Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Isabella Vanni : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Les actions des membres du Collectif CHATONS dans le domaine de l’éducation, c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme l’initiative Datagir de l’ADEME et aussi la chronique « La pituite du Luk ». Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.
Nous sommes mardi 27 septembre 2022. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui, mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Salut Isa. Bonne émission !
Isabella Vanni : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet intitulée « Datagir : une initiative de l’ADEME pour apporter l’information environnementale au plus près des citoyens »
Isabella Vanni : Nous allons commencer par la chronique « Pépites libres ». Pour sa première chronique de la saison 6, Jean-Christophe Becquet va nous parler de Datagir, une initiative de l’ADEME pour apporter l’information environnementale au plus près des citoyens. Jean-Christophe est au téléphone avec nous. Ravie de te retrouver pour cette nouvelle saison de Libre à vous !. À toi la parole-
Jean-Christophe Becquet : Bonjour à tous et à toutes.
Je voudrais d’abord saluer la réactivité de l’équipe Centipède. Dans ma dernière chronique consacrée à ce réseau libre de géolocalisation centimétrique, je les interpelais sur la licence de leur documentation, Creative Commons By-NC-SA, Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions. Cette licence n’est pas libre en raison de sa clause NC. Ils ont très rapidement fait le nécessaire en changeant de licence en faveur de la Creative Commons By-SA, Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions. Le réseau Centipède RTK est donc désormais un commun intégralement disponible sous licence libre. Cet exemple illustre très bien le pouvoir dont est investi l’auteur d’une œuvre : en effet, c’est à lui que revient le choix des conditions dans lesquelles il souhaite publier son travail. Opter pour une licence libre, c’est permettre la réutilisation et la modification du contenu y compris à des fins commerciales. Ces libertés, accordées par l’auteur, favorisent la diffusion du contenu. Dans le cas du réseau Centipède, c’est une riche base de connaissances qui est ainsi partagée et accessible à tous.
Passons maintenant à la pépite du jour, Datagir, une ressource libre que l’on doit à l’ADEME, l’Agence de la transition écologique. Ce projet repose sur la conviction que « la diffusion et la réutilisation des données environnementales permet d’accélérer la compréhension des enjeux climatiques et le passage à l’action en faveur de l’environnement ».
Datagir, c’est d’abord plus d’une centaine de jeux de données dans le domaine de l’alimentation, de la mobilité ou du logement. Les données sont disponibles sous licence Ouverte Etalab, une licence libre pour l’ouverture des données ou open data.
Citons par exemple Arboclimat, une base de données d’arbres destinée à guider les personnes en charge de l’aménagement et de l’environnement dans le choix des essences à implanter selon leur capacité à stocker le carbone, leur impact sur les îlots de chaleur urbains, la résilience de l’essence, leur intérêt pour la biodiversité, leur impact sur la qualité de l’air et leur potentiel allergisant.
On trouve aussi ElecDom qui donne les courbes de charge journalières de consommation électrique par type d’appareil de 100 logements représentatifs du parc français.
Citons encore la Base Carbone, une base de données publique de facteurs d’émissions. Ces données sont nécessaires pour la réalisation d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre et plus généralement tout exercice de comptabilité carbone.
Enfin, bel exercice de transparence, Datagir partage une base de l’ensemble des dossiers d’aides engagées par l’ADEME sur les trois dernières années, qu’il s’agisse de subventions ou d’aides remboursables.
Datagir, c’est aussi un ensemble d’applications destinées à rendre plus accessibles les données ouvertes par l’ADEME. Citons par exemple Que Faire de mes Déchets ou Mes Fruits et Légumes de Saison. On peut accéder librement à chaque application et à son code source.
Par contre, j’ai constaté qu’il manquait la mention de licence sur certains dépôts de code. J’ai donc ouvert des tickets pour demander l’ajout d’un fichier de licence libre. Après une dizaine de jours, la licence MIT a été ajoutée aux quatre logiciels concernés. La licence MIT est une licence libre très permissive. Elle respecte les principes du logiciel libre et permet la réutilisation du code sans obligation de repartage sous la même licence.
Cet exemple illustre encore une fois que la licence est une composante indispensable pour parler d’une donnée libre ou d’un logiciel libre. Sans licence, le droit d’auteur s’applique par défaut et il faut contacter l’auteur et obtenir son accord pour chaque réutilisation. C’est contre-intuitif, j’en conviens, car on est tenté de se dire que si un contenu est publié sur Internet, c’est pour qu’il soit diffusé mais ce n’est pas ainsi qu’est conçue la loi.
Je trouve que Datagir est une illustration parfaite de comment des données et des logiciels libres peuvent aider à changer les comportements. Grâce aux données ouvertes, nous sommes mieux informés et les applications apportent des réponses concrètes aux personnes soucieuses d’adopter des modes de vie plus vertueux pour la planète.
Isabella Vanni : Merci Jean-Christophe. Tu démarres fort la saison 6 ! Merci pour cette belle chronique. Bravo pour tes réussites, tes œuvres de sensibilisation qui ont permis d’ajouter une licence là où elle manquait ou de rendre une licence libre là où elle était juste ouverte.
D’ailleurs je vous rappelle que vous pouvez, vous aussi, faire comme Jean-Christophe, c’est-à-dire que vous pouvez aussi sensibiliser aux logiciels libres, à la culture libre. Vous pouvez contacter les personnes, contacter les structures, leur proposer de publier leurs données ou leurs œuvres sous licence libre, c’est quelque chose qui est à la portée de tout le monde. Si vous cherchez une action simple à faire, voilà ! On vous a donné un exemple aujourd’hui.
Merci encore, Jean-Christophe. Je te dis au mois prochain pour une nouvelle pépite.
Jean-Christophe Becquet : Merci Isabella, pour ce retour enthousiasmant et encourageant. Belle émission et au mois prochain.
Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous parlerons de chatons et éducation. Chatons, pas les petits chats, bien évidemment, mais les membres du collectif CHATONS, Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Nous allons d’abord écouter Little Fingers par le groupe Vienna Ditto qui, malheureusement, n’existe plus. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Little Fingers par Vienna Ditto.
Voix off : Cause Commune, 93.1
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Little Fingers par Vienna Ditto, disponible sous licence libre Creative Commons, CC By 3.0. Cette licence permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.
[Jingle]
Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.
Les actions des membres du collectif CHATONS dans l’éducation
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur les actions des membres du collectif CHATONS dans l’éducation. Nous allons notamment échanger avec Audrey Guélou, membre de Picasoft et doctorante à l’Université de technologie de Compiègne, et avec Neil, contributeur à La Contre-Voie anciennement 42L.
N’hésitez pas à participer à notre conversation. Vous pouvez appeler le 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site cause-commune.fm, bouton « chat ».
Picasoft et la Contre-Voie font partie du Collectif CHATONS, un collectif d’Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires – c’est la signification de l’acronyme – qui s’engagent, entre autre, à n’utiliser que des logiciels libres pour leurs services en ligne et à ne pas exploiter les données des utilisateurs et utilisatrices. On appelle les membres de ce collectif chatons, logiquement je dirais. Le Collectif CHATONS est une initiative coordonnée par l’association Framasoft. Elle a lancé cette initiative en 2016 et depuis plein de structures et personnes physiques ont rejoint le collectif qui compte aujourd’hui près de 100 membres.
Aujourd’hui nous avons invité deux personnes représentant deux membres de ce collectif qui agissent notamment dans le secteur de l’éducation, Audrey Guélou de Picasoft et Neil de La Contre-Voie. Ils vont nous présenter aujourd’hui les actions de leurs structures.
Je vous propose de commencer par une question plutôt classique, par vous présenter : qui êtes-vous et quel est votre rôle dans votre structure ? Audrey peut-être veux-tu commencer ?
Audrey Guélou : Bonjour. Audrey, j’ai rejoint l’association Picasoft il y a un peu plus de trois ans, c’était à la fin de mon cursus d’étudiante en ingénierie informatique à l’Université de technologie de Compiègne. Maintenant je suis toujours à l’UTC, je suis doctorante en sciences de l’information et de la communication au laboratoire de sciences humaines et sociales de l’UTC qui s’appelle Costech.
Isabella Vanni : Merci Audrey. Neil.
Neil : Bonjour. J’ai participé à la création de La Contre-Voie sous le nom de 42L à l’époque, en janvier 2017, quand je suis rentré à 42 Paris qui est une école d’informatique dans le 17e.
Isabella Vanni : Parfait. Merci pour ces présentations. On va aussi présenter vos structures, les deux chatons dont on parle aujourd’hui, Picasoft et La Contre-Voie. On va inverser, je commence par Neil. Qu’est-ce que La Contre-Voie ?
