- Titre :
- Les logiciels libres
- Intervenant·e·s :
- Magali Garnero - MeTaL_PoU - Tristan Nitot - Camille Pétron - JC Frog - Antonio Casilli
- Lieu :
- MOOC-CHATONS#1 - Internet, pourquoi et comment reprendre le contrôle - C’est quoi les solutions ?
- Date :
- décembre 2019
- Durée :
- 8 min 39
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- bannière April société libre logiciel libre APITUX - Jean-Christophe Becquet - Licence Creative Commons CC BY SA
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Magali Garnero : Pour moi le logiciel libre c’est le logiciel qui libère ses utilisateurs. Là on se demande comment un logiciel pourrait libérer ses utilisateurs. Eh bien tout simplement parce qu’il respecte quatre libertés :
la liberté d’utiliser : n’importe qui peut utiliser le logiciel, quel que soit son pays, quelle que soit sa langue, quel que soit le logiciel ;
n’importe qui peut étudier le code. Hou ! Étudier le code, moi qui ne suis pas informaticienne je dis « mais pourquoi faire ? » Eh bien si, c’est important de pouvoir étudier le code, parce que si on a accès au code, on peut modifier ce code. Donc si on peut le modifier, on peut l’adapter à ses besoins. Un exemple tout bête : moi je suis libraire, j’ai un logiciel de caisse ; il y a eu un changement de TVA, il a fallu paramétrer le logiciel de caisse pour faire ce changement de TVA ; j’avais accès au code, ça a été fait ; ça a été fait par un informaticien que j’ai payé pour, mais j’ai pu le faire parce que j’avais accès au code ;
et bien sûr, la dernière liberté c’est ma préférée, c’est le partage : on peut repartager ce logiciel avec ou sans les modifications qu’on a effectuées.
MeTaL_PoU : Pour moi c’est une alternative vraiment intéressante dans le sens où ça permet aux gens de sortir justement de ces outils qu’ils croient éventuellement comme étant les seuls existants. Ce qui est aussi intéressant aussi dans le logiciel libre c’est le côté chacun peut participer, chacun peut faire, chacun peut comprendre comment ça fonctionne et du coup, contrairement à une plateforme par exemple comme Facebook où on ne sait pas vraiment comment ça fonctionne, on ne sait pas vraiment comment telle publication apparaît plus qu’une autre – en fait c’est quelqu’un qui décide pour nous, quelqu’un ou un programme – alors que l’avantage du logiciel libre c’est que c’est vraiment assez transparent, enfin c’est même complètement transparent.
Tristan Nitot : Si on a du code qu’on peut modifier, c’est-à-dire du code libre, du logiciel libre, le code est lisible, on peut apprendre de cette lecture et on peut le modifier pour faire fonctionner le logiciel comme on le souhaite et si on n’a pas les compétences on peut demander à quelqu’un qui en a les compétences. Déjà je comprends comment fonctionne le logiciel, donc je peux avoir plus confiance en lui et je peux le faire modifier pour que ça corresponde à mes besoins ou à nos besoins en tant que communauté. Ça c’est du code libre, eh bien c’est ça qui permet d’avoir une société libre. C’est-à-dire que si vous avez du code qui est propriétaire, c’est-à-dire que vous pouvez juste l’utiliser et pas le modifier, eh bien vous n’êtes pas libre parce que vous êtes dépendant du bon vouloir du développeur qui a le contrôle sur le code. Mais si chacun de nous a le contrôle sur le code, ça veut dire que le code est libre et nous on est libres. C’est ce qu’explique le slogan de la Free Software Foundation Europe qui dit : « Pour une société libre il faut du code libre », c’est Free Software, Free Society. C’est essentiel si on veut être libre dans le futur où le logiciel dévore le monde. Il faut que le logiciel soit libre, qu’on puisse en avoir le contrôle.
Camille Pétron : J’aime beaucoup l’esprit éthique dans l’Internet. Finalement, quand on va utiliser des logiciels libres, ça va vraiment respecter les valeurs de libertés fondamentales, respecter les libertés fondamentales des citoyens, que ce soit la liberté de s’exprimer, de circuler, de partager, de se cultiver. Du coup j’aime aussi cet aspect open source. Finalement j’ai découvert la culture open source quand je me suis vraiment intéressée justement au logiciel libre et à tout ce que ça comprenait et je me suis rendu compte que la culture open source c’était aussi l’ADN de l’éducation populaire, le fait de pouvoir de s’autoformer, que ce soit une formation tout au long de la vie.
Pour moi ce sont de grands aspects, en tout cas toute la richesse d’un Internet décentralisé et d’un Internet libre. C’est bien cet aspect de partage et de solidarité entre les utilisateurs.
