance. [Pourquoi je ne vois pas mes notes, je n’ai pas de notes. Bon !]
L’écologie. C’est aussi un autre domaine dans lequel on se dit finalement… Alors logiciel libre, on va peut-être définir un peu. Le Libre, en tant que tel, c’est-à-dire le fait de mettre des idées à disposition et y compris leur application, parce que ce qu’on peut breveter ce n’est pas une idée, c’est l’application d’une idée. Mettre l’application d’une idée à disposition de tous, que tous puissent le faire, l’utiliser librement, finalement ça pourrait peut-être s’appliquer à l’écologie.
Aujourd’hui, si vous réfléchissez un peu autour de vous de comment s’applique l’écologie, vous l’avez déjà lu derrière moi. En gros, aujourd’hui, elle est punitive. C’est-à-dire que quand on s’appelle Volkswagen et qu’on ment sur son moteur, on va se prendre des baffes. Si vous fabriquez un appareil qui pollue beaucoup, vous êtes censé payer pour votre pollution. Et toutes les réglementations écologiques vont dans ce sens-là. Vous voyez ce que je veux dire. C’est ce qu’on appelle, finalement, une écologie punitive. Pardon ?
Public : Inaudible.
B. S. : Il y a aussi l’incitatif. Alors l’incitatif c’est marrant, c’est on paye, par exemple, pour mettre des éoliennes. Et alors ça, c’est un problème. C’est que l’écologie c’est complexe, c’est très complexe. Aujourd’hui, faire des éoliennes dans le Nord de la France, c’est une mauvaise idée. Parce que le jour où il y a une tempête en mer du Nord, toutes les éoliennes du Nord de la France se mettent à produire des mégawatts. Le réseau électrique, qui est obligé de l’assumer parce que c’est comme ça, les règlements ont été faits de telle sorte que, se met à exploser en vol parce qu’ils ont trop de courant. On ne peut pas arrêter une centrale nucléaire parce que ça ne s’arrête pas comme ça. Donc ce qu’on fait, c’est que pour compenser le fait que les éoliennes produisent trop, on va mettre d’autres systèmes de production, type gaz ou charbon, eux, qu’on peut allumer ou éteindre très facilement. Ce qui fait que si tout à coup les éoliennes se mettent à tourner très vite, on va baisser la centrale au charbon ou au gaz. Ce qui veut dire qu’on est obligé de garder les centrales au gaz ou à charbon pour compenser le fait que les éoliennes ont des productions qui font ça. Donc financer l’écologie c’est encore une façon totalement jacobine, très française, et de mon point de vue totalement débile, d’essayer de résoudre les problèmes, finalement. Donc on voit que l’écologie est difficile à appliquer. Et honnêtement en France, je ne nous vois pas sortis des routes.
On va parler d’autre chose qui ne se passe pas en France, majoritairement. Il y avait un truc, ça s’appelait, je remercie Calimaq et Julien, l’éditeur du site Page42, qui m’ont un peu donné des idées là-dessus mardi au Bookscanner de La Quadrature, sur un certain Arnulf Grubler, que j’ai eu du mal à trouver sur Internet, qui est quelqu’un qui fait des études à Yale sur l’écologie industrielle. Et l’idée c’était de dire « On peut faire une industrie qui soit écologique. » Ça rejoint, pour ceux qui connaissent, l’économie circulaire. Simplement on essaie de ne produire aucun déchet. C’est-à-dire que si une industrie va produire un déchet, on va voir ce qu’on peut faire de ce déchet, on va essayer d’en faire autre chose.
Typiquement, le classique, c’est si ce sont des déchets végétaux, on va faire du compost et ce compost on va le fournir aux agriculteurs qui vont avoir moins besoin de pesticides sur leurs champs grâce à ça. Ce n’est qu’un exemple, tout simple. Il y a des exemples plus compliqués où des fois on produit des trucs qui sont chimiques. Comment on peut, grâce à la chimie, en faire d’autres produits utiles ? Éviter de les brûler par exemple, ou éviter de les jeter dans des rivières ou éviter de les mettre dans des tonneaux au fin fond du sous-sol ?
Donc l’écologie industrielle c’était ça. C’était essayer de chercher soit des cycles, soit carrément des sauts multiples, pour essayer d’avoir une industrie qui puisse fonctionner de manière écologique. Et dès cette époque-là, je crois que c’est dans les années 70, ils se sont posé aussi la question « il faut aussi que les structures sociales changent ». C’est-à-dire que ce n’est pas tout d’avoir une écologie au sens de respect de la nature, mais aussi respect de la nature humaine, c’est-à-dire comment on fait de telle sorte que les relations au sein des sociétés soient plus fluides, plus humaines, etc.
