Vous publiez des contenus, des articles, des photos, des bases de données, sur Internet, vous souhaitez les partager librement et sincèrement afin qu’ils puissent être réutilisés et que vous soyez reconnu comme auteur. Vous voulez faciliter la production collective, l’amélioration des contenus par une communauté avec des règles claires et partagées, cette vidéo est faite pour vous.
Utiliser les licences libres, est-ce que c’est compliqué ?
Les licences libres sont un outil et, à ce titre, elles ne sont que la traduction juridique d’une posture et d’une intention, celle du partage libre et sincère.
Disons-le dès maintenant, le plus compliqué ce n’est pas de choisir la bonne licence, c’est d’accepter de partager ses productions. Depuis que nous sommes tout petits l’école et un bon paquet de normes sociales nous incitent à la compétition plutôt qu’à la coopération. « Copier c’est mal ! Tu dois y arriver toute seule ! ». Moi, en tout cas, je l’ai entendu assez régulièrement. Partager sincèrement demande de travailler sur soi, sur son rapport à la production et surtout sur son sentiment de dépossession.
Pour comprendre comment utiliser les licences libres, nous avons identifié quelques questions qu’on nous pose régulièrement : si je veux partager ce que je produis, une vidéo ou un texte, est-ce que je mets sur Internet et c’est tout ? Ça suffit ?
Ici nous allons faire un court rappel juridique.
En France, ce qui régit l’utilisation des œuvres c’est le droit d’auteur [1] qu’on peut schématiquement scinder en deux parties : d’une part il y a le droit moral qui est incessible, auquel on ne peut pas renoncer, nous y reviendrons tout à l’heure ; d’autre part il y a les droits patrimoniaux qu’on peut céder. Ce sont ces droits-ci qui sont partagés dans le cas des licences libres.
Ce que nous dit le droit d’auteur sur la propriété intellectuelle : s’il n’y a pas de mention sur votre site alors le droit d’auteur va s’appliquer par défaut. Toute personne qui souhaite réutiliser un article, une photo, une vidéo de votre site web devra vous en demander l’autorisation par avance.
Pour pouvoir partager une œuvre sans demander l’autorisation et dire dans quelles conditions on peut le faire, il faut donc y apposer une licence libre et, plus précisément, vous allez donner le droit d’étudier l’œuvre, réutiliser l’œuvre y compris à des fins commerciales, et éventuellement modifier l’œuvre. Sur la modification il s’agit d’un choix à faire et à expliciter.
Quelles sont les conditions d’utilisation des licences libres ?
En tant que créateur de l’œuvre, vous devez signer votre œuvre pour en devenir l’auteur et la dater si possible, c’est plus simple en cas de contestation. Vous devez également dire explicitement sous quelle licence vous publiez votre œuvre.
À l’inverse, ceux qui seraient amenés à réutiliser votre production publiée sous licence libre doivent citer l’auteur ou les coauteurs initiaux, mentionner la licence de partage et enfin réappliquer la même licence, on parle de viralité de la licence. C’est ce mécanisme qui permet de créer des communs de la connaissance et qui empêche de reprivatiser les créations.
« Mais copier c’est voler ! »
Voler consiste à soustraire quelque chose à une personne. Si je vole une pomme à Laurent, il ne pourra plus la manger. Alors que copier consiste à reproduire la création initiale d’un auteur et ne le prive pas de ce qu’il produit. Si je recopie le texte de Laurent, il pourra toujours s’en servir.
Et si on utilise mon œuvre dans un contexte qui ne me va pas ?
Nous l’avons vu tout à l’heure, le droit d’auteur est constitué de deux types de droits : le droit moral et les droits patrimoniaux.
Les licences libres permettent de partager les droits patrimoniaux, mais le droit moral, lui, est incessible. Imaginons que des militants néonazis, suprématistes, sans humour, utilisent vos contenus et que ça vous irrite un peu, eh bien vous pouvez faire jouer votre droit moral et vous faites cesser le partage. Soyons réalistes, les cas sont rares et la probabilité d’un partage positif, qui améliore la connaissance humaine, est largement supérieure. Ici aussi il faut travailler sur nos peurs.
Je veux bien partager mais pas à des fins commerciales.
