- Titre :
- Le libre en 2017 : promouvoir et défendre, point d’actualité
- Intervenant :
- Rémi Boulle
- Lieu :
- Capitole du Libre - Toulouse
- Date :
- novembre 2017
- Durée :
- 57 min 42
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Antoine Bardelli - Licence CC-BY-SA version 2.0 ou ultérieure
- transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.
Description
Après quelques rappels des fondamentaux, nous présenterons les principaux points d’actualité sur les dossiers institutionnels autour du logiciel libre en France. Il sera notamment question du contrat « Open Bar Microsoft/Défense » signé sans appel d’offres ni procédure publique et contre l’avis des experts militaires. Nous aborderons aussi la politique numérique du gouvernement et les avancées ou reculs institutionnels en tentant de dégager des perspectives d’actions.
Transcription
Bonjour tout le monde, merci d’être venus. J’ai été obligé de faire la présentation sous Windows, mais ça restera entre nous, personne n’en parlera. Ça sera notre petit secret ! Merci à tous d’être là, bien sûr. Je vois qu’il y a des anciens étudiants aussi dans la salle ; ça fait toujours plaisir. Ça peut montrer que mes cours n’étaient peut-être pas si catastrophiques que ça, je ne sais pas. Ou peut-être, ça montre qu’ils me laissent une sorte de deuxième chance.
Je me présente. Je m’appelle Rémi Boulle. Dans la vraie vie je suis professeur à l’IUT de Blagnac, très bonne formation, je vous recommande ; je suis aussi au sein de l’April, enfin au conseil d’administration de l’April, depuis maintenant une bonne dizaine d’années, et je m’occupe particulièrement, là-bas, des questions d’éducation et d’un peu tous les dossiers. Je suis vice-président d’ailleurs, de cette association, depuis cinq-six ans.
Je vais vous présenter un peu le logiciel libre sous l’angle action politique, la politique dans le sens « vie de la cité », parce qu’on a souvent tendance à avoir une approche un peu technicienne du Libre, des fonctionnalités. Nous, on essaie de voir vraiment les enjeux, un peu au-delà. Je vais présenter un peu les différents dossiers chauds de ce moment et voir qu’il se passe quand même des choses derrière, dans le dos des citoyens.
L’April, qui sommes-nous ?
C’est une association qui date de 1996, plus de vingt ans. On a 4000 membres, à peu près ; beaucoup de personnes physiques, des personnes morales aussi, des entreprises ; Google, notamment, est adhérent. Nous avons aussi plein d’autres sortes d’adhérents, beaucoup d’entreprises du monde du logiciel libre, mais pas que. Microsoft n’est pas adhérent, par exemple. Nous avons aussi des associations et des syndicats ; dernièrement beaucoup de syndicats, notamment le SNES-FSU pour ceux qui connaissent, dans le monde de l’enseignement, le syndicat des professeurs du premier degré et aussi des départements universitaires. Nous avons trois permanents qui sont basés sur Paris et qui, des fois, viennent aussi ici. Et surtout un gros tissu de bénévoles très actifs.
Avant de commencer les points chauds d’actu, je vais revenir un peu sur les fondamentaux du logiciel libre. Je pense que beaucoup de gens connaissent un petit peu. Nous, notre tagline c’est un peu « logiciel libre, société libre », puisqu’on s’intéresse à cette action politique.
Logiciel libre, société libre
Je vais rappeler les quatre libertés, toujours le grand jeu du début et je vais aussi de donner des exemples. Là ce serait quelle liberté par exemple selon vous [Image du Discobole] ? Question ouverte. Oui, la liberté de lancer. C’est ça, c’est la liberté d’exécuter le logiciel, en fait ; ça vous la connaissez, liberté 0. On précise, dans les licences libres, que c’est pour tout usage. Ça veut dire que si vous mettez des restrictions, par exemple « on ne peut pas utiliser tel logiciel pour dire du mal d’untel », de fait, ce n’est plus un logiciel libre. Il faut savoir qu’il y a des licences qui existent qui proposent ce genre de contrainte : par exemple un logiciel ne peut être utilisé que pour faire le bien et pas le mal. Je ne me souviens pas du nom de la licence mais ça existe, donc ce n’est pas vraiment une licence libre dans notre cadre.
Il faut voir que ça peut sembler relativement anodin, mais il y avait des logiciels qui existaient, je peux en nommer un qui est vieux, c’est FrontPage — vous connaissez FrontPage, c’est ancien, c’est un générateur de sites web, de pages HTML, de Microsoft à l’époque — et on pouvait l’utiliser pour ce qu’on voulait, mais il ne fallait surtout pas l’utiliser pour faire des pages web qui critiquaient Microsoft, Expedia et autres services. C’était marqué quand même noir sur blanc dans les conditions d’utilisation. Il y a d’autres logiciels qui ont des contraintes aussi à l’export. Donc ce n’est pas si anodin que ça cette liberté 0, juste d’exécuter.
Deuxième liberté, c’est l’accès, vous voyez, études [Image de formules mathématiques] ; bon, là grosses études mathématiques. Donc c’est étudier le code, c’est pouvoir accéder au code, pouvoir le lire juste. D’accord ? Au moins on peut le visualiser, le télécharger et le regarder. Ça c’est la liberté nécessaire pour celles qui suivent.
Ce sont des libertés qui, je le rappelle, sont données aux utilisateurs.
L’auteur délègue des droits ; il laisse certains droits de copie aux utilisateurs finaux. Donc ça c’est vraiment nécessaire pour la liberté suivante, à savoir ici, vous devinez [Image d’outils en tous genres], c’est modifier, bricoler, hacker un peu le logiciel, l’adapter. Donc ça va au-delà, parce que là, déjà, on a perdu quand même une bonne partie de tous les logiciels disponibles sur le marché avec cette liberté de modification, que ce soit à usage personnel — on est dans son garage, on travaille chez soi, on le modifie, on l’améliore —, mais après, au bout d’un moment, il va falloir le distribuer. Donc c’est ça, je reprends cette image-là que vous connaissez tous [La Cène], là c’est la liberté de redistribuer en respectant, bien sûr, les contraintes données par la licence, les libertés de la licence, je vais plutôt dire.
J’aime bien ce tableau-là [La Cène] parce que dedans il y a un personnage qui est toujours intéressant, je crois que c’est lui là, vous le reconnaissez, c’est qui ? C’est le Judas, je crois que c’est ça. Dans le monde du Libre pareil, il y a des judas, un petit peu, qui ne respectent pas trop les enjeux, entre nous on parle de l’open source. Ça c’est l’open source qui est là, c’est le Judas, un peu, du logiciel libre. C’est juste pour polémiquer, mais ils ont tendance, des fois, à parasiter un peu le débat, les enjeux éthiques et sociétaux du Libre. D’accord ? Donc bien sûr, il y a du business autour, mais dans le Libre aussi on peut faire du logiciel qui respecte ces quatre fondamentaux qui ont été édictés par Stallman. C’est juste pour des rappels, je pense que vous connaissez tout ça.
Offensive sur les outils de sensibilisation
Cela étant posé, on va voir comment nous, on essaie d’agir à ce niveau-là pour promouvoir et défendre le logiciel libre. C’est notre enjeu depuis maintenant plus de vingt ans.
Donc on a plusieurs axes d’action, notamment d’abord tout ce qui est la sensibilisation, donc avec beaucoup de ressources que je vais vous montrer maintenant et après je vais parler de notre action au sens politique qui est moins visible, qui est un peu plus ingrate, finalement, puisque ça ne fait pas la Une des médias, c’est difficile. Des fois on arrive quand même à sortir quelques affaires intéressantes, mais on va y revenir après.