Neil : La Contre-Voie est une association qui a pour but de sensibiliser à l’éthique dans le numérique. Elle organise ses activités de sensibilisation essentiellement à travers des conférences, des ateliers et des débats, essentiellement à 42 jusqu’à présent. Elle héberge également des services libres et open source qui permettent d’associer la théorie à la pratique, simplement en donnant des alternatives concrètes à installer, à utiliser sur ces appareils.
La Contre-Voie s’appelait à l’époque 42L, maintenant on s’appelle La Contre-Voie parce que nous sommes en train de partir de notre école. Nous étions une association étudiante. Maintenant on se dit que ce serait bien de pérenniser ce qu’on a fait, de continuer ce qu’on a fait, mais dans d’autres universités, dans d’autres écoles que la nôtre. Maintenant que bientôt nous ne sommes plus étudiants et étudiantes, nous aimerions continuer dans notre lancée ailleurs.
Isabella Vanni : Je remercie. D’ailleurs je remercie Neil et toute l’équipe de La Contre-Voie parce que Neil a accepté de participer à cette émission alors que vous êtes en pleine migration. Vous avez migré votre site tout récemment. C’est un changement, un bouleversement sur plein d’aspects, donc merci d’avoir fait l’effort de venir tout de même à notre émission.
Neil : Avec plaisir. Merci beaucoup pour votre invitation, ça nous permet de lancer notre nouveau site qu’on a mis en production avant-hier.
Isabella Vanni : Nous sommes ravis de pouvoir annoncer en direct le nouveau site de La Contre-Voie. Audrey, je te laisse présenter l’association Picasoft.
Audrey Guélou : Comme La Contre-Voie, Picasoft est une association qui est née dans un milieu étudiant. Elle a commencé à fonctionner en 2016 et elle a été créée officiellement début 2017 par des étudiants et des enseignants de l’Université de technologie de Compiègne. C’était, à ce moment-là, une volonté de contribuer justement à l’initiative des CHATONS en créant un chaton local, au niveau de l’UTC, et de contribuer à la re-décentralisation du Web à ce moment-là. Il s’est agi, en premier lieu, d’héberger également des services libres. Ça a commencé par un service de discussion instantanée, Mattermost, un service d’écriture collaborative en ligne, un service de pad.
Aujourd’hui, c’est vrai qu’on dit que Picasoft est principalement une association d’éducation populaire au numérique, aux enjeux de la culture libre et du logiciel libre. On fait aussi beaucoup d’actions de sensibilisation, de formation auprès des étudiants et des étudiantes de l’UTC et au-delà.
Donc sensibilisation, formation et hébergement de services web libres sont les trois pôles d’activité de Picasoft.
Isabella Vanni : Tu as cité quelques-uns des services que votre association propose. En fait les CHATONS, à la base, sont des hébergeurs. Après, les associations proposent, bien évidemment, d’autres activités. Est-ce que d’autres services se sont rajoutés entre-temps ?
Audrey Guélou : Oui. On va dire qu’une dizaine de services sont disponibles, sont accessibles depuis picasoft.net. J’en cite quelques-uns.
On avait en tout premier Mattermost et Etherpad.
On a aussi un autre pad qui utilise le format Markdown, un autre format d’écriture, qui fonctionne sur le même principe que l’écriture collaborative en ligne.
Il y a un service de chat vocal qui s’appelle Mumble.
Il y a aussi des instances qui permettent de partager des contenus multimédia comme PeerTube, c’est du partage de vidéos.
Il y a aussi une instance Mobilizon qui permet d’organiser des évènements.
On utilise aussi des services comme du partage de fichiers sécurisé, des tableaux en ligne.
Il y a une dizaine de services à découvrir à partir de picasoft.net.
Si je précise maintenant, peut-être, on a, éventuellement, un petit souci. On a une migration d’un des serveurs de Picasoft qui passe de Toulouse à Compiègne aujourd’hui en fait, qui sera installé aujourd’hui. Donc aujourd’hui on a quelques services qui sont en rade, mais c’est temporaire, ils devraient revenir ce soir, si tout va bien et tout ira bien. Ne soyez pas surpris, quelques sites ne sont pas disponibles jusqu’à ce soir.
Isabella Vanni : Je ne me fais pas de souci, les services seront en ligne sous peu.
Neil pareil, La Contre-Voie est un chaton, un hébergeur entre autres. Quels sont les services que vous proposez dans votre association ?
Neil : On propose huit services. On a commencé par le mail, ce n’est peut-être pas le choix le plus judicieux. On propose, par exemple, du mail, ce qui permet à des personnes d’avoir une adresse mail en @42l.fr ou @courrier.dev ou @ kittens.army chez nous plutôt que chez Gmail ou chez Outlook. Je pense que c’est vraiment l’une des étapes les plus importantes quand on essaye de se dégoogliser.
Ensuite, on propose un raccourcisseur de lien ou un service alternatif à Google Forms. On propose quelques petites alternatives comme ça. On n’a pas, par exemple, les moyens de Picasoft vis-à-vis de notre infrastructure. On tourne sur un tout petit serveur, donc on reste assez sobres, on va dire, sur l’hébergement de nos services.
Isabella Vanni : C’est déjà beaucoup et ça va peut-être venir !
Neil : On espère !
Isabella Vanni : Vous proposez tous ces services en premier lieu à des étudiants ? Quelle est votre cible principale ?
Neil : La plupart de nos services sont en libre accès, n’importe qui peut les utiliser. Il se trouve que beaucoup de personnes extérieures à notre école utilisent déjà nos services. Après, effectivement, on a quelques services qui sont sous adhésion pour des raisons d’espace disque essentiellement, parce que, comme on a dit, on a une petite machine. Dans ces cas-là on a remarqué que peut-être un tiers des personnes qui ont adhéré à l’association ne viennent pas de 42. En fait, on cible un public qui est manifestement assez large, je pense essentiellement grâce aux CHATONS. Comme on a rejoint ce collectif, ça nous a donné un peu de visibilité, donc ça nous a permis de toucher des publics auxquels on ne s’attendait pas, surtout des publics locaux, donc des personnes qui sont dans la région de Saint-Ouen, près du 17e, qui ont regardé la carte CHATONS, qui se sont dit « il y a un chaton près de moi » et qui ont fait cet effort de venir nous voir et nous demander si on pouvait leur fournir des services. Nous sommes contents et contentes que ça puisse servir à d’autres personnes que notre public original.
Maintenant, de toute façon, comme on compte sortir de notre école, on va avoir une portée un peu plus large et un public qui va changer, mais ça nous fait très plaisir que ça soit utilisé ailleurs.
Isabella Vanni : C’est bien de rappeler que l’initiative CHATONS est coordonnée par Framasoft qui met à disposition un site avec une vue géographique, avec la possibilité de rechercher, justement, les chatons plus près de chez soi. Pierre-Yves Gosset, de Framasoft, aime rappeler que les chatons peuvent être aussi considérés comme des GULL, les groupes d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, un peu comme les AMAP. Plus ce sont des associations locales, mieux c’est, parce que les personnes peuvent aller voir les personnes qui gèrent, qui maintiennent ces services, demander de l’aide, demander comment les utiliser, etc. Ça fait aussi partie de la richesse des chatons que d’avoir une relation humaine dans la vraie vie.
Audrey, est-ce pareil ? La cible principale de Picasoft, si j’ai bien compris, ce sont les étudiants à la base. Est-ce que c’est plus ou moins le cas, ou est-ce que vous avez, vous aussi, un pourcentage, un quota important de personnes qui ne viennent pas du monde de l’université par exemple ?
Audrey Guélou : Je serais incapable de vous donner un pourcentage. Au départ, la cible première, disons la plus accessible pour nous, ça a été de proposer ces services-là aux étudiants et aux étudiantes de l ‘UTC, mais ça s’est élargi. On a à peu près 4 000, 4 500 étudiants et étudiantes à l’UTC. Sur Mattermost, le service de discussion instantanée, on a un peu plus de 8 500 utilisateurs et utilisatrices. En fait d’autres associations, des petites entreprises aussi, utilisent ce service-là.
Pour les pads, on ne récupère pas de données, on ne sait pas qui utilise nos pads, mais il y a à peu près 3 000 pads qui sont en service, qui sont en vie en ce moment.
On touche en premier les étudiants et les étudiantes de l’UTC, mais ce sont en effet beaucoup des services pour des associations qui sont autour de Compiègne mais pas que. Cette relation, comme tu le disais plus tôt, c’est d’abord une relation locale : on est proches, on peut répondre s’il y a un problème sur un pad, si on a une question vis-à-vis d’un service. Les membres de Picasoft sont, en général, assez réactifs pour proposer une aide, proposer des conseils, etc.
