Jérôme Keinborg : Ce Noël 2020 est bien pourri ! La période est super anxiogène, il y a la Covid, les commerces de proximité qui se cassent la gueule, la crise économique, la polémique autour d’un Noël sans Amazon. On va enfoncer un petit peu le clou. On va prendre un sujet bien polémique : les GAFAM, faut-il les punir ? Faut-il les démanteler ? Un bon sujet de réaction, ça va nous changer un petit peu des tests de smartphones, ça va faire du bien, ça va vous permettre de réagir dans les commentaires.
Avant de commencer, petit préambule. Comme toutes les vidéos réactions, il y a aura peut-être des suites. Cette histoire des GAFAM va certainement avoir des rebondissements fin 2020, début 2021 et je voudrais également remercier Rose qui m’a vraiment aidé à préparer cette vidéo. Elle a fait un super travail de rédaction. Ce sont des sujets où on peut partir très facilement dans des fake news et dans du sensationnalisme. Elle a appliqué une rigueur toute journalistique, a croisé ses sources et a confirmé tous les chiffres dont on va vous parler. On ne se prend pas pour des journalistes, on ne l’est pas et on ne souhaite pas l’être, mais ça ne nous empêche pas d’appliquer une certaine rigueur.
Ces fameux GAFAM – Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft – sont devenus, en moins de 20 ans, des espèces de géants tentaculaires. Ce sont aujourd’hui les plus grandes sociétés privées que la terre n’ait jamais connues. Ils génèrent des quantités de richesse complètement incroyables, des chiffres qui donnent le vertige, mais ils exercent également une dangereuse influence sur notre vie économique, mais également politique et sociétale.
Du Congrès américain à l’Union européenne de plus en plus de voix s’élèvent contre ces monopoles. En 2020, les procès antitrust se multiplient et on entend de plus en plus « le démantèlement des GAFAM ». Va-t-on assister aux premières mises à mort de ces effroyables pieuvres ? Mais surtout, la question qu’on va se poser, c’est : est-ce que c’est vraiment souhaitable ?
Bref des sujets bien lourds. Des sociétés énormes qui manipulent nos vies. Vous sentez que ça ne va pas être très gai, mais j’ai mon mug avec des petits chats. Après, il y a des chats qui ne sont pas très rassurants dessus.
Pour poser un petit peu le contexte, on va voir à qui on a à faire et surtout vous aider à prendre la mesure de ce que sont les GAFAM aujourd’hui.
Les GAFAM ou GAFA si on enlève Microsoft, est-ce que c’est une espèce de cartel qui contrôle tout ça et impose sa loi ? Est-ce que c’est une nébuleuse tentaculaire, genre spectre dans James Bond, qui s’immisce dans tous les aspects de notre vie ? Ou est-ce que ce sont tout simplement des entreprises qui sont devenues un peu trop gros grosses ?
Pour prendre la mesure des GAFAM, on va déjà parler de leur chiffre d’affaires.
Sur le seul trimestre 2020, les GAFA, donc sans Microsoft, ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé de 223 milliards de dollars. Un chiffre en milliards ça ne vous impressionne plus parce que ça fait longtemps qu’on parle de mille milliards de chiffre d’affaires pour des entreprises. Je vais vous donner un chiffre qui va vous permettre de réaliser un peu plus la situation, les GAFA, sans Microsoft, réalisent 100 millions de dollars par heure. Ça fait beaucoup !
Rose : Un peu. Peut mieux faire !
Jérôme Keinborg : Peut mieux faire ! Rendez-vous compte : le total des capitalisations boursières des GAFAM dépasse le PIB annuel de la France.
Certains me diront que c’est débile de comparer des capitalisations boursières avec des PIB. Je suis d’accord, mais ça permet quand même de prendre la mesure des choses. Aujourd’hui, en termes de capitalisation boursière comparée à des PIB annuels, les GAFAM pourraient être la troisième puissance mondiale après les États-Unis et la Chine. Et le pire dans tout ça, c’est que, alors que les économies mondiales vont souffrir de la Covid, les GAFAM ont gagné encore plus d’argent : 35 % de croissance pour Amazon, 17 % de croissance pour Facebook.
