- Titre :
- Logiciel libre et économie solidaire : les conditions de la rencontre
- Intervenant :
- François Poulain
- Lieu :
- RMLL2015 - Beauvais
- Date :
- Juillet 2015
- Durée :
- 42 min 02
- Licence :
- Verbatim
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Présentation
Alors que l’éthique des structures de l’économie solidaire est très alignée avec celle du mouvement du logiciel libre, on ne peut que constater que les deux mondes se côtoient et se regardent en chiens de faïence.
C’est paradoxal, car les « grands comptes » et parmi eux ceux qui ne s’embarrassent pas d’éthique ont depuis des années su s’approprier à leur profit l’immense bouillonnement intellectuel innovant et créatif qui gît dans les communautés du libre et de l’Internet « libéré ». De fait, la plupart des geeks mettent leur intelligence au profit de ces gens-la.
Parallèlement, les petites structures de l’économie solidaire ou les associations sont souvent mal équipées en informatique, même relativement à leur moyens. Les situations sont souvent médiocres, avec des « installations précaires », des machines récalcitrantes, qui tombent en marche de temps en temps mais qui sont régulièrement sources de stress et de perte de temps.
L’informatique libre serait elle réservée en pratique à ceux seuls qui disposent en masse du capital financier et culturel ? C’est la question qui est posée au cours de cette conférence, avec une discussion sur les pistes possibles pour sortir de cette situation.
Transcription
Bonjour. Moi c’est François Poulain. Je vais me présenter juste après. Je viens parler de logiciel libre et économie solidaire, en essayant de faire un peu une analyse sur ce que j’appelle les conditions de la rencontre. Pour cadrer rapidement, j’appelle économie solidaire le pan de l’économie qui est respectueuse à la fois de l’humain et de la planète, sachant que la planète c’est un moyen pour l’humain. On parle souvent d’économie sociale et solidaire. Pour faire simple, pour les gens qui ne sont pas au courant, il y a un peu la dichotomie entre économie sociale et économie solidaire qu’il y a entre logiciel libre et open source. Donc c’est un peu, en gros « est-ce que vous vous concentrez sur les moyens ou sur les finalités ? » En logiciel libre, la finalité c’est de libérer les gens et, éventuellement l’open source, c’est un moyen, mais si on se concentre uniquement sur les moyens, on peut perdre de vue les finalités, ce qui est, des fois, embêtant. Ça c’est un peu la description à l’emporte-pièce.
Donc, moi je suis avant tout un geek. J’ai des tendances vim, amateur de Bobby Lapointe. Je suis aussi un militant, dans le logiciel libre depuis un peu plus de dix ans. Dans l’éducation populaire. Comment ?
- Public :
- Tu es jeune !
- François Poulain :
- Oui, je suis un petit jeune, Fred.
- Public :
- Tu es stressé, je dirais. On dirait Bobby Lapointe. Inaudible.
- François Poulain :
- Oh ! Excuse-moi. Enfin, bon ! Donc dans l’éducation populaire, notamment sur le biais de l’informatique, vulgarisation des sciences, etc. Je m’intéresse aussi à tout ce qui est contrainte climat/carbone. On peut en parler autour d’une bière, quand vous voulez. Et je suis aussi un bidouilleur. J’ai un background scientifique, j’ai fait une thèse scientifique, etc. J’ai fait du développement informatique. Je fais du bricolage. En ce moment je m’amuse avec des rabots, des trucs comme ça, pour bricoler une yourte. Et ça reviendra un peu dans la présentation, mais j’ai une éthique personnelle qui est complexe, mais notamment, un point d’éthique personnelle qui est important, c’est de pas être au service de ses ennemis. Moi je ne cherche pas à imposer mes volontés politiques aux autres, mais, par contre, j’essaye de ne pas me mettre au service des gens qui sont politiquement mes ennemis. Mes ennemis politiques, les caricatures c’est Monsanto et Microsoft, si vous voulez comprendre.
Donc la problématique que je posais dans la description de cette conférence, c’est de voir qu’il y a entre l’économie solidaire et le mouvement du logiciel libre, il y a un peu des mouvements qui sont colinéaires, en tout cas qu’il y a une certaine surface de points communs, autour, par exemple, de choses comme l’émancipation de l’individu, la justice sociale, le partage de la connaissance, etc. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, je pense que vous êtes, à peu près, tous convaincus. Malheureusement, on ne peut que constater qu’ils se regardent, pour beaucoup, en chiens de faïence. C’est-à-dire que l’appropriation réciproque, elle existe, mais elle est trop rare, trop exceptionnelle. Je ne sais pas, par exemple, même aux RMLL, qui, parmi tous les visiteurs, se revendique de l’économie solidaire, mais ce n’est pas évident qu’il y en ait beaucoup. A contrario, lorsque je fréquente des mouvements un peu plus alternatifs, il n’est pas évident de rencontrer des libristes ; il y en a, il y en a heureusement, mais c’est encore trop rare. On constate sur le terrain, que beaucoup d’associations militantes, de collectifs, d’entreprises d’économie solidaire, etc., ne s’approprient pas assez le Libre. Il y a des mouvements sympas et des mouvements émergents, mais la plupart des entreprises qui se revendiquent du logiciel libre, sont rarement des entreprises d’économie solidaire. La plupart de mes potes geeks bosse pour des banquiers, pour des agences de marketing, pour faire simple. Voilà. Donc ça, ça froisse un peu, nécessairement, mon éthique personnelle, comme je le disais, de ne pas se mettre au service de mon ennemi.