Isabella Vanni : On a donc parlé de services, mais l’émission d’aujourd’hui, ce sont les actions des membres du CHATONS dans l’éducation. En fait vos actions – il y a notamment des ateliers, des conférences, etc., on va voir plus en détail ensemble – sont orientées en premier lieu, on va dire, vers les étudiants de part l’origine, finalement, de vos associations. Pour La Contre-Voie, par exemple, vous avez cherché longtemps ce nom avant de changer et vous avez choisi ce nom, je pense, parce que c’est très inhérent à l’origine de votre association.
Neil : Oui, tout à fait. En fait, l’association s’est créée assez tôt quand on est rentrés à 42, parce qu’on s’était aperçu qu’énormément de conférences et d’activités, au sein de notre école, avaient pour vocation de promouvoir les grandes banques, les géants du numérique, les GAFAM justement – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, mais aussi d’autres grandes entreprises du CAC 40 qui venaient directement dans l’école. Je ne sais pas si elles étaient invitées ou pas, peut-être certaines, en tout cas qui missionnaient des membres ou des salariés pour fournir des conférences, proposer des offres d’emploi, offrir des buffets gigantesques. Bon !
Dans leurs conférences, la vision que ces entreprises apportaient ne correspondait pas forcément à la vision que nous avons du numérique et de l’éthique dans le numérique. Donc on a décidé, pour amorcer une sorte de contre-influence au sein de notre école, d’organiser nos propres conférences. Finalement ça a plu à l’école parce qu’on fait de l’animation, on anime un peu l’école, et puis c’est une initiative étudiante donc ça fait toujours plaisir. On a organisé petit à petit, une fois par mois, des conférences régulières à 42 pour contre-influencer, une sorte de contre-voix, finalement, à ces grandes entreprises.
Isabella Vanni : Parfait. Dans le cadre de votre association les enseignants n’ont pas joué de rôle, car, comme tu vas probablement le rappeler, l’école 42 est une école un peu particulière.
Neil : Oui, tout à fait. À 42 il n’y a pas de professeurs. L’école est ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est un peu open bar, c’est-à-dire que les étudiantes et les étudiants peuvent venir travailler quand ils ou elles veulent. Il n’y a pas de corps enseignant, il y a des encadrants et des encadrantes pour le côté administratif et, éventuellement, quelques détails techniques. En fait les étudiants et les étudiantes sont en permanence en autoformation. Tout ce qu’on a comme éléments extérieurs ce sont les conférences, ce sont les personnes qui viennent présenter leurs éléments, leurs connaissances, leurs expériences. On va dire que les apports théoriques du cursus se font essentiellement à travers des conférences, s’il doit y en avoir.
Isabella Vanni : Donc initiative étudiante pour les étudiants.
Pour Picasoft, ça a été un peu différent, si je dis bien, il y a eu une espèce de collaboration entre les étudiants et les enseignants. Veux-tu en parler un peu plus, Audrey ?
Audrey Guélou : Oui, tout à fait. Je suis allée interroger les personnes concernées puisque je n’y étais pas. C’est vrai que ça a été un véritable dialogue entre quelques étudiants et enseignants de l’UTC. Je vais nommer en particulier Stéphane Crozat, qui a été à l’initiative de l’association et puis de beaucoup, justement, de dispositifs de formation aussi à l’UTC. Je pense, par exemple, aux activités pédagogiques d’inter-semestre. À l’UTC, entre deux semestres, on a une petite période d’un mois pendant laquelle on a des activités étudiantes. Avec Picasoft, par exemple, il y a des formations d’initiation à l’utilisation de GNU/Linux ou d’initiation à l’auto-hébergement. C’est vrai que c’est possible à l’UTC.
J’ai nommé Stéphane, mais d’autres enseignants et enseignantes sont aussi sensibilisés au Libre et qui poussent à l’utilisation des logiciels libres, que ce soit dans le cadre de leurs enseignements ou dans le cadre de formations annexes comme celles dont je viens de parler.
Il y a aussi la possibilité de mener des enseignements expérimentaux, on les appelle des TX, où des étudiants vont travailler sur un projet ce qui a permis par exemple, à Picasoft, de sécuriser des parties de l’infrastructure. C’est vraiment dans le cursus ingénieur et c’est aussi fait en collaboration avec des enseignants de l’UTC.
C’est vrai qu’à l’UTC, pour le coup, un tiers des enseignements sont des sciences humaines. Tout ce département de sciences humaines est aussi porté par des réflexions sur les enjeux de la technologie numérique, sur notre façon de comprendre le monde, de le percevoir. Plusieurs enseignants sont quand même assez sensibles à ces questions-là, à la question du Libre, qui ont invité Picasoft à intervenir dans leurs cours pour présenter, faire un petit peu de sensibilisation. Il y a quand même, c’est vrai, un mouvement qui ouvre certains dialogues horizontaux entre étudiants et enseignants. C’est vrai que c’est assez agréable de sentir que certains enseignants, déjà, n’opposent pas de résistance à ces initiatives-là et, au contraire, les accompagnent.
Isabella Vanni : C’est effectivement un environnement propice, comme tu disais, à cette collaboration et à ces enjeux. Il faut aussi dire quelque chose de positif pour l’école 42 qui vous a mis à disposition pas mal de matériel pour faire les conférences.
Neil : Effectivement. On a la chance d’avoir des locaux, de bénéficier d’une salle, d’un public, et même de pouvoir organiser régulièrement des activités avec le même public. Cela amène à une certaine fidélisation de notre public, ce qui permet d’avoir, éventuellement, des contributeurs et contributrices qui rejoignent l’association. On a la possibilité de planifier des évènements sur leur intranet. On a quand même le luxe de ne pas avoir à se prendre la tête, par exemple, à louer un local, ce genre de choses. Même si on n’a pas du tout de soutien financier, on a quand même pas mal d’aide en nature.
Isabella Vanni : 42L c’est l’ancien nom, le nouveau nom c’est La Contre-Voie, n’hésite pas à me corriger si je me trompe. Tu parlais de membres contributeurs/contributrices qu’on peut arriver à recruter au moment où on propose des conférences ou des actions. Quel est le profil du membre-type chez Picasoft et chez La Contre-Voie ? Audrey.
Audrey Guélou : Disons que le membre-type est un membre quand même assez militant sur les questions du Libre au départ, ou alors qui se posait pas mal de questions avant d’arriver à Picasoft. Il y a aussi des membres qui sont arrivés à Picasoft pour vraiment progresser dans leurs capacités techniques, c’est-à-dire en administration système. Il y a cette motivation-là pour certains et certaines membres, mais pas tout le monde en fait. Je dirais que ce qui rassemble tout le monde c’est cette volonté de contribuer, d’être acteur ou actrice de la plus grande visibilité, de la plus grande appropriation des logiciels libres par les étudiants et étudiantes de l’UTC, et au-delà, contribuer à cette re-décentralisation du Web. Je pense que ce sont des points communs parmi tous les membres de Picasoft.
Isabella Vanni : Neil.
Neil : Je ne sais si on peut facilement définir un profil-type dans notre association. Notre public est particulièrement varié : l’école accueille des personnes de nombreux horizons, de nombreuses nationalités également, ça nous offre un public assez large. On ne peut même pas définir de tranche d’âge facilement. On a des personnes qui gravitent autour de l’association, qui contribuent également de manière assez ponctuelle, et je ne sais pas si ça intéresse particulièrement les geeks, peut-être, effectivement. On arrive aussi à organiser nos activités de manière à toucher un public qui ne soit pas seulement les geeks. Je pense que c’est important parce que les questions de données personnelles ne touchent pas seulement un public geek. C’est ce qu’on essaye de faire à travers nos conférences. Je ne saurais pas dire si, en pratique, ça marche. Il faudrait qu’on pose la question en interne, si ce sont des geeks ou pas. Après on est quand même dans une école de développeurs et de développeuses !
Isabella Vanni : On parlait d’actions dans l’éducation. Une chose que vous revendiquez dans les deux sites de vos structures, c’est l’éducation populaire. Il y a plein de définitions possibles de l’éducation populaire. Qu’est-ce que ça veut dire pour vous ? Qu’est-ce que ça signifie pour vous et comment ça se concrétise dans les actions portées par vos associations ? On va commencer par Neil cette fois.
