Luc : Décryptualité. Semaine 24. Salut Manu.
Manu : Salut Mag.
Mag : Salut Luc.
Luc : Bienvenue Mag. Ça faisait un bout de temps ! Qu’a-t-on au sommaire ?
Mag : Vous me manquiez ! On commence.
Global Security Mag, « LINAGORA remporte l’appel d’offre de la Centrale d’Achats de l’Informatique Hospitalière », par Marc Jacob.
Manu : Ce sont des appels d’offres de marchés publics, un truc un peu important et effectivement on savait que Linagora, une société de logiciels libres, était déjà pas trop mal implantée au niveau des institutions françaises, avait travaillé à une autre époque pour l’Assemblée nationale. On ne peut en attendre que du bien parce que ça reste du logiciel libre, c’est une société qui est connue pour ça, même si des fois il y a des difficultés, nécessairement. Là on va espérer qu’ils vont faire un gros travail parce que les hôpitaux ont déjà été pas mal attaqués sur l’informatique avec des rançongiciels. Les gars ont intérêt à se préparer !
Mag : Next INpact, « Géants du Net : un état des lieux « des causes et des conséquences » de leur prépondérance (€)) », par Sébastien Gavois.
Manu : Ce n’est pas un sujet nouveau. Il y a un rapport parlementaire qui remonte un peu tout ça. Oui, les GAFAM sont trop importants et effectivement le vieux continent n’est pas à la hauteur, donc il faut y travailler. Ça reste compliqué, il y a des choix qui sont un peu lourds, un peu nuls de nos gouvernants qui n’encouragent pas assez le logiciel libre notamment, donc il faut y travailler.
Mag : Next INpact, « Copie privée : les députés adoptent la redevance sur les tablettes et téléphones reconditionnés », par Marc Rees.
Manu : Une grosse nullité de nos gouvernants là aussi. La copie privée est un truc un peu compliqué où on vous fait payer chaque fois que vous avez un disque dur ou quelque chose qui peut stocker des œuvres de l’esprit.
Luc : Pour financer la copie qu’on n’a pas le droit de faire en fait, c’est ça. [Marc Rees indique que c’est la contrepartie de la liberté de copier, NdT].
Manu : Oui. Soi-disant que c’est une compensation, une sorte de rémunération, pas tout à fait une taxe. C’est déjà un peu compliqué, mais surtout c’est que là, malgré le fait qu’ils étaient en train de parler d’écologie, d’environnement, ils ont décidé de mettre cette taxe une deuxième fois sur les matériels qui sont de deuxième main, donc tout ce qui est reconditionné, souvent avec du logiciel libre justement, et qui est revendu ou redonné. C’était déjà un peu ridicule de taxer la première fois dans plein de cas, il y a plein de cas où les disques durs, dans les entreprises, ne sont pas destinés à stocker des œuvres de l’esprit. Mais là, une deuxième fois, c’est anti-écologique et en plus c’est cher parce que c’est du genre 14 euros pour un téléphone portable reconditionné. C’est quand même ridicule !
Luc : On rappelle qu’en théorie les entreprises peuvent se faire rembourser, sauf que dans la pratique c’est extrêmement compliqué donc personne ne le fait et nous avons la taxe pour copie privée la plus élevée d’Europe et qui vient donc encore de s’accroître. Il y a des gens qui vivent très confortablement là-dessus !
Mag : l’Humanité.fr, « Données personnelles : le passe sanitaire sur le gril (€) », par Lola Scandella.
Manu : Ce sont nos amis de La Quadrature du Net qui attaquent un petit peu ce qui se passe avec ce fameux Pass sanitaire et globalement la gestion des données des citoyens ; ça reste un peu compliqué.
Mag : Le dernier article qui va aussi être notre sujet du soir.
Le Monde Informatique, « Python et open source : l’avenir de la data science sans Excel », par Matt Asay.
Manu : On définit vite fait data science. C’est la science des data. Allez, ça vous aide ?
Luc : Merci d’être venu !
Manu : En gros c’est très à la mode. Ça parle aussi de big data et, plus globalement, de statistiques, de consolidation d’informations et, de temps en temps, d’open data, qu’on aime mieux. Toutes ces sciences de l’information c’est quelque chose qui évolue, qui apparaît maintenant de manière très forte et on sait que c’est utile pour les maladies, c’est utile pour la santé en général, l’économie, la finance, l’éducation. En fait, dès qu’on a des grands groupes il faut creuser avec des grands nombres, donc c’est bien pratique. Dans ce contexte-là, ce que remonte l’article dans une certaine mesure, finalement c’est qu’il y a un outil qui était incontournable il n’y a encore pas si longtemps, c’est Excel.
Mag : Le logiciel tableur qui faisait des calculs ?
