* Date : 25 mai 2011
* Lieu : Télécom Paris Tech, Paris 13
* Durée : 1h51min
* Licence : Creative Commons license by-sa 2.0
Pierre a invité Tangui Morlier à son école afin de présenter l’association et d’aborder des thèmes comme le Logiciel Libres, ses quatre libertés mais aussi ses quatre dangers.
Forcément des sujets comme DADVSI, HADOPI ou ACTA ont également été exposés.
Transcription
Pierre : Je voudrais remercier tout d’abord les personnes qui ont permis que cette conférence soit possible, donc le département de la comm avec Mme Celier qui va peut-être venir au cours de la conférence et également l’imprimerie qui a permis d’imprimer les affiches à un prix réduit et bien sûr Tangui Morlier d’avoir accepté de venir ici nous parler du Logiciel Libre qui se trouve à Telecom, qu’on emploie tous les jours mais sans vraiment savoir ce que c’est. Donc je vais laisser parler Tangui.
Tangui Morlier : Merci Pierre. Alors je vais revenir un peu sur ce que c’est que le Logiciel Libre, si vous n’êtes pas totalement familier avec ça. L’association que je préside accueille à peu près 5 000 membres, 5000 individus qui payent une cotisation à partir de 10€ et 350 personnes morales et dans les personnes morales à peu près 250 entreprises et une centaine d’associations. Il y a aussi quelques collectivités, quelques collectivités territoriales, des mairies, des conseils généraux, des conseils régionaux, la région Ile de France par exemple est adhérente à l’April et puis quelques écoles, l’ENSTA qui fait partie de ParisTech par exemple, est membre de l’April.
Et ce qu’on fait, bien, on est à l’image de la communauté, on a des utilisateurs, des gens qui utilisent le Logiciel Libre au quotidien, des développeurs, des entreprises comme vous avez pu le sentir et on essaye de faire notre boulot de promotion, auprès d’un public estudiantin, auprès des différents services qui peuvent gérer une école comme la votre par exemple pour leur suggérer de parler des licences libres, au sein des cursus scolaires. Parce que quand on est ingénieur en informatique et qu’on ne sait pas faire la différence entre une licence de logiciels propriétaires et différentes licences de logiciels libres, on risque peut-être d’avoir des problèmes et j’en parlerai peut-être un petit peu plus tard.
Et puis on a aussi une activité de défense, parce qu’il se trouve et je vais l’expliquer durant cette conférence, que étonnamment, il y eu un certain nombre de projets de lois ou d’initiatives législatives qui ne sont pas valorisantes pour le Logiciel Libre.
Donc c’est un petit peu là-dessus qu’on s’est mis d’accord avec Pierre. C’est-à-dire que je vais vous expliquer un petit peu pourquoi il se trouve que le Logiciel Libre alors que les développeurs de logiciels libres, ils ont juste envie de développer des logiciels libres et que ils aient de plus en plus d’utilisateurs sans particulièrement besoin d’une intervention politique ; et bien on a mis depuis à peu près 2003, des bâtons dans les roues de ces développeurs et de ces utilisateurs à travers des projets de lois ou des initiatives législatives qui ne prenaient pas en compte le Logiciel Libre.
Donc une partie du boulot que l’on fait à l’April c’est de sensibiliser les pouvoirs publics pour que, au pire ils évitent de mettre des bâtons dans les roues aux utilisateurs de logiciels libres et au mieux, ils fassent des lois qui soient favorables au Logiciel Libre et favorable à son écosystème.
Bon, voilà un petit peu ce qu’on fait à l’April, on est organisé, on a trois permanents, un délégué général, une assistante de direction et une chargée des affaires institutionnelles, qui font un boulot dans la journée car moi je suis comme les membres du CA et tous les autres membres de l’April je suis bénévole donc, des fois, je ne peux pas me libérer en journée pour aller voir tel cabinet, tel député ou telle institution publique. Donc eux, ils font ce travail-là au quotidien avec les membres, de faire ce travail institutionnel et puis il y a des groupes de travail qui réalisent des travaux de promotion ou de défense. Voilà un petit peu pour ce qui est de l’April.
Alors avant de vous expliquer comment le logiciel s’est retrouvé sous les feux de l’actualité législative, alors on ne fait pas le JT avec le Logiciel Libre jusqu’à présent et c’est bien dommage mais il se trouve que l’activité législative s’est plusieurs fois focalisée autour de la problématique liée au Logiciel Libre. Et avant de vous expliquer ça, peut-être que je vais revenir sur ce qu’est un Logiciel Libre. Vous êtes tous étudiants, ingénieurs et peut-être que c’est très clair pour vous mais au cas où, je reviens sur ces définitions-là.
En général on nomme un Logiciel Libre, enfin c’est la définition officielle des gens qui ont inventé le Logiciel Libre, la Free Software Fondation, le Logiciel Libre se définit par 4 libertés qui sont offertes aux utilisateurs.
* Alors la première liberté c’est la liberté la plus logique qui semble à peu près évidente lorsqu’on a envie d’utiliser un logiciel. C’est la liberté d’utiliser ce logiciel. Quand on fait l’acquisition d’un logiciel, lorsqu’on télécharge un logiciel sur Internet, ce n’est pas pour le regarder dans le blanc des yeux, c’est pour pouvoir l’exécuter sur notre machine. Alors quelque chose qui paraît totalement naturel et bien il se trouve que ça ne l’est réellement que dans le Logiciel Libre. Dans le monde du logiciel propriétaire, si vous n’avez pas les ressources financières pour acquérir le logiciel, vous n’avez contractuellement pas le droit de l’utiliser. On peut se dite OK tant pis, on s’en fout des pauvres, on est dans une école élitiste on ne forme que des gens qui auront plein d’argent et qui seront capables de se payer une licence de logiciel propriétaire. Mais si on regarde bien attentivement dans les clauses du logiciel propriétaire, il n’y a pas que des discriminations financières.
Il y a des fois des discriminations à la nationalité. Il y a une base de donnée propriétaire, la plus connue, qui commence par un « O » et qui finit par « racle », qui dans sa licence dit explicitement si vous êtes de nationalité irakienne, ou si vous opérez le logiciel sur le territoire irakien, vous n’avez pas le droit d’utiliser le logiciel. Vous avez beau avoir toutes les ressources économiques du monde, vous êtes incapables, vous n’avez pas le droit contractuellement d’exécuter cette base de donnée sur le sol irakien ou par des gens de nationalité irakienne.
Vous avez dans votre équipe de développement un irakien, bien tant pis, il n’aura pas le droit de toucher à la base de données. Pire, sauf qu’en Irak ces derniers temps il y a eu un petit peu d’opérations des armées. Et il se trouve que l’armée française a commandé un logiciel à une SSII pour des opérations notamment en Irak, donc bon bien voilà, ça se passe bien, le projet un peu de manière chaotique, il double, c’est un logiciel propriétaire donc il double le temps de développement est doublé, ça correspond pas totalement aux besoins mais bon, ce n’est pas grave, il avance. Et puis cette société de service livre le logiciel et puis à un moment il faut l’utiliser. Donc voilà, on déplace les troupes, il se trouve qu’ils vont dans des territoires un peu sensibles comme ça. Donc du coup, le service juridique de l’armée regarde la base de données, regarde la licence, toutes les licences qu’on embarque pour les troupes et là interdiction d’aller en Irak ou dans un certain nombre d’autres pays avec cette base de donnée-là. L’effort de deux ans de développement, il a été anéanti le jour où il a fallu déplacer le char pour l’amener sur le champ de bataille et tout ça parce qu’on n’avait pas la liberté, l’armée n’avait pas la liberté d’utiliser ce logiciel alors qu’elle l’avait acheté, qu’elle avait commandité une société de service qui normalement a failli être condamnée, heureusement que ça n’est pas passé au contentieux et qu’ils ont trouvé un arrangement à l’amiable. Mais la société de service pouvait être condamnée pour défaut de conseil puisqu’il leur avait livré une solution qui juridiquement ne pouvait pas fonctionner là où elle devait fonctionner.
Cette première liberté, liberté d’utiliser, c’est sans doute la plus naturelle et dans la réalité il n’y a que le Logiciel Libre qui offre ça.
Quand vous faîtes l’acquisition d’un Logiciel Libre vous le téléchargez, vous avez la liberté quelle que soit votre nationalité, quels que soient les usages que vous voulez en faire, la liberté d’utiliser.
Il y a un exemple aussi assez rigolo, bon maintenant ces technologies sont totalement condamnées mais il y a une société de logiciel propriétaire assez connu qui avait fait un logiciel qui s’appelle Frontpage. Et ce logiciel, il avait une licence, qu’il fallait payer et il fallait respectait les termes de la licence. Et ce logiciel qui permettait de diffuser de la connaissance sur Internet, c’était marqué explicitement qu’il n’y avait pas le droit de critiquer les produits de cette grande firme américaine, en utilisant Frontpage et que si jamais vous le faisiez et bien on vous coupait votre licence. Pas le droit de parler de la société avec un « M », pas le droit de dire que Frontpage est bien ou pas bien etc...
Moi, j’ai fait de la recherche pendant quelques années à l’INRIA et il se trouve que en 2003, j’ai dû faire un benchmark de différentes solutions de virtualisation. Donc il y avait déjà Xen, il y avait KVM qui fonctionnait au niveau des noyaux mais pas vraiment au niveau des packages, il y avait Uml, VirtualBox n’existait pas encore.
Donc plein de solutions libres et puis on s’est dit qu’on allait comparer les solutions libres du marché avec la solution propriétaire du marché, VMware. On fait notre benchmark et puis il se trouve que VMware n’était pas forcément hyper valorisé, d’un simple point de vue technique. Donc on écrit notre papier, on prépare les données etc... On publie ça sur le site de l’INRIA et là on a une jolie lettre de WMware qui nous dit : « ah bien vous n’avez pas regardé les conditions d’utilisation, dans les conditions d’utilisation, vous n’avez pas le droit de benchmarker notre produit. »
Donc on n’a pas le droit de savoir si la solution qui est potentiellement choisie par le prestataire, ... on n’a pas le droit de le publier. Donc c’est une entrave à la recherche, qui est protégée par les lois françaises, malheureusement, mon directeur de recherche n’a pas souhaité commencer une procédure en contentieux avec WMware. Alors du coup le papier n’est plus disponible et a été censuré. Donc on n’avait pas le droit d’utiliser ce logiciel alors qu’il avait été malheureusement acquis par cette institution de recherche.
Alors voilà, première liberté, celle qui sans doute intéresse le plus les utilisateurs et le Logiciel Libre a un clair avantage par rapport au logiciel propriétaire.
* La deuxième liberté c’est la liberté de diffuser. Vous aimez un logiciel, vous ne vous posez pas la question, vous pouvez le donner à n’importe qui. Donc on est une petite entreprise, une PME, on commence tout seul ou à deux, on a une idée géniale de vendre des pommes de terre sur le marché et on veut avoir une suite logicielle pour faire notre compta. On choisit un Logiciel Libre et ce logiciel il fonctionne de base et si jamais l’entreprise grossit, on est capable de diffuser ces logiciels au sein de l’entreprise, sans se poser de questions. Ça s’adapte à nos besoins. L’entreprise grossit, on augmente le nombre de logiciels de manière naturelle, l’entreprise diminue, l’entreprise diminue le nombre de logiciels ça ne pose aucun problème. Et nous en tant qu’individus, ça peut être aussi intéressant, quand on n’aura des enfants, parce que je pense que personne dans la salle n’a d’enfants, moi non plus, si jamais on enseigne à des enfants l’informatique et qu’on peut leur donner un CD, diffuser les logiciels qui leurs sont enseignés pour qu’ils puissent l’utiliser à la maison, ça permet, c’est peut-être assez intéressant.
Notre grand-mère a très envie d’utiliser Internet, on peut lui donner un CD d’Ubuntu, un CD de Mandriva, un CD de Mageia et utiliser Internet. Je l’ai fait avec ma grand mère et ça marche assez bien. Étonnamment, c’est les gens qui ont le moins d’habitudes informatiques qui sont le moins réticents à utiliser les logiciels libres. Donc ça c’est la deuxième liberté.
* La troisième c’est la liberté d’étudier le Logiciel Libre. Alors ça l’étudier, à la rigueur, vous devez être un peu geek ça devrait vous intéresser, mais la majorité des gens ils s’en contrefichent d’étudier le Logiciel Libre et ils ont bien raison. Mais il se trouve que parfois on a envie, on a besoin d’étudier. Je vous parlais de l’armée tout à l’heure, pour savoir si un système est "secure" de vue de l’utilisateur, on regarde le code source, on a déjà une meilleure idée. Ce n’est pas une garantie. Parce que ce n’est pas le code source qui s’exécute en général, il y a un interpréteur et il y a plein d’attaques, qui peuvent nuire à la sécurité d’un système d’information, même si on a audité le code source. Mais n’empêche que c’est un progrès supplémentaire par rapport à un logiciel où on n’a pas les codes sources. Ça c’est systématique, dans toutes les entreprises, dans toutes les institutions qui s’occupent de près ou de loin à la sécurité, pour auditer un logiciel, ils demandent les codes sources.
