- Titre :
- Interopérabilité et obsolescence programmée
- Intervenante :
- Marie Duponchelle, avocat.
- Lieu :
- Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
- Date :
- Juillet 2017
- Durée :
- 53 min
- Visionner la vidéo
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Transcription réalisée par nos soins.
Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.
Description
L’obsolescence programmée apparaît aujourd’hui comme la nouvelle arme des producteurs pour inciter les consommateurs à la multiplication des achats. Le domaine des nouvelles technologies n’est bien évidemment pas épargné.
Or, seule l’interopérabilité, garantie par l’utilisation de logiciels libres, permet de lutter contre ce fléau.
Transcription
Bonjour à tous. On va faire une nouvelle thématique qu’on va essayer d’enclencher au niveau de l’April et à mon niveau, ce que je fais dans le cadre universitaire aussi, c’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée. Pourquoi est-ce que j’avais envie d’en parler aujourd’hui ? Parce que c’est le sujet qu’on m’a demandé dans le cadre des facultés et dans le cadre des écoles de droit, enfin des facs de droit. Et c’est l’angle sur lequel on a réussi, enfin, à essayer d’intégrer la problématique des logiciels libres et la problématique qui m’intéresse et qui est mon dada depuis plusieurs années — et je ne vis que pour ça et je ne parle que de ça — qui est celui de l’interopérabilité.
En fait, j’ai fait une journée d’études il y a quelques mois, à Aix-en-Provence, avec des professeurs de droit sur ça. Je vais essayer de vous retranscrire, en fait, les problématiques qu’ils sont en train de voir de leur côté ; comment est-ce que nous on va pouvoir, d’un point de vue purement juridique, intégrer ; et comment est-ce que les informaticiens, et comment le milieu du Libre a véritablement sa place et comment on va essayer, peut-être, d’intégrer nos problématiques et d’intégrer nos passions et notre cheval de bataille avec ces questions-là.
Je vais faire la présentation pure prof de droit, pour le coup, et compagnie. Je vais vous présenter ce que c’est l’obsolescence programmée. Je vais vous le présenter du côté du juriste et du côté, bien évidemment, de l’informaticien aussi, pour que vous puissiez voir comment est-ce qu’on traduit d’un point de vue juridique ce que vous voyez, vous, d’un point de vue informatique. Et je vais vous présenter pourquoi est-ce que je considère aujourd’hui que le seul moyen de lutter contre l’obsolescence programmée c’est la mise en œuvre de l’interopérabilité.
L’obsolescence programmée, on ne pouvait pas en parler il y a quelques années, d’un point de vue juridique, parce que, pour les juristes ça n’existait pas. Tant qu’on n’a pas une définition, vous savez, tant qu’on n’a pas un petit texte, tant qu’on n’a pas un petit truc, pour nous, on ne peut pas trop en parler, on ne sait pas trop comment l’aborder puisqu’on n’a pas de cadre juridique pour pouvoir en parler. Et ça fait trois ans qu’on a un cadre juridique, qu’on a vraiment véritablement une problématique sur ce point-là.
C’est quoi obsolescence programmée ?
Pour démarrer, quand on avait démarré la journée d’études et compagnie, déjà c’était essayer de définir ce que c’était. Et finalement, on voit qu’on a différents points de vue ; on a différentes approches de cette problématique-là qui font que, véritablement, il faut qu’on sache de quoi on parle et il faut qu’on sache quand on est juriste, quand on est informaticien, quand on est consommateur, eh bien on ne parle pas forcément de la même chose. Et on avait identifié trois types d’obsolescence. Je ne parle pas encore d’obsolescence programmée.
L’obsolescence structurelle, fonctionnelle. Eh bien tout simplement c’est quand votre machine, quand votre téléphone est dépassé ; il est obsolète. Voilà ! Ça c’est l‘obsolescence qui est naturelle, généralement, qui est qu’au bout de quelques années on se lasse du truc et de toutes façons ça ne marche plus, ça n’est plus adapté, ça ne fonctionne plus, c’est cassé. C’est ce qu’on appelle l’obsolescence technique, structurelle, fonctionnelle. Celle-là, pas de souci. Pas de souci ; c’est normal, dans une société comme la nôtre, qu’on ait de l’obsolescence technique, structurelle.
La deuxième, c’est l’obsolescence psychologique. Alors obsolescence psychologique, là il y en a certains qui vont faire des bons, c’est eh bien ce n’est plus la mode. Ah merde ! J’ai l’iPhone 6, je voulais le 7 voilà ! C’est ça, en fait, et c’est sur ça que certains industriels entretiennent le truc. C’est ce qu’on appelle l’obsolescence psychologique, c’est-à-dire vous faire croire que ce que vous avez est obsolète. Techniquement ça fonctionne parfaitement, ce n’est absolument pas dépassé, mais psychologiquement, vous considérez que ce que vous avez dans les mains ça ne fonctionne plus parce que ce n’est plus à la mode et parce que si vous le sortez vous allez avoir la honte. C’est ça, en fait, l’obsolescence psychologique.
Et la troisième, et c’est celle qui nous intéresse aujourd’hui et c’est celle, pour moi, où les logiciels libres ont un véritable impact et où l’interopérabilité a véritablement une influence, c’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée. L’obsolescence programmée, on va dire en mots simples pour l’instant — parce que vous allez voir, quand on va intégrer la définition juridique, on n’est pas capable de faire ça en trois mots, véritablement — l’obsolescence programmée, en gros, c’est de dire qu’à un instant t votre matériel ne va plus fonctionner, parce qu’ils ont décidé — notamment les industriels, généralement ce sont eux, ce sont eux de toutes façons qui font l’obsolescence programmée, on va en parler juste après — à un instant t, on considère que voilà : votre imprimante, je vais vous donner quelques exemples, ne va plus fonctionner et vous allez être obligé de racheter, et c’est fait en sorte pour que vous deviez racheter le matériel et donc que vous soyez forcé à un système de consommation. Et on est dans une société, aujourd’hui, qui enclenche ce système-là et c’est pour ça que le milieu du droit a intégré la problématique de l’obsolescence programmée dernièrement. Et vous avez deux types d’obsolescence programmée. Et là on approche, de plus en plus, du milieu du logiciel libre.
Vous avez ce qu’on appelle l’obsolescence matérielle, c’est-à-dire que le matériel, généralement, c’est la garantie plus un jour : vous achetez une machine à laver et des trucs, puisque la garantie dure 24 mois, la délivrance conforme 24 mois et compagnie, comme par hasard, deux ans plus un jour, le matériel casse ! On fait en sorte que l’ordinateur, que la machine à laver, que le lave-vaisselle, ne fonctionnent plus d’un point de vue purement matériel. C’est-à-dire qu’on a fait en sorte qu’une pièce ne tienne pas.
Et le deuxième type d’obsolescence programmée, et c’est celui qui est le plus difficile à détecter et celui le plus difficile au niveau des poursuites, c’est ce qu’on appelle l’obsolescence programmée logicielle. Parce que ça veut dire qu’ils vont intégrer, en fait, un ligne de code, qui va faire qu’à tel jour votre matériel ne va plus fonctionner. Donc matériellement, il fonctionne encore, mais d’un point de vue purement logiciel ça ne fonctionnera plus. Et là vous voyez la porte ouverte au logiciel libre bien évidemment. Parce que pourquoi on a une problématique d’obsolescence logicielle programmée ? C’est qu’on n’a pas accès au code source ! Parce que bien évidemment, si tous les geeks voyaient le code source de leur machine à laver, ils se précipiteraient pour voir pourquoi ça ne fonctionne plus et pour pouvoir accéder.