Donc c’était assez intéressant. Celui qui m’a le plus intéressé, c’est l’économie bleue. C’est un certain Gunter Pauli, qui est un Belge, qui a commencé dans le savon, qui a fini par se rendre compte qu’il polluait, enfin sa fabrique de savon. Il a tout revendu. Il s’est barré au Japon. Il a fait des études avec des chercheurs, au Japon, pendant, je ne sais plus, dix/quinze ans. Et ils ont trouvé une centaine de modèles, typiquement d’écologie industrielle. C’est-à-dire où ils vont, par exemple, produire du café, mais ils vont recycler le marc de café en un système de culture de champignons, donc ça va produire aussi des champignons. Et puis derrière leur marc de café qui a fait pousser des champignons, il est tout moche, donc ils peuvent en faire autre chose. Je crois qu’avec une simple formule, toute simple, ils vont le transformer en triester et que le triester, en fait, on ne va pas le brûler, même si c’est très bien pour faire du chauffage, on va en faire autre chose parce que dans l’industrie, il y en a besoin, beaucoup, pour le parfum ou pour les dentifrices ou je n’en sais rien. Quelque chose de ce genre-là. Et finalement, ils se sont rendu compte que, plutôt que de produire juste du café, ils allaient produire du café, des champignons et des triesters. Et qu’en fait, ce qui allait rapporter le plus, pour l’instant, c’est le triester. Mais finalement ils ont aussi produit des champignons et aussi produit du café.
Et donc ils ont une centaine de modèles de ce type, alors je ne les ai pas tous retenus, je vous en cite un, mais il y en a des dizaines et des dizaines. Et puis Gunter s’est mis à lancer des projets. Et alors, vous allez être étonnés, il n’a pas réussi à en lancer en France. Il n’a pas réussi à en lancer en Belgique, il n’en a pas en Espagne, il n’en a pas en Hollande, pas en Grande-Bretagne, pas aux États-Unis. Non. Le Nicaragua, le Chili, un petit peu en Allemagne, un petit peu en Australie. L’Inde carrément, l’Inde à fond, ils sont à fond sur ce genre de projets. Pourquoi ? Parce que ce sont les sociétés où il n’y a pas déjà les problèmes en mode tout bien verrouillé, on verra lesquels. Et donc il a fait tous ces projets. Et alors Gunter il a eu une idée, cette idée lui est apparue un peu révolutionnaire, mais il s’est rendu compte qu’il n’avait pas le choix, parce qu’en fait il s’est dit « de mon vivant je n’arriverai pas à faire les cent projets ». Il en fait quatorze, il y en a douze qui, aujourd’hui, fonctionnent à merveille. Mais qu’est-ce qu’il peut faire ? Il a cinquante-neuf ans. Il s’est dit « eh bien ce n’est pas dur, les cent projets, on va les mettre en open source, sur Internet, tout détailler, les systèmes chimiques, les cycles qu’ils ont imaginés, les avantages, les inconvénients, comment ça fonctionne. Et ils ont tout mis en open source.
Si vous avez une âme d’entrepreneur, parce là c’était des chercheurs qui avaient fait ça, mais derrière le chercheur on a besoin d’un entrepreneur pour se dire « je vais me sortir les mains des poches, me retrousser les manches et puis je vais le faire ». Et puis des gens autour de lui pour l’aider à le faire, pour travailler et puis, etc. Il a besoin de toute une chaîne d’individus derrière. Il n’y a qu’en le mettant en open source qu’on peut faire ça. Parce que sinon, il faut le vendre, donc il faut des capitaux. Et donc on se retrouve dans une espèce de cercle vicieux de l’industrie, plutôt que d’essayer d’avoir un cercle vertueux. Quitte à avoir un cercle vertueux écologique, autant avoir aussi un cercle vertueux économique et un cercle vertueux social. C’est-à-dire de dire « ce sont des gens qui vont faire des projets et ils ne vont pas pouvoir se réapproprier l’idée ». Ce qui fait que si on fait une petite industrie qui fait un projet A en Inde, on pourra faire la même au Chili et ils ne vont pas se taper dessus. Comme disait mon copain Valentin : « Le sac de riz est toujours assez grand pour tout le monde », dans ce genre de cas, en tout cas.
