Alexis Kauffmann : Sans plus tarder, Nicolas. C’est un peu au pas de course cet après-midi, c‘est vrai qu’il y a un peu frustration parce que « hop !, c’est déjà fini, hop ! ça s’enchaîne ». L’idée c’était aussi de montrer vraiment la variété, la richesse de tous ces projets divers et variés, de toutes ces initiatives, de toutes ces énergies positives.
On termine tous ensemble dans le grand amphi avec Nicolas Léger qui était mon collègue l’année dernière au lycée français de Florence, qui va vous présenter une courte intervention. Tu vas te présenter, professeur de philosophie, c’est écrit, « Penser et transmettre les communs numériques ».
« Penser et transmettre les communs numériques », Nicolas Léger, enseignant de philosophie, réseau mlfmonde, revue Esprit
Nicolas Léger : Bonjour à tous.
Déjà je tenais à remercier Alexis parce que c’est vrai que cette histoire commence par un travail en commun. Le titre de l’intervention est très ambitieux, je ne prétends pas répondre à cette question mais lancer des pistes et peut-être faire un petit retour d’expérience notamment sur la manière dont Alexis et moi avons travaillé ensemble au lycée Victor Hugo de Florence. Ce qui m’a beaucoup impressionné aujourd’hui c’est l’enthousiasme, l’état d’esprit qui règne chez tous les intervenants et la manière de concevoir le numérique. C’est vrai que je n’ai aucune connaissance technique, technicienne, j’ai beaucoup appris auprès d’Alexis et il y a eu une irrigation mutuelle pour permettre un peu une réflexion en commun et transmettre à nos élèves la question certes du numérique mais surtout du commun et du Libre.
J’ai pris une citation de Hannah Arendt dans La Crise de la culture, qui permet de prendre un champ très large sur la question de l’éducation et du commun. Ça va un peu poser les enjeux de même qu’on pourra, après, poser celui de la crise que nous avons vécue, notamment la crise sanitaire. Vous voyez bien que les crises se succèdent, accélérant le temps, créant des urgences. Le commun et le Libre ont une place majeure dans ces situations où le temps s’accélère, où les inquiétudes dominent et l’incertitude arrive.
« L’éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité et, de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C’est également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler notre monde commun. »
Cette citation trouve de multiples échos dans notre actualité. Le numérique et le commun sont vraiment au cœur de cette réflexion, ne serait-ce que parce que l’éducation se présente déjà comme un commun, c’est une transmission. La question de tout éducateur, de tout pédagogue, de tout professeur et même de parent c’est : que vais-je transmettre ? Qu’est-ce qui sera digne de transmettre ? En écoutant les interventions de ce matin, notamment la première sur les low-tech [1], où tous les intervenants voient qu’il y a des valeurs que nous voulons transmettre, que le Libre et le commun portent en eux ces valeurs.
J’ai pris ces deux images très simples [boîte noire d’avion et une boîte d’où s’échappent divers symboles, NdT] parce que, pour nos élèves, on dit toujours « nos élèves », même pour nous les adultes – en l’occurrence pas vous parce que vous êtes très renseignés, très avertis, très au fait de tous les enjeux du numérique – bien souvent l’outil informatique, ou le numérique, est lui-même une boîte noire, c’est-à-dire qu’avant tout nos élèves, les professeurs, nous sommes des usagers. Le Libre, déjà, réinstitue le sujet, l’élève, le professeur comme un acteur.
Également bien sûr pour nous tous, pour la société en général, le numérique s’inscrit effectivement avant tout comme un espace commercial, tout simplement, c’est un produit et nous avons le produit fini, le produit final. Tous les moments de la conception, d’élaboration, de réflexion sont occultés, c‘est-à-dire que nous disposons d’applications, d’outils, que nous ne comprenons pas, que nous ne saurions même pas réparer nous-mêmes pour la plupart du temps. Nous utilisons un langage, notamment le code, que nous ne comprenons pas, que nous ne maîtrisons pas. Là encore, pour répondre un peu à la question qui a été posée, oui, le Libre et la réflexion sur les communs est nécessaire, fondamentale, éthique. C’est très intéressant de voir comment c’est aussi une boîte de Pandore. Les élèves, les enseignants, ce qui a été mon cas, une fois qu’on découvre ce qu’est le logiciel libre, comment fonctionne le coding, comment fonctionne une machine, un pas qui est fait et c’est irréversible. On ne peut plus revenir en arrière et retourner à une sorte de candeur, de naïveté qui est surtout de l’ordre du consumérisme. D’ailleurs je vous invite à bien regarder l’exposition [2] qui est dehors, l’enjeu c’est de sortir de l’aliénation. On voit bien que les GAFAM évidemment, que la manière dont nous utilisons les outils, les smartphones, les ordinateurs, provoque une forte aliénation, une aliénation aussi dans la mesure où nos élèves n’ont pas conscience à quel point la structure, la construction, le paradigme, l’organisation, le vocable, le lexique, la terminologie utilisés par les grandes entreprises, notamment les GAFAM, sont une vision du monde. Le commun et le Libre est une vision du monde qu’il faut partager, construire ensemble, en coopération. C’est aussi quelque chose de fondamental qu’apporte l’enseignement sur le Libre et les communs.
