Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Panama Papers, Uber Files, peut-être que cela vous dit quelque chose. Cela vous évoque peut-être l’évasion fiscale, la corruption, le travail d’investigation fait par des journalistes, un travail d’enquête qui peut nécessiter l’usage de logiciels et, justement, aujourd’hui notre sujet principal portera sur les logiciels libres pour les journalistes d’investigation. Avec également, en début d’émission, la chronique de Gee, « Canonical a 20 ans », et, en fin d’émission, la chronique de Vincent Calame, « Un journalisme héroïque ».
Soyez bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’émission, c’est libreavous.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 19 mars 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission du jour Élise. Bonjour Élise.
Élise : Bonjour à tous.
Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute
[Jingle]
Chronique « Les humeurs de Gee », « Canonical a 20 ans »
Frédéric Couchet : Gee, auteur du blog BD Grise Bouille, nous expose son humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-internet de notre classe politique – d’ailleurs, je crois que Najat Vallaud-Belkacem a fait une sortie récente à ce sujet –, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique. Le thème du jour : « Canonical a 20 ans ».
Bonjour Gee.
Gee : Bonjour et salut à toi, public de Libre à vous !.
Pour commencer cette chronique, je te propose une petite devinette. Attention. Top ! Je suis un milliardaire sud-africain âgé d’une cinquantaine d’années. Au début des années 2000, je deviens le deuxième touriste de l’espace et je fonde, dans la foulée, une entreprise dans le milieu de la tech, je suis, je suis ? Eh non, je ne suis pas Elon Musk, fondateur de SpaceX et grand Zinzin de l’espace ayant méthodiquement flingué Twitter, mais bien Mark Shuttleworth, le fondateur de Canonical, l’entreprise développant la distribution GNU/Linux Ubuntu.
J’ai un peu triché, car Shuttleworth n’est plus milliardaire aujourd’hui, sa fortune n’étant plus que d’un demi-milliard ! Le nullos ! Et puis, j’avais aussi oublié cette histoire de tourisme spatial. À l’époque où j’avais découvert Ubuntu, ça m’avait fait marrer que le fondateur ait fait joujou dans une navette spatiale. Bon. Depuis, j’ai lu Pablo Servigne. Ça me fait beaucoup moins marrer maintenant !
Allez, je ne vais quand même pas cracher sur Shuttleworth pendant toute la chronique. Vous n’allez pas tomber de votre chaise si je vous apprends que je ne porte pas spécialement les milliardaires, ou demi-milliardaires, dans mon cœur, mais, si je devais en sauver un, ce serait sans doute Mark Shuttleworth, car on lui doit donc, comme je le disais, Ubuntu, via Canonical, sa société fondée il y a tout juste 20 ans, le 5 mars 2004. Oui, je vous assure, 2004, c’était il y a 20 ans. Oui. Face à la mer de Calogero et Passi, c’était il y a 20 ans, oui, « Calo-Passi 2.0.0.4. action », c’est littéralement dans les paroles.
Bon, et moi, autant en 2004, j’étais encore au lycée à pirater des licences de Guitar Pro sur Windows XP pour lire les tablatures du dernier Linkin Park, autant, en 2007, j’étais en classes prépas et je découvrais Ubuntu. Il faut dire qu’à l’époque Windows Vista arrivait et, vu les retours que les gens en faisaient, j’avais à peu près autant envie de le choper que de choper des chlamydias ! C’est donc mon ami Nicolas, que je salue au passage, qui m’a fait boire ma première gorgée de potion magique en me filant un CD de Feisty Fawn, la version d’Ubuntu de l’époque.
Je me souviens encore de cette sensation de découvrir un autre monde en lançant ce système GNU/Linux sur mon premier PC portable que j’avais eu pour Noël. J’arrivais de Windows XP, avec ses couleurs froides, bleues, vertes, moches, cet aspect aseptisé, avec ses polices mêmes pas lissées d’ailleurs… et là, je lance Ubuntu, et soudain…
[Bruit de tamtams]
Gee : Ah, ce bruit ! C’est ma petite « madeleine de Proust » de libriste. Je le vois encore, ce thème aux couleurs chaudes, avec ses reflets bruns et orangés, ses polices lissées, ses effets de bureau incroyables… et, parfois, un peu exagérés. Oui, j’ai eu mon bureau en cube en 3D, avec Beryl et Compiz, comme à peu près tout le monde à ce moment-là. Les fenêtres qui se déforment comme des feuilles de papier quand on les bouge et qui s’enflamment quand on les ferme ! C’était le bon temps !