Et là vous avez donc la définition qu’on a eue, qu’on a intégrée, je vous en parlerai un petit peu de l’histoire de la définition de l’obsolescence programmée. J’ai mis une demi-heure à la retrouver il y a deux jours. Pourquoi ? Parce que — vous savez très bien qu’on ne fait jamais simple quand on est juriste — c’est-à-dire que ça a été intégré il y a trois ans, en 2014, par la loi Hamon et ça a été intégré dans un des articles du code de la consommation. Et bien évidemment est arrivée une réforme entre deux, au mois de juillet 2016, et on a re codifié tout, on a changé tous les articles, et on a séparé, je vous expliquerai après — avant on avait un seul article, maintenant on en a deux — et on a séparé les articles, bien évidemment, sinon ce serait trop simple et on a redéfini les codes. Aujourd’hui je l’ai retrouvée, parce que je me suis dit ce n’est possible, ils ne l’ont pas enlevée quand même entre deux ! C’est le L 411-2 du code de la consommation. Vous voyez, celui-là, ça va encore, on est sur cinq lignes quand même.
« Est interdite la pratique de l’obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement. »
Et vous voyez que la problématique c’est vraiment ça. Volontairement on vous casse le truc pour vous obliger à le remplacer. Et ça, c’est interdit !
Donc contrairement à ce que viennent vous dire certaines sociétés qui diffusent notamment l’iPhone et ce genre de choses, ce n’est pas une pratique, ce n’est pas la faute à la technique, c’est que parfois ils font exprès. Exprès ! Et on a quand même pris le temps de faire un texte qui fait que ce type de pratique est sanctionné.
Pourquoi est-ce que les juristes se sont emparés de cette problématique-là ? Parce que ça commence à atteindre non pas les informaticiens, je suis désolée pour vous, mais à partir du moment où ça commence à atteindre l’économie, le consommateur et l’environnement, là on a une véritable prise de conscience du législateur.
Pourquoi impact sur l’économie ? Parce que certains industriels, volontairement, entretiennent le truc et donc c’est leur mode de fonctionnement et c’est leur méthode pour écraser les autres aussi. Parce que c’est comme ça qu’ils font du chiffre d’affaires, c’est comme ça qu’ils augmentent les ventes, notamment le secteur le plus touché c’est celui des téléphones portables actuellement, c’est comme ça qu’ils augmentent les ventes et donc, c’est comme ça qu’ils écrasent le marché, c’est comme ça qu’ils écrasent les autres. Les autres qui sont juste honnêtes et qui essayent juste de diffuser un truc qui marche super longtemps eh bien non ! Eux, ils ont décidé qu’il faut renouveler, il faut faire en sorte d’avoir un chiffre d’affaires et donc c’est un impact, véritablement, pour écraser les petites sociétés.
Deuxième impact, bien évidemment, l’impact sur le consommateur. Pourquoi impact sur le consommateur ? Parce que c’est lui qui passe à la caisse, tout simplement ! C’est lui qui régulièrement, parce qu’au bout de deux ans et un jour son truc ne fonctionne plus, eh bien le lendemain, enfin dans les trois heures qui suivent, il est chez Orange ou chez je ne sais pas qui et il va racheter son téléphone. Et bien évidemment, du coup, on va l’obliger en faisant ça, à reprendre un téléphone nouvelle génération, à ré-dépenser parce que, bien évidemment, ceux de nouvelle génération sont beaucoup plus chers que ceux qu’il pourrait avoir, une version qui ne serait pas obsolète d’un point de vue psychologique, là pour le coup, et donc ça a un véritable impact sur le porte monnaie du consommateur et c’est pour ça que c’est intégré, notamment, dans le code de la consommation.
Et le troisième impact, bien évidemment, c’est sur l’environnement. Et là, c’est évident, parce que vous avez vu la quantité d’ordinateurs qui sont jetés, la quantité de téléphones, la quantité de tablettes. Et là, véritablement, on a une problématique qui fait que si on pouvait éviter cette obsolescence, qu’elle soit technique, psychologique ou programmée, finalement, on éviterait le gaspillage actuel et on éviterait qu’il y ait un impact sur l’environnement qui est énorme d’un point de vue des quantités qui sont jetées.
Et là je vais vous donner quelques exemples, parce qu’on va se dire ouais on va taper sur Apple, c’est comme ça qu’on fait parfois. Non ! Ce n’est pas eux qui ont inventé le système. Pas du tout ! Eux, ils font juste reproduire un modèle économique qui date. Donc là vous avez le premier exemple que j’ai trouvé, 1925. 1925, certains en ont peut-être entendu parler. 1925, les entreprises qui ont inventé l’ampoule à incandescence, c’est ça, si je ne me trompe pas, l’ampoule à incandescence, ils ont trouvé un système pour qu’elle dure, je crois, 100 000 heures. En 1925, on se dit ouais, la vache, ils sont super forts, parce que nous 100 000 heures, elles ne tiennent pas aujourd’hui ; mais elles ne tiennent toujours pas.
Et en fait il y a un consortium de fabricants d’ampoules, en 1925, qui s’est réuni et qui a décrété que 100 0000 c’est trop. 100 0000 heures de durée de vie, eh bien ils vont faire faillite, ils ne vont pas pouvoir vendre assez d’ampoules. Et donc ils ont décidé que techniquement leurs ampoules ne dureraient que 1000 heures. Et c’est pour ça que vous avez à peu près globalement, actuellement, presque toutes les ampoules à incandescence qui ont la même durée de vie, comme par hasard, parce qu’ils font en sorte de vous obliger à renouveler, donc d’obliger à renouveler le matériel des ampoules.
Le deuxième, ça c’est un petit clin d’œil pour les filles, j’ai appris ça, scandale ! Il va falloir qu’on fasse une action de groupe parce que, véritablement, ce n’est pas possible ! Les bas nylon ! Vous savez, tous les collants, les trucs comme ça, en fait ils ont trouvé un système dans les années 1940 pour qu’ils ne filent plus. C’est génial ! Et donc il existe le système pour que les bas nylon, donc les collants et compagnie, ne filent plus. Mais vu qu’ils avaient diffusé ce type de collants, ils n’avaient plus de ventes puisque les gens ne renouvelaient pas leurs stocks. Et ils ont fait en sorte, effectivement aussi, pareil, les fabricants de bas nylon, d’avoir une obsolescence du système en modifiant le mode de fabrication. Et comme par miracle, on en rachète, enfin ça c’est pour les filles, tous les mois, deux mois, de toutes façons une utilisation, pouf ! Ça remonte et c‘est filé ! Voilà !
Troisième exemple, celui-là vous parle un tout petit peu plus, évidemment, les imprimantes. Officiellement il n’y a pas de marque spécifique — enfin je vais vous en parler après — qui ait été ciblée pour obsolescence programmée au niveau des imprimantes. Comment est-ce qu’ils font, concrètement, au niveau des imprimantes ? Vous le savez tous : petite puce, petit truc ou sur la machine en elle-même ou sur les cartouches, enfin sur le système des cartouches, pour vous dire qu’à partir d’un tel nombre de pages, parce que c’est souvent un nombre de pages, hop ça ne marche plus. Vous savez très bien qu’un personnage célèbre qui est venu ici [Richard Stallman] s’est étonné qu’on ne puisse pas bidouiller ce type de système-là, bien évidemment. Mais voilà ! Ça c’est l’exemple type de l’obsolescence. Alors on se sait pas trop si certains le font d’un point de vue logiciel, mais on sait, de manière certaine, que certains l’ont fait d’un point de vue matériel. C’est-à-dire qu’ils avaient intégré une puce pour dire qu’à tel nombre de pages, c’est fini : votre imprimante ne fonctionne plus.