Les outils de sensibilisation c’est surtout fait par notre groupe de travail qui est ouvert à tous, Sensibilisation. Je montre les ressources que l’on diffuse. Ce sont des flyers que vous trouverez sur le stand de l’April qui est à l’étage. Là on a un flyer assez intéressant qui montre le cycle du logiciel libre, que vous pouvez télécharger, bien sûr, que vous pouvez modifier, que vous pouvez adapter. Il existe des centres d’accueil numériques, il existe des bibliothèques qui l’utilisent, qui le modifient, qui mettent leur logo, bref qui se le font un peu à leur sauce pour le diffuser. Et ça, c’est un travail totalement collaboratif qui se fait sur liste de diffusion essentiellement, à l’initiative de quelques adhérents un peu plus engagés ou quelques membres de la liste simplement, pas forcément des adhérents. Au bout de plusieurs itérations, on arrive à ce genre de ressources-là, que l’on distribue aussi nous gratuitement sur les stands, ou à coût modique, je vous montrerai après. Là on montre tous les types de logiciels libres, le cycle des améliorations successives, avec les itérations, comment on va, en fait, du producteur au consommateur.
Ensuite nous avons aussi une grosse campagne sur les formats ouverts. Là encore, un document qui est intéressant. Formats ouverts, alors petit point politique. Ils sont définis dans la loi, l’article 4 de la loi de confiance dans l’économie numérique [1] et ils ont une définition qui est assez vague qui dit, qu’en fait, on appelle un format ouvert tout format dont les spécifications sont accessibles, sans restriction d’accès. Voilà, c’est tout ! Pour nous, c’est clairement insuffisant, on essaie de pousser une définition un peu plus précise, où on souhaiterait qu’un vrai format ouvert, pas un faux comme la définition de la LCEN, ou loi de confiance, soit piloté par une organisation non-profit en fait ; une organisation indépendante, une ONG, en fait, qui pilote sans restriction de brevets, ni de licences, ni de mise en œuvre. Donc là il y a aussi une petite guerre de fond qu’on essaie de pousser régulièrement au gré des avancées législatives.
Petite anecdote, l’article 4 qui définissait ce qu’était censé être un format ouvert dans la loi – maintenant ça fait office de loi puisque ça a été voté – n’a pas eu de lobbying contre au niveau du gouvernement, donc c’est qu’il devait bien satisfaire d’autres intérêts d’entreprises qui vivent un peu grâce aux logiciels privateurs et aux formats fermés. Vous savez tous que quand on utilise des formats fermés, il y a un phénomène d’enfermement de l’utilisateur — quand je parle d’utilisateur, ça peut être une entreprise, une collectivité — qui va se retrouver face à des coûts de migration qui vont être énormes, puisqu’il faut changer tout leur système et migrer toute leur documentation. Donc c’est un phénomène d’enfermement qui concerne certes des utilisateurs, mais aussi et surtout, je dirais, les grands comptes : collectivités, mairies, État et, bien sûr, les entreprises aussi. Donc c’est un peu le nerf de la guerre, je dirais, le format ouvert.
On a essayé de beaucoup pousser pour que l’État impose dans les relations avec les administrés des formats ouverts. Ça serait le minimum ! Je ne vais pas me référer à la Déclaration universelle des droits de l’homme ou des choses comme ça, mais on pourrait, puisque chaque citoyen, normalement, devrait pouvoir être acteur de la vie de la cité et devrait pouvoir accéder à tous les documents produits par l’État, l’autorité en fait, sans restriction. À l’heure actuelle, il n’est pas vraiment normal qu’une mairie, une collectivité, diffuse ses données dans des formats propriétaires, formats privateurs, nous on va dire, type excel ou autres ; il faudrait au moins qu’il y ait le deuxième format fourni avec. Donc ça, c’est un combat de longue haleine qu’on essaie de pousser lors de différentes campagnes, différentes actions.
On en a eu une récemment, dans le monde de l’éducation, où on voulait que les documents de travail, s’il y avait échange de documents bureautiques, dans ce cadre-là, ce soient des formats ouverts, typiquement format odt qu’on peut générer avec LibreOffice. Puisque là encore, est-ce que c’est normal que dans l’enseignement, public ou privé finalement, à partir du moment où il y a une relation d’enseignement, les ressources soient diffusées dans des formats qui imposent aux élèves ou aux autres enseignants d’utiliser tel logiciel ? Ce n’est pas possible ! Il faudrait qu’il y ait un langage commun. Là, si je vous parle en français, je pense que vous me comprenez parce que le format est ouvert. Les spécifications sont claires, c’est piloté par une sorte d’ONG, je ne dirais pas que c’est l’Académie française, mais on peut dire ça, oui, première approximation, il n’y a pas de restrictions ; il y a un dictionnaire, tout le monde est d’accord là-dessus. Je ne passe pas par un filtre intermédiaire et vous aussi, par le même filtre, pour pouvoir communiquer. Donc, dans le contexte éducatif, ce serait quelque chose de bien, vraiment vital.
Donc on essaie d’agir là-dessus. Et ça nous permet, vous allez le voir, ça montre aussi le travail de fond de l’April ; grâce à des campagnes comme celle-ci, on arrive à tisser des relations avec des acteurs, des associations d’enseignants, des syndicats, des associations de professeurs spécialisés dans telle ou telle discipline qui, peu à peu, commencent à intégrer ces problématiques-là dans leur vie quotidienne. Après, ils finissent aussi par adhérer à l’association, bien sûr, mais à relayer nos campagnes. Et ça, c’est un peu ce travail de fond qui n’est pas forcément visible.
La campagne en soi n’a pas été, on va dire, un grand succès, puisque le ministre ou la ministre à l’époque n’a pas dit : « OK, je vous entends », donc on n’a pas gagné, mais on a pu, quelque part, sur le terrain, dans notre approche un peu par guérillas, petit à petit, rallier des gens à notre cause et mettre ces problématiques-là dans notre agenda. Donc peu à peu ça va finir par transpirer et ça arrive peu à peu.
Guide Libre Association
Autre ressource, nous avons ce guide-là, en partenaire avec Framasoft [2], axé sur l’entrée logiciel, aussi téléchargeable, Guide Libre Association qui a été fait en partenariat avec le Crédit mutuel qui le diffuse à toutes ses associations.
Donc vous voyez que peu à peu il y a tout un volet de plein d’actions, diverses et variées, qui aboutissent à finalement diffuser ces idées-là auprès du grand public.
Toutes ces ressources-là on peut les trouver soit sur le stand soit sur En Vente Libre [3] qui est une plateforme de vente de ressources associatives. Il y a Framasoft qui a une boutique dessus, Debian. Pour tout ce qui est flyers, c’est vendu à prix coûtant ; si vous voulez vous les faire livrer, ça marche aussi.
Expolibre
Autre réalisation concrète, c’est l’Expolibre qui a été faite aussi par le groupe Sensibilisation, par des graphistes aussi, fait entièrement avec des outils libres. Attention il n’y a pas de Photoshop ou autre chose là-dedans ; la chaîne de production est entièrement libre, de A à Z. Il y a sept panneaux qui sont actuellement exposés au premier étage et c’est une exposition aussi qu’on diffuse, bien sûr. On a les rouleaux imprimés en bâches de 1 mètre par 1,50 mètre je crois, et on peut les envoyer pour des expositions. On les loue, en fait, au coût de renouvellement. Ça commence à circuler et là aussi vous pouvez la télécharger [4], l’imprimer par vous-même.
Ici nous avons toute une série de panneaux.
Le premier sur le logiciel libre en général. Ça vous connaissez, c’était un peu le début de ma présentation avec les quatre libertés.
Le deuxième sur les enjeux pour la société, pour l’économie et pour la stratégie au sens stratégie pour l’État, avec la souveraineté numérique d’un État. Ça va au-delà du logiciel, clairement. C’est aussi notre angle d’attaque.
