- Titre :
- Logiciels libres : impacts et enjeux sur la société
- Intervenante :
- Jeanne Tadeusz
- Lieu :
- Nantes, Maison de l’Europe, Association Faimaison
- Date :
- Mars 2014
- Durée :
- 1 h 40 min
- Écouter ou télécharger le podcast
Site de présentation de la conférence
Diaporama support de la conférence
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- diapo 3 du diaporama - Licence cf. diapo 12 du diaporama.
- transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Transcription
Organisateur : On va commencer doucement. Des gens vont encore arriver dans les quatre, cinq prochaines minutes, mais il y a des gens qui patientent depuis vingt minutes. On va y aller.
Pour ceux qui ne nous connaissent pas, nous organisons la conférence ; l’association qui organise s’appelle Faimaison. On fournit de l’accès à Internet, en gros comme les grands opérateurs commerciaux que vous pouvez connaître. La différence avec les approches commerciales c’est qu’on est aussi engagés et militants sur la défense de la neutralité du réseau. Pour donner une explication très rapide du principe de neutralité du réseau, le principe qu’on défend c’est que c’est l’utilisateur de la connexion qui doit faire ses choix de sites qu’il visite ou pas, ce n’est en aucun cas à l’opérateur et au fournisseur d’accès de faire des choix à sa place. C’est-à-dire que le fournisseur d’accès n’est pas censé ralentir certains sites, en privilégier certains, bloquer certains contenus, bloquer certains sites. On est militants là-dessus. Ça touche, de fait, aussi aux questions de respect de la vie privée, puisque, au niveau de respect de la vie privée, si un opérateur décide de faire de la discrimination de contenus, de favoriser certains contenus plutôt que d’autres, ça veut dire qu’il regarde votre trafic, donc ça veut dire qu’en termes de respect de la vie privée ça crée également des problèmes. Ce sont également des choses sur lesquelles on milite et qu’on considère qu’un fournisseur d’accès à internet ne doit pas faire.
Ce soir on accueille Jeanne Tadeusz qui vient de l’April. L’April [1] c’est l’association pour la promotion et la défense du logiciel libre ; c’est une association française qui est basée à Paris. Cette conférence va rejoindre notre thème de respect de la vie privée et d’autres thèmes qu’elle va aborder comme la démocratisation de l’accès à l’informatique et à l’information en général. Ça rejoint notre aspect du respect de la vie privée. Pourquoi ? Eh bien parce qu’aujourd’hui, quand on utilise un téléphone ou un ordinateur, quand on a des logiciels qui tournent dessus, si on n’est pas capable de savoir ce qui se passe, on n’est pas non plus capable de savoir s’ils envoient des données sur le réseau, alors qu’on n’est pas forcément au courant. C’est pour ça que ça touche à nos thématiques, aux thèmes qui nous préoccupent. Autre chose, nous, en tant qu’opérateur réseau, évidemment on privilégie l’utilisation de logiciels libres dans nos propres choix, puisque, si on opère un réseau, on n’a pas particulièrement envie qu’il y ait des logiciels dont on ne connaît pas le comportement.
Pour revenir sur l’April, l’April est basée à Paris. C’est une association française et principalement francophone. Cette conférence est en partenariat avec la Maison de l’Europe de Nantes, et la raison pour laquelle l’April, qui est une association française, vient parler ici, c’est aussi qu’ils sont actifs sur la politique européenne, parce qu’au niveau du Parlement européen — d’ailleurs il y a des élections qui arrivent bientôt — il y a pas mal d’enjeux autour du logiciel libre ou plutôt il y a beaucoup d’enjeux en termes de vie privée, de démocratisation de l’accès à l’information, etc, qui sont donc liés au logiciel libre. Donc l’April intervient auprès des parlementaires européens là-dessus, d’où le lien avec l’Europe et donc la Maison de l’Europe qui est en partenariat avec nous sur ces conférences.
J’ai presque tout dit. Cette conférence-là c’est la deuxième d’un cycle qui nous amène jusqu’au 17 mai, où on finira avec des événements à Cosmopolis où on devrait être présent sur un débat avec les candidats locaux aux élections européennes. Le cycle nous amène donc jusqu’au 17 mai, puisque ce sera juste avant les élections européennes et que nous on est sur ces questions-là, parce qu’on est conscients qu’influencer la politique européenne, ça va clairement influencer l’avenir des libertés numériques, que ce soit sur le thème de la neutralité du réseau ou sur celui des logiciels.
J’ai à peu près tout dit pour l’info. Je vais laisser Jeanne faire sa présentation pendant environ une bonne demi-heure et puis, après, ce sera ouvert à toutes les questions, toutes les discussions que vous voulez.
J’ai oublié de mentionner un truc. L’association est bénévole, on a payé la salle, Jeanne, etc. Vous pouvez faire des dons, si vous voulez manger des clémentines, des madeleines, boire du Coca, ça c’est à prix libre donc n’hésitez pas, ça nous fera un petit coup de pouce pour d’autres événements. Voilà. Merci.
Jeanne Tadeusz : Bonsoir à tous. Merci d’être venus, et d’avoir fait le déplacement ce soir pour cette conférence. Aujourd’hui je vais vous parler, comme on vous l’a expliqué, du logiciel libre et de ses impacts ainsi que des enjeux sur la société. Pour faire simple c’est finalement pourquoi le logiciel libre ça ne concerne pas que les geeks et, à l’inverse, pourquoi les geeks devraient aussi se préoccuper des enjeux politiques et de l’importance des lois qui sont en train de passer, des choix de nos élus, pour la suite, pour leurs activités, et aussi pour les libertés fondamentales aujourd’hui.
Pour commencer en introduction, très rapidement, rappeler quand même ce que c’est que le logiciel libre, même si je pense que la plupart d’entre vous a déjà une bonne idée. En fait le logiciel libre c’est quelque chose qui se définit par ce qu’on appelle les quatre libertés, donc quatre libertés principales qui sont, d’abord,
- la liberté d’usage, c’est-à-dire qu’on peut faire ce qu’on veut avec le logiciel. Ça peut aller de l’utiliser à la maison comme de fabriquer une fusée avec ou une bombe atomique, il n’y a aucune restriction ;
- liberté d’étude, c’est-à-dire qu’on a accès au code source, au code qui constitue le logiciel et on peut voir exactement ce qu’il fait ;
- liberté de modification ou d’amélioration, c’est-à-dire qu’on peut changer quelque chose dans le logiciel pour l’adapter à ses besoins, si on est une entreprise pour l’adapter aussi aux besoins de ses clients et ainsi de suite ;
- et enfin de liberté de redistribution ou liberté de partage, c’est-à-dire de pouvoir le partager avec nos amis, avec des voisins, avec qui vous voulez et cette liberté de partage elle inclut aussi la possibilité de partager le logiciel dans ses versions modifiées.
Donc le logiciel libre, pour contexte également, ce n’est pas quelque chose qui est nouveau. Aux débuts de l’informatique, tous les logiciels étaient des logiciels libres. C’est-à-dire qu’aux débuts de l’informatique, c’était d’abord un domaine de recherche, et qui dit domaine de recherche, c’était d’abord une communauté scientifique qui partageait des algorithmes et des connaissances, les codes qu’ils connaissaient. C’est avec le développement d’une informatique de plus en plus grand public, de plus en plus généraliste, que certaines entreprises ont décidé de refermer le code, de ne pas y donner accès, pour que, justement, on ne puisse plus se l’échanger, se le partager, le modifier, l’améliorer, et que, au contraire, cela reste, finalement, un monopole de quelques grandes entreprises et c’est la situation qu’on voit aujourd’hui. C’est-à-dire qu’on a quelques entreprises monopolistes de logiciels privateurs, en fait de Microsoft à Apple en passant par beaucoup d’éditeurs, alors que le logiciel libre, il y a certains outils que tout le monde connaît, on va citer par exemple Firefox [2], on peut aussi citer VLC [3], des distributions GNU/Linux qui sont plus ou moins grand public. Mais, finalement, on a eu le changement de ce qu’était un logiciel et c’est pour ça que le logiciel libre cherche à revenir à ce qu’était l’informatique au départ et à se replacer, aussi, sur un terrain de valeurs et d’éthique.
Le logiciel libre, c’est vraiment une question aussi d’éthique, c’est pour ça que je disais que ça ne concerne pas que les geeks, même s’il y a beaucoup de geeks dans le milieu, on ne pas se le cacher, l’exemple étant Richard Stallman qui, on va dire, est le père du logiciel libre dans le sens où il est le fondateur du mouvement. C’est un des premiers qui a écrit et qui a expliqué pourquoi rendre les logiciels privateurs c’était réellement dangereux. Dans une interview qu’il a donnée en français, finalement il résumait bien pourquoi le logiciel libre ça allait au-delà de quelques scientifiques qui peuvent faire ce qu’ils veulent. Il expliquait qu’il pouvait expliquer la base philosophique du logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité. Liberté parce que les utilisateurs sont libres, libres de faire ce qu’ils veulent. Égalité parce qu’ils disposent tous des mêmes libertés, c’est-à-dire que ce n’est pas parce qu’on travaille dans telle ou telle entreprise, qu’on a accès ou non au code, il n’y a pas besoin nécessairement de payer pour y avoir accès. Et enfin fraternité parce que nous encourageons chacun à coopérer dans la communauté. Pour tous les gens du logiciel libre, cette notion de coopération est vraiment importante. C’est-à-dire que l’idée de coopération déjà c’est l’idée de partage de la connaissance, parce que tout le monde a accès au code source et donc peut faire ce qu’il souhaite avec le logiciel, déjà peut l’étudier, comprendre comment ça marche. Donc quelqu’un qui veut apprendre l’informatique, ça permet concrètement de mettre les mains dedans, d’avoir vraiment les mains dans le cambouis et d’essayer de comprendre comment ça fonctionne sans avoir à payer des licences, sans être restreint dans ses utilisations possibles et ainsi de suite. C’est aussi une possibilité de partage de l’information. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, les mouvements de partage de l’information, je pense notamment à Wikimédia, la fondation qui développe Wikipédia, s’est basée sur la philosophie du logiciel libre qui est une logique de « on peut tous améliorer, on peut tous modifier le produit initial pour obtenir quelque chose qui nous correspond à tous ». Finalement. c’est la logique de ne pas vouloir réinventer la roue, clairement. C’est-à-dire que plutôt que d’avoir, à chaque fois, à écrire un nouveau logiciel pour faire quelque chose, on a un logiciel qui fonctionne déjà. On peut utiliser les briques existantes et construire avec ça, bâtir là-dessus, pour pouvoir avoir des nouveaux logiciels qui fonctionnent de mieux en mieux, avec de nouvelles fonctionnalités, qui correspondent plus à nos besoins, à nos usages et ainsi de suite.
Partant de ça, on a vraiment une logique de partage de l’information, de la connaissance. On a aussi une question réelle concernant la durabilité du matériel, de lutte contre l’obsolescence programmée qui est due à plusieurs facteurs. Déjà le fait que dans le logiciel libre tout le monde ait accès au code, ça veut dire qu’on n’a pas des questions d’expiration de licences ou de décisions unilatérales de la part d’une entreprise comme quoi on arrête le support pour tel ou tel logiciel. C’est particulièrement d’actualité aujourd’hui avec la fin du support XP de Microsoft qui pose beaucoup de problèmes, dans beaucoup d’entreprises, simplement parce que Microsoft décide qu’ils vont arrêter de supporter XP, donc tout le monde se retrouve avec rien ; c’est un choix contraint et forcé. Dans le logiciel libre ce ne serait pas le cas, parce que n’importe quelle autre entreprise pourrait reprendre le code et proposer à nouveau un support et un maintien.