Neil : En ce qui nous concerne, au début, à l’association, on ne se considérait pas du tout d’éducation populaire, c’est-à-dire qu’on ne s’était même pas posé la question parce qu’on ne savait pas vraiment ce que c’était. Et puis petit à petit, en grandissant et en regardant un petit peu ce qui se faisait dans d’autres associations comme notamment Framasoft, on a pris du recul sur les activités qu’on avait organisées, ce qui nous a permis de nous positionner un peu dans l’écosystème associatif et, peut-être aussi, de gagner un petit peu en maturité sur les actions que nous organisions.
Aujourd’hui, je pense qu’on définit l’éducation populaire comme une manière de s’émanciper déjà en dehors des cursus traditionnels, classiques, et aussi de manière participative, c’est-à-dire qu’on va donner des outils et ça sera aux personnes de les prendre et d’expérimenter avec. Je pense que c’est une sorte d’expérimentation permanente, en quelque sorte. Après, je n’ai pas la prétention de donner une définition universelle de l’éducation populaire, bien évidemment.
Isabella Vanni : Je ne crois pas qu’elle existe !
Neil : Effectivement, je crois qu’il n’y en a pas. Le fait de participer à une contre-culture de cette manière, je pense que c’est notre propre manière de faire de l’éducation populaire.
Isabella Vanni : Et Picasoft et l’éducation populaire ?
Audrey Guélou : Je crois qu’on rejoindrait vraiment la définition que Neil vient de donner. Les mots les plus importants sont en effet ceux-là. L’objectif de l’éducation populaire c’est, tu l’as dit, une démarche d’émancipation, une démarche de se rendre autonome. L’idée c’est de permettre d’accompagner les gens qui le souhaitent à acquérir des compétences, en fait les capacités d’agir ici dans le monde numérique. C’est la capacité de comprendre comment les outils numériques fonctionnent, savoir comment ils s’en servent pour être en mesure, ensuite, de les choisir, de pouvoir agir en connaissance de cause dans le milieu numérique.
Concrètement il s’agit de reprendre les choses en main, donc de manipuler ces outils-là, d’apprendre comment ils fonctionnent et de reprendre le contrôle dessus ; de savoir comment on s’en sert, comment ils fonctionnent.
Après, pour ce qui est des enjeux du numérique, ça va être de discuter, simplement de discuter autour de ces enjeux, autour de la protection des données personnelles, etc., pour essayer de comprendre collectivement. C’est vrai que tu disais que c’est en dehors de structures, des institutions on va dire classiques de l’éducation. C’est vraiment une discussion où il n’y a pas des ignorants et des sachants. C’est une discussion où on se rend finalement compte soi-même qu’on a un savoir, qu’on a une culture à partager, on a de l’expérience à partager, et on peut aussi apprendre des autres, c’est un peu ça ce côté populaire, L’idée c’est d’acquérir les capacités d’agir dans son milieu numérique, comprendre les outils pour s’émanciper, comme tu disais, c’est ce mot qui compte. C’est essayer de comprendre si l’utilisation de cet outil-là me sert vraiment. Est-ce qu’il me rend dépendant ? Est-ce que je sais comment il fonctionne, pourquoi, dans quel intérêt ? Ce sont toutes ces questions-là.
Isabella Vanni : Il me semble que vous avez donné deux belles définitions de l’éducation populaire.
Vous vous adressez aux étudiants, mais pas que, en fait. Notamment pour Picasoft, j’ai vu que vous avez fait aussi des actions auprès d’un public encore plus jeune, lycéen, collégien. Peut-être veux-tu nous dire quelques mots sur ça ?
Audrey Guélou : En fait tout démarre autour de la Fête de la science qui est un évènement national. Tous les ans à l’UTC, en octobre, pendant quatre jours, il y a un gros évènement avec beaucoup de stands et d’ateliers par les étudiants, les enseignants et enseignantes de l’UTC autour d’une thématique en particulier. Picasoft y est souvent, si ce n’est toujours, justement pour présenter, faire des ateliers d’autodéfense numérique en particulier auprès de publics qui peuvent être très jeunes, je crois que ça allait de la maternelle ou du primaire jusqu’au lycée.
Pendant la semaine, le jeudi et vendredi en général, des classes d’établissements scolaires viennent sur le campus de l’UTC, viennent visiter les stands, voire participer aux ateliers. On rencontre en effet des classes, des profs, des enseignants. Ensuite, le week-end, ce sont plutôt des familles qui viennent nous voir, là on va dire que c‘est tout public. En effet, à partir de cet évènement-là, des contacts sont pris avec des enseignants de CM2, de quatrième, de seconde, si on repart un petit dans l’historique, pour qu’ensuite quelques membres de Picasoft interviennent directement dans les classes pour faire de la sensibilisation aux enjeux du numérique, à la protection de sa vie privée en ligne. Après il faut adapter aux classes, aux âges. Ça a été, en effet, une activité de Picasoft qui est à relancer maintenant.
Isabella Vanni : Tu as parlé de la Fête de la science. Peux-tu nous rappeler la période de l’année à laquelle elle a lieu ?
Audrey Guélou : C’est en octobre. La prochaine aura lieu du 13 au 16 octobre.
Isabella Vanni : C’était bien de préciser. Si vous êtes intéressés c’est pour bientôt.
Même question pour Neil. Je sais que jusqu’à présent la Contre-Voie, anciennement 42L, donnait des conférences dans le cadre de l’école. Bien évidemment des conférences, comme tu disais, ouvertes à tout le monde, d’autres personnes pouvaient venir. Est-ce que vous envisagez de vous adresser aussi à un public, comme fait Picasoft, par exemple des classes de lycée, des collégiens ? Est-ce que c’est quelque chose qu’il vous plairait de faire, que vous avez envie de faire avec d’autres projets ?
Neil : Oui. Aujourd’hui c’est vraiment un des objectifs de l’association. Comme nous avons vocation de sortir de notre école et d’intervenir dans d’autres établissements, on aimerait cibler en priorité les lycées, les universités, les collèges si c’est possible, essayer d’adapter nos formations, créer de nouvelles formations pour cibler de nouveaux publics, éventuellement, effectivement, des publics plus jeunes. Je pense qu’il y a un enjeu énorme à intervenir dans ces lieux d’émancipation et de partage de connaissances. C’est ce qu’on essayerait de faire d’ici un ou deux ans, le temps qu’on réussisse à sortir et à avoir les agréments nécessaires pour intervenir dans les établissements et éventuellement en vivre finalement, éventuellement avoir un modèle de financement qui se base aussi en partie sur les subventions publiques, de cette manière.
Isabella Vanni : Tu parles d’agrément. Il faut un agrément pour parler dans les établissements scolaires ?
Neil : Je crois que ce n’est pas absolument nécessaire, en tout cas il y a deux agréments qui sont particulièrement importants, qui peuvent être très valorisants lorsqu’on se présente dans un établissement : il y a l’agrément Jeunesse éducation populaire, comme par hasard il y a éducation populaire dedans, donc on se rejoint un petit peu. Il y a également, je ne suis pas sûr du nom de l’agrément, je crois que c’est Association complémentaire de l’enseignement public que j’ai découvert récemment par des cours sur un diplôme universitaire « Conduite de l’enseignement associatif » à Paris 8, qui permettrait à des associations d’être plus facilement reconnues pour intervenir dans des établissements.
Isabella Vanni : Pour vous rendre aussi plus visibles et espérer pouvoir faire des actions le plus possible auprès de ces nouveaux publics.
Neil : Exactement.
Isabella Vanni : Merci pour cette première partie d’échange. Je vous propose de faire une pause musicale. Nous allons écouter Comme Une Philosophie par La Muette. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Comme Une Philosophie par La Muette.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Comme Une Philosophie par La Muette, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By SA 3.0.
[Jingle]
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion. Je suis Isabella Vanni de l’April. Les autres personnes qui participent à l’émission sont Audrey Guélou, membre de Picasoft et doctorante à l’Université de technologie de Compiègne, et Neil, contributeur à La Contre-Voie. Cette émission est consacrée aux actions que ces deux associations, membres du Collectif CHATONS, mènent dans le domaine de l’éducation. Nous avons parlé de ce qu’est l’éducation populaire, de comment ils voient l’éducation populaire et comment se concrétisent les actions d’éducation populaire de leurs associations.
Neil, tu disais que vous envisagez de cibler un public plus large que les étudiants dans les prochaines évolutions à venir de l’association La Contre-Voie. J’imagine que ça pourrait vous servir d’expérience, de profiter de ce qui a déjà été mis en place par Picasoft, parce qu’en fait à Picasoft, vous avez pas mal de ressources que vous mettez à disposition en ligne. Peut-être veux-tu nous en parler un peu ?