Mais il se trouve qu’il y a aussi un truc un peu comme dans la cuisine, ou un peu comme dans l’art, c’est que ça peut être un plaisir d’étudier un logiciel. C’est un peu débile quand on n’est pas informaticien, mais quand on est informaticien, un code qui est bien écrit, on se dit : « ah oui, c’est pas mal ». C’est comme une recette de mousse au chocolat, la mousse au chocolat elle peut être bonne, mais en plus savoir comment elle a été faite et quelle est la complexité de ce plat là, - bon, la mousse au chocolat, j’ai peut-être un peu abusé sur la complexité - , mais ça augmente le plaisir gustatif de la cuisine. Et c’est vrai dans l’art aussi. Connaître l’histoire de l’art ça permet de mieux profiter d’un tableau, d’une œuvre musicale. Il y a Stiegler dernièrement qui racontait ça. Au 19ème siècle, lorsqu’on allait à l’opéra, les gens qui étaient abonnés à l’opéra on leur envoyait les partitions d’opéra et ils étudiaient même s’ils ne savaient pas très bien jouer de la musique, ils étudiaient la pièce et puis après ils allaient à l’opéra, ils profitaient d’autant plus de cet endroit là.
Alors, je compare, certains, mes codes sources ne sont pas de l’art, je vous prévient tout de suite, mais certains ont la prétention de faire de l’art, pourquoi pas ? C’est une manière aussi de valoriser le travail. Et je vous parlais de l’art et il se trouve que si vous voulez apprendre à peindre, une manière très efficace, c’est d’aller dans les musées, ou de télécharger les œuvres libres, enfin dans le domaine public et de les copier. On apprend en copiant les grands maîtres. Et ça, toute l’histoire de l’art le dit, ça a été même industrialisé par des grands maîtres de la peinture qui avaient des ateliers, dans lesquels ils avaient des étudiants qui faisaient la moitié de leur peinture, et puis eux ils rajoutaient deux trois trucs, leur signature et hop c’était vendu à l’archevêque de Machin Truc. Et pour apprendre à bien peindre, il faut commencer par copier. En tout cas, dans une très grande majorité des cas, c’est comme ça que tous les grands artistes ont appris à peindre. Si vous regardez, Picasso, il a tout un …, déjà dans la continuité, la progression de son œuvre, au début c’est très figuratif et au bout d’un moment ça s’abstrait un petit peu de la figuration et à un moment, il est revenu à ça. Il a réinterprété les œuvres qu’il avait appris quand il était gamin à travers son œil de cubiste ; le mouvement qu’il avait inventé.
Et donc ça, avoir la possibilité d’étudier pour mieux faire, mieux développer un logiciel, c’est quelque chose d’hyper intéressant, spécifique à un public d’informaticiens, mais il se trouve que ça, ça va rebondir dans le bien commun, pour tout le monde, parce qu’on aura des informaticiens qui sauront mieux coder, donc ça veut dire que sans doute ils feront moins de bug etc... Ça en sera fini des erreurs à la con « buffer overflow » etc, parce que à priori ils auront un peu appris des erreurs précédentes. Et en terme de sécurité c’est pareil. Si il y a des centaines d’yeux qui ont pu étudier un code source, pour en vérifier sa sécurité, sa sécurité augmente statistiquement par rapport à un code source qui n’a jamais été audité par personne et qui du coup ne pourra pas fonctionner. Donc pour quelqu’un même qui se contrefout de l’informatique et qui veut seulement utiliser des logiciels, par rebond, il profite de cette liberté-là indirectement. Donc même si on n’est pas informaticien, c’est intéressant de savoir qu’on a cette liberté-là. Puisqu’il y a des gens qui potentiellement vont l’utiliser et comme ça découvrir des failles de sécurité ou apprendre à mieux coder et dans quelques années apprendre à faire des logiciels à la hauteur de leurs attentes.
* Et enfin la quatrième liberté, c’est la liberté de modifier. C’est celle sans doute qui est la plus connue, lorsqu’on parle de Logiciel Libre, parce que quand on est informaticien on profite d’un pot commun informationnel, qui est que si on a besoin, on peut prendre cette brique-là, cette brique-là, l’associer, la modifier et hop, on est capable de faire notre logiciel sans avoir à réinventer la roue. Alors c’est utile, on a le droit d’étudier un logiciel, quand on trouve une faille de sécurité et bien on a le droit de la modifier, on modifie le logiciel et on peut le mettre à disposition ou le diffuser au sein de notre institution. Et on a comme ça, pareil, une liberté qui n’est pas très utile pour les utilisateurs finaux, mais qui par rebond leur est très intéressante puisque la faille de sécurité elle est statistiquement corrigée plus rapidement. Il me semble qu’il y a une étude du projet qui comparait l’activité du projet Debian par rapport à la réactivité de sécurité de Microsoft ; il me semble que sous Debian, le temps moyen de correction d’un bug entre sa découverte et le fait que ce soit mis à disposition des utilisateurs c’était de mémoire trois jours et que chez Microsoft, c’était de l’ordre de trois mois. Donc ça fait aussi des failles de sécurité qui sont plus facilement résolvables et du coup une sécurité des systèmes d’information qui augmente statistiquement.
Donc voilà, les quatre libertés, utiliser, diffuser, étudier, modifier. Ça c’est ce qu’est un Logiciel Libre. Donc quand vous faîtes l’acquisition d’un Logiciel Libre, vous le téléchargez, vous le récupérez quelque part, vous avez ces quatre libertés-là, autrement ça ne s’appelle pas un Logiciel Libre.
Alors maintenant, comme à chaque fois quand on a des libertés, il y a un certain nombre de devoirs. Il se trouve que aussi bien ces libertés que ces devoirs-là, ce travail a été mutualisé, on l’a vu, par le fait que chacun soit capable de modifier un logiciel et bien les développements se font à plusieurs, rapidement etc et on mutualise comme ça les connaissances. Il y en a un qui introduit un bug, l’autre qui le corrige et on avance comme ça pas à pas. Et ce travail de mutualisation a été également fait d’un point de vue juridique. Parce qu’il faut se rappeler que au début de l’informatique, l’informatique était libre. On ne se posait pas la question de savoir si on avait le droit d’utiliser ou pas un logiciel, lorsqu’on l’avait. C’est vrai qu’il fallait se trimbaler un paquet de piles de cartes perforées, ce n’est pas le plus évident, mais une fois qu’on avait cette carte perforée, on ne nous demandait pas notre nationalité, notre code bancaire, savoir si on l’avait depuis plus de six mois, moins de six mois, quelle était notre liberté d’expression ou pas, ça marchait.
Et dans les années 70 a été inventé, à travers un procès, enfin ce n’est pas un procès mais une menace de procès antitrust contre IBM, le logiciel propriétaire. Et il y a un certain nombre d’informaticiens qui ont vu cette régression de l’informatique libre et notamment dans la recherche où tout le monde partageait son code source, c’était quelque chose de tout à fait naturel ; et le fait qu’à la fin des années 70 il y avait de moins en moins d’étudiants qui étaient intéressés pour participer aux projets de recherche où on partageait le code source et qui allaient plutôt travailler pour des industriels dans le logiciel propriétaire.
Donc ils se sont dit, c’est un peu con, tous les Unix des années 70 c’est des logiciels libres, BSD, OpenBSD etc, c’est des logiciels libres. Mais il y avait un truc qui ne marchait pas forcément et notamment des problèmes juridiques de préservation des quatre libertés.
Donc il y a eu un travail dans les années 80 de mutualisation de la connaissance juridique pour essayer de faire en sorte que déjà ça marche aux États-Unis parce que c’est un mouvement qui est né aux États-Unis, puis après, que ça marche partout sur la planète, que ce soit reconnu dans toutes les juridictions de la planète. Et ces licences libres, toutes elles donnent les quatre libertés, qui définissent les logiciels libres et elles proposent aux utilisateurs qui veulent utiliser le logiciel, enfin aux développeurs de Logiciel Libre, un certain nombre d’obligations qu’ils peuvent demander à leurs utilisateurs.
* La première c’est le respect du droit d’auteur. Il se trouve que quand on est informaticien, on est auteur, ça tombe sous les mêmes chapitres du code de la propriété intellectuelle, le livre A du code de la propriété intellectuelle qui dit qu’un informaticien, c’est comme un chanteur, c’est un artiste, c’est un auteur. C’est pas un artiste, c’est un auteur. Alors il y a quelques exceptions, notamment le fait que quand on bosse pour une entreprise, l’entreprise n’est pas obligée de reconnaître, de mettre notre nom dans le logiciel. Et quand on fait du Logiciel Libre on n’est pas forcément dépendant d’une entreprise, en tout cas tout le temps dépendant d’une entreprise. Donc on est grosso modo, un auteur, comme un chansonnier etc...
Et il se trouve qu’en France, on a un droit moral. Il y a deux choses dans le droit d’auteur, il y a le droit moral et le droit patrimonial. Le droit patrimonial, c’est comment valoriser le logiciel, notamment économiquement et le droit moral c’est comment on fait reconnaître notre travail publiquement. Ce droit moral dit, reconnaît qu’on est des auteurs.
Donc la première obligation, qui est dans toutes les licences des logiciels libres : on ne peut pas dire qu’on a fait un travail, alors que ce n’est pas nous qui l’avons fait. On doit reconnaître le travail qui a été fait par les autres. Cette reconnaissance en France qui est quasiment obligatoire, autour du droit moral, mais c’est mis dans le contrat des licences libres.
* Et il y a une deuxième obligation qui est optionnelle, qui est fonction du choix du développeur. Cette deuxième obligation optionnelle, elle est dite coproductive. Alors qu’est-ce que ça veut dire ce truc coproductive ? Ça veut dire que si jamais vous modifiez le logiciel et que vous diffusez ces modifications-là, si vous avez l’obligation coproductive, vous devez mettre à disposition de vos utilisateurs ou de la communauté, les modifications du logiciel.
Vous faîtes un Logiciel Libre, moi je le récupère. Vous avez mis l’option coproductive, je modifie ce logiciel, je le vends à des clients, je le donne sur Internet, la version compilée, je dois également à ces gens-là, donner le code source. Pour que les utilisateurs finaux soient toujours en mesure de reproduire et de compiler le logiciel. Ils prendront votre logiciel, rajouterons mes modifications ou moi j’ai donné l’intégralité du code source et ils seront comme ça, ils pourront comme ça être indépendant de vous, développeurs, si vous commencez à faire n’importe quoi et de moi l’intermédiaire si je continue à faire n’importe quoi. Donc cette obligation coproductive en anglais ça s’appelle le ’’copyleft’’ et ça a été inventé par quelqu’un qui s’appelle Richard Stallman que vous connaissez peut-être, qui était un chercheur du MIT et qui souffrait justement de ces problèmes de perte de compétence autour du Logiciel Libre et qui a théorisé ce truc. De dire, bien voilà, on crée un bien commun et chaque personne qui modifie le bien commun doit reverser ses modifications à la communauté.
Donc, grosso modo il y a deux grandes branches de licences libres. Les licences où il y a seulement le respect du droit moral, c’est les licences dites BSD, c’est les premières licences dites de logiciels libres qui son apparues pendant les années 70. Et grosso modo, là je vois que personne n’a de Mac, si vous aviez eu un Mac, Mac Os, il faut savoir que ce système d’exploitation là, c’est un système d’exploitation propriétaire, il repose sur un Logiciel Libre, sur un Unix libre. De même, Google Chrome ou Safari, les navigateurs propriétaires de Google et d’Apple, sont basés sur un Logiciel Libre, Webkit.
Voilà, deux grandes familles et grosso modo quand vous utilisez un Logiciel Libre, lorsqu’en tant que développeur vous faites un Logiciel Libre, c’est intéressant de vous poser la question de la licence. Si c’est une licence BSD vous allez être libre des choix de modification que vous pouvez faire. Vous pouvez faire un logiciel propriétaire à partir de la licence libre, dites BSD. Si jamais, vous choisissez une librairie GPL, les modifications que vous ferez sur cette librairie-là, vous devrez partager ces modifications avec vos utilisateurs, voire la communauté.