Ça implique effectivement une réflexion. Ce matin j’ai vu des intervenants qui présentaient La Digitale [3]. Les Grecs avaient déjà compris cette analogie remède/poison, ce rapport à la technique. Toute technique ou tout instrument technique est un pharmakon et le pharmakon détient une ambivalence. C’est un concept grec qui a été repris par un grand penseur que je vous invite à lire, Bernard Stiegler [4], un penseur français ; le pharmakon c’est ce qui est à la fois un remède et un poison. Tout est question de dosage. Déjà le langage lui-même est un pharmakon, il permet de transmettre, de mémoriser, mais il a également ses limites, puisque Socrate, par exemple, refusait de mettre à l’écrit ses propos pour ne pas être interprété malgré lui, donc il avait déjà vu l’ambivalence de tout instrument technique. Chaque technique, chaque pharmakon crée de nouveaux problèmes.
[Sans tomber dans la candeur du techno-solutionnisme, Note de l’intervenant], l’ouverture, la suspension permanente du jugement, la ré-articulation possible que sont le Libre et les communs, sont vraiment très précieuses. Il en va de même, j’ai envie de dire, quant à la démocratie. Le système démocratique, le régime démocratique est quelque chose qui accepte de remettre les choses en jeu, de s’ouvrir, de se remettre en débat et d’accepter un temps long. Je trouve vraiment que la démarche que j’ai pu observer des communs et du Libre s’inscrit pleinement dans ces valeurs-là.
Le pharmakon implique évidemment une question de dosage. Je n’ai pas le temps de m’étendre ici parce qu’il va falloir un peu avancer.
Ce qui est intéressant c’est aussi la notion de bouc émissaire. Dans le pharmakon est sous-entendue, connotée, contenue, la notion de bouc émissaire. Il est vrai que nous avons tous et toutes entendu régulièrement « c’est la faute au numérique, les problèmes politiques sont liés au numérique », ce qui est vrai, il y a des incidences, des interpénétrations, des effets mutuels, mais il faut aussi se méfier de voir dans le numérique tous les dangers à venir.
J’ai la chance de collaborer, de travailler avec la revue Esprit. Ça c‘est le dossier [5] du mois de décembre que j’avais coordonné. Pourquoi je vous le présente ? L’enjeu, c’était de voir comment les crises, notamment comment la crise pandémique, manifestaient le rapport au monde que nous avons actuellement et aussi cette idée de fin du monde perpétuelle. D’ailleurs on peut voir les débats aux élections présidentielles, « fin du mois ou fin du monde », il y a une conscience apocalyptique qui nous travaille tous en ce moment. Ce qui était intéressant dans ce dossier c’était l’objectif de croiser les problématiques de l’écologie, du numérique et de la fiction. Ce matin on a vu que les low-tech, que le commun et le Libre, peuvent par exemple permettre une réappropriation et de réduire le coût énergétique de leurs usages du numérique. C’est un moyen se défaire du sentiment d’urgence et de subir les évènements.
Là encore, pour répondre à la question que m’a proposée Alexis, il est clair que s’interroger sur ce que veut dire « Libre » et sur ce que veut dire « commun », c’est aussi un moyen de se réapproprier les choses et ne plus être dans le subi, la passivité.
Dorian Astor avait participé à ce dossier avec une interview sur l’incertitude. Une des premières conclusions qu’on a pu tirer des évènements que nous avons vécus c’est que la certitude c’est fini et ce n’est même pas souhaitable. Nous entrons dans un temps de l’incertitude. La question c’est comment nous positionner, comment nous emparer de l’incertitude et là, une fois de plus, penser l’adaptabilité, la réadaptation, la reconfiguration, la mise en question, la réflexion sur le paradigme, toutes ces choses que, par exemple, l’usage simple des applications, des outils des GAFAM ne permet pas, mais que le logiciel libre permet est fondamental. C’est très intéressant aussi d’entendre dans les interventions à quel point le Covid a été, j’ai entendu, le moment où tel logiciel libre a pris de l’ampleur, où ça a été un recours, où ça a été apprécié par les élèves, partagé par les élèves eux-mêmes qui ont découvert – et c’est aussi important, on aurait pu ajouter ce troisième terme – des alternatives. Dans un monde qui paraît promis à une fin, qui semble promis à des crises, à une crise immanente, permanente, continue, qui ne cesse, c’est vraiment quelque chose de fondamental.
