Bonjour à tous et bonjour aux internautes. Bonjour spécialement aux profs qui ne sont pas là aujourd’hui et qui auront pour charge d’enseigner l’informatique au lycée, puisque maintenant cela va sans doute se faire, au collège c’est déjà fait, j’ai eu des renseignements sur comment ça se passe. On va parler pas mal de ça aujourd’hui.
Bienvenue à ce cours qui s’appelle « L’éducation à l’informatique ». J’ai un peu changé le titre, par rapport à « L’enseignement de l’informatique », parce que « enseignement » suppose « élève » et le problème est un peu plus large que ça. Je parlerai surtout d’enseignement, mais le problème est plus large que ça parce qu’il y a aussi l’ensemble du public à éduquer à l’informatique, en particulier l’ensemble des politiques et des tas d’autres gens - j’en ai parlé la dernière fois. Le cours ne sera pas double cette fois-ci, mais simple. Il sera suivi d’un séminaire de Julia Lawall, directrice de recherche à l’Inria, qui nous parlera de la maintenance automatique du noyau de Linux. Le noyau de Linux est un programme d’une grande complexité et d’une grande taille, fait par des gens très forts et assez nombreux ; la maintenance automatique de ce noyau n’est pas une mince affaire. Julia et son équipe ont fait des progrès assez fantastiques, à base de méthodes formelles souvent, pour automatiser cette maintenance qui est tout à fait difficile. Elle nous en parlera à 17 h 30.
L’éducation à l’informatique, voilà l’agenda d’aujourd’hui :
- Pourquoi enseigner l’informatique ? Je reprends le mot enseigner car dans l’éducation, je vais quand même parler beaucoup d’enseignement.
- Un peu d’histoire. L’histoire de la France en matière d’enseignement en informatique n’est pas très brillante. Il faut s’en rappeler pour ne pas refaire les mêmes erreurs, mais on va les refaire à différentes occasions. Il faut parler de ces erreurs de façon extrêmement précise pour être capable de ne pas les refaire.
- On va parler aussi du reste du monde. Je reviendrai sur ce point parce qu’en France on parle extrêmement rarement du reste du monde, beaucoup en matière de recherche mais presque jamais en matière d’enseignement.
- On va parler de ce qui s’est passé au primaire et au collège en 2015-2017,
- ce qui en train de se passer en ce moment au lycée,
- et on prendra des petites questions sur les médias et la population générale.
Je souhaite que vous m’envoyiez des questions pas Internet, que vous soyez dans la salle ou en vidéo, parce que j’aimerais répondre à des questions dans l’avant-dernière séance, celle du 20 février. Je vous rappelle que la dernière, la séance du 26 février, sera ma leçon de clôture, ma dernière au Collège de France, et que ce sera un mardi et pas un mercredi. Cela se passera dans l’amphi Marguerite de Navarre au lieu de se passer ici.
Pourquoi enseigner l’informatique ?
Commençons par pourquoi enseigner l’informatique. Je vais reprendre des éléments de la dernière fois, « Où va l’informatique ? », parce que je pense, par exemple, que les professeurs n’ont pas forcément vu le précédent cours, surtout qu’il était long. Je vais reprendre ces éléments qui sont à peu près les mêmes que ceux qu’on avait vus, peut-être un peu différemment à la fin.
Je voudrais rappeler les bases des bases. La base de la base c’est l’évolution des sciences et des techniques. Au XIXe siècle, on travaillait sur matière et énergie. C’était très clair : les moteurs, la thermodynamique, etc. ; la révolution industrielle est issue du travail sur la matière et l’énergie, la chimie aussi, bien entendu. À la moitié du XIXe siècle sont arrivées en grand les ondes électromagnétiques. Il y avait déjà les ondes, les vagues de Fourier, on savait déjà des choses, mais les ondes électromagnétiques sont arrivées au XIXe et cela a fait le « triangle du XXe siècle », qui s’est intéressé fondamentalement à ça, au rapport entre ces trois choses et à leur exploitation. Et puis, socialement à la fin du XXe siècle, techniquement au premier tiers du siècle mais socialement à la fin, sont arrivés deux larrons qui sont l’information et l’algorithme qui ont complètement changé la donne. Ils sont maintenant autant intégrés que les autres dans toutes les sciences du XXIe siècle, mais pas dans les mentalités, ce qui va être un problème éducatif majeur dont je vais parler aujourd’hui. Pas dans les mentalités !
Il y a une raison pour laquelle cela ne s’est pas intégré facilement c’est que c’est très différent. L’information ne pèse pas. Quand vous savez quelque chose, vous pesez le même poids que quand vous ne savez pas. Ce n’est pas forcément évident. D’ailleurs les gens ne sont pas habitués à ça ; ils disent « mon fichier pèse 10 mégaoctets » C’est une phrase qui se raccroche au XXe siècle. Pourtant l’information est vraiment sensible : vous savez que vous savez. Ça ne vous rend pas plus lourd, mais vous savez que vous savez. C’est éminemment sensible. Et surtout, ça se stocke, ça se transporte et se duplique facilement, ce qui est la chose impossible pour la matière. Stocker des ondes n’est pas vraiment simple non plus.
L’informatique et ses algorithmes conduisent à une nouvelle façon de penser et d’agir – c’était tout le cours de la fois précédente – avec des leviers d’une immense efficacité, on le voit de plus en plus. Notre pays, et l’Europe en général, ne fait pas partie des gens qui ont fabriqué et qui tirent ces leviers. L’absence d’éducation y est pour beaucoup. J’ai bien dit éducation, éducation des dirigeants aussi. On s’est concentré, en Europe et en France, sur l’énergie, les ondes et la matière, on a été très forts, mais l’information, on a plus ou moins décidé d’en être absent et totalement absent dans l’éducation comme vous allez le voir.
Les piliers de l’informatique, j’en ai déjà parlé, sont très importants pour l’enseignement : données, algorithmes, programmes et machines, interfaces et interactions. Et puis, en informatique, on parle autant aux objets qu’aux hommes. Quand on parle données aux gens, chez les journalistes c’est très caractéristique, très souvent on pense tous que les données ont été fabriquées par les hommes. La réponse est non. La plupart des données sont fabriquées par des machines, soit des machines physiques — n’importe quoi, des moteurs, des capteurs — soit par des machines informatiques. À chaque fois que vous recevez une page web, elle a été fabriquée, elle n’existait pas avant. Ce qui caractérise la différence, c’est que ce n’est pas une science naturelle, c’est une science de construction, un peu comme les mathématiques. Il y a des liens très forts entre mathématiques et informatique, mais ce n’est pas la même chose parce que l’informatique construit des objets alors que les mathématiques participent à la construction d’objets, ce qui est très différent.
Je vous rappelle les clés de la pensée informatique, parce que c’est peut-être la première chose qu’il faut enseigner quand on veut éduquer les gens. Premièrement, il n’y a qu’une seule notion de l’information. Il n’y a qu’une seule notion d’énergie, mais elle est quand même très multiforme, l’énergie d’une flamme, etc., mais l’information est la même partout. C’est vraiment la même ! Elle se stocke pareil, dans les mêmes mémoires. Que l’on fasse des médias, des télécoms, de la biologie, de la neurologie, c’est la même information. Il n’y a pas de différence du tout.
Il n’y a qu’une seule notion d’algorithme. Il n’y a pas de différence entre un algorithme en biochimie, un algorithme en CAO [Conception Assistée par Ordinateur] ou un algorithme de tri, ce sont les mêmes choses.
Il y a une machine universelle et c’est extrêmement important, j’en ai beaucoup parlé la dernière fois, il y a cette machine universelle. J’ai dit qu’un grand centre de calcul ou une machine à laver, c’est fondamentalement la même machine, ce sont juste les performances qui changent. En physique, il n’y a pas de machine universelle, il y a beaucoup de sorte de machines, fort intéressantes par ailleurs.
Le levier de l’information est hyper-efficace. J’ai montré qu’il est souvent plus important, en particulier dans l’industrie, de posséder l’information que de posséder la matière ou l’énergie, au moins aussi important. J’ai donné l’exemple de l’hôtellerie : les grandes chaînes hôtelières à l’heure actuelle sont celles qui n’ont pas d’hôtels ; celles qui captent la valeur ajoutée sont celles qui n’ont pas d’hôtels, les autres travaillent.
La grande difficulté dans tout l’enseignement, on va le voir, c’est que le raisonnement et l’action sur l’information sont très différents de ce que l’on fait sur les trois autres sommets du tétraèdre. Comprendre l’essence de l’informatique, c’est fondamental pour tout ce qui va se passer demain.
Eh oui, quand quelque chose est fondamental, c‘est peut-être bien de le mettre dans l’éducation. Rappelez-vous que c’est quelque chose qu’on a fait en physique. J’ai des livres de physique de 1904 - juste avant 1905 d’ailleurs, où ils disent que, en gros, que la physique est terminée à part quelques petits problèmes comme le corps noir ou des choses comme ça – dans lesquels il y avait déjà toute l’électricité, pourtant l’électricité était toute récente. Il y avait déjà la radio qui venait d’arriver, mais c’était enseigné ! Tout de suite ! Pour l’informatique, ça n’a jamais été le cas… Changeons maintenant !
La cible c’est quoi ? C’est le « citoyen moyen » qui est déjà envahi d’informatique mais qui n’a aucune idée de ce que c’est, qui surnage là-dedans. Cette éducation-là n’est pas simple du tout. Nous sommes dans une époque où les gens subissent l’informatique beaucoup plus qu’ils ne la maîtrisent et c’est quelque chose de vraiment difficile. Ce n’est pas simple à résoudre, personne ne sait par où prendre ce problème et d’ailleurs, pour cette raison, personne ne le prend.