Donc voilà, c’est les deux grands contrats qui existent dans le Logiciel Libre. A priori, ça peut paraître un peu complexe, de dire, bon voilà, il y a des licences. Juste il ne faut pas perdre à l’esprit que c’est une énorme simplification. Dans le monde du logiciel propriétaire vous avez une licence par logiciel propriétaire. C’est-à-dire que pour un service juridique d’une entreprise, chaque fois qu’il y a une acquisition de logiciel, en théorie, elle devrait étudier l’intégralité des clauses, vérifier leur application en droit français etc... Plus le risque juridique, comme il n’y a pas de jurisprudence sur ces contrats-là, on ne sait pas trop comment les juges vont interpréter ce contrat.
Dans le monde du Logiciel Libre, si vous connaissez cinq licences, qui sont toutes déclinées de, soit la GPL, soit la licence BSD, vous connaissez 97% des logiciels libres disponibles.
Donc ça ne serait pas con que dans des écoles d’ingénieurs comme la vôtre, on enseigne ce que c’est qu’une licence libre, parce que si on a compris une licence BSD, une licence GPL, grosso modo on connaît 97% des logiciels qui sont mis à disposition.
Donc le droit d’auteur, ça reste compliqué, il fait je ne sais plus combien de tomes, le code de la propriété intellectuelle, c’est compliqué. Mais relativement à ce qu’il y avait avant le Logiciel Libre, c’est quand même beaucoup plus simple.
Donc voilà un peu ce que c’est que le Logiciel Libre : 4 libertés, des obligations, une obligatoire, on reconnaît les auteurs. Si vous bossez sur un projet de Logiciel Libre et bien vous serez cités. Et du coup, dans un CV ça peut être pas mal, vous aurez prouvé que vous êtes capables de travailler à plusieurs, sans doute dans un environnement international, que vous aurez des utilisateurs, alors que dans la majorité des cas, c’est des projets étudiants. On fait un projet et puis le projet meurt après l’avoir présenté. C’est assez intéressant. C’est une super carte de visite lorsqu’on est développeur. Je connais plein de gens qui vivent du Logiciel Libre, qui ont des parcours incroyables, simplement parce que étant étudiant, ils se sont dit... Un de mes meilleurs potes il a fait un logiciel d’astronomie, il a été obligé en deuxième année d’ENSTA de faire un logiciel, il a fait un logiciel d’astronomie. Il se trouve que maintenant, c’est un des deux logiciels les plus utilisés dans le monde, il s’appelle Stellarium, il bosse pour des labos de recherches de fous en astronomie, il se fait vraiment plaisir et en plus, jusqu’à peu il avait un statut incroyable, européen, donc il gagnait plein d’argent, enfin bref, c’était un super job. Tout ça parce qu’un jour, il s’est dit j’ai envie de partager mon travail autour d’un logiciel d’astronomie. Donc Voilà.
Et il se trouve qu’il y plein de success stories de ce genre-là. Le Logiciel Libre, en terme économique, ça représente rien qu’en France entre 2,5 et 3 milliards d’euros chaque année. C’est la valeur que ça génère économiquement.
Tout ça avec des gens qui mettent à disposition leur travail. C’est totalement contre-intuitif. A priori, on pourrait se dire, pour gagner plein d’argent, il faut que je retienne ma connaissance. On a changé de monde. Maintenant on est dans un monde où celui qui est le plus valorisé économiquement, c’est celui qui partage le plus sa connaissance. Et ces éléments économiques-là autour du Logiciel Libre, le prouvent largement.
En terme d’innovation, il faut savoir qu’on a fait au sein de l’April, avec un organisateur de salon informatique, un sondage auprès de tous les gens qui visitent des salons informatiques, à Paris organisé par Tarsus. Et on a demandé à tous ces gens, est-ce qu’ils avaient l’impression d’avoir innové en informatique ces dernières années. Quand ils répondaient oui, on mettait une liste de technologies, libres et propriétaires. On leur demandait, est-ce que vous avez utilisé ces technologies là. 90% des gens qui ont répondu ont utilisé au moins une technologie libre.
C’est-à-dire que l’innovation n’aurait pas pu voir le jour, si cette technologie-là n’était pas disponible. 90% des entreprises qui innovent en France utilisent du Logiciel Libre. Et vous, vous utilisez, même si vous êtes le plus fervent défenseur du logiciel propriétaire, vous utilisez à votre insu, du logiciel libre. Les box ADSL si populaires en France, à l’intérieur, il y a plein de logiciels libres. Et ça n’a été possible que parce qu’il y a ces logiciels. Tout l’Internet, la grande majorité d’Internet, 70% des serveurs web, utilisent du Logiciel Libre. 95% des plus gros ordinateurs du monde, il y a un truc qui s’appelle le top 500, c’est les plus gros clusters, les plus énormes ordinateurs utilisés dans le monde, ils tournent sous des logiciels libres.
C’est vraiment à tout niveau. Vous avez sans doute Firefox, peut-être OpenOffice, idéalement vous utilisez au quotidien une distribution libre, en tout cas on m’a dit que vous faisiez des TP sous Debian, un Logiciel Libre. Tout ça, ça fait partie maintenant de la vie numérique actuelle.
Donc voilà, une source gigantesque d’innovation et en plus présente tous les jours. Donc à priori, on pourrait se dire, c’est quand même génial. C’est des informaticiens dans leur coin qui simplement en partageant leurs connaissances ont réussi, rien qu’en France à générer près de trois milliards d’euros de chiffres d’affaires par an, c’est utilisé partout dans notre vie quotidienne, même à notre insu, on utilise des logiciels libres.
Les politiques ils doivent être comme des dingues. Ils doivent se dire, c’est génial votre truc. On n’a pas à filer de subventions, on n’a pas à faire des grands raouts, ça marche tout seul et en plus, ça génère de la richesse économique et de la richesse intellectuelle. Et bien là encore, situation un peu contre intuitive, jusqu’à présent on a pas eu des masses de lois qui ont été favorables au Logiciel Libre.
Et c’est plutôt l’inverse qui s’est passé depuis 2003. Alors il y a eu grosso modo, 4 grands événements législatifs qui se sont déroulés ces dernières années.
Le premier, à l’April on résume un peu nos activités de défense autour du Logiciel Libre autour des 4 dangers. Et le premier danger législatif qui a été au niveau européen, ça a été le danger des brevets logiciels. Alors ce truc des brevets logiciels ça a été un truc de fous, mais ce n’était pas très simple à comprendre. Pour le comprendre un peu mieux, il faut remonter un petit peu à ce que c’est qu’un brevet et comment ça a été inventé. Alors il se trouve que ça a été inventé au 19ème siècle parce que les politiques de l’époque avaient un problème de taille. C’est qu’il y avait des innovations qui étaient créées, partout en France, en Europe, mais que vu qu’on était dans le monde du matériel, une innovation qui naissait à Lyon, dans les métiers à tisser par exemple, elle ne traversait pas, elle ne se diffusait pas forcément en France, en tout cas, elle n’avait pas forcément le temps de se diffuser, pour que l’innovateur trouve une existence économique, puisse subvenir à ses besoins. Donc il y avait plein de choses qui s’inventait partout dans le territoire français, dans les territoires de tous les pays, mais les entreprises, les différents innovateurs ils mourraient, les entreprises fermaient etc... et donc du coup, on perdait ces innovations là.
Donc du coup les états de l’époque se sont dit, on va inventer un truc qui s’appelle un brevet, dans lequel une entreprise qui innove, on va valoriser cette innovation là, elle va la mettre à disposition, pour qu’on évite de perdre l’innovation, elle va dire qu’est ce que c’est que son innovation. Elle va donner la recette de son innovation. Alors les entreprises au début, elles n’étaient pas très très enchantées. Mais contre le partage de cette connaissance à la société, elles allaient avoir pendant 25 ans, un droit exclusif d’utilisation de ce brevet. Donc elles vont être les seules sur le marché, pendant 25 ans à exploiter cette innovation là. Ce qui garantit un retour sur investissement assez agréable. Parce que si on a passé 4 à 5 ans ou 10 ans de recherche et développement, on a 25 ans pour trouver une viabilité économique et puis se rembourser de ces investissements là. Et si jamais l’entreprise meurt, si jamais l’innovateur meurt et bien on ne perd pas l’innovation parce qu’elle est dans le bien commun et dans ce cas là chacun peut venir piocher dans les différentes innovations.
C’est comme ça que notamment dans les métiers à tisser il y a pleins de choses qui ont été innovées. Contre les restrictions de la concurrence, dire qu’il y qu’un seul acteur qui va pouvoir vendre cette chose-là, l’échange c’est de donner sa recette. Comme ça une fois que le temps du monopole est échu, chacun peut innover, trouver une viabilité économique à cette innovation. Donc c’est le deal social en fait : un monopole contre la recette. Et ça fonctionnait plutôt bien. Il y a plusieurs études économiques qui l’étudient notamment autour des métiers à tisser qui démontrent que partager la connaissance c’est plutôt efficace. Alors du coup il y a eu certaines petites déviances de ça, parce que je vous l’ai dit, le logiciel c’est du droit d’auteur. C’est pas du droit industriel.
Alors quels brevets ça tombe sous le droit industriel, des choses qui sont matérielles. Et à l’époque, le législateur il avait dit, on ne peut pas breveter une idée. C’est pas parce que je rêve d’avoir une machine qui téléporte, que si je n’ai pas la recette de la machine qui téléporte, je ne vais pas pouvoir me créer un monopole là-dessus. Il faut une recette. Et on ne peut pas breveter les idées. Mais il se trouve qu’au Japon, en Angleterre, aux États-Unis, il y a des gens qui se sont dit, tiens le logiciel, il y a de l’investissement, on paye des développeurs surtout dans un modèle propriétaire, un modèle en cathédrale, essayons de protéger cet élément-là.
Mais du coup le deal social il n’est pas trop respecté parce que les boites de logiciels propriétaires elles n’ont pas très envie de mettre dans le pot commun, leur code source. C’est ça la recette. Donc elles ont réussi à dealer un truc qui est grosso modo, vous avez un monopole pendant X années, mais tout ce que vous avez à dire c’est nous dire globalement votre idée de ce que vous voulez faire avec. Par contre il n’y a pas ce reversement dans le pot commun. Et on se retrouve avec des situations totalement absurdes, au début de la bulle Internet, Amazon qui dépose un brevet sur l’achat en un clic, aucune technologie là-dedans il y a juste un lien « a href », blabla et il dépose ce truc et pendant, heureusement ça a été jugé et il a été annulé, mais pendant longtemps Amazon intimidait les gens en disant, ah non vous n’avez pas le droit de faire l’achat en un clic, on n’a plus du tout le droit de le faire, la preuve on a un brevet.
Aucune réalisation particulière, on en a plein des brevets comme ça, totalement farfelus, mettre le menu démarrer en haut à gauche, en bas à gauche pardon, avoir la possibilité d’avoir un bureau avec des icônes dedans. Que des trucs comme ça hallucinants. Sans aucune réalisation technique. Et du coup il s’est formé un business de gens qui avaient des idées absolument farfelues, qui les déposaient le plus vite possible, pour aller emmerder les gens qui bossaient réellement, qui créaient du code source, qui créaient des logiciels et qui eux innovaient. Et le système qui est censé valoriser l’innovation, favoriser l’innovation et bien devient totalement contreproductif, parce que la petite entreprise qui n’a pas de brevets, de brevets logiciels aux États-Unis, elle est sûre de se faire emmerder par tous les avocats qui ont simplement eu une idée un jour et qui, on a l’impression que cette idée est implémentée par la société innovante. Donc pour quelqu’un qui veut innover en informatique aux États-Unis, au Japon et en Angleterre, le seul truc c’est de se faire acheter par un autre, par un gros business angel etc, ou par une grosse entreprise. Et grosso modo on fait les gros bras, moi j’ai un portefeuille de brevets plus gros que le tiens, alors tu ne vas pas m’embêter parce qu’autrement, tu vas perdre beaucoup d’argent etc... Et le système ne vit que par des intimidations du plus gros portefeuille de brevets logiciels.
C’est un truc qui est assez hallucinant, qui mélange des notions en tout cas en France du code de la propriété intellectuelle, je vous disais, un auteur, on ne va pas imaginer que Mozart il brevète, il ait pu breveter le requiem. C’est protégé par le droit d’auteur. Ce n’est pas protégé comme un système ABS est protégé, parce que là effectivement il y a du physique et du coup c’est sous un autre type de brevet. Et en plus le truc, c’est que le droit d’auteur, il protège plus longtemps, il protège 70 ans après la mort de l’auteur. Donc on a en tant que développeur, c’est un peu réduit dans le logiciel, je vous dis un peu des bêtises, c’est une vingtaine d’années, mais on a quand même un système de protection, en tant que développeur de logiciel qui est super bien.