Je vais vous donner un exemple de ce qu’on peut aborder avec les élèves en classe, je vais le faire succinctement et ça me permettra, dans cinq minutes, de boucler sur quelque chose d’un peu plus général.
Dans le dossier d’Esprit il y a aussi un entretien à propos de Philip K. Dick, je ne sais pas si vous connaissez tous cet auteur, en général on le connaît, il a écrit Minority Report, Blade Runner, qui a été très adapté au cinéma et en séries. Pourquoi Philip K. Dick ? Parce que, fondamentalement, on voit dans cet écrivain de science-fiction américain une sorte de prophète qui a vu se profiler ce qu’on appellera très largement le transhumanisme, les sociétés de surveillance aussi, l’aliénation par le capital ou par le consumérisme. Tout simplement Philip K. Dick a su voir effectivement dans son époque la naissance de quelque chose qui allait advenir. Ce n’est pas tellement qu’il a été prophète c’est qu’il a été très lucide sur son propre présent. Grâce à la science-fiction il en a tiré différentes conclusions et surtout des récits et c’est ça qui est très intéressant puisque le jeu favori de Dick, il le disait, « c’est faire des mondes, créer des mondes et les voir d’effondrer ». Donc son jeu d’écrivain c’est de créer tout un monde et de le faire s’effondrer.
Pareil, je n’ai pas le temps de rentrer dans toutes les questions de métaphysique que déploie Philip K Dick. La première chose que nous connaissons de lui c’est évidemment cet esprit un peu paranoïaque, finalement il n’a pas eu tort sur toute la ligne. Quand on lui demande ce qu’il fait quand il écrit il dit : « Donc dans ce que j’écris, je demande : Qu’est-ce que le réel ? – question éminemment philosophique. Parce qu’on nous bombarde de pseudos réalités fabriquées par des gens très sophistiqués au moyen de mécanismes électroniques très sophistiqués. [...] Je me méfie de leur pouvoir. Ils en ont beaucoup et c’est un pouvoir surprenant, celui de créer des univers entiers, des univers de la pensée. »
Je ne vais dire que deux choses sur cette citation.
Déjà, effectivement, la question de l’hégémonie, de celui qui maîtrise, qui contrôle notamment le pouvoir technicien ou le paradigme dominant, est soulignée par Philip K. Dick. Il sait bien que la machine en soi ne représente pas une difficulté, la question c’est qui la programme, pourquoi, comment et dans quel but ? Et là ce ne sera pas tellement pour dénoncer le capitalisme ou les GAFAM ce sera surtout pour se dire que nous avons une chance dans ce que vous nous présentez. Nous sommes de nouveau maîtres, nous sommes de nouveau souverains sur comment penser ces outils, comment penser aussi ces rapports dans le numérique. C’est quelque chose de fondamental, de l’ordre de la réappropriation.
Il y a également la question du commun. Actuellement un des enjeux politiques, notamment, c’est comment garder le commun, comment transmettre des valeurs communes. Si on prend l’exemple des bulles algorithmiques au niveau de l’information, comment faire pour faire cité ensemble – quand je dis politique c’est ça, c’est vraiment la gestion de la cité –, comment vivre ensemble, débattre ensemble si nous n’avons même plus des référents communs, si chacun a des informations totalement antagonistes, contradictoires, qu’on n’arrive même plus à mettre en débat. Le logiciel libre ou les communs numériques, par essence, incitent au partage, incitent à discussion, incitent à la réflexion, ne sont tout simplement pas soumis au profit et à la captation de l’attention. Pourquoi ce phénomène de bulle algorithmique est apparu ?, ce n’est pas un complot, ce n’est pas une manipulation, ce n’est pas une volonté politique, c’est tout simplement qu’il s’agit de faire rester l’usager le plus possible sur les plateformes par l’affect, la colère, la joie, le plaisir ou tout simplement par une satisfaction d’être approuvé dans ses propres opinions.
C’est donc le modèle lui-même qui a ses effets pervers, qui se massifie du fait de la globalisation alors qu’en l’occurrence les communs, d’emblée, au centre du paradigme, interrogent et neutralisent la question de l’appropriation, la question du profit et cela limite aussi des effets pervers que je viens de vous expliquer. Philip K. Dick montre très bien ça dans ses romans.