Il y a tous ceux qui se destinent à un métier où l’informatique est absolument centrale et là pour le coup, la formation existe par les universités, les grandes écoles, les écoles d’informatique. C’est moins le problème, sauf qu’on ne commence qu’au bac. Un jeune, à la fin de l’adolescence, à 18 ans, qui arrive au bac a en gros, à l’heure actuelle, passé zéro seconde d’informatique dans sa scolarité. Zéro seconde, on ne peut pas faire beaucoup moins, même en essayant. Et puis il y a tous les scientifiques et tous les ingénieurs. Mes copains scientifiques passent leur vie sur un ordinateur mais, en général, ils n’ont rien appris, donc ils ont un rendement qui n’est pas forcément bon, comme si on me transformait en physicien, ça ne serait pas instantané, loin de là ! Et puis les dirigeants, les politiques, les juristes, les médecins, etc., en parlent beaucoup maintenant mais ne savent pas trop ce que c’est. On va le voir aujourd’hui.
Il faut se poser une vraie question : en 2019, est-il raisonnable que la grande majorité des dirigeants français n’aient qu’une vision lointaine du sujet ?
Vous remarquerez aujourd’hui que tous mes transparents ont un peu cette forme-là. Je vais un peu lire ce qu’il y a dessus pour une raison très simple, c’est pour qu’ils soient volés et réutilisés. On ne fait pas ça souvent, mais là je souhaite que ces transparents soient volés et réutilisés ; ils sont faits pour, je les donne en source. En particulier, Messieurs les professeurs, avalez-les en source et refaites-en ce que vous voulez, c’est fait pour !
Les niveaux d’éducation
Il y a trois niveaux d’éducation distincts qu’il faut considérer.
La littératie, c’est comme savoir lire et écrire, c’est savoir se servir d’un ordinateur, d’un téléphone ou d’un appareil informatisé. Ce ne sont pas que les ordinateurs, une voiture c’est très largement informatisé, avec des fois des interfaces ! Vous regardez un GPS de voiture, en général, pour arriver à taper le nom d’une ville, c’est quelque chose qui fatigue énormément. En conduisant c’est vraiment impossible ou alors on va droit à l’accident.
Deuxièmement, beaucoup plus important, c’est la compréhension de la pensée informatique. On ne sait pas forcément ce que ça fait, on ne sait pas forcément le faire, mais on comprend comment c’est fait. Pour les appareils physiques, c’est pareil. On comprend un peu comment est fait un moteur, ça s’enseigne, on comprend comment c’est fait, mais on ne sait pas fabriquer un moteur. Jusqu’à maintenant, il était considéré que pour l’informatique ce n’était pas la peine ; la littératie suffisait.
Il faut une compréhension et une pratique bien plus fines pour devenir acteur de la création. Acteur de la création en informatique, ce n’est pas rien à l’heure actuelle, c’est juste en train de devenir un des tous premiers métiers du monde. Je donne un exemple. J’étais à Tata Consultancy Services en Inde en 1992, une boite d’informatique et de conseil en informatique. Il devait y avoir 2000 personnes. En 2000, ils étaient 65 000. J’y suis revenu en 2006, ils étaient 145 000. En 2015, ils étaient 350 000 et ils venaient d’ouvrir 70 000 postes. Je parle d’une seule société. 70 000 postes c’est une fois et demie la production totale d’ingénieurs en France, tous sujets confondus. Il faut quand même se poser des petites questions !
Voici quelque chose que je vais répéter plusieurs fois : dans le système éducatif, beaucoup semblent encore penser qu’un peu de littératie suffit ; ils sont moins nombreux qu’avant, mais il y en a. C’est faux et c’est dangereux pour l’avenir de nos enfants et du pays. Il ne faut pas confondre les vieux et les jeunes en informatique. Pour les vieux c’est un objet, je l’ai dit la dernière fois : l’informatique est un objet qui est arrivé après eux, même bien après eux, et ils ne l’aiment pas ; c’est très fréquent. Pour les jeunes, elle est arrivée avant eux et c’est comme le vélo, le chat, etc. Ils n’aiment pas forcément non plus, mais, au moins, ils sont habitués. Il y a aussi des tas de vieux qui aiment, mais ce n’est pas la majorité du monde.
Niveaux d’éducation.
Il faut comprendre que les métiers vont demander de plus en plus de compétences en informatique ou des compétences de plus en plus avancées. C’est vrai, je l’ai déjà dit, pour les chercheurs de toutes les disciplines. L’année prochaine, Walter Fontana enseignera ici sur la chaire Informatique et Sciences numériques, qui est un chercheur en biologie computationnelle à Harvard et qui vous parlera de biologie et d’informatique de haut niveau. Les juristes sont évidemment très intéressés, les médecins, qui se plaignent actuellement de ne jamais avoir eu de formation ni dans leurs études, ni après. J’en reparlerai tout à l’heure.
La loi est : « une compétence très demandée doit être enseignée ». En France, pendant très longtemps, n’a pas eu ça. On a dit « l’enseignement c’est complètement disjoint de l’économie » ; on commence à revenir sérieusement de ça, ça ne peut pas être complètement disjoint. On verra tout à l’heure qu’en Angleterre, il n’y a pas eu du tout eu le même principe.
Un peu d’histoire : 1980-2014
1980-2014. En 1980, le rapport Simon, dont je ne veux pas spécialement parler, a introduit l’enseignement optionnel de programmation au lycée proposé par Jacques Arsac [1], un des pères de l’informatique française. Ça a été suivi, en 1983, du fameux rapport Nivat [2], que j’ai retrouvé dans mes vieux documents, je vais vous le montrer. J’étais vice-président de ce rapport. Vous voyez sa très belle couverture fuchsia, j’utiliserai le fuchsia dès que je parlerai d’informatique dans ce cours, je le fais depuis longtemps, mais je ne m’étais jamais aperçu du pourquoi. Ce rapport avait été demandé par monsieur Laurent Fabius, ministre de l’Industrie et de la Recherche et par monsieur Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale. Il faut savoir que Fabius a fait pas mal de choses pour l’informatique, c’est par exemple lui qui a créé l’INRIA Sophia-Antipolis, la troisième installation de l’INRIA dans laquelle j’ai personnellement passé très longtemps de ma vie. Laurent Fabius était très intéressé. On a remis de rapport juste au moment où Alain Savary allait démissionner à cause des manifestations de médecins ; c’est autre chose.
Ce rapport, très intéressant, n’a évidemment été suivi de rigoureusement aucun effet, ce qui est assez standard pour un rapport. Je vais quand même vous le lire. Vous allez voir qu’en 1983 on a écrit exactement les mêmes choses qu’en 2015. C’est très intéressant. J’ai encadré quelque chose. C’est un rapport tapé à la machine, avec des mots soulignés de ma main. Il a été fait en OCR maintenant, en reconnaissance optique de caractères. Il est disponible, vous pouvez l’avoir en mode informatique, mais j’aime bien voir qu’à l’époque on écrivait comme ça parce qu’en France on n’avait pas d’ordinateurs dans la recherche, il faut se rappeler de ça. On avait le plan calcul, donc la recherche n’avait pas d’ordinateurs, pas de traitements de texte et de choses comme ça. « Il faut former au meilleur niveau possible les techniciens, ingénieurs, cadres administratifs, commerciaux, dirigeants, etc. Il faut reconnaître à l’informatique son caractère et l’importance de son rôle à part entière, formateur et utilitaire. Il faut cesser de prétendre que l’informatique est facile et s’apprend quand on en a besoin – c’est quelque chose qu’on entend encore, « il n’y a qu’à apprendre à coder et on a compris l’informatique ! », je l’entends tout le temps, « où est-ce que je peux apprendre à coder ? », eh bien non ! Il faut, mais ça ne suffit pas –, il faut, au contraire, accepter de consacrer dans les cursus le temps nécessaire à l’apprentissage et au mûrissement des concepts informatiques, ce qui exige autant de temps que pour toute autre discipline. » Ça reste vrai.
À la page 7 : « Tout ce chapitre repose sur une idée centrale : l’informatique est maintenant – donc il y à 35 ans – une véritable discipline scientifique, qui s’appuie sur des concepts et techniques propres, et elle doit être considérée comme telle à tous les niveaux d’enseignement. C’est une discipline importante pour beaucoup d’activités professionnelles, car elle fournit des outils d’usage très général qui permettent de mieux résoudre certains problèmes – fournir des outils, on va y revenir – et surtout d’en aborder d’autres auparavant inattaquables. » Et c’est ça qui s’est passé. C’est ça qui a fait le tournant de l’informatique : s’attaquer à des problèmes dont on ne savait même pas qu’on pouvait s’y attaquer.
« Quatre niveaux homogènes : niveau de base, niveau des utilisateurs intensifs, niveau des informaticiens professionnels, enfin niveau formation pour et par la recherche. » Ces deux-là sont arrivés assez vite en France, mais les deux premiers non et c’est d’eux dont je parlerai le plus.
« L’informatique doit donc être enseignée aux techniciens, ingénieurs et cadres au même titre, par exemple, que l’usage des modèles mathématiques – c’est une phrase que l’on avait longuement mûrie –, c’est-à-dire assez tôt, assez intensivement, sérieusement et avec suffisamment de temps pour la rendre concrète. » D’ailleurs, quand on regarde la CAO [Conception assistée par ordinateur], les systèmes comme CATIA [Conception Assistée Tridimensionnelle Interactive Appliquée] des choses comme ça, on apprend plutôt l’informatique avant les modèles mathématiques quand on veut se servir de ces systèmes. Quelqu’un qui ne comprend ni l’un ni l’autre, cela ne va pas : il faut des gens qui sachent vraiment combiner les deux.