Et il se trouve que il y a des intermédiaires qui sont venus et qui se sont dit&nbps : "tiens nous on ne sait pas faire de logiciel, mais on va juste déposer nos idées et puis comme ça, on va casser les connaissances des différents brevets". Donc voilà un business monumental aux États-Unis autour de ça, ça ne crée aucune valeur, ce n’est pas de l’innovation, toutes les études économiques le prouvent et en 2003, la Commission Européenne se dit, tiens, on va, sous la suggestion d’un certain nombre de lobbies notamment de l’industrie du logiciel américaine, pousser une directive autour du brevet logiciel. Ça passe à peu près à la commission, première lecture au parlement, ça passe de justesse. Et puis il se trouve qu’il y a un certain nombre de gens, notamment des gens du Logiciel Libre qui disent, non mais attendez, vous êtes totalement fous, ça ne va pas, le Logiciel Libre ça crée plein d’innovation, c’est hyper favorable à l’informatique et vous nous donnez la possibilité de nous faire emmerder par des gens qui ne savent pas coder et que c’est simplement parce qu’ils ont eu l’idée que dans un bureau il fallait mettre une icône, ils vont nous interdire de faire notre boulot d’informaticien. Donc il y a une mobilisation qui se fait autour de ça et du coup, en 2004, c’est un peu ralenti. Et ça, ça emmerde un peu les lobbies. Les lobbies des brevets. Et ils ont une idée assez lumineuse, qui est rétrospectivement assez drôle, même si sur le moment ça ne nous faisait pas trop rire, surtout les militants, moi je n’étais pas très très actif à l’époque sur ces sujets-là. Ils ont décidé de passer les brevets logiciels dans une directive relative à la pêche et l’agriculture. Rien à voir. Et juste parce que c’était trop lent dans la voie normale, on décide d’aller mettre du brevet logiciel dans les pêcheurs. Rien à voir avec les poissons, mais on y va gaiement. Heureusement ça a été débuggé, il y a eu des bons débuggeurs de l’activité législative. Ils ont alerté à temps et cette initiative qui a vu le jour en décembre 2004, elle n’a pas eu lieu. Ça a été stoppé in extremis, parce qu’il n’est venu à l’idée de personne d’aller regarder toutes les directives européennes, pour regarder ce qu’il y a dedans. Il y avait deux trois assistants qui étaient plutôt bien, enfin je ne sais pas d’où vient l’info, mais il y a des gens qui visiblement trouvaient que c’était une idée débile même au sein de l’institution.
Alors l’avantage que ça a eu c’est que du coup ça a fait pas mal parler de ça parce que c’est quand même assez cocasse de mettre de l’informatique dans les poissons. Ça peut être très utile pour repérer les bancs de poissons, mais de là à mettre l’achat en un clic dans les poissons, en plein milieu de la mer c’est quand même...
alors du coup il y a eu une mobilisation et puis je n’ai pas pris le temps de vous préparer différentes photos, mais en 2005 du coup la directive repasse devant le parlement européen et là il y a des geek libristes de la FFII qui à Strasbourg, il se trouve qu’il y a un petit ruisseau devant le parlement européen et ils sont venus avec un bateau et une grande banderole, « Arrêtez les brevets logiciels » en clin d’œil avec cette directive de la pêche. Il se trouve que ça a hyper bien marché parce qu’à une majorité écrasante, la directive sur les brevets logiciels a été retirée. Grâce à ce travail de centaines de bénévoles, militants qui font un peu de bruits sur Internet et des fois dans la vraie vie, on a réussi à éviter le pire là-dessus parce que ça aurait été impossible avec les brevets logiciels, on aurait eu plein de problèmes en Europe. D’intimidation de l’étudiant, il y avait quelqu’un en Angleterre il y a pas très longtemps, il y a des bases de données qui reconnaissent la musique. Vous enregistrez la musique, vous la mettez dans la base de données et puis il y a un algo qui existe qui reconnaît les différents auteurs. Et il se trouve qu’il y a quelqu’un qui s’est dit, oui l’algo il existe, depuis vachement longtemps, il y a plusieurs papiers qui en parlent donc moi j’ai envie de le faire. Et il se trouve qu’il s’est fait intimider par la boite « Chazam », voilà, qui a déposé un brevet dans tous les pays dans lequel il se trouve et de mémoire ce développeur est dans un de ces pays-là et donc il ne peut pas diffuser son logiciel.
Il faudrait que en France, on le fasse pour que ça existe. Un truc un peu fou c’est que l’Office Européen des Brevets qui est une institution absolument pas démocratique, qui a été créé par …, qui est une espèce de consortium de l’industrie, alors que les brevets logiciels ne sont pas autorisés en Europe, ils acceptent le dépôt de brevets logiciels. C’est-à-dire, ils se font de l’argent sur des boites qui déposent les brevets logiciels.
Donc voilà, ça c’est une des premières bagarres assez importantes où on voit que toute la connaissance que l’on a acquise autour de la mutualisation du développement de logiciels, toute la connaissance qu’on a acquise autour des questions juridiques, des contrats etc... et des licences libres, elle s’appuie aussi sur du lobbying citoyen, de « l’advocacy » comme ils appellent ça aux États-Unis, où avec quelques forces militantes on arrive à nuire, au mieux nuire aux lobbyistes qui sont grassement payés par les industriels, au mieux à dégager ce type de directives qui sont totalement hallucinantes.
Alors en France il se trouve qu’il y a une bataille qui a été assez, en tout cas pour moi, qui a été assez fondatrice, qui est la bataille de la DADVSI. Je ne sais pas trop si ça vous dit quelque chose. Le projet de lois sur les droits d’auteurs et les droits voisins, à l’heure de l’Internet. C’était une directive européenne en 2002 qui s’appelait EUCD, qui partait du constat que l’Internet c’est fait pour partager la connaissance. Donc il y a des gens qui appliquent ça à des œuvres dont les auteurs ne veulent pas qu’on partage la connaissance. Donc l’idée des industriels, ça a été de dire, tiens on va faire des verrous numériques. On va essayer de contrôler la diffusion des œuvres numériques, en créant des petits outils qui s’appellent des DRM (Digital Right Management) c’est des menottes dans lesquelles l’acheteur va être vigilé dans toute sa consommation de biens culturels. Il se trouve que les DRM ça marche pas, techniquement. C’est basé sur des logiciels propriétaires, c’est basé sur le fait qu’on ne diffuse pas un secret qui est partagé avec quelques personnes et donc forcément, un jour ou un autre, on arrive à ouvrir ces menottes-là.
C’est un peu comme si vous protégiez votre vélo avec ces trucs de cadenas de gamins dans lequel on a un code 000 et puis on essaie toutes les combinaisons, il y a plein d’algorithmes, bref, ce type de choses ne fonctionne pas, les DRM ne fonctionnent pas techniquement. Et ça, les inventeurs de DRM ils s’en sont rendus compte assez vite. Parce qu’au début ils faisait des DRM qui étaient tout pourris, donc on avait vachement de facilités à le faire. Et après ils se sont dit, on va faire quelque chose de très complexe et ça a duré quelques semaines mais n’empêche qu’on a réussi à cracker le DRM, même le truc sur le bluray, on m’a récemment dit qu’il y a pas mal de projets libres qui commencent à avoir la recette et qui vont être capable de l’ouvrir si ce n’est déjà fait.
Donc voilà, un DRM ça ne fonctionne pas. Les industriels l’ont tout de suite compris. Alors ils se sont dit, ça ne fonctionne pas techniquement on s’en fout, il y a quelque chose qui est au dessus de la technique, en tout cas d’un point de vue social, c’est la loi. Donc on va pénaliser le fait qu’il y a des gens qui cassent ces verrous numériques. Donc ils ont, accord international, c’est arrivé en Europe, directive européenne, c’est arrivé en France, avec pas mal de retard et une petite amende, DADVSI. Et ça tombe au ministère de la culture, parce que c’est étiqueté bien culturel, les verrous numériques sont bons pour la culture parce qu’on va réussir à endiguer le problème de la vente de disques. Qui chutait. On ne s’est pas du tout intéressé au spectacle qui marchait très bien, le problème économique qu’ont rencontré les producteurs de disques, bien ils ont fait une association Internet-problème de disques et puis voilà, on a sorti les DRM. Alors a priori, lorsqu’on fait du Logiciel Libre, on s’en contrefout, les problèmes économiques des producteurs de disques français ou européen, nous on fait de l’informatique. En quoi le Logiciel Libre il a à faire là-dedans ?
Au début on se disait, cool ça va causer de droit d’auteur, on est des auteurs de logiciels libres ça va nous favoriser. Bien non, pas du tout. Les DRM c’est incompatible avec le Logiciel Libre. Et lorsqu’on achetait un CD à la Fnac, ou lorsqu’on achetait un DVD, on pourrait se dire qu’on utilise un système d’exploitation propriétaire, ou qu’on utilise un système d’exploitation, on a acheté le bien culturel, on doit être capable de l’utiliser, d’en profiter, d’écouter l’artiste qu’on a entendu. Et il se trouve que quand on fait du Logiciel Libre et bien pour le faire on est obligé de cracker les verrous numériques. Et ça les lobby de la culture, ils ont eu la bonne idée de pénaliser le crackage de verrous numériques. C’est-à-dire que les consommateurs de culture, qui utilisent des logiciels libres, qui veulent consommer légalement, ça c’est aller à la Fnac, aller en ligne acheter des choses sur Amazon etc... ils prennent le disque, ils le mettent dans leur ordinateur, s’ils veulent pouvoir lire le DVD, lire le CD, ils sont obligés de cracker le verrou numérique et, selon le projet de lois, ils étaient des contrefacteurs, c’est-à-dire ils encourraient la peine de 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. Sympa, non ? Quand on a envie de financer la culture en allant acheter à la Fnac des trucs, moi je l’ai fait. Je suis allée à la Fnac, j’ai acheté le CD d’une petite artiste qui s’appelle Edith Piaf, voila, elle a besoin de financement, je suis allé acheter le truc et je me suis dénoncé auprès de la police, en disant mais écoutez selon la loi DADVSI, ce que je fais, lire Edith Piaf sur mon ordinateur, c’est pénalement répréhensible.
C’est-à-dire que c’est pas un truc entre Microsoft qui fait un DRM et qui se sent lésé parce que j’ai cracké son DRM et donc il m’atteint au civil en disant Tangui Morlier est un connard parce qu’il a fait ça. Non c’est pas ça. C’est un crime, le crime pénal c’est un crime de toute la société, un trouble notoire à la société. Le fait d’écouter Edith Piaf sous ma Debian, c’était un crime contre la société. C’est un truc totalement fou. Donc, il y a des gens qui avaient vu ce truc EUCD arriver en 2002, lorsque ça arrive en France, ça commence à s’organiser et en décembre 2002, ça commence à s’organiser. Et en plus le ministre de la culture de l’époque il n’était pas forcément très très clair. La France venait de se condamner parce qu’ils n’avaient pas appliqué cette loi-là encore dans le droit Français et donc du coup ils décident de faire ça le 22 et 23 décembre 2005. Autant dire que quand on est député, on préfère sans doute aller au marché de Noël serrer les paluches de nos électeurs plutôt que d’être sur les bancs de l’Assemblée à faire ça. Et un truc totalement hallucinant c’est que les gens d’EUCD, moi je ne faisais pas partie de l’April, mais il y avait beaucoup de gens de l’April, il y avait Christophe Espern, Jérémie Zimmermann que vous devez connaître parce que maintenant il s’occupe de la Quadrature, Frédéric Couchet qui est délégué général de l’April, plein de gens comme ça qui se disent, ben tiens on va lancer une pétition, parce que c’est quand même hallucinant. La veille de noël, alors qu’il y a des millions de DVD qui vont se vendre, on va criminaliser les gens qui vont acheter des DRM. Et donc ils lancent une pétition et ça explose tous les scores, c’est la plus grosse pétition à l’époque, 140 000 signatures de gens qui disent, non arrêtez de faire les débilos et laissez nous consommer la culture, aller à la Fnac et acheter des DVD comme on faisait avant.
Donc incroyable et ces gens-là ils disent, ben écoutez, aux citoyens, appelez votre député. Et là, le 21 décembre et le 22 décembre, un truc de fou, le standard de l’Assemblée, il explose littéralement. C’est-à-dire que, il y a tous ces gens qui ont signé la pétition, ils commencent à appeler leur député et les députés, ils étaient, mais ils avaient déjà rien compris parce qu’on leur a pas dit ce truc, on leur a dit, ah oui ne vous inquiétez pas, vous allez sauver la culture, ah oui je signe, où est-ce que je signe ? J’ai envie d’aider Edith Piaf. Mais, on leur avait pas expliqué que les DRM, étaient nuisibles à la culture, qu’ils étaient nuisibles à l’informatique etc... et donc là, ils ont complètement halluciné et la nuit du 22 décembre, à minuit et demi, un truc comme ça, l’opposition et la majorité, se mettent d’accord pour voter contre l’article premier du gouvernement. Donc c’est un truc qui a existé, en plus c’est un truc très rigolo, c’est que c’était la commission des affaires sociales, la commission des affaires sociales, c’est celle qu’il y avait quelques années auparavant pour traiter du Pacs. À l’époque, le rapporteur du Pacs c’était Bloch et la pourfendeuse du Pacs, c’était Boutin. Cette nuit là, Bloch et Boutin, ils se sont mis d’accord pour voter contre le ministre de la culture. C’est fou quand même. Et donc voilà. C’était l’épisode DADVSI, la première partie, le premier acte, c’était absolument génial, ils étaient tous comme des dingues.