Il y a aussi des problématiques d’alignement entre les discours et les pratiques, donc de crédibilité. Je pense que c’est vrai, à plus forte raison, au niveau des structures d’économie solidaire qui, régulièrement, n’ont aucun problème de claquer plusieurs milliers d’euros dans des logiciels privateurs. Enfin, à tort ou à raison, peu importe, mais ça crée un désalignement entre les discours et les pratiques. Et l’ironie, aussi, de tout ça c’est que tous ceux qui ne s’embarrassent pas d’éthique, on peut citer des noms comme Facebook, etc., eux, ils profitent très bien du Libre. Ils n’ont aucun problème avec ça. Le bouillonnement culturel, intellectuel, de l’informatique libre et du mouvement du Libre, eux, ils en profitent très bien. Donc c’est un petit peu gênant ! Enfin, de mon point de vue, c’est un petit peu gênant !
Tout ça, ça arrive, malgré de la documentation qui est exhaustive, des conférenciers. Si je voulais me moquer un peu, en fait, moi quand j’étais au début, que je m’impliquais pour le Libre, je faisais beaucoup d’install-parties. J’étais technicien, je me sentais utile à faire ça. J’allais voir les gens, je leur disais : « Eh bien tiens, on est prêt à consacrer quelques heures pour dépanner les gens ». Et puis, avec le temps, on se lasse un peu, on se rend compte qu’on a passé quatre heures à souffrir sur une machine. La personne repart, elle a un truc installé à peu près proprement, on ne sait même pas si elle va l’utiliser. Ce n’est pas toujours évident d’avoir du retour, et du coup on se dit « tiens, ça serait intéressant de trouver un moyen de toucher plus de gens ». On se dit « on va faire des conférences. » Les conférences, on y consacre un peu moins de temps, et on touche plus de gens. Donc c’est cool ! Sauf que, d’expérience, en tout cas mon analyse à posteriori de la situation, c’est que, que ce soit de faire de la documentation, de la vulgarisation, des Guides Libre Association [1] comme on fait avec l’April, ou qu’on fasse des conférences, ce sont des très bons outils de prise de conscience, ça participe beaucoup à la prise de conscience, il n’y a aucun doute là-dessus, par contre ce sont très peu, je pense, des outils qui font changer les comportements. Il y a plein de gens qui se sont intéressés à ça, en psychologie sociale ou quoi, les comportements, ce ne sont pas des choses qui s’alignent sur les convictions. C’est nécessaire d’avoir des convictions pour pouvoir changer les comportements, mais ça ne suffit pas. On peut trouver plein d’exemples.
Bien sûr, tout ce qui est moraliseur zélé, ça n’aide pas à faire avancer la cause. Moi, combien de fois j’ai vu des gens de bonne volonté, faire des choses qui avancent plutôt dans le bon sens plutôt que dans le mauvais, et se faire tacler sur une liste de diffusion en disant « ah, ça pue, ce n’est pas libre, ton truc ! » Ça, ce n’est pas forcément très pratique, mais bon, ce n’est pas le sujet de la conf. Et le tout, aussi, malgré une certaine bonne volonté. Moi je suis assez optimiste sur la nature humaine, etc., donc je pense qu’il y a plus de gens de bonne volonté que de gens de mauvaise volonté. Alors j’essaie de travailler avec les gens de bonne volonté, et puis de voir comment, avec tous ces gens de bonne volonté, on peut faire des choses, parce que je constate qu’il y en a plein.
Une partie du problème, je liste un peu des choses que j’ai recensées et qui m’ont aidées à essayer de structurer une solution, on va dire, que je vous soumets à réflexion, c’est que, déjà, le marché du Libre, souvent il ne répond pas aux besoins de ces structures. Un exemple de chose qui arrive c’est que, si vous étiez à la conf de Jean-Michel Armand hier soir, qui était très bien, vous verrez que les libristes se spécialisent. La plupart des boîtes qui font du Libre, et la plupart des gens que je connais, que je serais prêt à payer sur mes deniers personnels pour faire du logiciel pour moi, ce sont des gens qui sont extrêmement spécialisés.
Quand une asso a une problématique du style « mon Thuderbird, il ne veut pas marcher », il n’y a pas beaucoup de boîtes qui offrent du service à ce niveau-là, on va dire. Les gens vous font Framework de dev, machin, Jumbo truc, mais les problématiques de terrain sont souvent délaissées. Et des contre-exemples, il y a Lucien qui est là, il y en a d’autres, il y a Demo-TIC [2], Voilà. Il y a des contre-exemples trop rares. Mais la plupart des libristes sont très spécialisés.
Une autre chose que j’ai vue, que j’ai vécue, c’est que les libristes sont très probes, c’est très bien, mais du coup ils ne se mouillent pas en terrain hostile. Quand vous avez une asso qui est dans une situation où elle est en 100 % propriétaire ou presque, et que, si on veut la faire avancer vers du Libre, eh bien, il faut bien partir continûment de la situation où elle est. On ne peut pas arriver en disant, en claquant des doigts, « tac, on va changer toutes les machines, on change toutes les habitudes, on change tous les logiciels », ça ne marche pas. Quand on regarde des processus de migration un peu sérieux, ça prend des années, quoi. Et donc, il y a une phase transitoire qu’il faut être prêt à accepter.
Moi j’ai vu des cas où des assos ont sollicité des entreprises qui font du Libre, en leur disant « on a ça, on a ces besoins-là, est-ce que vous pouvez répondre à nos besoins ? » Le libriste dit : « Non, non. Moi je veux bien vous installer un serveur Apache, mais alors, le reste, je ne m’en occupe pas ! » Voilà, ce sont des choses qui existent.