Celui-là est sérieux : « Le problème de la formation à l’informatique en France ne se limite malheureusement pas à l’absence de moyens : la situation réelle de la formation n’est en aucun point à la hauteur des objectifs et plusieurs virages ont été manqués – en 1983 ! En 2019 vous en rajoutez dans tous les sens. Presque partout l’informatique n’est pas considérée comme une discipline – ça c’est officiellement fini depuis cette année, enfin pas à l’université, à l’université il y a longtemps que c’est vrai –, mais comme une fille plus ou moins légitime des mathématiques, de l’électronique ou même de la physique. » Pour la mise en place de l’INS2I <[Institut des sciences de l’information et de leurs interactions] au CNRS, c’est contre ça qu’il fallait se battre : une fille illégitime de la physique qui n’avait pas de raison d’avoir de l’autonomie. « L’enseignement officiel souffre tout à la fois de manque de temps, de manque de matériel et de manque de formateurs, – vous allez voir que c’est parfaitement vrai maintenant. Son niveau est bien en-deçà des besoins : l’informatique est souvent enseignée de manière totalement utilitaire pour les besoins d’autres disciplines, sans réflexion sur sa nature. »
Ce sont des phrases qui étaient très soignées. Voilà une conception extrêmement délétère, qui a survécu longtemps et qui, malheureusement, à mon avis, va renaître : « L’idée longtemps soutenue par l’Éducation nationale d’ajouter un peu d’informatique dans chaque discipline. » Puisque l’informatique intervient partout, on va enseigner l’informatique géographique en géographie, l’informatique artistique en art, l’informatique mathématique en maths… Bruno Deveauchelle a parlé de ça dans une émission de Louise Touret sur France Culture, le dimanche 27 février 2019, qui est certainement un des adeptes de ça, peut-être pas que, a dit que c’est vrai, cela ne peut pas fonctionner parce que personne ne s’approprie le sujet. Un sujet que l’on ne s’approprie pas n’existe pas ; c’est tout simple. C’est pareil pour les maths, la physique, la chimie et la biologie. Je pense que c’est le signe le plus clair de ne pas avoir voulu comprendre les évolutions du monde ; c’est le signa qu’on peut saupoudrer. Ce n’est pas du tout ce qu’on a fait au moment où la physique changeait le monde, pas du tout !
« La situation actuelle au niveau des enseignants n’est pas brillante : le manque d’enseignants est important – à l’heure actuelle, il est très proche de zéro –, et on peut vraiment parler de vide à propos des techniciens et ingénieurs – c’est moins grave maintenant. La charge de travail des enseignants est encore augmentée par les efforts qu’ils doivent fournir pour compenser l’inadaptation du matériel. » Cela va évidemment continuer puisqu’il y a un équipement des lycées en tablettes et on ne peut pas apprendre l’informatique sur une tablette. C’est un véritable problème. Sur les tablettes il n’y a même pas Scratch malheureusement, d’ailleurs pour des raisons un peu idiotes, mais c’est comme ça.
En 1997, explosion de l’Internet. Par voie de conséquence, disparition de l’enseignement optionnel de l’informatique. Un grand coup !
En 2000, introduction du Brevet Informatique et Internet. Là ce sont les adeptes de la littératie. C’est important la littératie ; il y a une fonction dans la littératie.
Les objectifs officiels sont les suivants :
s’approprier un environnement informatique de travail ;
adopter une attitude responsable ;
créer, produire, traiter et exploiter des données ;
s’informer et se documenter ; communiquer et échanger.
Très bien ! Le B2i a plus ou moins vécu, personne ne savait trop ce que voulait dire enseigner ça, il faut être clair, d’ailleurs je ne suis pas sûr que l‘on saurait, ce n’est pas si simple, mais il y avait un objectif. Je n’ai pas marqué la ligne « comprendre et savoir faire », tout simplement parce qu’elle était exclue explicitement : il ne fallait pas comprendre et savoir faire ; ça a été décidé.
Le résultat tout net de ça est que l’informatique n’est vue que comme un outil, ce qui nous met directement dans les mains des USA et de l’Asie. Et après on se plaint des GAFA ! Eh bien oui, c’est un choix que l’on a fait explicitement, en surdité de cause. Les GAFA ont été créés il y a fort longtemps, Google date, je ne sais plus, de 1997. Ils ont toujours dit qu’ils allaient nous piquer les données. Ils ont toujours été totalement honnêtes là-dessus. Maintenant, on râle parce qu’ils nous piquent nos données alors que ça fait juste 20 ans qu’ils le disent.
Le 17 janvier 2008, je donne ma première leçon inaugurale à Marguerite de Navarre, sur « Pourquoi et comment le monde devient numérique ? ». Par numérique, j’entendais l’ensemble des sciences qui s’appuient sur le calcul, sur les nombres, donc le traitement de signal. Ce n’est pas la même chose que ce qu’on entend maintenant par numérique, on va en reparler. À la fin, je disais « j’ai un peu peur qu’on oriente l’enseignement vers le 20e siècle, alors que les enfants sont dans le 21e ». Dans la salle il y avait des gens du cabinet du ministre, des inspecteurs généraux, qui ont dit « il faut qu’on discute ». Effectivement, avec un groupe de chercheurs qu’on va retrouver un peu tout le temps après, Gilles Dowek, Serge Abiteboul, etc., nous sommes allés discuter avec le ministère et les inspecteurs généraux, qui essayaient de promouvoir l’informatique. Par le cabinet de Xavier Darcos qui était ministre à l’époque, il a été décidé, de mettre en place un enseignement optionnel en seconde, tout de suite et sans profs. On a dit « ça n’a aucun sens », mais ce n’est pas nous qui décidons. La réforme Darcos a été annulée intégralement dans la nuit du 14 décembre 2008, donc ça s’est arrêté net. Cela ne nous a pas empêché de continuer à travailler avec les cabinets ministériels, les inspecteurs généraux et les gens un peu compétents.
En 2010 arrive une nouvelle importante, la décision de créer un nouvel enseignement de spécialité : Informatique et sciences du numérique. Là le numérique a changé. Ce n’est plus l’analyse numérique mais c’est « le numérique », c’est devenu un nom que tout le monde, depuis, prend un énorme soin à ne jamais définir. Je n’ai jamais trouvé ce qu’est « le numérique ». Est-ce que c’est l’économie numérique, le codage numérique ? On laisse très volontiers le flou ; c’est aussi pour ça qu’on a changé « programmation » en « codage », ce qui permet de ne pas comprendre de quoi il s’agit. Tout le monde utilise le même mot, personne ne le comprend, tout le monde est content !
Un groupe de travail s’est mis en place entre les institutions qui vont être importantes dans toute l’histoire : la Société informatique de France, la SIF, et un groupe de professeurs qui s’appelait EPI [Enseignement Public & Informatique], qui militaient depuis très longtemps et avaient été majeurs dans la réforme. Je vous ai mis le lien [3], vous cliquez dessus, ça marche ; l’informatique ça a du bon !
En 2012, cet enseignement facultatif a été mis en place, pas dans toutes les académies, il existe encore pour la dernière année, il était à peu près dans la moitié des académies ; il y a des académies qui se sont beaucoup bougées, d’autres qui n’ont pas du tout bougé, c’est comme ça. Une formation très variable des professeurs. Les professeurs étaient des volontaires. Certains, comme à Versailles ou à Nancy, ont eu une formation tout à fait intensive, d’autres ont eu trois heures ! Des fois ils devaient conduire pendant 100 kilomètres pour être formés sans être remboursés du voyage. Il y a des professeurs qui ont vraiment donné !
Il y a eu une très forte implication des milieux de la recherche, c’est important, professeurs, chercheurs et universitaires, etc. Par contre, les professeurs qui ont enseigné ISN n’ont eu aucune reconnaissance d’aucune sorte. Pour tout dire, on ne sait même pas qui ils sont parce que le ministère et les rectorats ne les ont jamais recensés. Les gens s’y intéressaient, mais c’est toujours un pied en avant, un pied en arrière. Mais bon ! Ça va être très important pour la suite et ça a constitué une expérience très importante qui a concerné à peu près 125 000 élèves. 125 000, ça fait beaucoup mais si on y pense ce n’est pas beaucoup, parce qu’entre 2012 et 2018 il y a sept ans, avec les poteaux j’ai compté juste. 125 000 en tout sur 5,6 millions élèves en 7 ans, ce n’est pas très bon. Mais cela fait surtout des professeurs entraînés qui vont un rôle tout à fait important maintenant.
C’est pendant cette période qu’a été vraiment élaborée la façon de voir l’informatique avec ses quatre piliers [données, algorithmes, programmes et machines], comment ils se relient et le fait que les algorithmes construisent eux-mêmes l’informatique, par exemple les ordinateurs qui sont entièrement conçus par des algorithmes, etc. Je pense qu’il aurait fallu rajouter tout de suite beaucoup plus les interfaces et les interactions, parce que c’est généralement le point faible des systèmes. En ingénierie, on doit absolument plus s’intéresser aux points faibles qu’aux points forts. Bref !br/>
Deux livres ont été édités, qui sont toujours là. Un livre fait plus ou moins pour les professeurs et les élèves un peu doués, Informatique et sciences du numérique, et un autre pour les professeurs Introduction à la science de l’informatique. Ces deux livres ont été tout à fait soignés, ils étaient beucoup trop gros par rapport à ce qui a été enseigné, mais l’objectif était aussi de poser un peu ça pour les gens qui voulaient s’instruire et qui avaient une carrière de professeur, pas de chercheur, ce qui est quand même assez différent. Les deux ont été coordonnés par Gilles Dowek qui a toujours été extrêmement actif dans le système.