Dans le même genre, l’écologie actuelle nous invite à faire quelque chose de positif. Je vais citer un exemple. J’essaierai de mettre des références sur le site de La Quadrature dans un petit post parce que Gunter Pauli, il y a une conférence très intéressante sur le biomimétisme aussi, que j’ai vue au Conseil économique social et environnemental, d’un jeune homme qui était super talentueux et nous expliquait le biomimétisme, qui est, pour moi, quelque chose de très intéressant dans l’écologie moderne. C’est de dire : « La nature est un livre. La nature est une putain d’encyclopédie. Vous savez ce qu’on fait depuis cent ans avec cette putain d’encyclopédie ? On la brûle ! Si vous ne savez pas ce que c’est qu’un livre et que vous prenez un livre, je n’ai pas de livre là, vous prenez un livre, ça brûle vachement bien ! Si on ne sait pas ce que c’est. Ah si, si vous ouvrez un peu les pages, ça peut faire des briques, on peut aussi en faire des briques, vous savez. C’est du bois à l’origine. Dans des bonnes conditions, ça peut brûler vachement bien. D’ailleurs le pétrole, on le raffine pour le mettre dans des conditions où il brûle vachement bien. Sauf qu’en fait tout ça c’est une putain d’encyclopédie. »
En fait, plutôt que de le brûler, on pourrait juste ouvrir le livre puis essayer d’apprendre à lire ce qu’il y a dedans. Et appendre à lire ce qu’il y a dedans, ça veut dire essayer de copier la nature pour voir ce qu’elle a de mieux à nous proposer. Et il y avait un exemple qui moi m’avait fait genre [Benjamin se laisse tomber], parce que c’est mon industrie. Vous savez Intel fabrique des puces avec du silicium qu’ils mettent en couches, comme ça, pour faire les transistors. Ils font des grilles de transistors par millions, pour faire des calculs très vite. Ils font ça avec des échelles de quarante nanomètres, trente nanomètres aujourd’hui, entre deux transistors. Le nanomètre, c’est un milliardième de millimètre, OK, un truc comme ça, ou un milliardième de mètre. Enfin bon, c’est tout petit. Un milliardième de mètre, 10–9. En effet, merci. Donc un milliardième de mètre. Ça ne se voit pas. Il faut un microscope électronique à balayage, sinon on ne voit rien.
Le problème c’est que pour faire ça il faut des salles blanches, c’est-à-dire des endroits où il n’y a pas une poussière, mais pas une demie, pas une poussière, qui coûtent une blinde de pognon à entretenir, avec des mecs qui rentrent, qui se font passer au ventilateur pendant un quart d’heure, avec un truc spécial, des équipements et tout, pour n’avoir plus aucune poussière sur eux. Qui ont des trucs aux cheveux, des trucs aux mains, des gants, des machins, qui mettent les bras dans les machins et qui manipulent le bidule de silicium. Pour faire du quarante nanomètres. S’il y a la moindre poussière, c’est la mort. C’est fini, le CPU ne marche pas.
On a trouvé dans la nature un coquillage, une espèce de petit coquillage, dont la coquille est entièrement en silicium, et qui est fait d’une espèce de grille assez régulière, même très régulière où, entre chaque élément de la grille, il y a dix nanomètres. Et vous savez quoi ? Le coquillage il fait ça au milieu du plancton marin, au milieu des requins, au milieu des autres machins de plancton, etc. Et c’est un coquillage qui est tout petit et qui est capable de graver à dix nanomètres.
Donc si on arrive à apprendre de la nature à graver à dix nanomètres, demain, sur votre table de salon, vous pourrez faire des composants de silicium à dix nanomètres. Parce que la poussière du salon ça ne gênera pas le petit coquillage dont on a appris à copier le système tel que la nature l’a inventé.
Et des exemples comme ça, vous pourrez les voir sur la conférence du CESE que je mettrai sur le site de La Quadrature, il y en a des dizaines. Il y en a plein et on peut en trouver plein. Il faut juste se les passer et les passer à d’autres, parce que moi, je suis incapable d’essayer de comprendre comment fonctionne le petit coquillage, mais je suis capable de filer l’idée à quelqu’un qui lui va comprendre.
Et si demain vous voyez quelque chose dans la nature qui vous intrigue, essayez de le comprendre et essayez d’en parler. Parce que, finalement, vous savez tous aussi bien que moi, mais on va le rappeler à nouveau : quand on a un bien et qu’on le donne on ne l’a plus. Mais quand a une connaissance et qu’on la partage, on est deux à l’avoir. L’information, ça se multiplie. Ça ne peut pas disparaître, ça se multiplie. Il y a toujours plus d’idées quand on partage.
