Interview Frédéric Couchet - RRLL Nantes 2015

Titre :
Entretien - Frédéric Couchet, délégué général de l’association April
Intervenant :
Frédéric Couchet
Lieu :
Nantes - RRLL (Rencontres Régionales du Logiciel Libre)
Date :
Septembre 2015
Licence :
Verbatim
Durée :
7 min 45
Vers le fichier vidéo

Transcription

Bonjour. Je suis content d’être à Nantes avec mes amis d’Alliance Libre [1]et des communautés libristes de la région. Effectivement, comme vous le disiez, l’April, l’objectif c’est promouvoir le logiciel libre, mais c’est aussi le défendre. J’en parlerai peut-être tout à l’heure. La promotion ça passe par beaucoup d’activités. Notre objectif, en fait, c’est vraiment de faire connaître le logiciel libre auprès du maximum de public. Ça fait 20 ans qu’on fait ça. On a été créé en 1996, mais on est une toute petite structure. On est une équipe de trois permanents, 4 000 adhérents, peut-être une vingtaine de personnes qui sont actives. Donc on est obligé de choisir nos modes d’action. On est présent sur des événements, à travers des stands. On fait des conférences. On est en contact régulièrement avec des journalistes et aussi beaucoup avec des structures intermédiaires. Par exemple, ces deux dernières années, on a beaucoup travaillé sur la sensibilisation du monde associatif. Un exemple : on a produit un guide de logiciels libres [2] pour le monde associatif, qui fait à peu près 80 pages, qui présente le logiciel libre et les principaux outils utiles pour le monde associatif. On n’avait qu’une version PDF et donc, pour toucher le monde associatif, on est en contact avec des structures permettant, en fait, de financer une impression et ensuite d’autres structures pour permettre de toucher des réseaux associatifs directement. C’est-à-dire que plutôt que de toucher directement les associations, on a envoyé des guides à des fédérations et à charge pour elles de rediffuser dans leurs réseaux. Et là, aujourd’hui, on vient de mettre un terme à une campagne : il y a 7 000 exemplaires de ce guide qui vont être diffusés courant octobre dans des réseaux associatifs. Ça c’est un exemple de promotion. C’est un guide qui est à la fois disponible sur Internet, mais aussi en mode papier et qui va toucher le monde associatif.
On travaille aussi, évidemment, avec les responsables politiques, pour les sensibiliser autour du logiciel libre. On essaie vraiment de faire comprendre, en fait, aux gens que le logiciel libre ce n’est pas simplement qu’une question technique, mais aujourd’hui c’est un enjeu de société. Richard Stallman, qui est le fondateur du mouvement du logiciel libre, dit souvent que c’est l’incarnation informatique de la devise républicaine liberté, égalité, fraternité. Parce que dans le logiciel libre, il y a quatre libertés : utiliser un logiciel libre, en faire des copies, le modifier, étudier son fonctionnement. Égalité parce que tout le monde a les mêmes droits. C’est-à-dire qu’on soit un simple individu, une entreprise, une collectivité, un État, on a tous les mêmes droits par rapport à ce logiciel libre. Et fraternité parce que le but c’est de construire un monde de partage, de coopération. Tout à l’heure j’étais à un événement où le mot de partage revenait très souvent. Effectivement, c’est de construire une société, finalement, où les gens coopèrent, essaient de construire un monde meilleur. Pour nous, le logiciel libre c’est vraiment un enjeu de société, c’est une spécificité de notre vision des choses et on essaie de faire passer ça. Ce n’est pas qu’un enjeu technique.
[Musique]

Quelles sont les relations entre l’association April et les entreprises de services en logiciels libres ?

On a de très bon rapports parce qu’effectivement logiciel libre n’implique pas absence d’argent. La plupart des sociétés qui sont présentes ici font du service autour du logiciel libre. C’est-à-dire qu’elles installent des logiciels dans des entreprises, dans des associations, dans des collectivités. Elles font de la formation, etc. Et la relation qu’on a, on a une relation assez privilégiée, parce qu’en fait ces entreprises, leur activité, c’est vraiment de produire un service. Les entrepreneurs qui sont là passent 100 % de leur temps à essayer de satisfaire des besoins de clients avec du logiciel libre. Mais ces entreprises, et le logiciel libre aussi, évoluent dans un monde, aujourd’hui, qui évolue beaucoup, dans lequel il y a des lois qui peuvent éventuellement restreindre le logiciel libre, ou en tout cas ne pas le favoriser. Et ces entreprises qui sont majoritairement des petites structures, ce sont des PME/PMI, entre cinq/dix personnes et peut-être cinquante personnes, ces gens-là ont besoin d’une structure qui va porter un message au niveau politique et qui va essayer de défendre le logiciel libre et donc indirectement leurs intérêts. Un petit peu comme l’UFC-Que Choisir le fait pour les consommateurs, eh bien nous, c’est ce qu’on essaye de faire à notre modeste échelle, c’est d’essayer à la fois de promouvoir le logiciel libre mais aussi de le défendre. Et c’est pour ça que des entreprises du logiciel libre, des entreprises nantaises, mais aussi parisiennes, de Toulouse, adhèrent à l’April. Ce n’est pas parce qu’elles attendent un service, c’est qu’elles attendent simplement qu’on fasse, quelque part, notre activité de promouvoir et défendre le logiciel libre. Donc pour ces entreprises-là, évidemment, il y aura un retour parce que si le logiciel libre se diffuse, il y aura plus de business pour elles et donc, effectivement, elles seront très contentes.
Donc c’est une relation gagnant-gagnant. Aujourd’hui je crois qu’à l’April, de mémoire, on a, peut-être 200 entreprises membres sur les 4 000 adhérents. On doit avoir 250 associations, cinq/six collectivités. Donc voilà ! Ces gens-là se regroupent dans l’April, quelque part pour mutualiser des moyens de promotion et de défense du logiciel libre.
[Musique]