Autre exemple. Je ne sais pas si c’étaient les premiers, j’ai eu un doute, les premiers iPods. Il y a quelques années, c’est le Shuffle, je ne sais pas quoi, Shuffle ; il y a quelques années, Apple a eu très peur parce qu’ils ont lancé un modèle d’iPod où la batterie était programmée pour ne durer que 18 mois. En fait, ils se sont faits gauler, je ne sais pas comment — ils ont dû faire des tests, à mon avis, dans les associations de consommateurs aux États-Unis — et il y a eu une class action qui a été actionnée. Class action qui a été actionnée et qui n’a pas abouti puisque, généralement, ça ne va pas jusqu’au bout, mais il y a des engagements de la part des entreprises, et Apple s’était engagée, en fait, à mettre un terme à ce système-là au niveau de leur batterie. Je ne sais pas si ça dure plus de 18 mois, je suis incapable de vous dire aujourd’hui, mais donc ça a été identifié comme une obsolescence d’un point de vue des batteries, au niveau de cette problématique-là.
Donc vous voyez que c’est quelque chose qui vient de manière récurrente. Et on a le problème récurrent, aussi, qui fait que le législateur s’y intéresse de plus en plus qui est qu’est-ce qu’on met dans les logiciels pour faire en sorte que ça s’arrête à un moment donné ? Et là, vous voyez le rôle qu’on a à jouer sur ces problématiques-là, c’est que si on voit le code source, si on voit les implémentations, si on voit les interfaces de programmation, bien évidemment on va pouvoir identifier un éventuel problème d’obsolescence programmée.
Et le dernier exemple, l’iPhone. Alors ils ont fait un truc, vous en aviez peut-être entendu parler, en 2012 ils ont fait de l’obsolescence matérielle, pour le coup. Ils ont changé leurs trous pour les chargeurs. Vous savez le modèle, en fait, d’écartement de connecteur. Et ils l’ont fait volontairement ! Pourquoi est-ce qu’ils l’ont fait volontairement ? Pour obliger les utilisateurs d’iPhone non seulement à racheter un iPhone, bien évidemment, mais à racheter aussi tous les chargeurs qui allaient avec, potentiellement. Vous savez qu’ils avaient le même modèle d’écartement sur les connecteurs, et comme ça vous étiez obligés de racheter tous les adaptateurs. Et c’est comme ça qu’ils ont renouvelé leurs stocks. Vous savez que cette pratique-là, au niveau de l’Union européenne, est illégale, puisque aujourd’hui on a un connecteur universel, théoriquement, qui est donc la taille du port USB, que Apple ne respecte toujours pas, accessoirement !
Mais là, c’est le système qu’ils avaient mis en place pour obliger au renouvellement, pour obliger, par l’obsolescence matérielle, au rachat de l‘intégralité des systèmes par les utilisateurs d’iPhone.
Et donc je vous ai dit, première prise de conscience du législateur, la loi Hamon.
La loi Hamon, pour nous juristes – voilà, Hamon aura au moins fait de concret et de positif — c’est ce qu’on appelle la loi consommation. La loi consommation a refondé complètement le système de consommation, notamment en rallongeant le délai de droit de rétractation à 14 jours sur une commande en ligne, en faisant plein de choses, et ils ont intégré la première problématique d’obsolescence programmée. Pas de définition, ça ce serait trop facile, bien évidemment, mais ils ont intégré la première problématique en obligeant à une information sur les pièces détachées.
Vous savez quand vous avez vos factures, vous avez disponibilité des pièces 10 ans, par exemple. Et donc ça, c’est 2014. Donc vous voyez que c’est hyper récent, en fait, pour que le consommateur soit informé de la possibilité de pouvoir remplacer ses pièces. Donc on parle ici d’obsolescence purement matérielle, pour le coup. Et on a aussi augmenté ce qu’on appelle la garantie légale de conformité. La prescription avant était de six mois ; elle est passée à deux ans. Et on a véritablement rallongé les durées de prescription en espérant, pour nous, qu’on puisse agir contre les fabricants. Ils espèrent, en fait, « prolonger » entre guillemets la durée de vie du matériel. Il n’en demeurent pas moins que 24 mois plus un jour, potentiellement, ils peuvent stopper la machine.
Voilà la première étape. Mais on n’était pas encore à la définition que je vous ai présentée tout à l’heure.
Et là vous aviez, ça c’est un exemple de ce que je peux vous donner comme article. Quand on vous dit, quand on est à l’April, qu’on va voir les parlementaires et qu’on essaye d’expliquer qu’il faut changer telle virgule, tel machin, tel truc, vous voyez que quand on fait un texte — je vous ai donné un exemple, c’est le texte sur les pièces détachées, voilà l’obligation sur les pièces détachées. Je vous laisse lire si vous voulez, je ne vais pas revenir dessus, mais on fait deux paragraphes complets pour obliger à la présentation et donc à l’accessibilité des pièces détachées en France. Et vous voyez que vous avez une durée. Vous voyez que ça a été le fruit d’une longue discussion, à mon avis, pour avoir tous les textes, pour avoir tous les intervenants, pour avoir leur qualification. Enfin c’est quelque chose qui est relativement long à faire et qui est issu d’un long travail parlementaire.
Et deuxième étape, et là on arrive véritablement à ce dont je vous ai parlé et vous voyez que c’est hyper récent, c’est la loi du 17 août 2015. Vous voyez, non pas un problème d’informatique, mais un problème de transition énergétique, loi écologique, et on a la définition de l’obsolescence qui a été intégrée. La définition c’est celle que je vous ai présentée tout à l’heure, c’est celle-là et on a véritablement, enfin, une définition juridique – moi tant que je n’ai pas de définition je n’y arrive pas, psychologiquement je ne sais pas, je ne m’en sors pas. On a la définition ; on a aussi une sanction pénale. Sanction pénale, on va voir tout à l’heure, bien évidemment qui, sur le papier on pourrait vous dire : « Voilà, ça y est ; c’est la fin, puisque s’ils font mal les choses, ils vont aller en prison ! » On va voir que c’est un tout petit peu plus compliqué que ça.
La sanction pénale. Là aussi on ne peut pas faire simple, il faut forcément qu’on complique les choses. Je ne vous l’ai pas mise sur l’écran parce que je crois que ça ne rentrait pas, en fait, dans mon slide. Vous avez trois volets. Trois volets sur cette sanction pénale qui est donc une peine d’emprisonnement, potentiellement une peine d’amende et une peine d’interdiction d’exercice qui est le dernier volet, en fait, qui a été intégré avec la loi de 2015. Je pense qu’ils se sont rendu compte que fondamentalement c’était peut-être insuffisant.