Dans le dossier, l’interview de David Lapoujade, spécialiste de Philip K. Dick, est passionnante. Il souligne que ce dernier a créé une contre-figure, celle de ce qu’il appelle le « bricoleur ». En l’occurrence, dans le logiciel libre, nous sommes des bricoleurs. D’emblée, de manière triviale, on pourrait voir ça de manière péjorative, au contraire ! Le bricoleur est celui qui essaye [sans forcément un plan préconçu, Note de l’intervenant], une finalité précise : il observe, comprend, écoute, récolte parce que peut-être ça lui servira plus tard, et il a aussi le plaisir de faire. On retrouve beaucoup ça, pareil, dans toutes les interventions que j’ai eu la chance d’écouter, on trouve le plaisir de faire, de faire les choses. Le bricoleur c’est aussi celui qui va échapper à la structure et c’est ça qui est génial dans les romans de Philip K. Dick. Le bricoleur c’est quoi ? C’est qui ? C’est un homme ou une femme ordinaires. Il n’est pas génial, il n‘est pas sur-diplômé, les génies ou les sur-diplômés chez Philip K. Dick sont plutôt du côté de la grosse structure qui essaye de limiter. Au contraire, le bricoleur c’est l’homme ordinaire. Finalement l’homme ordinaire ou la femme ordinaire c’est nous, ce sont les enseignants, les élèves. Le pouvoir est repris, la structure vacille et s’effondre parce qu’il y a eu un bricoleur.
Il y a également l’idée, qu’on retrouve beaucoup dans le logiciel libre et notamment dans les communs, c’est la question de l’artefact. L’écrivain produit des artefacts. Une œuvre d’art, un roman c’est, à l’aide du langage, produire un artefact. Les logiciels libres sont des artefacts, c’est-à-dire des sujets qui s’investissent, se reconnaissent et s’identifient dans ce qu’ils font.
J’ai envie de dire que parfois, dans les projets en classe avec le logiciel libre, même si à la fin le produit final n’est pas forcément opératoire, que ça ne marche pas aussi bien qu’on le pensait, que ce n’est pas aussi beau que ce à quoi on s’attendait, finalement ce n’est pas très grave. Les élèves nous disent que ce qu’ils ont aimé c’est l’investissement, c’est la discussion, c’est l’échange, c’est le processus lui-même. C’est vraiment quelque chose de fondamental et c’est pour ça qu’il est très intéressant, je pense même nécessaire, que le ministère de l’Éducation nationale mette en valeur cette dimension du numérique puisque l’élève redevient acteur, la mutualisation revient en avant et il reprend une souveraineté.
Et surtout dans les crises, et nous l’avons tous tous vécu — l’institution, les ENT qui s’effondraient, [les aléas de l’enseignement à distance, Note de l’intervenant] — qui a permis d’aller de l’avant ? Des solutions ont été trouvées ensemble. Des bricoleurs, des collègues, sur leur temps libre, se sont investis, des élèves ont dit « moi je peux faire ça », des élèves qui étaient peut-être mauvais en français, en mathématiques, mais qui étaient très compétents pour créer un petit logiciel ou partager des connaissances et des compétences avec les autres. Des bricoleurs en somme ! Pareil au niveau de la santé. Je vis à Florence, en Italie. En Italie, il y a eu une coopération entre des gens qui travaillaient dans le commun et le Libre, qui ont adapté des masques Décathlon de plongée pour faire des respirateurs. Là encore, ce sont des bricoleurs.
Voilà une image de Lyon par Luc Schuiten. C’est un des derniers points que je veux aborder avec vous, c’est la question de l’hétérotopie. Je vais aller très rapidement, ce sont juste des pistes de réflexion que je vous lance, c’est l’idée que l’école a toujours été une hétérotopie. C’est-à-dire que c’est un lieu particulier qui est le croisement de plusieurs paradigmes. Je vais donner un exemple : le modèle de l’armée a traversé l’école, la discipline des corps ou le rapport aux corps, on pourrait prendre ça comme exemple. L’école a aussi été traversée, on l’a vécu, par le monde de l’entreprise : l’apparition de la compétence, de l’objectif, du projet, ce sont malgré tout des choses qui sont extérieures, hétérogènes à l’école. Dans l’hétérotopie il y a aussi l’idée d’une utopie qui se réalise. Il est vrai que l’institution et les enseignants nous avons toujours réussi à nous approprier ça, à dire « ça ne marche pas si on garde le sens propre ; si on la fait fonctionner comme une entreprise, ça ne pourra pas marcher ». Il faut adapter, il faut croiser. L’école est un sanctuaire qui maintient des communs, qui maintient des valeurs et qui doit surtout veiller à ce que ces valeurs et ces communs ne soient pas trop subvertis, grignotés, car ces modèles, ces paradigmes viennent de l’extérieur – ce qui est normal, les sociétés évoluent aussi avec différents paradigmes. Là on peut être un peu utopiques, évidemment. L’utopie du Libre et du commun, si tant est qu’elle traverse l’école, pourrait donner quelque chose de vraiment puissant, qui tienne le coup dans le temps et face aux crises. Remettre ces valeurs que sont celles du logiciel libre c’est remettre du commun dans l’école et il y aura une rencontre avec ces savoirs communs qu’il y a déjà dans l’école. On peut le souhaiter pour l’école.