GAFAM, c’est un peu un mot valise créé par les journalistes pour pouvoir parler de toutes ces sociétés en même temps, mais elles sont très différentes entre elles. On ne peut pas comparer les business modèles d’un Apple, d’un Google et d’un Amazon. Le point commun entre ces grandes sociétés c’est quand même leur capacité à contrôler complètement, jusqu’à le scléroser, le ou les marché sur lesquels elles exercent.
Google et Facebook contrôlent plus de la moitié du marché publicitaire en ligne, qui représente 333 milliards de dollars.
93 % des recherches en ligne sont faites sur Google.
Le marché des smartphones est entièrement trusté par Android et Apple, il n’y a quasiment pas de place pour un acteur tiers.
Facebook domine en maître sur les réseaux sociaux et, si on lui ajoute Instagram et WhatsApp, c’est une domination presque totale.
Amazon, c’est vrai qu’on en parle beaucoup en ce moment, a complètement transformé le visage de la distribution. Amazon est partout, il n’y a quasiment aucun produit qu’on ne peut pas trouver sur Amazon. Mettez-moi dans les commentaires un produit, on va dire un peu grand public, qu’on ne peut pas trouver sur Amazon. Je trouve qu’on trouve même des sacs de gravier sur Amazon !
Vous l’aurez compris, le problème c’est que ces sociétés ont tendance à devenir hégémoniques sur leur marché.
Cette croissance insolente des GAFAM va-t-elle rencontrer un mur ? A-t-elle une fin ?
Comme je vous le disais dans l’introduction, plusieurs voix s’élèvent, de plus en plus fort, contre ces GAFAM. Aux États-Unis on pense que les Américains sont des super libéraux, mais, en fait, l’État contrôle énormément ce qui se passe au niveau de l’économie et une commission d’enquête contre les GAFAM a été lancée ; elle surveille depuis 16 mois les GAFAM en épiant tous leurs faits et gestes. Ils ont procédé aux auditions des CEO [Chief Information Officer] des GAFAM. On a vu Sundar Pichai, on a vu Tim Cook, le petit doigt sur la couture du pantalon, tout penauds devant cette commission. Cette commission a rassemblé un rapport énorme avec déjà plus de 1,2 millions de documents à charge contre les GAFAM. Les conséquences ne seront pas des petites amendes où on vous tapote sur les doigts. Le risque, pour les GAFAM, aujourd’hui, c’est un réel démantèlement. On en parlera tout à l’heure.
En Europe les choses ont un petit peu différentes, il n’y a pas sociétés européennes dans les GAFAM, on n’a pas de géants sur ces secteurs-là. Par contre, on a des problèmes avec eux au niveau fiscal. Cette optimisation fiscale possible en Europe est devenue un des rouages de la richesse des GAFAM. Ça mis du temps, mais les pays européens commencent à réagir, la France en tête, puisqu’elle a commencé à imposer une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires réalisé sur le territoire.
On ne va pas rentrer dans l’explication détaillée de cette taxe GAFAM, mais sachez que c’est pour réduire une inégalité qui faisait que ces grandes sociétés américaines payaient jusqu’à moitié moins d’impôts en Europe que les entreprises européennes.
Il y a eu également, en Europe, l’invalidation du Privacy Shield [1]. Allez vous informer sur le sujet, c’est quelque chose d’assez énorme. En fait, on a fait sauter le bouclier de protection qui protégeait l’échange de données entre l’Europe et les États-Unis. Les données personnelles des citoyens européens ne pourront plus être données et traitées par des sociétés américaines. Pour vous la faire simple, c’est une mise à mort du business modèle de Facebook et de Google si on n’arrive pas à un nouveau type d’accord sur l’échange de données.