Manu : Il les fait toujours, ça reste un des logiciels phares de la bureautique, c’est un des logiciels phares de Microsoft. Il n’est pas mal fait en fait, il est même plutôt bien comme outil.
Luc : L’idée c’est aussi de parler de bureautique en général et de la façon dont la bureautique va s’articuler quand on arrive dans les cas limites.
Mag : Je pourrais dire qu’il y a une super alternative à Excel, c’est LibreOffice Calc [1] qui est extraordinaire, qui fait la même chose, qui est sans arrêt amélioré et que je conseille aux gens d’utiliser.
Manu : Oui, ce n’est pas mal, mais que ce soit pour Excel, pour LibreOffice Calc et même pour du traitement de texte en général, je remarque et je suis soutenu : il y a un youtubeur qui a fait toute une vidéo là-dessus, que j’aime bien, DistroTube [2], un youtubeur anglophone mais ça m’empêche, qui considère que ces outils sont les outils du diable, que ce sont des outils qui, généralement, ne sont pas nécessaires, dans lesquels la plupart des utilisateurs se perdent, on se perd dans des détails, dans des incompréhensions et dans de petits trucs où on va améliorer la forme et ne pas se concentrer sur le fond. Finalement ce qu’il faut utiliser ce ne sont pas des outils comme la bureautique, mais ce sont des outils plus simples, notamment un éditeur de texte, quelque chose dans lequel on va à la ligne, vraiment au kilomètre, écrire son texte sans se préoccuper justement de la mise en forme.
Luc : Ça c’est pour toute la partie textuelle. Dans l’article on parle de data science, donc de science des données, et on comprend que quand on a des gros volumes de données, que les données sont assez complexes, etc., travailler avec un tableur, Excel ou un autre, peu importe au final, ça peut être tout à fait inadapté et qu’on a des moyens plus puissants, plus efficaces.
Une des choses que met en avant l’auteur, qu’il notifie c’est l’éditeur d’une solution plus intelligente qui s’appuie sur Python [3], c’est aussi de dire que grâce à un langage, les utilisateurs ont beaucoup plus de possibilités de créativité, de trouver de nouvelles façons de faire et que l’éditeur va être en dialogue avec eux, Python est notamment du Libre. Du coup on sort du carcan d’un outil.
C’est effectivement intéressant de se dire, quand on arrive dans des cas limites, qu’il puisse y avoir des outils plus intéressants, plus performants, que ce soit ce qui est fait avec des tableurs ou ce qui est fait avec du traitement de texte. Pour moi il y a une première barrière c’est que les gens, moi le premier, ont appris à se servir de ces outils-là et c’est dans leurs habitudes.
Mag : Ce qui serait merveilleux c’est que les gens utilisent le bon outil pour faire la bonne chose. Typiquement, quand je vois certaines de mes collègues qui vont ouvrir un traitement de texte pour dessiner des triangles, je dis « non les filles, stop ! Vous avez des logiciels vectoriels qui peuvent vous permettre de faire des dessins », mais on a tendance à toujours ouvrir le logiciel qu’on maîtrise, même si ce n’est pas pour faire les bonnes choses.
Manu : J’ai constaté ça en entreprise. J’ai vu des fichiers Excel qui étaient utilisés au-delà des capacités habituelles d’un tableur et qui contenaient de véritables bases de données lourdes, complexes, avec des calculs très aboutis et même des macros, des fonctions qui étaient développées, je ne sais plus, il y a du Basic, il y a différents langages qui sont acceptés par la plupart des tableurs. En fait, ça devient des monstres de complexité qui nécessitent vraiment souvent même un temps complet pour une personne et il y a des entreprises qui vont agréger des fichiers ensemble et dont dépendent des pans qui sont bien trop complexes.
Mag : Je connais un informaticien qui m’a fait un logiciel de caisse et de traitement de stock avec LibreOffice Calc alors qu’il existe des logiciels de caisse qui sont très bien faits.
Manu : Oui, tu parles de moi, mais c’était un cas exceptionnel, c’était pour que ça fonctionne sur tablette et de manière déconnectée, c’était un ça spécial Madame, et ça n’embarquait pas toute la base de données de ta librairie.
En fait c’est une des limites. Dès qu’on commence à vouloir embarquer des dizaines de milliers de références, ça va exploser. On n’arrivera plus à gérer, l’outil va vraiment s’éclater. Et c’est pareil pour un traitement de texte. J’ai entendu parler de thésards qui écrivaient des longs documents de centaines de pages, très complexes, avec des formules mathématiques, et qui explosaient les traitements de texte. C’est-à-dire qu’au bout d’un moment le traitement de texte rencontre des bugs de traitement et il n’arrive plus à fonctionner, ça prend trop de temps de le faire tourner et parfois il n’arrive même plus à rouvrir le document, le document devient inutilisable. Quand on est thésard ça peut être un peu rageant.