Et donc le biomimétisme, c’est pour moi une autre façon de faire de l’écologie positive. C’est d’essayer d’arrêter de brûler cette encyclopédie, mais d’essayer de la lire.
Et puis d’autres idées à venir. Voilà. De préférence, comme je viens de vous le dire, des idées libres.
Et en fait je me suis posé la question après avoir vu Gunter Pauli : pourquoi il n’a pas réussi à faire des projets comme ça en France ? Il y a un truc tout simple, c’est que je vous demande ce qu’il y a comme industries dans notre pays. Alors je ne voulais pas qu’il l’affiche, mais tant pis. En gros, j’ai essayé de voir qu’est-ce qui fait des gros emplois dans notre pays. Eh bien il y a l’énergie : il y a EDF, il y a AREVA. On est très connus pour nos centrales nucléaires et la qualité [Benjamin tousse]de notre capacité à les démanteler et à les éteindre quand il risque d’être trop tard. C’est un gros machin l’énergie en France ! Vous savez comme moi que s’il y a EDF, le patron d’EDF, qui dit quelque chose, le gouvernement suit au taquet.
L’armement. Évidemment les EADS, les Thalès et compagnie, les Dassault. On est très bons en armement. On vient de vendre quoi ? Dix milliards d’équipement militaire à l’Arabie saoudite. Ce sont des gens bien ! Ce sont eux qui coupent des têtes en Arabie saoudite, vous savez, les mêmes que l’État islamique, mais eux ce sont les méchants. Donc pareil. On ne se pose pas du tout de question sur les enjeux de machin. C’est de l’armement, c’est important, ça fait du business, ça fait de l’emploi, plein.
Le pharmaceutique. Alors je connais un peu de l’intérieur. Vous savez que dans l’agroalimentaire on dit « vous ne voulez pas savoir comment c’est fabriqué ». Eh bien dans le pharmaceutique vous ne voulez pas savoir comment c’est poussé, « lobbyfié » et autorisé et développé et breveté dans tous les sens. Leur but c’est de faire du pognon. Point. Ne croyez pas que la recherche pharmaceutique vient de ces boîtes-là. C’est faux, ils font moins, nettement moins. Ils ont des budgets recherche qui sont entre la moitié et un zéro de moins que leur budget marketing et développement commercial. J’ai vu faire des études dans lesquelles il y a des gens qui sont interviewés pour dire : « Voilà, qu’est-ce que vous pensez, M. le médecin X, de ce médicament Y ? » Le but ce n’est pas d’avoir l’opinion du médecin, c’est de lui donner un billet. Parce que quand on fait venir les gens pour leur demander leur avis, on leur donne un billet. Après, la taille du billet peut varier selon la capacité du médecin à promouvoir ledit médicament. Donc ce milieu-là est pour moi un de ceux qu’il y a de plus pourris dans notre pays. Je ne sais pas si je le mets derrière ou avant l’armement. Et honnêtement, son utilité sociale reste à démontrer, vraiment ! D’ailleurs souvenez-vous, je ne sais plus qui avait inventé un de ces premiers vaccins. Je crois que c’est la découverte de la pénicilline, où le découvreur de la pénicilline avait dit : « Je ne veux pas déposer de brevet dessus. Je veux que ce soit disponible à tous. » Et ça c’était répandu comme une traînée de poudre, grâce à ça. Aujourd’hui ça n’est plus le cas et ils rebrevettent des molécules, vaguement modifiées, histoire d’être tranquilles.
Et le luxe. Ah le luxe ! Vous savez les Louis Vuitton, toutes ces marques-là. Moi j’ai connu ces marques-là, enfin ma maman a connu ces marques-là, elle est du milieu de la confection. C’était du putain de stuff. Excusez-moi, ce n’est pas poli, mais waouh ! Vraiment ! C’est-à-dire c’était waouh ! C’est-à-dire vous aviez un manteau de luxe, un sac de luxe, un truc d’une marque vraiment réputée, c’était du super matos. C’était costaud, c’était des coutures invisibles, c’était des savoir-faire, c’est vraiment quelque chose de magnifique. C’est pour ça que c’était du luxe, c’était costaud, c’était beau, c’était des produits de malades, ça tenait chaud si ça avait besoin de tenir chaud, ça ne faisait pas transpirer si ça avait besoin de ne pas faire transpirer, c’est génial. Sauf que, aujourd’hui, on a un truc, c’est qu’ils sont surtout accrochés au droit des marques et leurs logos. Aujourd’hui on est une société dans laquelle le logo fait beaucoup de choses. Fait tout, même, finalement. Si vous avez le bon logo sur votre chemise ou sur votre pull, c’est bon, vous êtes in.