Et de votre côté et de mon côté, également de plus en plus de citoyens à travers le monde commencent à se réveiller et à se rendre compte que les GAFAM, il y a un problème.
Une partie de ces GAFAM a réussi à prendre une emprise folle sur nos vies, avec des business modèles qui consistent à nous fournir des super services « gratuitement » en échange de nos données et tout ça sans signature de contrat. On dénonce de plus en plus les conséquences sociologiques et psychologiques des réseaux sociaux. Le combat entre une distribution matérielle et dématérialisée engendre aujourd’hui des appels au boycott par exemple #NoëlsansAmazon.
On est passé assez brutalement d’un Internet qui était plutôt chouette, plutôt sympa, avec des trucs gratuits, à un Internet sombre, noir, avec des sociétés diaboliques, des politiques complètement manipulés et des populations lobotomisées. À mon avis, on est passé d’un excès à un autre, mais c’est presque le sujet d’une autre vidéo.
En vrai, qu’est-ce qu’on reproche exactement aux GAFAM ? Est-ce qu’on leur reproche de gagner trop d’argent ? À priori, gagner trop d’argent ce n’est pas un crime, ce n’est peut-être pas moral, mais ce n’est pas un crime, en tout cas dans nos économies capitalistes. Ce qu’on leur reproche réellement c’est d’être trop dominantes, trop influentes, de trop contrôler les marchés. Mais là aussi, à qui la faute ? Est-ce qu’on peut réellement reprocher à une société d’être devenue trop riche et trop puissante alors que le capitalisme pousse à cela ? C’est même un des paradoxes du capitalisme. Le capitalisme pousse les sociétés à être en croissance constante, à gagner de plus en plus d’argent, à être de plus en plus puissantes, finalement pour leur dire à la fin « tu es devenue trop grosse ma vieille, on va te démanteler ! » Est-ce que ce n’est pas un peu injuste ?
Le but de cette vidéo n’est pas de faire le procès du capitalisme, je n’ai pas les épaules pour faire ça, d’autres le feront certainement mieux que moi, mais on va commencer par le commencement, expliquer un petit peu les choses. Déjà c’est quoi un trust ? Et c’est quoi un monopole ?
Un trust, dans sa définition économique, est une entreprise qui exerce un pouvoir énorme sur tout un secteur de l’économie. Donc un trust devient une entreprise qui a beaucoup trop de puissance sur un secteur et, du coup, qui exerce un contrôle et qui empêche l’émergence d’une quelconque concurrence. C’est comme si elle l’étouffait. C’est un petit peu comme si un gros poisson avait mangé tous les autres poissons de la mer.
Vous connaissez des monopoles à travers l’histoire : les Rockefeller qui avaient tout le pétrole, qui se sont fait démanteler, mais il y a aussi l’opérateur américain des télécoms NT&T qui s’est fait démanteler dans les années 80. Bref ! L’histoire américaine est parsemée d’histoires d’entreprises qui sont devenues trop grosses et qui ont été démantelées.
En Europe, les choses sont un petit peu différentes, les monopoles privés ont eu tendance à devenir des entreprises d’État. On l’oublie mais, par exemple en France, le train a commencé dans le domaine privé. C’est le regroupement et le rachat de cette société privée qui a donné le monopole d’État sur les trains, monopole qui risque de ne pas durer d’ailleurs.
Dans l’histoire des monopoles démembrés, il y a un exemple qui est beaucoup plus proche de nous : Microsoft, dans les années 90, est passée à ça de se faire démanteler à cause de la guerre des navigateurs. C’était le moment de l’envol d’Internet. Il y a eu une guerre farouche entre Microsoft qui installait Internet Explorer à travers Windows sur tous les ordinateurs, sur tous les PC, qui a voulu vraiment étouffer son concurrent qui était Netscape, qui, d’une certaine façon d’ailleurs, y est arrivé. À l’époque, la justice américaine a ouvert une enquête antitrust. Il y a eu plusieurs années de combat acharné entre Microsoft et cette commission. Elle n’a pas été démantelée, mais quand on parle de cette histoire à Bill Gates, cela lui évoque de très mauvais souvenirs et ça a quand même imposé à Microsoft de changer sa manière de faire, notamment dans les logiciels qui s’installent par défaut quand vous installez Windows.