Le deuxième acte il est un petit peu moins rigolo. Puisque, on a réussi à éviter le pire, puisque il y avait un amendement Vivendi Universal, qui proposait d’interdire les protocoles pair à pair. Alors effectivement, les protocoles pair à pair ils sont utilisés pour échanger parfois de façon illégale, dont on ne peut pas diffuser sans l’accord de l’artiste. Et il se trouve que des fois, on l’utilise pour partager des .iso de distributions Linux, ou les codes sources du noyau Linux, ce genre de choses. Tout simplement parce que c’est plus efficace. Plutôt que d’avoir un énorme tuyau qui sort d’un serveur qui coûte très cher et bien on utilise plein de petits tuyaux et on partage les frais de bande passante. C’est un truc qui est très intelligent technologiquement. Et tout ça parce que ça fait chier Vivendi Universal que certains protocoles pair à pair sont utilisés pour partager des œuvres sur lesquelles ils ont des droits voisins. Parce que Vivendi Universal il n’a pas les droits d’auteur, ils ont les droits voisins celui du producteur. Ils ont proposé d’interdire les protocoles pair à pair. Enfin un truc de fous. En plus on sait très bien que c’est impossible à faire avec Internet, mais ne serait-ce que intellectuellement c’est quand même fou de mettre dans la loi de la technologie. Ils ont mis des DRM dans la loi, quand on sait que le DRM c’est une ineptie technologique et ils mettent une technologie pair à pair dans la loi. Donc ça on a réussi à le dégager. Par contre sur la protection pénale des DRM, c’est encore dans la loi. On a réussi à sécuriser, parce qu’à l’April, on a fait un recours au Conseil d’État, qui demandait quid des utilisateurs de Logiciel Libre. Le Conseil d’État nous a dit que effectivement, il y avait un problème pour les utilisateurs de logiciels libres et c’est pour ça que, les utilisateurs de logiciels libres, pouvaient être assurés de ne pas avoir, de ne pas encourir les sanctions pénales de contrefacteurs. Donc ça à priori, pour les développeurs, parce que ce sont les développeurs ceux qui écrivent le code source qui nous permettent de, tant qu’on ne compile pas, on n’est pas forcément vu comme contrefacteurs. En tout cas, on a des peines très allégées. Mais pour le développeur c’est la vrai peine de contrefaçon, comme si on contrefaisait, on avait une usine de contrefaçon de sacs Givenchy, ou je ne sais pas trop quoi, des parfums, enfin bref. Donc voilà, ça a été relativement bien sécurisé, mais il se trouve que la claque a été tellement forte pour le ministre de la culture, que après il a joué les gros bras et ils y sont allés tout droit.
Donc ça, ça a été une première bataille, en tout cas en ce qui me concerne. Il se trouve qu’il y a eu un truc, je vous ai dit, moi j’y suis allé une fois que la loi a été signée et que les décrets d’application ont été signés, je suis allé voir le commissariat de mon quartier et je leur ai dit : « Bien écoutez, je dois me dénoncer pour un crime grave, un crime pénal, j’ai compilé, modifié, un DRM, un lecteur de DRM pour pouvoir écouter Édith Piaf et pour pouvoir lire je ne sais plus quel film » je ne me rappelle plus quel film j’avais choisi et donc voilà. Donc ils ont pris ma plainte et ils ont mis 3 ans pour réagir. Et étonnamment, c’est la même semaine où j’ai reçu, la lettre du parquet disant que j’étais soit fou, soit, enfin je ne sais plus trop quoi.
Alors après le truc des droits d’auteur à l’heure de l’Internet, vous imaginez bien qu’on a entendu parler, encore. Hadopi, je pense que vous en avez tous entendu parler et là encore au début, nous on est auteur de Logiciel Libre, alors on a beaucoup d’espoir parce que les droits d’auteur à l’heure de l’Internet c’est-à-dire que enfin on va reconnaître qu’on est des auteurs de Logiciel Libre et que peut-être on trouvera des manières de faire des fondations, comme aux États-Unis, pour essayer de récupérer de l’argent et financer des développeurs de logiciels libres plutôt que les développeurs de logiciels libres se cassent aux États-Unis pour être payés par des fondations américaines.
Question : Parce que ce n’est pas permis en France de faire ça ?
Tangui Morlier : C’est extrêmement compliqué et il faut un million d’euros, il faut avoir le ministère de l’intérieur dans son CA et il y a des problématiques de faire bosser des gens qui pourraient être salariés dans le privé. Donc la loi n’est pas totalement adéquate là-dessus. Dont plutôt que, on s’est dit, tiens, Olivennes peut-être qu’il va avoir cette idée-là et puis voilà. On est auditionné, on leur explique que les DRM c’est pas terrible etc... Et on voit le truc Hadopi arriver.
A priori on se dit, bon ben, en plus on a eu un débat longtemps à l’April, c’était de se dire, on a vu les batailles du brevet logiciel, on a vu les batailles de la DAVSI dans laquelle nous on se préoccupait des problématiques des logiciels libres, des DRM qui se trouvaient au cœur du projet de loi, mais en réalité, le législateur il voulait essayer de résoudre un problème économique des producteurs de disques. Donc on s’est dit, est-ce qu’on investit les questions d’Internet, neutralité de l’Internet etc... et notamment Jérémie qui fait toujours partie du CA de l’April, disait, moi je pense qu’il faut que l’April investisse ce genre de truc. On a préféré aider Jérémie et Christophe Espern et un certain nombre d’autres, à créer la Quadrature Du Net, parce qu’on avait peur que le Logiciel Libre soit dissous dans la masse d’information à traiter relative à neutralité du net.
Donc, à priori, lorsqu’on a vu Hadopi, on a dit chouette, c’est un projet de loi pour la Quadrature Du Net. Nous, on va être tranquille, on va l’aider, on va partager nos connaissances avec lui, mais on va enfin passer à un projet de loi relatif à l’Internet tranquille etc...
Mais bon, comme on est des gens consciencieux, on regarde quand même le projet de loi. Et là, quand on regarde le projet de loi, on hallucine. Il n’y a pas une seule fois, il n’est pas question d’auteurs, il n’est pas question de rémunération des auteurs dans le projet de loi. Il n’y a rien du tout. Toute la « com » du gouvernement, il n’y avait rien dans tous les articles. Par contre ce qu’il y avait, c’était un logiciel de sécurisation.
Rires
Ah ben encore une fois, nous on se dit, cool, Logiciel Libre, avec nos quatre libertés on est capable de faire les meilleures solutions de sécurité. Du coup, ben voilà, le ministère de la culture, il va nous écouter et puis il va trouver que effectivement nos solutions de sécurité elles sont cool. Alors du coup on regarde plus en détail et on s’aperçoit qu’en fait le truc de sécurité, c’est n’importe quoi. Le truc de sécurité c’est obligé d’être un logiciel propriétaire et en réalité au lieu de sécuriser les accès, il espionne les usages des utilisateurs. C’est-à-dire, on a utilisé le nom logiciel de sécurité pour en réalité faire exactement l’inverse : collecter de l’information privée et la mettre à disposition de gens qui ont des intérêts à savoir ce que vous faîtes avec Internet.
Rien à voir avec le Logiciel Libre, non, rien à voir avec la sécurité, discriminant avec le Logiciel Libre et on s’est dit merde, on va encore être obligé d’aller se fighter avec le ministère de la culture. Alors, que nous on les aime bien, on est des auteurs, à priori, il devrait nous reconnaître. Donc on a beaucoup parlé de la coupure de l’Internet, parce que c’était assez emblématique et dans la réalité, le cœur du projet c’était ce logiciel de sécurité.
Et en fait c’est hallucinant comme le législateur il avait comme idée de dire ah ben tiens, celui qui télécharge, il est de base ; celui qu’on trouve sur Internet, téléchargeant, il est de base coupable. Alors déjà quand on a lu un tout petit peu le droit français, on se dit ben c’est bizarre, normalement on est jugé innocent et la procédure judiciaire doit prouver notre culpabilité et à la fin, même des futurs ex-présidents de la république ils sont en France protégés comme étant innocent quoiqu’ils aient fait et la procédure judiciaire prouvera leur culpabilité ou non. Inversion de la charge de la preuve. La preuve, on vous trouve, vous êtes coupable et c’est à vous citoyen de prouver que vous êtes innocent.
Les lobbyistes de Vivendi etc, moi j’ai beaucoup été à l’Assemblée nationale et lorsque je dis lobbyste de Vivendi, ce n’est pas pour être étiqueté, Sylvie Forbin, elle était là tous les jours dans les tribunes de l’Assemblée nationale. Et lorsque Pascal Nègre dit notre loi Hadopi, ce n’est pas une formule rhétorique, c’est une réalité. Ils étaient présents dans l’hémicycle pour observer ce qu’il se faisait.
Donc, quelqu’un dont on trouve une adresse IP sur Internet, mettant à disposition des œuvres culturelles, forcément, il est coupable. Ça pose un problème juridique. On inverse la charge de la preuve, la personne doit démontrer qu’elle est innocente. A priori, ce n’est pas très juridiquement carré, mais peu importe, ils continuent. Et du coup, les gens se disent : « mais attendez, vous êtes juste fous. Les gens qui ont du wifi, c’est facile de pouvoir accéder. Si on a des visiteurs, est-ce que c’est moi le propriétaire de la ligne Internet qui doit trinquer pour... bon d’accord c’est mes potes, mais bon, ce n’est pas de ma faute si… » et la grand-mère qui se fait pirater son wifi et les hôtels, qui tous les soirs ont des gens, accueillent des gens et comment ils font ? Pour prouver qu’ils sont innocents ?
Et donc là, l’idée géniale de bien ne vous inquiétez pas on va vous aider à sécuriser votre ligne. On va vous mettre un mouchard, ça va espionner tout ce que vous faites et puis comme ça on prouvera que effectivement ; on vous offrira des preuves qui prouveront votre innocence. Et voilà, on se retrouve avec un logiciel propriétaire incompatible avec le Logiciel Libre, une ineptie de sécurité et on l’a vu toutes les tentatives de création logiciel Orange, machin truc ne marchaient pas, il était piratable en une fois, les autres qui espionnent l’Internet pour récupérer les internautes ils mettent à disposition nos adresses IP à tout vent, vous avez du voir ces histoires la semaine dernière. Enfin bref, on marche totalement sur la tête. Encore une fois vouloir mettre de la technologie dans un projet de loi. Qu’est-ce que vient foutre un logiciel de sécurisation dans un projet de loi ? Dans un projet de loi qui est en théorie censé trouver de nouveaux modèles économiques pour les auteurs, alors qu’il n’y a rien relatif aux auteurs dans le projet du gouvernement. C’est juste incroyable.
Alors il y a eu plein de choses rigolotes aussi d’un point de vue législatif. Le coup du rideau dont vous avez sans doute entendu parler, les UMP qui n’avaient pas envie de voter parce qu’ils sentaient que ça sentait le pourri cette histoire et qui se faisaient emmerder en circonscription, ils sont pas venus voter et du coup le PS en a profité, ils ont débarqué, ils ont réussi, à faire retirer, à voter contre, l’Assemblée à voté contre le projet de loi. Après le conseil constitutionnel se dit, mais attendez, coupez Internet, vous nuisez à la liberté d’expression, pour ça il faut un juge, limiter la liberté d’expression des gens. Et là vous le faites juste avec une milice privée et avec une autorité indépendante qui d’elle même, dit qu’elle est la représentante du business des producteurs de disques. Ça ne va pas du tout.
On censure Hadopi. In fine ils y sont arrivés parce qu’il y avait vraiment une volonté politique et que les gens avaient été mis d’équerre. Mais ils y sont arrivés au bout du troisième essai, où ils ont réussi à faire une loi qui passait à peu près et qui est juste inapplicable parce que personne jusqu’à présent n’a été coupé à Internet et on a vu, ils diffusent nos adresses IP à longueur de temps. Donc en terme de sécurisation, c’est tout perdu. Donc voilà, encore un joyeux projet de loi, qui a priori, nous on veut être tranquille, on veut faire en sorte que les développeurs, les auteurs de logiciels libres soient tranquilles et juste là où on ne s’y attend pas, ils nous mettent des trucs qui portent atteinte au Logiciel Libre.