Audrey Guélou : Oui. Je pense en premier aux émissions de radio. C’est vrai que c’est quelque chose qui est accessible en ligne. Finalement, on a constitué pas mal de matériel. De mai 2019 à fin 2021, on se rejoignait toutes les semaines dans les studios de la radio Graf’Hit, à Compiègne, avec quelques membres de Picasoft, pour parler pendant une petite heure d’un sujet qui pouvait être la re-décentralisation du web – pour changer !, on a parlé de GNU/Linux, on a parlé d’ingénierie durable...
Isabella Vanni : Comment s’appelait l’émission ?
Audrey Guélou : C’était La voie est libre, merci Isabella. On a une petite soixantaine d’épisodes qui sont disponibles maintenant sur podcast.picasoft.net. C’est en effet une ressource accessible en ligne à toute personne que ces sujets intéressent et qui resteront en ligne. Les émissions de radio vont se poursuivre prochainement.
On a aussi, conjoint à Picasoft, les formations en ligne qui sont sur librecours.net. Librecours est une plateforme de formation en ligne dont les contenus sont sous licence libre. Ce sont des formations assez variées mais qui tournent quand même autour du numérique. Picasoft a contribué à des formations, comme des formations à GNU/Linux, des formations à l’initiation à la programmation avec JavaScript par exemple, et puis des formations sur la culture libre, les licences libres, le droit d’auteur, la low-technicisation du numérique. Là on s’intéresse aux enjeux de conception d’outils numériques dans une perspective de plus de soutenabilité, plus de convivialité des outils. On s’intéresse aussi aux enjeux environnementaux liés au numérique.
Tout ça ce sont des formations qui ont soit un temps donné, par exemple c’est sur six semaines avec des animateurs et des animatrices de Picasoft qui sont là pour accompagner les apprenants. Ou alors ce sont des formations qui sont, disons, sur un temps infini. Là on apprend à son rythme et les membres de Picasoft sont sur Mattermost, de l’autre côté, pour répondre aux questions s’il y en a.
Isabella Vanni : Très bien. La Contre-Voie a aussi déjà plein de ressources disponibles en ligne, je crois, Neil. Veux-tu nous en parler un peu ?
Neili : Tout à fait. Nous avons une chaîne PeerTube, qui est hébergée par l’association TeDomum qui est aussi un chaton, que je remercie encore, qui nous permet d’héberger toutes nos vidéos de conférences, toutes les activités qu’on organise, du moins tout ce qu’on peut héberger, tout ce qu’on peut filmer, en tout cas tout ce que 42, pour le coup c’est l’école 42 qui s’occupe de la captation de nos vidéos jusque-là, qu’on remercie également. Les studios 42 nous permettent de filmer nos activités.
Toutes nos conférences sont disponibles sur notre chaîne PeerTube ce qui permet de garder une trace de nos activités et qui permet également la réutilisation libre de ces contenus, puisque ces contenus sont sous licence Creative Commons By, donc attribution requise.
Nous avons également un dépôt sur notre Git, notre logiciel de développement, de partage de code sur Internet qui nous permet de partager également toutes les trames de nos activités de sensibilisation afin qu’elles puissent être réutilisées par d’autres collectifs, d’autres associations.
Isabella Vanni : J’ai parlé, pendant la préparation de l’émission, de toutes ces ressources que vous mettez à disposition. Est-ce que vous savez s’il y a d’autres associations comme vous, dans le Collectif CHATONS, qui ciblent les jeunes, que ce soit étudiants, lycéens, collégiens, en plus de Picasoft et La Contre-Voie ? Envisagez-vous, peut-être, de vous coordonner ou de mettre encore plus en commun toutes les ressources ? C’est une question que je vous pose.
Audrey Guélou : C’est terrible, mais je suis incapable de citer un autre chaton s’adresse en particulier aux jeunes.
Isabella Vanni : Framasoft !
Audrey Guélou : Oui, tu as raison, Framasoft, absolument ! Il faut absolument aller voir sur chatons.org, il y a des chatons qui s’adressent aux publics plus jeunes. Pour ce qui est de la coordination entre chatons...
Isabella Vanni : Ou d’un groupe dans le collectif pour pouvoir s’entraider, partager éventuellement des expériences, des pratiques. Je ne sais pas !
Audrey Guélou : Au niveau de la coordination, je pense à l’initiative UPLOAD lancée par Framasoft, UPLOAD, un nouvel acronyme, pour Université Populaire, Libre, Ouverte, Autonome et Décentralisée, qui est donc ce projet pour justement créer des réseaux de personnes qui font de l’éducation populaire notamment sur les sujets du numérique. Dans cette initiative UPLOAD il y a eu par exemple, le MOOC CHATONS, ce cours en ligne de CHATONS qui a été mis en place. Cette initiative est tout de même une initiative pour justement coordonner des personnes qui œuvrent dans l’éducation populaire aux enjeux du numérique. En effet, pour tous les chatons comme La Contre-Voie et Picasoft qui œuvrent dans ce domaine-là auprès de publics jeunes ou moins jeunes, eh bien ça peut être une bonne initiative autour de laquelle se regrouper.
Neil : Je souhaite ajouter qu’il y a aussi d’autres structures. On a vu Framasoft, mais il y a aussi Animafac ou Marsnet qui organisent des formations. D’ailleurs c’est un sujet sur lequel on a déjà échangé avec les chatons, à plusieurs reprises, parce qu’on s’est aperçu que, tout simplement, dans l’acronyme CHATONS, il y a « collectif d’hébergeurs ». Donc ce sont avant tout des structures qui hébergent des services et qui font assez peu de formation, comme tu l’as souligné. En tout cas on espère que cette initiative d’aller vers les publics, sensibiliser de nouveaux publics, se démocratise un petit peu plus au sein des chatons
Il y a également pour ça le projet Emancip’asso, réalisé par Framasoft en collaboration avec Animafac, pour créer une formation sur plusieurs jours qui serait entièrement financée par des partenaires, qui serait libre d’accès notamment pour les chatons, qui permettrait de former, finalement, les personnes qui hébergent des services au sein de CHATONS, à l’éducation populaire, à la transmission de connaissances et à l’accueil de publics non initiés. J’espère, en tout cas j’ai assez hâte que Emancip’asso démarre parce que ça a l’air vraiment bien.
Isabella Vanni : Vous avez bien fait de rappeler ces formidables initiatives. Ça permettra effectivement d’outiller, de donner des compétences supplémentaires aux personnes et aux structures qui hébergent des services éthiques et qui veulent aller plus loin avec des actions de sensibilisation.
Tout à l’heure, Audrey, tu as parlé de Mattermost, du fait que les membres sont à disposition sur ce salon de chat pour pouvoir répondre, éventuellement, aux questions des personnes. C’est justement la question que je voulais poser. Vous faites des conférences, vous proposez des formations ou des ateliers : quels sont les retours des personnes qui participent à ces conférences, à ces formations ? Est-ce que vous leur demandez ce qu’elles en pensent ? Est-ce qu’il y a des retours ? Est-ce qu’elles vous écrivent ? Est-ce qu’elles veulent en savoir plus ? Comment se passe le follow-up, c’est-à-dire les actions post-action ?
Audrey Guélou : Plus personne de l’UTC ne nous parle, ça ne va pas du tout ! Je plaisante ! Oui, en effet, on a de bons retours des étudiants et des étudiantes qui assistent aux conférences et aux ateliers, en général ça se passe bien. Je pense en particulier aux étudiantes et étudiants qui participent aux activités pédagogiques d’inter-semestre, ces formations d’une semaine à l’UTC, par exemple à l’initiation à GNU/Linux. On a des étudiants et des étudiantes qui, ensuite, veulent rejoindre Picasoft parce que le sujet leur a plu, la convivialité au sein de l’association, les sujets leur ont plu. À ma connaissance, on ne fait pas de sondages à chaque fois pour savoir si ça a plu ou non, mais c’est vrai qu’on est tout de même assez attentifs aux retours, notamment sur Mattermost où on a un canal de discussion, le canal général. Dans l’équipe Picasoft, on a 600/700 personnes avec lesquelles discuter, qui peuvent aussi nous faire des retours sur les activités passées. Voilà ce à quoi je pense immédiatement.
Isabella Vanni : De bons retours.
Neil : De notre côté on a la possibilité, grâce à 42, d’avoir un formulaire de commentaires pour chacune de nos conférences, donc on en profite. On a effectivement pas mal de retours après chacune de nos conférences. Généralement les retours sont globalement plutôt très positifs, même sur des sujets très divers, on a invité, par exemple, La Quadrature du Net ou Exodus Privacy. On a toujours eu des retours assez positifs et intéressés par rapport à nos activités.