Et on voit finalement que le luxe, je ne suis pas sûr qu’encore aujourd’hui ils soient dans cette logique de dire « on veut faire des super produits ». Il y en a encore. Cherchez-les ! Si vous avez envie de vous faire plaisir, allez plutôt vous renseigner sur ce qu’ils font plutôt que le logo qu’ils imposent. Et finalement c’est aussi une grosse industrie dans notre pays.
Et puis on voit une chose, je vous invite à vous renseigner, c’est Doctorow, Cory Doctorow qui a fait un article très intéressant là-dessus, sur ce qu’on appelle les Bullshit Jobs. Alors vous connaissez tous quelqu’un qui est dans ce cas-là. Peut-être que ça vous concerne ? Dans ce cas-là je vous plains de tout mon cœur et je vous invite à réfléchir à tout ça.
Alors ce n’est pas un mot impoli. C’est juste qu’on est plein, à la Défense, il y a plein de gens qui ont des boulots qui ne servent à rien. Ils font le marketing de la promotion des services internes du conseil technique de EDF. Et c’est que pour l’interne, vous savez, ils font de la promotion interne. Oui il n’y a que des services de ce type, en pagaille. Plus les placards. Parce qu’il y a des gens qui, des fois, se lèvent contre ça, et puis on leur dit : « Non, mais tu es gentil, mais tu es le fils d’untel, donc on ne va pas te virer, donc on te met dans un placard. » Et tous ces gens-là, ils savent. Il y a un truc : la définition du Bullshit Jobs elle est très simple, C’est : vous demandez à quelqu’un ce qu’il fait dans sa vie. Au bout de cinq minutes s’il vous dit : « Eh bien, de toutes façons, ça ne sert à rien. », c’est qu’il a un Bullshit Job. Parce qu’ils le savent ces gens-là. Souvent ils en sont malheureux, mais au moins ils ont un boulot. Et dans une époque où on n’a pas de boulot, où le boulot est dur à trouver, eh bien finalement, quand on en a un, ça a beau servir pas à grand-chose, on se met dans un coin et puis on ne fait pas de bruit.
Voilà. Donc il y a des gens comme ça, ici ? Par pitié, renseignez-vous, essayez de trouver autre chose. Je dis même un truc souvent, quand je suis en école d’ingénieur, parce que j’ai affaire à des ingénieurs, je fais des petites conférences en écoles d’ingénieurs où on parle de technique souvent et puis à la fin je fais : « On va aussi parler d’éthique. » Et alors il y a les profs qui font : « Ah bon ! » Eux ça ne les concerne pas. Les profs, ils ne font pas de cours d’éthique en école d’ingé, ça n’existe pas. Donc c’est le cours d’éthique que vous allez avoir sur vos quatre ans. Et alors, il y a un truc tout bête. Si vous avez des ingénieurs, ce sont des gens talentueux, ils sont dans une profession au chômage négatif. C’est-à-dire que s’ils sont dans une boîte où le matin ils n’ont pas envie d’y aller je leur dis : « Mais barrez-vous. Vous allez retrouver du boulot ailleurs. Et si vous êtes bon, vous allez retrouver d’autant plus vite du boulot ailleurs. Et au bout d’un moment vous allez trouver un boulot qui vous fait plaisir et sur lequel vous avez vos valeurs éthiques, vos valeurs à vous, ce que vous avez envie de faire dans la vie, ce que vous avez envie de changer dans le monde qui va être là. C’est ce que vous allez faire tous les jours ! Et vous allez vous lever le matin tadan ! Même pas besoin de café. C’est génial. Faites-le ! Barrez-vous. » Et alors là, les profs genre [Benjamin bouche bée].
En fait si, c’est ça. L’idée c’est que s’il y a des endroits où le mal est produit, si pour vous ça ne vous va pas, si vous êtes talentueux ne mettez pas votre talent à ce service. Si vous êtes talentueux, vous aurez autre chose, vous allez pouvoir trouver du boulot. Moi j’ai fait ça et puis je me suis barré et aujourd’hui j’ai monté ma boîte. Et puis on a galéré cinq ans, et puis on s’en sort au bout d’un moment. Et on fait des trucs, on fait du logiciel libre, on fait de l’infrastructure, on fait des trucs comme ça. Donc voilà, ça c’est le côté éthique. Mais comment on peut changer ça ? Difficilement ! Difficilement !