Les logiciels libres aussi au quotidien pour le respect de la vue privée. Je ne sais pas si vous avez été à la conf de Tristan Nitot juste avant. Il a abordé, dans les points clefs, que pour être moins pisté, on va dire, une des conditions essentielles c’est d’utiliser des logiciels libres. D’accord ? Ce n’est pas la seule, bien sûr ; ce n’est pas parce que vous n’utilisez que du Libre que ça y est, vous n’êtes plus pisté, vous allez enfin avoir droit à une certaine vie privée, mais c’est une condition nécessaire.
Les formats ouverts, aussi. Là je n’y reviendrai pas parce qu’on en a parlé tout à l’heure avec ce point un peu législatif et les atouts dans le milieu de l’éducation. Là aussi accès libre, sans contrainte, aux documents et ressources pédagogiques. Et aussi, l’avantage si on met dessus une licence de type copyleft, vous connaissez un peu ce type de licence, en fait ? Licence copyleft, ça veut dire que par exemple si je prends un document pédagogique, je mets ce type de licence-là, typiquement une GPL [GNU General Public License] pour le logiciel, la personne qui va le réutiliser, le modifier, lorsqu’elle va le redistribuer, elle sera obligée de laisser les droits, les mêmes droits, au récipiendaire final. C’est le sens de copyleft : on laisse le droit de copie à celui qui le reçoit au final. Donc c’est une sorte de contribution, un pot commun, en fait, de ressources. Ça ne peut que se bonifier dans le temps. On espère en tout cas ! Après, le problème du droit d’auteur et du copiage je viens d’en parler aussi.
Je vous invite vraiment à aller voir cette petite expo, elle est là-haut, au premier étage. C’est assez rapide, les panneaux sont bien faits, ils ont été rédigés de façon aussi collaborative par le groupe de travail Sensibilisation.
Là, bien sûr, on va au-delà du logiciel puisque, à partir de ces quatre libertés-là, il y a eu beaucoup de courants. Nous, on est restés sur l’angle logiciel seulement, donc on reste fidèles à ce cœur de métier. Il y a plein d’autres problématiques à embrasser, mais on ne peut pas tout faire. Donc si d’autres acteurs se positionnent sur des problématiques connexes, typiquement protection des données personnelles ou mouvement open data, on laisse faire, on pousse quand on peut au niveau politique pour venir les appuyer.
Voilà un peu ce panorama des ressources.
Un point sur les dossiers de l’April
Maintenant les dossiers un peu chauds en ce moment, l’actualité, notre actualité, en tout cas, au niveau de l’April.
Très récemment il y a eu la loi, la fameuse loi République numérique. Donc, je ne vais pas dire qu’on a réussi à pousser ces deux articles-là dans la loi ; c’est un jeu à plusieurs acteurs. L’article 2 mentionne quelque chose d’intéressant, c’est que les codes sources des logiciels utilisés par l’État sont des documents administratifs communicables. Est-ce que vous connaissez notamment le logiciel APB, Admission Post-Bac ? On en parle beaucoup. Le code source d’APB a été ouvert récemment ; c’est une conséquence directe de ça. C’est un effet de bord ; on n’est pas derrière la publication du code source d’APB, mais on a été un peu derrière celle d’un gros logiciel, avant, qui s’appelait, ni plus ni moins, que la calculatrice des impôts. Celles et ceux qui ont la chance de payer des impôts – je vous souhaite d’en payer encore plus dans les années futures, ça veut dire que les salaires ont tendance à augmenter, si c’est ça – eh bien ce ogiciel-là il y a eu une demande d’accès au code source par un stagiaire d’Etalab, une organisation de l’État qui pilote un peu l’accès aux données de l’État. Il a estimé qu’en tant que citoyen — et là on voit bien la problématique d’accès au code source —, on devrait avoir les moyens de pouvoir vérifier que nos impôts sont calculés justement. Est-ce que vous savez, vous, comment sont calculés vos impôts, clairement ? On reçoit la feuille, que ce soit taxe foncière, habitation ou quoi, on a un chiffre, on nous dit c’est tel pour cent ; terminé ! On n’a aucune idée de comment ça se passe. Il y a beau avoir des règles dans le texte officiel, qu’est-ce qui vous garantit que les règles de la loi sont celles effectivement implémentées dans l’algorithme de calcul ? Vous n’aviez aucun moyen, jusqu’à maintenant, de vérifier cet intermédiaire.
Donc c’était la démarche un peu de cette personne, que nous avons appuyée en même temps par notre relais parce que, bien sûr, avec 4000 adhérents et beaucoup plus de sympathisants, on arrive parfois à pousser certaines choses. C’est allé jusqu’au tribunal administratif, en fait, qui a statué que oui, il fallait libérer la calculatrice des impôts ; c’est un enjeu de société. Donc la brèche a été ouverte pour d’autres choses, dont le fameux logiciel APB, et d’autres à venir.
Du coup Etalab, pour la calculatrice des impôts, ils ont organisé un hackathon pour convertir leur logiciel – il y avait des erreurs – en un autre code informatique, un autre langage. Ils avaient un langage maison, ils sont passés en Python.
Donc ça, ce sont des avancées intéressantes. Il a fallu ferrailler beaucoup pour ça.
On a essayé aussi l’article 16 qui n’est pas satisfaisant pour nous. On a voulu vraiment écrire dans la loi qu’il y avait priorité au logiciel libre pour les commandes de logiciels par les administrations. En gros l’idée c’est que l’argent public doit financer des logiciels libres, quelque part des logiciels, entre guillemets, « publics ». Ça fait sens. C’est du bon usage, je pense, du denier public. Là nous avons fait une grosse campagne, en contactant beaucoup de parlementaires, d’élus, d’attachés parlementaires aussi, des vrais, des qui travaillent, pas des femmes de ou maris de, des gens actifs qui connaissent les dossiers. Et l’avantage de ça c’est que même, comme j’ai dit tout à l’heure, même si on n’a pas gagné vraiment, on a juste un encouragement, en gros on n’a rien, puisqu’un encouragement ça ne veut rien dire, on est d’accord, ce n’est même pas normatif, on ne peut même pas l’opposer ; ça a été même dit en commission des lois par un intervenant. En gros il a dit, la citation exacte je ne l’ai pas, il a dit : « Bon encouragement, de toutes façons, écoutez on peut laisser. En gros on est tellement sollicités puisqu’on fait entre guillemets aussi du « lobbying » nous à notre niveau, même si on n’aime pas trop ce terme, on est tellement sollicités qu’on va laisser ça, encouragement. Ça n’engage à rien, de toutes façons, personne ne sait. » Mais au moins, nous l’avantage, bon, on dit on se contente de peu, on a au moins le logiciel libre qui est écrit dans la loi. Il y a déjà une impulsion ; c’est un levier sur lequel va peut-être s’appuyer un élu local ou un responsable dans une entreprise, dans une administration, pour faire avancer d’utiliser du logiciel libre.
Donc la suite à venir, je ne sais pas ce qu’il en sera. Dans le futur, a priori, forcément qui dit nouveau gouvernement dit nouvelles lois. On est censé être dans une Start-up Nation, donc on va avoir tôt ou tard une loi numérique qui va arriver. D’accord ? Mais l’angle d’attaque du gouvernement actuel me semble être celui de la souveraineté numérique. C’est ça un peu leur alpha et oméga en ce moment. Comment ça va se décliner en Libre ? Ça, je ne sais pas encore, mais ça va arriver, il faut attendre un petit peu. Pour l’instant c’est plutôt calme, il n’y a pas de signaux ni de faux positifs.