En 2013, un rapport [4] de l’Académie des sciences qui suit un rapport fait en Angleterre, dont je vais parler après. Il s’appelle « L’enseignement de l’informatique en France, il est urgent de ne plus attendre ». En gros, c’est à peu près le même qu’en 1983, avec quand même des choses en plus. Ce qui est intéressant, pour voir la place de l’informatique dans la science française, il y avait trois académiciens informaticiens : Maurice Nivat qui a beaucoup agi pour l’enseignement, à qui je dédie cette leçon, Serge Abiteboul et moi-même qui coordonnais le rapport. Il y avait sept professeurs d’université ou chercheurs en informatique. Il y avait zéro académicien d’une autre discipline : ils ont tous refusé de venir. On a fait un appel et personne n’a voulu venir, il y en a même qui étaient contre qu’on publie un rapport comme ça ! C’est fait. Maintenant ça a beaucoup changé à l’Académie. Ce rapport a eu aussi un certain impact, il a été notamment publicisé à la radio, dans les journaux ; il a eu un peu plus d’impact que le précédent.
Pendant ce temps ailleurs dans le monde…
Qu’est-ce qui s’est passé ailleurs ? C’est intéressant. Je l’ai déjà dit, quand je travaille avec le système éducatif, je n’entends jamais parler d’international, alors faisons-le nous-mêmes.
Pendant ce temps en Tunisie…
Tunisie, enseignement de type français et en langue française [5]
1983, l’informatique entre dans les lycées pilotes, c’est au moment de notre rapport !
1991, généralisation de l’informatique dans les lycées, c’est un peu avant qu’on la supprime !
1999, deux ans après qu’on la supprime en France, matière optionnelle, les programmes s’adaptent à la section, c’est-à-dire plus de technique, plus de science, etc.
2005, enseignement obligatoire de l’informatique dans les collèges et les lycées. La section qui s’appelle maintenant Sciences et techniques informatiques est créée.
CAPES, je n’ai pas la date, mais il était là avant 2002 – en France on vient d’en parler cette année après avoir eu des refus explicites extrêmement nombreux. Au Maroc il y a une agrégation qui a été créée en 2017. En France on n’en parle pas encore, mais ça viendra peut-être ! Plus de 5000 professeurs ont été formés, vraiment formés, c’est important. Là-bas, c’est enseigné dans toutes les classes du secondaire et je peux certifier qu’il y a un taux important de filles. C’est important, on en parle toujours en France. Il se trouve que lors de mon premier cours, l’année dernière à Lille, j’ai rencontré une jeune fille qui avait suivi la formation, qui était informaticienne et qui avait appris l’informatique au lycée et dont le métier était maintenant d’être informaticienne, elle avait continué après. Elle m’a dit : « Oui il y a beaucoup de filles, c’est très suivi par les filles parce qu’il y a un métier derrière. Ce n’est pas comme la France, en France il y a du chômage, mais en Tunisie c’est plus dur. »
J’aimerais bien avoir des renseignements plus complets sur la Tunisie, si quelqu’un en a, c’est un rapport de l’EPI que j’ai mais qui n’est pas tout récent.
Pendant ce temps en Angleterre…
En Angleterre c’est intéressant. J’ai des amis anglais qui pourront commenter et éventuellement répondre aux questions si besoin.
En 2008, il y avait de la littératie. Computing at school est une organisation assez fantastique qui a été créée en 2008 par quatre chercheurs dont Simon Peyton Jones en particulier, un très brillant chercheur en programmation fonctionnelle, quelqu’un qui est un pilier de la grande conférence POPL (Principles of Programming Languages) et des colloques comme ça. Il est vraiment sérieux et il travaille énormément sur l’éducation. Il a fait un lobbying au sens anglais du terme, c’est-à-dire est allé voir les bonnes personnes, parce que ça c’est le vrai problème. En France, on râle beaucoup mais en général on prend soin de ne pas aller voir les bonnes personnes parce que c’est plus fatigant. Je préfère faire le deuxième que le premier, mais ça change maintenant en France.
En 2009, la Royal Society a fait un rapport qui s’appelle Shutdown or Restart : Te way forward for computing in UK schools qui disait clairement « abandonnez la littératie, ça ne sert à rien, ce n’est pas ça qu’il faut faire, on peut garder de la littératie, mais ce n’est pas l’objectif de l’enseignement, l’objectif c’est d’apprendre l’informatique, la science informatique, la technique informatique, la programmation, les algorithmes et tout ça. »
Ce n’est pas comme en France, c’est-à-dire que ce rapport n’est pas du tout tombé au milieu de rien.
Un autre événement déclencheur c’est en 2011, Eric Schmidt, PDG de Google, a dit dans un discours je ne sais pas où, mais un endroit important, je ne sais pas exactement comment traduire ça, « J’ai été consterné d’apprendre que l’informatique n’est même pas enseignée en standard dans les écoles anglaises. Vous enseignez la littératie, mais ce n’est pas ce qu’il faut faire parce que ça ne donne pas la moindre idée de comment c’est fait. »
Là on est en Angleterre dans un pays qui, quelquefois, pas toujours, est très orienté vers le factuel, les choses marchent, on fait marcher les choses. Très peu après, Gordon Brown, Premier ministre a dit : « Eric Schmidt a raison, nous ne faisons pas assez pour fabriquer la prochaine génération de programmers – chez les politiciens, les mots ne sont pas très précis. Quand j’écoute les gens qui bossent à Tech City, c’est-à-dire tous les technos américains, ils me disent qu’ils n’ont rien à faire de gens qui savent se servir d’ordinateurs, ce qui les intéresse ce sont de gens qui savent créer de l’informatique. C’est un vrai coup de réveil pour notre système d’éducation. »
Donc ça, ça a été fait, c’est le côté pragmatique des Anglais, ce qui n’est pas toujours là, je l’ai dit, en ce moment ce n’est pas très clair, mais à l’époque, en 2012, le ministère déclare qu’il ne peut pas faire ça de lui-même, que c’est trop dur comme tâche – en France ce n’est pas fait – donc il mandate la British Computing Society et la Royal Academy, deux organisations indépendantes, pour élaborer les programmes pour toutes les classes du secondaire au lycée. J’exagère parce qu’en France c’est un peu ce qui s’est passé aussi après.
Ce qui est aussi très intéressant c’est que dès 2012 un grand réseau de professeurs a été créé destiné à former les professeurs partout, parce que la formation des professeurs a été considérée comme le problème vraiment important : on ne peut pas enseigner sans professeurs, saupoudrer ce n’est pas la bonne méthode !
En 2013, les programmes sont publiés, la discipline est créée. À l’anglaise, de façon tout à fait explicite, il y a maintenant quatre sciences au baccalauréat au lieu de trois. Les trois étaient physique, chimie, biologie ; maintenant il y a physique, chimie, biologie et informatique. Au moins c’est clair, ça a le mérite de ne pas tourner autour du pot. En 2015 ça a été mis en place dans toutes les écoles et lycées. Je n’ai pas eu le temps de regarder, je crois qu’il y a eu des rapports sur ce qui s’est passé après. Nous pourrons peut-être le savoir au moment des questions en demandant à Michael Fourman, qui est ici, chez qui j’avais donné huit cours à Edimbourg en 2010, un remake de mon cours de 2009 au Collège de France.
La situation en Europe vers 2015
En 2015, une association Informatics Europe, qui rassemble beaucoup de gens en Europe, a publié un rapport Informatics Education in Europe : Are We All In The Same Boat ?, « Sommes-nous tous dans le même bateau ? ». On a regardé ce qui se passait en Europe, enfin « on », moi je n’ai pas fait grand-chose. Après il y a eu un autre rapport que je mentionne mais qui est plus pour le supérieur.
Voilà les couleurs. Cette carte est à l’envers des autres : c’est à quel âge on a le premier contact avec l’informatique. Plus c’est sombre, plus c’est tard. C’est clair, la France est dans le sombre. En Angleterre c’est très tôt. La Suisse, une bonne partie de l’Allemagne — l’Allemagne n’est pas homogène —, la Pologne c’est très tôt ; la Pologne est complètement pionnière, elle enseigne l’informatique depuis super longtemps. Il y a un bloc de gens rapides dans les pays de l’Est et un bloc de gens lents chez les latins, ça vous étonnera ! La Corse est lente, le Portugal aussi, l’Espagne pas du tout, l’Irlande pas du tout. l’Espagne n’a pas bougé d’un millimètre, c’est comme ça.
Si on regarde les courbes par âge, suivant les âges, il y a les petits et les grands, on voit que la France est pâlotte dans le système, optionnel ce n’est pas terrible. Optionnel et actif je ne sais pas exactement, on élit une spécialité qui est notée. Obligatoire c’est foncé. On voit que la France est dans les mous, que l’Irlande est dans les plus, par contre l’Angleterre et l’Écosse sont dans le dur depuis longtemps et à tous les âges. Il y a une chose bizarre au niveau de la Suède et de la Finlande que je ne sais pas décoder, il n’y a rien, est-ce que c’est parce qu’il n’y a pas d’informations ou est-ce que c’est parce que c’est comme ça ? Je ne sais pas.
On voit que la France, dans les pays de l’Europe, est parmi les retardataires.
Est-ce qu’il y a un curriculum pour former les professeurs ? Suivant les pays, c’est non, c’est oui, ou c’est non applicable parce qu’il n’y a pas les données ou que la question a fait erreur quand on l’a posée au pays ou un truc comme ça. On est l’endroit [la France] où il n’y a pas de formation explicite des professeurs d’informatique.