Alors oui, Ubuntu a changé par la suite, a adopté des couleurs plus froides, des teintes violacées et un ton plus sobre, parce qu’il fallait faire pro, sérieux, évidemment ! Et moi aussi, j’ai changé, d’ailleurs en essayant plein d’autres distributions, la fameuse Debian sur laquelle est basée Ubuntu pendant un temps, Fedora pendant mes années de doctorat, et puis Linux Mint depuis pas mal d’années, une version dérivée d’Ubuntu que je trouve mieux foutue et plus agréable à utiliser.
N’empêche, n’empêche ! On a beaucoup ironisé sur Ubuntu, en disant que c’était un mot africain qui signifiait « je n’arrive pas à installer Debian ». Alors c’est vrai, Ubuntu est bien un mot africain, plus précisément issu des langues bantoues d’Afrique centrale, orientale et australe – merci Wikipédia – mais qui désigne la notion suivante : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes toutes et tous ». Et ça, quand même, je trouve que ça claque !
À l’époque où je m’y suis mis, Ubuntu se targuait d’être un Linux for human beings, « un Linux pour les êtres humains », carrément ! Non pas que les geeks qui avaient réussi à installer Debian et compagnie n’étaient pas des êtres humains, mais approcher d’une interface en ligne de commande sans trembler des genoux, ce n’est pas forcément donné à tout le monde. Et Ubuntu reste LA distribution qui a rendu accessible GNU/Linux et, par extension, tout un pan du logiciel libre, à plein de personnes, moi compris. Si, aujourd’hui, on a des GNU/Linux aussi conviviaux, faciles d’installation et d’utilisation, c’est sans doute en partie grâce à Ubuntu ; si de nombreux logiciel grand public, même propriétaires, proposent aujourd’hui des versions GNU/Linux – Spotify, Discord, Zoom, tout un tas de jeux vidéos –, c’est sans doute en partie grâce à Ubuntu.
Il y a des gens qui ne sont pas contents qu’on ait du propriétaire sur GNU/Linux, mais force est de constater que ça aide à la transition.
Enfin, si le logiciel libre arrive parfois à se faire une place dans les services publics français, malgré le lobbying de Microsoft, c’est aussi en partie grâce à Ubuntu. Eh oui, la Gendarmerie nationale, en France, utilise Ubuntu depuis 2008, enfin GendBuntu, une version dérivée et adaptée aux besoins de la Gendarmerie –en gros, ils ont mis un thème bleu gendarme ! On connaît un paquet d’autres institutions, en France, qui feraient bien d’en prendre de la graine, mais on n’est pas là pour parler du ministère de l’Éducation nationale ou du ministère de la Santé ou du ministère des Armées, bref !
On peut reprocher tout un tas de trucs à Ubuntu :
sa promotion du système Snap centralisé, qui fragmente le système et casse la philosophie de sobriété de GNU/Linux ;
le fait que Canonical bosse un peu tête baissée sans trop collaborer avec les autres organisations ;
et puis, évidemment, ses errements comme l’introduction en 2012 de liens publicitaires vers Amazon – mais quelle horreur, sérieux !
Enfin, Canonical et Ubuntu restent, malgré tout, des acteurs majeurs de l’écosystème GNU/Linux et ce n’est pas un hasard si un gros paquet de distributions en sont aujourd’hui dérivées. Difficile d’imaginer ce que serait cet écosystème si Mark Shuttleworth n’avait pas décidé de claquer ses millions dans le développement d’Ubuntu et non dans un énième yacht comme pas mal de ses camarades de classe sociale.
Lors de ma dernière chronique, Libre à vous ! fêtait sa 200e émission et je lui souhaitais une longue vie. Alors, évidemment, je vais souhaiter longue vie à Ubuntu aussi. Vingt ans et, on l’espère, beaucoup d’autres. Parce que, si je devais résumer ma vie avec vous aujourd’hui, je ne dirais pas que ce sont avant tout des rencontres. Non, je pense que je vous dirais tout simplement, : « Ubuntu, je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes toutes et tous ».
Allez, salut.
Frédéric Couchet : Merci Gee pour cette belle chronique. Je crois que la Gendarmerie a fait un peu plus que mettre simplement du bleu !
Gee : Je trollais !
Frédéric Couchet : Pour en être sûr, j’invite les auditeurs et auditrices à écouter l’émission qu’on avait consacrée à la Gendarmerie nationale, avec Stéphane Dumond, une personne en charge de la migration. C’est l’émission 34, donc sur libreavous.org/34. Je vous rappelle qu’il suffit du numéro de l’émission pour retrouver facilement le podcast. Donc la 200e, c’est /200 et, dans la 200e, il y avait une superbe chronique de Gee que je vous invite à écouter au calme parce que c’était assez compliqué à suivre.