JC Frog : Ce n’est pas toujours facile de prêcher pour le logiciel libre. Moi je dis toujours en disclaimer que je ne suis pas un grand libriste, j’utilise encore des outils qui ne sont pas libres. J’essaye toujours d’aller vers le Libre.
Dans un article que j’avais fait pour Presse-citron, j’avais expliqué tout un truc sur le fait que pour moi c’est une démarche, c’est un chemin, pour reprendre certains… C’est vraiment ça. Par exemple, je fais beaucoup de 3D, j’avais un logiciel propriétaire. À une époque j’essayais un logiciel libre qui s’appelle Blender [1] et je n’y arrivais pas et puis un jour j’y suis arrivé bien et eux ont évolué en versions puisque le logiciel libre, comme les autres, évolue et, en l’occurrence, ce logiciel-là était bien soutenu, la communauté travaillait dur, et il y a eu un moment j’ai pu switcher selon mes besoins, abandonner l’autre et me mettre complètement sur Blender que d’ailleurs j’essaye aussi d’aider de mon côté. Je dois dire que c’est un chemin, je ne reviens pas en arrière. Depuis je n’ai jamais quitté Blender, je n’ai pas du tout l’intention de le quitter. C’est vrai pour d’autres choses. En ce moment j’essaye de me libérer de Gmail, ce qui n’est pas une mince affaire, j’essaye de me libérer de certains trucs. C’est un chemin. Je ne suis pas comme certains amis que j’ai qui sont vraiment des puristes, des gens qui sont ce qu’on appelle des vrais libristes, qui ont une autre exigence, qui sont beaucoup plus radicaux que moi.
Effectivement j’essaye d’en parler. Il y a un film qui vient de sortir, le film de Philippe Borrel La Bataille du Libre, qui parle vraiment beaucoup et de façon très intéressante, je trouve, de toute cette problématique-là. Il s’avère que je le connais un peu, j’ai déjà discuté avec lui et on avait fait un truc, on avait fait un film, Un monde sans travail. Tout ça est lié. Ce que je trouvais intéressant dans le Libre c’est de pouvoir en parler. C’est ça qui est intéressant dans le film, c’est l’aspect politique du truc. Encore une fois ce n’est pas le logiciel libre au sens… Moi j’essaye d’en parler avec les gens. Ce que je dis toujours c’est qu’ici, quand on fait cette association, bien que je m’intéressais à l’aspect du Libre, je n’ai pas voulu faire une association de libristes. Il y en a dans le coin avec qui je suis en contact, eux ce sont vraiment des gens qui sont des libristes qui peuvent aider pour faire des install-parties pour expliquer aux gens vraiment l’aspect technique et qui s’y connaissent beaucoup mieux que moi, moi je ne m’y connais pas assez bien non plus de toute façon.
Par contre, le fait de parler beaucoup encore une fois de culture, ma façon de faire c’est plutôt d’en parler et de faire que ce ne soit pas absent du débat. Déjà ce serait une première victoire, je trouve, que le Libre ne soit pas absent du débat. Pour beaucoup de gens, quand tu commences à leur en parler, j’ai eu des discussions avec des gens, ils ne savaient même pas ce que c‘était. En plus, quand tu leur en parles, ils trouvent ça passionnant.
Antonio Casilli : Pour ce qui est du logiciel libre, il y a là aussi, si l’on veut, une ambiguïté ou, du moins, c’est surtout une ambiguïté qui fait surface. Comme toute initiative qui cherche à créer quelque chose d’accessible à tout le monde — l’initiative du logiciel libre en général ou l’expérience sociale ou l’expérience historique logiciel libre — n’est pas à l’abri d’une captation, d’une capture de la part de certains acteurs qui ne sont pas libres ou qui ne sont pas pour la liberté. Donc, de ce point de vue-là, l’idée de base et plutôt le plus grand pari qui est derrière le logiciel libre est d’inventer, si on veut, une ressource commune en termes de savoir, en termes de services, qui soit en même temps celle qui ne se fait pas capter par les puissances du capital ou les puissances de la répression politique et sociale. Un Internet sans militaires par exemple, un Internet qui soit, en effet, vecteur de certaines valeurs sociales et certaines valeurs politiques qui relèvent, par exemple, de la mise en commun des ressources économiques, de l’accès à la culture et à l’éducation d’un nombre important voire de la totalité de l’humanité et, encore une fois, un vecteur de paix dans le monde. Ça peut paraître très Bisounours, mais en même temps c’est en effet quelque chose qui, au niveau de mes utopies personnelles, est un peu la tâche de fond, celle qui est constamment dans mes pensés : comment arriver effectivement à déloger les militaires d’Internet qui, après tout, ont du moins financé la première phase.