Peine d’emprisonnement, je peux vous dire les chiffres pour que vous ayez une idée, en fait, de ce que risquent des personnes qui se rendent coupables d’obsolescence programmée : c’est deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Vous allez vous dire on s’en fout ! C’est à peu près ça. L’amende, 300 0000 euros, ça peut paraître rien. En revanche, ils ont mis un deuxième volet qui peut être beaucoup contraignant, qui est un pourcentage du chiffre d’affaires : 5 % moyen annuel. Alors comment est-ce qu’on calcule le chiffre d’affaires moyen annuel d’une société qui est basée aux États-Unis ? Je vous laisse réfléchir. Est-ce qu’on prend la filiale française qui fait zéro ou est-ce qu’on prend la filiale américaine qui fait… Ce sont véritablement des problématiques.
Et le troisième volet de peine, ce qu’on appelle les peines complémentaires, ce sont des interdictions d’exercice : interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, c’est-à-dire les dirigeants d’entreprises ou ce genre de choses. Et interdiction d’exercer certaines fonctions publiques.
Là, on est en pleine loi de moralisation de la vie publique et compagnie, vous voyez qu’on a un volet, quand même, qui est intégré, qui peut être intéressant, qui est qu’on peut vous interdire d’être dirigeant d’entreprise et on peut vous interdire d’exercer des fonctions publiques, si vous vous rendez coupable de l’infraction d’obsolescence programmée.
Bien évidemment, celui qui sera poursuivi, théoriquement, c’est le dirigeant donc celui qui est responsable de la personne morale qui se sera rendue coupable de l’effraction, puisque généralement ce seront des personnes morales, des entreprises et non pas des personnes physiques qu’on va cibler.
Résultat. Voilà. Au jour d’aujourd’hui, je n’ai trouvé aucune procédure en cours, je n’ai trouvé aucune condamnation à ce jour à laquelle l’infraction ait donné lieu. II peut y avoir différentes explications. La première, toute bête, c’est que le régime date de 2014, que la deuxième loi date de 2015, qu’on est mi-2017 et donc que les procédures ont pu ne pas encore aboutir. On est encore un tout petit peu tôt pour avoir des poursuites.
La deuxième qui inquiète les gens, c’est eh bien si ça se trouve ce qu’on a fait ça ne sert à rien ; c’est inefficace parce que ça ne fait pas peur, parce que, de toutes façons, ils continueront parce que c’est leur business modèle. Ça c’est une question qui se pose actuellement dans le milieu des juristes : est-ce que le régime qui a été mis en œuvre est bien ou pas ? Ou est-ce que, finalement, ça ne sert à rien et que c’est un coup d’épée dans l’eau ?
Deuxième question qu’on s’est posée c’est eh bien finalement, peut-être qu’il n’y a pas d’obsolescence programmée, d’un point de vue purement logiciel, puisque concrètement, pour la trouver il faut quand même fouiller. Donc peut-être que, finalement, c’est quelque chose qui est une pratique qui est aujourd’hui dépassée, qui n’existe plus et qui fait que, finalement, on n’aura aucune poursuite parce qu’il n’y a plus d’infractions qui sont commises.
Et la troisième c’est une évolution des mentalités. Évolution des mentalités qui fait que peut-être qu’ils faisaient ça avant, mais qu’ils ont eu peur et donc ils ne font plus ça aujourd’hui.
Voilà les pistes aujourd’hui et voilà le stade où on en était à la fin du colloque. Oui ?
Public : Inaudible.
Marie : Voilà. Peut-être qu’ils trouvent ça normal. Mais comment est-ce qu’on peut concrètement, aujourd’hui, poursuivre les infractions d’obsolescence programmée ? Et comment, deux ans après, on n’arrive pas à avoir aujourd’hui de condamnation, alors qu’on sait tous dans cette salle-là que potentiellement il y a des cibles parfaites ? Ou alors peut-être qu’il n’y a pas la volonté, aussi, de les poursuivre. Oui ?
Public : Sur le plan juridique vous devez enregistrer sûrement des mesures. Tu parlais, tout à l’heure, de la quantité des objets matériels qui étaient jetés, mais il y a également des pollutions avérées. Donc quels sont, à l’heure actuelle, les vrais délits, crimes ou mesures ?
Marie : Les mesures concrètes ? Pour l’instant il y a zéro dossier, il y a zéro dossier d’obsolescence programmée qui soit connu à ce jour. Je ne sais pas si ça a été engagé. Je pense que les seuls aujourd’hui qui, potentiellement, pourraient enclencher la machine, ce sont les associations ; ça ne va pas être le petit consommateur lambda dans son coin, avec son iPhone qui ne marche plus qui va le faire. Je pense. Comme les actions de groupe, parce c’est ça en fait qui est le cœur du problème et c’est vers ça que les juristes se dirigent : action de groupe, class action vous savez aux États-Unis — enfin nous c’est action de groupe, on ne parle pas class action, ce n’est pas exactement la même chose — action de groupe qui, aujourd’hui, n’est que entre les mains des associations de consommateurs qui, potentiellement, pourraient déclencher le truc sur l’obsolescence programmée. On pense à UFC-Que Choisir, on pense à ce genre de choses. Et peut-être qu’il faudrait étendre, en fait, la possibilité d’action de groupe vers les problématiques d’obsolescence programmée et ne pas se limiter aux simples infractions que je vous ai montrées. Mais de faire ce qu’on appelle les actions civiles pour tromperie, en fait, du consommateur. Finalement, avant d’avoir le texte sur l’obsolescence programmée, on allait sur d’autres volets ; je n’étais pas bloquée : ce qu’on appelait les vices cachés, ce qu’on appelait la garantie de conformité, ça existait avant et ça existera toujours. Il y avait le volet civil. Ça ne s’appelait pas obsolescence programmée. Mais le volet condamnation pénale n’existe pas encore, enfin, n’a pas encore été mis en œuvre.
Moi ce que j’ai à dire c’est que plutôt que d’attendre… Une question ? Ah Oui ! Du coup on a deux micros, vous avez vu !
Public : Hewlett-Packard semble avoir modifié sa façon de faire avec les cartouches d’imprimantes. Maintenant ils font un système d’abonnement ; ils ont intérêt si elles durent.
Marie : Oui, je l’ai vu. J’ai une imprimante HP là où je travaille et régulièrement elle vous dit : « Votre imprimante demande à être renouvelée », ou je ne sais pas ce qu’elle me dit, mais régulièrement ça s’affiche effectivement et il faut s’enregistrer.
Public : Absolument.
Marie : Avec son adresse mail et tout, maintenant, pour pouvoir utiliser l’imprimante.
Public : Après, je ne sais pas exactement si c’est l’imprimante qui envoie directement par le réseau l’avis à Hewlett-Packard ; je ne sais pas exactement comment ça marche en détail. Mais enfin c’est une démarche nouvelle que je n’avais pas encore vue.
Marie : Oui. Il y a beaucoup d’entreprises, en fait, qui commencent, notamment depuis le développement du cloud computing. En fait, on vous oblige maintenant à vous enregistrer sur Internet et à être connecté à Internet pour avoir l’accès. Et du jour au lendemain, on peut vous bloquer si vous décidez de ne plus être connecté comme ils veulent.
C’est une forme de système d’obsolescence puisque, du jour au lendemain, on vous bloque, effectivement. Et je sais que HP, je vois qu’elle m’envoie des petits messages régulièrement où elle me dit : « Il faut renouveler votre inscription et compagnie. » Je ne sais pas comme elle fait, parce moi je ne bidouille pas mon imprimante. Si je bidouille j’aurais plus de l’encre et que des réponses. À mon avis ça vaut le coup, effectivement, d’étudier la question, de comment ils fonctionnent.