Justement, ce qui est arrivé à Microsoft, est-ce que c’est ce qui va arriver aux GAFA et quelles sont les sanctions qu’elles pourraient subir ? Est-ce qu’on aura des démantèlements violents comme ça a été le cas avec Rockfeller où la société a été coupée en plusieurs autres sociétés ? Est-ce qu’elles vont simplement avoir des sanctions et des taxes supplémentaires ? Pour l’instant on n’en sait rien. Le changement de président aux États-Unis va certainement avoir beaucoup de conséquences sur ces affaires. On ne sait pas ce que Joe Biden a comme projets pour les GAFAM. Toutes ces sociétés sont des sociétés américaines, donc c’est surtout là-bas que ça va se décider, même si les conséquences vont être mondiales.
Ce démantèlement est-il inévitable ? Et surtout, est-ce qu’il est vraiment souhaitable ?
Si les GAFAM sont démantelées, qu’est-ce que ça va changer dans votre quotidien ? Il va y avoir du positif, mais il va y avoir du négatif.
Dans les aspects positifs, au niveau économique, ça va permettre l’émergence de concurrence et, pourquoi pas, que les Européens qui ont tardé à se réveiller sur ces marchés-là puissent lancer des véritables concurrences à des Google, à des Apple. Plus de concurrence c’est toujours une bonne nouvelle pour nous les consommateurs, ça veut dire baisse de prix et surtout, ça veut dire plus d’innovation. La concurrence c’est le moteur de l’innovation.
Mais il ne faut pas sous-estimer les conséquences négatives d’un démantèlement. Aujourd’hui, on est dans un certain confort puisqu’il y a beaucoup moins de sociétés tech. Je viens d’une époque où on avait énormément de choix entre les OS et les différents trucs. Aujourd’hui, quand vous installez un ordinateur, c’est relativement simple, il vous met le navigateur, etc. On a quelques choix, mais globalement l’expérience utilisateur est uniformisée.
Imaginez un monde où les GAFAM auront été complètement démantelées, il faudra choisir chaque pièce pour construire votre ordinateur. Ça fait plaisir à certains, je comprends, quand on a le temps de choisir. Mais imaginez à l’installation de votre OS sur un ordinateur s’il fallait choisir son navigateur, choisir son logiciel de mail, avoir 36 trucs à choisir lors de l’installation, mais encore, ça, ça va. Mais imaginez que derrière il faudrait peut-être choisir son moteur de décompression de vidéos, les différents drivers pour sa souris, bref !, ça serait un vrai retour en arrière par rapport à une certaine simplification de l’informatique et des réseaux sociaux, en tout cas un retour en arrière sur l’expérience utilisateur.
On peut se demander aussi si le démantèlement des GAFAM favorisera vraiment l’innovation. Aujourd’hui, les GAFAM sont un des principaux moteurs de l’émergence de certaines sociétés. Énormément de startups se lancent dans l’ombre, notamment par exemple de Google : plus de 25 % de ses investissements sont des entreprises de moins de trois personnes. Alors oui, Google ferme beaucoup de projets, mais il en finance énormément.
Un des dangers également de ce démantèlement, c’est de laisser les États maintenir des économies dans un certain confort et ne pas les pousser à l’innovation. C’est terrible à dire, mais une partie du commerce doit s’adapter au monde de demain et à trop les protéger des méchants GAFAM, on empêche peut-être des mutations qui leur seraient salutaires.
En clair, est-ce que c’est intéressant, par exemple, de protéger des commerces d’Amazon au lieu, peut-être, de leur donner les moyens de réellement le combattre.