Un autre problème aussi, c’est que les petites structures, que ce soit associatives, petites entreprises, d’ailleurs que ce soit de l’économie solidaire ou non, elles sont très friandes de composants sur étagère. Donc un composant sur étagère, c’est « j’achète le logiciel Sage ou EBP compta ou je ne sais pas quoi, ça me coûte deux bras, mais ce n’est pas grave, il est dispo, il s’installe en trois clics, et il marche ! » Et le Libre est assez mauvais pour fournir ça. C’est-à-dire, qu’en général, soit il y a des composants sur étagère, libres, qui existent et qui sont gratuits, et c’est génial, tout le monde est content, exemple Mozilla Firefox, LibreOffice, Apache, etc. Soit il n’y en a pas, et alors là, c’est extrêmement difficile d’en faire émerger un. Voilà.
Donc, la conclusion de tout ça, c’est que eh bien bonne nouvelle, si le marché ne s’occupe pas de ces points-là, on va le faire hors marché. Enfin, moi c’est mon point de vue.
Une autre partie du problème, je pense, c’est la compétence des gens, notamment les gens qui sont dans les structures associatives au sens large. On constate souvent un manque d’intérêt sur l’informatique en général, mais ça ce n’est pas propre aux structures de l’économie solidaire, c’est tout le monde dans la population. Vous avez la plupart des gens qui n’ont jamais appris comment ça fonctionne, un peu, l’informatique et, en fait, ils se retrouvent avec des machins magiques sur lesquels ils cliquent et qui font des choses qu’ils ne comprennent pas. C’est le point de vue de la plupart des gens. La conséquence pratique de ça, c’est qu’il y a un manque d’expertise interne. Manque d’expertise interne, ça veut dire que les gens, en général, ne sont même pas capables de savoir qu’est-ce qu’ils pourraient faire sur le terrain informatique. Un exemple concret : la plupart des associations ou des petites entreprises, etc., se font imposer l’informatique de l’extérieur. Ça veut dire quoi se faire imposer l’informatique de l’extérieur ? Ça veut dire que, pour communiquer avec le client, ou le financeur, ou etc., eh bien il faut des logiciels de bureautique, généralement propriétaires. Pour faire la compta qui est exigée par la législation, il faut des outils, généralement propriétaires, et, en gros, on s’arrête là. La plupart des structures, par exemple, quand vous vous intéressez à leur problématique métier, c’est quoi leur cœur de métier et que vous regardez comment ils gèrent ça, ils gèrent ça avec des fiches papier. Il y a des contre-exemples. J’ai rencontré Lien Plus [3], il n’y a pas longtemps, où vous leur avez fait un outil métier sympa. Bon, il y a des contre-exemples. Donc voilà !
Moi je pense que la montée en compétences est consubstantielle à l’émancipation des gens, à leur réappropriation de l’informatique. Et le parallèle que je fais souvent, je fais souvent un parallèle avec le monde paysan, des trucs comme ça. Quelqu’un qui est en agriculture conventionnelle et qui veut aller vers du bio, par exemple, il va falloir qu’il se pose la question de comment fonctionne un sol. S’il ne se pose pas cette question-là, il va rester forcément prisonnier des produits phytosanitaires, parce que l’intérêt de ces produits-là, c’est justement que vous ne posez pas de questions. Vous raquez, vous détruisez votre sol, vous polluez tout le monde, mais ce n’est pas grave, vous ne vous posez pas de questions.
Donc la montée en compétences, elle est vraiment essentielle et consubstantielle à l’émancipation. Il faut avancer là-dessus. Et ça, même avec toutes les bonnes volontés du monde, la plupart des prestataires, en fait, ils ne font pas de montée en compétences. Ils arrivent, ils dépannent ce qui est tombé en panne, ils repartent. Ils n’ont pas le temps, ils n’ont pas les moyens de faire différemment.
Une partie du problème, aussi, c’est la mauvaise orientation des budgets, c’est-à-dire ce que je disais tout à l’heure. Ce n’est pas forcément que le monde de l’économie solidaire manque spécialement d’argent. Le problème c’est qu’il a des contraintes, et il va dépenser son argent, pas forcément de la bonne façon. Un exemple : à mon avis, sur l’Île-de-France, si vous prenez l’ensemble des licences Sage ou Ciel Compta ou ce que vous voulez, qui sont achetées par des structures de l’économie solidaire, vous réunissez cet argent, je pense que vous avez de quoi développer dix fois Sage, sans problème, en Libre, cash, en six mois. Donc voilà ! Ça c’est une mauvaise orientation des budgets. L’argent existe, mais il n’est pas employé correctement, pour plein de bonnes raisons probablement, mais il faut y travailler.
Il y a aussi un problème de tout ce qui est prestations en dehors des maintenances. C’est-à-dire que soit les gens ont un truc qui tombe en panne, ils font intervenir quelqu’un, il répare et puis il repart, mais tout le reste, qui menace de s’écrouler autour, reste présent. Soit les gens, de toute façon, manquent de compétences internes, ils n’ont pas la culture informatique de comment ça marche, donc ils se disent « c’est cool on va installer ça », ils le font installer, et puis derrière, ils accumulent de la dette technique parce que le truc n’est pas suivi, le truc n’est pas monitoré, le truc n’est pas backupé. Ils ne sont même pas au courant que ces trucs-là se font, et donc ils accumulent de la dette technique, en prestations comme ça. Ça arrive régulièrement.
Et puis, eh bien, une mauvaise orientation des budgets, pour moi, c’est l’absence d’internalisation. Je parle depuis tout à l’heure qu’il n’y a pas de compétences internes Internaliser les compétences en informatique, à mon avis ça fera partie de la solution. [Il y en a encore. Ouais, il y en a encore].