Alors on a aussi eu tout un tas de choses, vous avez peut-être sans doute entendu parler d’ACTA, ce traité international où des gens se réunissent tous les 6 mois, on ne sait pas où, on ne sait pas ce qu’ils font. Ils engagent, un truc hallucinant, c’est que ils engagent nos parlements sans solliciter le parlement. C’est-à-dire que dans ACTA, il y a un article qui dit que le parlement ne pourra pas modifier le traité, il pourra seulement dire si oui ou non il est d’accord. Et une fois que le traité sera ratifié, les membres de ce collectif international ACTA, pourront modifier les termes du contrat. C’est hallucinant. Surtout quand on vient du Logiciel Libre où on se dit : « Attendez, le Logiciel Libre c’est essayer de ». Je ne vous ai pas trop raconter ça, mais au début Stallman ce qu’il voulait c’est être reconnu en tant que développeur. Il s’apercevait que le logiciel propriétaire, ça mettait plein d’intermédiaires entre l’utilisateur et le développeur, notamment des gens qui ne connaissaient rien à l’informatique. Et donc ça posait un problème de reconnaissance du travail du développeur, parce qu’on investissait énormément dans le marketing, en mettant des boites, tout plein de trucs. Ça ça coûtait énormément d’argent et in fine, c’est le développeur qui trinque parce qu’il n’est pas valorisé dans son travail et il gagne des clopinettes par rapport aux moyens qui sont mis en œuvre. Il y a ce truc-là, de trouver une bonne gouvernance entre les utilisateurs et les développeurs. Faire en sorte que ce soit équilibré. Que si jamais il y a un développeur qui contribue et qu’il n’est pas d’accord avec les autres développeurs et bien il a la possibilité de forker. D’aller faire son projet, dans son coin ailleurs. Et il n’y a pas de problème. Et cette liberté était géniale parce que en terme de gouvernance, si je commence à faire mon dictateur dans un projet, je ne vais pas le faire très longtemps parce que vous, vous allez vous barrer et créer les projets à côté et faire sans doute quelque chose qui est mieux. C’est ce qui s’est passé avec OpenOffice et LibreOffice. OpenOffice vous en avez peut-être entendu parler. Sun et Oracle ont fait un peu des bêtises en terme de gouvernance, les développeurs ils ont dit, merci au-revoir, on prend le code source et on va faire un projet avec une meilleure ambiance de travail. Donc dans nos pratiques, on a des pratiques qui forcément doivent être un minimum démocratiques, parce que si elles deviennent autoritaires, les gens se barrent.
L’initiateur il se barre parce qu’il n’y a pas une bonne ambiance et les développeurs ils vont forker. Et ACTA ce truc, déjà dans la gouvernance ça sent sacrément pas bon. Et en plus dans la réalité qu’est-ce qu’on retrouve ? On retrouve les DRM, on trouve les brevets logiciels, on trouve la neutralité d’Internet, tout ça pour parler de contrefaçon, en théorie, on trouve l’interdiction des médicaments génériques, la possibilité de détruire n’importe quel stock de médicaments génériques qui transitent entre l’Inde et le Brésil. Enfin des trucs qui ne sont pas seulement du numérique, des trucs qui sont quand même assez grave pour l’humanité.
Donc d’un point de vue gouvernance, c’est juste hallucinant et encore une fois, d’un point de vue de la valorisation du Logiciel Libre, de dire que bien oui, c’est plus efficace, on se fait plus plaisir à partager notre travail.
Renforcement des brevets : effectivement, il a été prouvé que les DRM, ça ne marche pas techniquement, que jusqu’à présent les barrières légales ont quelques faiblesses du point de vue des éditeurs de DRM et de logiciels propriétaires et bien on renforce ça et on continue en klaxonnant dans une mauvaise voie.
Les brevets logiciels à priori, ça a été assez bien, l’Europe a été assez vigilante là-dessus, il y a eu une forte pression du Japon et des États-Unis mais ça a été fait et la neutralité du net ça a été un enjeu monumental. Et là pareil, grâce, comme avec DADVSI, comme avec Hadopi, grâce à la mobilisation citoyenne, le fait qu’il y ait des gens qui appellent les députés européens, que les députés européens demandent à ce que soient rendues publiques, les discussions, qu’il y ait une discussion démocratique qui est réalisée autour de ça, la responsabilité de l’intermédiaire technique a été plutôt bien sécurisée.
Donc là, à chaque fois, ce qu’on arrive à démontrer, d’un point de vue purement d’action législative, c’est que nos modes de travail itératifs, assez agiles, ça marche bien dans le logiciel, mais ça peut fonctionner aussi très bien d’un point de vue de la promotion et puis surtout en l’occurrence ça j’en ai parlé beaucoup de défense du Logiciel Libre ; où si on se met à plusieurs et qu’on explique à des députés européens, à des députés français, bon à des ministres, surtout de la culture, c’est pas forcément gagné, mais il y a d’autres ministres qui ont compris les enjeux du Logiciel Libre, que ça fonctionne plutôt pas mal. C’était l’idée de l’April, c’était de dire voilà on essaie de mutualiser les besoins parce que malheureusement il y a besoin d’avoir des gens qui sont là à temps plein, pour pouvoir aller à 15h30, alors que à priori professionnellement c’est difficile de se libérer, à aller à un rendez-vous au cabinet du ministre etc...
Il se trouve qu’en ce moment, il y a quand même pas mal de choses. IPRED, au niveau européen, relative à la neutralité du net. Les tests d’application d’ACTA c’est assez problématique. On a reparlé des brevets logiciels, c’est-à-dire ils ont essayé de calmer le jeu les lobbies mais il y a une directive en préparation qui parle de brevet et dans lequel il y a de fortes suspicions que les brevets logiciels reviennent notamment par l’intermédiaire du renforcement de l’EOB [NdT : Organisme Européen des Brevets]. Et heureusement des institutions démocratiques comprennent un peu ce qu’il en est et notamment la cour européenne de justice, a freiné la cadence de la commission européenne, parce qu’ils ont toqué leur projet de directive. Parce que d’un point de vue démocratique, il y avait de sérieux problèmes.
Et puis il y en a un dernier, je vous ai parlé des DRM, des brevets logiciels, à l’April on est aussi actif autour de la vente liée. Un truc qui est aussi assez hallucinant. Quand on achète un ordinateur portable, on est obligé d’acheter un système d’exploitation propriétaire alors qu’en France, c’est interdit. On n’a pas le droit d’associer deux produits, dans la même vente. Il faut que ce soit séparé. Il faut qu’il y ait les deux étiquetages des prix. Typiquement, d’un point de vue purement comptable, un ordinateur est un bien matériel. Lorsqu’on achète une licence logicielle, ou lorsqu’on achète du service de Logiciel Libre, c’est un bien immatériel. Et bien ça si vous avez fait un petit peu de compta, je ne sais pas si on vous enseigne ça, mais ça ne rentre pas dans le même compte.
C’est-à-dire qu’il y a un compte pour les biens immatériels, les amortissements immatériels et il y a un compte pour les amortissements matériels. Le comptable il ne peut pas faire son boulot parce que les factures ne mettent pas la séparation des prix. Alors si vous êtes et c’est ce qui commence à faire bouger les choses c’est que les gens autour de l’initiative Racketiciel qui vont auprès de leur tribunal de proximité dénoncer et demander à ce qu’on leur rembourse le système d’exploitation qu’ils ne veulent pas. Mais encore une fois pourquoi le consommateur doit faire des efforts, alors que la loi est très claire et qu’il est illégal de vendre deux produits et de faire de la vente liée. Ça marche d’aller devant le tribunal de proximité. Mais pourquoi en tant que consommateur on doit faire ça ?
D’un côté il y a l’initiative Racketiciel, c’est des individus qui vont porter plainte auprès du tribunal de proximité, c’est même monté jusqu’à la cour de cassation. Donc la cour la plus haute en France qui a dit que effectivement, qui a retoqué les deux jugements qui étaient contraires à l’application de la vente liée. Mais il y a encore du boulot à faire. Aussi bien au niveau institutionnel et on essaye, vous avez peut-être vus dans la presse, le ministre en charge Besson a fait, a pris des positions qui étaient un petit peu ... ; un jour il dit « la vente liée effectivement c’est illégal il faut arrêter » et d’un autre côté, « ah ben non on ne va peut-être pas afficher les prix ». Enfin bref il ne sait pas encore sur quel pied danser. On essaye de le sensibiliser, on a des rendez-vous très réguliers avec son cabinet. Et d’un autre côté, une action purement citoyenne qui est de découvrir, parce que c’est un truc qui est passionnant.
Moi j’ai découvert, j’ai peut-être eu pendant deux ans des cours d’éducation civique. Je n’étais sans doute pas très attentif et je ne m’en rappelais plus du tout. Et le fait pendant DADVSI d’aller au Sénat, à l’Assemblée nationale pendant Hadopi, de regarder ça, c’est un truc qui est passionnant. Parce qu’on connaît les enjeux techniques et on découvre, on peut appeler son député, parler avec son assistant, lui fournir des arguments. Moi certains de mes arguments je les ai retrouvés non pas parce que j’étais président de l’April, parce que au moment de DADVSI je n’étais même pas membre du CA de l’April. Mais parce que j’ai discuté avec ma député, elle a repris certains de mes arguments. Alors que certains ils étaient cons et voilà. Heureusement, c’est une députée alors elle a su faire la part des choses. Certains étaient bons et je les ai retrouvés dans les discours de l’Assemblée. C’est assez cool quand même. Et ne serait-ce que aller à l’Assemblée nationale et demander un ticket pour pouvoir passer une soirée, c’est comme aller au théâtre. Des fois la pièce n’est pas très très bonne, mais déjà c’est rigolo de voir comment ça fonctionne. Surtout quand on connaît un petit peu un projet de loi. Donc on a moyen en tant que citoyen d’utiliser les actions qui sont faites pour ça. C’est prévu dans les règlements de l’Assemblée qu’on peut aller voir nos institutions et assister au débat. Il y a une vidéo en ligne où on ne voit malheureusement pas tout et c’est surprenant de voir ces jeux entre députés qui s’organisent pour voter pour, pour voter contre etc...
Et pareil, sur la vente liée, assister à faire une démarche auprès du tribunal de proximité. Moi je ne savais pas au début, je pensais qu’il fallait aller voir les flics, pour porter plainte, ou aller tout de suite au tribunal d’instance. Non, il y a des juges qui sont à moitié bénévoles et qui statuent sur des petites affaires. Des affaires à 100, 200€ pour savoir quel est le coût d’une licence de logiciel propriétaire, est-ce qu’on a le droit de se faire rembourser etc... Il y a plein de choses, qu’on nous a pas forcément appris, ou quand on l’a appris, moi je n’étais pas attentif et c’est passionnant. Ça peut être aussi passionnant qu’étudier la recette d’une mousse au chocolat ou d’étudier un code source. Donc voilà, il y a pas mal de boulot encore. Pas mal de boulot, porter plainte au tribunal de proximité, ça peut être pas mal de se faire aider par des associations, par des avocats. Mais si vous êtes à peu près sûr de vos arguments juridiques et parce que vous avez fait un peu de droit vous pouvez essayer d’y aller tout seul, mais il y a de la place pour de l’initiative citoyenne et se faire accompagner par un des groupes comme Racketiciel.
Le dernier danger qu’on avait identifié en 2004 à l’April, c’est l’informatique de confiance. L’informatique de confiance elle est pas mal diffusée. Si vous avez des Iphones, c’est typiquement l’exemple d’informatique de confiance.
L’informatique de confiance, l’informatique que nous on appelle de défiance en réalité, elle prend les utilisateurs pour des abrutis. Et elle estime que seule la technologie est à même de guider l’utilisateur. L’utilisateur n’est entre guillemets qu’un esclave de la technologie. Alors qu’est-ce que ça fait ? Ça veut dire que l’utilisateur ne peut pas installer ce qu’il veut sur les objets qu’il a choisi. C’est l’objet lui même qui est conçu pour refuser la liberté aux utilisateurs. Alors l’Iphone, l’Ipad, il y a plein d’exemples d’applications qui sont censurées parce qu’elles utilisent une licence de logiciels libres. C’est en voie de résolution, mais n’empêche, c’est un exemple qui a fait couler pas mal d’encre. Il y a plein de journaux, alors on peut penser ce que l’on veut de The Sun, The Bild ou Charlie Hebdo, moi, perso les pages trois de ces canards-là ne m’intéressent pas trop, mais n’empêche que c’est vendu, c’est un million d’exemplaires en Angleterre. Pourquoi ? Parce il y a un type aux États-Unis qui a dit que c’est pas bien de montrer les poitrines de femmes nues, ça ne peut pas être diffusé sur un Ipad. C’est quand même fou qu’il n’y ait qu’un seul type qui décide ce que les utilisateurs de ces choses-là ont choisi.
