Sylvain Henry : Bonjour à tous. Merci nous suivre, de continuer à nous suivre sur Acteurs publics TV en ce début d’année, on continue de donner la parole à des managers, à des décideurs, à des experts de l’action publique. La parole aujourd’hui à Éric Bothorel. Monsieur le député des Côtes d’Armor bonjour, merci d’être sur Acteurs publics.
Éric Bothorel : Bonjour ! Merci.
Sylvain Henry : On revient avec vous sur votre rapport [1], remis juste avant Noël, sur l’ouverture des données, l’ouverture des codes sources. Je vais revenir sur certaines préconisations que vous mettez en avant. En cette année 2021, on est à la fois dans une année pré-électorale, une année de mise en œuvre du plan de relance ; première question : est-ce que les données, l’ouverture des données, peut, doit accélérer la mise en œuvre du plan de relance, accélérer aussi son efficacité, selon vous ?
Éric Bothorel : La donnée va toujours jouer à peu près le même rôle : la meilleure circulation de la donnée est propice à une meilleure exécution d’un certain nombre d’actions publiques. Elle permet aussi, en retour, une meilleure évaluation : il n’y a rien de tel, pour savoir si on est efficace, que de mesurer l’efficacité des actions publiques et ça peut se faire et ça doit se faire par la donnée. Et puis enfin, dans le cadre du plan de relance, on a un investissement massif sur les infrastructures, on a mis en évidence dans le rapport que, parfois, ces infrastructures n’étaient pas pensées, j’allais dire in design pour favoriser cette circulation de données ; j’emploie à dessein le terme de « circulation de données » puisque je ne veux pas m’enfermer dans le match de l’ouverture, l’open data d’un côté ou la fermeture, il y a bien d’autres modalités de circulation de données qui me paraissent importantes comme l’accès, le partage, qui sont des modalités différentes, qui doivent s’inscrire, que ce soit au sein de l’action publique, que ce soit avec le secteur privé, qui doivent s’intensifier.
Sylvain Henry : D’accord. Je résume bien les choses : l’ouverture, l’accélération, la bonne gouvernance, on va en parler, mais tout ça contribue évidemment, va contribuer, doit contribuer, à l’efficacité du plan de relance, ça fait partie aussi des priorités de cette année 2021 selon vous, c’est ce que vous dites en substance ?
Éric Bothorel : C’est exactement ça : il n’y aura pas d’efficacité du plan de relance s’il n’y a pas un management par la donnée de ce plan de relance. Je veux savoir et je veux croire qu’il y a une vraie sensibilité interministérielle et pas uniquement au niveau du Premier ministre même si, une fois que le Premier ministre est convaincu, bien souvent les ministres suivent. Il y a une vraie volonté d’intégrer cette logique de l’ouverture de la donnée ou de la circulation de la donnée entre administrations, vers le secteur privé, dans le cadre de ce plan de relance. C’est un bon cas test, pour ne pas dire crash-test, c’est un bon cas test pour le changement de paradigme en termes de circulation de la donnée.
Sylvain Henry : Je reviens sur votre rapport. Il y a des choses positives, des choses, on va dire, un peu inquiétantes. Vous soulignez, je vous cite, que la France est à l’avant-garde européenne de la politique de la donnée, mais cette avance acquise est fragile. Ça veut dire, avant d’entrer dans d’autres préconisations, que déjà on peut quand même capitaliser sur des pratiques, sur des dispositifs, sur des textes que vous rappelez. Il y a un socle relativement solide ?
Éric Bothorel : Oui, il y a un socle solide, mais comme dans d’autres environnements les positions peuvent se perdre rapidement, donc ça veut dire qu’il ne faut pas s’arrêter en chemin, il faut aller plus loin si on veut être demain, je dirais, sur le podium de l’open gov, sur le podium des pays qui sont capables de rendre les meilleurs services à leurs concitoyens en leur simplifiant la tâche, en ne demandant pas x fois la même information. On a tous en tête des images de pays comme l’Estonie, comme Taïwan, qui font figure parfois de références sur le sujet et, ma foi, si on regarde, si on se compare avec ces pays-là sur certains aspects des politiques publiques, il y a encore des efforts à faire, oui bien sûr !