Une partie du problème aussi, c’est la pratique solidaire des acteurs du Libre. J’en parlais tout à l’heure. En fait, ce qu’il faut voir, c’est que quand on est libriste et que quelqu’un de l’extérieur vient nous voir, comment dire, on juge la personne avec nos codes. Et très rapidement, on peut rejeter ou embrasser la personne en suivant nos codes. Est-ce qu’elle est respectueuse de la netiquette si elle écrit sur une mailing-liste ? Des trucs comme ça. Ce n’est pas forcément des choses qui se font violemment, mais on le fait, plus ou moins tacitement, plus ou moins volontairement. Eh bien, c’est pareil, en fait, chez les acteurs de l’économie solidaire. Si vous allez les voir, ils vont se poser des choses comme « c’est quoi votre forme juridique ? » Ils vont se poser des questions de : « C’est quoi la justice sociale ? Quel est l’échelon des salaires que vous pratiquez dans votre entreprise ? Est-ce que c’est normal que la petite secrétaire soit payée quatre fois moins cher le boss ? » Il peut y avoir des problèmes de conflit d’intérêts. Adhérence aux valeurs. Par exemple, si vous allez voir des gens qui sont un peu écolos, et que vous les incitez à changer de téléphone portable tous les six mois, il va y avoir un problème d’adhérence aux valeurs.
Ce qu’il faut voir c’est que les acteurs de l’économie solidaire ont aussi des exigences, qui sont tout à fait légitimes, et qu’il faudrait penser, côté libristes, à respecter. Moi, ce qui me semble assez important, ce sont ces aspects-là, donc les formes juridiques ; d’appartenir à l’économie solidaire ; la justice sociale parce que ce sont des choses que les gens regardent ; l’adhérence aux valeurs.
Les libristes ont une fâcheuse tendance à gaspiller beaucoup de matériel informatique, et de l’autre côté, les gens de l’économie solidaire ont une fâcheuse tendance à être plutôt écolos. Donc il faut faire attention aux sensibilités de chacun.
Les conséquences de tout ça. Je vais passer assez vite parce que ce sont des choses que j’ai plus ou moins redites.
Souvent les structures ont un défaut d’équipement. Je parle d’équipement au sens large, c’est-à-dire que ça peut être en logiciels, en services, tout ce que vous voulez, elles sont mal équipées. Il y a un défaut de maîtrise, pas de compétences internes. Ça réduit leurs possibilités de choix, parce que le dialogue avec les interlocuteurs, que ce soient des interlocuteurs honnêtes ou pas, il est difficile. Ça a des conséquences pratiques. La plupart des gens, quand ils se font imposer l’informatique, comme je disais, une contrainte subie, ça crée des situations anxiogènes. C’est : « Ah, le logiciel ne fait pas ce que je veux ! J’ai perdu du temps ! J’ai perdu des données ! » Enfin, ça n’arrête pas et les gens ne sont pas très confiants, souvent, face à ces outils.
Alors le dépannage c’est possible, bien sûr, mais c’est le versant curatif. J’ai plein de cas où ça m’est arrivé de dépanner des gens, parce que le réseau ne marchait plus parce qu’il y avait un câble qui était avec une fiche cassée. La femme de ménage passe, elle met un coup de balai dans la box et paf, c’est débranché ! Le problème c’est que si je rebranche le câble et que je ne fais rien d’autre, la chose se reproduira.
C’est limité, parce que faire construire une infrastructure par un prestataire, ou résorber de la dette technique, ça coûte très cher, 600 euros de la journée, si vous avez dix jours de travail, les associations elles se sont pas toutes prêtes à investir ça. Et donc, la question, bien sûr, c’est « est-ce que ce genre de traitement, on va dire un peu plus préventif, serait limité aux acteurs qui disposent du capital ? » Parce que je n’ai pas détaillé ça, mais pour moi, il y a une forte différence entre des structures de grosse taille et des structures de petite taille. C’est que les structures de grosse taille internalisent les compétences et elles peuvent, comme ça, faire du traitement préventif, faire de la surveillance de service, etc.
Donc maintenant, je vais passer un peu sur un projet que je mène depuis début avril, qui, je pense, fixe un certain nombre de problèmes. Peut-être pas tous et puis, de toute façon, je n’ai pas encore sérieusement commencé à travailler, donc il va sûrement y avoir des nouveaux problèmes qui vont apparaître en cours de route et des nouvelles solutions à chercher en cours de route. Moi j’essaie de faire de l’informatique, y compris en milieu rural, parce que j’ai emménagé au milieu du Pas-de-Calais, qui est extrêmement rural : la première ville significative est à 50 minutes de route. Et une de mes problématiques aussi, en étant en milieu rural, c’est d’avoir suffisamment de travail pour être viable. Je ne peux faire quatre jours de démarchage, une journée de travail, et facturer trop cher ma journée de travail pour rattraper mes quatre jours de démarchage. En plus, je n’aime pas démarcher, je suis un geek ! Donc voilà, j’essaye de concilier ces deux contraintes en montant un groupement d’employeurs.
En gros, un groupement d’employeurs, c’est une forme juridique qui me permet d’être à temps partiel, très partiel, dans différentes associations ou entreprises. Donc on crée une forme juridique, association, entreprise, Scop, ce que vous voulez, et les structures qui profitent du service, les souscripteurs, sont membres de ce mouvement-là. Ce mouvement-là me salarie via l’argent qui est reversé au groupement, et moi je travaille pour les structures. Je vais détailler un petit peu comment ça se passe.