Alors on a évidemment un certain nombre de problèmes liés, conceptuellement, ça s’oppose aux logiciels libres, qui prennent plutôt les utilisateurs pour des gens intelligents et qui leur laissent le libre choix de leur informatique. Et on pense que les trucs liés à l’accès à la pornographie, au fait que ce soit bien de caricaturer l’église ou faire des blagues de cul, c’est plutôt à gérer dans la sphère du débat public plutôt que d’un point de vue autoritaire de retirer ce droit-là. Et donc du coup, c’est les utilisateurs qui doivent être éclairés et qui doivent discuter de ça. Plutôt que la technologie qui prenne des décisions pour les gens. Mais on trouve aussi des choses à plus bas niveaux où il y a des tentatives d’informatiques de défiance, au démarrage d’un ordinateur qui va vérifier si vous avez bien le système d’exploitation propriétaire qui convient pour démarrer. Comme ça a été le cas pour pas mal de hardware Apple, où si jamais vous n’avez pas le système d’exploitation, le hardware il refuse catégoriquement. C’était le cas aussi pour les lecteurs DVD zonés où vous achetiez un lecteur DVD à l’étranger, parce que vous y viviez, vous revenez, vous achetez un DVD en France et bien vous n’allez pas pouvoir lire plus de trois fois un DVD français puis un DVD anglais. Ça va bloquer le matériel. Ça c’est le matériel et l’informatique qui prend des décisions arbitraires à la place du citoyen, à la place de l’utilisateur, à la place du consommateur.
Et lorsqu’on est des entreprises, ou lorsqu’on est l’armée par exemple, ça pose quand même un problème. Un logiciel potentiellement il peut très bien dire, ah bien, j’ai remarqué que vous êtes en Irak, alors hop on arrête.
Quand c’est de l’ordre du contrat, ce n’est pas très grave, ça se résout, mais lorsque c’est le hardware qui, de manière autoritaire et non prévue contractuellement le fait, c’est quand même assez hallucinant. Donc voilà un petit peu les actions. Alors j’ai peut-être été un petit peu, dans cette conférence, focalisé sur les dangers. Il y a plein de choses autour de la promotion. Le Logiciel Libre, moi pour y travailler au quotidien, c’est un truc qui est vraiment cool de partager ses connaissances. C’est la première motivation. Moi en tant que développeur, c’est que simplement, c’est plus sympa de faire du Logiciel Libre que du logiciel propriétaire. On ne se fait pas emmerder par les juristes, on ne se fait pas emmerder par les marketeux. On dialogue directement avec les clients. Quand on est développeur, comprendre les besoins. Avant je travaillais avec des vignerons par exemple, comprendre le besoin d’un vigneron plutôt que de passer par 50 000 échelons qui vont dire, ah mais ça tu ne peux pas le faire, machin truc, c’est un truc qui est passionnant. Et pour ça c’est quelque chose de vraiment cool.
Alors il y a plein de choses qui sont hyper positives autour du Logiciel Libre. Un truc que vous pouvez consulter si vous avez envie de faire connaître le Logiciel Libre près de chez vous, on a sorti un catalogue de logiciels libres où on propose des solutions logicielles libres pour faire connaître concrètement le Logiciel Libre. On peut savoir que Open Office existe, Libre Office existe, Firefox existe etc...
Et en plus faire profiter de ça, des besoins des utilisateurs, pour expliquer ce que c’est que le Logiciel Libre et quels sont les enjeux du Logiciel Libre. C’est une espèce de document pédagogique que vous pouvez trouver en téléchargement sur le site de l’April, sous licence libre. Vous pouvez le diffuser et en plus, si vous avez envie d’avoir un exemplaire papier, on en imprime, vous pouvez même les commander sur un site qui s’appelle la boutique du libre. Donc voilà.
Un des exemples de choses qu’on peut faire autour de la promotion très concrète est d’aider, plutôt que de la faire, nous même, l’idée du Logiciel Libre c’est ainsi, les gens peuvent aider à cette diffusion. On n’a pas la puissance marketing de Microsoft. Nous, notre force c’est des utilisateurs qui sont contents et qui diffusent ça. Firefox, à priori, ce n’était pas gagné, par rapport au mastodonte de Microsoft, Internet Explorer. Mais il se trouve que d’un côté, il y a un produit qui est nul, les gens même s’ils sont obligés de l’utiliser ils y rechignent et il y a de l’autre côté un produit libre qui fonctionne quand même pas trop mal, qui répond à pas mal de cas concrets et qui permet l’innovation. Il y a plein d’innovations, j’en ai marre de regarder la pub sur Internet ; ah bien tiens, il y a quelqu’un qui a pensé à un truc qui s’appelle Adblock. Je trouve que Flash ralentit mon système, ah bien tiens il y a un truc qui enlève le flash, les onglets par exemple quelque chose qui est totalement évident pour des technophiles comme nous, ça a été inventé à travers une extension de Firefox. Au début ça n’avait pas été pensé.
Un intervenant du public : C’est opéra !
Tangui Morlier : Ah c’était peut-être au tout début Opéra. Comme je n’utilise pas... mais ça a été, au début, une extension de Firefox, les utilisateurs ayant le droit de l’innovation, ça a été après intégré, dans Firefox.
Voilà, j’ai été peut-être un peu bavard. J’avais prévu un petit peu plus long pour les questions. Voilà si vous avez des questions ?
Question : Est-ce que vous pensez que le Logiciel Libre peut résoudre le problème du cloud computing ?
Tangui Morlier : Alors c’est une bonne question, on est régulièrement interrogé là-dessus. Le cloud computing comme la problématique des réseaux sociaux, va un peu plus au delà que simplement la liberté d’exécuter, modifier, étudier, diffuser le logiciel. Il se trouve que le Logiciel Libre, de base, il a été fait pour donner du pouvoir aux développeurs et aux utilisateurs. Essayer de trouver un équilibre entre des développeurs qui ont envie d’être valorisés, par leur travail et de l’autre côté des utilisateurs qui ont des besoins et qui veulent que ces besoins soient le plus rapidement reconnus, enfin implémentés. Le cloud computing, comme les réseaux sociaux, utilisent du Logiciel Libre. Mais on voit aussi la limite de certains éléments du Logiciel Libre. On l’a vu, certaines licences de logiciels libres, BSD, ça permet de faire un système d’exploitation, un peu trop totalitaire à mon goût comme Mac Os. Facebook, c’est possible que parce qu’il y a des logiciels libres. Maintenant d’un point de vue de l’utilisateur, l’objectif du Logiciel Libre c’est un objectif social, c’est-à-dire de partager la connaissance, c’est de faire en sorte que l’utilisateur ait la maîtrise de leur informatique. C’est l’idéal des gens qui font les licences dites copyleft de co-production.
Ça pose quand même un problème parce que l’utilisateur il est bloqué dans Facebook, il met sa vie privée dedans et il ne peut jamais le récupérer. Ou alors à travers des pdf, ou après trois ans de bataille avec le monstre américain. Et le cloud computing, c’est un peu pareil. C’est-à-dire que choisir une solution de cloud computing en Logiciel Libre, c’est à dire dans lequel vous êtes capables de reproduire la solution de cloud computing, c’est hyper intéressant. Mais c’est pas tout. Parce que dans le cloud computing, vous y mettez vos données. Et donc en plus d’avoir la garantie que le logiciel qui est exécuté sur le cloud computing, vous allez être capable de le reproduire chez quelqu’un d’autre ou voire chez vous, il faut se préoccuper de ce que deviennent vos données et pour ça à mon avis, il faut veiller à deux libertés supplémentaires, qui est l’accès exhaustif à toutes les données qui ont été générées là-dessus, en tant d’utilisateur, leur protection évidemment et surtout le droit de supprimer toutes les données, de manière exhaustive qui auraient été mises sur les solutions de cloud computing. Et en fait cette théorie-là, elle peut s’appliquer aussi bien sur les réseaux sociaux. Alors si on était capable de prendre Facebook, de le reproduire ailleurs que sur Facebook, d’avoir accès à l’intégralité de nos données et surtout d’être capable de supprimer ce qui est le plus compliqué, sur ces types de choses-là, on aurait une relation entre l’utilisateur et le prestataire Facebook, Google etc... qui serait beaucoup plus équilibrée.
Donc le Logiciel Libre est un des éléments importants dans le cloud computing et à ce titre, il se trouve que la licence GPL, est un peu limitante. Parce que la licence GPL elle prévoit que le logiciel, les modifications du logiciel soient mises à disposition en cas de diffusion du logiciel. Or dans le cloud computing, comme dans les réseaux sociaux, le logiciel, il reste. Le logiciel qui est exécuté par Facebook, il reste chez Facebook. Il n’y a pas diffusion du logiciel. Et donc dans ce cas-là, il y a une licence qui a été inventée par la Free Software Fondation, qui s’appelle, l’Affero GPL, qui dit que si jamais le service est mis à disposition des utilisateurs, dans ce cas-là, les modifications effectuées sur le logiciel, doivent être partagées avec les utilisateurs. Et donc cet élément-là est particulièrement intéressant lorsqu’on fait du cloud computing ou lorsqu’on veut faire confiance à des services en ligne. Parce qu’on sait très bien, qu’il faut faire confiance à quelqu’un. Dans les années 80, il fallait faire confiance à l’ordinateur pour exécuter notre logiciel. Là on fait confiance à des prestataires qui, parce qu’on n’a pas envie d’acquérir des machines physiques, nous offrent un service, par contre il faut trouver une relation équilibrée entre nous utilisateurs de ces services-là et ce prestataire-là. Et si le prestataire est bon, il n’y a aucune raison qu’on change. Donc c’est tout à l’intérêt et à l’avantage de ces sociétés-là.
Question : Vous avez déjà eu des cas à traiter sur licence Creative Commons ou des choses comme ça, ou ce n’est pas trop votre domaine ?
Tangui Morlier : Alors, à l’April on s’occupe de logiciels. Il y a d’autres, il y a une association qui s’appelle Veni, Vidi, Libri qui est assez active là-dessus. Moi avant j’étais dans un collectif qui s’appelait Copyleft Attitude qui a crée la licence Art Libre. Il y a, c’est pas un chapitre français, mais il y a une association Creative Commons France. Alors effectivement l’idée du succès du Logiciel Libre fait des petits. Et ça fait des petits dans la connaissance avec Wikipédia et dans l’art avec Copyleft Attitude, Creative Commons.
Le truc juste à l’April, ce qu’on dit c’est qu’il faut faire attention avec ces licences-là, parce que Creative Commons il y a des licences qui sont libres au sens du Logiciel Libre et il y en a d’autres qui ne sont pas du tout libres, qui posent des problèmes juridiques. Avant les licences qui sont assez sexy, les licences à restriction, à usage non commercial, ça il se trouve que ça pose de vrais problèmes juridiques. Parce que la loi ne définit pas ce qui est un service commercial de ce qui n’est pas un service commercial. Et donc en terme de diffusion de cette information-là et potentiellement restriction de la diffusion, on va être capable de trouver des biais. Donc voilà, c’est juste une attention juridique, mais c’est vrai qu’elles sont de plus en plus utilisées et il y en a pas mal, on a été assez actif lorsqu’il existait il y a quelques années dans un organisme qui s’appelait le forum des droits de l’Internet, auquel on a participé à l’écriture de certains dossiers et on a suggéré, on s’est réjoui de la mise à disposition du fond documentaire, du FDI lorsqu’il a été dissous sous licence Creative Commons By Sa, une licence libre venant de Creative Commons et sous licence Art Libre, une licence qui a été inventée en France et qui repose sur le droit français.
Question : Il y a quelque temps on a développé les logiciels libres dans la gendarmerie française par exemple, est-ce que vous avez eu des retours sur cette expérience, sur le développement ?
Tangui Morlier  : Alors j’en ai effectivement discuté, c’est excellent et effectivement dans les bonnes nouvelles des institutions notamment, la gendarmerie nationale est passée très progressivement, ils n’ont pas fait ça..., ça a été à mon avis la bonne politique, de d’abord migrer vers OpenOffice, puis après Firefox etc... pour après faire un basculement vers du 100% Logiciel Libre. C’est un choix qui visiblement totalement, satisfait toute la hiérarchie de la gendarmerie et qui a priori ne devrait pas être remis en question, même s’il y a des rumeurs avec la fusion gendarmerie police nationale, il y avait quelques réticences et quelques peurs de la pérennité de cette solution-là. A priori, d’après les dernières informations que j’ai eues, ça ne devrait pas être le cas, donc c’est un exemple hyper-intéressant d’un organisme qui a besoin de gérer énormément de sécurité, sur tout la résilience de ces systèmes, pour que ça marche et ils sont absolument satisfaits de leur solution.