Pour revenir à la définition du Libre, je dis « le Libre » y compris en anglais, parce que en anglais ils ont open source ou free sofware et, dans les deux cas, on n’est pas sûrs, sûrs, de quoi on parle. Et je vais faire mon troll, désolé. Ça va encore twitter comme quoi je trolle toujours, mais je suis un très fervent défenseur de la licence GPL en tant que concept face à la licence BSD en tant que concept. La licence GPL c’est celle qui dit : « Le logiciel est libre. Vous faites ce que vous voulez avec. Et si quelqu’un en fait une variante, il est obligé de le mettre dans une licence aussi libre. » Vous voyez ce que ça veut dire sur le long terme ? Ça veut dire qu’on ne peut pas refermer.
Alors que la licence BSD, elle dit : « Ouais, faites ce que vous voulez avec. Tant que vous ne dites pas que c’est vous qui l’avez écrit, c’est parfait. Et puis si vous faites des modifs, c’est une partie vous, une partie nous, et puis c’est tout. Mais vous faites ce que vous voulez. Si vous voulez en faire un logiciel propriétaire, pas de problème. » Eh bien moi ça me pose un problème ! C’est que demain on fait un client FTP, eh bien il est propriétaire, et puis « ah tiens, c’est le client FTP de Microsoft, il vient de BSD ». Et puis il y a plein de logiciels comme ça, qui sont piqués au logiciel libre sous licence BSD. Ils referment la boîte, ça s’appelle Cisco. Vous savez, Cisco ! Tous leurs firewall c’est du BSD. Plus de code source du tout. Pardon ? Apple. Ah, Apple, très bel exemple. Apple, merci.
Finalement, le Libre c’est quoi ? Ce sont des idées librement disponibles et leur application, comme je disais tout à l’heure, comme les brevets. C’est l’application d’idées librement disponibles. C’est la garantie de leur ouverture, en s’assurant qu’on prend des licences. Alors je ne vous dis pas prenez la BSD pour des choses non logicielles, ça ne marchera pas. Mais inventez des licences ou prenez-en qui existent dans d’autres domaines, qui garantissent la liberté au long terme.
C’est aussi une pensée qui devrait, à mon avis, être beaucoup plus large entre le côté la liberté qu’on donne aux individus ; l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire le fait que si on travaille avec d’autres individus dans ces contextes, on essaye d’avoir des équilibres entre les individus et pas chercher à avoir des luttes de pouvoir dans tous les sens parce qu’il faut qu’on essaie d’enlever les verrous dans le social qui sont les mêmes qu’on a essayés d’enlever avec le logiciel libre ; et l’écologie, c’est-à-dire essayer d’aller dans du positif, dans de la construction. Et si on a des idées qui nous paraissent intéressantes dans l’écologie et notamment dans l’écologie industrielle qui, moi, m’intéresse le plus, laissez-les librement disponibles. Vous arriverez à appliquer vos idées et vous arriverez à ce que, grâce à ça, d’autres l’appliquent dans d’autres endroits.
Et finalement, pour moi, tout ça procède du même système, c’est-à-dire d’essayer de faire société. Si certains d’entre vous ont un peu étudié l’écologie de manière générale, vous savez une chose, et donc pour ceux qui ne savent pas, je vous le dis, on ne pourra faire une écologie qui nous sauvera la planète que si on la fait tous ensemble. Si demain, tant que entre la Chine, la Russie, les États-Unis et l’Europe, il y a un de ces quatre acteurs, pas les quatre, un de ces quatre acteurs qui dit fuck, c’est foutu. Parce qu’ils vont continuer à polluer, ils vont continuer à faire n’importe quoi, et ça ne marchera pas. On ne pourra pas sauver le monde, sauver la planète du désastre écologique à venir. Parce qu’il faut être clair, il y en a qui prédisent la troisième guerre mondiale, moi je vous prédis d’abord le désastre écologique à venir. Il est déjà à nos portes. Les réfugiés c’est ça. Il y a déjà des réfugiés climatiques aujourd’hui, pas que des réfugiés syriens qui ont la guerre chez eux. Si demain on ne fait pas, ou même aujourd’hui, on ne fait pas commun, on n’arrivera pas à sortir du désastre écologique à venir. Et ça, pour moi, ça passe par les idées librement disponibles.