En gros les structures intéressées se regroupent pour payer le salaire. En échange, l’informaticien travaille chez elles à temps partiel. Moi j’appelle ça une « Amie »,Association de Maintenance Informatique [4]. La ressemblance avec AMAP n’est pas fortuite en fait. Si vous ne connaissez pas les AMAP, en gros, ce sont des gens qui veulent soutenir l’agriculture paysanne, qui disent « on se rassemble, on paye le salaire d’un paysan qui cultive la terre ». Voila. Très souvent c’est un maraîchage et, conséquence, mais pas finalité, on profite des fruits du travail du paysan, par exemple on récupère des fruits, des légumes, des œufs, éventuellement de la viande, etc.
Moi, pour le A de Amie, je vise une organisation associative. Je migrerai peut-être vers une Scic, plus tard, pour les gens qui connaissent, mais actuellement, ce n’est pas le sujet qui me préoccupe le plus. Donc le A de Amie c’est une association. L’idée c’est de ne pas avoir des clients, mais des associés, parce que je n’ai pas détaillé ça, mais aussi, dans la relation commerciale, de temps en temps, il y a des conflits d’intérêt. Moi j’ai vu plein de cas où le fait d’avoir des choses à vendre, surtout quand, en face, les gens n’ont pas l’expertise, n’aide pas à, comment dire, à négocier les choses sur une base équitable. Donc je trouvais intéressant de dire que l’Amie n’a rien à vendre. De toutes façons, le statut de groupement d’employeurs interdit une activité commerciale. Il est fait pour permettre une activité de travail à temps très partiel, on va dire.
- Public :
- Est-ce que les clients sont membres ?
- François Poulain :
- Oui.
- Public :
- Donc adhérents ?
- François Poulain :
- Oui, moi je nomme ça des souscripteurs, mais voilà, ils sont associés, souscripteurs, adhérents, ce que vous voulez. Après ça dépend de la forme juridique. Dans le cas d’une association ils peuvent être adhérents, ils peuvent être administrateurs ; dans le cas d’une Scic, ils peuvent être associés au collège de décisions. On peut faire des groupements d’employeurs en SA, je ne sais pas ce qui se passe dans ce cas-là.
Donc l’idée, c’est qu’une structure qui veut profiter du service, eh bien elle est adhérente de l’association. Elle paye une cotisation pour couvrir les frais de fonctionnement, elle siège au CA, donc elle participe des décisions qui relèvent de la vie associative. Typiquement, la vie associative d’une structure comme ça, est assez réduite, ça va être des décisions stratégiques, par exemple d’employer ou pas une personne, en phase d’expansion ; ça pourrait être aussi de licencier, je n’espère pas, pour le moment personne n’est employé. Ça peut être fixer le montant des cotisations. On regarde les budgets, on voit « ah bien oui, ça ne fonctionne pas, il faut augmenter. Ou alors, l’an dernier, on a dégagé de l’excédent donc on peut diminuer. » Ce sont des choses un peu de base, comme ça.
En échange, un souscripteur reçoit le service de l’Amie, c’est-à-dire un informaticien mis à disposition de façon régulière, par exemple pour régler les problèmes de terrain qui sont propres à chacun. Un informaticien, aussi, travaille sur des services mutualisés. Il y a plein de trucs qu’on peut mutualiser intelligemment en informatique. Je vous laisse imaginer, je ne vais pas vous apprendre grand-chose là-dessus. Et puis, bien sûr, on peut faire aussi des formations. Moi je parlais de monter en compétences, c’est important. Par exemple les bénévoles, ou les personnels, disposent d’un accès libre à toutes les formations dispensées. C’est le fruit du travail, en fait, de la personne qui est employée.
Au quotidien, pour un souscripteur, on est intégré au même titre que n’importe quel employé, on apparaît au registre des personnels. Il faut penser un peu comme un temps partiel, un temps très partiel. Quand je dis très partiel, ça veut dire quelque chose comme une journée par mois. Ça peut être moins, ça peut être plus, c’est à discuter.
Moi je suivrai des méthodes agiles [5], et puis un certain nombre de valeurs que j’affiche, par exemple de privilégier le réemploi informatique, d’avoir une démarche qualité, on va dire, en faveur du logiciel libre. Je ne cherche pas à casser ce qui existe, mais tout ce que je déploie, sauf très bonne excuse, devra aller vers le Libre, etc.
Je ne vais pas détailler ça, c’est destiné aux gens qui ne connaissent pas l’informatique.
Les chiffres, en gros, pour que ça puisse fonctionner. Je fais une hypothèse, par exemple, de salarié à temps partiel aux trois cinquièmes. Ça me fait 12 jours de travail par mois. Donc si je suis une journée par mois dans chaque structure, ça veut dire que j’ai 12 structures qui sont souscriptrices. J’ai des dépenses, essentiellement du fonctionnement et des salaires. Fonctionnement c’est un petit loyer et puis des locations de serveurs. Les salaires, là je faisais l’hypothèse d’un gros SMIC, un truc du genre 1,4 SMIC, je crois. Donc, ça veut dire, ce n’est pas dur de faire la division, il faut 12 parts, à 24 000, donc 12 parts à 2 000 euros pièce. Ça veut dire que les structures, par exemple, pour 2 000 euros d’engagement annuel, disposent de mon temps à hauteur de 10 jours, etc. Ce temps, il peut se répartir, parce que, comme je disais, il y a du temps qui serait, on va dire, propre à chaque souscripteur. Il y a du temps qui serait mutualisé parce qu’on mutualise l’infrastructure de l’Amie, un certain nombre de services mutualisés. Des formations c’est typiquement un truc mutualisé. Il faut aussi mettre de côté du temps pour pouvoir faire des interventions d’urgence, soit directement sur site, sachant que je suis en milieu rural, je peux avoir des kilomètres à faire. Soit à distance via du SSH ou des trucs comme ça. Il y a aussi la gestion interne à prévoir.