Je n’irais pas jusqu’à dire que ça emmène systématiquement à la contribution. Même si les personnes sont intéressées par les enjeux de l’association et souhaitent, éventuellement, se dégafamiser à leur petite échelle, ces personnes n’ont pas forcément le temps ni l’envie de s’impliquer dans toutes les activités de l’association, l’organisation de stands, etc., notamment parce que ces personnes ne se sentent pas légitimes de porter ces enjeux elle-mêmes. C’est un énorme travail ; on doit travailler pour permettre aux personnes de se sentir un peu plus à même de porter ces enjeux et aussi de leur permettre d’avoir le bagage culturel nécessaire pour éventuellement organiser des conférences à leur tour. Je pense que c’est vraiment un des plus gros enjeux qui font aussi de l’éducation populaire dont on parlait tout à l’heure, sur lequel on doit encore progresser.
Isabella Vanni : C’est effectivement un autre enjeu très important pour une association : comment garantir sa pérennité si on pense que ça en vaut la peine, si on pense que la mission est juste. C’est important aussi de continuer à avoir des membres actifs, des bénévoles qui portent les actions. Tu parlais de la possibilité, éventuellement, de recruter de nouveaux contributeurs, de nouvelles contributrices. L’April est aussi une association, donc est confrontée à cet enjeu. C’est important aussi, peut-être, d’essayer d’animer son propre réseau de membres, de soutiens actifs. Que faites-vous pour garder la flamme ?
Neil : On arrive à la garder, la faire passer est plus difficile ! On essaye d’organiser des campagnes de recrutement, plutôt des appels à l’aide, on va dire, des appels à contribution après nos conférences, par exemple.
Il y a effectivement des personnes qui nous ont rejoints ponctuellement sur quelques mois. C’est difficile de faire durer cet engagement, notamment parce qu’on est dans un contexte d’association étudiante, je ne sais pas si vous avez les mêmes problématiques à Picasoft. Les étudiantes et les étudiants sont effectivement de passage à l’école, donc restent peut-être un an, un an et demi et après c’est la fin de leur cursus. Le temps que ces personnes-là puissent acquérir tout le bagage culturel que nous avons à transmettre, qui doit forcément être maîtrisé par les personnes qui souhaitent représenter ces enjeux, eh bien ces personnes ont déjà fini leur cursus, donc elles ne peuvent plus vraiment contribuer à l’association. Comme je dis, c’est là où on a une certaine marge de progression.
Après, je ne sais pas trop comment ça va se passer quand on va quitter notre école, quand on va être confrontés à un public qui est certainement beaucoup plus large, mais beaucoup plus fluctuant. On n’aura pas un public particulièrement fixe, je pense que ce sera encore plus difficile de recruter des contributeurs et des contributrices. Il va falloir qu’on réfléchisse à cette question un peu plus sérieusement.
Isabella Vanni : En même temps c’est un beau chantier. C’est un chantier ambitieux, assez enthousiasmant. Tout est nouveau, vous avez tout à construire ! C’est compliqué, mais ça donne aussi envie, ça motive.
Neil : On va vers l’inconnu.
Isabella Vanni : Côté Picasoft, quelle est votre façon de garder la flamme, d’animer votre réseau interne ?
Audrey Guélou : La flamme brûle effectivement beaucoup à Picasoft. On a les mêmes enjeux liés à l’ancrage étudiant, tu le disais bien, Neil, le turn-over. Quand les étudiants arrivent à l’UTC ils vont être un semestre en stage, un semestre en Erasmus. C’est vrai qu’on a ce souci-là, cet inconvénient d’avoir un ancrage à l’UTC assez fort.
L’avantage c’est qu’on a aussi une visibilité, disons, ponctuelle : à chaque début de semestre, il va y avoir un grand évènement à l’UTC qui est la Journée des associations. C’est le moment où, justement, ranimer la flamme : on va présenter l’association, avoir un stand et essayer d’attirer du monde selon les affinités avec les sujets. S’ils ou elles préfèrent faire de la technique, animer des ateliers, faire de la radio ou simplement participer à la communication autour de Picasoft, on va essayer de voir comment chacun/chacune peut trouver sa place si un sujet l’intéresse, donc pendant des évènements ponctuels comme la Journée des associations.
On a ensuite les conférences, les ateliers, en fait des moments en présence de Picasoft. Là on va essaye de montrer que chacun/chacune peut s’investir à sa mesure au départ. On essaye de rendre ces moments-là très prolifiques pour recruter du monde.
Pour ce qui est de la pérennité de l’association, pour répondre justement un petit peu à cet enjeu-là de pérennité de ce que l’on fait, il y a un wiki de Picasoft.
Isabella Vanni : Peux-tu rappeler ce qu’est un wiki, pour le public qui ne connaîtrait pas ?
Audrey Guélou : Oui. Le wiki ça part du wiki de l’encyclopédie. En fait, c’est un site web qui va essayer de structurer l’ensemble des connaissances qui vont être relatives à un sujet, à un thème. Ici à l’association, dans le wiki de Picasoft, on trouve comment fonctionne l’association, comment fonctionne sa trésorerie, comment fonctionnent ses machines, comment lancer une activité, comment lancer un plan de communication. Tout a été détaillé.
Isabella Vanni : De la documentation. Très importante, la documentation.
Audrey Guélou : De la documentation, tout à fait. C’est un travail à chaque fois. On y pense dans un second temps. Heureusement certains et certaines membres insistent pour qu’on y travaille, je pense notamment à Quentin qui a fait notamment ce travail sur le wiki de Picasoft, il n’est pas tout seul mais tout de même. Il a insisté pour que beaucoup de nos pratiques et de nos activités soient capitalisées sur ce wiki, donc forcément ça aide à accueillir les nouveaux et les nouvelles qui nous rejoignent. Si elles et ils ont des questions on en parle, mais les pratiques sont documentées et, à priori, si d’un coup tous les anciens et les anciennes s’en vont, l’association peut toujours fonctionner, s’il y a des bras, bien sûr.
Isabella Vanni : Tu as parlé tout à l’heure de la Fête de la science qui va bientôt arriver. Avez-vous prévu des actions ? Ma prochaine question est : quelles sont les actions ou les évolutions à venir prochainement ou d’ici quelques années ? Je sais que le chantier est très vaste pour La Contre-Voie. Chez Picasoft, j’imagine que vous faites quelque chose pour la Fête de la science. Est-ce qu’il y a d’autres projets importants à venir ?
Audrey Guélou : On va dire qu’en général les projets de Picasoft c’est de continuer à faire ce qu’on sait faire à peu près, toujours organiser des conférences, des ateliers, des émissions de radio. Pour la Fête de la science, et je pense en général pour toutes nos actions, c’est vrai qu’on va davantage prendre en compte et insister sur les sujets liés aux enjeux environnementaux liés au numérique, c’est-à-dire comment on va repenser la conception d’un outil selon les impacts qu’il peut avoir, les impacts sur l’environnement et sur la société en général, en particulier sur l’environnement. Déjà essayer de comprendre quels sont les impacts des outils numériques sur l’environnement et ensuite essayer de voir comment on peut influencer la conception d’outils pour avoir des outils plus soutenables.
Ces questions-là vont être davantage présentes dans les actions de Picasoft, vraisemblablement notamment à la Fête de la science où des ateliers prévus sont en construction et vont concerner principalement ces sujets-là.
Isabella Vanni : Et pour La Contre-Voie, quels sont les projets et évolutions à court terme et à moyen terme ?
Neil : Déjà nous serons présentes et présents au Capitole du Libre pour une conférence et un stand, c’est casé. Le Capitole du Libre, je crois que c’est le 22 et 23 novembre, si je ne dis pas de bêtise.
Isabella Vanni : Je crois que c’est plutôt le 19 et 20 novembre à Toulouse, tu étais très près.
Neil : Exactement. Notre but c’est aussi de cibler, en tout cas de s’adresser à des publics et aussi à la communauté du Libre parce que ça fait du bien de se retrouver entre militantes et militants et finalement de faire ensemble avec d’autres personnes qui partagent les mêmes idées, les mêmes enjeux.
Ensuite, à court terme, on va déménager. Actuellement notre siège social est toujours à 42, on aimerait sortir l’association de 42. On est en cours de déménagement, à titre personnel, donc on va certainement faire venir l’association avec nous, d’ici peut-être quelques semaines.
Et puis il y a toujours le chantier vis-à-vis du site web et du renommage, du changement de nom de tout ce qu’on a écrit avec 42L ; il faut que ça devienne La Contre-Voie et ça prend un temps assez phénoménal.