C’est la durabilité aussi puisque, comme on n’a pas besoin, on n’a pas d’obligation mise de manière unilatérale à changer de logiciel, ça implique qu’on n’a pas besoin de passer toujours à des machines plus puissantes. Très concrètement ça veut aussi dire qu’on peut utiliser des logiciels qui sont peut-être plus anciens, mais qui consomment moins de ressources aussi. C’est aussi donc une manière de lutter contre l’obsolescence programmée et donc la nécessité de toujours acheter du nouveau matériel, toujours plus puissant qu’on le veuille vraiment ou non.
Et après, concrètement, un effet secondaire de l’ouverture du code, c’est que pour les informaticiens savent bien qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent dans le code puisque d’autres personnes vont aller regarder ce qu’ils ont fait. Donc ça implique aussi à faire quelque chose de plus propre, de plus clair, de plus efficace finalement, donc des logiciels qui sont aussi moins lourds à porter.
Finalement, dans le logiciel libre, on a toutes ces logiques de coopération, de partage de la connaissance, aussi de travail en communauté puisqu’il peut y avoir des développeurs qui arrivent et qui s’impliquent dans la création, le développement, l’amélioration des logiciels, qui font qu’on est vraiment dans une logique de coopération. Ce qui n’empêche pas la compétition par ailleurs, puisqu’il y a des entreprises qui proposent du logiciel libre, notamment des services au logiciel libre, mais elles sont dans une logique à la fois de coopération et de compétition, c’est-à-dire qu’elles vont, à la fois, toutes contribuer pour améliorer le logiciel et, en même temps, vont être concurrentes quand il va s’agir de proposer leurs services à d’autres structures, pourquoi pas à des acteurs publics ou à d’autres entreprises, pour vendre du service. Voilà. On a un certain nombre de logiques qui sont, je pense, importantes et à ne pas oublier.
Après, deuxième partie, pourquoi le logiciel libre c’est important et c’est intéressant pour les non techniciens ? C’est ce qui a été mentionné au tout début par KheOps, c’est tout ce qui est, notamment, la vie privée, ce dont on se doutait déjà même si je pense que personne n’imaginait l’ampleur, ce sont les révélations qui ont été faites par Edward Snowden, là, il y a quelques mois, sur l’espionnage généralisé de tous les matériels et la présence de back doors, donc de portes dérobées, dans la plupart des logiciels, logiciels privateurs s’entend, qui pose une vraie question, un vrai problème en termes de respect de la vie privée.
Je ne vais pas dire que le logiciel libre est suffisant pour régler la question, c’est bien évidemment faux. Il faut aussi un réseau neutre, il faut aussi d’autres conditions, mais c’est le premier pas. Parce que l’avantage du logiciel libre c’est que vous pouvez regarder dans le code source ce que fait le logiciel. Bien sûr, beaucoup de gens, moi la première, je ne serais pas capable d’aller regarder dans le code pour savoir ce qui se passe concrètement, mais ça veut dire que je peux avoir des gens de confiance qui vont le faire à ma place. Plus concrètement ça veut dire que si je suis un État, utiliser du logiciel libre, ça veut dire que je peux avoir des fonctionnaires, des informaticiens dans les services qui vont vérifier que le logiciel fait bien uniquement ce qu’il dit qu’il fait. Quand on a du logiciel propriétaire, on n’a qu’à espérer que le logiciel fait bien tout ce qu’il dit qu’il fait et faire confiance pour le reste, ce qui est bien évidemment problématique. Et quand on sait, comme aujourd’hui, que la NSA, donc les services secrets américains ont exigé de la part de tous les éditeurs américains de placer des portes dérobées dans tous les logiciels américains pour qu’ils puissent avoir accès aux ordinateurs, on voit bien la problématique qui est réelle. D’où justement l’image, c’est PRISM [4], donc ce fameux programme de la NSA qui, finalement, met un peu à nu tout le monde.
Juste pour répondre à une question qu’on entend souvent « oui, la vie privée, on n’a rien à cacher ! » Alors peut-être qu’on n’a rien à cacher, moi je n’ai pas grand-chose à cacher, je veux bien, mais j’estime avoir le droit, aussi, à une zone qui n’appartient qu’à moi, y compris dans ma vie informatique, et que, même si il n’y a rien de honteux dans mes photos de vacances, je n’ai pas forcément envie qu’elles soient accessibles à tout un chacun. Parfois ça va plus loin que ça. Pour prendre un autre exemple concret, ce n’est parce que j’ai quelque chose à cacher sur ce que je fais dans mon salon que je vais garder les portes ouvertes et les fenêtres ouvertes devant tout le monde dans la rue. Ça relève, finalement, de le même logique et de la même base. C’est pour ça que le logiciel libre est important parce que c’est une première condition pour s’assurer que les logiciels qu’on a et donc ce qu’on a sur nos ordinateurs, et on va aussi rappeler qu’un smartphone c’est aujourd’hui un ordinateur, fait uniquement que ce qu’il dit qu’il fait et n’envoie pas toutes les informations aux services secrets américains ou européens, enfin européens non, mais français aussi, d’ailleurs, puisqu’on sait qu’il y a des tentations très fortes de la part des services français de mettre en place le même type de service.
Les révélations Snowden, l’affaire PRISM, on est très clairement sur un aspect purement politique du logiciel libre. C’est-à-dire que faire un choix du logiciel libre c’est aussi faire un choix politique. C’est faire un choix politique de liberté, de respect de la vie privée, c’est parfois, aussi, un choix qui ne simplifie pas la vie de toute le monde. Quand on est dans un monde où l’écrasante majorité des personnes utilise, pour ne pas citer de marque, un iPhone et un ordinateur sous Windows, d’expliquer que non, on n’a pas d’iPhone et qu’on n’utilise pas WhatsApp parce qu’on choisit de mettre du logiciel libre sur son téléphone, ce n’est pas toujours simple. De dire que non non, on ne pas lire le fichier docx parce que j’utilise du logiciel libre, que ce n’est pas un standard ouvert, que c’est un format qui est réservé à Microsoft et que « est-ce que vous pourriez envoyer dans quelque chose qui est plus lisible », eh bien ce n’est pas toujours simple, mais c’est faire un choix qui est important.
Plus largement, il y a une prise de conscience qui est de plus en plus forte déjà sur le fait de la nécessité de faire ce choix, que ce soit au niveau individuel, au niveau de collectivités aussi ou niveau d’administrations, de collectivités locales de plus en plus, mais aussi, plus largement, un deuxième aspect ça va être que le fait politique : non seulement utiliser du logiciel libre, ce n’est pas simple, enfin pas toujours, parfois si, heureusement, mais le logiciel libre, en plus, se voit de plus en plus restreint pas les activités politiques.
Pour citer un premier exemple on va citer l’exemple d’ACTA, le traité commercial anti-contrefaçon qui est mort le 4 juillet 2012. Pour le replacer dans son contexte, ACTA c’est un traité international qui impliquait notamment les États-Unis et l’Europe, officiellement c’était juste pour lutter contre la contrefaçon. Tout le monde est pour lutter la contrefaçon ; la contrefaçon ça peut être dangereux pour pas mal de choses, notamment dans le cas des médicaments, sauf que dans ce texte, en réalité, ce qu’ils faisaient c’était poser énormément de restrictions, notamment dans le domaine numérique. Des exemples : la généralisation de tout ce qui est verrouillage des contenus, interdiction de contourner ces types de verrouillages ; il y avait aussi des atteintes très importantes à la neutralité d’internet et ainsi de suite, qui faisaient que le texte, dont on a d’ailleurs appris assez tard l’existence même parce qu’il était finalement négocié derrière des portes fermées, dans le secret, était un clair grave danger pour les libertés, notamment les libertés numériques, même s’il y avait d’autres problématiques notamment en termes de médicaments, en termes de semences aussi ou autres que je ne vais pas forcément aborder ici parce que ce n’est pas le thème de la conférence. Mais enfin, sous couvert de protéger le commerce et de lutter contre la contrefaçon, on restreignait énormément ce que nous, simples citoyens pouvions faire.
Donc quand ce texte a été révélé il y a eu une mobilisation assez importante qui venait notamment de toutes les personnes qui étaient dans le domaine du numérique. La photo est une banderole pendant une manifestation qui a eu lieu à Paris ; il y a eu des manifestations partout en Europe, Paris c’était une petite manifestation. Dans certaines villes c’était des milliers de personnes, je pense notamment à Varsovie. Ça a été aussi une mobilisation au quotidien de beaucoup de gens, des activistes, des gens qui n’étaient pas forcément impliqués en politique au départ, voire très loin, mais qui ont pris leur courage à deux mains, qui ont écrit à leurs parlementaires, notamment aux parlementaires européens, qui les ont appelés, qui sont allés carrément au Parlement européen pour leur expliquer les dangers, pour insister, pour expliquer vraiment ce qu’était le problème. Après toutes cette mobilisation, au moment où le Parlement européen devait voter sur l’acceptation ou non du texte, le texte a été rejeté. Alors même qu’on nous disait un an avant, dix-huit mois avant, que c’était un texte purement technique, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il allait passer comme une lettre à la poste. Grâce à cette mobilisation, clairement, parce que c’est le seul facteur qui ait réellement joué, le texte a été rejeté par les parlementaires européens. La Commission européenne, bon elle dira [inaudible], mais ça été une victoire, donc une victoire politique sur des questions qui concernaient que ce soit les utilisateurs, les développeurs, les utilisateurs de logiciel libre et aussi le public plus large.
Pour prendre un deuxième exemple de ce type de mobilisation et de l’importance de l’impact du politique sur le logiciel libre ce sont les brevets logiciels. Tous ceux qui travaillent dans l’informatique voient très bien de quoi je parle parce qu’ils se sont généralement déjà heurtés à ce problème. Pour ceux qui ne sont pas informaticiens, pour résumer, le logiciel est protégé, aujourd’hui, par le droit d’auteur. Le logiciel c’est du texte, finalement quand on prend la plus simple expression d’un logiciel, c’est du code, c’est de l’écriture. Donc on ne peut pas le copier comme on veut à moins qu’on ait l’autorisation, par la licence notamment dans le cas d’un logiciel libre, mais c’est protégé, c’est donc protégé vraiment par ce droit d’auteur. Par contre il n’y a pas de brevet. Pourquoi ? Parce que le brevet, déjà historiquement, c’était fait pour protéger les innovations industrielles et le brevet protège une fonctionnalité. Le brevet, vraiment, c’est fait pour protéger une machine, on fournit les plans de la machine, vous avez une machine qui permet de faire telle transformation, donc l’inventeur qui fournit les plans de la machine à un office des brevets peut obtenir un monopole d’exploitation de cette machine précise, pendant un certain nombre d’années, après quoi les plans deviennent publics et tout le monde peut les utiliser. Clairement le brevet c’était simplement ça au départ, c’est l’idée que plutôt qu’un inventeur ne veuille pas dire comment il fabrique sa machine, il a un monopole temporaire et, en échange, tout le monde a accès à ses plans. Sauf que le brevet est de plus en plus étendu aujourd’hui. Vous avez peut-être entendu parler de brevets sur le vivant, brevets sur les semences, c’est la même problématique. C’est-à-dire qu’on a un petit nombre d’acteurs extrêmement puissants, de grandes entreprises, qui veulent transposer ce principe de protection d’une fonctionnalité à plein d’autres domaines, notamment à l’informatique. Pourquoi c’est dangereux ? Parce que, simplement, transposer une fonctionnalité ça empêche tout le monde de reproduire la même fonctionnalité.
Pour prendre des exemples très concrets de brevets logiciels qui sont déposés aujourd’hui, pas nécessairement en Europe, mais, par exemple, aux États-Unis, il y a la barre de progression. Vous avez tous vu une barre de progression un jour, ça va de 0 à 100 %, ça avance et quand ça arrive à 100%, ça se termine. Ça c’est un brevet de Microsoft. Ça veut dire que vous ne pouvez pas faire de barre de progression si vous ne payez pas une redevance à Microsoft.