Campagne Candidats.fr
Comment on fait ce genre d’actions pour essayer de fédérer des politiques ? Eh bien on a notre campagne candidats.fr [5]. Donc on a le domaine et chaque fois qu’il y a des grosses élections on contacte tous les candidats un par un ; on essaye. Sur les législatives 2017, on a pu contacter ici les trois quarts des candidats, à peu près. Tous n’ont pas été élus, bien sûr. C’est un gros travail, vous voyez, il y a plus de 2000 actions de contacts, et on fait signer une charte à chaque élu. Ça implique, avant qu’il signe la charte, de lui expliquer ; donc on les forme un petit peu aux enjeux du logiciel libre dans la société. On leur explique ce que c’est, les aspects sociétaux, pour le citoyen, pour l’économie. Tout le large scope, un petit peu, de notre action. Et quand ils signent, je pense qu’ils ont compris, ils ne le font pas simplement par…, surtout s’ils sont en position éligible. Quand ils sont sûrs de ne pas être élus, ils vont signer facilement, parce qu’ils se disent bon, c’est toujours ça de fait, j’aurai mon nom quelque part sur un gazouillis ou sur un autre réseau, c’est toujours bien. Mais quand ils sont un peu en position éligible, là ça commence à réfléchir. Donc si ils signent, ils y croient un peu. Et leur attaché parlementaire, en tout cas, y croit plus que l’élu en général. Donc ça c’est intéressant, ça permet de pousser nos dossiers ; c’est comme ça qu’après on arrive à faire évoluer certaines choses dans la loi, en essayant de pousser des amendements.
Nous on n’écrit pas des amendements. On suggère à des parlementaires, ces 26 là typiquement. S’il y a un texte de loi qui arrive où on voit qu’il y a un danger pour le logiciel libre ou sinon si on voit qu’il y a une opportunité pour faire avancer la cause des formats ouverts, limiter l’usage des menottes numériques, les DRM [Digital Rights Management ], ou favoriser le logiciel libre, on va proposer des textes, dire attention, vous avez signé le Pacte, il y a telle loi, warning, qui s’en occupe chez vous ? Aidez-nous, on fait avancer.
Voilà un petit peu l’action de fond de l’April qui n’est pas très visible, on ne va pas envoyer un mail chaque fois qu’il y a un signataire.
Là ce sont les signataires passés. C’est un extrait, il n’y a pas les 26, c’est juste pour vous montrer un peu la coloration. Donc tous ceux-là sont élus, ils siègent à l’Assemblée en ce moment. C’est plutôt intéressant, on voit qu’il y a un peu tous les partis. Souvent on me demande : le logiciel libre c’est de quel bord politique ? Je n’ai pas vraiment de réponse à dire là-dessus ! D’accord ?
D’un côté ils ont été beaucoup élus, donc finalement, la proportion est conservée. Est-ce que le Libre est en marche ? Je ne sais pas, mais en tout cas il y a beaucoup de marcheurs qui ont voté pour ; il y a aussi des insoumis, pas mal ; des républicains, des écolos, verts ; donc il y a un peu tous les bords. Je n’ai pas réussi à dégager de tendance là-dessus, très franchement. Il y a certains partis qui sont plus actifs que d’autres là-dessus, mais parfois, vous savez, ça tient à peu de choses. Même dans un gros parti il suffit qu’il y ait une personne qui soit sensibilisée, qui soit assez proche des instances, elle peut faire varier la position de tout un parti politique. C’est pour ça qu’il ne faut pas négliger l’action de terrain, cette sorte de guérilla ; ça avance toujours, ça paie toujours. Il faut être positif.
Voici le Pacte. Donc un texte clair, là je pense que d’où vous êtes vous n’arrivez à rien lire, mais vous voyez au moins qu’en gros on lui demande qu’il s’engage à promouvoir, défendre la priorité et défendre le droit des auteurs et utilisateurs de logiciels libres dans la loi. Voilà ! C’est très clair.
On l’avait fait aussi pour les présidentielles, pas celles-ci, celles d’avant ; on avait eu des réponses écrites, pas forcément de signatures. Mais déjà, ça met dans la tête de nos décideurs que oui, il y a des gens pour qui c’est important.
Un exemple de réalisations à long terme. C’est juste un exemple, il y en a d’autres. Récemment la ville de Nancy, ça c’est un article qui date du 15 novembre, c’était avant-hier, ils migrent toute leur bureautique, toute leur infrastructure sur du logiciel libre. Là où c’est intéressant c’est que le maire de la ville était un signataire du Pacte en 2014. Donc peu à peu il a pu, enfin, mettre en pratique les idées qui ont été véhiculées par le Pacte. Ce n’est pas notre réussite à 100 %, bien sûr, parce que dans la mairie de Nancy il y a des gens dont on sait qu’ils sont adhérents, qui nous soutiennent ; ils ont poussé ça, ils ont pu convaincre, et peu à peu on arrive à des réalisations comme ceci. Et ça, multiplié par plusieurs exemples sur le territoire.
Contrat Open Bar Microsoft/Défense
Donc il y a des avancées mais parfois, bien sûr, quelques régressions notamment avec le fameux contrat Open Bar entre Microsoft et le ministère de la Défense. Vous connaissez ce contrat ou pas du tout ? Vous en avez entendu parler ?
En gros c’est un contrat, rapidement, open bar, le nom est bien choisi. Je trouve que dans le potentiel troll polémique ils ont bien trouvé avec open. Ils auraient pu mettre « libre bar » ou « libre accès », ça aurait été pareil. En gros, c’est le ministère de la Défense — ce n’est pas n’importe quel ministère quand même — qui signe un contrat d’accès à tous les produits du catalogue de Microsoft sauf les jeux, c’est écrit dans le contrat, dommage peut-être. Il a été signé dès 2009 avec Microsoft Irlande. J’insiste là-dessus ; c’est marqué clairement. C’est-à-dire que le politique qui a signé à l’époque, il y avait clairement marqué Microsoft Irlande, ce n’est pas juste ! On est conscients ! Surtout dans le contexte actuel de lutte contre les paradis fiscaux ça peut questionner. Ce contrat a été renouvelé depuis.
La particularité c’est que c’est un contrat qui a été signé sans appel d’offres public ; vous savez qu’il y a des procédures relativement lourdes d’appels d’offres publics, là il n’y a pas eu d’appel d’offres, ils se sont basés directement sur la base des droits exclusifs dits de Microsoft. En gros l’appel d’offres, pour le résumer, c’est « nous avons besoin de logiciels Microsoft, or Microsoft est le seul capable de les fournir, donc nous achetons des logiciels Microsoft ! » C’est comme ça que ça s’est passé. On ne connaît pas le montant, on n’a pas trop d’infos. On est sur le dossier depuis 2009, en fait, donc on suit les rebondissements et, peu à peu, ça sort dans la presse, on va le voir ici.
Ce contrat a été adopté malgré l’avis d’un groupe d’experts militaires en sécurité. Donc là on cite le document qui est accessible, qui a fuité, on le trouve sur Internet. Donc là c’est clair, c’est le plus de risques rédhibitoires. On le signe quand même ! Là c’est la matrice des risques, vous ne voyez pas bien, mais en gros, quand c’est rouge ce n’est pas bon et quand ce sont des étoiles, ça veut dire « attention là il y a un point clef ». Donc plus on est par là plus c’est risqué ; plus on est là, mieux c’est de prendre le contrat. Donc vous voyez on est là. Donc là, ça a questionné tout le monde, même le rapporteur de la Commission des marchés publics a parlé dans une interview, je cite, je ne déforme les propos, « de délit de favoritisme », mais il n’a pas été écouté. Donc là, il y a quelque chose qui commence un peu à questionner. Surtout que le contrat a été renouvelé, 2013, 2017, toujours avec Microsoft Irlande, quelles que soient les prises de position de nos politiques contre les paradis fiscaux, d’accord ! C’est toujours Microsoft Irlande, il n’y a pas de soucis là-dessus. Pas de débats. On a réussi à pousser des questions écrites parlementaires, peu à peu. Bon ! La grande muette continue sa route sans regarder ce qui peut se passer en amont.