Des remarques. Ce budget-là, il doit se substituer, à peu près, à un budget « prestations informatiques ». Donc je cible quand même, des associations ou des entreprises de taille suffisamment grosse, qui ont entre deux/trois et cinq/six personnes sur poste informatique. Ce n’est pas trop le genre d’offre qui est bon pour les assos qui ont très peu de besoins ou qui n’ont pas de salariés, etc.
Je vais proposer un tarif de lancement inférieur, parce que, comme ça, ça me permet d’essuyer des plâtres, on va dire, sans chercher à trop négocier. Et puis, eh bien le côté 9 jours chez le souscripteur et 2 jours en mutualisé, c’est une base de discussion, ce sera peut-être plus, ce sera peut-être moins. Il faudra qu’on apprenne, en cours de route, comment ça marche. Dans tous les cas j’essaye de rester sur des coûts assez faibles, des coûts journaliers assez faibles, parce que moi, mon pari c’est de travailler plus en facturant moins, plutôt que de travailler moins en facturant à donf, quoi !
- Public :
- Inaudible.
- François Poulain :
- Ce n’est pas pour gagner plus, non.
- Public :
- Tu n’as pas parlé des frais de transport du coup, puisque tu es en milieu rural et que tu vas devoir te déplacer.
- François Poulain :
- C’est dans les frais fixes. Mais, ouais, c’est quelque chose que je n’ai pas encore élucidé, parce que, en gros, au niveau du timing, je compte faire la constituante à peu près à la fin de l’année, si j’arrive à trouver suffisamment de monde partant, et je pense que, typiquement, la gestion des frais de déplacement et la gestion de plein de choses, c’est le genre de trucs auxquels j’ai envie d’associer le collège fondateur. Je n’ai pas envie de faire une offre clef en mains et que les gens disent : « OK, je signe là ». J’ai envie d’un truc un peu plus collectif.
Donc voilà. Conclusion. Ça c’est du marketing. Vous avez besoin d’une Amie, voilà ! Le futur, en gros, moi, j’aimerais constituer l’Amie d’ici fin 2015. Donc, pour la première année je ne vise pas 12 structures souscriptrices, je vais me limiter à 8, a priori. Sachant que je fonderai si j’en trouve 5/6, et sachant que je ne les ai pas encore, mais j’espère que c’est en bonne en voie.
J’aimerais grossir un peu, c’est-à-dire que je ne souhaite pas que l’Amie devienne un truc d’ampleur nationale, mais j’aimerais pouvoir partir en vacances, donc être deux/trois, ça peut être sympa pour ça. Et sachant que dans le milieu rural où je suis, deux/trois, ça veut dire qu’on a un rayon d’action qui va commencer à être plusieurs dizaines de kilomètres ; je ne pense que ce n’est pas négligeable. Il faudra voir comment ça peut faire.
J’aimerais essaimer. C’est pour ça que j’en parle aux RMLL, parce que je me dis « tiens, j’ai un modèle qui répond à un certain nombre de problèmes que j’ai identifiés ». C’est un modèle que je n’ai pas encore testé, mais j’espère, l’an prochain, vous faire un retour d’expérience, et j’espère qu’on pourra voir fleurir d’autres Amies, ailleurs sur le territoire.
Et puis j’aimerais aussi diversifier un peu l’activité. C’est-à-dire que moi je présente ça comme une association de maintenance, parce que c’est le besoin le plus commun que je vois chez toutes les associations ou les acteurs de l’économie solidaire que j’ai rencontrés. Mais en fait, il y a, aussi un point qui me semble essentiel, c’est d’écrire le logiciel. On parle souvent « ah tiens il n’y a pas de logiciel libre pour faire ci, il n’y a pas de logiciel libre pour faire ça ». Je pense que, quand on est un réseau d’acteurs, au lieu d’acheter des composants sur étagère, on peut se mettre ensemble et soit développer directement du logiciel libre, soit financer un prestataire pour le faire. Je n’ai pas de religion à ce sujet. Mais en tout cas, ce qui est important, c’est qu’il faut arrêter d’acheter des composants sur étagère. Il faut se mettre ensemble, en réseau, et écrire du logiciel qui nous appartient, et libre bien sûr, ça va sans dire.
Donc voilà, je suis un peu au bout, et si vous avez des questions, je serai heureux de partager avec vous.
Applaudissements
C’est calme.
- Public :
- Merci beaucoup. Je suis Florence d’une association qui s’appelle Assodev-Marsnet [6] à Marseille, et qui fait de l’hébergement aux associations, de la formation au Libre et de l’accompagnement, de la médiation. Moi j’ai bien aimé la comparaison avec les AMAP, parce que, nous aussi, on s’est fait une réflexion, d’ailleurs on avait appelé ça l’AMIP, Association de Maintien de l’Internet de Proximité, pour les hébergeurs locaux et je pense, qu’effectivement, il y a une réflexion, du moins un peu, de modèle économique où les usagers participent, en fait, au financement, participent complètement aussi au fonctionnement de leur prestataire de service. Et dans le cadre de l’hébergement, eh bien l’hébergement c’est un hébergement mutualisé. Plutôt que d’aller tous vers arf, l’idée c’est de se mutualiser et d’héberger ses propres données, en mutualisant les moyens, et en prenant un admin-sys et une organisation collective. Je trouve ça très intéressant et je voulais savoir d’où est venue l’idée, et est-ce qu’il y a un accompagnement ? Est-ce qu’il y a d’autres personnes qui font ça ?