Si vous avez quelqu’un en Chine qui parle anglais, ou qui parle français, et qui est capable de lire ce que vous avez mis sur Internet comme idée géniale et que lui, peut l’appliquer chez lui, on va gagner. Et on pourra gagner parce qu’on aura fait commun, finalement un peu comme la fourmi. La fourmi elle ne sait pas forcément à quel point elle fait partie d’une fourmilière. Vous imaginez, un petit cerveau de la taille qu’elle a. On sait qu’elle n’a probablement pas beaucoup moyen d’avoir une compréhension extrêmement complexe et structurée comme peut l’avoir l’être humain. Il y a quelque chose, mais ce n’est pas aussi… Mais par contre elle fait juste. Elle met à disposition la ressource à la fourmi d’à côté, elle va chercher une ressource, elle s’occupe du petit, des trois petites fourmis à naître qu’elle a à côté d’elle. Et finalement, tout ça ensemble, ça fait la fourmilière. C’est une espèce de système auto-stabilisant. Et pour moi ce système auto-stabilisant, enfin le système auto-stabilisant qu’on peut proposer à l’humanité aujourd’hui, c’est un système où on met les idées à disposition. Où on ouvre le livre, l’encyclopédie qu’est la nature, où on lit ce qu’il y a dedans, et que ce qu’on arrive à y lire, on le met à disposition dans notre langue à nous, disponible, gracieusement, et sans limite d’exploitation, et en assurant qu’on aura toujours la liberté de le faire grâce à des licences adéquates.
Et donc finalement, c’est ça faire société, c’est ça faire commun, et c’est ce qu’on appelle aujourd’hui passer à l’économie de la connaissance. C’est-à-dire qu’au lieu de brûler du pétrole, on lit l’encyclopédie de la nature. Et finalement, tout ça, pour moi, c’est lié au logiciel libre, c’est lié à la défense des libertés, à la capacité d’innover, à la capacité d’entreprendre et à la capacité de lutter contre la surveillance. Et il y a un truc génial à tout ça, c’est qu’on peut nous surveiller quand on est en train de faire ça. On n’en a rien à foutre, c’est disponible sur Internet ! Est-ce que vous avez des questions ? J’aimerais avoir des questions. On a un micro, le vert pour les questions. Pas de questions ? Merci Agnès.
Alors je n’ai pas prévu encore les liens à mettre sur le site de La Quadrature, mais si vous revenez dans une semaine, on va mettre ça dans un coin, je ne sais pas où. Sinon vous pouvez me suivre sur Twitter, j’en parlerai, enfin je ne l’ai pas mis sur Twitter.
- Public :
- Je ne suis pas scientifique, je suis citoyenne et je réfléchis. Donc une des choses que j’avais découvertes, c’est la différence entre, je connais la France et je connais l’Asie dans le sens Yi King, etc. Et eux, ils ont une conception cyclique des choses alors que nous, on a une conception linéaire. Et à partir du moment où on a une conception linéaire, on ne peut pas tourner en boucle. En fait ce sont des états d’esprit. En France le cycle c’est tourner en boucle, et franchement c’est con. On tourne en rond. Franchement c’est nul de tourner en rond, c’est franchement nul !
- Benjamin :
- On ne tourne même pas en rond, c’est-à-dire qu’on prend un produit qui est là, on le transforme et on le jette, en fait.
- Public :
- Tandis que par contre, en Chine, le cycle c’est le cycle de la vie. Vous voyez, pour la même chose, on a un regard totalement différent. On a un regard con ou un regard super, mais c’est le même rond.
- Benjamin :
- Je suis d’accord. C’est vrai qu’on a beaucoup à apprendre des philosophies asiatiques en la matière. Je vais voir comment ça peut rentrer, ce qu’on peut écrire autour de ça. C’est assez intéressant. Ça rejoint d’ailleurs le côté, voilà, on a essayé de faire l’écologie circulaire, c’est ça aussi. C’est d’ailleurs une des questions qui m’a été posée, suite à cette discussion, mardi au bookscanner, c’est de dire l’écologie circulaire peut fonctionner en partant des principes de conservation de l’énergie et de la matière. Et on s’est demandé qu’est-ce qu’il y avait comme économie circulaire du même type, c’est-à-dire en conservation d’énergie et de matière, dans le monde du numérique, qui est un monde essentiellement informationnel. En industrie, on fait passer d’un état à l’autre, finalement, les biens et les choses. Comment on peut appliquer ça au numérique ? Je n’ai pas de réponse. Si vous avez une idée, je suis preneur. Est-ce qu’il y a d’autres questions, d’autres suggestions ? Et-ce que ça vous inspire quelque chose ? C’est laquelle la meilleure des deux licences ? C’est la GPL ou la BSD ? S’il n’y a pas d’autres questions, je vais vous laisser. Je vous remercie infiniment.