Je vous rappelle que le site de Gee, si vous voulez l’aider à devenir milliardaire ou, tout du moins, millionnaire.
Gee : Milliardaire, je vais me détester !
Frédéric Couchet : Exactement ! En tout cas, vous pouvez l’aider, parce que Gee est auteur à temps complet. Son site c’est grisebouille.net, il y a un petit bouton de soutien, donc je vous encourage, évidemment, à y aller pour soutenir le travail de Gee.
Merci Gee. Pas la semaine prochaine, toi ?
Gee : Non, je ne fais pas le Café libre ce mois-ci.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce sera le mois prochain.
Gee : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons de logiciels libres pour les journalistes d’investigation.
En attendant, nous allons écouter K For Kool par Kuromaru. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : K For Kool par Kuromaru.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter K For Kool par Kuromaru, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Cette musique était un choix de Marine Gandy, l’une des personnes qui a participé, fin 2023, à la campagne de financement participatif de la radio Cause Commune, donc un grand merci à elle. Marine avait été notre invitée, en février 2023, pour parler du système de gestion de contenu libre Drupal ; vous pouvez réécouter cette émission sur libreavous.org/167.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer sujet suivant.
[Virgule musicale]
Les logiciels libres pour les journalistes d’investigation avec Caroline Desprat et Maxime Vanza Lutonda du Consortium international des journalistes d’investigation
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter, aujourd’hui, sur les logiciels libres pour les journalistes d’investigation, avec nos deux invités, Caroline Desprat et Maxime Vanza Lutonda, qui font partie du Consortium international des journalistes d’investigation, ICIJ en anglais, avec mon anglais !
N’hésitez pas à participer à notre conversation. Pour cela, vous pouvez aller sur le salon web dédié à l’émission, sur le site de causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, ou sur le site libreavous.org. Vous pouvez également appeler au numéro de téléphone suivant 09 72 51 55 46.
Bonjour Caroline. Bonjour Maxime.
Caroline Desprat : Bonjour.
Maxime Vanza Lutonda : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Nous allons parler de logiciels libres pour les journalistes d’investigation, peut-être que les mots-clés que j’ai employés tout à l’heure Panama Papers, Pandora Papers, Uber Files plus récemment, diront quelque chose aux personnes, on en parlera tout à l’heure un petit peu en détail. On va d’abord commencer par une petite présentation personnelle rapide, pour savoir qui vous êtes. On va commencer par Caroline Desprat.
Caroline Desprat : Merci. Je suis Caroline Desprat, je suis docteur en informatique. J’ai rejoint le Consortium en 2021, en tant que développeuse et, depuis quelques mois, je suis adjointe CTO, directrice technique adjointe. Après un petit stage aux Inrocks et un court passage chez OWNI, j’ai découvert le data journalism, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le Consortium en 2021 et ça a été une sorte d’évidence de pouvoir participer à ce travail entre les journalistes et la tech.
Frédéric Couchet : Avant de passer la parole à Maxime, les gens qui nous écoutent connaissent sans doute les Les Inrocks, par contre les gens ne connaissent pas OWNI. Dans les années 2010, c’était un site d’information français spécialisé dans la culture numérique et qui avait aussi participé à quelques révélations à l’époque, aux alentours de l’année 2010. OWNI c’est avec un « w », c’est « Objet Web Non Identifié », c’est bien ça ?
Caroline Desprat : Tout à fait. C’est un des pure players pionniers dans le data journalism qui a aidé à révéler les Wikileaks, etc., par un travail avec Julian Assange.
Frédéric Couchet : Maxime Vanza Lutonda.
Maxime Vanza Lutonda : Pour ma part, je suis diplômé de l’ENSIIE [École nationale supérieure d’informatique pour l’industrie et l’entreprise], une école d’ingénieur en informatique et, au cours de mon cursus, je me suis concentré sur le traitement automatique des langues. Et, comme j’ai toujours eu un intérêt pour les questions politiques et sociales à travers le journalisme d’investigation, j’ai rejoint l’ICIJ en 2020.
Frédéric Couchet : Aux personnes qui écoutent l’émission Libre à vous ! depuis quelques années, ce n’est pas la première fois que nous recevons des personnes du Consortium. En 2019 ou 2020 – j’ai bien révisé ! –, nous avions reçu et j’avais eu l’occasion d’interviewer rapidement Bruno Thomas et Anne L’Hôte, parce que, à l’époque, l’un des logiciels dont on va parler avait reçu un prix, le prix du Meilleur projet open source remis au Paris Open Source Summit, j’avais donc fait une petite interview de 15 minutes ; là, on va rentrer un peu plus dans le détail.