- François Poulain :
- D’où est venue l’idée ? En fait, ça fait un certain nombre d’années que je fréquente les milieux militants, en faisant un constat qui est assez invariant. Comme je disais, malgré plusieurs années d’engagement dans le logiciel libre, en promotion, etc., je constatais qu’il y a un truc qui manque. Typiquement, combien de fois ça m’est arrivé, en événement ou en install-partie, de me faire solliciter par quelqu’un qui me dit : « Ah il faudrait que vous veniez chez nous, on a un parc à migrer, on ne trouve personne pour le faire ». Et je me dis « en bénévole je ne suis pas disponible pour ça, et en prestataire je n’en connais pas ». C’est-à-dire que des prestataires prêts à faire un travail de maintenance, en qui j’ai suffisamment confiance pour recommander, j’en connais quelques-uns en France, mais là c’était en région parisienne, je n’en connaissais pas, simplement.
- Public :
- Je parlais surtout de qui a eu l’idée de l’Amie ?
- François Poulain :
- Donc j’avais constaté depuis longtemps un besoin non pourvu, côté associations, et après je m’étais posé la question, à un moment de ma vie, éventuellement, de faire ça, en prestation par exemple. J’ai eu des occasions de travailler ou d’avoir des retours d’expériences avec des prestataires, et j’ai constaté que même avec les bonnes volontés du monde, on arrive à un moment où l’intérêt du prestataire n’est pas l’intérêt du client. Et du coup, ça me rebutait un peu. Je n’avais pas la formule à l’époque, mais ça me rebutait un peu. Il y a plein d’exemples. Il n’y a pas longtemps j’ai vu ça : un prestataire installe un ownCloud [7] sur un serveur dédié. L’ownCloud n’est pas sécurisé, donc c’est en http. Ça veut dire que les identifiants de l’association transitent en clair sur l’Internet. Connaissant très bien le monde associatif, j’imagine que l’identifiant de l’association en question, c’était le même que tous les identifiants de tous les comptes, partout. Donc, ça veut dire que ce n’est pas un travail très réjouissant de mettre un truc avec une connexion en clair. Et donc la personne va voir le prestataire, sur mon conseil, lui dit : « Non, mais il faudrait déployer un certificat SSL, au moins auto-signé, pour que les données transitent en chiffré ». Et la personne répond : « Ouais, mais vous avez épuisé votre quota de maintenance. Là, il va falloir payer pour ça. » Voilà ! Et il y a plein d’exemples, même avec des bonnes volontés, où l’intérêt du prestataire n’est pas forcément l’intérêt du client.
Donc moi j’avais pris cette conscience, et puis j’avais un peu laissé passer, je faisais d’autres trucs qui m’amusaient. C’est en fréquentant les gens du monde des AMAPs que, un jour, je me suis dit « pourquoi pas, en fait ». Et puis, je suis intéressé aussi par un modèle autogestionnaire, et donc c’est venu comme ça.
Est-ce que ça se fait ailleurs ? Moi je n’en connais pas. Ça se fait dans d’autres domaines. C’est-à-dire que j’ai découvert des gens qui mettent en commun, par exemple, des outils de comptabilité, d’avoir un comptable partagé dans plusieurs structures. Il y a des trucs comme ça. En informatique je n’en connais pas. Ce qui se fait beaucoup, c’est de la maintenance sous forme d’abonnement. Il y a beaucoup de prestataires qui font ça, des fois bien, des fois mal. Des fois très bien, il n’y a pas de problème avec ça. En fait, quand je dis que les associations font beaucoup trop de prestations sans maintenance, ce n’est pas toujours vrai, ça dépend des assos, mais ça se fait.
Et est-ce que je suis accompagné ? Eh bien en fait, là où je vis, il y a un tissu, on va dire, d’acteurs de l’économie solidaire qui est assez dynamique, et donc, c’est aussi en rencontrant ces gens-là que ça rend possible. Je ne pourrais pas me lancer dans une aventure comme ça sans avoir un solide réseau autour de moi, puisque trouver, quand même, réussir à dégager dix mille euros, quinze mille euros ou vingt mille euros de chiffre d’affaires, il faut trouver les gens prêts à mettre au panier.
- Public :
- Merci.
- Public :
- Et du coup, par rapport au groupement d’employeurs, tu choisis de créer ton propre groupement d’employeurs, quelque part, alors que finalement ce sont des structures qui existent. Alors pourquoi tu fais le choix de créer le tien ?
- François Poulain :
- C’est vrai que j’aurais pu imaginer me rattacher, me faire embaucher par une structure et faire de la prestation. Je ne m’y connais pas bien en droit fiscal, mais j’ai l’impression que ça serait attaquable comme, comment dire, non pas du travail dissimilé, de la concurrence déloyale.
- Public :
- Il existe de la concurrence loyale. Ça existe, il y a des structures qui existent.
- François Poulain :
- Ah d’accord. Du coup, moi je voulais un mouvement spécifique qui fasse de l’informatique à tendance libre auprès des structures.
- Public :
- Le groupement d’employeurs, c’est un outil spécifique. Après, les profils qui sont regroupés dans ce groupement d’employeurs, ça peut être n’importe quel profil. Donc il faut juste regarder si sur ton territoire il y en a, et après, il est peut-être proche, enfin à 50 kilomètres, mais peu importe.