Quelles sont les relations entre l’association April et les institutions publiques ?

On a de fortes relations depuis maintenant, on va dire depuis 1999, donc ça fait maintenant 15/16 ans. Dans l’équipe de l’April on a une personne qui est en charge de ces aspects-là, des affaires publiques parce que c’est un point essentiel. En fait, dans les premières années d’existence de l’April, on ne se préoccupait pas trop de ça parce qu’on essayait de faire connaître le logiciel libre et on ne pensait pas que forcément on aurait besoin, à un moment, de le défendre. On ne pensait qu’il y aurait peut-être des gens qui essaieraient de limiter l’impact du logiciel libre. Et forcément il y a des gens qui essaient de limiter cet impact -là !
Donc à partir du début des années 2000, on a commencé à avoir une activité de relations avec les pouvoirs publics. Ça a été notamment en France dans les années 2004/2006 sur la Loi droit d’auteur. C’est aussi le cas au niveau européen. Donc aujourd’hui on a deux types d’actions en fait. La première, eh bien c’est sensibiliser le politique sur l’intérêt du logiciel libre, que ce soit au niveau ministériel donc dans les gouvernements, mais aussi au niveau des sénateurs, des parlementaires et on essaye aussi de relier ces actions au niveau local. Donc un exemple : dans deux mois il va y avoir les élections régionales. Dans le cadre des élections régionales, on a une campagne de sensibilisation des candidats qui est complètement décentralisée. On propose en fait aux gens, aux libristes, ou en tout cas les gens qui ont une sensibilité logiciel libre dans les régions, de contacter leurs candidats pour leur expliquer l’intérêt du logiciel libre et pour les engager à signer un pacte qui s’appelle Le pacte du Logiciel Libre [3], qui est un petit document, qui engage le candidat, s’il est élu, de pouvoir mettre en œuvre des actions de promotion et développement du logiciel libre. Donc c’est un petit engagement qui n’engage, en fait, que celui effectivement qui reçoit la signature, mais en même temps c’est quand même un engagement moral et on fait ce genre de campagne depuis 2007. Et on voit qu’il y a dans des villes des gens qui ont pris des engagements. J’ai en tête Grenoble l’an dernier, par exemple sur les municipales, qui aujourd’hui met en œuvre des actions logiciel libre.
Et on a aussi l’action au niveau des projets de loi, beaucoup plus classique. C’est-à-dire quand on voit passer un projet de loi qui pourrait mettre en danger le logiciel libre, on essaie de l’analyser, d’éventuellement suggérer des amendements. Et là, dans les semaines qui viennent, il va y avoir un projet de loi important qui est le projet de loi « République numérique », porté par Axelle Lemaire, dont on annonce la publication de l’avant-projet samedi 26 septembre, donc dans deux jours. Là pareil, on va analyser, on va essayer de proposer des améliorations et on va contacter les parlementaires sur ce sujet.
[Musique]

Quels sont les projets de l’April ?

Les prochaines activités ? Eh bien il y a ce projet de loi dont je parle. Il y a toujours le monde associatif. Et là il va y avoir dans les deux/trois années à venir, surtout au niveau européen, puisqu’il y a des révisions de directives qui touchent l’informatique qui vont être sans doute mises en œuvre : la révision sur le droit d’auteur. Il y a aussi le commerce électronique. Donc une activité très intense au niveau européen, parce qu’on sait très bien aujourd’hui que beaucoup de choses se décident au niveau européen avant de redescendre en France. Donc ça, c’est un combat important.
Eh puis il y a le combat qui est mené aussi par tous les entrepreneurs du Libre, que je tiens quand même à saluer, qui font une activité de réponse aux besoins de clients, à base de logiciels libres, qui est vraiment fondamentale. Donc je suis très content, très heureux d’être à Nantes qui, depuis des années on va dire, a une communauté libriste très active.
[footnotes /]

Références

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.