Le cas des députés français, dans leur bureau, chaque député à Paris dans son bureau à l’Assemblée nationale a une adaptation de Kubuntu, pour les assistants, pour tous les postes qui sont mis à la disposition des députés. Donc, le ministre de la culture, même s’il fait des lois pourries, a et on le sait OpenOffice (qui fait, alors qui est spécial, à Christine Albanel, le pare feu Open Office)... Mais il y a pas mal de ministères et c’est vrai que entre 2000 et 2005 il y a eu un vrai engouement politique de choix d’utilisation de Logiciel Libre en interne dans les pouvoirs publics français. Il se trouve qu’ils y sont allés plutôt avec l’illusion que le Logiciel Libre c’était gratuit. Pas du tout, le Logiciel Libre ça offre les 4 libertés à ses utilisateurs, mais l’informatique ça a un prix, donc si on choisit le Logiciel Libre pour la gratuité ce n’est pas toujours le meilleur choix. Ça demande un investissement comme dans tout processus de migration. Toutes les migrations, le passage à Windows Vista a été hyper douloureux pour plein d’entreprises. Ça a couté plein d’argent. Et toutes les migrations coûtent de l’argent. Pas seulement en frais de licence lorsqu’on choisit des logiciels propriétaires mais parce qu’il faut habituer les gens à ces utilisations-là. Et il se trouve qu’il y a des organismes publics qui ont fait des choix assez intéressants. En disant, les économies qu’on fait, en terme de frais de licence, on garde cet argent-là et en fait on forme les gens. En fait la majorité des gens, ils ne savent pas utiliser l’informatique. Parce que la majorité des gens n’ont pas nos âges. Donc être capable de savoir comment faire une lettre dans un traitement de texte qui n’aura pas à appuyer 50 fois sur la barre « espace » pour pouvoir faire la tabulation mais appuyer sur la tabulation, ce genre de petits détails qui nous semblent totalement naturels quand on est informaticien, mais qui, même pour des gens de nos âges, ne sont pas du tout évidents parce que ce n’est enseigné nulle part, bien, il y a des institutions notamment publiques qui se sont dit, l’économie qu’on fait, plutôt que de faire des économies de bout de chandelle on investit ça dans la formation et on gagne en productivité.
Parce que les gens savent utiliser le logiciel et donc du coup, sont plus efficaces. Au lieu de passer trois heures à mettre plein d’espaces si ils changent le texte et puis hop le texte il bouge dans tous les sens et ils ne comprennent pas pourquoi et bien ils n’utilisent pas la tabulation. C’est tout bête et ça fait gagner pas mal de temps et puis au moins les gens ils râlent moins contre l’informatique, parce qu’ils ont compris, que la fonctionnalité qu’ils utilisaient elle était pas forcément dédiée à ça. L’espace ça sert à séparer des mots, ça ne sert pas à la tabulation.
Donc voilà, il y a effectivement plein d’exemples et il y a plusieurs analyses économiques qui démontrent que en fait le Logiciel Libre il est plus utilisé dans l’industrie que dans le secteur public. Il se trouve juste que le secteur public il y a un intérêt politique. Entre 2000 et 2005, les hommes politiques, on parle de femmes politiques et de personnalités politiques, avaient un intérêt à communiquer autour des migrations. Et donc d’un point de vue médiatique, on avait l’impression que le service public utilisait plus que le secteur privé du Logiciel Libre. Il se trouve que dans le secteur de l’industrie, on utilise beaucoup le Logiciel Libre. Parce que simplement ça répond mieux aux besoins industriels. Google, Facebook, ils n’ont rien à carer de payer des licences de logiciels propriétaires, ils n’utilisent pas le Logiciel Libre parce que ça fait des économies, ils utilisent le Logiciel Libre parce que c’est plus secure, parce que c’est plus performant et parce que ça répond mieux à leurs besoins d’innovation et de faire évoluer leur système d’information, en fonction de leurs besoins. L’aspect financier il est trivial dans leur choix. Et pour l’armée, pour plein d’organismes de ce genre-là, c’est la même chose. L’élément économique, il est sur-valorisé en période de crise, mais il n’est pas forcément pertinent tout le temps. Ça fait partie des choix puisque effectivement, si on veut former les gens et faire des migrations et etc... Au bout d’un moment, si on arrive à faire l’économie de 50 000 euros de frais de licences pour les bases de données, il n’y a pas photos. On préfère payer un ingénieur pour faire un logiciel qui répond mieux aux besoins de l’utilisateur.
Question : Vous avez dit qu’en France le Logiciel Libre générait à peu près 3 milliards d’euros ; je voulais savoir comment générer de l’argent avec du Logiciel Libre autrement qu’en assurant des formations ?
Tangui Morlier : Alors la base du Logiciel Libre, mais en fait c’est un peu la base du business autour de l’informatique, c’est autour des services. On utilise pas de l’informatique pour utiliser de l’informatique. On utilise l’informatique parce que ça rend des services. Et le business model du Logiciel Libre, c’est d’offrir des services. C’est de l’économie de service.
Alors effectivement, intuitivement on pense assez rapidement à la formation parce que ça que ce soit dans le logiciel propriétaire ou dans le Logiciel Libre on a besoin de formation. Il se trouve que c’est pas forcément les plus gros revenus et si on regarde l’économie de l’informatique en général, il y a la vente de hardware, mais ça on s’en fiche parce qu’on fait du logiciel et il y a la vente de services, l’adaptation de logiciel parce qu’en fait les besoins des entreprises et les besoins de toute l’économie sont différents. On a très peu de besoins communs entre deux entreprises.
Donc on a toujours besoin d’avoir des développeurs qui font des logiciels qui correspondent aux besoins des entreprises, aux besoins des utilisateurs, corriger des problèmes de sécurité, faire évoluer ces choses-là.
Le développement informatique, il a un coût et beaucoup de développeurs de logiciels libres sont payés pour faire du Logiciel Libre. Toutes les grandes entreprises soit donnent de l’argent dans des projets libres, soit financent en interne des développeurs. Pourquoi ? Parce que s’ils choisissent une solution comme Apache, comme GCC, comme le noyau linux etc..., ils veulent que ce soit un investissement qui soit pérennisé. Si jamais ils n’investissent pas là-dedans, la communauté elle ne va pas écouter leur point de vue, parce qu’ils ne seront pas en mesure d’exprimer ces points de vue là. Donc d’un point de vue de gouvernance, c’est intéressant pour une grande entreprise qui veut investir dans le Logiciel Libre parce que c’est plus performant, ça colle mieux à ses besoins, d’investir une partie de leur finance dans le salariat de développeurs libres, ou le don à des projets.
Donc c’est une partie de l’économie, c’est-à-dire basée sur des fondations, ou grosso modo du mécénat. C’est-à-dire que IBM met à disposition une équipe de je ne sais pas combien de personnes, dédiée au développement du noyau linux. Quasiment presque tous les développeurs du noyau linux, sont salariés par les grandes entreprises qui ont intérêt à ce que le noyau linux soit pérennisé, corresponde aux nouveaux challenges de l’informatique etc...
Et après, il y a plein d’entreprises, PME etc... qui ont des besoins en informatique, de développement de site web, de logiciel métier etc... et qui ont pour ça des budgets et payent des entreprises pour les aider à faire des choix logiciels.
L’avantage qu’expriment les utilisateurs des entreprises pour du Logiciel Libre, c’est d’abord le coût, ensuite l’indépendance technologique et le troisième c’est le support communautaire. La communauté offre un support très réactif et on peut aller poster un mail quand on a un problème sur un forum, sur une liste, sur IRC etc... dans le logiciel propriétaire, pour causer au développeur et résoudre un problème technique, c’est un peu compliqué.
Donc ça c’est les éléments qui sont valorisés par les entreprises.
Par contre, le défaut principal c’est d’être un peu perdu lorsqu’on veut faire un choix logiciel à priori. On sait que le choix de ce logiciel-là, il sera moins cher, il sera plus performant, mais au début, il y a beaucoup d’offres. Donc il y a des entreprises qui sont spécialisées comme ça pour accompagner les utilisateurs en disant, mais attendez, votre besoin c’est ça, ça, ça, je vous conseille si vous voulez faire un site web, vous avez mille CMS différents, votre besoin il est de ça, ça, ça, je vous propose, je vous conseille de partir vers Typo3 plutôt que vers Drupal ou vers Wordpress pour des tas de raisons, de l’accompagnement, de l’intégration parce qu’aujourd’hui un site web il veut être connecté avec le logiciel métier qui est lui même connecté avec le gestionnaire de relation client, être capable d’uniformiser tout le système d’information. Et puis parfois il faut venir modifier le logiciel et il existe des sociétés qui font ça.
Enfin un autre pan du business du libre, c’est d’offrir un support. C’est-à-dire que le support communautaire qui est très réactif mais ne rassure pas forcément parce que il se trouve qu’une partie de l’entreprise c’est limiter les risques juridiques. Donc voilà, l’informatique ne marche pas, c’est pas grave on est couvert juridiquement. Donc contractuellement il y a plein de trucs qui se font comme ça, donc il y a des sociétés qui proposent du support en garantissant une réactivité de 1, 2, 3, 6 jours en fonction de ce que vous êtes prêt à payer et qui ont comme ça des équipes dédiées à supporter des projets.
Il y a, à ATOS une équipe d’une cinquantaine de personnes, spécialisées dans le support de Logiciel Libre et ils ont des clients qui ont choisi d’utiliser cette brique, cette brique-là et pour garantir un certain service à leur client, ces sociétés-là font appel au support de l’entreprise spécialisée dans le Logiciel Libre.
Autour du service, on s’aperçoit qu’il y a plein de choses, il y a aussi, on parlait du cloud computing tout à l’heure ou des services en ligne et il y a des gens qui gagnent de l’argent en offrant des solutions d’hébergements, des solutions de logiciel métier etc... c’est aussi une autre manière de gagner de l’argent autour du Logiciel Libre.
Voilà, je voulais rajouter quelque chose, j’ai oublié, ça me reviendra.
Mais c’est quelque chose qui fonctionne très bien. Ah oui voilà, c’est ça que je voulais dire. Si on regarde, en fait le logiciel propriétaire il fonctionne pareil. C’est-à-dire qu’ils offrent du service. Moi j’ai été une fois les logiciels propriétaires, ils ont aussi une association, qui s’appelle l’AFDEL, c’est l’association des éeurs de logiciels propriétaires et cette association, une fois ils m’ont invité comme ça à venir, alors je suis allé les voir et il y en avait un, un éeur de logiciel propriétaire qui se plaignait que les clients ne lui fassent pas confiance. il voulait faire du développement spécifique. Donc il avait un logiciel propriétaire et il voulait faire payer à ses clients du développement spécifique. C’est le business model de SAP par exemple. C’est un truc génial SAP.
C’est un logiciel propriétaire qui ne fait rien et si vous voulez faire quelque chose, il va falloir payer du développement spécifique, dans un langage que personne ne connaît et dont les seuls développeurs qui sont sur le marché, sont payés hyper chers. D’un point de vue économique du client, pour les développeurs et les consultants, parce qu’en fait il n’y a pas tant de développeurs et les consultants, ils ne connaissent pas grand chose à la technique, bien, ils sont plein d’argent, c’est très bien, mais d’un point de vue de l’utilisation, de la rationalité économique de l’utilisateur de l’entreprise, c’est un truc assez extraordinaire. Et le business model de SAP c’est majoritairement du service, du développement spécifique. Dans cette autre réunion de l’AFDEL, il y avait le fleuron de l’industrie française, Dassault Système.
Dassault Système, il n’y a que 5% de leur chiffre d’affaire qui vient que de la vente de licence. 95% de leur business c’est vente de licence associée à du service. Et en fait la licence, le frais de licence il est seulement là pour rendre captif les utilisateurs. Vous n’avez pas de libertés. Vous avez choisi d’acquérir une licence de logiciel propriétaire, vous êtes quasiment pieds et mains liés avec un prestataire et puis voilà, bonne chance. Si vous sortez suffisamment d’argent, sans doute que le prestataire il va faire son possible pour répondre à vos besoins, mais certaines fois, ah bien non désolé, on ne peut pas corriger ce bugs-là, il faut que vous changiez de version. Alors qu’en réalité c’est simplement de la correction de bugs. Donc le business model du Logiciel Libre il a été en réalité très précurseur par rapport au business à l’heure actuelle du logiciel. Essentiellement basé sur du service, mise à disposition d’un logiciel métier sur Internet ; support logiciel, machin truc, formation.
Bien écoutez merci pour votre attention, merci encore à Pierre, d’avoir organisé cette conférence, merci à vous.