Pour prendre un autre exemple : quand vous êtes sur votre smartphone, vous savez, à la fin, vous arrivez tout en bas, la page rebondit et redescend, ça c’est un brevet Apple, donc ça veut dire que pour les quinze prochaines années vous ne pouvez pas faire ça sans payer une redevance à Apple.
Des exemples comme ça il y en énormément d’autres. C’est juste pour prendre les plus clairs. Ah oui, un dernier qui est quand même assez impressionnant, du même type, Amazon a breveté « l’achat en un clic ». C’est-à-dire le fait de se pré-enregistrer sur le site où vous avez déjà donné votre numéro de carte bleu et de pouvoir acheter, simplement en cliquant sous un bouton, sans avoir à passer par une interface après, c’est un brevet Amazon. Donc vous ne pouvez pas proposer cette fonctionnalité sans payer une redevance à Amazon et ainsi de suite. Vous imaginez les dangers pour l’innovation que ça représente que de pouvoir breveter toutes ces fonctionnalités. C’est très clairement un danger.
Aujourd’hui on a un retour, notamment aux États-Unis, contre ça, parce qu’ils se rendent bien compte que ça pose énormément de problèmes. Pour citer un exemple, les grandes entreprises informatiques, aux États-Unis, dépensent aujourd’hui plus en avocats, donc en frais de justice, qu’en recherche et développement, y compris des entreprises comme Apple. Même aux États-Unis ils se rendent compte qu’il y a vraiment un souci, donc ils sont en train de revenir là-dessus. Mais bon !
En attendant, en 2004-2005, au niveau européen, on a eu une directive qui voulait permettre la brevetabilité des logiciels, donc clairement un danger. Heureusement, de la même manière, une mobilisation importante de la part d’activistes qui venaient vraiment aussi de tous les pays et c’était vraiment intéressant, et qui se sont mis à alerter le Parlement européen sur les dangers des brevets logiciels. Ça a été une bagarre de long terme, beaucoup d’amendements déposés qui allaient dans un sens comme dans l’autre. La directive a fini également par être annulée, mais donc, du coup, un danger qui est finalement toujours un peu présent parce qu’on n’a plus d’interdiction claire des brevets logiciels dans le droit en Europe.
Juste pour commenter sur l’aspect activisme et donc sur la photo, celle-ci je l’aime beaucoup parce que ça montre vraiment la différence entre les activistes du logiciel libre en plus, en l’occurrence, et les lobbies des grandes entreprises qui cherchaient à faire passer la brevetabilité des logiciels. La directive, la CII Directive qui est donc marquée sur la banderole, c’est donc la directive sur la brevetabilité du logiciel. Pour contexte cette photo a été prise à Strasbourg, à côté du Parlement européen, où les lobbyistes avaient loué ce superbe bateau pour inviter les parlementaires, leur proposer de prendre un verre et de discuter des mérites de cette directive et, en même temps, se ballader avec ce très beau drapeau sous les fenêtres du Parlement européen. Il y a eu quelques activistes qui ont eu la bonne idée de louer ce superbe kayak, de faire une banderole avec du tissu et des feutres, et d’aller se planter juste devant. Concrètement, en termes d’impact pour les eurodéputés, d’impact médiatique, ça a été un triomphe, parce que, finalement qui est-ce que vous avez envie de soutenir entre les deux, là ? Très clairement, cette image-là, c’est pile le tournant où la directive a échappé des mains des grandes entreprises qui cherchaient à la faire passer. Et c’était presque un regret, au final, que la directive disparaisse, parce qu’il y avait suffisamment d’amendements qui étaient déposés pour interdire la brevetabilité du logiciel, donc, finalement, c’est eux qui ont fini par la faire tuer, de crainte d’avoir un texte qui allait complètement contre leurs intérêts.
Aujourd’hui, malheureusement, la question des brevets logiciels n’est pas complètement évacuée, il y a toujours des tentatives de la faire passer, notamment par deux textes techniques sur le brevet, sur d’autres sujets, ça été le cas du brevet unitaire. On est encore entre deux, mais on peut espérer que le brevet logiciel soit, un jour, définitivement et clairement interdit en Europe, ce qui serait un avantage très clair pour l’informatique en général, parce qu’on n’est même plus dans une seule question de logiciel libre, c’est l’informatique tout court, mais aussi, bien évidemment, pour le logiciel libre.
Je vais juste citer encore un exemple, ce sera le dernier exemple avant de passer aux questions, sur l’impact direct du politique sur le logiciel libre, c’est la question des DRM. Les DRM ce sont les menottes numériques qui vous empêchent de faire ce que vous voulez. Il y a eu des exemples ; notamment ça a commencé par les CD qu’on ne pouvez pas lire sur les ordinateurs, qu’on ne pouvait lire que dans le lecteur CD, même un certain nombre de fois ça ne fonctionnait pas, notamment, dans les autoradios parce qu’il y avait un système de « copie contrôle ». Ça été aussi des restrictions dans les matériels Apple où vous ne pouvez copier un fichier qu’un certain nombre de fois avant qu’il se bloque. Aujourd’hui c’est nettement moins présent dans la musique, par contre c’est très présent par exemple dans les livres numériques. C’est-à-dire que, très souvent, quand vous allez acheter un livre numérique, vous ne pouvez pas transférer le fichier si vous le souhaitez, vous ne pouvez le mettre que sur un seul support. Vous ne pouvez pas, par exemple, le transférer sur un autre appareil et ainsi de suite, ni même le prêter, ce qui est problème ! La logique du livre, c’est aussi une logique de partage. Quand j’achète un livre je peux le lire où je veux, quand je veux, je peux le passer à qui je veux, je peux en faire ce que je veux, finalement. Je peux aussi le donner, je peux le prêter, la personne à qui je l’ai prêté peut le re-prêter et ainsi de suite. Avec le livre numérique, bien souvent, avec ces restrictions, ces DRM, ces verrouillages, on n’est plus du tout dans cette logique-là, c’est-à-dire que, peut-être vous allez pouvoir le prêter une fois, et encore, mais après vous ne pouvez plus rien faire et le fichier sera bloqué. C’est présent dans beaucoup de choses, dans les vidéos je pense qu’on pourrait trouver des exemples également. Il y a aussi des problèmes notamment avec le Blu-ray, le Blu-ray est tellement verrouillé que quand le Blu-ray d’Avatar est sorti la moitié des lecteurs Blu-ray ne pouvaient même pas le lire, à cause des verrous, tellement ils étaient importants.
Ce sont tous ces verrous qui déjà posent un problème, au quotidien, aux utilisateurs quand ils se retrouvent dans toutes les situations que je mentionne et qui posent un problème encore plus important aux utilisateurs de logiciels libres. Tout simplement parce que, très souvent, quand on met en place un DRM, l’éditeur, enfin l’ayant-droit qui demande la mise en place du DRM, exige qu’on ne puisse lire le texte qu’avec un logiciel précis, parce que c’est comme ça que ces technologies fonctionnent. Par exemple, concrètement, ça veut dire que si vous avez un système qui n’est ni Mac, ni Windows pour pouvoir lire votre vidéo, vous n’allez pas pouvoir le faire, ça ne va pas être compatible. De la même manière que quand vous achetez de la musique en ligne, on va vous dire « oui, il faut que vous ayez tel système, sinon ça ne fonctionnera pas ». Donc les utilisateurs de logiciels libres, il ne peuvent simplement pas lire les fichiers qu’ils ont pourtant légalement achetés, acquis, ils se retrouvent complètement bloqués.
Surtout, ce qu’il faut savoir avec les DRM, c’est, qu’en plus, on n’a pas le droit de les contourner. C’est-à-dire que ce sont des verrouillages, des blocages numériques, soi-disant pour protéger l’auteur, qui, au final, ne font rien d’autre que de restreindre les possibilités d’action de l’utilisateur et, en plus, sans que l’utilisateur ait le droit de les contourner, c’est puni par la loi aujourd’hui. Quelqu’un qui le ferait pourrait se retrouver puni et c’est au pénal, donc on parle de plusieurs années d’emprisonnement et d’amendes de plusieurs milliers d’euros. Donc c’est extrêmement sympathique !
Aux États-Unis, il n’y a aucune possibilité de contournement tout court.
En France, on a une pseudo possibilité, extrêmement limitée, qui est par l’ingénierie inverse, c’est-à-dire qu’on peut aller, éventuellement, parfois, regarder comment ça a été verrouillé pour pouvoir, quand même, permettre la lecture. Il y en a qui sont très forts là-dessus, par exemple VLC. Vous connaissez peut-être le lecteur média, ça ressemble à petit plot, il peut lire beaucoup de fichiers et ça rend souvent beaucoup de services quand on n’arrive pas à lire, justement parce qu’il y a des blocages et des brouillages. Eux ils en font beaucoup, ils se sont souvent heurtés à ces problèmes-là. La première fois où ils se sont vraiment heurtés de manière publique ça a été avec le DVD. C’est-à-dire que le DVD est très souvent verrouillé et que, ils n’ont pas le droit, ils n’avaient pas le droit, officiellement, au départ, ou ils n’étaient pas sûrs d’avoir le droit, déjà, de pouvoir contourner ces verrouillages, une fois de plus, simplement, pour permettre la lecture. Il ne s’agit pas de faire des copies, de distribuer ça illégalement, ni quoi que ce soit, simplement de permettre la lecture. C’était juste après la loi DAVDSI. Finalement l’April a décidé de poser la question au Conseil d’État pour savoir si, oui ou non, un logiciel comme VLC avait le droit de contourner les DRM, donc en utilisant des méthodes extrêmement restreintes fixées par la loi pour, simplement, permettre aux gens de les lire, de lire ces DVD. Le Conseil d’État a répondu « oui », en limitant malheureusement la décision aux DVD, ça reste toujours quelque chose de limité. On n’est pas sûrs pour la suite. Ils ont voulu reposer la question, notamment pour le blocage, parce que techniquement ils sont capables de les lire, mais ils ne sont pas sûrs d’avoir le droit. Ça pose un réel problème, c’est-à-dire qu’ils pourraient mettre ça en place dans le logiciel dès demain, vous mettriez à jour votre logiciel VLC et vous pourriez lire les Blu-ray avec. Pareil toujours les Blu-ray que vous mettriez dans le lecteur Blu-ray de votre ordinateur, que vous avez achetés, on ne parle pas du tout de soi-disant copies pirates ou quoi que ce soit. Actuellement ils ne peuvent pas le faire parce qu’ils sont, simplement, interdits par la loi.
Juste pour l’anecdote, pour montrer à quel point c’est quand même absurde, quand on avait posé cette question au Conseil d’État, on l’avait fait aussi parce qu’à l’époque, on était en 2007, 2007/2008, l’Assemblée nationale avait décidé de s’équiper uniquement en logiciels libres, donc le lecteur pour tout ce qui était média était VLC, et donc, simplement, l’Assemblée nationale avait besoin d’être sûre d’avoir le droit d’utiliser ce logiciel avant de l’installer sur tous les postes des députés. Donc on arrive vraiment à une situation ubuesque où la loi interdit de faire des choses, ou, en parallèle, on se retrouve à demander au Conseil d’État de s’assurer que les députés aient bien le droit de faire des choses dans la loi. On était vraiment dans une situation extrêmement complexe. Que ce soit en termes de droit français ou de droit européen, on ne sait pas, simplement, ce qu’on a le droit de faire ou de ne pas faire.