Nous on a quand même fait des demandes CADA. Vous connaissez la CADA ? C’est Commission d’accès aux documents administratifs, qui a été instituée par une loi, je ne sais plus, je vais dire il y a dix ans. Tout citoyen peut demander à ce qu’un document administratif donné lui soit communiqué. Pour ça, il faut saisir, on envoie un courrier à la Commission, on dit : « Voilà, je voudrais tel document, de telle date » et si possible avec le numéro, il faut être précis. On ne peut pas dire « donnez-moi tous les documents où il y a le mot-clé Microsoft », ça ne passe pas. Il faut être précis sinon ils vous disent non. Donc on a saisi la CADA plusieurs fois ; ils nous connaissent à force. On n’est pas traités plus rapidement mais égalitairement aux autres, bien sûr, donc on a pu enfin avoir communication de ces fameux documents, de la CADA.
Voici le premier [projection d’un document caviardé]. Voilà ! Donc là on voulait avoir le prix, combien ça coûte, après tout c’est de l’argent public, au moins le prix ! Non ? Non ! Voilà le prix caviardé, complet ! Après on voulait savoir, OK le ministère de la Défense, qui d’autre ? [projection d’un autre document caviardé].
[Rires]
Vous voyez, voilà ministère de la Défense, on a eu confirmation, c’est bien, pas mal. Donc vous voyez un peu où nous en sommes. Il y a quelque chose qui n’est pas clair là. Parce que, qu’ils caviardent un document comme ça ! Qu’ils caviardent un document pourquoi pas, s’il y a du secret stratégique, des enjeux militaires importants, financiers, des secrets commerciaux, mais là très franchement, la liste des services concernés, je ne vois pas ce que ça a de stratégique ; à part donner ici peut-être la sous-direction de l’armement de Vesoul, je ne vois pas ce que ça changerait.
Bon, là je vous ai montré quand même les pires. À travers d’autres documents, par recoupements, on peut quand même récupérer un peu d’informations, ce qui nous permet après de rebondir et d’aller demander d’autres types de documents. Et, peu à peu, c’est comme ça qu’on arrive à vraiment savoir ce qui se passe. Enfin vraiment ! Mieux que ça. Donc là ce n’est quand même pas normal un niveau de caviardage comme ça ! C’est quasiment attaquable ! D’accord ? Il n’y a pas de justification sur l’intérêt supérieur de la Nation à caviarder comme ceci.
Peu à peu c’est monté. Il y a eu une visibilité médiatique. Ça questionne quand même un contrat secret, sans appel d’offres, avec une grosse multinationale des GAFAM, en plus, dont l’argent est envoyé directement de l’État français dans des paradis fiscaux, Irlande ou d’autres ! Donc il y a eu un article, enfin un reportage de Cash-Investigation là-dessus, je ne sais pas si vous l’avez vu, il était accessible sur Internet en 2016. C’est sorti aussi dans Le Canard enchaîné avec des exemples de caviardage qui n’étaient pas mal. Il y a eu une enquête paneuropéenne avec des journalistes dont Leila Minano de Marianne, pour la France, qui nous avait contactés, qui ont fait une grosse enquête suite à ça sur quels sont les liens entre Microsoft et les institutions publiques au niveau européen. Donc il y a des affaires qui sont sorties au Portugal, en Italie, un peu partout et nous, enfin nous, Open Bar pour la France.
Donc petit à petit ça sort. Il y a des interviews récentes et ça été repris aussi par le site anglais The Register récemment, il y a deux-trois semaines, ils se sont intéressés à ce problème-là. Donc ça commence un petit peu à faire du bruit.
Donc tout ce travail-là [6], vous voyez, c’est un peu notre travail du quotidien, en fait, ce n’est pas quelque chose de visible, mais peu à peu on arrive à pousser des actions, pousser des infos, via des fois de la chance, souvent de la chance ; des adhérents, des sympathisants qui nous poussent une info, qui nous disent : « Tiens, demandez tel document, on ne sait jamais ! » Voilà ! Peu à peu ça monte, donc on arrive à avoir un buzz médiatique, on va dire, de plus en plus fort. Et du coup, on s’est dit ça serait bien s’il y avait une commission d’enquête parlementaire sur ce contrat. Est-ce que vous connaissez le principe d’une commission d’enquête parlementaire ? Alors je ne suis pas juriste, je suis juste prof de maths, mais Bon ! Commission d’enquête parlementaire, en gros, ce sont des parlementaires qui se donnent quelque part un pouvoir de police. Donc ils enquêtent sur ce problème-là, par exemple. Ils peuvent convoquer d’autres élus, c’est une convocation qui a valeur légale, attention, et tous les témoignages se font sous serment, donc ça ne rigole plus là !
En ce moment nous, on essaie de pousser là-dessus. Ça tombe bien ! Il y a une sénatrice, ici, qui a demandé aussi la même chose, qui elle je crois aussi, fait partie un peu de notre, pas de notre réseau, mais on a réussi peu à peu à convaincre des politiques de pousser ça. C’est très compliqué d’avoir une commission d’enquête parlementaire. Je ne sais pas si ça va aboutir ; honnêtement ça m’étonnerait ! Il y a plein de conditions ; il faut qu’il y ait tant de groupes représentés ; on peut en créer une, une fois par an ou deux fois par groupe ; enfin il y a tout un système qui rend les choses complexes. Mais peut-être, on ne sait jamais, peut-être que ça va arriver peu à peu.
Voilà. Donc ça c’est quelque chose. Bon, on veille. Voilà pour la partie un peu Open Bar.
Donc tout ça montre un peu les relations longues d’amitié entre Microsoft et l’État français et d’autres sociétés, attention ! J’aime bien cette image un peu dans la cour d’école devant un mur, amis pour la vie. C’est un peu ça. Nous, on n’a rien contre, attention, je ne fais pas gratuitement du Microsoft bashing, ce n’est pas du tout mon propos. Mon propos c’est que l’État doit mettre la priorité au logiciel libre ; après, qu’il soit fait par untel ou untel, peu importe finalement. D’accord ?
« Partenariat » Microsoft/MEN
Il y a eu un partenariat — grosse campagne aussi, vous vous rappelez ? — entre Microsoft et le ministère de l’Éducation nationale. Cette fois-ci c’est très bien tourné, ce n’est pas l’État français qui investissait 13 millions d’euros, c’était Microsoft qui s’engageait à investir 13 millions d’euros dans de la formation. Bien sûr ils n’allaient pas former les profs de base. Ils ont formé les décideurs académiques, niveau n + 0, on va dire, ou n + 1, ceux qui font les chèques, les responsables des DSI, les chefs d’établissement ; ce sont eux qui ont été formés aux technologies écosystème Microsoft.
Il y a eu un gros tollé autour de ça, vous vous en doutez ; on a fait une campagne là-dessus, un site de pétition [7], on va se dire oui, encore un site de pétition. Bon ! Mais l’intérêt pour nous était clair, c’est que, grâce à ça, on a pu rentrer en contact avec des acteurs de l’Éducation et commencer à diffuser un peu nos idées, à se convaincre mutuellement et après travailler ensemble. Donc à la limite, même cette campagne-là, bon ça a marché parce que, du coup ils n’ont pas renouvelé le contrat, enfin du coup, peut-être pas que grâce à nous attention, grâce à ce réseau-là ; c’est ça le bénéfice, arriver à créer un peu un réseau d’acteurs et de gens qui vont peut-être dans deux, trois ou quatre ans, prendre position sur un dossier important.