Maintenant est-ce qu’on peut utiliser, pour enseigner, des professionnels du domaine, un système pas forcément idiot mais pas forcément bon non plus. On voit qu’en France, c’est non. En Allemagne c’est varié, en Pologne c’est oui, en Angleterre c’est oui. Il faut voir, je veux dire que c’est encadré, ce n’est pas juste comme ça.
Donc vous voyez, on est en retard de partout, c’est comme ça !
2015-2017 : primaire et collège
2015-2017 apparaît un changement. C’était dans les airs, mais ça ne s’est pas mal passé la soirée du 18 décembre 2014, lorsque la ministre Najat Vallaud-Belkacem m’a remis la médaille d’or du CNRS. C’était vraiment très intéressant parce qu’on a pu discuter, parce que ce n’est pas quelqu’un qui était très facile à voir. Le 6 janvier 2015, elle a fait une réunion sur l’enseignement de l’informatique en disant « qu’est-ce qu’il faut faire ? Qu’est-ce qu’il faut enseigner ? ». Il y avait, à l’époque, la réforme du collège qui était en préparation.
Sur le CAPES ça avait été simple. Il y avait par exemple un urbaniste qui était là et qui a dit : « Il faut faire un CAPES d’urbanisme, c’est beaucoup plus important que les gens comprennent ce qu’est un quartier plutôt que ce qu’est que l’informatique ». Je crois qu’il y avait de 75 demandes de CAPES donc ce n’est pas simple pour le ministère.
Il a été décidé d’intégrer l’informatique à l’enseignement du primaire et du collège. Il y a trois cycles, pour le cycle 2 (CP-CE2), les plus jeunes, on parle de « dispositifs informatiques », pas clair ! Pour le cycle 3 (CM1-6e), ce que l’on appelle maintenant numérique mais quand même parler des algorithmes, le mot « algorithme » était tabou. Je n’avais jamais réussi à expliquer à un professeur que lorsqu’il apprenait l’addition aux élèves, il leur apprenait un algorithme, il ne leur apprenait pas l’addition, l’addition ce n’est pas ça, il leur apprenait la méthode d’addition, ce qui est un algorithme. Nettement plus de la 5e à la 3e.
C’est intéressant de regarder les programmes pour voir comment ils sont faits. Je ne vais pas tellement vous parler de comment enseigner, parce ça, ça dépend beaucoup des profs, et je ne suis pas prof de collège, encore que j’ai pas mal enseigné en collège et en primaire, vous allez voir après. Il y a une chose qui nous a gênés vraiment fort, c’est qu’il a été décidé un partage en deux entre les maths et la technologie. Les maths et la techno, pourquoi pas, parce qu’il y a des maths et de la techno des deux côtés, mais ce ne sont pas du tout les mêmes raisonnements. Je connais pas mal de profs de techno qui sont des gens très bien qui disent : « On nous a embauchés pour enseigner la matière et l’énergie, pas l’information ». C’est plus compliqué, donc ça va toujours finir par retomber dans la matière quelque part. Surtout, les maths et la technologie ne sont pas vraiment les matières qui collaborent le mieux dans le système éducatif. Nous étions très inquiets de ça, je n’ai pas les feed-back. Ça traduit très précisément la structure des rapports de pouvoir au sein de l’Éducation nationale et ça n’a rigoureusement rien à voir avec la discipline qu’est l’informatique. Il faut être assez clair, c’est de la politique pure !
Si on regarde les programmes de près, c’est assez intéressant. Le programme du cycle 3 est jusqu’à la sixième.
Programme du cycle 3
Domaine 1 : Les langages pour penser et communiquer.
On va voir le saupoudrage, c’est un peu de littératie saupoudrée : « des langages pour penser et communiquer » et « des langages mathématiques, scientifiques et informatiques ». Ça c’est dans le titre, après il n’y a plus rien, il y a marqué « traiter et organiser des données » ; il n’y a même pas de mention de langages, là on s’est dédouané, c’est clair.
Domaine 2 : Les méthodes et outils pour apprendre.
J’ai mis en rouge, c’est de la littératie pure, comme « outils informatiques », « au service de... ». C’est l’opinion de la littératie, rien que « des outils au service de… », il ne faut surtout pas comprendre ce que c’est. Mais il n’y a pas que ça. « Outils informatiques simples », « outils numériques », une langue vivante, « outils d’écriture », tout ça est raisonnable mais si ce n’est pas couplé avec une compréhension ça perd beaucoup.
Domaine 3 : La formation de la personne et du citoyen.
On en parle énormément, c’était juste quatre ans trop tôt, donc là personne n’en a parlé.
Domaine 4 : Les systèmes naturels et les systèmes techniques.
Il y a des outils informatiques pour résoudre des problèmes, ce n’est pas idiot non plus.
Domaine 5 : Les représentations du monde et de l’activité humaine.
Dans la représentation du monde, il n’y a pas l’information, il n’y a pas l’informatique.
Par contre, on va trouver des formes très intéressantes de saupoudrage : Internet est enseigné en géographie ! Pourquoi ? Parce qu’Internet c’est mondial, donc c’est enseigné en géographie ! Donc un monde de réseaux, un habitat connecté au monde et des habitants intégralement connectés dans le monde. Simplement, je doute tout à fait de la capacité d’un prof de géographie qui n’a aucune formation à enseigner Internet de façon satisfaisante avec une carte de géographie, parce qu’Internet ce n’est pas ça. Internet c’est un fonctionnement, ce n’est pas juste de la géographie. On commence quand même de réfléchir sur le fonctionnement du réseau, cette phrase est très vague, il n’y a pas de contenu, au moins ça aide ! Nouveau rapport à l’espace et au temps, question de la citoyenneté. Ni les profs de maths, ni les profs de géographie n’ont été entraînés à ce genre de question-là, de toute façon.
Là, par contre, il y a « identifier un signal et une information ». C’est précis, nature d’un signal, nature d’une information dans une situation de la vie courante. C’est intéressant : feux de circulation, voyant de charge d’un appareil, vous voyez que la matière revient au galop ; voyant de charge, c’est sûr que pour expliquer le traitement du signal c’est ce qui il a y a de mieux ; alarme sonore, c’est un objet noble ; téléphone, c’est juste un peu trop dur ; élément minimum d’information (oui/non ) et représentation par 0 et 1. Bon ! Là il y a des choses.
Matériaux et objets techniques
Ils exploitent les moyens informatiques
Mathématiques.
Alors là, mathématiques c’est beaucoup plus court que la techno, mais c’est beaucoup plus clair, on va le voir un peu plus loin. Il y a du repérage et du déplacement de robots, des activités géométriques, pourquoi pas, c’est visuel, ça se programme.
J’ai une grande question : est-ce que ça s’est fait ? À ma connaissance, dans au moins 45 % des endroits, il ne s’est rien passé. Aucun prof n’a eu la moindre formation. Enseigner des choses comme ça sans formation, ce n’est pas simple. En anglais on a un très beau mot dire ça, ça s’appelle Wishful thinking, il n’y a pas de mot français complètement équivalent à Wishful thinking.
Cycle 4, 5e-3e
Là on devrait rentrer un peu plus dans le dur. Ce n’est pas entièrement faux.
Domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre.
Toujours pareil outils numériques, etc.
Technologie
Vous allez voir que technologie et maths ça va être très disjoint. On va comprendre tout de suite que ça va avoir du mal à se parler, mais je n’ai pas les feed-back exacts.
Imaginer, concevoir et programmer des applications informatiques pour des appareils nomades. Ce n’est pas très simple à faire. Programmer son téléphone, si vous avez un iPhone, je vous souhaite bonne chance, c’est juste impossible ! Programmer Android, ceux qui ont essayé sont habitués à savoir que c’est dur… Je ne sais pas ce que ça peut être un appareil nomade, je ne sais pas ce que c’est.
Outils de représentation numérique, supports numériques multimédia, fabriquer des transparents ; fabriquer des trucs ce n’est pas idiot parce que c’est quand même une logique assez informatique qui est derrière.
Appliquer les principes élémentaires de l’algorithmique et du codage à la résolution d’un problème simple. Pourquoi pas ! Je n’ai pas les exemples, malheureusement.
Simuler numériquement.
Il y a beaucoup de choses sur la simulation numérique.
Organiser, structurer et stoker des ressources numériques, ça c’est de la littératie évoluée.
Représentations numériques d’objets.
Piloter un système connecté, en général c’est un petit robot.
Modifier ou paramétrer le fonctionnement d’un objet communicant.
Simuler numériquement la structure et le comportement d’un objet.
Il y a quand même une chose intéressante, qui est vraiment bien : la notion d’écart entre les attentes fixées par le cahier des charges et les résultats de la simulation. Il y a toujours une notion de cahier des charges en techno et ça ce n’est pas idiot comme phrase parce qu’il faut toujours rappeler aux gens qu’effectivement on ne trouve pas du pétrole en forant la carte, you can’t find oil by drilling the map, qui est une expression américaine très fondamentale.
L’informatique et la programmation.
Comprendre le fonctionnement d’un réseau informatique. Ça c’est très orienté vers la prise, vers la circulation du paquet, le routage, vers le bas niveau, je dirais. C’est normal, les profs de techno sont entraînés au bas niveau.
Écrire, mettre au point exécuter un programme. Très bien.
Après c’est très détaillé. Ici je les ai mis, on ne va pas les lire. Vous les téléchargerez vu qu’ils sont sur le web. C’est gros, il y a énormément de détails, c’est toujours très détaillé en techno.
Observer et décrire le comportement d’un robot ou d’un système embarqué, décrire les éléments de sa programmation. Il y a de quoi faire.
Il y a aussi du langage de la didactique que j’adore : « les moyens utilisés sont des systèmes pluri-technologiques réels, didactisés ou non, dont la programmation est pilotée par ordinateur ou une tablette numérique ». Je trouve ça merveilleux, « des systèmes pluri-technologiques réels didactisés ou non », c’est quand même une phrase à garder très soigneusement dans le vocabulaire des bêtises.