On a beaucoup de problématiques comme ça, on pourrait aussi citer la vente liée, le fait d’être obligé d’acheter des logiciels quand vous voulez acheter un ordinateur dans le grand public. On peut citer tous les problèmes, notamment, de marchés publics, de discrimination à l’achat, par exemple de collectivités locales qui exigent d’acheter des ordinateurs avec du Microsoft dessus et ainsi de suite. Bref ! Ce n’est pas simple, même si on a quand même quelques progrès ces derniers temps, notamment la loi en France qui dit que « le service public de l’Enseignement supérieur devra utiliser en priorité du logiciel libre », ce qui est quand même une belle victoire, mais on est encore dans une situation souvent assez complexe avec, notamment, une limitation du logiciel libre et plus généralement des libertés numériques au niveau législatif qui est vraiment réelle.
C’est pour ça qu’à l’April, d’abord, et avec d’autres ensuite, on a lancé un certain nombre d’initiatives, qui sont Candidats.fr [5] et le Free Software Pact [6], simplement parce qu’on est partis d’un constat. C’est que les députés, qu’ils soient députés français ou députés européens d’ailleurs, souvent ils votent des lois sur le numérique alors même qu’ils ne comprennent pas le numérique. Quand je dis qu’ils ne comprennent pas le numérique, il faut réaliser qu’aujourd’hui il y a encore un nombre important de députés qui n’ont pas d’ordinateur sur leur bureau ; ils font tout au papier. Donc, quand on leur demande de voter des lois techniques sur « Peut-on utiliser tel ou tel logiciel ? », ils se sentent complètement dépassés. À ce sujet, vous vous souvenez peut-être de la fin de la loi Hadopi, où on a parlé du pare-feu OpenOffice, où on a parlé d’un certain nombre de choses qui sont des non-sens complets, mais, étant donné qui sont nos parlementaires, en termes d’âge, etc., ce sont des gens qui ne connaissaient pas forcément et, j’ai envie de dire, ce n’est pas de leur faute. Et c’est là aussi qu’on a sans doute notre responsabilité de leur apprendre et de leur expliquer ces questions-là.
Donc on a lancé ces initiatives qui se déroulent principalement au niveau des différentes élections.
Candidats.fr eh bien là on est en plein dedans, la dernière ligne droite, parce que les municipales arrivent, 23 et 30 mars, premier et second tours et on demande, on propose aux gens, aux citoyens, des gens comme vous et moi, d’aller voir leurs candidats — c’est facile de les voir en ce moment parce qu’ils sont sur les marchés, ils sont à la sortie des écoles, ils sont à la sortie du métro, ils sont partout, parfois c’est même difficile de les rater ou de rater ceux qui tractent — et de venir leur parler de logiciel libre, de venir leur parler de libertés numériques ; déjà de discuter, d’engager la conversation, de leur faire comprendre l’importance de ces enjeux et après, dans un second temps, on leur propose de signer un document très simple, qui tient en une page, qui s’appelle le Pacte du Logiciel Libre [7], qui dit qu’il a bien compris l’importance des enjeux du logiciel libre et des libertés du numérique et qu’il s’engage, dans la mesure du possible, à les protéger et à les défendre, pendant son mandat. On peut dire que ce n’est pas très engageant, ça ne mange pas de pain ! Ceci dit c’est un premier pas, c’est le pied dans la porte. Ça veut dire que, par exemple, quand des députés ont signé ce texte-là, quand il va y avoir un texte de loi qui va être essentiellement dangereux pour les libertés, libertés numériques j’entends, on va lui dire : « Tiens vous avez signé ce texte, vous vous rendez compte que vous n’êtes pas tout à fait dans la même logique, est-ce que vous ne pourriez pas un peu réfléchir à ces problématiques ? »
Quand on est sur des élections plus locales comme les municipales, c’est important aussi parce que, déjà se souvenir que, au niveau municipal, c’est là que se décide, par exemple, tout le matériel qui est mis dans les écoles. Très souvent, les élus locaux, ce sont des gens qui sont actifs au niveau local, ce ne sont pas forcément des spécialistes ni des techniciens, mais qu’ils soient au courant de l’existence du logiciel libre, que c’est un intérêt, un mérite et, au moins, qu’ils considèrent ça quand ils vont choisir de renouveler le parc de leurs écoles. Ce sont des exemples comme ça, très simples, très concrets, et déjà ça leur permet d’entendre parler de quelque chose qu’ils ne connaissent pas forcément, parce qu’ il y en a encore beaucoup qui n’ont jamais entendu parler du logiciel libre.
En plus, ce qui est intéressant c’est que sur ces enjeux-là, très souvent les gens, les politiques, ne connaissent pas grand chose et au contraire sont preneurs, peut-être. J’ai un certain nombre d’exemples concrets dans les gens qui sont sur la campagne Candidats.fr, notamment au niveau cantonal. Il y a eu des élections cantonales en 2011, j’ai eu plusieurs volontaires qui étaient aller contacter leurs candidats, qui m’ont rappelée quinze jours/trois semaines après, un peu inquiets, parce que le candidat élu leur a demandé s’il pouvait venir pour un rendez-vous, pour leur en parler plus avant, parce qu’il trouvait ça vachement intéressant. Je connais même un ou deux députés qui entretiennent, finalement, des discussions intéressantes avec un certain nombre de leurs administrés quand ils savent que ce sont des gens qui sont intéressés par le logiciel libre, qui connaissent bien le domaine, qui ne sont pas motivés par l’appât du gain, qui ne sont pas des lobbyistes parce que ce sont des bénévoles qui font ça sur leur temps libre, mais qui sont, en même temps, capables de leur expliquer les enjeux et l’importance de ces questions-là.
Par exemple pour parler chiffres sur Candidats.fr, sur les municipales on a maintenant passé les deux cents signataires, ça peut sembler pas énorme, c’est quand même beaucoup de têtes de listes, il y a aussi du monde à Nantes qui est intéressé, qui est motivé, et ça permet vraiment de développer une première réaction de manière pro-active, de pas être toujours dans l’alerte et dans l’urgence, même si c’est important aussi en disant qu’il ne faut pas que tel texte passe, mais simplement aussi avoir une discussion plus posée et plus réfléchie.
C’est pour ça, basé sur ce modèle de Candidats.fr, on a développé, avec d’autres structures européennes là, par contre, notamment AsSoLi [8] qui est une association italienne, et Hispalinux [9], qui est une association espagnole, le Free Software Pact [10] ; on a fait une première campagne en 2009. Et là, on relance l’initiative pour les européennes qui arrivent fin mai, où la logique c’est pareil, sensibiliser les futurs élus européens au logiciel libre, au fait que ça existe, au fait qu’il y a des enjeux importants, même si les sortants sont sans doute plus au courant aujourd’hui, avec les débats qu’on a pu avoir sur ACTA ou autre, tous ne sont pas au courant, donc vraiment faire une sensibilisation. Après, même si nous, à l’April on essaye de faciliter le travail de tout le monde au maximum, ce n’est pas nous qui faisons ces contacts, parce que d’une part on n’est pas toujours les personnes les plus pertinentes. C’est important aussi que ce soit des gens au niveau local, des simples citoyens, qui ne peuvent pas être taxés de lobbies, de représentants d’intérêt ou de quoi que ce soit, qui, simplement, vont sensibiliser et informer leurs candidats. Et en plus, je dirais que, quand on connaît un peu le logiciel libre, quand on connaît un peu ses enjeux, on peut facilement en parler, pendant deux trois minutes, à un élu, pour expliquer pourquoi c’est important avec ses mots à soi, parce que chacun a ses raisons. Certains parce ce sont des développeurs, parce qu’ils en utilisent au quotidien et que c’est leur outil fondamental ; d’autres parce que c’est pour l’aspect éthique, c’est pour le respect de la vie privée, plein d’autres raisons encore, tout aussi valides. Il y en a pour qui c’est la souveraineté nationale parce qu’on ne veut pas être liés à des Américains ; la compétitivité, un peu pour la même raison, et parce que le tissu économique en termes de logiciel libre a tout à fait son importance et ainsi de suite. Chacun a ses raisons, ces raisons sont toutes valides et ça permet vraiment d’avoir un premier contact, une première sensibilisation, une première information, qui est faite, de nos futurs élus, pour éviter qu’ils fassent les mêmes conneries qu’ils ont pu faire avec ACTA et d’autres textes où ils n’ont même pas vu au départ le problème.
Même si tout ne sera pas parfait, on ne va pas se faire d’illusions, on ne va pas tous les changer du jour au lendemain, et il en restera sans doute toujours quelques-uns qui seront complètement contre le logiciel libre, contre les libertés. En même temps, des élus contre les libertés, quels que soient les types de libertés, il y en a toujours eu ; ceux qui ne connaissaient pas au départ pourront être sensibilisés, informés et au moins se poser clairement ces questions-là avant de voter les textes.
Je pense que je vais m’arrêter là pour la première présentation. Je suis sans doute allée un peu rapidement sur certains enjeux. N’hésitez pas si, justement, vous voulez que je développe certaines choses, que je parle de questions dont je n’ai pas forcément parlé et ainsi de suite. Je ne sais pas comment ça se passe pour le micro donc je te laisse voir ça.
Khéops : Merci Jeanne. C’était intéressant, plein de choses, moi j’ai plein de questions. Je ne sais pas, quelqu’un veut peut-être commencer ? Moi je peux les lui poser une autre fois. Quelqu’un a une question qui le taraude après cette présentation ? Personne ? Bon je vais commencer, ça fera peut-être parler les gens.
Jeanne Tadeusz : La première question fait toujours peur.
Khéops : Je ne sais pas si on m’entend bien. Qui a signé à Nantes ?
Jeanne Tadeusz : Ah ! Qui a signé à Nantes ? Honnêtement il faut aller regarder sur le site candidats.fr. Là, maintenant, tout de suite, je ne les ai pas en tête. Après je sais que l’équipe sortante a été contactée. Annaïg qui lève la main peut peut-être répondre.
Annaïg : Bonjour. Annaïg. Je travaille à Alliance Libre [11], un groupement d’entreprises du Libre à Nantes. J’ai un peu regardé côté de Nantes. Il n’y a pas beaucoup de signataires. J’ai remarqué une signature côté Front de gauche. J’ai re-twetté le Pact à Johanna Roland, ce soir, enfin cet après-midi. On lui avait évoqué lors d’une rencontre il y a trois semaines mais il n’y avait pas eu de suite. J’ai essayé d’atteindre les Verts aussi, ça apparaît dans leur programme national de manière plus franche. Il n’y a pas vraiment eu de contacts à Nantes ; il faudrait qu’il y ait des administrés nantais qui les contactent aussi, c’est peut-être pour ça.
Jeanne Tadeusz : Il me semble, dans le département qu’il y a cinq/six signataires, j’aurais dit entre cinq et huit, mais après je ne sais pas exactement.
Annaïg : Il y a quelques signataires à Saint-Nazaire, j’ai remarqué, plusieurs la même liste, chez les Verts. Je ne sais plus ce que j’ai remarqué, mais ce n’est pas démentiel non plus, il y a en a plus en Bretagne ou en Charentes.
Khéops : OK, donc il reste du boulot ! Si je comprends bien il faut les prendre par la main, un petit peu, parce qu’ils n’ont pas forcément compris l’intérêt ou les enjeux.
Jeanne Tadeusz : C’est ça.
Khéops : C’est ça, c’est pour ça qu’on est obligé de leur expliquer. Ce genre d’initiative comme Candidats.fr, moi j’ai une autre question alors j’enchaîne, si quelqu’un a envie de dire quelque chose, qu’il se manifeste ! Est-ce qu’il y a des équivalents à Candidats.fr, nationaux, dans d’autres pays d’Europe ?