J’ai été un peu pessimiste jusqu’à maintenant en parlant de crise, donc j’ai mis cette citation, c’est du Libre, je n’ai pas d’auteur : « Quand vous vous dites qu’il n’y a plus aucun espoir, pensez au homard dans aquarium du Titanic ». C’est ce qui s’est passé notamment avec la crise et je trouve que perpétuer, valoriser les communs et le logiciel libre ne peut que nous être protecteur et bénéfique.
Enfin le dernier point, l’idée de la transmission que je ne pourrai qu’apprécier, pour le coup ça fait écho à ce que je disais avec Alexis, et l’interdisciplinarité. Je vous ai parlé de K.Dick. Les humanités, la philosophie, le français, ont beaucoup de choses à dire, à comprendre sur le logiciel libre, les communs et le numérique de manière générale. De même que ces matières, que ce soit pour avoir des outils pour la transmission, ont beaucoup à apprendre aussi du numérique, du logiciel libre et du commun. C’est cette interdisciplinarité qui est vraiment fondamentale à mes yeux. Les profs d’économie peuvent expliquer les modèles des plateformes, peuvent expliquer le modèle de la coopération, les humanités et les mathématiques. Donc vraiment, en étant explicite, le logiciel libre et les communs sont une source et un lieu inédit de partage.
Je vous remercie.
[Applaudissements]
Alexis Kauffmann : Merci beaucoup. On a pris un peu de retard, sans plus tarder Bastien Guerry, notre grand témoin, pour une courte synthèse de cinq minutes. Merci Bastien.
Grand témoin – Bastien Guerry, chef du pôle logiciels libres à la DINUM
Bastien Guerry : Je me présenterai mais je prendrai plus de cinq minutes ! Je vais essayer d’être rapide. Merci beaucoup Alexis.
Je suis Bastien Guerry, Je suis en charge du pôle logiciels libres à Etalab [6], à la direction interministérielle du numérique [7]. Je me rends compte qu’une secte de philosophes s’est infiltrée dans le Libre, il y en a un peu partout. J’en fais partie, je suis un transfuge. J’ai commencé des études de philosophie il y a 25 ans, je ne les ai pas terminées, je compte continuer en parallèle, je suis devenu programmeur. Je vous parle de ce parcours parce que j’y ai appris plusieurs choses.
La première chose c’est qu’en tant que philosophe qui s’intéressait à la société je me disais que l’informatique est vraiment trop importante pour être laissée aux informaticiens, c’est le premier constat. Les informaticiens que je croisais me paraissaient complètement à côté des enjeux éthiques qui allaient se profiler dans les décennies à venir et je pense que c’est toujours le cas. On doit continuer d’éduquer les informaticiens qui prennent conscience, il y en a qui sont mobilisés.
La deuxième chose c’est qu’il a fallu que je devienne sérieux et crédible, donc je me suis mis à la programmation grâce à un libriste qui m’a lancé un devoir de philosophie en pâture sur LinuxFr.org [8], donc j’ai vécu un mauvais moment et après je me suis mis sérieusement à programmer.
Ensuite, en lisant un livre de Fred Turner qui s’appelle De la contre-culture à la cyberculture, j’ai eu un déclic et je me suis dit que tous les efforts qu’on fait comme programmeur, libriste, indépendant un peu dans son coin, ne prendront vraiment forme que quand on aura une institutionnalisation de ce combat. Cette institutionnalisation c’est celle qui permet de diversifier les acteurs du Libre et de prolonger, de pérenniser les efforts. Quand je vois cet évènement, avec le nombre de personnes ici, je me dis que je ne devais pas être le seul à penser ça et que ceux qui, depuis le début, essayent de se réunir et de dialoguer avec l’institution sont nombreux.
Ceci pour dire aussi que le deuxième dicton qu’on pourrait en conclure c’est que le Libre lui-même est trop important pour être laissé aux libristes, on le constate tous quand on entre en discussion avec des libristes. Ce matin l’introduction mentionnait le fait qu’il y avait des discussions dans tous les sens, c’est très bien. Il faut toujours ouvrir cette discussion.