Et puis une chose qu’il ne faut pas oublier – on n’en parlera pas dans cette vidéo –, mais si on démantèle spécifiquement les GAFAM, quid des géants chinois qui risquent de prendre les places laissées vacantes. Et là, pour le coup, je ne suis pas sûr qu’on puisse aller dire aux Chinois de démanteler leurs entreprises.
Au vu de tout ça est-ce que « dégoogliser Internet », boycotter Amazon, c’est la réelle solution de ces problèmes ? À court terme peut-être, mais, à plus long terme, comment fait-on vraiment ?
Je sais que certains d’entre vous vont me mettre dans les commentaires « Nowtech, vous crachez dans la soupe ! Vous utilisez les GAFAM au quotidien, vos vidéos sont sur YouTube, vous utilisez les liens d’affiliation Amazon, vous participez à cette frénésie de consommation ». Eh bien, vous n’avez pas forcément tort, mais je pense que ce n’est pas parce qu’on utilise un système qu’on n’a pas le droit de le critiquer. C’est même salutaire de sortir de la culpabilisation ou de la stigmatisation, « toi, tu n’es pas gentil, tu as acheté ton cadeau sur Amazon ! ». Se pointer du doigt n’est pas forcément constructif. Je pense surtout qu’il faut prendre du recul et interroger notre rapport aux GAFAM de manière sereine.
Et puis, comme on l’a vu dans cette vidéo, la situation actuelle des GAFAM, bien sûr, c’est en partie la responsabilité des utilisateurs comme nous, mais c’est aussi une grosse responsabilité des États. Quelque part ils ont un peu laissé les GAFAM faire et se retrouver dans la situation où elles sont aujourd’hui. Du coup, on se retrouve dans un monde où des sociétés ont des puissances quasi politiques de la taille d’États. On ne va tomber dans les livres de science-fiction, mais c’est un fait, aujourd’hui, que certaines sociétés, notamment les GAFAM, ont un pouvoir qui va bien au-delà de l’économie. On a vu des patrons, des CEO de ces boîtes-là, rencontrer le pape, donner leur opinion sur tel ou tel point de géopolitique. On voit Mark Zuckerberg qui négocie directement avec le Parti communiste chinois. On voit aussi, dans la conquête spatiale, que ce sont des sociétés privées qui envoient des fusées en l’air aujourd’hui. Ces sociétés ont aujourd’hui un pouvoir d’influence. On ne parle pas seulement de marchandise, comme les monopoles d’autrefois, mais là presque de trafic d’influence, du data, du contrôle de populations. Il n’y a qu’à voir l’influence aujourd’hui des réseaux sociaux sur nos vies politiques pour quand même un peu s’alarmer.
Et là, je donne un petit peu mon opinion. Aussi puissante soit-elle, une entreprise reste une entreprise et doit rester une entreprise. Ce n’est pas le rôle des entreprises de réglementer notre vie et de rentrer en compétition avec des États. C’est le rôle de nos gouvernements et des États de prendre des mesures et de poser des garde-fous pour empêcher ces entreprises de prendre trop de contrôle.
Ne tombons pas non plus trop facilement dans un scénario à la Black Mirror, mais c’est vrai qu’on a eu un certain mépris pour les États et les politiques dans les années 2000. Un Internet mondialisé a fait exploser les frontières et on a joyeusement laissé rentrer ces GAFAM dans nos foyers et contrôler quand même plus ou moins nos vies.
Les États ont encore beaucoup de pouvoirs pour pouvoir réglementer les choses et rétablir l’équilibre d’influence entre ces entreprises et les États à coup de taxes, à coups de réformes, à coups de commissions d’enquêtes. Oui, les États sont en retard mais mieux vaut tard que jamais.