Les licences libres rendent obligatoire un usage commercial. Pourquoi ? Parce que les usages dits non-commerciaux sont aujourd’hui extrêmement réduits et sujets à grande contestation. Si vous choisissez une licence qui n’autorise que les usages non-commerciaux, qui s’appelle donc licence ouverte [2] et non licence libre, vous empêchez la réutilisation de vos contenus dans toutes les organisations qui ne seraient pas financées à 100 % par des fonds publics, on peut citer les journaux, les écoles, les universités, les centres de formation, les associations.
Alors on va réutiliser tout mon travail ?
Absolument ! C’est ça l’idée, et vous pourrez aussi réutiliser celui des autres. Internet c’est une machine à copier, c’est une machine à récupérer, à diffuser. Si vous publiez des œuvres c’est bien pour qu’elles soient vues, pour qu’elles soient visibles, pour qu’elles soient citées et peut-être même pour qu’un jour d’autres personnes améliorent ce que vous avez produit.
La finesse réside dans la réciprocité des licences. Vous publiez des contenus sous licence libre, d’autres humains peuvent récupérer ces contenus et les diffuser, mais ils vous citent comme auteur, ils mentionnent la licence libre choisie et ils doivent republier sous la même licence, donc il n’y a pas de reprivatisation possible de l’œuvre.
Et si jamais des gens se font de l’argent avec ce que j’ai produit ?
De notre point de vue il y a plusieurs regards possibles : est-ce que ça me gêne parce que d’autres ont réussi à valoriser financièrement ce que moi je n’ai pas réussi à vendre ? Si je ne suis pas un expert marketing, une alliance pourrait peut-être être envisageable en travaillant sur la réciprocité et sur la rétribution. Ou alors est-ce que ça me perturbe parce que certains profitent ? Ce sont des passagers clandestins. Ils prennent et ne contribuent pas. Une petite analyse de nos écosystèmes vivants nous dit que les parasites font partie du système.
Mais on va modifier mon œuvre !
Voilà une question plus épineuse à nos yeux. Les licences libres permettent de choisir, notamment le fait d’autoriser, ou non, la modification. Vous apparaissez de toute façon comme auteur de l’œuvre initiale et comme coauteur de l’œuvre si un deuxième humain a modifié votre contenu. Votre droit moral s’applique toujours. Si vous réfutez l’usage fait de votre œuvre initiale, vous pouvez faire jouer ce droit moral et cesser son partage. Si vraiment vous ne voulez pas qu’on la modifie, par exemple dans le cas d’une production scientifique, de travaux universitaires, vous pouvez interdire la modification du contenu. Vous pouvez également faire évoluer cette clause dans le temps, commencer par rendre non modifiable puis modifiable.
Comment est-ce que je peux vérifier que ce que je produis n’est pas utilisé dans un contexte qui ne me va pas ?
Si vous voulez savoir qui utilise vos productions et comment, vous pouvez utiliser deux méthodes.
Tout d’abord il y a des outils qui scannent le Web pour vous et vous font un rapport régulier, comme Ugin, ou un autre outil d’alerte non libre. Il y a aussi la force du réseau. Quand vous partagez, vous êtes dans un collectif et là la magie opère, vous passez de MON commun à NOTRE commun ; à priori, un ensemble de personnes contributrices vont se sentir co-garantes de l’usage de la ressource commune.
Concrètement quelle licence choisir ?
Il en existe beaucoup. Elles doivent être adaptées au type d’œuvre. Les plus connues sont les licences Creative Commons [3] pour les textes et les photos, la licence ODbL Open Database License [4] pour les bases de données ou la licence Art Libre [5] pour les œuvres artistiques.
Comment fait-on concrètement ?
On va zoomer ici sur le cas les plus répandus sur Internet, le cas de la licence Creative Commons. Vous allez sur la page creativecommons.org/choose, ce qui veut dire choisir en français, et là vous allez choisir les usages que l’on peut faire de votre œuvre. Vous allez générer un logo Creative Commons adapté et un lien vers la licence que l’on appose sur son contenu, en bas, si possible en explicitant en français les conditions de réutilisation.
Petite précision pour la fin, cette vidéo est également sous licence libre.