Sylvain Henry : Justement ces efforts, pour rattraper les pays que vous mentionnez, « une impulsion au plus haut niveau par une véritable politique de la donnée, une clarification et un renforcement de la gouvernance administrative ». Pourquoi c’est nécessaire ?
Éric Bothorel : C’est comme la motivation dans les entreprises. Vous pouvez faire des grands séminaires, des kick-off, des paintballs et dire à tout le monde « vous savez, on va ressortir de là motivés » — pardon de ces clins d’œil à mes expériences passées dans le secteur privé —, ça ne se décrète pas la motivation. De la même manière, je vais dire, la diffusion de la culture autour de l’ouverture de la donnée, ce n’est pas simplement en le placardant dans les couloirs des ministères que les choses vont se faire. Il faut que ce soit incarné au niveau de l’administration, mais incarné politiquement parce que l’administration répond à l’impulsion politique. C’est vrai que l’on a formulé cela en termes de recommandations dans notre rapport parce qu’il nous semble qu’il est temps que cette impulsion soit donnée.
On se parle ce soir, c’est le jour où Amélie de Montchalin, qui est en charge de la fonction publique, met en œuvre et publie le baromètre des résultats de l’action publique [2]. Je trouve que c’est plutôt intéressant et je trouve que c’est intéressant qu’un ministère publie, de manière claire, un certain nombre de données par rapport à des objectifs, sur un certain nombre de secteurs aussi divers que sont la sécurité, la culture, l’éducation, l’environnement. Il faut tendre vers cela.
Sylvain Henry : Je précise qu’on enregistre cette séquence le 13 janvier, mercredi 13 janvier. La ministre Amélie de Montchalin a effectivement rendu public ce baromètre, ces enjeux. On verra d’ailleurs si ce baromètre est un coup de com’ ou s’il y a une vraie utilité, une vraie nécessité. Justement, qu’est-ce que vous dites Monsieur le député ?, coup de com’ en année pré-électorale ou baromètre efficace, nécessaire ?
Éric Bothorel : C’est un baromètre efficace, nécessaire. Je viens de m’entretenir avec elle parce que je lui ai fait quelques remarques à la fois sur la navigation et, en même temps, quelques data qui restent de rang national. C’est-à-dire qu’il y a certaines informations qui sont de rang départemental mais d’autres qui ne sont accessibles que de rang national, donc il faut qu’on aille plus loin sur la granularité des informations, il faut qu’on aille plus loin sur les jeux de données qui vont permettre de mettre en évidence tel ou tel type de politique de données. C’est sûr que là il y a une trentaine ou une quarantaine, de mémoire, d’informations qui sont rendues disponibles. Je lui ai dit, il y a quelques jours, que la vertu de ce rapport, c’est de faire en sorte qu’elle ne choisisse pas de publier, finalement, les indicateurs du baromètre en fonction des jeux de données disponibles, mais, au contraire, qu’elle puisse se dire « moi, demain, je vais faire un baromètre sur quelque chose qu’on ne mesure pas aujourd’hui » et faire en sorte que l’administration finisse par le mesurer ou rende public ou publie ou mette à disposition les données dont on parle. Débat qu’on a aussi, en ce moment, sur la santé et sur les données de vaccination par exemple.
Sylvain Henry : Bon ! Baromètre nécessaire, utile, si je résume ce que vous dites, mais quelques petites pistes d’amélioration.
Éric Bothorel : Comme toujours ! Saluons le fait qu’il existe. C’était un engagement du candidat devenu président, du candidat à l’élection présidentielle devenu président. C’était un engagement et on va le tenir ! Si vous voulez mon histoire, j’ai aussi rejoint le mouvement En Marche parce qu’il y avait cette sensibilité à l’évaluation ; l’évaluation ne peut se faire que si on mesure !