On va d’abord commencer par expliquer un petit peu ce qu’est ce Consortium international de journalistes d’investigation dont les gens n’ont sans doute pas du tout entendu parler, mais peut-être, si vous nous écoutez, avez-vous entendu parler de certaines révélations plus ou moins récentes, le Consortium existe depuis quelques années. On va peut-être commencer par un rappel de ce qu’est ce Consortium, sa mission puis son fonctionnement, son impact. Qui veut commencer là-dessus ? Maxime.
Maxime Vanza Lutonda : Le Consortium international des journalistes d’investigation, l’ICIJ, est un réseau indépendant de journalistes qui enquêtent sur des affaires internationales. Son objectif est de creuser les problématiques qui ne s’arrêtent pas qu’aux frontières. Les sujets sont autour de la criminalité, de la corruption systémique et de la transparence des pouvoirs, que ce soit dans les institutions publiques ou privées. L’ICIJ s’associe ensuite à des rédactions du monde entier pour révéler et diffuser les affaires.
Veux-tu ajouter quelque chose sur l’organisation ?
Caroline Desprat : Oui, pour compléter. L’ICIJ a commencé en 2013 avec les Offshore Leaks et ça a été une des premières fois où il y a une coordination internationale de cette envergure.
L’ICIJ, c’est aussi une newsroom en ligne, une rédaction en ligne afin, justement, de coordonner tous ces journalistes qui participent aux enquêtes. C’est aussi un endroit où on met en place des outils pour collaborer autour des fuites de données, des documents, on fournit aussi de la formation et, évidemment, une partie essentielle c’est le fact-checking, la vérification des faits qui sont dans les données qu’on récupère.
Frédéric Couchet : D’accord. Pour bien comprendre, c’est un Consortium de journalistes dans le monde entier. Savez-vous, à peu près, combien de journalistes ?
Maxime Vanza Lutonda : Environ 280 actuellement.
Frédéric Couchet : D’accord. C’est assez précis. Est-ce ce qu’il y a des noms de journalistes français, potentiellement connus ?
Caroline Desprat : En fait, les 280 journalistes sont des membres qui ont été recrutés par l’ICIJ sur candidature. Il y a, par exemple, Édouard Perrin, Fabrice Arfi, Aurore Gorius et aussi Maria Ressa qui a partagé le prix Nobel de la paix en 2021.
L’ICIJ ce sont aussi des partenaires. Pour chaque enquête, en fonction de là où se situent les histoires, en fonction du pays, on va faire appel à nos partenaires, par exemple, en France, ça va être une rédaction papier comme Le Monde, Radio France et Premières Lignes qui fait l’émission Cash Investigation.
Après, pour le corps vraiment de l’ICIJ, nous sommes un staff de 40, quasiment la moitié c’est l’équipe tech et data, une partie éditoriale et une partie fundraising, levée de fonds, parce que c’est une organisation à but non lucratif qui est basée sur des dons et sur les réponses d’appels à projet.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce sont donc des journalistes, dans le monde entier, qui travaillent dans l’investigation et à chaque fois, dans les pays, vous menez des partenariats avec un certain nombre de journaux pour leur communiquer, en avant-première, le résultat des enquêtes. Typiquement, par exemple en France, Le Monde, Radio France et puis Premières Lignes, France Inter faisant partie de Radio France, pour rendre visibles ces révélations qui tournent principalement, pour beaucoup, autour de la corruption, de l’évasion fiscale notamment, c’est ce qui vous a rendus, entre guillemets, « célèbres », si j’ose dire. En tout cas, c’est ma vision, peut-être est-elle fausse !
Maxime Vanza Lutonda : Ça a gagné en notoriété surtout grâce aux Panama Papers.
Frédéric Couchet : Justement. Avant de préparer l’émission j’ai demandé autour de moi, j’ai cité quelques noms de vos dossiers, plus ou moins connus en tout cas, Panama Papers, Pandora Papers, Offshore Leaks, Uber Files, et, globalement, ça disait quelque chose aux gens, mais vaguement, sans forcément pouvoir raccrocher précisément. Peut-être qu’on pourrait, sans rentrer forcément dans le détail de chaque, en prendre au moins deux qui ont un petit peu marqué les esprits. Peut-être que celui qui a le plus marqué les esprits, même si ce n’est pas le plus ancien, c’est Panama Papers, justement. Qu’est-ce que c’était que Panama Papers, quel était ce scandale, quelles sont ces révélations ? Maxime.
Maxime Vanza Lutonda : Panama Papers est un scandale qui a eu lieu en 2016. En fait, il y a eu une fuite de documents d’un cabinet d’avocats panaméen, 11 millions de documents ont fuité donnant des détails sur plus de 200 000 sociétés offshore, leurs noms d’actionnaires. Ça impliquait des hommes politiques, des milliardaires, des célébrités et des entreprises dans le monde entier.