Il y a eu le collectif EduNathon qui a attaqué l’affaire en justice d’ailleurs, ce partenariat, sous l’angle de la protection des données personnelles ; ils ont fait un excellent travail là-dessus. Et très récemment une députée, France insoumise en l’occurrence, en commission éducation, c’était il y a un mois, a demandé un rapport simplement, parlementaire, un rapport, un bilan au ministère sur les conséquences que pouvait avoir ce partenariat, qui n’a pas été reconduit. En gros, quelle était la plus-value économique ou la moins-value. Donc vous voyez ça avance, députée signatrice du Pacte d’ailleurs. Donc vous voyez, c’est progressif tout ça. On pouvait dire, lorsqu’elle a signé, on ne sait pas trop qui c’est, on ne la connaît pas trop, mais en fait, après ils peuvent s’impliquer.
Voilà un peu pour nos différents dossiers, nous notre angle d’attaque. À travers ces actions j’ai voulu vous montrer un peu que notre un angle d’attaque ça a toujours été défendre la priorité que ce soit au ministère de la Défense, Éducation et d’autres campagnes que j’oublie. Donc on reste toujours actifs sur la partie Open Bar parce que là on attend des révélations, enfin des révélations, il y a toujours l’actualité dessus. A priori, le contrat devrait être renouvelé, vu ce qu’on a pu voir dans certains documents CADA, ça semble converger vers ça. Donc on suit toujours.
On attend, bien sûr, une éventuelle loi numérique pour la Start-up Nation qui ne saurait tarder et on veillera toujours au grain là-dessus en essayant de pousser des amendements et peut-être carrément des rédactions d’articles, ça peut arriver aussi, puisque c’est ça qui va conditionner, après, la vie de la cité.
Voilà. Je vous remercie pour votre attention. Si vous avez des questions, bien sûr, je suis à votre disposition. Merci.
[Applaudissements]
Questions du public
Public : Je suis de Lyon, donc région Rhône-Alpes et effectivement, en fait, le module Grand Lyon et tout ça il y a des vrais problèmes, c’est-à-dire que la plupart des événements qui se font autour du numérique, par exemple sur la fracture numérique, etc. [Inaudible] à faire au niveau des décideurs et responsables, et moi je voulais savoir, on voit vraiment bien la situation qui est incohérente, surtout par rapport à ce que vous disiez « argent public, code public ». Et du coup, je me disais comment on peut faire pression sur la personne qui décide au niveau local, de manière plus locale, sans aller jusqu’à la loi, mais profiter de ce qu’on a déjà surtout avec les acteurs locaux ? Si on pense qu’on a assez de poids, comment on pourrait ?
Rémi : Sur Lyon, c’est très actif. Il y a un cluster d’entreprises du logiciel libre sur lequel il faut s’appuyer absolument je pense, il faut se rapprocher d’eux. Se rapprocher des groupes d’utilisateurs locaux, que ce soit Linux ou des libristes locaux, il y en a pas mal, et essayer de les sensibiliser aussi, eux, à ça. Parce que paradoxalement, parfois dans des groupes comme ça spécialisés, je ne veux pas prendre de noms de communautés pour ne pas avoir après des problèmes en sortant, ils restent parfois un peu trop sous l’angle technique : nous on a notre logiciel, on travaille ici, le reste, la politique, je ne m’en occupe pas. Donc il y a aussi un travail à faire là-dessus. Ce qu’il faut c’est la sensibilisation. En gros, ce qu’il faudrait que vous fassiez, ce que nous faisons au niveau national, ça se décline au niveau local. Et c’est souvent déjà à l’intérieur de communautés ou du cluster Ploss Rhône-Alpes [8] aussi qui essaie de pousser des choses parce qu’ils rencontrent des gens, des décideurs, des DSI, en leur disant « attention il y a cet événement, nous, entreprises du Libre, ça ne nous plaît pas. On aimerait qu’il y ait aussi un stand ou quelque chose pour le logiciel libre. » Et c’est du long terme, en fait. C’est pour ça que c’est peut-être un petit peu ingrat, mais c’est vraiment un travail de fond, de long terme, qui finit toujours par sortir.
Donc je dirais vraiment sensibilisation de terrain. Si vous avez besoin n’hésitez à vous appuyer sur les ressources qu’on peut diffuser et vous rapprocher de Ploss Rhône-Alpes, voire dire « attention, il y a cet événement-là, le Libre est totalement ignoré, ce n’est pas normal ! Qu’est-ce qu’on peut faire ? » Peut-être que la personne aura un contact avec quelqu’un de l’orga, ou pas ; ou connaît quelqu’un qui connaît. C’est toujours comme ça. Il n’y a pas de recette, sinon il n’y aurait pas d’événements comme ici. D’autres questions ?
Public : Je voudrais savoir où on en est à Toulouse par rapport au logiciel libre.
Rémi : La question c’est où en est la mairie de Toulouse par rapport au logiciel libre ? La mairie de Toulouse était adhérente de l’April jusqu’au changement de mandat. Ils ont adhéré à l’époque où c’était monsieur Cohen qui était maire. Ils étaient adhérents. Ils ont une action je dirais plutôt, c’est filmé là ?
[Rires]
Bon ! Non, je ne vais pas polémiquer, c’est trop tard d’ailleurs. Là rien que le non-dit entend dire beaucoup parfois. Bon ! Voilà !
Public : En plus, après c’est elle qui passe !
Rémi : Oui, oui, en plus. C’est compliqué pour des structures comme ça. Je dirais que c’est une approche quand même volontariste. Ça c’est clair. Ils ont migré leur bureautique sous LibreOffice en faisant des économies d’échelle. Donc ça, c’est très bien, ils ont quand même une bonne politique là-dessus. Franchement pour une collectivité, je dirais, tout à l’heure j’ai voulu polémiquer un petit peu, ce n’est pas mal. Il y a pire ! C’est bien. Ils sont engagés dans une démarche open data, vous le verrez à la conférence juste après avec madame Mathon, donc il y a vraiment une démarche là-dessus.
Le seul point c’est que, comme souvent d’ailleurs, ce n’est pas spécifique à la mairie de Toulouse, ils ont un angle d’attaque uniquement par les économies. En gros, on va déployer LibreOffice parce que c’est gratuit. Ce n’est peut-être pas mal, déjà, comme motivation, mais au bout d’un moment il ne faut pas rester là-dessus. C’est gratuit, très bien, mais ça veut dire aussi qu’avec les économies que vous avez réalisées vous pouvez peut-être contribuer au code, quitte à contribuer à un peu moins. Je ne sais pas, s’ils économisent base 100, ils peuvent se dire 50, eh bien on va créer un poste, quelqu’un qui va contribuer au logiciel pour cette sorte de commun informationnel ou contribuer sur la documentation.
Pour l’instant les collectivités ça change un peu, notamment je pense à la mairie d’Arles et d’autres collectivités, ont compris qu’il fallait aussi contribuer, pas seulement consommer. D’accord ! Il faut passer du gratuit au Libre. Pas vraiment par l’approche open source. Ce n’est pas vraiment la même chose puisqu’il y a moins l’approche de contribution au commun informationnel.
Le problème c’est que parfois certains élus voient le côté open source comme un peu un buzzword, vous savez, un mot-clé marketing, ça fait bien, on fait de l’open innovation, on fait du disruptif, du digital, enfin certains connaissent tout ça, mais derrière il faut quand même qu’il y ait une vision politique. Ça arrive peu à peu. Des fois je me dis que l’angle d’attaque par la gratuité, finalement, ce n’est pas mal ; c’est juste un stade de l’évolution ; c’est le premier stade, en fait, mais c’est bien.
Sur la mairie de Toulouse je dirais que oui, globalement ce n’est pas mal. On aimerait bien qu’ils adhèrent parce que nous, symboliquement, ce n’est pas tant pour les ressources c’est plus pour le symbole. Notamment, je disais tout à l’heure qu’on avait Google qui était adhérent et d’autres grands comptes, le plafond de l’adhésion est limité à 4000 euros. Donc on a trois permanents, je crois que c’est 4000 le max. Je ne sais même pas s’ils donnent le max d’ailleurs. Donc on ne dépend pas nous, en fait, de untel ou untel. Ça serait bien s’ils pouvaient nous soutenir aussi. Merci. Autre question ?