Sylvain Henry : Oui. Cet échange est bref, volontairement bref pour renvoyer vers nos articles et surtout vers votre rapport.
Vous parler d’une doctrine d’État à installer définitivement, vous parlez de la nécessité d’un deuxième âge de la politique publique de la donnée, vous avez évoqué en creux cela. Juste pour terminer notre échange, vous parlez aussi de la question des territoires, vous mentionnez les régions sur ces enjeux stratégiques, peut-être une relation nouvelle régions-État. Les données sont foisonnantes, évidemment, du côté des collectivités territoriales, du côté des territoires. Il faut les accompagner, il faut les aider, il faut donner à ces acteurs territoriaux des clés pour les exploiter au mieux, pour les diffuser au mieux, pour créer de l’activité à partir de ces data ?
Éric Bothorel : Oui, l’enjeu de l’ouverture de la donnée ne concerne pas uniquement l’État central. D’ailleurs certaines régions, mais dans une forme d’hétérogénéité, se sont saisies de ces sujets, je peux parler de la Bretagne par affection, je citerais aussi l’Occitanie volontairement, et puis d’autres, des agglomérations, des métropoles comme Lille Métropole, Nantes qui fait une charte sur la donnée. On le voit, il y a des impulsions qui sont données sur l’ensemble du territoire, mais je veux qu’on aille plus loin, y compris sur des municipalités qui n’ont pas forcément la taille de ces agglomérations. Il y a beaucoup de choses qui se jouent dans la relation de confiance entre les citoyens et les collectivités, que ce soit des politiques qui sont des politiques menées en propre par les collectivités ou qu’elles soient pour « le compte de » ; la région intervient beaucoup sur le champ économique en lien avec des politiques ou des financements européens, nationaux. Ce qui compte, en définitive, c’est que la région puisse piloter ses actions, là aussi avec le souci de l’efficience ou de l’efficacité, par la donnée, et qu’en même temps, au niveau national, on puisse avoir une comparaison possible des performances de chacune des régions ; c’est sain pour tout le monde !
Sylvain Henry : Oui, mais il y a un petit travail culturel, manifestement, peut-être de formation aussi, un travail culturel de formation, d’accompagnement des acteurs, qui ne sont peut-être pas tous au même niveau. Je dis ça sans…
Éric Bothorel : On les soutiendra avec l’ANCT. On a parlé de ce volet formation qui est nécessaire. Vous savez, encore une fois, ça ne concerne pas que l’État central, il y a nécessité, effectivement, de former la plupart des élus à cette sensibilité sur la donnée, notamment sur l’ouverture, la circulation de la donnée et faire en sorte que le citoyen soit un allié, un producteur possible de la donnée.
Sylvain Henry : Ce qui peut faire aussi reculer des réticences, des interrogations, des inquiétudes. Vous soulignez, effectivement, le rôle que peut jouer l’ANCT, l’agence nationale, la jeune Agence nationale de la cohésion des territoires qui s’est saisie ces enjeux. Vous appelez à un administrateur général des données, des codes sources et des algorithmes. Chaque ministère a son administrateur général des données mais qui est plutôt, vous le mentionnez, un délégué à la protection des données qui peut jouer un rôle accru. En tous cas un administrateur général qui coifferait pour l’ensemble des administrations. Bref !, plein de préconisations. Je renvoie vers votre rapport. Je renvoie aussi vers le suivi par la rédaction de toutes ces problématiques-là et je reviens sur le début de notre échange : évidemment la donnée et son meilleur pilotage, tout ça contribuera à rendre l’action publique plus efficace, contribuera à rendre la mise en œuvre du plan de relance plus efficace.
Merci Monsieur le député des Côtes d’Armor, merci Éric Bothorel.
Merci à vous toutes et tous de nous avoir suivi sur Acteurs publics et je vous dis à bientôt !