Caroline Desprat : Il faut aussi ajouter que le fait de faire des sociétés offshore ce n’est pas interdit par la loi, c’est ce qu’on en fait et c’est surtout que, souvent, le bénéficiaire ultime est caché derrière pour, justement, faire pour le coup, de l’évasion fiscale, mais,, si tout est bien déclaré, on a le droit de faire des sociétés offshore, on a le droit d’avoir un compte en Suisse.
Frédéric Couchet : J’avais cru comprendre qu’on fait que des sociétés offshore justement pour cacher des choses, mais bon !
Caroline Desprat : Dans l’exemple des Panama Papers, en octobre 2021, on avait fait un petit récapitulatif pour voir un peu ce que ça avait rapporté aux institutions publiques en termes d’impôts avec les gens qui étaient revenus suite aux révélations, et c’était environ un milliard 360 millions de dollars, dans le monde entier.
Frédéric Couchet : Et en France, on a une idée ?
Caroline Desprat : Il y a eu récemment un article dans Le Monde, ce sont 460 millions d’euros, depuis 2016, qui sont retournés dans les caisses de l’État grâce à ces révélations. L’article dit, de tête, que cela correspond à peu près à l’équivalent, au moins, de quatre hôpitaux.
Frédéric Couchet : La plupart de cet argent, qui est revenu dans les caisses, ce sont des gens qui ont pris peur, ce ne sont pas simplement les gens qui ont été trouvés, ce sont d’autres qui se disent « si ça se trouve, dans la prochaine enquête de ce Consortium, je vais tomber dans les filets, donc je régularise ». Après, je ne sais pas si vous savez, mais est-ce que vous avez une idée du pourcentage que ça représente par rapport à l’évasion fiscale mondiale, globale ? Avez-vous une idée ? Peut-être pas.
Caroline Desprat : Non.
Frédéric Couchet : Non, OK. On demandera aux gens qui nous écoutent s’ils ont une idée ou ici dans le studio, peut-être. Sur le salon web, lonugem nous précise que près de 33 % de la somme de la fraude était en France, en fait. Par rapport à ce que tu as dit, c’est, en gros, 33 % en France.
Caroline Desprat : Oui parce que, par exemple, il y a très peu d’évasion fiscale aux États-Unis vu que la fiscalité est très avantageuse, elle est très différente, ils n’ont pas besoin de partir !
Frédéric Couchet : Tout à fait. Au-delà de révéler des pratiques effectivement totalement frauduleuses, on voit tout de suite l’impact que ça a par rapport, notamment, aux finances publiques. On peut juste espérer que les gouvernements mènent une lutte beaucoup plus acharnée contre ce problème-là plutôt que d’aller chercher des solutions ailleurs, mais bon !
Ce sont donc les Panama Papers, c’est un peu, entre guillemets, ce qui a fait « le plus parler », peut-être, de ce Consortium et, plus récemment, il y a eu les Uber Files, alors je ne sais pas si ça a eu le même succès, visiblement c’est moins connu même si on en a parlé très récemment, en plus au plus haut sommet de l’État français, on est concerné, directement concerné, avec le président Macron. Qui veut rappeler ce que sont les Uber Files ? Maxime.
Maxime Vanza Lutonda : Ça s’est passé en 2022. En gros, il y a eu plus de 120 000 documents confidentiels qui ont révélé comment Uber influençait de nombreux pays pour faire changer les législations en sa faveur, notamment grâce à des hommes politiques, dont Emmanuel Macron, comme vous venez de le dire, à l’époque où il était ministre de l’Économie. C’est un autre type de scandale, parce que ça implique directement nos politiciens.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Caroline.
Caroline Desprat : C’est sur la base, du coup, d’une révélation d’un lanceur d’alerte, qui était lobbyiste d’Uber.
Frédéric Couchet : Uber, l’entreprise que tout le monde connaît, ce n’est pas le cousin Hubert !
Caroline Desprat : Bien sûr ! C’est une enquête qui a quand même réuni 180 journalistes et qui a eu un impact important en France, justement dû au fait que Macron est président.
Frédéric Couchet : Tout à fait et, si je me souviens bien de l’actualité, il est toujours concerné, je crois qu’il y a une commission d’enquête sur le sujet. Je pose la question en même temps à mon collègue qui est sur le salon, il suit ces dossiers plus que moi, il pourra me répondre. Il y en a d’autres : Pandora Papers, Offshore Leaks, vous allez sur le site du Consortium ou sur sa page Wikipédia, il y a un petit résumé. Vous avez parlé du nombre de journalistes impliqués, ça va nous permettre de parler des outils que vous utilisez.