Public : Sur la gratuité. Le fait d’avoir été formé avec Microsoft Office typiquement, si on parle de gratuité, le fait de gratuité, bien sûr, il y a des économies réalisées, mais le fait de la formation de l’employé, là ça craint un peu.
Rémi : Oui, clairement. La question, vu que c’est filmé, c’est l’idée, vous l’avez entendue ou pas ? Si c’est gratuit, justement, on va faire des économies qu’on va pouvoir réinvestir dans la formation des salariés qui sont formés, depuis l’école, aux produits Microsoft. D’accord ! Donc oui, ça se fait, et c’est un coût à prendre en compte. Dire que migrer au Libre permet de faire des économies, que ça, c’est un problème parce que ça ne fait pas que des économies. Il y a des coûts qui ne sont pas vraiment cachés. Quelqu’un qui réfléchit un peu il voit bien qu’il faudra former les gens, adapter le système. Donc oui, il faut le prendre en compte. Les migrations qui se sont, entre guillemets, « mal passées » c’est que, du jour au lendemain, ils ont déployés des solutions libres en disant « super, on économise des licences » et puis on s’en va. Les personnes, quand elles ont pris leur poste de travail le matin, tout avait changé ! Ça c’est la catastrophe ! Il est arrivé n’importe quoi !
Donc oui il faut investir dans la formation ; il y a des coûts et les économies de licences se font finalement peut-être plus sur le long terme. Et puis à la limite, même s’il n’y a pas d’économies comme vous dites, on forme les gens, c’est important pour le bien-être au travail aussi, qu’ils soient adaptés à leur poste de travail, c’est pour le bien-être et on contribue aussi au logiciel. Donc la gratuité ce n’est pas bon, en fait, là-dessus. Oui ?
Public : Dans quelle mesure on peut aussi utiliser le logiciel libre donc dans cette idée, justement, de commun et pas que de gratuité du coup, aussi en rétribuant ses auteurs en fait, parce qu’il faut aussi qu’ils vivent ? Souvent les logiciels libres vivent de dons. Est-ce que dans votre collectif et dans l’idée il y a aussi cette idée de « on économise sur la licence mais ça ne nous empêche pas non plus de soutenir les auteurs et les contributeurs et tout de ces logiciels par des dons ponctuels », cette idée-là quoi !
Rémi : Là on n’est plus dans le modèle économique du Libre, si je vois bien. Le Libre est gratuit parce qu’en fait, on dit souvent, il a déjà été payé par d’autres, par des contributeurs, bénévoles, mais peut-être de moins en moins aussi. D’accord ! On a souvent tendance à idéaliser le Libre avec le développeur dans son coin le soir une fois que les enfants sont couchés, qui donne du code. C’est de moins en moins vrai ça. Il y a beaucoup d’entreprises qui contribuent. De plus en plus. Donc quelque part les gens sont déjà payés pour ce travail-là. Ils sont payés pour contribuer à un projet libre qui a un intérêt stratégique pour l’entreprise.
Si je prends le noyau Linux, dans les plus gros contributeurs il y a Microsoft, si je ne me trompe pas, dans le top ten ; il y a Samsung et d’autres. D’accord ! Ce ne sont plus les hackers du début. Ils y sont toujours, mais ça a changé là-dessus. Donc eux sont rétribués. Après, tu as posé aussi la question globale, qui nous dépasse un peu, qui est au-delà du logiciel, de la valorisation du bénévolat. Quelqu’un qui contribue à un commun informationnel comment peut-il être rétribué ? Ça c’est au niveau peut-être de l’État, l’engagement associatif, comment le valoriser. Ça, ça me semble tout aussi important.
Au sein de l’April on a mis une démarche de bénévolat valorisé. En gros on déclare nos actions de bénévolat. On se fait relancer souvent pour ça, mais on essaie de faire tant d’heures ci, tant d’heures là, pour avoir un bilan global du coût de cette gratuité. On essaie de voir. Oui ?
Public : Bonjour. Concernant Attac [Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne] au niveau de l’analyse économique de la société, on trouve pas mal d’informations disant que Microsoft — Microsoft en langue des signes ça se dit fenêtre, comme ça — ne paye pas ses impôts. Il y a quand même pas mal de soucis là-dessus et c’est intéressant de se mettre en lien avec Attac pour ce genre de petits détails et savoir comment est-ce que eux fonctionnent de leur côté.
Rémi : On a des sections locales d’Attac qui sont adhérentes, je n’en suis pas certain en fait, je ne suis même pas sûr. On a des membres d’Attac qui sont adhérents, ça c’est sûr, mais on n’a pas vraiment de rapports, de collaboration, c’est une idée d’ailleurs, avec cette structure, au niveau peut-être national. Leur angle d’attaque, de ce que je vois, ils sont vraiment sur les paradis fiscaux en général, pas seulement l’angle logiciel libre. Nous, c’est vrai qu’on voit les choses et on tient, finalement, à rester sur cet angle-là, sur l’action à travers le logiciel libre.
Le fait que ça passe par des paradis fiscaux, à la limite, pour nous c’est important, ce n’est pas notre cœur de métier. On essaie de s’y tenir. À titre privé ça n’empêche pas qu’on ait nos opinions là-dessus, qu’on soit actif dans d’autres structures. Pour nous, c’est juste un petit grain de sable supplémentaire dans le fait que l’État n’utilise pas de logiciel libre. Je veux dire, ce grain de sable, c’est le fait qu’ils transitent par des paradis fiscaux. Nous, ça nous choque au niveau du CA de l’April, il n’y a pas de problème ; il y a un consensus là-dessus qui est clair. Mais on n’a pas une action vraiment contre les paradis fiscaux. Nous on a une action de priorité au logiciel libre. Et si on a besoin de lutter contre les paradis fiscaux pour ça on va le faire et on en a besoin de toutes façons, parce qu’on est aussi des citoyens.
Public : J’avais une question par rapport à l’ADULLACT [9], parce que vous parlez beaucoup avec le secteur public. On a une association dans la région, à Montpellier, qui s’appelle l’ADULLACT qui fédère les collectivités pour faire du logiciel libre ensemble. Et je voulais savoir quel était votre avis sur cette organisation et aussi les relations qu’il peut y avoir entre l’April et l’ADULLACT ?
Rémi : Vous êtes à l’ADULLACT ?
Public : Non pas du tout.
Rémi : D’accord.
Public : Ils sont là d’ailleurs.
Rémi : C’est possible. Je les ai déjà croisés. On se côtoie, on se connaît, il n’y a pas de soucis. Nous on est plus à un niveau, on va dire plus méta, en fait, qu’au quotidien, au contact des collectivités. Donc l’April, il me semble, je n’ai pas trop suivi ce dossier-là, est membre fondateur de l’ADULLACT au tout début et là on n’est plus au CA, parce que, en fait, il y a une sorte de comité consultatif. Maintenant ils suivent un peu leur route en tant qu’association d’aide, de soutien, association d’entreprises puisqu’il y a les deux volets : il y a une partie associative et une partie entreprise, de soutien aux collectivités.
Donc oui, ça fait avancer la cause du logiciel libre. Il y a des belles réalisations notamment avec la ville d’Arles — je cite ça parce qu’en plus je suis originaire de par là-bas donc ça me parle plus — qui a pu d’ailleurs développer des logiciels et contribuer à des sortes de communs informationnels utilisés par d’autres collectivités.
Mais oui, on se côtoie au gré des rencontres, mais on n’a pas vraiment de liens suivis sur la durée. On se connaît, on est dans le même écosystème. Je ne sais pas si ça répond à la question.