Jeanne Tadeusz : Absolument, dans d’autres pays d’Europe, il y a Caro Candidato en Italie, donc AsSoLi, dont je vous ai déjà parlé pour le Free Software Pact, qui a lancé l’équivalent avec leur propre patte, mais également, comme pour Candidats.fr, il y a une plate-forme de contact pour voir qui a été contacté, qui a signé dans votre département, dans votre ville et ainsi de suite, un peu sur le même principe. Après il y a en Belgique, où ils ont lancé Candidats.be ; un site équivalent néerlandais, je ne me souviens plus comment il s’appelle, ça se retrouve, où eux ont carrément lancé trois pactes pour les candidats : un pacte pour le logiciel libre, un pacte sur la neutralité du Net et un pacte sur l’open data, où ils ont eu énormément de signataires sur les dernières élections avec tous les principaux candidats, les principaux partis qui ont signé, donc un vrai intérêt sur cette question-là, qui est intéressant.
Pour l’Europe, c’est tout ce que je vois de mémoire. Après au Québec ils ont aussi lancé à peu près l’équivalent pour les élections locales.
Khéops : OK. Donc ça fait pas mal d’initiatives.
Jeanne Tadeusz : C’est ça. Mais je pense que c’est partagé, en fait, par des activistes un peu dans tous les pays, la nécessité de sensibiliser, d’informer les élus, le personnel politique en général, que ce soit les élus, les assistants, les futurs élus, ceux qui travaillent dans les partis aussi, sur ce que c’est que le logiciel libre, sur ce que c’est que la neutralité du Net et ainsi de suite. Voilà, comme je le disais, simplement parce que ce sont des personnes qui n’ont pas forcément l’occasion de se frotter à ces enjeux, très souvent, pour de simples de raisons sociologiques. Quand on parle des députés qui ont une moyenne d’âge qui doit facilement tourner autour de 60 ans, qui sont majoritairement soit des anciens fonctionnaires, soit des politiques de carrière, ces gens-là n’ont jamais fait d’informatique. Ils ne touchent même pas forcément un ordinateur. On est sur des gens — je pense que ça va changer, ça va évoluer — pour qui ces concepts-là sont très éloignés, d’où l’intérêt d’avoir des gens, surtout au niveau local, surtout dans leur circonscription, qui soient capables de leur en parler, d’expliquer et, simplement, de montrer que c’est important pour eux, parce que c’est quelque chose qui n’est pas du tout sur leur radar, bien souvent.
Khéops : J’ai encore une question.
Organisateur : Non, ce n’est pas réservé à Faimaison pour poser des questions. J’ai juste une question de Twitter qui dit « Va t-on parler de Piwick [12] et des obligations des webmasters vis-à-vis des cookies ?
Jeanne Tadeusz : Alors, on peut essayer, mais ça va être difficile. Pour contexte, moi je ne suis pas du tout technicienne au départ, je pense que vous l’avez vu quand on a voulu installer le flux vidéo sur mon laptop. La question d’obligation, c’est l’obligation d’information sur les cookies, c’est bien ça ? Je pense que, bon, on est un peu en dehors du logiciel libre. Déjà d’informer sur l’existence de cookies, c’est une première étape ; très souvent les gens ne se rendent pas compte de la collection d’informations. Après, on est toujours devant une logique d’opt-out et pas d’opt-in, ce qui est quand même censé être une problématique, c’est-à-dire qu’il faut en sortir. Et, quelque part, quand on reste sur le site, on les accepte, on ne choisit pas de les accepter, ce qui pose toujours des questions en termes de liberté. Après, il y en peut-être d’autres qui connaissent plus la question que moi ici, si c’est le cas, n’hésitez pas à compléter.
Khéops : Je t’amène le micro parce que ça profitera aussi à ceux qui nous écoutent sur Internet.
Public : C’est moi qui ai posté la question sur Twitter, mais j’avais du mal à la reformuler. Je vais la reformuler, mais c’est tout simplement pour parler de la CNIL, qui, il y a quelques mois a clairement mis justement sur l’une de ses pages les obligations des webmasters en termes de Web Analitycs. Il faut savoir que la loi a changé vis-à-vis de ça. Il y a quelques années, les webmasters n’avaient pas l’obligation, justement, d’indiquer explicitement qu’il fallait avoir, je dirais, l’accord des utilisateurs, des internautes, pour que des cookies soient installés sur leur machine. Ce qui était très intéressant, c’est qu’il y a quelques mois, donc la CNIL a carrément pris parti et a recommandé l’utilisation justement de Piwik [13] pour les sites, pour les webmasters, ni plus ni moins, parce qu’ils le considèrent comme étant aujourd’hui le seul qu’eux reconnaissent comme ne nécessitant pas le consentement des internautes. C’était principalement cette parenthèse-là puisque c’est vrai que c’est quelque chose qui concerne tous les webmasters. On en a très peu entendu parler. Aujourd’hui, la plupart des webmasters qui ont installé des solutions propriétaires sont carrément hors-la-loi, parce qu’en fait ils n’indiquent pas justement ce petit bandeau qui dit « Attention, si vous continuez votre navigation on va vous mettre des cookies et on va voir vos traces ».
Jeanne Tadeusz : Je ne connaissais pas le nom de la solution. Je te remercie de l’information supplémentaire. Je pense que beaucoup de monde a remarqué le petit bandeau en question qui se développe, mais tout le monde n’est pas encore au courant.
Public : Pas de problème. Merci
Khéops : Merci pour les précisions. Tu as dit que tu n’étais pas technicienne. Je trouve que c’est intéressant. Il y a ce préjugé que ça c’est un truc de geeks. Tu n’es pas technicienne et je pense que tu n’es pas la seule à ne pas être technicienne là-dedans. Est-ce que tu peux nous dire très rapidement comment, en tant que non technicienne, tu as compris l’intérêt du truc en fait. Il y a beaucoup de techniciens qui voient bien l’intérêt, mais aussi beaucoup de techniciens qui ne le voient pas, donc comment toi tu en es arrivée là ?
Jeanne Tadeusz : Moi je suis complètement arrivée par l’aspect éthique du logiciel libre. À l’époque je travaillais dans les questions de droit de l’Homme, de diversité. J’avais déjà une sensibilité, on va dire, sur ces questions-là et on m’a expliqué, simplement au hasard de rencontres et de discussions, que, notamment quand on parle de liberté d’expression, quand on parle de choix, de possibilités d’échange et d’échange d’informations, eh bien ce que j’avais sur mon ordinateur c’était, aussi, un vrai enjeu. Parce que, parfois, on pouvait aller regarder ce qui se passait dans mon ordinateur, donc en termes de liberté d’expression, même si, pour moi, parce que j’ai la chance aujourd’hui d’être en France, en plus de ne pas avoir un métier particulièrement dangereux contrairement par exemple à des journalistes qui ont à protéger leurs sources, je n’ai pas cette problématique-là, mais il reste que le choix de mes logiciels a un impact direct sur le fait qu’on puisse regarder ce qui se passe dans mon ordinateur. C’est donc important qu’on puisse continuer à utiliser des logiciels qui permettent de respecter la vie privée, de respecter une certaine éthique.
Après, l’aspect partage de la connaissance, le fait de ne pas réinventer la roue à chaque fois, mais de pouvoir bénéficier des innovations des uns et des autres, tout en construisant ensemble et en mettant dans le pot commun, c’est aussi quelque chose qui est, à mon sens, réellement important, même fondamental ; pour moi c’est vraiment comme ça qu’on innove, on bâtit sur les épaules des précédents et on ne cherche pas à repartir de zéro et à réinventer la roue à chaque fois. Quand j’ai voulu vraiment m’y mettre, j’ai déjà pu dire que le logiciel libre ce n’est pas forcément simple ; ce n’est pas tout à fait vrai, le logiciel libre est simple à utiliser. Le problème c’est parfois l’interaction avec les gens qui ne l’utilisent pas et, finalement, c’est là que se retrouvent les plus gros problèmes.
Aujourd’hui, je ne suis toujours pas technicienne, par contre j’en utilise, mon ordinateur ce n’est que du logiciel libre dedans et je le vis très bien. Et plus généralement, quand j’ai voulu sauter le pas, il y a une communauté qui est très importante et qui va faire un effort réel d’aider les gens qui sont prêts à passer au logiciel libre. C’est aussi ça, pour moi, la force du mouvement, c’est l’aspect communauté et entraide.
Je ne connais pas le détail ici à Nantes, mais il y a des associations locales d’utilisateurs de logiciels libres, qui existent un peu partout, qui vont régulièrement organiser des événements où chacun peut venir avec sa machine. Et si vous voulez installer du logiciel libre, mais vous ne savez pas le faire tout seul, ils vont vous aider ; si vous avez installé et que vous avez un souci, ils vont vous aider à le régler et ainsi de suite. Et très clairement pour moi, j’ai eu la chance, j’avais une machine bien compatible, donc je n’ai pas eu de problèmes à l’installation, c’est quand j’ai voulu rajouter des trucs que j’ai fini par faire des bêtises, mais j’ai pu trouver des gens comme ça tout de suite qui m’ont aidée sans problème, avec le sourire, à corriger tout ça. C’est normal de faire des erreurs, enfin voila ! C’est normal de faire des bêtises de temps en temps. C’est vrai que pour ceux qui veulent s’y mettre et qui n’osent pas encore s’y mettre c’est un vrai avantage que l’existence de ces structures. Après je ne sais pas ce qui existe effectivement ici, mais ça se trouve je pense très facilement.
Public : Inaudible.
Jeanne Tadeusz : Linux-Nantes [14], voilà. Ce sont des permanences régulièrement. Quand on se lance il ne faut pas hésiter à aller les voir, en général, ce sont des gens bien.
Khéops : ALIS44 [15] pour acheter un ordinateur qui est équipé avec du logiciel libre et avoir une formation.
Jeanne Tadeusz : Oui, bien sûr. Très souvent, quand on achète un ordinateur, on se retrouve avec un système d’exploitation qui est pré-installé, en plus que vous payez, ça, c’est le truc qu’on ne réalise pas forcément, mais les logiciels qui sont pré-installés sur votre ordinateur c’est 20 % du prix d’achat. Donc, quand vous avez déjà une licence et que simplement vous ne voulez pas utiliser ces logiciels-là, ça fait un peu mal, mais donc, du coup, il y a quand même quelques constructeurs, dont justement ALIS44, qui proposent des ordinateurs avec du logiciel libre et de la formation, donc c’est aussi une piste à explorer.
Khéops : OK. Est-ce que quelqu’un a une question ?
Public : Bonsoir. Je voulais juste savoir si Snowden et compagnie ça avait créé une vague, un frémissement auprès de Mme Michu. Est-ce que des gens qui ne sont pas informaticiens viennent un peu plus vers l’April ? Est-ce que vous savez, par exemple, la proportion de non informaticiens, qui sont non techniciens, si je reprends le terme que vous avez employé ? Le problème il est à la fois technique, mais il est politique, il est sociétal si on veut, je ne sais pas comment on peut l’appeler, quel terme, est-ce que vous avez vu quelque chose de ce côté-là ?
Jeanne Tadeusz : Ce qu’on a vu, très clairement, je ne sais pas c’est si en termes de membres de l’April, on a toujours une proportion significative de membres qui sont non techniciens, non informaticiens, même si je pense que la majorité le sont encore aujourd’hui, je pense qu’on doit avoir 30/40 %, qui ne le sont pas, ce qui est quand même pas mal. Par contre, ce qu’on voit, en dehors des termes de membres, c’est un intérêt. C’est-à-dire c’est une question qui va beaucoup plus souvent être posée qu’elle n’avait pu l’être avant. Ça va du nombre de contacts de journalistes qui viennent nous parler. Dès qu’il y a un sujet lié à l’informatique de près ou de loin, il vont demander : « Et alors, en termes de liberté, de vie privée, le logiciel libre ça donne quoi ? » Effectivement, en termes d’impact médiatique de ces questions-là, c’est sans commune mesure. C’est intéressant de voir, pour nous notamment, des journalistes qui ne s’étaient jamais posé la question, qui ne s’étaient jamais intéressé, qui tout d’un coup se rendent que là il y a un vrai problème, là, et un vrai un enjeu, une vraie grosse problématique.