Il y a une question par rapport à la commission d’enquête. Il y a effectivement une commission d’enquête sur le sujet Uber Files : quel regard portez-vous sur les travaux de la commission d’enquête qui a remis son rapport en juillet 2023 ? Avez-vous un avis ?
Maxime Vanza Lutonda : Personnellement, non.
Caroline Desprat : Non, je n’ai pas d’avis.
Frédéric Couchet : OK. D’accord.
Avant d’aborder la partie des outils, est-ce que, finalement, vous pensez qu’on peut y arriver, cette lutte contre la corruption systémique, l’évasion fiscale systémique ? Vous mettez en valeur des choses, vous révélez des choses qui sont monstrueuses en termes de niveau de corruption, et c’est très bien, est-ce que vous pensez que, au fur et à mesure des années, avec ce travail-là et d’autres, on va réussir à mettre un terme, en tout cas à fortement limiter ces problèmes d’évasion fiscale, de corruption ? Caroline.
Caroline Desprat : On voit déjà les impacts, les retombées économiques pour certains aspects. Je sais aussi que des listes qui avaient été sorties d’enquêtes de l’ICIJ ont aidé à créer des listes de sanctions contre des oligarques russes lors de l’invasion de l’Ukraine. Ce sont donc des petites choses qui arrivent parfois quelques années plus tard. On sait aussi que, par exemple, les révélations sur les Uber Files donnent lieu à des commissions d’enquête, même si on sait que le lobby est très important à Bruxelles, ça va peut-être aussi changer des choses à ce niveau-là. Et, par exemple, ça va aussi fournir des bases de données pour pouvoir construire par-dessus, après, de nouvelles enquêtes. On sait aussi que des gens ont un peu plus peur, en tout cas pensent aux conséquences lorsqu’ils vont ouvrir des sociétés offshore. C’est donc quelque chose qui est quand même présent dans les esprits.
Frédéric Couchet : D’accord. Je crois que c’est un extrait de la commission d’enquête, en tout cas un extrait d’un article qui a été publié, que je vais lire : « Les journalistes et les lanceurs et lanceuses d’alerte ont un rôle important à jouer dans les enquêtes et la révélation des violations potentielles de la législation fiscale ainsi que de la corruption du crime organisé et du blanchiment d’argent. » Cette commission d’enquête salue effectivement le travail à la fois des journalistes et des lanceurs et lanceuses d’alerte qui sont plus ou moins bien protégés. N’étant pas spécialiste du sujet, plusieurs lois sont passées, mais ces gens nécessitent encore plus de protection parce qu’ils prennent des risques considérables qui peuvent avoir des conséquences très néfastes sur leur vie privée.
Caroline Desprat : Tout à fait. Je sais qu’en France il y a la Maison des lanceurs d’alerte et globalement, en France, il y a quand même une bonne protection des lanceurs d’alerte, mais financièrement, moralement, ça a l’air compliqué.
Frédéric Couchet : Ça a l’air très compliqué, oui. Tu voulais rajouter quelque chose ?
Maxime Vanza Lutonda : Personnellement, je pense que le fait de mettre en lumière tous ces scandales aux yeux de la population c’est ce qui importe le plus. Ensuite, les institutions feront ou ne feront peut-être pas le travail, mais tant que les gens sont éclairés sur ce genre de sujet, je pense que ça ne peut porter que du positif.
Frédéric Couchet : Nous sommes d’accord, effectivement.
Tout à l’heure, vous avez cité le nombre de journalistes qui peuvent travailler sur ces enquêtes, plus d’une centaine répartis sur la planète. C’est effectivement un travail important et c’est là où, dans ce travail, l’équipe tech, l’équipe technique, les outils, peut-être des principes, vont entrer en action et c’est là où on va parler un petit peu des outils que vous développez.
Déjà, j’aimerais que vous nous expliquiez cette notion de radical sharing, que je traduis par « partage radical », je ne sais pas comment vous le traduisez en français, donc le radical sharing lors du travail collaboratif. Qui peut m’expliquer cette philosophie ? Caroline.