Un autre point positif, parce que tout n’est pas sombre dans ce scénario, c’est le réveil des consciences et votre réveil. Vous avez, par exemple, choisi de regarder cette vidéo. Il y a de plus en plus de débat public. Ne serait-ce que d’avoir le débat sur la place des GAFAM dans notre vie est un débat sain. Et, même du côté des GAFAM, on commence à voir les choses bouger. Les GAFAM ont commencé en disant « on va changer le monde, tout va être bien, il y aura des Bisounours partout ». Aujourd’hui elles aperçoivent qu’elles ont fait quand même pas mal de dégâts, si vous avez vu le documentaire de Netflix Derrière nos écrans de fumée [2], on s’aperçoit bien que la machine leur a un peu échappé des mains et qu’aujourd’hui elles cherchent quand même à faire machine arrière ou, en tout cas, amende honorable, bien évidemment en gardant leur business modèle, mais en encadrant un petit peu mieux les choses et en nous donnant un peu plus de contrôle, notamment sur la collecte de données.
C’est loin d’être parfait, la route va être longue. On a vu Sundar Pichai, CEO de Google, s’excuser auprès de Thierry Breton, commissaire au marché intérieur européen, notamment à cause de magouilles de Google autour du Digital Services Act [3]. On sent bien que les politiques reprennent du poil de la bête, reprennent un peu de pouvoir contre ces sociétés, se font un peu respecter et que, aussi puissantes soient les GAFAM, pour l’instant elles n’ont pas encore renversé les pays et les États.
Attention également à ne pas tomber dans la diabolisation des GAFAM, ce qui est quand même fait souvent sur des prétextes un peu électoraux. Roselyne Bachelot qui appelle au boycott d’Amazon, pour moi c’est un aveu de faiblesse politique, le boycott étant une espèce de dernier recours, « je m’en lave les mains, culpabilisation du consommateur », ce qui n’est pas trop mon truc !
D’un autre côté, on voit la députée européenne connue pour avoir lancé tous ses dossiers contre les GAFAM, Margrethe Vestager qui, elle, s’oppose justement maintenant au démantèlement des GAFAM parce qu’elle y voit certains dangers.
Le sujet est très riche, très complexe, il y a aura probablement des rebondissements. Ça va être intéressant de regarder ça fin 2020, 2021 : est-ce qu’il va y avoir des démantèlements ? Quelles vont être les conséquences pour les GAFAM ? En tout cas, elles sont dans le viseur, elles ne peuvent plus faire comme si de rien n’était.
Ce qui m’intéresserait beaucoup c’est d’avoir vos réactions par rapport à ça, en essayant de sortir un petit peu des trucs lobotomisants anti-Amazon, etc., de réfléchir aux conséquences.
Je vous remercie en tout cas d’avoir pris le temps de regarder cette longue vidéo. J’espère qu’elle vous aura un peu poussés à réagir.
En tout cas, si ça vous a intéressés, n’hésitez pas à soutenir cette vidéo, commentaires, pouces, tous les moyens sont bons pour nous aider. Partagez aussi et on se retrouve très bientôt, bien évidemment pour une prochaine vidéo. On a quoi ? Trois heures d’enregistrement là ?
Je bois un peu de jus de petit chat.
Rose : Non ! C’était censé être mignon, ce n’est plus du tout mignon là.
Jérôme Keinborg : Merde ! Réalise ! 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires par heure.
Rose : Tu as dit 100 milliards.
Jérôme Keinborg : Ça fait beaucoup. Cette commission a généré un rapport déjà énorme, plus de 1,2 milliards de documents à charge contre les GAFAM.
Rose : Milliards ou millions ?
Jérôme Keinborg : Millions. Merde ! Aujourd’hui je suis largué. Je confonds millions et milliards, ce n’est pas possible ! Ça ferait une bonne vidéo. En combien de temps on peut dépenser un million ?
Rose : Ça dépend si tu achètes du grec ou si tu achètes un yacht !
Jérôme Keinborg : Ah oui ! Je croyais des gens grecs. Hé, les Grecs, c’est bon je vous ai rachetés. Je termine mon jus de chat.