Public : Je peux vous expliquer aussi, en deux mots, comment marche l’obsolescence des lampes électriques, des ampoules. On a remplacé le vide par un gaz. Donc il y a évaporation du filament dans le gaz parce que la température change. Effectivement, on arrive à avoir une durée de vie limitée.
Marie : Limitée. Ouais.
Public : C’est comme pour les bas de nylon. Je sais que le nylon est torsadé pour, justement, se casser au bout d’un certain temps.
Marie : Oui, c’est ça. En fait, vraiment, ils ont fait exprès. Moi quand j’ai vu les bas de nylon, je ne m’en suis pas remise. Je me suis dit eh bien voilà ! [Il y a juste le micro qui est là, si vous voulez.]
Public : Bonjour. Je représente Linux Ventoux. On fait deux fêtes de la récup par an. Et c’est mon mari qui est à la finalisation du démantèlement et on voit très bien, au fil des années, où se déplace l’obsolescence. Les pièces, ce n’est pas toujours logiciel, c’est simplement des pièces et particulièrement chez HP, c’est redoutable. C’est redoutable ! Donc nous on travaille beaucoup là-dessus et c’est la prise de conscience ! C‘est toucher au porte-monnaie les donneurs d’ordre, avant tout.
Marie : Avant tout. Oui. On en reparlera, mais je pense que c’est aussi une prise de conscience du côté du consommateur, à un moment. Ils l’ont fait : certaines entreprises étaient sanctionnées parce que leurs batteries ne duraient pas assez longtemps et compagnie, à un moment de dire stop ! Telle entreprise, la durée de vie n’est pas suffisante ou on m’oblige à racheter alors que, finalement, c’est juste l’écran qui a un problème et compagnie, c’est aussi de ce côté-là ; on a véritablement un rôle à jouer. Mais oui, il faut toucher aussi les industriels.
Public : Au niveau psychologique, on le voit très bien. Moi je viens de me commander un Fairphone [1], donc si je n’ai pas la patience eh bien oui, je vais chez Orange ou ailleurs : il ne sera pas livrable avant Noël. On a un gros travail psychologique à faire d’information et de conviction. Mais il y a un formatage à ce niveau-là.
Marie : Là je pense qu’au niveau de l’obsolescence psychologique on a encore un gouffre énorme. À mon avis, de ce côté-là, le combat est encore… Parce que la mode est aujourd’hui limite même plus aux vêtements : c’est quel téléphone tu as dans ta poche, enfin c’est vraiment ça sur lequel les jeunes, notamment, se comparent.
Public : C’est au-delà de la mode puisque mon médecin dit : « On fait partie de la tribu » ; si vous sortez de la tribu, eh bien vous n’êtes plus reconnu. Et l’humain a tellement besoin de reconnaissance que c’est très problématique. Je vais vous laisser finir.
Marie : Oh, ne vous inquiétez pas, on a le temps, il y a la pause déjeuner après.
Public : J’aurais beaucoup à dire. Moi j’en fais une sur mon territoire de conférence aussi.
Marie : Et donc moi, plutôt que de dire si on n‘a pas de condamnation et de tourner la problématique en rond, plutôt que de se dire, finalement, il n’y a peut-être pas d’obsolescence, il y a de l’obsolescence, on ne sait pas trop, on ne sait pas comment faire, eh bien autant éviter, en fait, que ça arrive.
En fait, prendre le problème au démarrage et faire en sorte, effectivement, que si on empêche, de base, l’obsolescence programmée, c’est-à-dire, vous voyez où je veux en venir, si on rend les choses interopérables, si on publie les codes sources, si on rend accessibles les codes sources, leurs interfaces de programmation et compagnie, eh bien on n’aura pas d’obsolescence programmée. Là je parle d’un point de vue purement logiciel ; j’attire votre attention sur ça, parce que sur l’obsolescence matérielle, aujourd’hui on n’a pas de mainmise d’un point de vue purement programmation. Mais sur l’obsolescence purement logicielle, au lieu de se poser la question, on pourrait, finalement, retourner la problématique et obliger, en fait, à ouvrir le système pour qu’il n’y en ait pas, et pour que ça n’intervienne jamais.
Et donc mettre un terme à l’obsolescence programmée par la mise en œuvre de ce que moi j’appelle, et aujourd’hui ce que je veux qu’on mette en œuvre d’un point de vue juridique, pour le coup, l’interopérabilité.
Alors j’ai mis des années à réussir à le prononcer, le mot interopérabilité ; c’est de l’entraînement quotidien ! On va essayer de voir ce que c’est, concrètement, parce que quand un informaticien parle avec un juriste, par exemple, je vous prie de croire que le dialogue sur la définition de l’interopérabilité prend un certain temps.
Pour certains c’est évident : eh bien, oui c’est interopérable ! Mais c’est quoi interopérable concrètement ? Et pourquoi il faut obliger les gens, juridiquement, à mettre en œuvre l’interopérabilité ?
Et je vais vous expliquer pourquoi et comment est-ce que, juridiquement, on pourra passer à une obligation d’interopérabilité. Obligation qui mettra un terme, qui empêchera, en fait, l’obsolescence programmée d’un point de vue logiciel.
L’interopérabilité et ça c’est le mot, en fait, qui, pour moi, résume parfaitement ce que c’est, c’est l’idée de travailler ensemble. C’est-à-dire que n’importe quel système que vous prenez est capable de communiquer avec un autre sans qu’il y ait la barrière des problématiques du format, de la programmation, du langage utilisé et compagnie. Et donc, en fait, qu’on enlève toutes ces barrières-là et qu’on ne se pose pas la question de savoir si tel logiciel va fonctionner avec tel ordinateur.
Parce que véritablement, quand certains informaticiens font de la programmation, il faut qu’ils négocient avec Apple, il faut qu’ils négocient avec Windows, pour que le truc puisse être accessible, pour que le truc puisse être accessible sur l’Apple Store, sur le Windows Store et s’il n’y est pas eh bien, de toutes façons, ça ne marchera pas. C’est véritablement les barrières, aujourd’hui, qu’il y a au niveau de la programmation.
Et ça c’est ma définition à moi, que je continue à vouloir mettre avant, qui n’est pas celle juridique, je vous expliquerai quelle est la définition juridique actuelle et pourquoi je ne suis pas d’accord avec la définition actuelle.
Donc pour moi, [Hou là ! Cinq minutes il va falloir qu’on speed], l’interopérabilité c’est donc la capacité à échanger mutuellement les informations. Et pour moi, le seul moyen de le faire, c’est d’utiliser ce qu’on appelle les standards ouverts de communication. Standards ouverts de communication qui font qu’on a exactement le même langage, qu’on a accès à ce qui a été fait par l’autre pour pouvoir faire la programmation.
Là vous avez la définition qui est un tout petit peu plus longue, effectivement, qui est celle du Conseil National du Numérique [2], récemment, qui a donné une définition aussi. Vous savez que le Conseil national du numérique a les oreilles du gouvernement, encore plus aujourd’hui à mon avis, puisque le ministre actuel de l’économie numérique [Mounir Majhoubi] n’est ni plus ni moins que l’ancien référent, je ne sais pas comment il s’appelait, du Conseil national du numérique qui est aujourd’hui, entre guillemets, « l’organe qui réfléchit » sur les problématiques numériques et qui fait qu’on a une définition qui est aussi intégrée par le Conseil national du numérique.