Caroline Desprat : Je peux expliquer. En fait, c’est une philosophie qui est portée asez haut à l’ICIJ, qui est assez unique, en tout cas dans ce que j’ai pu croiser dans ma vie professionnelle. Même si on travaille dans le secret — par exemple, sur Pandora Papers, ce sont 600 journalistes qui travaillent pendant deux ans sur une enquête —, l’idée c’est que plus on partage ce qu’on trouve, plus on aura des histoires intéressantes parce qu’on a 12 millions de documents, une personne ne peut pas tout parcourir, donc on va partager un maximum. Cette philosophie va s’insinuer dans plusieurs détails qu’on retrouve dans notre travail au quotidien. Par exemple, on a un système de chat et on va toujours préférer parler sur le chat à tout le monde plutôt que passer par messages privés, c’est juste un petit détail, et, dans la conception des logiciels, on va partir du principe et on va essayer de faire que chaque production d’utilisateur et d’utilisatrice soit publique. Par exemple, j’ajoute un tag sur un document, ce n’est pas un tag pour moi, c’est un tag pour tout le monde. Ce sont ces petites choses-là qui font qu’on va encourager la participation générale et collaborative aux logiciels, aux histoires. La partie open source est évidemment aussi un autre aspect de cette philosophie qui est de partager en source ouverte, avec la communauté, ce qu’on produit, sans l’aspect, pour le coup, secret ; c’est partager ce qu’on produit et bénéficier aussi, en retour, des contributions des autres.
Frédéric Couchet : D’accord. J’ai une petite question, que je n’avais pas prévue, avant de parler de l’outil Datashare, tu viens de parler de chat : quel outil utilisez-vous pour ce chat ? C’est de la messagerie instantanée, ce sont des forums ? C’est quoi ?
Caroline Desprat : Rocket.Chat.
Frédéric Couchet : Rocket.Chat ! On utilise les mêmes outils, le salon web de l’émission est aussi sur Rocket.Chat. OK. C’est donc l’outil vous utilisez. Est-ce la version de base ou est-ce une version sur laquelle vous avez fait des modifs ?
Maxime Vanza Lutonda : C’est la version de base.
Caroline Desprat : En fait, pour tout ce qui est données confidentielles, l’idée c’est d’utiliser, d’aller vers des outils open source, peut-être que ça dérive un peu sur les questions suivantes.
Frédéric Couchet : Ce n’est pas grave, ça fait l’enchaînement.
Caroline Desprat : L’idée, c’est que si on utilise des outils qui sont propriétaires sur des données sensibles ou confidentielles, on n’a pas la main sur ce qui peut se passer derrière. Pour nous, c’est justement très important, sur tout ce qui est en interne, de pouvoir savoir comment c’est traité et s’il n’y a pas de fuites ou d’autres regards.
Frédéric Couchet : En fait, c’est la possibilité, pour l’équipe technique, de faire de l’audit, si vous avez envie d’en faire ; c’est du logiciel libre, donc le code source est disponible, vous pouvez l’installer, vous le maîtrisez, par rapport à un outil externe, privateur, sur lequel vous n’auriez pas ce contrôle.
Caroline Desprat : Tout à fait.
Frédéric Couchet : D’accord. Tout à l’heure, je disais qu’en 2019 l’un de vos outils, en tout cas un peu l’outil phare, j’ai l’impression, qui s’appelle Datashare, on va expliquer, a reçu le prix du meilleur développement logiciel libre à l’Open Source Summit. C’est un outil phare. Qu’est-ce que Datashare et à quoi sert-il au niveau des journalistes et du Consortium ?
Maxime Vanza Lutonda : Datashare est un logiciel open source qui permet à un utilisateur de faire des recherches sur ses propres documents, quel que soit le format. Ces documents peuvent être des scans, des images, des fichiers excel, des fils de mails ou des boîtes mail entières. Il peut arriver que ces fichiers ne soient pas toujours facilement exploitables. Avec Datashare, il va être possible d’indexer tous ces documents afin de pouvoir faire des recherches dans ces derniers ; en gros Datashare extrait le texte.
Frédéric Couchet : C’est un logiciel, mais c’est aussi une plateforme. Si je comprends c’est une plateforme, en gros un site web sur lequel les journalistes peuvent rajouter du document, il y a un système d’indexation qui, ensuite, permet de trier, de faire des recherches sur les documents. C’est bien ça ?
Maxime Vanza Lutonda : C’est exactement ça. Les documents vont être indexés avec Elasticsearch, pour entrer dans les détails.
Frédéric Couchet : Un outil qui permet de faire des recherches très avancées, un outil libre, je précise.
Maxime Vanza Lutonda : On peut faire des recherches en utilisant de nombreux filtres, rechercher par terme avec une barre de recherche, filtrer les fichiers par type, par date de création ou même, chose un peu innovante avec Datashare, on peut trier avec des entités nommées. Les entités nommées, c’est le fait de dégager des noms d’un texte, des noms d’organisations, de lieux, etc. Pour cela, pour l’instant, on utilise CoreNLP et OpenNLP pour dégager toutes ces entités.