Voilà les chantiers sur lesquels nous allons travailler les prochaines semaines.
Isabella Vanni : À propos de Picasoft et de La Contre-Voie, je vous ai invités, mais en fait vous vous étiez déjà rencontrés par le passé, c’est-à-dire que vous avez déjà eu l’occasion de faire quelque chose ensemble. Neil, tu souhaites peut-être en parler ? Audrey, tu peux bien sûr rebondir.
Neil : Oui, on a travaillé ensemble sur un atelier de sensibilisation, par exemple avec Starting block, lors des webinaires Provox.
Isabella Vanni : Peux-tu nous dire un peu qui est Starting block ?, expliquer un peu au grand public.
Neil : Starting block est une association d’éducation populaire qui a pour but de sensibiliser les publics. Je ne sais pas exactement quels sont les détails de ses activités, en tout cas on a eu plusieurs occasions de travailler ensemble, donc on nous a proposé d’organiser un webinaire en ligne parce que c’était pendant le covid, notamment avec Framasoft et une autre personne de change.org. On a travaillé sur les enjeux démocratiques des données personnelles. Évidemment on a eu l’occasion de se voir aux JDLL, à toutes les conventions annuelles du Libre, par exemple à Pas Sage en Seine à Choisy-le-Roi. On se croise régulièrement et ça fait du bien de se retrouver, de voir des associations qui font un petit peu les mêmes choses, avec un petit peu le même public. C’est très agréable, c’est très motivant, je pense que c’est aussi pour ça que le collectif existe.
Audrey Guélou : Je confirme.
Isabella Vanni : Très bien. Un autre aspect que je voulais aborder, ce n’est pas le cas pour 42 parce qu’il n’y a pas d’enseignants, tu l’as rappelé, mais j’imagine que vous rencontrerez des enseignants au moment où vous proposez des conférences, des formations auprès de classes. Pour Picasoft, tu disais qu’il y a un petit noyau d’enseignants qui sont déjà très sensibilisés au logiciel libre, qui ont été des alliés voire des fondateurs de l’association. Est-ce qu’il y a des retours de la part des autres enseignants, ceux qui ne sont pas sensibilisés, quand vous faites des formations auprès d’étudiants ? Ils restent dans un coin ? Ils participent ? C’est aussi ça le problème. Les étudiants apprennent de nouvelles choses, ils prennent conscience grâce à l’éducation populaire des enjeux liés au numérique, mais il faut aussi que les enseignants ne les obligent pas à utiliser des outils privateurs sinon c’est un peu un contresens.
Audrey Guélou : Ça dépend des cours. En effet, parfois dans certains cours, je pense en mécanique, les étudiants et les étudiantes doivent utiliser des outils propriétaires, c’est ainsi. L’idée à l’UTC, en tout cas ce que l’on fait avec Picasoft, on n’essaye pas de renverser complètement la balance et d’imposer une hégémonie du Libre à l’UTC. On montre que ça existe. On essaie de faire manipuler des alternatives libres, de montrer qu’on a le choix, de montrer que l’on peut utiliser tel outil à la place d’un autre. En effet, dans certains cours, il est possible de tenir un cours, d’organiser des exercices avec des outils libres, dans ce cas-là c’est bienvenu.
Ce n’est pas la guerre à l’UTC à propos du logiciel libre. Il n’y a pas de conflit à avoir au sens où on va montrer que certaines alternatives existent et vont être utilisées dans des cours. C’est à priori impossible dans d’autres. C’est ainsi ! Mais il n’y a pas de résistance à proprement parler envers ces initiatives qui poussent à amener davantage de Libre dans le cursus ingénieur.
Isabella Vanni : En tout cas ce serait super d’avoir un chaton dans chaque université !
Notre temps arrive à sa fin. Avant de terminer notre échange, j’aimerais poser la question emblématique de fin, c’est-à-dire quel message-clé souhaiteriez-vous que le public retienne ? C’est le moment de partager quelque chose qui vous tient à cœur, qu’on n’a peut-être pas abordé au cours de l’échange. C’est votre moment en deux minutes environ. Neil, veux-tu commencer ?
Neil : Ces dernières semaines, on a réfléchi en interne, on a fait le choix, on a décidé d’élargir nos plateformes de communication pour nous adresser à des publics qui ne sont pas sur Mastodon. Mastodon est un réseau social fédéré, une alternative à Twitter, une alternative libre à Twitter et décentralisée. On a réfléchi en interne et on s’est dit que, si on veut sensibiliser à des publics non initiés, Mastodon n’est peut-être pas le meilleur lieu pour sensibiliser des non libristes, on va dire des personnes qui ne défendent pas forcément bec et ongles les enjeux du numérique comme on pourrait le faire. On s’est dit qu’il fallait aller chercher les publics là où ils sont pour les aider à choisir des logiciels qui vont mieux protéger leurs libertés fondamentales et leurs libertés numériques. Très récemment on a décidé de créer un groupe Discord afin d’accueillir spécifiquement le public étudiant.
Isabella Vanni : Je ne connais pas trop Discord et peut-être que nos auditeurs ne le connaissent pas non plus. Pourrais.tu nous préciser ce que c’est ?
Neil : Discord est un logiciel de messagerie instantanée, comme WhatsApp ou plutôt Skype, privateur, totalement propriétaire, qui fait un usage qui n’est pas forcément très éthique de nos données, évidemment. On s’est aperçu que beaucoup d’étudiantes et étudiants utilisent Discord. Si on arrive à toucher ces publics-là à travers, par exemple, de la veille technologique ou de la veille politique informationnelle qu’on organiserait généralement sur Discord, ou faire en sorte que ça soit une porte d’entrée vers nos activités, ça permettrait à ces personnes-là de s’ouvrir un petit peu à ce qu’on a à leur proposer.
De la même manière, nous aimerions potentiellement créer un compte sur Instagram ou sur d’autres plateformes qui ne sont pas du tout propices au partage des enjeux du logiciel libre parce que ce sont des plateformes privatrices, mais sur lesquelles nous pourrions nous développer de façon à faire de la contre-influence, donc continuer à faire ce qu’on a toujours fait à La Contre-Voie.
Isabella Vanni : En détourner l’usage, finalement, pour sensibiliser à vos enjeux, aux enjeux du logiciel libre.
Neil : D’une certaine manière oui, exactement.
Isabella Vanni : Merci. Audrey, un mot de la fin.
Audrey Guélou : Dire que lorsqu’on commence à se poser des questions vis-à-vis des outils numériques que l’on utilise, c’est le point de départ d’actions individuelles ou collectives pour se réapproprier les outils. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas d’impuissance, de fatalité à se dire « de toute façon je vais utiliser des outils propriétaires puisque je n’ai pas le choix et que je ne sais pas faire autrement ». Non ! Il y a la possibilité d’aller voir un chaton local, de se rendre sur chatons.org et d’aller voir les organisations qui sont près de chez soi, d’aller parler à des humains qui travaillent sur ces questions-là. Si on a envie de se poser ces questions-là et de se réapproprier les outils numériques pour être capable, encore une fois, de les choisir en toute connaissance de cause, de savoir ce qu’ils font de nos données, etc., eh bien se dire que c’est possible sans connaissances techniques, même en ayant l’impression que l’on n’y connaît rien. Ce n’est pas vrai, on y connaît déjà beaucoup de choses et avec le lien humain qui se crée dans les chatons, dans ces collectifs-là, on apprend énormément, on apprend de façon conviviale et avec beaucoup de plaisir, comme tu le disais Neil. Ça commence par là et c’est comme ça, ensuite, que l’émancipation arrive.
Isabella Vanni : Aujourd’hui il y a plein d’acteurs, ils sont visibles, vous pouvez les trouver. Si vous voulez en savoir plus pour vous émanciper, notamment sur ces questions, n’hésitez pas. On l’a dit, il y a les chatons, mais il y a aussi les groupes d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, il y a l’Agenda du Libre où vous pouvez trouver des évènements près de chez vous. N’hésitez pas, aujourd’hui c’est possible, c’est visible, vous avez toutes les informations, allez-y.
Audrey Guélou de Picasoft, Neil de La Contre-Voie, je vous remercie beaucoup pour votre participation. Je vous souhaite une très bonne continuation pour vos projets.
Audrey Guélou : Merci beaucoup Isabella. Merci Neil. Merci à l’April et à la radio.
Neil : Merci.
Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Isabella Vanni : Après la pause musicale nous entendrons la chronique « La pituite de Luk », la première de la saison 6.