L’autre point c’est qu’on hésite toujours, quand on est programmeur et qu’on aime bien sa machine, à aller à des rencontres, on ne sait pas toujours ce qu’on va y trouver, on se dit qu’on va beaucoup parler, il va y avoir du vent. Je fais le pari que chacun d’entre vous, quand il a découvert le logiciel libre, c’était grâce à une rencontre, ce n’était pas tout seul devant son ordinateur. Quand il s’est mis à programmer, quand il s’est mis à découvrir des ressources éducatives libres, c’était avec des rencontres, donc c’est essentiel. Je suis le fruit de deux rencontres. L’une dans le métro qui m’a débloqué l’accès à Internet pour mon ordinateur il y a 20 ans et l’autre de Thierry Stoer, membre de l’AFUL [Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres] à l’époque, qui est venu à Nanterre faire une conférence sur le Libre. Ces rencontres sont essentielles et je pense que celles-ci ont rempli ce contrat.
La deuxième chose que j’ai apprise en tant que programmeur c’est qu’un logiciel libre, ça a été très bien dit dans la conférence précédente, c’est un objet social, c’est une construction sociale. Une fonctionnalité d’un logiciel libre est l’objet d’une discussion. Vous allez sur des listes de discussion, en plus c‘est ouvert, les sociologues peuvent se pencher là-dessus. N’importe quelle fonctionnalité fait l’objet d’une discussion parfois très longue, parfois très houleuse, parfois conflictuelle. En tant qu’objet social ça veut dire aussi que c’est un espace d’apprentissage. Les projets libres sont des espaces d’apprentissage et ça faisait dire à Walter Bender, qui portait le projet Sugar Labs à Boston, que le Libre, le logiciel libre est aussi important à l’éducation que l’éducation elle-même est importante au logiciel libre, que les dimensions pédagogiques sont présentes dans le logiciel libre.
Je n’ai plus de temps, c’est ça ? Je prends quand même un moment parce qu’on a besoin de penser à notre histoire. L’histoire commence en 1998 avec l’accord-cadre signé entre l’AFUL, l’Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres, et l’Éducation nationale [9], c’était il y a 24 ans. On a encore des témoins présents ici dans la salle, on peut commencer l’histoire ici, on peut continuer à la raconter.
Dès cette époque-là une myriade d’associations se développent, j’en cite quelques-unes parce qu’il faut citer les noms. On a AbulÉdu [10] avec un développeur, Éric Seigne, qui ne ménage pas son temps. On a Scideralle [11] avec Jean Peyratout. On a Ofset [12] avec Odile Bénassy, GCompris [13] que vous connaissez vous-mêmes avec Bruno Coudoin, DrGeo [14] avec Hilaire Fernandes ou OLPC France [15] avec Lionel Lasqué. Tous ces acteurs forment un terreau d’expérimentation, ils discutent entre eux et ils sont une vraie richesse en France. Ces associations n’existent pas dans d’autres grands pays où on parle beaucoup d’open source et où on a beaucoup d’acteurs industriels. Il faut pendre soin de terreau-là. Quand l’institution intègre les dimensions du logiciel libre, il faut qu’elle en prenne conscience et qu’elle prenne soin. Ce n’est pas seulement du passé, c’est de l’histoire et ce sont des acteurs qui sont toujours à la fois présents ici dans la salle et à la fois actifs. On a eu une présentation de PrimTux [16] par exemple.
Je vais essayer d’accélérer un peu plus.
Je voulais aussi mentionner le fait qu’on ne dépend pas seulement de cette histoire passée, on dépend d’un écosystème entier, on se dresse tous, on a vu les présentations par exemple de la mission laïque française sur l’usage de Kubernetes, de Rancher, tout ça ce sont des briques. Dans le logiciel libre on a une infrastructure dont on doit avoir conscience et prendre soin. On ne peut pas juste se dresser sur les épaules de géants et prier pour qu’ils ne tombent jamais, il faut vraiment avoir conscience de tout ça.
Ce que nous faisons à La DINUM. Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé en novembre dernier un plan d’action que je vous résume en trois points :
nous essayons de plus utiliser les logiciels libres dans l’administration, plus et mieux ;
plus publier de codes sources, plus et mieux là aussi ;
et animer un écosystème avec la communauté BlueHats [17], les agents publics qui s’investissent dans le logiciel libre. On fait tout ça sur deux sites de référence : code.gouv.fr [18] qui a été lancé en novembre dernier et communs.numeriques.gouv.fr [19]. Je vous invite à visiter ces ressources.
Ce qui est nouveau ici, c’est qu’on prend le logiciel libre dans l’ensemble de ses dimensions, de l’utilisation à la contribution, à l’animation et au portage de ce sujet d’attractivité. On a besoin d’attirer des gens dans le secteur public avec leurs compétences, dont on sait que tout le monde se les arrache et qu’elles deviennent rares.