Luc : C’est quelque chose qu’on rencontre aussi quand on écrit de la documentation, ce qui m’est arrivé. En gros on rédige le manuel d’utilisation d’un logiciel par exemple, mais ça peut être n’importe quoi d’autre.
Mag : Le truc qui n’est jamais lu ?
Luc : C’est ça le truc que personne ne lit effectivement, mais c’est important de l’avoir pour dire au client « RTFM », Read the fucking manual. Ce sont des fichiers qui évoluent avec le temps, puisque le logiciel évolue normalement très régulièrement, donc il y a des mises à jour, on va mettre des captures d’écran, on va mettre des petites flèches sur les captures d’écran, etc., donc ça devient des fichiers compliqués. Ils sont édités des centaines de fois, du coup, effectivement, le fait que ce fichier explose à un moment parce qu’il prend en charge énormément de fonctionnalités, on a fait plein de modifications et, qu’on n’arrive plus à l’ouvrir, c’est un risque qui existe.
Du côté des tableurs, au-delà de l’habitude d’utilisation, il y a pour moi quelque chose qui joue en faveur de l’utilisation du tableur c’est que quand on n’est pas informaticien et qu’on a des problèmes à régler, c’est un outil qu’on peut manipuler. Alors qu’en fait les solutions, typiquement Python, il faut savoir coder ; ça reste du code même si ce n’est peut-être pas le plus compliqué.
Mag : Tu parlais de thèse tout à l’heure, je connais un thésard qui a fait toute sa thèse sous LaTeX [4], qui était très content parce que, du coup, la forme a été générée automatiquement, il a pondu sa thèse, il ne l’a perdue et c’était merveilleux.,c’était beaucoup mieux que ce qu’on fait sous les traitements de texte habituels. N’empêche que pour maîtriser LaTeX il faut s’y connaître. Ce n’est pas une petite libraire qui va pouvoir utiliser Latex du jour au lendemain !
Luc : Dans le domaine du boulot il m’est arrivé un paquet de fois de devoir gérer des problèmes là maintenant tout de suite, donc d’utiliser des tableurs pour ça en ayant conscience que ce n’était pas la meilleure solution mais c’était la seule que j’avais sous la main et c’était la seule qui me permettait d’être assez autonome.
Manu tu n’es pas le premier informaticien à dire que c’est de la merde, il faut faire des scripts, il faut faire ceci, il faut faire cela. Sauf que tu es dans un boulot, que tu dépends de quelqu’un d’autre qui n’a pas la pression que tu subis, qui n’en a rien à foutre, qui ne va t’écouter que d’une oreille parce qu’il a d’autres choses à faire, etc., tu peux être certain que ça va prendre des lustres avant d’avoir quelque chose qui marche et ce sera trop tard.
Mag : Manu a tendance à dire qu’il faut faire du CSS et compagnie, donc il nous a fait un super site internet pour la librairie, mais il a quand mis WYSIWYG ; il va falloir que tu traduises WYSIWYG.
Manu : What you see is what you get.
Mag : En gros ce sont des petites touches qui permettent de mettre en gras, en italique, de rentrer du code.
Luc : C’est ce qu’on connaît tous. C’est ce qui permet d’éditer la forme directement dans le texte.
Mag : C’est vrai que lui peut faire ça directement en code, dans le code source, mais nous on a quand même besoin d’avoir un cliquodrome personnalisé.
Manu : Une chose amusante c’est qu’il y a un intermédiaire que plein de gens ont appris à maîtriser, ce sont les syntaxes wiki. Ça a été une évolution des années 1990 et des années 2000, il y a plein de gens qui se sont mis à faire des syntaxes wiki. En gros, on n’a plus besoin de sélectionner un mot et de dire, avec un bouton, « je le mets en gras ». Non, on se met un petit peu avant le mot, on met deux étoiles, on se met après le mot, on met deux étoiles et ce sera traduit visuellement par du gras. En tout cas dans certaines syntaxes wiki parce que dans d’autres syntaxes wiki, c’est une des problématiques, ce sera fait d’une autre manière.
Mag : Supérieur, >, i, inférieur, <, je crois que c’est l’inverse, mais voilà !
Le Markdown [5].
Luc : Ça c’est le HTML. Ce dont parle Manu c’est encore plus simple que le HTML, il y a d’autres trucs comme le Textile [6] et il y en a d’autres ; effectivement ça va être juste un caractère devant.