En maths c’est beaucoup plus sérieux, c’est beaucoup plus simple, ça ne veut pas dire que c’est mieux parce que je ne sais pas comment c’est enseigné. Je crois que ce n’est pas si mal d’après les retours que j’ai, c’est peut-être bien en techno aussi, mais c’est tellement gros en techno que tout le monde doit en faire un dixième.
Là on crée un programme, on développe des méthodes de programmation, on visite les notions de variable et de fonctions sous un angle différent et ça c’est vraiment bien. J’ai fait partie des gens qui ont écrit ces programmes mais ce n’était pas moi le leader, de loin. Les gens qui ont écrit ça savaient ce qu’ils faisaient. On peut faire le jeu Pong, la bataille navale, des trucs qui sont intéressants.
Notion d’algorithme et de programme, notion de variable.
C’est court mais au moins on sait de quoi ça cause.
Très bien !
Que peut-on faire de bien à ces âges ?
Est-ce qu’on peut faire des choses bien à ces âges bien jeunes ? La réponse est oui.
La première chose qu’on peut faire, et c’est très sous-estimé en France, ce sont des activités débranchées, c’est-à-dire ne pas utiliser l’ordinateur. J’ai beaucoup fait ça personnellement. Il y a très beau livre qui s’appelle Computer Science Unplugged, qui a été fait en Nouvelle-Zélande, la traduction [6] française est là. J’ai beaucoup travaillé là-dessus à l’école Montessori Les Pouces Verts avec des enfants de six-neuf ans.
On peut faire de la vraie programmation, il y a un langage qui est assez chouette, qui s’appelle Scratch [7], que j’aime bien tout plusieurs raisons. Il a deux gros défauts : il n’a pas de syntaxe textuelle, il a en a une mais c’est de l’XML donc c’est l’horreur, et il ne marche pas sur les tablettes. Sinon, c’est un langage qui est très bien fait pour plusieurs raisons.
D’abord, il se programme avec des petites pièces de puzzle qui représentent les actions de programmation ; ça marche super bien avec les gamins et avec moi aussi, ça marche très bien.
Deuxièmement, il contrôle les événements, il y a du contrôle d’événements. Il est un peu rudimentaire, on pourrait faire beaucoup mieux, mais il y a du contrôle d’événement et ça correspond à des programmes qui causent avec du monde, où les personnages se causent entre eux. Ensuite il y a du son, c’est très bien aussi. Il y a du parallélisme. On peut faire plusieurs threads parallèles, mais ce sont des threads synchrones comme en Esterel. Si vous avez suivi mon cours de l’année dernière, vous savez déjà programmer en Scratch, sauf qu’il n’y a pas abortwhen ce qui limite beaucoup parce qu’on ne peut pas le faire à la main ! Bref ! Il faudrait que quelqu’un le fasse, ce serait beaucoup mieux. C’est très bien pour les enfants et très bien pour les parents. C’est un gros succès du MIT, c’est gratuit évidemment.
Il y a beaucoup de travail qui a été fait sur les ressources. Si ça vous intéresse, si vous avez des gamins ou si vous avez envie vous-même de regarder un peu ça, c’est vraiment bien. Il y a des ressources à l’Inria qui sont remarquables, merci Thierry Vieville. Il y a un très beau livre qui a été fait par La main à la pâte qui s’appelle 1, 2, 3… Codez !, deux tomes, c’est pour la formation des professeurs. Ils sont très bien pour les parents ou même pour les chercheurs, c’est vraiment de très beaux livres. Et puis il y a des associations qui se bougent : Class’Code, par exemple, qui a eu le grand prix européen de Informatics Europe, d’ailleurs quelques années après Computing at School, qui se bougent vraiment pour former les parents, pour formes les profs, pour proposer des choses aux enfants. Une association, ce n’est pas un système d’éducation, mais c’est vraiment important.
Voilà un peu de débranché.
Vous photocopiez ça si vous avez des gamins, vous essayez, ça marche très bien, c’est l’écriture binaire des nombres. Vous avez 1, 2, 4, 8, 16. OK. Puis écrivez un nombre binaire comme ça et vous apprenez la numération binaire de deux façons ce qui est typiquement l’essence des méthodes Montessori. Si vous savez lire le binaire, vous comprenez, vous dites : 1 + 0 × 2 + 0 × 4 + 1 × 8 ça fait 9, et si vous ne savez pas encore lire le binaire, eh bien vous comptez les points. C’est tout bête. C’est toujours présenter la même chose simultanément sous plusieurs angles. Très bien.
Moi je n’ai pas mal travaillé avec les gamins sous une autre version, des pions noirs et blancs sur un jeu de go. On n’a pas commencé par ça, je vais le dire après. Voilà le système de numération en base 2 et ça plaît énormément aux enfants parce que c’est plein de géométrie. Ils peuvent passer vraiment longtemps à regarder cette bête-là. Si vous mettez une colonne en plus c’est encore plus intéressant, c’est plus fatigant. Cet objet-là est vraiment intéressant à regarder et ça a des tas de vertus extraordinaires. Une fois, je ne sais pas pourquoi, je suis allé aider un enfant et je me suis mis en travers. Qu’est-ce que j’ai vu en travers ? J’ai vu que si on le regarde dans l’autre sens, ça fait un superbe tournoi de tennis, vous avez des matchs, là, parce que si vous remplacez les paquets de 2, paquets de 4, paquets de 8 par un pion de la couleur du paquet, vous voyez ici que ça va fabriquer un tournoi de tennis, là c’est le blanc qui gagne, là c’est le noir qui gagne, là c’est le blanc qui gagne. Et ici on refait un tournoi et tout, et vous voyez bien le logarithme. Il n’y a pas plus simple à expliquer à enfant de huit ans que logarithme en base 2, c’est le nombre de tours qu’il faut dans un tournoi de tennis quand on a une personne. On vous explique que le logarithme en base 10 c’est la primitive de 1/x, ce qui est le meilleur moyen de ne pas comprendre, mais le logarithme en base 2 c’est juste le nombre de tours d’un tournoi de tennis. N’importe quel gamin dit « ah ben ouais », et après on passe à autre chose.
Si vous l’étendez un peu, si vous tordez un peu la géométrie, on voit vraiment la notion de plante qui arrive, la notion d’arbre. Après on le fait dessiner aux gamins et ils voient qu’il y a des plantes qui sont comme ça, regardez le fenouil — ça se passe à Mouans-Sartoux, il y a du fenouil partout — ça a pile cette tête-là. Ils vont dire « oui, le fenouil, c’est la même chose que les nombres ! ». Eh oui ! Après on peut faire Fibonacci dans le tournesol et tout ça. C’est rigolo comme tout. On s’est bien marrés.
Ce n’est pas arrivé du premier coup. En fait, j’avais une autre méthode pour apprendre le binaire aux enfants, c’était quand on compte en décimal, on compte sur les doigts. Mais en binaire, il faut faire 0 et 1, eh bien on compte sur le nez. O, 1 [l’orateur se touche le nez, NdT]. Pour faire un compteur, on se met à quatre et moi je fais ça [l’orateur frappe des mains, NdT], le premier fait ça [l’orateur se touche le nez, NdT]. Je refais ça [l’orateur frappe des mains, NdT], donc il fait ça [l’orateur baisse le bras, NdT], mais en redescendant il donne un coup de coude au voisin qui fait ça [l’orateur se touche le nez, NdT]. D’accord ! À la fin les gamins travaillaient à toute allure, ils étaient capables de compter tac, tac, tac, comme ça, sans jamais se tromper. Une fois où ils avaient vraiment réussi, à cinq, je leur ai dit « qu’est-ce que vous en pensez ? » Le dernier a dit : « Pourquoi moi je ne fais jamais rien ? ». C’est vraiment marrant l’enseignement ! C’est là qu’est venue l’idée de faire ça [dessin du jeu de Go, NdT] et de regarder effectivement pourquoi il ne fait jamais rien. Après on a regardé un peu de code Gray, mais c’est beaucoup plus compliqué.
On peut aussi coder des images. Par exemple on peut lire cette image. On dit d’abord un nombre de pions noirs, puis un nombre pions blancs. Là on dit 4, 0 ; là on dit 3, 1, 0 : là on dit 2, 1, 1, 0. Ça vous fait une compression, ça vous fait un codage numérique d’une image. Vous pouvez jouer à des jeux infinis et les gamins adorent.
Dans l’enseignement il n’y a qu’un seul truc : on enseigne des choses aux gens quand ils les aiment. Quand ils ne les aiment pas, ils font comme vous quand vous étiez petits, ils dorment, et là ça ne rentre même pas par une oreille et ça ressort par l’autre, ça ne rentre pas du tout !
Après on a des protocoles de communication, des tas de méthodes pour se passer des messages, par exemple en allumant et en éteignant une lampe avec deux chronomètre en phases alternées, des choses comme ça.
Une que j’adorais, vous savez mon attirance pour les bugs, c’était : je suis le robot, programmez-moi. Faites-moi traverser la pièce, mais je ne comprends presque rien, je ne comprends que des ordres extrêmement simples. Les gamins disaient « marche », je répondais « je ne comprends pas », pendant très longtemps, ça les énervait. Au bout d’un moment il y a un qui me dit « lève la jambe droite », je lève la jambe droite. Il y en a un autre qui me dit « lève la jambe gauche », je ne vous le fais pas là, mais je m’écrase par terre en criant « bug ». Tous pliés ! Et on a mis un mois à traverser la pièce, dans une concentration d’enfer et là, ils avaient vraiment appris à programmer.