- François Poulain :
- En l’occurrence il n’y en a pas, enfin il n’y en a pas tellement, que je sache. Pour moi ça ne me semblait pas une difficulté de fonder un groupement d’employeurs. Je fonde un groupement d’employeurs, comme je fonderais une association. D’ailleurs là, en l’occurrence, c’est une association qui a une activité de groupement d’employeurs. L’intérêt d’un groupement d’employeurs, pour moi, c’est que j’ai une seule feuille de paye. Et c’est tout quoi. C’est surtout un intérêt pratique, plutôt que de négocier un contrat de travail par structure.
- Public :
- Mais tu te retrouves avec des frais de gestion. Enfin tu te retrouves à devoir faire de la gestion administrative aussi, en plus.
- François Poulain :
- Ouais. Ça c’est une des raisons du choix de la forme associative. C’est, qu’en fait, les contraintes de gestion sont très faibles. Tu as juste les contraintes liées au fait que tu emploies un salarié. Aujourd’hui, avec un service comme le CE de l’URSSAF, c’est assez réduit. Il faut maintenir une petite compta, mais ce n’est pas quelque chose qui me fait peur. Ce sera moins compliqué que la compta de l’April que je tiens depuis cinq ans.
Rires
Et donc, le coût de gestion ne me fait pas trop peur. Mais par contre, je parlais tout à l’heure de grossir et d’avoir d’autres salariés. Un des problèmes de la forme associative, c’est qu’on ne peut pas associer les salariés à la gouvernance.
- Public :
- C’est un peu limite.
- François Poulain :
- Ouais. Mais je connais des associations qui sont très limitées par ça et c’est dommage. C’est le choix d’une structure type Scic qui permet de résoudre ce genre de problèmes. Le jour où il y a d’autres salariés et qu’on est plus gros et qu’on peut assumer des frais de gestion un peu plus conséquents, le passage dans une structure Scic est plutôt recommandé. Enfin, moi je le recommande.
- Public :
- Je voulais savoir si, ça c’est une question aussi pour Libre Association, est-ce qu’il serait peut-être intéressant de recenser tous les acteurs, un peu comme ce projet aussi, les acteurs soit d’associations, de « prestations » entre guillemets de service pour les associations, de service évidemment en logiciel libre, et aussi les associations qui sont médiatrices, c’est-à-dire qui accompagnent, en fait, les associations au Libre. Ça serait peut-être intéressant de recenser ces acteurs et puis de les sensibiliser aux diverses formes économiques, formes de fonctionnement comme la vôtre.
- Intervenant :
- On a commencé ce travail. Il n’est pas forcément systématiquement bien formalisé. D’abord, dans le Guide Libre Association, il y a quand même des structures qu’on a mises en référence, et puis, sur le wiki de travail de l’April, du groupe de travail, on a recensé toutes les structures dont on entend parler, justement à ces occasions-là. Il y en a, quand même, une bonne quantité qui y sont. J’ai rajouté l’Amie, je crois, de mémoire, mais il faudra que je vérifie. On a fait ce travail-là, pour l’instant il est sur un wiki. Après il faudrait faire ça, peut-être un peu plus propre, et puis l’organiser, le revoir un peu.
- François Poulain :
- Sur un autre versant, je me rends compte que mon métier n’est pas la maintenance informatique, c’est quelque chose sur lequel je me forme sur le terrain. Je me rends compte que d’avoir un lieu de retour d’expériences ou de discussions, pour des gens qui font, par exemple, de la maintenance, de la gestion de parc, orienté utilisateurs finaux, ça ce serait intéressant. S’il y a des gens qui sont dans le métier et qui ont envie de partager des expériences pour savoir quelle est la bonne solution technique pour partager des fichiers, machin, truc ? Quelle est la bonne solution technique pour maintenir des logiciels sous Windows, avec des configurations automatiques, des installations automatiques, etc. ? J’ai plein d’idées sur des choses à tester, mais je serais très intéressé de partager mes expériences et de profiter des expériences des autres.
- Intervenant :
- Encore une fois, Libre Association a, en partie, en grande partie, cette vocation-là. Par ailleurs, moi aussi, je suis des fédérations d’éducation populaire qui ont cette préoccupation. Alors je ne l’ai pas évoqué tout à l’heure dans la présentation, mais il y a une fédération d’éducation populaire, sur un territoire, en Moselle, qui a décidé, les salariés ont décidé, ont fait passer ça en CA, de migrer. Je les accompagne de loin parce que je ne suis pas sur le territoire, mais, effectivement, ils ont ces problèmes-là de connexion de l’imprimante, etc., et tout ça, il faut le partager. Parce qu’une fois qu’on a capitalisé ça, ça fait de l’expérience pour d’autres, et ça peut permettre d’aider. Donc oui, il faut partager. Alors la liste Libre Association [8] c’est une clef, c’en est une.
- François Poulain :
- Je parlais du versant technique, du coup, vraiment technique, quoi.
- Intervenant :
- Ouais. À réfléchir.
- François Poulain :
- Par contre, sur le volet besoins, services et tout, oui c’est le bon endroit, je n’hésiterais pas à y aller. Par contre sur le point de vue technique, je pense que si on se met à discuter de ça là, ça ne va pas être, forcément, le lieu bien, quoi. Je ne sais pas quelle forme ça prendra, mais s’il y a des gens que ça intéresse, eh bien n’hésitez pas à m’envoyer un mél [9]. Moi je n’ai pas encore de serveur de listes, mais ça va venir. Il y a plein de gens qui ont des serveurs de listes qui peuvent accueillir une liste en plus. J’ai des idées là-dessus. Bon, c’est fini.
[footnotes /]