Après, je dirais qu’il y a un regain d’intérêt : des gens nous contactent aussi individuellement parce que ça les interroge, ça leur pose vraiment des questions. Je pense que les associations, les structures qui ont vu le plus d’impacts, c’est notamment Reporters sans frontières qui propose des formations, notamment au logiciel libre et aussi sécurisation, chiffrage, etc., pour les journalistes, parce qu’ils se rendent bien compte qu’il y a un vrai, très gros problème du journaliste qui parle à ses sources sur son iPhone, alors que le gouvernement américain a accès à l’information et donc peut savoir tout ce qu’il fait. On en rigole, on en rigole moyennement parce que, justement, on a des gens, notamment dans les zones de conflits, qui ont disparu ou autre parce qu’ils ont parlé à des journalistes qui ne protégeaient pas leurs sources. Il y en a eu, donc on est sur des problématiques où là c’est direct, c’est immédiat, c’est brutal, c’est une question de vie ou de mort, pour être très claire. Et c’est surtout sur ces aspects-là, où il y a une prise de conscience qui est réelle, que c’est une vraie problématique et qu’il faut vraiment s’attaquer et trouver une solution.
Juste pour finir sur l’exemple aujourd’hui de l’iPhone d’Apple, à la NSA, le nom de code c’était les « zombies » qui était utilisé [La NSA appelle les utilisateurs d’iPhone des « zombies », NdT]. On pouvait le commander à distance, on faisait strictement ce qu’on voulait. Donc quand on se préoccupe de vie privée, quand on se préoccupe de protéger, d’avoir une intimité numérique c’est une question qu’il est absolument crucial de se poser.
Public : Est-ce que tu as eu le temps de prendre connaissance du rapport de la Commission européenne qui, en termes de sécurité, s’est posée des questions et recommande les open source softwares, les logiciels et l’open hardware ; je traduis ça par « ouvert » , pour, en particulier montrer l’intérêt de sécurité des applications.
Jeanne Tadeusz : C’est tout frais, je pense que c’est lié. Maintenant qu’on sait qu’il y a des portes dérobées de la NSA dans tous les logiciels américains, donc il y a quelque chose à faire. Tout n’est pas fait. Quand on voit que le ministère de la Défense renouvelle ses contrats auprès de Microsoft, sans hésiter, sans passer par un appel d’offres, ni mise en concurrence ni quoi que ce soit ; qu’on crée un centre de compétences Microsoft, avec des gens de chez Microsoft, au sein même du ministère de la Défense, on se dit qu’il y a quand même un souci, encore, qui est réel. Visiblement des décisions politiques, des choix politiques très clairs à ce sujet, malheureusement.
Par contre, c’est vrai qu’au Parlement européen il y a une prise de conscience, peut-être un poids du lobby qui est moindre, qui permet qu’on ait des progrès et des gens qui se rendent compte qu’il va falloir passer au logiciel libre pour un certain nombre de choses.
Typiquement les logiciels des parlementaires : savoir que les parlementaires ne puissent pas être espionnés, que les politiques ne puissent pas être espionnés, ça semble quand même assez fondamental. Sans avoir lu en détail, c’est vrai que c’est important cette prise de conscience et maintenant la prochaine grande étape, à mon sens pour nous, ça va être de faire en sorte que ce ne soient pas que des déclarations d’intention et qu’ils s’y mettent réellement et qu’ils le fassent.
Public : Bonsoir. J’ai une remarque en fait. J’ai l’impression qu’on donne plus d’importance au code, au logiciel, qu’à la question politique. Aujourd’hui le vrai problème, la question de l’espionnage généralisé, c’est plutôt une question de politique. On ne peut pas tout résoudre avec du code. Je vais prendre un exemple : il y a une librairie, qui s’appelle OpenSSL, qui est utilisée massivement dans plusieurs logiciels et cette librairie, personne, enfin ceux qui savent ce que fait exactement OpenSSL, je ne sais pas où ils sont. Donc la remarque, en fait, c’est le fait d’avoir un logiciel libre implique aussi que n’importe qui, de façon anonyme, peut envoyer du code, peut prendre un alias et dire « Tiens, j’ai ce bout de code et il fait des choses magnifiques », alors que c’est une grosse faille de sécurité et…
Public : Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les projets libres sont extrêmement structurés, avant qu’on puisse commiter directement du code, sans que personne n’aille le voir, sur un projet libre, il y a quand même de la marge.
Jeanne Tadeusz : Commiter, c’est envoyer du code.
Public : C’est le fait de pouvoir rajouter du code, le mettre en ligne, qu’il soit accessible et qu’il soit dans le logiciel que va utiliser votre distribution Linux, que va utiliser tel logiciel qui a des besoins de chiffrage dans le cadre d’OpenSSL. Tous les projets libres ne peuvent pas directement, à moins qu’ils ne soient très mal structurés, mais voilà ! Tu peux proposer du code, mais avant qu’il se retrouve dans le logiciel en lui-même ou dans la librairie ou quoi que ce soit, tu as des gens qui vont étudier ce qu’il fait, qui, souvent,trouvent que le principe de ce que tu as fait était intéressant, mais ils vont le faire autrement, parce qu’ils ont des règles différentes de programmation, par rapport à vraiment la structuration de ce qui est fait. Après, il y a tout un système de méritocratie qui fait que les gens qui, à force de proposer du code qui est estimé être bon, ils vont être intégrés au projet, ils vont avoir des droits sur les dépôts, sur le système de code, de gestion de code, etc. Mais ce n’est pas parce que le logiciel est libre que tu peux tout de suite soumettre du code qui va être téléchargé par tout le monde.
Et justement, les gens qui connaissent le code ce sont les gens du projet. Donc là tu auras directement à faire aux personnes qui connaissent le projet et qui maîtrisent tous ces petits trucs-là.
Il y a eu un cas, en fait, en Allemagne, il n’y a pas très longtemps, je crois que c’est il y a un mois ou deux, où il y a un article qui est sorti dans la presse, où il y a eu un commit anonyme qui a été fait dans un projet d’une entreprise allemande, mais ce n’est pas parce que c’était du logiciel libre en soi, c’était parce que le projet était mal structuré. Voila. Il y avait une faille dans l’organisation du projet. Mais non, non, on ne peut pas aller…
Public : J’ai pris OpenSSL parce que ça implique vraiment beaucoup de choses, c’est une librairie très importante au niveau sécurité et il faut avoir des connaissances assez poussées pour pouvoir savoir ce que ça fait. Il y a eu un incident, quelqu’un qui a dit : « Tiens il y a ce bout de code dans OpenSSL qui a une incidence sur un autre bout de logiciel. Ah tiens je te commente, je supprime cette ligne », et ça a eu une répercussion énorme au niveau sécurité même du système. Disons que pour la NSA, qui a un budget d’un milliard de dollars, ce n’est pas très compliqué d’avoir des gens qui gagnent la confiance, pas des chefs de projet, mais des gestionnaires, on va dire, de projets libres. Le problème est vraiment un problème politique aujourd’hui. On ne peut pas tout résoudre avec du code, ou alors réécrire pas mal de choses au niveau sécurité.
Jeanne Tadeusz : Je suis d’accord, le problème est politique. Le code est important.
Effectivement OpenSSL, il y a eu des problèmes. Il y en a eu d’autres. Je ne vais pas dire que le logiciel libre est complètement sécurisé et qu’il n’y a aucun risque de faille, ce serait, bien évidemment, faux. Mais, même s’il y a peu de gens qui peuvent lire le code et vérifier ce qui se passe, déjà il en reste, alors effectivement ce n’est pas n’importe qui, mais on va dire une structure importante, l’Union européenne par exemple, est sans doute capable de trouver des gens pour pouvoir le faire.
De manière plus large, aujourd’hui, avec ce qu’on eu avec les révélations Snowden, il y a un problème politique, évidemment, qui est réel. Aujourd’hui ce qu’on sait c’est que tous les codes des logiciels d’éditeurs américains, notamment propriétaires, possèdent des backdoors. Si on veut utiliser simplement un logiciel sans backdoors, pour pouvoir vérifier ce qu’il fait, donc déjà il faut pouvoir avoir le code, et aussi, plus généralement, avoir des logiciels européens non basés sur les éditeurs américains et là, la force du logiciel libre est claire. C’est une communauté qui est internationale, ce n’est pas un éditeur précis qui, donc, va être soumis à une pression politique forte de la part d’un gouvernement. Très clairement pour ces projets communautaires, avec que des bénévoles dedans, on est sur quelque chose qui est beaucoup plus flou, beaucoup plus diffus. Il n’y a pas un point d’appui comme il peut y avoir sur une entreprise comme Microsoft où on sait très bien sur qui aller taper quand on est le gouvernement américain. Donc ça, le fait que ce soit un code beaucoup diffus ça veut dire aussi que ça peut être quelque chose d’européen, donc d’éviter d’avoir à utiliser des logiciels dont on sait qu’ils sont vérolés, sans que ce soit une solution parfaite.
Une fois de plus je suis d’accord qu’il y a un problème politique auquel il faut absolument aujourd’hui sensibiliser nos élus avant qu’il ne soit trop tard et qu’ils ne tuent l’Internet et que, finalement, on n’ait plus aucune confiance possible dans nos matériels. Il reste qu’aujourd’hui, avoir un code ouvert, c’est une première étape, ce n’est pas suffisant, il faut beaucoup d’autres choses, mais c’est une première étape et je dirais que c’est l’étape nécessaire pour s’assurer que ce qu’on vit aujourd’hui ne puisse pas se reproduire.
Khéops : Je crois que c’est le truc à retenir. Pour essayer un petit peu de synthétiser tout ce qui a été dit, le logiciel libre ne suffit pas, c’est juste la brique d’en bas en fait, avant de rajouter tout ce qu’il y a dessus, mais si on n’a pas ça on ne peut pas construire au-dessus. Si on n’a pas ça, on ne peut pas avoir confiance. Effectivement, après il y a tout un tas de questions.
Si je suis responsable d’un projet, si je suis responsable de Firefox par exemple, Firefox tout le monde s’en sert, ce sont des millions d’utilisateurs, j’ai des gens qui sont responsables du dépôt de code officiel de Firefox. Ils ont une responsabilité énorme sur leurs épaules, c’est celle d’ajouter au logiciel officiel uniquement du code qui, effectivement, est le bon et qui a été bien fait, qu’il n’y a pas de faille, etc. Donc oui, le Libre c’est le truc de base, mais après il y a des millions d’autres questions qui se posent. Si je suis opérateur réseau et que j’utilise sur mes machines certains logiciels, il faut que j’ai une confiance relativement bonne dans ces logiciels-là pour ne pas mettre non plus en danger la vie privée des utilisateurs de mon réseau, des choses comme ça.
C’est clairement politique. Après il y aurait plein d’autres idées à pousser auprès des personnages politiques. Typiquement, si on veut des meilleurs logiciels libres on pourrait très bien allouer des fonds publics, c’est une idée comme ça, allouer des fonds publics au niveau de la recherche, ou des choses comme ça, pour relire le code, pour contribuer au code. Si on a des gens qui sont payés sur des fonds publics, c’est vraiment une idée en l’air, je n’en sais rien, publics ou privés d’ailleurs, peu importe, mais s’il y a des gens qui sont vraiment payés longtemps et dédiés à relire, à produire du code de confiance, du code qui puisse être relu par d’autres personnes à leur tour, c’est une décision qui est purement politique, mais ça pourrait clairement améliorer les choses.
Voila là-dessus. D’autres questions ? Il reste un petit peu de temps. Je n’en ai plus beaucoup. Ah si, une autre question, la question de la personne qui ne connaît pas. Les logiciels libres sont souvent gratuits. Comment on gagne de l’argent avec ça ?