Je n’avais pas 32 élèves turbulents, les profs savent ce que je veux dire, mais on découvre les bugs qui cassent la mécanique.
2018-2019 : lycée + CAPES
2018-2019, maintenant qu’est-ce qu’il est en train de se passer ?
Il est en train de se passer des choses. On va voir.
Deux programmes viennent d’être institués :
Sciences numériques et technologie, un nom absolument étonnant. Je ne sais pas qui est allé chercher ça où, c’est juste un cours d’informatique, je ne sais pas pourquoi il a été nommé comme ça ! J’ai parlé au ministre devant l’ensemble des académiciens le jour où il est venu à l’Académie en disant « pour trouver plus bête comme nom et moins français par ailleurs ! ». Ce sont des luttes de pouvoir internes dans le système éducatif sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Mais bon !, ça existe et c’est un programme général pour l’ensemble des classes de seconde ; ça c’est vraiment nouveau, personne n’y échappera. Et, si c’est bien fait, c’est un programme d’informatique bien que ça ne s’appelle évidemment pas comme ça.
Une heure trente par semaine, ce n’est pas si négligeable !
Numérique et sciences informatiques, c’est une des 12 spécialités. J’ai dit qu’il y avait quatre spécialités scientifiques en Angleterre, eh bien maintenant en France il n’y a pas beaucoup non plus, mais il y en a une qui s’appelle informatique. Non, pardon ! Elle s’appelle Numérique et sciences informatiques au pluriel. Je ne sais pas d’où vient ce pluriel, moi j’en connais une, s’il y en a une autre j’aimerais bien la découvrir un jour. C’est comme les îles désertes. Bref ! Quatre heures par semaine en première, six heures par semaine en terminale. Vous savez qu’en première les élèves choisiront trois enseignements et ils arrêteront un des trois en terminale.
Le programme de première a été publié et le programme de terminale est actuellement soumis au CSP pour validation.
Il y a un groupe de travail qui a été créé, que je copilote avec Laurent Chéno qui est inspecteur général de maths-info, qui a déjà fait les programmes de taupe, qui a participé à tout depuis le début, c’est vraiment le plus actif du système, et puis il y a une brochette de gens. Il y a trois inspecteurs, un de maths, une en techno et une en éco-gestion, une inspectrice d’académie en maths, quatre professeurs de lycée déjà impliqués dans ISN, donc avec vraiment une expérience de l’enseignement de l’ISN, qui, quelque part, se sont aperçus qu’ils ne savaient pas beaucoup d’informatique, mais qui vont l’apprendre sans aucun problème. Ils avaient largement fait ce qu’il fallait pour enseigner l’ISN. Deux professeurs d’université plus ma pomme, deux chercheurs engagés dans les domaines de l’éducation. Donc ce sont des gens assez variés, je pense que ça a assez bien fonctionné.
Il a été fait un choix stylistique qui n’était pas évident. La première chose c’était de parler du monde des élèves. Oui, on peut parler, on peut faire des programmes froids comme j’avais quand j’étais petit, j’enseignais les mathématiques modernes à ma prof parce que, pour elle, c’était un machin, les ensembles, les applications, les relations, c’était un truc, elle n’avait jamais appris ça et après quand j’ai fait des petits cours à une élève de troisième qui avait des grandes matrices et il fallait qu’elle vérifie que c’était une matrice d’un groupe commutatif, le machin le plus passionnant de la terre ! Donc on voulait éviter ça, on voulait que l’enseignement soit relié à la terre.
Montrer l’universalité de l’informatique, c’est-à-dire montrer que tout est pareil partout.
Organiser vraiment le cours autour de la pensée informatique et de sept thèmes techniques.
Travailler un quart par projets, ce qui est vraiment un problème à l’actuelle. En classe pleine et sans machine c’est très difficile. Il y a beaucoup de lycées où il n’y a pas les éléments pour faire ça pour l’instant, mais ce programme n’est pas fait pour un an.
Et puis faire comprendre le fonctionnement et parler des impacts seulement à partir de cette compréhension. Pas faire comme les journaux qui disent : « On va discuter des impacts, mais on ne cherche pas à comprendre d’où ils viennent ». Ça c’est condamner, on est condamné à subir.
C’est une présentation très linéaire, ce qui nous a été reproché. On a écrit des textes d’explication. Pourquoi ? Parce qu’on sait que les professeurs qui les liront ne savent rien avant. Ils savent qu’ils ne savent rien avant, ils ne nous ont pas dit le contraire. On voulait au moins que les professeurs puissent lire les programmes.
Dans les programmes classiques il y a des cases et dans ces cases il y a des mots, mais ce qui se passe c‘est que ces mots sont un ré-arrangement des programmes et que les professeurs savent déjà ce qu’ils veulent dire. Tandis que si on parle d’interaction client-serveur dans le Web, les professeurs qui savent ce que c’est vont être éminemment rares, donc on essaie de leur expliquer.
Les sujets
Il n’y a pas d’ordre entre eux.
Internet, expliquer ce qu’est l’IP, ce qu’est le routage, pourquoi Internet a des limites, pourquoi on n’arrive pas à faire passer de la vidéo correctement ou de la visioconférence parce qu’il n’y a pas de temps dans Internet, des choses un petit peu leçon de choses, mais certaines quand même techniques.
Le Web. Les gens confondent Internet et le Web, dans les journaux c’est tranquille, il n’y a pas de différence entre Internet et le Web. Eh bien si, c’est quand même complètement différent.
Un moteur de recherche, c’est quoi ? On n’explique pas trop comment ça marche, parce que c’est un petit peu difficile.
Les données structurées, qu’est-ce que c’est qu’une métadonnée, aller voir dans une photo pour s’apercevoir qu’on sait où elle a été prise et à quelle heure. En général, ils le savent, mais sans comprendre comment c’est fait.
Les réseaux sociaux, ça c’est un sujet chaud.
La localisation c’est assez merveilleux. J’en ai souvent parlé ici, c‘est là que j’étais rentré en 2009 avec des professeurs chez Darcos, au cabinet de Darcos, qui disaient : « Peux-tu nous expliquer un truc qui a changé le monde en informatique ? » J’ai dit les cartes. J’ai regardé le programme de 5ᵉ, il y avait marqué « s‘orienter sur une carte », comment vous faites ? Ils m’ont répondu : « On achète la carte, on l’a à l’école, on la déplie, on la regarde, on cherche où on est, on cherche où on va, après on cherche la route pour y aller ». J’ai dit « ça n’a aucun sens d’expliquer ça aux enfants, c’est dans un cours d’histoire qu’il faut faire ça, pas dans un cours de quoi que ce soit ! C’est utile dans un cours d’histoire ». Ils me disaient pourquoi ? Je leur ai dit parce que les enfants auront une carte du monde à toutes les échelles simultanées. La seule chose qu’ils sauront dès qu’ils la regardent c’est où ils sont, après ils taperont où ils veulent aller et ça leur tracera la route. Les inspecteurs m’ont répondu : « Mais cela n’existe pas ! » En 2008 ! J’ai dit « ah, mais si ça existe, c’est le GPS ! — Oui, c’est le GPS, mais personne n’a de GPS. » Nous étions en train de finir les circuits de GPS qui allaient être dans le téléphone, il y avait déjà l’iPhone à l’époque. Ils n’y ont pas cru parce qu’on ne croit pas à la vitesse de l’informatique quand on ne comprend pas d’où elle vient. Maintenant c’est bon ! On parle de ça. D’ailleurs c’est très intéressant, les gens pensent, par exemple, que c’est le GPS qui localise votre téléphone. Mais non ! C’est Galileo ! Qui est-ce qui sait ça dans la salle ? Une personne, deux, trois, quatre ! Génial ! Quatre personnes savent que c’est Galileo. Moi je l’ai appris il n’y a pas longtemps pour tout dire.
Informatique embarquée et objets connectés, ce qui nous ramène aussi au monde réel et est évidemment très prisé des profs de techno, etc.
La photographie numérique, que j’ai enseignée l’année dernière à Lille. Pourquoi la photo c’est intéressant ? Eh bien parce que c’est le monde des enfants. Je vous rappelle qu’il se met deux milliards de photos par jour sur Facebook, rien que sur Facebook ! Les enfants y sont pour beaucoup, mais c’est aussi surtout un magnifique système algorithmique. C’est vraiment une des choses algorithmiques les plus extraordinaires qu’on n’ait jamais faite. Et puis, les appareils photos ce sont les téléphones, évidemment, donc il n’y a pas plus personne qui n’en a pas sur lui. Si, ils sont interdits au collège maintenant. Mais il n’y a plus personne qui n’en a pas sur lui ou dans son sac, fermé. Enfin presque !
Il y a eu des critiques là-dessus, je ne vais pas parler de ça, elles sont écrites, mais la SIF [Société Informatique de France] a trouvé qu’on avait un programme qui ne fabriquait pas assez d’abstraction, donc ils ont produit un contre-programme. Personnellement je pense que c’est un peu idiot, parce qu’un contre-programme c’est à peu près aussi utile qu’un contre-gouvernement. Vous avez déjà vu un contre-gouvernement qui a fait quelque chose ? Je pense que ça aurait été un peu plus malin…, mais ce n’est pas grave, c’est leur choix. J’ai marqué tout ça, vous pourrez le voir.
En terminale, comme je ne veux pas trop dépenser mon temps, une heure dix, une heure et quart, en NSI c’est un programme beaucoup plus clair. C’est un programme de spécialité, ce n’est pas comme en seconde. En seconde il n’y a personne qui a choisi. En NSI, les gens ont choisi, Numérique et sciences informatiques, donc en terminale les gens ont choisi.