Nous allons écouter Laughing Along par Square People. J’ai choisi ce morceau un peu fou-fou parce que je l’aime bien et je trouve qu’il introduit bien le sujet suivant. On écoute Laughing Along par Square People et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles
Pause musicale : Laughing Along par Square People.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Laughing Along par Square People, disponible sous licence libre Creative Commons CC By 3.0.
[Jingle]
Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l’April. Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » intitulée « Je suis un boomer »
Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « La pituite de Luk », la première de la saison 6. Le titre : « Je suis un boomer ». La chronique a été enregistrée hier. Je vous propose de l’écouter, on se retrouve juste après.
[Virgule sonore]
Luk : J’ai 50 ans depuis quelques mois, mais ce n’est que récemment que j’ai réalisé que je suis né à la toute fin du baby-boom. Je croyais que c’était réservé à la génération de mes parents, mais, en réalité, je suis un boomer de plein droit.
Je dois admettre que j’ai quand même un peu raté ma vie, car je n’ai aucune breloque qui pendouille à mon poignet. J’ai du mal à endosser soudainement ce costume de boomer. J’ai l’impression d’avoir des lacunes à combler. Peut-être qu’en réalité je n’en ai pas besoin de tout ça et que j’ai déjà eu droit à un « OK boomer » dans mon dos mais à mon âge, si mes oreilles sifflent, je ne sais pas si c’est à cause du mal qu’on dit de moi ou juste de mes acouphènes.
Quoi de mieux que la bagnole pour rattraper mon retard ? La bagnole c’est un truc de vieux. Seuls eux en achètent des neuves. Allégoriquement, notre société est un boomer blasé dans un gros SUV qui fonce dans un mur.
Dans une de mes pituites visionnaires, j’expliquais que la vraie réussite c’était de pouvoir tuer des gens impunément. Or, le crime parfait existe, il suffit de rouler sur quelqu’un et de dire « oups pardon, je ne l’avais pas vu, j’étais bourré ».
C’est ce que semble regretter Thibaut Emme du Blog Automobile. Il y rapporte une affaire de ce type où le tueur s’était donné toutes les chances de réussite avec de l’alcool dans le sang, de la cocaïne dans le nez et un volant entre les mains. Il s’en est sorti avec deux ans de sursis. Je parie que Thibaut a bien moins de 50 ans et souffre d’un manque chronique d’ambition pour s’insurger si naïvement.
Un boomer accompli achète une bagnole grosse et puissante parce que ça lui fait le kiki tout dur. Il prend un excès de confiance et se crashe plus souvent que s’il avait eu une petite voiture. S’il a coché la case SUV ou même, mieux, pick-up américain, il optimise son Kill Ratio sur les piétons en les heurtant à la tête et au thorax au lieu de leur casser médiocrement les genoux.
Mais il y a une exception. Tesla arrive à convaincre des non-boomers de casser leur tire-lire. « Cette bagnole marche à pile, elle ne pollue pas ! » En fait, il s’avère que les pneus eux-mêmes sont plus polluants que les gaz d’échappement. Rouler électrique ne dispense donc pas du doux sentiment de réussite que procure la possession d’un gros truc puissant qui tue des gens. Et je ne parle pas recyclage, qui se soucie de l’avenir de toute façon ?
Et puis, électrique ou non, une caisse est une caisse. Cela perpétue le monde absurde forgé par les boomers honnis. Le CX optimisé d’une Tesla ne la fait pas rouler plus vite dans les embouteillages et elle requiert toujours de déplacer 25 kg de bagnole pour 1 kg de passager.
« Oui, mais c’est aussi un véhicule intelligent qui se conduit tout seul », objectera le fan-boy. Faut voir ! Tesla a fait exploser le prix du service, viré 200 personnes dans ses équipes spécialisées et l’État de Californie lui agite des menaces légales sous le nez au titre que « Autopilot » est un nom trompeur qui amènerait les conducteurs à toutes les imprudences. Elle est où la différence avec le boomer qui se croit invulnérable dans son SUV ? Je ne la vois pas !
Les fan boys objecteront à nouveau que Tesla, c’est du pur génie sur pneus, la digitalisation de l’automobile. Ils auront raison et c’est bien ça qui prouve que les boomers sont toujours à la pointe. Ainsi Mario Zelaya, un Canadien excédé par sa Tesla, affirme qu’il est sommé de claquer 26 000 dollars pour changer ses batteries qui fuient. En attendant, il est kickban de sa propre voiture. Pour la refourguer, il a dû refaire sa carte grise. Il ne l’a pourtant pas perdue, elle est juste enfermée dans sa bagnole.
J’ai également découvert Deus Ex Silicium, un youtubeur interviewé sur la chaîne Underscore. Cet ingénieur démonte les équipements électroniques pour les étudier et dénonce souvent des arnaques. Il y explique, en rigolant, avoir renoncé à examiner l’intérieur de sa clé de Tesla sous la menace de se faire punir par le constructeur. Sa voiture n’est pas tout à fait la sienne mais ça n’a pas l’air de déclencher son talent de pourfendeur d’escroquerie.
Et puis il n’y a pas que Tesla. BMW en prend de la graine puisque la marque propose désormais l’option siège chauffant sous forme de location. Je pense que la prochaine étape sera de se faire séquestrer dans sa voiture, ligoté avec la ceinture de sécurité, forcé à regarder 15 minutes d’élucubrations de Musk pour pouvoir démarrer ou quitter le véhicule. Et ,ans l’hypothèse où on n’aurait pas payé son abonnement, le siège robotisé nous prélèvera un rein pour le détenir en otage dans un bac relié à la clim jusqu’au moment où un esclave d’Amazon viendra en prendre livraison pour le revendre sur le marché de l’occase.
Les Tesla fan-boys et apparentés ne sont rien d’autre que des pré-boomer. « OK boomer » devrait être entendu comme la reddition au modèle auquel tout le monde aspire finalement. Le monde est quand même bien fait.
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Isabella Vanni : Vous êtes de retour en direct sur radio Cause Commune. Nous venons d’écouter la première chronique de la saison 6, « La pituite de Luk », enregistrée hier. Ça démarre fort aussi.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
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Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Isabella Vanni : Le projet GNU lancé en 1983 par Richard Stallman fête aujourd’hui ses 39 ans. Cet anniversaire est important pour le monde du logiciel libre. GNU est, en fait, un ensemble de logiciels qui constituent le système d’exploitation 100 % libre GNU/Linux. On ajoute Linux, car le système utilise le noyau créé par cet autre projet. Le système d’exploitation GNU/Linux est utilisé par les distributions Debian, Ubuntu, Mageia, Fedora et plein d’autres.
Le GNU Hackers Meeting aura lieu le week-end des 1 et 2 octobre 2022 à Izmir, en Turquie ; ça fait un peu loin, je vous l’accorde. Si on l’annonce ici c’est que des conférences seront, à priori, accessibles à distance. Consultez le site gnu.org pour les détails.
Toujours le week-end des 1 et 2 octobre 2022, mais beaucoup plus près, cette fois à Paris, auront lieu les Journées Open Food Facts 2022. Open Food Facts est un projet collaboratif dont le but est de constituer une base de données libre et ouverte sur les produits alimentaires commercialisés dans le monde entier. Les Journées Open Food Facts sont organisées pour encourager les échanges entre les contributeurs et contributrices sur le plan du développement et/ou de la réutilisation des données.
Si vous souhaitez libérer votre ordinateur mais que vous n’avez pas les compétences pour le faire, profitez des événements organisés par les GULL, les groupes locaux d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, ainsi que par les autres associations de promotion du Libre. En Île-de-France cette semaine, vous avez quatre rendez-vous ouverts à tout le monde :
- à Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne, mardi 27 septembre, de 19 heures à 22 heures ;
- à l’université Paris 8 Saint-Denis, jeudi 29 septembre, de 10 à 17 heures ;
- à Vanves, Hauts-de-Seine, samedi 1er octobre, de 9 heures 30 à 18 heures ;
- et à Saint-Cyr-l’École, dans les Yvelines, toujours samedi 1er octobre, de 14 heures à 17 heures.
Vous pouvez consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver les détails de ces rendez-vous ainsi que les autres événements en lien avec les logiciels libres ou la culture libre près de chez vous.
Notre émission se termine. Vous entendez déjà le générique.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Audrey Guélou, Neil, Jean-Christophe Becquet, Luk.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Étienne Gonnu.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera les podcasts complets en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site de la radio causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi les points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 4 octobre 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur DevOps. De quoi s’agit-il ? Si dans les métiers de l’informatique on distingue généralement le développement logiciel et l’administration des infrastructures, le DevOps est une pratique consistant à unifier ces deux aspects au sein d’une même pratique et d’un même métier.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 4 octobre. D’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.