Jeanne Tadeusz : Ça, c’est une question classique.
Khéops : C’est une question classique, mais je pense que c’est intéressant parce qu’on ne voit pas forcément comment ça peut être monnayé. Comment il peut y avoir un système économique autour du logiciel libre, c’est quelque chose qu’on ne perçoit pas forcément parce que ça ne fonctionne pas comme le logiciel propriétaire.
Jeanne Tadeusz : Déjà le logiciel n’est pas nécessairement gratuit. Et il n’y a rien, souvent, je suis assez d’accord là-dessus, qui empêche de faire payer un logiciel libre. Aujourd’hui c’est assez rarement payant, le téléchargement du logiciel, ne serait-ce que parce que celui qui télécharge peut le redistribuer comme il veut, donc, en général, on peut le trouver en redistribution assez vite. Par contre ça veut dire que rien n’empêche, concrètement, de vendre des CD, des DVD, avec du logiciel libre dessus, par exemple, parce que ça peut être plus simple pour des gens de l’installer si c’est déjà sur un CD, sur un DVD ou sur une clef USB. Ça, ce n’est pas incompatible du tout.
Après comment on fait pour gagner de l’argent ? Parce que, oui, il y a des gens qui gagnent de l’argent, il y a Alliance Libre ici à Nantes qui regroupe des entreprises qui publient du logiciel libre. Ce sont des entreprises qui, comme toutes les entreprises, font des bénéfices, ont des salariés, qui ne vivent pas de code et d’eau fraîche, donc qui vivent d’un salaire.
Il y a plusieurs manières de gagner de l’argent. Sans doute la manière la plus connue, la plus fréquente, ça va être de vendre ses services, soit à d’autres entreprises, soit au secteur public, collectivités locales, l’État, des écoles et ainsi de suite. Ce qu’il faut bien voir c’est que pour tous les acteurs du logiciel, la vente de licences, finalement, c’est une part assez marginale de leurs revenus. Même pour Microsoft, la vente de licences c’est 10 % de leurs revenus. Après il y a tout ce qui va avec. Ça va être par exemple de l’installation. On va prendre l’exemple d’une collectivité locale qui décide d’utiliser du logiciel libre, elle va vouloir avoir du monde d’une entreprise donnée qui va aller installer le logiciel sur tout son parc. Il va y voir de la formation, formation des utilisateurs, parce que le logiciel, parce que mise à jour de logiciel.
Un aspect important aussi, c’est qu’ils vont être payés pour faire du code. Oui bien sûr ce sera du code libre, librement réutilisable par tout le monde, mais ça permet à une entreprise ou, encore plus, à une collectivité locale, d’adapter le logiciel à ses besoins. Il y a plein d’exemples qui existent. Par exemple le ministère de la Culture avait fait développer, il y a un certain nombre d’années, un plugin pour OpenOffice qui permettait de franciser tous les anglicismes. Eux en ont besoin parce que c’est le ministère de la Culture. Ils ont payé une boîte pour le faire ; elle a gagné de l’argent, très bien ; le plugin est sous licence libre, donc tout le monde peut le télécharger ; en même temps, le ministère de la Culture n’a rien à perdre au fait que tout le monde puisse l’utiliser s’il le souhaite.
D’autres exemples, ça va être d’autres collectivités locales, qui vont se mettre en groupe, pour payer des entreprises du logiciel libre, pour leur créer un logiciel ou pour améliorer, pour maintenir, pour faire du code parce que c’est leur intérêt.
Autre exemple concret là-dessus c’est openCimetière [16], qui n’est pas le logiciel le plus glamour en soi, mais il n’existait, à l’époque, aucune solution, tout court, pour faire de la gestion de cimetière. Pourtant les communes ont besoin de ça, elles ont besoin d’un logiciel qui leur permette de savoir quelles sont les concessions disponibles, quand est-ce qu’elles sont disponibles, de tout enregistrer. Concrètement, ces sont des acteurs du logiciel libre qui ont été payés pour développer ce logiciel et qui continuent d’être payés, enfin un certain nombre de boîtes, parce qu’il faut le mettre à jour, parce que il y a des besoins d’anticipation, parce qu’il faut que ce soit compatible avec des nouveaux logiciels d’exploitation et ainsi de suite. Donc c’est avec ces modèles-là qu’ils gagnent de l’argent.
Ça c’est un exemple public, mais même pour des boîtes privées, le fait que les développements soient reversés à la communauté, donc accessibles à tout le monde ensuite, ça ne pose pas forcément un problème. Mettons que vous êtes une boîte privée, par exemple vous avez un logiciel libre qui fait de la caisse, c’est un logiciel libre qui traite la caisse, etc., même si vous avez payé une boîte pour faire un développement qui est nécessaire à vous, c’est reversé à la communauté, tout le monde peut l’utiliser, OK. Mais ça veut dire que le prochain qui fait un développement pour une nouvelle fonctionnalité, un nouvel usage, vous aussi vous allez pouvoir bénéficier de cette nouvelle fonctionnalité. En fait c’est un jeu où tout le monde peut gagner.
Donc les entreprises du logiciel libre ont un modèle économique qui est à part, mais qui, finalement, est un modèle souvent basé sur le service, qui fonctionne bien en termes d’informatique. Ils ont une croissance particulièrement importante, c’est sans doute une des plus grosses croissances en informatique aujourd’hui dans le monde du numérique, même si c’est encore une petite part, ça va très bien pour elles.
Khéops : Juste rajouter une anecdote ou deux.
Au niveau du financement des logiciels libres ce n’est pas forcément facile quand on fait du code libre, ce n’est pas toujours facile de trouver de l’argent, surtout quand on est un petit peu tout seul dans son garage ou qu’on est un petit groupe de personnes. Il y a un exemple assez marrant aux États-Unis. Sûrement que certains d’entre vous connaissent Tor [17] qui est un des logiciels libres phares, sûrement le seul d’ailleurs, qui permet d’avoir un quasi anonymat en ligne. C’est un logiciel libre et c’est assez rigolo de voir qu’il a reçu une énorme subvention, il y a quelques années, du Département d’État américain au Développement. Il y a des choses assez marrantes comme ça, ou que régulièrement ils ont des aides de la part de Google, ou encore Firefox qui est en partenariat avec Google. C’est assez rigolo, des fois, de voir des choses qui sont un peu plus grises, on va dire, que les méchants d’un côté et les gentils de l’autre. Dernière question pour moi. À moins que… [s’adressant au public, NdT]
Public : Ce n’est pas une question, c’était pour continuer sur les modèles économiques. Il y a aussi un modèle économique qui est important qui est le SaaS, le Software as a Service, où, en fait, on ne va pas réellement distribuer le logiciel : le logiciel va être sur un serveur, on va y accéder via son navigateur internet. Tout le logiciel est construit sur une pile de logiciels libres et au final vous avez un service qui utilise du logiciel libre. La personne en face ne l’a pas puisqu’elle est sur un ordinateur distant, mais, du coup, on peut tout à fait utiliser le logiciel libre sans effectivement le redistribuer puisqu’il est serveur distant.
L’autre point qui est aussi super important je trouve, dans le domaine open source, il y a le terme éthique ; on peut se dire qu’une boîte qui fait de l’open source c’est intéressant. Je pense qu’il y a aussi le fait qu’il y a des coûts qui sont inférieurs parce que, forcément, les gens qui vont acheter des licences Microsoft, etc., à un moment, ce sont des coûts, donc il va falloir qu’ils les répercutent.
L’autre truc qui est aussi super important, c’est le fait qu’au niveau de la communauté open source on va trouver des gens qui sont très, très bons, parce que ce sont des gens qui sont super curieux, passionnés, etc., qui vont déjà contribuer sur leur temps libre à des outils comme ça et, du coup, c’est une stratégie d’entreprise, je pense, de choisir ce type de logiciel, parce qu’on s’adresse déjà à un public qui va être un public de passionnés. Donc, faire ce choix-là, c’est aussi s’assurer de pouvoir éventuellement recruter les meilleurs. Après il y a des meilleurs, bien sûr, sur des technos propriétaires, mais en tout cas des gens qui sont très passionnés.
Un dernier exemple on peut aussi voir les sociétés, style Google, qui donnent, on va dire, une après-midi aux gens pour bosser sur des projets open source, ou pas forcément open source, mais juste leur donner du temps libre pour faire des contributions, etc., et c’est vraiment dans l’idée justement de garder ces gens-là qui sont une vraie richesse et souvent ce sont des gens qui se tournent vers ça.
Je vais finir par une question aussi : pourquoi est-ce que les collectivités, l’État, etc., n’investit pas plus dans les logiciels libres, parce que finalement tout le monde est gagnant ?
Jeanne Tadeusz : Pourquoi ils n’investissent pas ? Il y a plein de raisons. Déjà certains investissent, notamment au niveau des collectivités locales, ça bouge pas mal. Il y a encore du boulot, je ne dis pas le contraire, ce n’est pas encore majoritaire, loin de là, mais on a de plus en plus de passage au logiciel libre et un choix clairement qui est fait.
Au niveau de l’État c’est plus dur. Il y a des raisons qu’on retrouve comme un peu partout. Il y a la force de l’habitude. C’est-à-dire qu’une fois qu’on a subi du Microsoft pendant 10 ans, 15 ans, c’est difficile de passer à autre chose. On a pris ses habitudes donc l’idée même du changement est inquiétante. Après s’ajoute à ça le poids de l’historique. Par exemple, sur tout ce qui est tableur, tout ce qui est aussi traitement de textes, on a bien souvent des macros, des mises en page qui sont dans des formats propriétaires, qui sont des formats exclusivement Microsoft, donc les changer pour passer à une autre solution, ça implique de perdre tout ça ; ce n’est pas évident, c’est du boulot aussi ! Donc il y a vraiment ce poids de l’existant qui existe.
Il y a aussi l’aspect, je pense, pour certaines DSI, donc Direction des systèmes d’information, notamment de l’État, de pouvoir se défausser parce qu’on sait bien, quelque part, que Microsoft ça va planter, mais c’est la faute au logiciel, alors que quand on choisit autre chose, on a souvent une attente plus élevée parce qu’on nous a dit que ça marcherait mieux. Si ça ne marche pas parfaitement, on en veut au logiciel, quelque part, ce qui est triste et paradoxal, mais très vrai.
Le dernier aspect, et je pense que ça c’est surtout au niveau de l’État, il y a un lobbying qui est réel. Il y a du monde derrière Microsoft qui va aller frapper aux portes de tous les députés, qui va avoir ses entrées dans les différents ministères pour leur expliquer pourquoi il faut, absolument et impérativement, utiliser ses solutions et qu’il ne faut pas écouter ces geeks anarchistes qui veulent détruire la compétitivité et l’innovation dans le monde de l’informatique, n’est-ce pas ! Ça on l’a vu sur tous les projets de loi qu’on a pu suivre, qui ont pu être discutés.
C’est particulièrement fort, et ça c’est vraiment regrettable, au niveau du ministère de l’Éducation nationale. C’est en 2012, de mémoire, où tous les inspecteurs ont été convoqués pour discuter de nouvelles technologies au siège de Microsoft. Ça a recommencé cette année, c’était une invitation, c’était un truc très conférence, non obligatoire, mais il y a deux ans c’était obligatoire. Quand on voit un tel degré de mélange des genres, la route est encore longue ! On a ce lobbying ; c’est très évident qu’on a une disparité de moyens qui est réelle.