Programme à double entrée classique. Il y a du transversal, évidemment, comme d’habitude, et puis il y a des interfaces dans le transversal. Je pense que c’est une bonne chose et puis il y a des thèmes.
Un peu d’histoire, je pense que c’est très important de comprendre un minimum d’histoire de l’informatique. On a eu un mal fou à faire entrer le nom Al-Khwârizmî quand on a parlé au Collège. L’argument ce n’est pas qu’il avait inventé les algorithmes ; algorithme c’est la latinisation, en 1215, du nom Al-Khwârizmî. Et ce n’est pas ça. C’est qu’il a inventé l’algèbre. Ça, ça a décidé les gens à l’enseigner.
La représentation des données, les types de base. Ça il faut le faire. Pourquoi on ne l’a pas fait en seconde ? Notre peur c’était que les profs passent l’intégralité de leur temps à expliquer des types de base, des records parce que, au moins, ça ce n’est pas fatigant. On n’y apprend pas tant que ça. C’est difficile de faire un programme !
Représentation des données : types construits.
Traitement de données en tables, un peu de bases de données, mais si vous voulez plutôt à la Excel, avec des croisements de tables, donc un petit peu de travail de croisement de données. Ça, je vous rappelle, pour tous les élèves de spécialité et ils ne continueront pas forcément la spécialité après.
Interactions entre l’homme et la machine sur le web, comment ça marche quand on cause à un serveur. Je pense que c’est très important dans le monde actuel, je vous rappelle que le métier numéro un aux US à l’heure actuelle ça s’appelle développeur, c’est l’ancien mot programmeur, mais développeur d’activités sur le Web, le cloud, etc., donc sur des interactions avec les serveurs.
Architectures matérielles et systèmes d’exploitation, expliquer ce que c’est que les processus, des choses comme ça.
Langages et programmation, algorithmique. C’est beaucoup plus classique.
Il y a des gros dangers potentiels à surveiller.
Le premier c’est une formation insuffisante des professeurs. Ça va commencer. Demain je suis au plan national de formation pour faire la première partie de ce que j’ai fait ici la semaine dernière. Il faut comprendre que pour l’instant il n’y a pas de professeurs : il y a à peu près 1300 professeurs qui ont été formés pour ISN, tous n’ont pas forcément envie de continuer et tous n’ont pas été formés pareil, mais bon ! Il y en qui sont bien. Les professeurs d’ISN vont servir à former les autres.
Il y a à peu près 9000 professeurs à former très vite. C’est-à-dire que l’enseignement commence en septembre. C’est-à-dire que les manuels doivent être rédigés entre la publication des programmes en décembre et avril. C’est très simple !
Il y a une grande tentation qui, je pense, va arriver nécessairement et qui a été accentuée, à se cantonner à la littératie et à éviter de parler du dur du sujet. Les programmes qu’on avait proposés sont publics et vous regardez ceux qui ont été publiés, il y a beaucoup de paragraphes qui ont été rajoutés sur la littératie. Mais pas ça, sur comment se protéger de…, donc nous on craint que pas mal de profs – on craint, ce n’est pas fait ! – se concentrent là-dessus parce que ça, au moins, ça ne demande pas d’investissement intellectuel trop fort mais, d’un autre côté qui sait raconter quelque chose là-dessus ? Si quelqu’un vous dit « je vais vous expliquer comment protéger votre ordinateur des menaces, envoyez-le chez ma copine Anne Canteaut qui le dégoûtera assez vite !
Un équipement informatique souvent insuffisant, c’est ce que j’ai dit.
Quid des médias et de la population générale ?
Les médias et la population générale.
Ça reste général. L’ignorance de la population générale reste générale, c’est assez logique, mais le sujet intéresse quand même de plus en plus les gens. Maintenant il y a un rôle important des associations. Je fais énormément de conférences, pas que moi, beaucoup plus de gens font des conférences dans des tas d’endroits improbables, des associations un peu partout en France.
Les radios et les journaux scientifiques s’impliquent. Il y a maintenant des chroniques d’informatique dans La Recherche, Pour la science, Les Échos et des choses comme ça, mais les journaux généralistes c’est toujours pareil, ça ne bouge pas d’un millimètre, c’est « l’impression 3D révolutionne le monde, l’intelligence artificielle va balayer le monde, le quantique va mettre nos ordinateurs au placard, la machine va dépasser l’homme, etc. » Tout ça s’use assez vite, maintenant ça commence à lasser le monde ! Tout ça n’est pas forcément faux. Il faut vraiment que la communauté informatique progresse là-dessus parce qu’elle est très loin de la physique et de la biologie, c’est-à-dire qu’il y a très peu de gens qui s’impliquent et les informaticiens sont restés longtemps à dire « les autres n’ont qu’à comprendre ». Cette attitude se paye cher !
Les chercheurs, quand même, s’impliquent, je rappelle le site Interstices [8].
Il y a même une valorisation de la vulgarisation dans les dossiers des candidats, quelquefois. À l’Inria on l’a mise explicitement, savoir si c’est suivi ou pas ça dépend des jurys, mais c’est officiel. C’est très bien parce que c’est un rôle fondamental du chercheur que d’expliquer au public ce qui se passe. On est très loin de la physique et de la biologie, je l’ai dit. Comme le Collège de France ne donne aucune règle, heureusement, ça permet de dépasser ça, pour les gens qui veulent, ce qui n’est pas forcément tout le monde.
Il y a deux populations à viser d’urgence, ce sont les juristes et les médecins.
Les juristes sont confrontés de plus en plus à ces problèmes, en plus ils voient arriver les condamnations par algorithme aux États-Unis, ça commence même à arriver en Angleterre.
Les médecins voient l’informatique envahir la médecine à toute allure et ça va poser des problèmes vraiment réels. J’ai déjà reçu pas mal de lettres me demandant de venir faire des conférences sur les « algorythmes », avec un « y ». Ça traduit quelque chose. D’abord un intérêt et ensuite « rythme » est un mot naturel pour un médecin. Je réponds immédiatement « j’arrive, j’ai l’algorithme dans la peau », ce qui est parfaitement exact par ailleurs. J’étais à un congrès à Strasbourg où il y avait heureusement énormément d’étudiants et j’ai entendu un grand professeur de médecine me dire d’un ton médical « l’informatique, ce n’est pas pertinent pour la médecine, ça ne connaît que la logique 0 et 1, vrai/faux, or la logique médicale n’est pas du tout celle-là. La logique médicale est bien plus riche que 0 et 1, vrai/faux, et on parle même de probabilités ». Si, l’année dernière, vous avez vu le cours de Claire Mathieu et cette année le cours de Xavier Leroy, vous verrez que côté logique et côté probabilités, les algorithmiciens sont plutôt en avance sur le reste du monde, y compris des mathématiciens quelquefois. C’est très intéressant de démonter ces discours devant 150 étudiants, parce qu’au moins ça sert aux étudiants, peut-être pas au professeur, mais ça sert aux étudiants, c’est la seule chose importante.
Bonus : l’annonce du CAPES
Bonus pour terminer : l’annonce du CAPES, le 7 janvier 2019. « Création d’un CAPES, examen d’une agrégation », annoncé par le ministre sur France Culture le matin.
C’est très bien. C’est vraiment bien, mais il y a un petit problème sous-jacent qui est le retour aux vieux fantasmes : comment appeler ce CAPES ? Science informatique et science numérique c’est déjà pris. Science numérique et technologie, pour un CAPES ça ne va pas le faire, comme disent les jeunes. Donc le DGRH de l’Éducation nationale, qui est quelqu’un de très bien, a dit « la proposition initiale c’est informatique et numérique ». C’est quoi le numérique ? Là c’est un grand mystère, on ne sait pas ! Ça peut vouloir dire quoi ? Dans le rapport de l’Académie des sciences on a dit numérique c’est l’ensemble des impacts de l’informatique dans l’économie, la culture, les arts, l’enseignement, etc. Si c’est ça qu’on veut mettre dans le CAPES, ça va occuper l’enseignement. Je ne sais pas si c’est bien pertinent d’expliquer l’économie numérique dans un CAPES pour des profs qui vont enseigner l’informatique. Bref ! C’est surtout la résistance des opposants à l’informatique, il n’y a pas de mystère. Le mot est simple et ça ne suffit pas.
Je propose une généralisation si on fait ça : généraliser ça aux autres matières. Par exemple, en physique, dire « physique et machines » ou alors « physique et énergie », « physique et climat ». Après tout, il n’y a pas de raison, c’est pareil !
« Chimie et produits de synthèse » ou « chimie et pollution », il n’y a pas de raison !
« Biologie et santé », « biologie et biodiversité ». C’est tout à fait aussi pertinent !
« Littérature et imagination », on pourrait essayer aussi, je trouverais ça très bien.
Je pense que les professeurs de ces différentes disciplines feraient une tête assez consternée. Les professeurs d’informatique n’existant pas, ce problème n’existe pas non plus socialement, il n’y a pas de contre-pouvoir.
J’espère que nous voterons pour « CAPES informatique » et qui est intéressé par CAPES informatique dans cette salle qu’il lève la main. Malheureusement ça ne passera pas à la caméra !
Il serait temps en France, après avoir tant ignoré explicitement le sujet, de le faire !
Pour terminer, Bruno Devauchelle sur France Culture, qui s’occupe depuis longtemps d’enseignement et qui est très compétent, a dit : « La décision n’était pas évidente car un CAPES d’une nouvelle discipline coûte très cher ». C’est totalement exact. J’aimerais bien connaître le prix du fait de ne jamais avoir enseigné l’informatique à aucun dirigeant français et d’être absent de ce qui est en train de devenir la plus grande industrie du monde. Je pense que le CAPES, à côté, ce sont des clopinettes !
Merci.
[Applaudissements]