Ce cercle vertueux c’est aussi l’originalité de la démarche du ministère de l’Éducation nationale en ayant d’un côté, à la DNE, le portage du socle avec Laurent Le Prieur et on a eu la présentation de Nicolas Schont du pôle EOLE [20], le portage de la question de l’ouverture des données avec Philippe Ajuelos et celui, avec Alexis Kauffmann, des ressources éducatives libres. Ce seul ministère-là a cette vue à 360 degrés qui correspond à celle qu’on souhaite vouloir partout dans l’administration. Donc je me réjouis vraiment et je remercie à nouveau la DRANE de Lyon, l’ENS Lyon et le ministère, la DNE, pour l’organisation de ces journées magnifiques.
Je conclus, je sais que vous attendez ça. Il y a des actions, il faut agir, il faut y aller. Je fais ma liste de courses pendant qu’on m’écoute pour la DNE directement. On peut ouvrir plus de ressources. Le covid a montré qu’à un moment donné il y avait des ressources du côté du CNED qu’on aimerait voir ouvrir plus dans le respect du droit d’auteur ; des ressources du côté de Canopé. Il y a aussi, pour l’Éducation nationale, l’enjeu de porter des nouveaux projets peut-être via le réseau beta.gouv [21] , le réseau de services numériques innovants que nous portons à la DINUM.
Il faut continuer à mobiliser pas seulement les académies en décentralisé, en déconcentré, mais les collectivités. Il faut écouter l’AFUL qui a un discours sur la gestion des logiciels libres avec les collectivités et l’ADULLACT [22], François Élie est dans la salle, qui continuer à essayer d’expliquer comment il faudrait que les collectivités passent les frais logiciels en frais d’investissement et non plus en frais de fonctionnement, qu’on avance sur ces points juridiques.
La bonne nouvelle c’est que, sans vous mettre la pression, l’Europe nous regarde, les administrations européennes avancent : le 17 mars a été signée une déclaration [23], a été adoptée une déclaration par les 27 pays membres demandant de continuer les efforts que nous portons à la DINUM et de les répliquer. Des pays nous contactent pour avancer de même et je pense que sur le secteur éducatif il y aura une forte sollicitation.
Le Libre est nécessaire mais pas suffisant, évidemment que tous les problèmes éthiques du numérique ne sont pas résolus par le Libre. Le Libre amorce une discussion et nous devons prolonger cette discussion.
Mon dernier mot sera de dire que le Libre est une chance pour le secteur public, on doit s’emparer de cette chance, monter en compétences, mais le secteur public est aussi une chance pour le logiciel libre. Quand vous faites un projet dans l’administration, vous avez plus de chances d’y trouver de la diversité de genre, pour ne citer que ça, que quand vous prenez un projet open source au hasard dans la nature. Cette double chance est un rendez-vous à ne pas manquer et je prends date pour les prochaines rencontres l’année prochaine.
Merci beaucoup.
[Applaudissements]
Alexis Kauffmann : Pour clore cette journée, François Wolf de la DNE, de la direction du numérique pour l’éducation dont Bastien a souligné la vue à 360 degrés, j’ai trouvé ça très engageant.
Clôture – François Wolf, chef de service, adjoint au directeur du numérique pour l’éducation
François Wolf : Merci Alexis.
Je ne suis pas professeur et encore moins professeur de philosophie. Je succède à deux professeurs de philosophie qui, d’une certaine manière, ont déjà très bien conclu la journée. Je les en remercie et je remercie en particulier Bastien qui nous donne des choses à voir extrêmement positives et dans lesquelles, nous DNE, devons nous inscrire.
Il semblerait qu’il faille quand même conclure cette journée.
Tout d’abord je vous dirai, je ne sais pas si vous pensez tous la même chose, que dehors on a un temps d’hiver, il fait gris, il y a de la neige, mais ici c’est plutôt ensoleillé et j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de chaleur, beaucoup d’enthousiasme et, en tout cas en ce qui me concerne, c’est une très belle journée et j’espère que c’est partagé par tous.
C’est une journée qui montre qu’il y a une dynamique très forte sur le logiciel libre pour l’éducation.
Je voudrais tout d’abord remercier tous les participants qui sont venus aujourd’hui, de la région, parfois de bien plus loin.
Je remercie bien sûr le recteur de la région académique et ses services, le délégué académique au numérique éducatif et ses équipes qui ont porté et organisé cet évènement.
Plus spécifiquement je remercie le local de l’étape tout d’abord, Cédric Freyssinet de la DANE [Délégation académique au numérique éducatif], qui a beaucoup œuvré pour cette journée [applaudissements] et bien sûr je remercie Alexis Kauffmann qui a organisé cette journée [applaudissements]. On l’a dit à plusieurs reprises, Alexis nous a rejoints en septembre 2021, donc il y a fort peu de temps, nous en sommes très contents. Je rappelle que le rôle d’Alexis, parce que je l’ai entendu dans une des tables rondes, ce sont les logiciels et les ressources éducatives libres dont il s’occupe à la DNE. Toutes les ressources éducatives libres font bien partie de son champ.