J’ai rédigé un doc dans le boulot en Textile, mais j’avais un collègue informaticien qui générait le document derrière. J’avais trouvé effectivement très pratique de travailler sur Textile déjà parce que chaque chapitre est dans un petit fichier et tous les fichiers sont ensuite rattachés à un menu, donc le document est généré comme ça, ce qui fait que je n’avais pas besoin de me promener dans des pages et des pages de doc, j’ouvrais juste le fichier qui m’intéressait. Du coup il n’y en avait pas trop à l’écran, il y avait effectivement cette séparation, toutes les illustrations étaient des images que je mettais par ailleurs. J’avais trouvé ça très pratique et ce qui était intéressant d’un point de vue boulot c’est qu’à partir de cette rédaction-là, mon collègue était capable de sortir des pages web pour que les utilisateurs puissent directement, dans l’application, c’était une application internet, aller voir la doc, les solutions et également des fichiers qu’on puisse imprimer et lire.
Mag : Du coup ça te crée une dépendance vis-à-vis de ton collègue. C’est-à-dire que s’il y a un bug, s’il y a une parenthèse mal fermée et ainsi de suite, paf !, tu n’as pas la capacité d’aller corriger toi-même et du coup tu es obligé de faire appel à ton collègue, ce que nous faisons régulièrement avec Manu à la librairie.
Luc : Effectivement, ce que tu dis est vrai. Le problème c’est qu’on est dépendant. Si tu veux changer l’apparence, aujourd’hui je ne connais pas de solution qui permette d’éditer les styles avec sa souris et son clavier en mode simple. C’est-à-dire qu’on a effectivement plein de langages comme Textile et d’autres, qui permettent de rédiger, qui ne sont pas compliqués à apprendre, je ne connais pas mais ça existe peut-être. En tout cas j’ai cherché, je n’ai pas trouvé d’outil avec lequel on puisse éditer le style si ce n’est un outil de PAO.
Manu : Scribus [7] ?
Luc : Voilà. Mais qui est vraiment un outil de PAO pur et dur et, du coup, on peut se retrouver à faire des choses un peu longues, un peu lourdes, dans lesquelles on n’a pas nécessairement envie de se lancer.
L’avantage d’un traitement de texte c’est quand même de se dire que c’est un outil assez rapide. Dans les alternatives, la grosse lacune pour moi c’est qu’un utilisateur lambda, comme moi ou Mag, ne puisse pas être autonome sur la rédaction et la mise en forme.
Manu : Je suis assez d’accord, l’autonomie c’est une vraie problématique et je pense que, dans une certaine mesure, c’est aussi le cas avec Python et avec certains fichiers Excel très compliqués ça va être aussi largement le cas, on sera dépendant de la personne qui l‘a mis en place et qui comprend ça fonctionne. Ces outils peuvent devenir de vrais plats de spaghetti et pour une édition, un traitement de texte, je pense aussi que oui, il faut se baser le plus possible sur des modèles, on pourrait dire des templates et ça fonctionne à la fois quand on utilise un éditeur de texte, qu’on écrit son texte au kilomètre, qu’ensuite on va faire manger par un système qui aura un modèle et qui va le présenter de manière uniforme. C’est très pratique parce que souvent on travaille dans le cadre d’une organisation, d’un système. Dans le cadre d’une organisation on va pouvoir réutiliser la documentation technique ou autre, la réimporter dans d’autres contextes.
C’est pareil si on fait une page Wikipédia, la mise en forme de la page Wikipédia n’est pas de notre choix, elle est effectivement le choix de toute une équipe, de plein de gens qui sont derrière. Quand on fait du Wikipédia, certes on va pouvoir mettre en gras ou en italique, les styles en ligne sont importants, mais la forme générale est bien séparée. On sépare bien la forme et le fond. Ça a beaucoup d’avantages, mais effectivement on y perd en autonomie. Si on veut faire une lettre à quelqu’un de sa famille, vite fait bien fait, je pense qu’un traitement de texte reste utile, mais si on veut travailler dans une organisation, une association, une entreprise, dépendre d’un modèle et s’intégrer à un modèle existant, pouvoir faire une page web sous WordPress ou quelque chose comme ça, je pense que ça devient pertinent.
Luc : On n’a pas parlé de tous les problèmes qu’on rencontre en utilisant la bureautique pour faire de la doc ou pour faire ces choses-là puisqu’il y en a des tonnes, mais je pense que tout le monde les a expérimentés donc il n’y a pas besoin de s’étendre là-dessus.
J’aimerais bien qu’on ait un outil avec lequel on puisse être autonome de bout en bout pour séparer la forme et le fond. Ça arrivera peut-être d’ici la semaine prochaine.
Manu : Oui. Je vais m’y mettre. À la semaine prochaine.
Mag : Ou pas !
Luc : Salut.
Mag : Salut.