N’hésitez pas à suivre les actualités de La Quadrature, on a toujours besoin de coups de main à droite et à gauche et on a un stand juste derrière.
- Public :
- Est-ce qu’on peut faire de la pub ?
- Benjamin :
- Oui, oui, faites de la pub. La Quadrature du Net, on a des stickers aussi. Ah de votre pub à vous ! Allez-y !
- Public :
- Moi je suis tombée dans un festival de films de femmes, sur un film sur l’économie et je ne connaissais rien à l’économie et même pire, ça me gonflait quoi. Voilà ! Et quand j’ai vu le film je me suis dit « hou la la, il faut que tout le monde le voit ». C’est-à-dire qu’en une heure et demie je suis passée de « ah non pas l’économie à waouh ! Il faut que tout le monde le regarde ».
- Benjamin :
- Et donc, le titre du film c’est ?
- Public :
- Ceux qui veulent le papier, le voilà.
- Benjamin :
- C’est quoi le titre ?
- Public :
- C’est un film de l’Office national du film du Canada, donc un très gros office.
- Benjamin :
- Donc un film de l’Office national du film du Canada. Vous pouvez le dire dans le micro que les gens entendent
- Public :
- Oui pardon ! C’est un film fait par l’Office national du film du Canada. L’économiste est néo-zélandaise, la cinéaste est canadienne. Et c’est en fait le PIB.
- Benjamin :
- Combien on produit, quoi.
- Public :
- Aujourd’hui on dit qu’il faut que ça croisse, le PIB. Elles, ce qu’elles disent c’est « le PIB ne dit pas entre les mains de qui est l’argent. Le PIB ne dit pas comment on fabrique cet argent, etc. » Et notamment l’armement. Elles parlent de ce dont vous avez parlé. Donc il y a plein de sujets qui sont abordés d’une façon assez inhabituelle. Voilà.
- Benjamin :
- Je vais vous en prendre un, ça m’intéresse.
- Public :
- Je n’en ai peut-être pas pour tout le monde, parce que j’en ai tous les jours sur moi.
- Benjamin :
- C’est un d’ailleurs un des trucs qu’ont développé Gunter Pauli et ses collègues dans l’économie bleue. Alors le titre du film c’est Who’s Counting ? Sexe mensonge et mondialisation.
- Public :
- Si on parle anglais on ne le trouve que du côté anglophone au Canada et moi eh bien je n’ai pas pensé, je ne dois en avoir que deux sous-titrés.
- Benjamin :
- Disponible en version originale sous-titrée en français. Il suffit de savoir lire. Bien. C’est un des trucs que Gunter Pauli et compagnie voulaient faire. En gros, ils se sont dit « il y a un autre problème avec l’économie actuelle, c’est qu’on produit en masse, en masse, en grosse masse. On transporte sur des milliers de kilomètres. Donc on a des Chinois malheureux à un bout, des Européens qui n’ont pas d’emploi à l’autre bout, et une pollution totale entre les deux. C’est génial. C’est une belle économie ! » Et donc, lui ce qu’il veut, c’est que les industries soient petites. De toutes façons leurs cycles, en général, ils ne sont pas faciles à réaliser à grosse échelle ou ils n’ont pas d’intérêt, puisqu’il faut se mettre à transporter, ça devient moins rentable. Et donc ils disent « il faut que ce soit rentable localement avec des emplois locaux et nombreux ». Donc ils créent de l’emploi, ils créent de la richesse localement. En général, leur système ne crée pas de déchets et ça ne se transporte pas sur des milliers de kilomètres. C’est fait pour alimenter une région, éventuellement un petit pays, Mais voilà ça reste des choses très raisonnables. Ça j’aime bien aussi l’idée de dire « on prend en compte les absurdités de notre économie actuelle ». Voilà Donc je mettrai les références s’il y en a que ça intéresse, sur le site de La Quadrature dans les jours à venir. Je vous remercie et vous souhaite une bonne fin d’Ubuntu Party. Merci.
Applaudissements
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