[Je vais me faire crier, il faut le micro.]
Public : Sur la définition. Vous pourriez revenir à la page d’avant, s’il vous plaît ?
Marie : Oui. Si tu veux je finis juste avec celle-là pour vous expliquer pourquoi je ne suis pas forcément d’accord avec tout ce qu’il y a après. Ça c’est la définition officielle, définition officielle qui date de 91 ; donc vous voyez qu’on a bossé. 91, pourquoi 91 ? Parce qu’on a eu la directive sur les programmes d’ordinateurs. Programmes d’ordinateurs, pour les informaticiens qui sont dans la salle, qui est la directive et les textes qui vous permettent de développer et qui vous permettent, en fait, de rendre interopérable sans avoir forcément l’accord des personnes. Ça c’est la définition : « capacité d’échanger des informations et d’utiliser mutuellement les informations échangées. »
Pourquoi est-ce que je ne suis pas d’accord avec cette définition-là ? Et pourquoi je ne suis pas d’accord, effectivement, avec la définition d’avant ? La définition, juste après, il n’y a même pas de standard qui est évoqué et, dans cette définition-là, on dit que « ça constitue souvent un élément ». Non ! On ne peut pas avoir d’interopérabilité sans standards ouverts, sans formats ouverts. C’est impossible pour moi.
Après, je ne suis pas technicienne, c’est la conclusion que j’ai eue en discutant avec des informaticiens, mais on ne peut pas dire que c’est un élément et on ne peut pas complètement le zapper de la définition juridique. Parce que c’est un élément qu’il faut obliger. Et donc le travail d’aujourd’hui — je vous expliquerai la démarche qu’on est en train de faire actuellement — c’est d’obliger à l’utilisation de standards ouverts. Et si vous obligez à l’utilisation de standards ouverts, vous n’avez plus de problématiques d’obsolescence, vous n’avez plus de problématiques de défaut d’interopérabilité, puisque, par principe, tout le monde utilisera le même langage. Je ne sais pas si j’ai répondu, du coup, à la problématique.
Public : Oui, vous avez répondu. Je voudrais reprendre l’autre image, celle où il y a la définition, voilà, celle-ci. Alors cette définition, en réalité, d’abord c’est quelque chose qui a commencé en 2007, je crois, à Nancy, où j’avais dit « nous n’avons pas de définition d’interopérabilité ». Donc il s’est constitué un groupe de travail, avec des tas de gens qui sont venus d’horizons différents et, trois ans après j’ai dit « maintenant stop, on arrête de discuter, la définition c’est ça ». « Ah non, il y a encore ça à rajouter », et on a eu cette définition jusqu’à la mise en œuvre. Point.
Et ça s’est arrêté là. Alors là, on a créé un site qui s’appelle definition-interoperabilite.org[http://definition-interoperabilite.info/ Définition
de l’Interopérabilité], je crois, et donc là-dessus on a mis ces définitions. J’ai contacté tous les gens de Mandriva qui étaient à l’étranger, je leur ai envoyé la définition en leur disant « écoutez voilà la définition en français, en anglais, maintenant à vous de la traduire dans votre langue et de la mettre sur votre Wikipédia et votre Wiktionnaire. » Et c’est ce qui a été fait. Cette définition, maintenant, existe en anglais bien sûr, en chinois, en japonais, en arabe, enfin dans un nombre de langues incroyable, même en breton je crois. Donc cette définition, maintenant, elle est reprise aussi au niveau du RGI [3], puisqu’ils ont dit : « Maintenant c’est la définition », puisque c’est la seule. On avait mis longtemps, quand même, à la mettre au point cette définition !
Marie : Le Référentiel général d’interopérabilité auquel on fait référence, c’est le référentiel des formats que doit utiliser, théoriquement, l’administration et compagnie, pour diffuser leurs informations. Sauf que le RGI aujourd’hui, a une valeur, là d’un point de vue juridique, là c’est le juriste qui parle bêtement, a une valeur « inférieure » entre guillemets, juridiquement, d’une directive européenne. Et donc, si on veut changer les textes, il faut taper au niveau des directives européennes aujourd’hui, puisque c’est le seul moyen ; et donc ce sont, effectivement, les définitions et le travail qui est en train d’être fait.
Organisateur : Je fais juste quelques gestes. Il est l’heure, ce qui veut dire comme je suis pour la libération des contributeurs du casque, peut-être que la transmission vidéo s’arrête bientôt. Et d’autre part j’entrevois des débats enflammés qui vont se poursuivre autour du stand après-midi. Maintenant tant que Simon n’a pas fermé la salle vous êtes bienvenus. Voilà. Je reviens éventuellement. Maintenant je me sauve vite fait.
Marie : En deux distinctions à faire : interopérabilité matérielle et interopérabilité logicielle. Matérielle c’est tout con, c’est de pouvoir brancher les trucs ensemble ; à un moment donné il faut le faire. Et interopérabilité logicielle, c’est là où le logiciel libre a véritablement sa part.
Ça c’est un schéma que je trouve très bien fait, c’est APITUX [4] qui l’avait fait. Vous pouvez aller voir aussi sur le site de l’AFUL [5] et compagnie, il y a énormément de renseignements, où vous comprenez la différence. Parce quand vous allez voir le législateur il vous dit : « C’est compatible, ça va ! » Non ! Ce n’est pas compatible ! Ça ne va pas. Il faut véritablement l’interopérabilité. L’interopérabilité, tout peut communiquer entre eux.
La compatibilité, il faut que vous prévoyez dans votre programmation le langage avec A, mais il faut que vous prévoyiez aussi le langage avec B, le langage avec C. Et si vous avez mal fait votre job de programmation, eh bien s’il y en a un qui utilise le programme D, il ne pourra pas utiliser votre logiciel. C’est tout bête ! Alors que si c’est interopérable, vous n’avez pas à vous poser la question, vous programmez et vous avez tous les systèmes qui pourront comprendre votre logiciel. Voilà la différence fondamentale entre les deux.
Et pourquoi est-ce que je considère que c’est un moyen de pallier à l’obsolescence programmée ? Parce qu’à partir du moment où les systèmes sont interopérables, à partir du moment où vous utilisez des formats ouverts, à partir du moment où on a accès au code source, bien évidemment vous allez avoir deux possibilités.
- Ou vous allez avoir accès au code source et là vous allez voir ah, il y a une petite ligne de code qui dit que à telle date ça meurt. Moi je suis informaticien et je vais modifier le code source de mon logiciel et, comme ça, je vais arrêter l’obsolescence du logiciel alors que j’ai vu qu’il y a une petite ligne de code qui est intégrée.
- Ou alors, vous ne faites pas ce système-là, mais vous allez faire, en fait, un logiciel qui va vous dire celui-là est programmé avec quelque chose qui fait qu’il y a de l’obsolescence programmée dedans. Moi je vais faire un logiciel alternatif, je vais développer autre chose, pour que les gens puissent continuer à utiliser leur ordinateur, à utiliser leur système, malgré le logiciel avec l’obsolescence programmée qui a été mise dedans.
Voilà les deux possibilités et voilà pourquoi le seul moyen de pallier à l’obsolescence programmée par logiciel, c’est la mise en œuvre de l’interopérabilité et l’utilisation de formats ouverts et de logiciels libres, bien évidemment.