Public : Bonjour. Est-ce qu’il y a des exemples où on a certaines collectivités qui créent de zéro des logiciels libres ou qui proposent des projets par elles-mêmes ?
Rémi : Création à partir de rien ? De mémoire non, c’est de plus en plus rare, même au niveau de ce que je vois des entreprises. Elles utilisent de plus en plus souvent des briques logicielles existantes et, à la limite, elles font la glu au milieu pour agencer tout ça, pour que ça puisse fonctionner. Il n’y a pas vraiment de code contribué à partir de rien ; en ce moment en tout cas. Peut-être qu’effectivement, puisqu’on parle de l’ADULLACT, on va prendre un exemple gai, le logiciel openCimetière qui sert à gérer les concessions des cimetières. Peut-être qu’au début il a été créé par un développeur dans une collectivité pour gérer les concessions et après il l’a libéré et ça a grossi pour devenir un système utilisé massivement. Mais en général, même les entreprises utilisent plutôt des briques. Et c’est pour ça que ça les amène à contribuer aussi, les grands comptes, je prends l’exemple de Météo-France qui est aussi contributeur.
Au début ils utilisaient des briques, comme ça, qu’ils agençaient entre elles, et puis il y avait des bugs, forcément. Du coup, ils ont soumis des requêtes pour dire il y a un problème sur telle ou telle composante. Mais ils n’étaient pas écoutés parce que les développeurs de logiciels, pour eux, Météo-France c’était juste un utilisateur parmi plein d’autres, même s’il s’appelait Météo-France. Donc ils ont compris que pour que leurs petits bugs qui ne les concernaient que eux ou 1 % de la base utilisateurs soient traités, il fallait qu’ils se rendent un peu plus visibles, qu’ils ne soient plus juste un utilisateur parmi d’autres. Donc ils ont commencé à contribuer, à acquérir une crédibilité et, du coup, ils ont pu profiter du phénomène d’utiliser des briques et de les agencer entre elles. Il y a une question là-haut.
Public : Moi, ce que je trouve intéressant dans le logiciel libre, il y a plein de choses, j’aimerais bien pouvoir m’y intégrer, mais moi, ma question, c’est le matériel qui va derrière, en fait. Comment est-ce qu’on devient libre ? Avec quels outils, quels matériels ?
Rémi : C’est-à-dire, si je comprends bien, c’est l’idée d’avoir toute la chaîne libre, c’est-à-dire du lancement de l’ordinateur perso jusqu’à ses logiciels, tout, tout, tout ? C’est ça ?
Public : On parle des logiciels d’un côté, mais après si j’ai un logiciel libre mais que tout mon matos n’est pas libre, quelque part il y a un manque de cohérence, en fait, dans la démarche.
Rémi : Oui, c’est difficile d’avoir, d’ailleurs. Là on est plus au niveau du hard, du matériel au sens matériel informatique, au niveau des pilotes. C’est ça ? La façon dont quelque part les programmes vont pouvoir interagir avec le matériel. Oui, il y a peu de fabricants qui libèrent le code source des drivers. Ça c’est un des angles d’attaque de certains au niveau mondial. Je crois que FSF, la Fondation pour le logiciel libre aux États-Unis, a essayé d’avoir un matériel, un ordinateur 100 % logiciels libres, que ce soit le BIOS et les drivers. D’accord ! Là ça concerne un public assez de passionnés. Pour le grand public il faudra attendre un peu, quand même, puisqu’ils ont un projet, je ne me rappelle du nom, certains le connaissent peut-être dans la salle, où tout est libre jusqu’au BIOS et aux composants internes, l’espèce de bloc privateur que nous avons tous sur nos ordinateurs et téléphones d’ailleurs. Le problème se pose aussi pour les téléphones.
Public : Oui, pour tout le matériel, en fait.
Rémi : Pour tout le matériel. On a des composants, des microcontrôleurs, qui sont partout, dans tous les ordinateurs, les voitures. On ne sait pas vraiment quels logiciels tournent dedans. Ça pose aussi une question, c’est intéressant ça, ça me fait penser à l’affaire Volkswagen. Là, il y a carrément du logiciel qui mesure la pollution, enfin qui mesure quelque chose. On ne sait pas s’il mesure, enfin il sort des données à des gens qui mesurent. Donc là, comme on n’a pas de possibilité d’audit de ces logiciels qui tournent sur les voitures, on est prié de faire confiance au fabricant. Ça marche bien d’ailleurs !
Je pense que là ça aurait été intéressant d’avoir assez de politiques sensibles aux problématiques du logiciel libre pour dire attention il y a un problème de santé publique : il y a plusieurs milliers de voitures en circulation ; en théorie, on n’a aucune raison de les croire sur le niveau de pollution. C’est juste un problème de santé publique sur un État ou un continent ou dans le monde. Ce n’est pas grave finalement ! Mais là il y a quelque chose quand même de crucial. Il faudrait que ce code source-là soit accessible à des organismes qui ont les moyens de l’auditer. Ça peut-être diffusé aussi. Comment contrôler que tel instrument de mesure envoie bien la bonne valeur ? On n’a aucun moyen, actuellement, de le faire. Alors on peut mettre des amendes derrière. Ils vont juste dire oui on va faire attention. On va licencier untel et puis aussi untel, et voilà ! Et après on s’engage, on va signer des chartes de bonne conduite. C’est tout ! Il n’y a rien ! On n’a aucun moyen de faire confiance. Je ne mets pas un mot de parano là-dessus, attention, mais la confiance, on dit toujours que ça se mérite aussi. Là, la confiance a été rompue. Comment moi je peux faire confiance quand j’ai devant moi une voiture, que ce soit Volkswagen ou autre, comment je peux être sûr qu’elle ne va pas me polluer avec je ne sais pas combien de microgrammes de particules fines à la seconde ? Je n’ai aucune garantie, puisque je sais — maintenant tout le monde le sait — que l’instrument qui mesure n’est audité par personne, que en interne. Donc on dit un peu ce qu’on veut.
Donc oui, le Libre sur le matériel c’est la dernière frontière, quelque part. Et une autre de ces dernières frontières ce sont les formats ouverts, aussi.
Public : Vous parliez précédemment d’ADULLACT. J’imagine qu’il y a des intervenants également dans les pays voisins ? Quelles sont vos relations avec ces organisations-là ? Y a-t-il des actions, à échelle européenne ou mondiale, communes ?
Rémi : Pas vraiment. On essaie de fédérer un petit peu. Alors ça dépend beaucoup des cultures : culture du sud, culture du nord de l’Europe, ce n’est pas trop la même chose. Au niveau anglais, Angleterre, ils ont plus une approche pratique, j’ai l’impression, pas trop politique, même s’il y a des militants là-dessus, attention, je ne veux pas généraliser. Eux sont un peu plus loin de nos problématiques, parce que c’est culturel. Europe de l’Est, c’est plus, désolé si je verse dans la caricature, mais j’essaie de donner un peu les grandes lignes pour donner un peu le concept, Europe de l’Est aussi, c’est plus pratique : donc on fait du Libre parce que c’est dans notre intérêt et on gagne à utiliser des composants développés par d’autres et on contribue aussi.
Nous on n’est pas des ovnis, mais avec Espagne, Italie, France, Autriche aussi un petit peu, Belgique aussi, où il y a des approches un peu plus avec une vision politique, voilà, ça a plus d’ampleur, je veux dire, dans cette partie-là du continent.
Après on n’a pas vraiment de relations. Je pense à la Free Software Foundation Europe, on voit les actions qu’ils font, si on est OK on soutient, sinon on ne soutient pas. Il n’y a pas vraiment de réseaux à cause, je pense, de cette diversité des cultures et des habitudes. D’autres questions ? C’est bon. On est dans les temps en plus. Merci beaucoup.
[Applaudissements]