C’est aussi au printemps dernier, il y a un an, en fait, une disposition qui avait été introduite au Sénat, c’était une super nouvelle, qui était de dire que pour un nouveau service public, des services publics du numérique éducatif, on allait utiliser en priorité du logiciel libre. D’abord du libre, et après on allait utiliser du propriétaire, s’il il n’y a rien qui existe, si ça ne fonctionne pas bien et ainsi de suite. Ce qui peut sembler logique, en plus nouveau service public, il n’y a pas un existant à gérer. On part de quelque chose de propre. Ça a été mis en place au Sénat, en commission, discussion en assemblée plénière, ça n’a pas posé de problème, les ministres le valident implicitement en disant qu’on va mettre en accord le reste du texte. On revient à l’Assemblée nationale, amendement déposé contre, le gouvernement vent debout contre qui explique que ce n’est pas légal, qu’en plus ça va contre les entreprises et que c’est dramatique. Finalement la disposition a très malheureusement été retirée, quand même après une bataille assez épique de certains députés pour la garder, il faut les féliciter. Mais il y a eu, visiblement, un lobbying très fort de tous les éditeurs propriétaires, un siège qui a été fait de toutes les assemblées, enfin de toutes les permanences parlementaires, pour expliquer pourquoi ce n’était pas possible du tout d’avoir ce type de disposition. Le Syntec numérique, qui est censé être une association neutre parce qu’il représente tous les acteurs du numérique, s’est prononcé contre. Enfin a vraiment vu un déchaînement d’actions contre ça. Et aujourd’hui, malheureusement, le Libre n’a pas le même pouvoir de frappe que ces structures, même si on a la chance et la force d’être principalement des passionnés, des gens qui ne font pas ça par intérêt.
Aujourd’hui, à l’April, on a trois salariés. Il y a quelques autres structures qui pourront faire de l’information des parlementaires, mais si on rassemble même l’April, Framasoft [18] et d’autres structures, on est peut-être cinq. Chez Microsoft, ils sont quatorze et ce n’est rien que Microsoft. Si on rajoute les autres éditeurs, si on rajoute Apple, si on rajoute tous les autres, parce qu’il y en aussi a beaucoup d’autres qui ne sont pas forcément aussi gros, tout ce qui numérique éducatif ; il y a Kosmos, par exemple, qui est assez pointu, il y en a pas mal d’autres. Dans ce genre de combat, finalement, on est avec un lance-pierres face à un bazooka. Ce n’est pas forcément évident !
Khéops : OK. D’autres questions ?
Public : Ce serait juste pour, peut-être, ajouter un point sur le modèle économique du Libre, pour mettre en avant quelque chose. En tant qu’utilisateurs finaux, ce qu’on « consomme », entre guillemets, c’est un logiciel, un produit fini. En fait, ce n’est pas vraiment le cas quand des collectivités ou une entreprise passent une commande. Ce qu’ils vont acheter, par exemple à une boîte qui propose une solution, ce n’est pas tant du code, en fait, c’est de l’intelligence, c’est de l’expertise sur une solution. Le logiciel est libre, ou pas, d’ailleurs, la boîte qui l’édite reste la boîte experte sur ce logiciel. Ce n’est pas moins bien que ce soit libre dans ce cas-là. Encore mieux, ça peut faire une publicité, un petit peu, à la boîte éditrice et ça peut lui ramener du monde. Ce qui n’empêche pas une autre boîte de monter en compétence et, effectivement, de proposer aussi des services de développement dessus. Mais de base, la boîte qui édite le logiciel libre va être experte dessus et donc va être recherchée pour ses talents de développement dessus.
Khéops : Bon, eh bien la dernière, je pense, qui va nous amener à conclure. Je suis convaincu quoi, ça y est, la conférence était super. Je vais défendre le logiciel libre à fond auprès de mes candidats, de mes politiciens locaux, etc. Je ne suis pas forcément très à l’aise parce que je n’ai pas forcément bien tous les mécanismes de logique des enjeux, pour les expliquer. En général il faut les répéter un centaine de fois avant d’être capable de bien les expliquer à quelqu’un. Est-ce que je peux trouver des petites aides argumentaires quelque part, sur le site de l’April ou ailleurs ?
Jeanne Tadeusz : Sur le site de l’April il y en a, il y en a plein. Ne pas hésiter à nous à contacter aussi. On est toujours là, on est toujours disponibles pour répondre aux questions, aux interrogations. Après sur des campagnes, par exemple comme Candidats.fr, on a des listes de discussions, des bénévoles qui s’entraident, notamment qui s’encouragent mutuellement, qui vont se retrouver, parfois, parce qu’ils ont un rendez-vous à la permanence. C’est un peu inquiétant, quand même, de se retrouver à parler au futur maire, surtout dans une assez grosse agglomération, donc, du coup, ils se coordonnent pour y aller.
Sur Candidats.fr, sur tous les enjeux, on a aussi tous les cahiers qui rassemblent tous les enjeux sur tous les thèmes. Il y a des documents. Il y en a quelques-uns qui sont là-haut d’ailleurs sur ce que c’est que le logiciel libre, sur ce que c’est que les standards ouverts et ainsi de suite.
Après, si vous voulez utiliser du logiciel libre, si vous ne savez pas par où commencer, à l’April on a édité un guide de vingt-six logiciels libres simples à utiliser, qui sont aussi utilisables sur un environnement Mac ou Windows : commencer avec du logiciel libre, en fonction de vos besoins. On a aussi un autre guide pour les associations. Par exemple j’ai besoin d’un logiciel de gestion, qu’est-ce que je peux utiliser ? J’ai besoin d’un traitement de textes qu’est-ce que je peux utiliser ? Et ainsi de suite. N’hésitez pas à les consulter. Il y a d’autres structures, il y a Framasoft, notamment, qui édite des guides de logiciels libres. Et après n’hésitez pas à voir les acteurs locaux, on a déjà parlé de Linux-Nantes qui organise des permanences, des réunions mensuelles. Mais vraiment j’encourage tous ceux qui s’y intéressent et qui n’osent pas franchir le pas, à ne pas hésiter à venir, à discuter, parce qu’en général les gens sont très contents d’avoir des nouveaux et il y a un très bon accueil.
Khéops : Il y a un autre truc sur un autre sujet qui est la neutralité du Net, que la Quadrature [19] a fait qui est intéressant. Ils ont un wiki où ils ont, en gros, une liste d’arguments selon qu’on prend le point de vue économique, suivant qu’on prend les libertés fondamentales et, si je comprends bien ça, n’existe pas vraiment pour le logiciel libre.
Jeanne Tadeusz : Ça existe. Il y a des listes, mais ça dépend aussi à quel public on s’adresse. Il y a des listes si on s’adresse plus à un grand public, il y a des choses si on s’adresse plus à un élu, si on s’adresse plus à un responsable politique et ainsi de suite. Si, si il y en a aussi qui existent, il y en a sur Candidats.fr, que ce soit pour les enjeux locaux ou pour les enjeux plus nationaux. Il y a des choses. Après c’est vrai que ce sont des questions vastes, il y a plein d’enjeux qui se recoupent. Parfois ça peut sembler que c’est un monde entier qu’on trouve, mais non, il y a des ressources sur le site de l’April, il y une zone ressources qui donne des infos sur ce qui se passe.
Khéops : OK. On a encore une question, mais alors ce n’est pas de moi cette fois, on a un adhérent qui nous suis depuis le Chili, si je comprends bien, et qui demande est-ce que, à ton avis c’est plus facile, de faire entrer le logiciel libre plutôt dans les grosses communes ou les petites communes, plutôt les grosses collectivités ou plutôt les petites collectivités ? Avec lesquelles on a le plus de chance ?
Jeanne Tadeusz : Je dirais que ça dépend vraiment de la collectivité. Dans les petites communes, ça va être plus facile si on parle en termes de rapidité, d’aspect prise de décision, changement, parce qu’on est sur des plus petites infrastructures, il y a moins d’ordinateurs, il y a moins de postes ; il y a aussi moins de monde à convaincre. Sur une petite commune où il y a simplement, enfin il n’y a que quelques postes, décider de passer au logiciel libre, ça pourrait être quelque chose qui se fait relativement facilement, de manière relativement informelle.
Sur une grosse organisation, une grosse agglomération par exemple, çA sera plus long. Ça ne veut pas dire que ce sera impossible, très loin de là. Il y a, par exemple, la Région Rhône-Alpes qui vient de passer une résolution en disant qu’elle voulait privilégier le logiciel libre. Comme quoi c’est possible ! Faire passer concrètement au logiciel libre même des grosses infrastructures, des grosses structures, c’est possible. Il y a par exemple la ville de Munich qui est passée entièrement au logiciel libre, que ce soit le système d’exploitation, tous les logiciels utilisés, ils en sont ravis. Ils sont même en train de communiquer comme quoi c’est bien, sur des salons, etc. Ça leur a pris cinq ans ; c’est normal parce qu’une migration ça ne s’invente pas, ça ne s’improvise pas, mais ça s’est bien passé.
Il y a la gendarmerie nationale, en France, qui est en train de finir de passer exclusivement au logiciel libre. Les retours des utilisateurs sont bons, visiblement ça se passe bien, et pour moi, c’est la preuve que le logiciel libre peut être utilisé par des gens qui ne sont pas des spécialistes. Moi je ne demande pas à un gendarme de savoir coder et utiliser le terminal tous les jours pour pouvoir démarrer son ordinateur. Je pense que que ce n’est pas l’exigence et, visiblement, ça se passe très bien. Ils sont sur Ubuntu, Firefox et ainsi de suite. On peut aussi faire passer des grosses collectivités, des grosses communes. D’autres exemples, il y a Toulouse qui est passé à LibreOffice, un des logiciels libres encore sur un environnement Windows, mais déjà la suite. Il y a du progrès qui est fait très clairement là-dessus.
Les deux sont possibles : une grosse collectivité peut avoir des soutiens financiers plus facilement ; une petite collectivité pourra le faire de manière beaucoup plus sereine.
Khéops : OK, merci. Merci beaucoup à toi Jeanne.
Jeanne Tadeusz : Merci à vous
[Applaudissements]
Khéops : Merci à l’April, merci à la ville de Nantes de nous avoir accueillis, merci à la Maison de l’Europe aussi évidemment.
En ce qui nous concerne, on se retrouvera, on ne sait pas encore où, mais ce sera probablement soit ici, soit au LUG, soit ailleurs, le mois prochain pour parler de choses qui sont nettement plus proches du but de notre association qui plus les FAI associatifs en Europe, les réseaux communautaires, etc., et comment des groupes d’activistes, des associations, essayent de construire leur petit bout du réseau parce que, des fois, faire de la politique ne suffit pas forcément à défendre la neutralité du Net et à protéger les utilisateurs, donc il faut construire son petit bout de réseau de confiance dans son coin, essayer de le relier au reste du monde. On se retrouvera, ce sera sûrement le 22 ou le 23 avril. Et puis on sera ensuite présents, en mai, à Cosmopolis, lors des événements autour de la fête de l’Europe, juste avant les élections européennes. On aura deux ou trois événements. L’un, on parlera de différents logiciels libres, développés par la communauté dont l’objectif est d’aider les citoyens à mieux comprendre la vie politique, à avoir plus d’impact sur les politiciens et on devrait essayer, essayer ce n’est pas encore fait, ce n’est pas encore sûr, on va essayer d’aller poser quelques questions lors d’un débat contradictoire aux candidats aux élections européennes dans le grand Ouest. Ce seront des questions, évidemment, qui porteront sur ce qu’on aura mentionné jusqu’alors, c’est-à-dire le logiciel libre, la neutralité du réseau, etc. Et on devrait faire un débriefing et une analyse là-dessus, dans les jours qui suivront.
Donc on se donne rendez-vous, si vous voulez, le 22 ou le 23 avril, puis ensuite deux ou trois jours en mai à Cosmopolis. Merci à tous d’être venus. Il y a des snacks là-haut à prix libre. On est là, si vous avez des questions, on doit juste tout remballer pour 22 heures, mais d’ici 22 heures on est là, n’hésitez pas. Merci.
[Applaudissements]
[footnotes /]