Là je parle beaucoup plus aux informaticiens, pour le coup. Comment est-ce que vous allez mettre en œuvre l’interopérabilité et comment vous allez pouvoir pallier sans être poursuivis par les industries qui vont vous accuser d’avoir fait de la contrefaçon, d’avoir forcé leur logiciel, d’avoir modifié quelque chose que vous n’avez pas le droit de toucher ? Il faut que vous sachiez que juridiquement vous n’allez le droit qu’à deux choses. Et là, quand vous faites autre chose, ne venez jamais me soir ! Je ne veux pas en entendre parler !
Techniquement, pour rendre un système interopérable vous n’avez le droit qu’à deux choses : faire ce qu’on appelle de l’ingénierie inverse ou faire de la décompilation.
Rapidement, en résumé, en trois secondes. L’ingénierie inverse c’est quoi ? C’est vous étudiez un système, vous modifiez quelque chose dedans et vous voyez ce qui se passe en sortie. Et à force de modifications, vous allez voir, en fait, comment ça fonctionne. C’est ce que font la majorité des industriels ; ils font ce qu’on appelle de l’ingénierie inverse.
La décompilation, c’est quoi ? C’est vous allez traduire, en fait, le code source, le langage machine, en code qui va être compréhensible par les informaticiens. Alors là, pour le coup, je vous laisse discuter entre informaticiens de comment vous mettez en œuvre la décompilation sans forcer le truc et sans récupérer des informations de manière forcée.
Ce sont les deux techniques auxquelles vous avez droit. Vous n’avez pas le droit d’aller forcer la porte de l’industriel, de voler les codes, de les intégrer ; d’aller hacker leur système de sécurité en disant « mais ouais, mais ce n’était pas très bien sécurisé donc de toutes façons j’avais le droit » ; de récupérer l’information et de vous dire, eh bien voilà, je l’ai, donc, du coup, je peux l’utiliser. C’est strictement interdit ; vous ne pouvez pas utiliser ces systèmes-là pour mettre en œuvre l’interopérabilité.
Et si vous n’y arrivez pas techniquement, il y a nous, les juristes. Il y a nous ! C’est un grand débat ! Si vous n’y arrivez pas techniquement à rendre votre logiciel interopérable, on va dire, par exemple, avec le système d’exploitation Windows, c’est l‘exemple le plus typique, vous pouvez demander à Microsoft l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. Vous leur faites une petite lettre recommandée en disant « voilà, tu ne respectes pas, il faut que tu me donnes l‘accès à mes informations essentielles à l’interopérabilité ». Si ça ne fonctionne toujours pas vous pouvez saisir — et là je vais dire un gros mot ; je vais le dire et je vais me taire juste après — vous pouvez saisir l’HADOPI [Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet] et lui dire « voila ! Microsoft ne me donne pas l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. Donnez-moi l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. »
L’HADOPI vous répondra : « C’est une bonne question ! » Et voilà ! On arrête là parce que, en fait, juridiquement, je suis arrêtée là : c’est une bonne question et je ne sais toujours pas comment vous donner accès aux informations essentielles à l’interopérabilité d’un point de vue juridique.
Pourquoi est-ce que du coup on milite ? Parce que vous voyez très bien que le système actuel ne permet pas de lutter contre l’obsolescence programmée d’un point de vue logiciel. Si ça ne marche pas il faut changer. Et comment il faut changer ? Eh bien il faut changer la loi. C’est véritablement ça, aujourd’hui, qu’il faut faire.
Aujourd’hui ce que vous avez, donc pour la mise en œuvre de l’interopérabilité, vous avez deux obligations : vous devez informer le consommateur sur l’interopérabilité. Ça c’est l’obligation numéro 1, L111-1 du code de la consommation, 111-1, vous voyez, en plus c’est dans le top des articles du code de la consommation. Vous devez l’informer. Aujourd’hui, à la FNAC, à Darty, à je ne sais pas quoi, quand un consommateur acquiert un système, je ne vois pas d’information sur l’éventuelle interopérabilité, je n’en ai pas encore vu et je crois que c’est, pour le coup, à leur décharge ; je ne vois pas comment mettre en œuvre ce système d’information à l’heure actuelle.
Deuxième obligation qu’ils ont : obligation de ne pas faire obstacle. Et là, ça change tout d’un point de vue juriste, c’est ils ne doivent pas faire obstacle, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas la mettre en œuvre. Ils ne doivent pas vous empêcher de mettre en œuvre l’interopérabilité, mais ils ne doivent pas la mettre en œuvre. Ça change tout. Ça veut dire qu’ils ne doivent pas la faire, c’est à vous de le faire si vous voulez ; ils ne doivent pas vous en empêcher.
Moi, ce que je veux aujourd’hui, c’est qu’on oblige à l’interopérabilité, c’est-à-dire qu’on retourne le système et donc on fait une obligation. L’obligation c’est laquelle ? L’obligation de recourir systématiquement à des formats ouverts. Formats ouverts de données, formats ouverts pour les programmations et compagnie ; le problème est réglé, plus d’obsolescence programmée puisqu’on aura accès à l’ensemble des informations qui seront intégrées dans les logiciels.
Deuxième élément sur lequel, alors là je pense que je continue à lutter et je pourrais continuer à lutter longtemps, mais bon, on continue, l’interdiction de qu’on appelle, alors moi en juriste les mesures techniques de protection, les MTP, et aujourd’hui dans les langages qu’on utilise dans le milieu du Libre, les DRM, les Digital Rights Management . Vous savez que ce sont les systèmes qui contrôlent l’accès notamment, théoriquement, aux seules œuvres. La définition des œuvres, il y a plein des choses sur lesquelles travailler ! C’est grâce à ça qu’ils bloquent les accès, c’est grâce à ça qu’ils bloquent l’accès à La Reine des neiges pour vos enfants, si vous voulez le lire avec votre ordinateur. Ah si, si !
Et le troisième volet sur lequel je pense taper sur les industriels, là c’est le point de vue purement des consommateurs, en quelque sorte, et directement vers le consommateur, ce sur quoi je lutte aussi, c’est la responsabilité de plein de droit. Ça veut dire quoi une responsabilité de plein droit ? Aujourd’hui le consommateur a un problème ; il a des droits, en fait, il a des choses qui sont possibles pour lui, sauf que c’est à lui de faire la preuve de ces problèmes-là. Autant vous dire que moi, petit consommateur lambda, je n’arrive déjà pas à comprendre tout ce qu’on dit aux RMLL donc quand on me dit « il y a un problème d’interopérabilité, je dois le démontrer » ; je ne sais pas ; je ne sais pas faire.
En revanche, retourner le problème, c’est-à-dire faire juste constater le défaut d’interopérabilité, c’est-à-dire que je fais constater que ça ne marche pas et, à partir du moment où ça ne marche pas, qu’il n’y a pas d’interopérabilité, ils sont responsables de plein droit. Je n’ai pas à apporter la preuve qu’ils bloquent l’interopérabilité. Voilà, ça ne marche pas ; ils sont responsables ; à charge pour eux de régler le problème et à charge pour eux de faire en sorte qu’ils gèrent la problématique de l’interopérabilité.
Responsabilité de plein droit, ça veut dire qu’on ne va plus taper non seulement, parce que vous voyez plein de procédures contre Darty, contre la FNAC, contre tout ça, on pourra taper, éventuellement, sur les fabricants. Sur les fabricants de systèmes qui rendent le défaut d’interopérabilité et là ce sera véritablement intéressant et ce sera quelque chose sur lequel, à mon avis, on va arriver vers ces étapes- là. Ça j’y crois beaucoup plus, pour les obliger, en fait, du point de vue du fabricant.