Belle journée de mobilisation autour des logiciels libres. Je crois qu’on a pu voir aussi une très forte synergie entre le domaine scolaire et le domaine du supérieur. On a eu la table ronde [24] et, je crois, des ateliers sur le domaine du supérieur ; nous sommes plutôt orientés sur le scolaire même si nous avons aussi une vision de l’enseignement supérieur.
On a aussi eu la très belle contribution de Bastien. On voit tout l’intérêt que la direction interministérielle du numérique porte au logiciel libre et je pense que nous sommes parfaitement alignés, comme l‘a dit Bastien, avec ces orientations.
Je pense que cette journée montre aussi le niveau d’engagement des acteurs. Il y a une très forte contribution, c‘est la nature même du logiciel libre et de la fabrication des ressources éducatives libres. Il faut aussi remercier tous ces contributeurs qui, la plupart du temps, investissent très largement sur leur temps libre et dans des conditions de bénévolat. J’en profite, je les remercie tous.
Que peut-on retirer de cette journée au-delà d’abord du constat de diversité, de richesse, qui a irrigué un petit peu tous les ateliers et toutes les conférences.
J’ai trouvé que c’était une très bonne idée de démarrer la journée avec la conférence d’Isabelle Huynh et Agnès Crepet [1], je n’en ai vu qu’une partie, parce qu’elle montre que le Libre s’inscrit complètement dans des préoccupations sociétales très actuelles et qu’il s’agit bien d’avoir un numérique qui soit plus responsable, plus durable, plus inclusif. Ses valeurs, les valeurs du Libre qui sont les valeurs de partage, de coopération, sont bien sûr au cœur du projet éducatif.
Ça s’inscrit aussi, ça a été dit dans une des tables rondes, dans un mouvement beaucoup plus large de l’open data, de l’open science.
Un des points que je retiens aussi de cette journée c’est l’importance des infrastructures. Le Libre ce sont beaucoup d’initiatives individuelles, mais, pour qu’elles puissent correctement s’épanouir, il leur faut un écosystème solide. Nous étions très contents, au niveau de la DNE, de pouvoir montrer les initiatives autour de BBB [BigBlueButton] et de apps.edu [25] dont l’ambition est de fournir des communs numériques, des infrastructures robustes au plus grand nombre.
On a pu voir aussi dans une table ronde sur le supérieur que l’Amue [Agence de mutualisation des universités et établissements d’enseignement supérieur ou de recherche] s’investit très largement sur le Libre pour créer des logiciels pour la gestion de la scolarité. Là aussi on est sur de grandes infrastructures.
À côté il y a toutes ces initiatives libres. Pour leur donner une bonne assise, je pense que l’atelier qui a été consacré à la forge est un élément tout à fait important justement pour permettre à ces initiatives de se développer.
Enfin, il faut aussi souligner que cette journée, je pense, a permis à beaucoup d’acteurs, tout du moins je l’espère, de découvrir, d’être sensibilisés sur le sujet à travers les ateliers, à travers l’exposition, à travers les stands, et peut-être que ça a permis de faire naître des vocations, peut-être que de futurs contributeurs, de nouveaux acteurs, voudront créer des outils dans ce cadre.
Forts de cet intérêt pour toute cette journée, comme l’a dit Bastien, comme on l’a déjà laissé entendre à plusieurs reprises, nous souhaitons mettre en place un évènement de même type chaque année qui sera certainement itinérant, peut-être l’année prochaine à Strasbourg ou bien à Rennes, nous ne le savons pas encore, qui permettra de continuer à mobiliser cette communauté.
Pour créer un fil d’ici l’évènement de l’année prochaine nous allons ouvrir un compte Twitter, c’est très simple, @LeLibreEdu [26], je pense que vous savez qui sera derrière ce compte Twitter, je ne vous fais pas de dessin. Ce sera un moyen de garder ce fil entre nous tous et avec une communauté la plus large possible.
Pour terminer je rappellerai que Richard Stallman indiquait dans sa philosophie du Libre, mettait en avant – et je crois que quand on est Français ça faisait et ça fait toujours plaisir – que c’est la devise de la République française qui représente le mieux le Libre avec liberté, égalité, fraternité. Liberté qui permet à chacun de choisir, d’être autonome, égalité parce que le Libre porte les valeurs d’inclusion et fraternité parce qu’il s’appuie sur la coopération et la confiance.
Merci à tous pour avoir participé à cette journée. Je souhaite un bon film à ceux qui restent encore un peu. Merci.
[Applaudissements]