Voilà. Petit logo de l’April, vous avez vu, j’ai fait ma présentation.
[Applaudissements]
Du coup j’ai été très vite ; quarante minutes c’est speed, mais si vous avez des questions, des interrogations, des préoccupations, le food truck est là-bas. Il faut qu’on parle dans le micro, par contre, pour les questions et je pense qu’au va se limiter un tout petit peu pour pouvoir discuter après, au stand de l’April, si besoin.
Public : Ma question était sur le lien avec la question de la vente liée, au final. Parce que la vente liée va intervenir à deux niveaux, sur les aspects techniques, puisque comme le logiciel est fourni avec, que le code n’est pas disponible et que c’est, notamment, un moyen de ne pas fournir les informations techniques nécessaires à l’interopérabilité, ça va poser un problème là-dessus, donc les deux choses se retrouvent reliées.
Et le deuxième c’est d’un point de vue juridique. On a vu le résultat de ce qui a été fait sur la vente liée, ce n’est pas brillant ! On n’arrive même pas à avoir l’information du consommateur, les gens qui étaient motivés pour faire des actions, après des années, ont plutôt déchanté. J’y vois aussi un lien avec le fait qu’il n’y a peut-être pas beaucoup de gens qui soient motivés pour faire des actions sur l’obsolescence programmée, parce qu’il y a quand même des chances que, même si le sujet est plus large et que ça touche plus largement les consommateurs et pas seulement les geeks, on va dire, malgré tout, ceux qui feront les actions, il y a des chances que ce soit plutôt les geeks que le consommateur lambda et peut-être qu’ils ne sont pas trop motivés à cause de l’échec précédent.
Marie : C’est pour ça que je ne crois pas trop aux actions individuelles. Au niveau de l’obsolescence programmée.
Public : Même l’UFC !
Marie : Les actions de groupe, je pense que ça peut avoir un impact. De toutes façons, je pense qu’il faut qu’on change les textes de manière générale pour retourner la problématique.
Pour la petite histoire, sur la vente liée, en fait je suis très mal placée parce que là, pour le coup, je réfléchis avec un volet de mon cerveau qui n’est pas celui du militant associatif. Donc il y a eu une décision au niveau européen qui considère que ce n’était pas, en fait, de la vente liée le fait de vendre un ordinateur avec un logiciel. Donc pour moi, à partir du moment où on a cette décision-là, on ne peut plus aller sur ce volet-là de vente liée. Il faut, effectivement, changer la problématique. Il faut, peut-être, changer notre façon de penser et peut-être que le volet obsolescence programmée et peut-être que le volet interopérabilité est la nouvelle problématique pour intégrer les logiciels libres. Sincèrement c’est que je pense. Parce que moi, je suis bloquée par le fait qu’il y ait une décision au niveau européen. À partir du moment où on a ça, ça ne pourra plus changer d’un point de vue de la vente liée. Sauf à changer les textes, ce qui est le seul volet possible aujourd’hui. Mais d’un point de vue action judiciaire il faudrait aller, à mon avis, sur les défauts d’interopérabilité. Mais, pour ça, il faut changer les textes aussi. Moi j’ai mis quatre ans à réussir à comprendre. C’est déjà quelque chose de compliqué !
Public : Dans la définition de l’interopérabilité, il y a mot essentiel, c’est le mot interface. La connaissance exhaustive, j’ai oublié le terme exact, compliance interface ; ça veut dire qu’on doit les connaître matériellement, c’est-à-dire la prise de sa dimension physique,les signaux qui vont passer dessus, le type des messages, il faut connaître ça à tous les niveaux. Si on a cette définition, ça peut marcher. Mon idée est la suivante c’est qu’on devrait, au niveau européen, reprendre la définition de l’interopérabilité en spécifiant les interfaces, mais en l’étendant aussi au domaine de l’automobile, par exemple des prises automobiles, des boîtiers qui sont dessus. Donc les industriels qui auront des boîtiers dans leurs machines-outils qui coûtent des millions d’euros quelquefois, un petit boîtier qui tombe en panne, c’est fichu. Ce à quoi je pensais c’est que si on connaissait toutes les interfaces du boîtier, on pourrait enlever l’intérieur, refaire l’équivalent au point de vue interface, et on serait sauvé.
C’est ainsi que si on pense conserver les voitures actuelles, par exemple j’ai une C5, il y a plein d’électronique dedans. Si je la donne à mon petit-fils, par exemple, et que mon petit-fils, dans cinquante ans, veut la faire réparer, on n’y arrivera plus. Parce que même les composants qui seront dedans, ils seront dégradés.
Marie : Ils sont programmés !
Public : La désillusion complète. On ne trouvera plus ces composants ; pour refaire ces composants, il faudrait créer des usines qui coûtent des milliards d’euros. Donc ce n’est même pas question d’y penser. Par contre, ce qu’on pourra faire, si on connaît les interfaces de chacun des boîtiers, c’est enlever l’électronique, la mettre au musée, et refaire en deux coups de cuillères à pot quelque chose d’équivalent qu’on met dedans. Donc c’est la définition des interfaces qui est la clef de tout.
Marie : Oui. Le volet que je n’ai pas évoqué, c’est qu’on a un problème sur la définition des informations nécessaires à l’interopérabilité. Pour en avoir discuté avec les informaticiens, puisque le problème c’est de quoi vous avez besoin pour rendre les systèmes interopérables. Parce que pour moi, on ne m’a toujours parlé que du code source, ça à peu près, mais en fait en étudiant et en faisant les procédures avec HADOPI et compagnie, les définitions en elles-mêmes ne sont pas bonnes. Parce que aujourd’hui vous avez l‘interface, vous avez le code source, vous avez tout ça, mais il vous manque, par exemple aussi, les clefs ; les clefs de chiffrement. Parce que si vous n’avez pas les clefs de chiffrement des DRM et compagnie, vous pourrez toujours faire des formats ouverts et des bidules, tout ce que vous voulez, vous n’aurez pas les clefs.
Donc il y a un vrai travail à faire, en fait. Là, pour le coup, c’est un vrai travail au niveau européen de modification des textes, de modification des définitions, qui fait que peut-être à ce moment-là… Moi je parie aussi sur les consommateurs, parce que les consommateurs en ont marre d’être pris pour les vaches à lait et je pense que les directives consommation qui sont en train d’être élaborées — parce qu’on a énormément de travail au niveau des directives consommation — vont peut-être aboutir à une obligation d’un point de vue et là, pour le coup, purement volet consommateur. Mais on a un vrai travail à faire, ce n’est pas gagné. On a encore quelques années à faire. Ça avance.
Public : Ça avance. Il y a une prise de conscience actuellement. Sortir de l’argent tous les deux ans !
Marie : On a une véritable prise de conscience actuelle.
Public : La situation économique va nous « aider », entre guillemets.
Public : Voilà. Je vous propose, en fait, de poursuivre éventuellement, si vous le souhaitez, la discussion puisque je crois qu’il faut qu’on libère la salle. Donc food truck, je ne sais pas ce qu’il faut faire comme annonce pour les déjeuners, mais il y a tout à disposition pour pouvoir passer un bon moment ensemble si vous le souhaitez. Je vous remercie de votre présence en tout cas.