Frédéric Couchet : D’accord. Si je comprends bien, c’est un outil que vous développez en interne, basé sur d’autres logiciels libres. Le choix du logiciel libre, de mettre Datashare en logiciel libre s’est fait dès le départ du développement ou après ?
Maxime Vanza Lutonda : Dès le départ. Tout à l’heure, Caroline a annoncé le sujet sur le fait qu’on traite des données confidentielles, il faut donc avoir la main, il faut avoir une connaissance du code que l’on utilise pour éviter tout risque de fuite.
Frédéric Couchet : Est-ce que c’est aussi une façon d’être en cohérence avec le fait que vous cherchez à favoriser la transparence sur les flux financiers, donc autant utiliser la transparence dans la partie logicielle ?
Maxime Vanza Lutonda : Exactement, au niveau logiciel.
Frédéric Couchet : D’accord. Datashare est développé depuis combien de temps, à peu près ?
Maxime Vanza Lutonda : Depuis 2017/2018, il me semble.
Frédéric Couchet : D’accord. Et aujourd’hui, il est utilisé uniquement au sein de l’ICIJ ou, à votre connaissance, d’autres structures l’utilisent-elles ?
Maxime Vanza Lutonda : On sait qu’il y a d’autres utilisateurs, des utilisateurs externes, des universitaires qui l’utilisent parce qu’ils nous contactent quand il y a des bugs ou des fonctionnalités à implémenter.
Frédéric Couchet : Le petit sourire que vous entendez, c’est parce que, pour communiquer avec la régie, j’utilise un petit panneau marqué « pause musicale à venir », donc vous le savez, il y aura une pause musicale. On va la faire tout de suite avant de rentrer un peu plus dans le détail de Datashare, notamment aussi par rapport à l’appropriation par les journalistes, parce que, parfois, les outils développés par des geeks ne sont pas forcément utilisables par d’autres personnes.
On va d’abord faire une pause musicale qui va être relativement courte. C’est une pause musicale qui va être un peu particulière puisque c’est la première fois qu’on va diffuser quelque chose qui est dans le domaine public. J’expliquerai après. Nous allons écouter Thanks a million par Louis Amstrong. On se retrouve dans deux minutes trente. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Thanks a million par Louis Amstrong.
Pause musicale : Cause Commune, la voix des possibles.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Thanks a million par Louis Amstrong, et c’est dans le domaine public, en tout cas selon la Bibliothèque nationale de France et le site gallica.bnf.fr, d’où provient l’enregistrement. Cette musique est un choix de Vincent, pas le Vincent de la chronique, un Vincent qui a participé, fin 2023, à la campagne de financement participatif de la radio Cause Commune et Vincent nous a dit, par courriel, qu’il avait envie de célébrer de vieux enregistrements tombés – excusez-moi, j’ai fait l’erreur –, entrés dans le domaine public pour marquer, au-delà des licences libres justement célébrées toutes les semaines dans l’émission, l’intérêt du domaine public ou ce qu’il en reste après les multiples extensions de la durée des droits. Un grand merci à Vincent. Vincent a accompagné son choix musical du message : « La liberté ne se donne pas, elle se prend ! »
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons continuer notre discussion sur les logiciels libres pour les journalistes d’investigation, toujours avec nos invités, Caroline Desprat, directrice technique adjointe et développeuse logiciel au Consortium international des journalistes d’investigation et Maxime Vanza Lutonda, développeur au sein du même Consortium.
Juste avant la pause, nous avions commencé à parler un petit peu de Datashare, la plateforme sécurisée d’indexation et de partage sécurisé d’informations pour les journalistes du Consortium d’investigation. D’ailleurs, il y a une démo, si vous voulez tester vous allez sur datashare.icij.org, une démo est disponible ; il y a aussi le code source si vous voulez voir à quoi ça ressemble.
Juste avant la pause musicale, je parlais de l’appropriation par les journalistes. Des journalistes ont un besoin de partage d’informations, des outils existent ou plus ou moins en développement. Au sein du Consortium, vous décidez de développer un outil, comment cela s’est-il fait ? Est-ce que cela s’est fait au cours de discussions avec les journalistes ? Comment s’est faite l’appropriation, le choix des interfaces d’usage, etc. ? Qui veut expliquer un petit peu cela ? Caroline.
Caroline Desprat : Historiquement, il y avait justement un besoin d’indexation parce que les logiciels qui existaient n’étaient pas assez puissants pour la quantité de données qui étaient reçues, ils ne traitaient pas forcément efficacement les informations. C’est à ce moment-là qu’il a fallu décider de prendre en main les choses. Du coup, un des aspects qui a été très important dans le développement, c’était de se dire « on veut pouvoir indexer un document comme 12 millions. » C’est-à-dire que, lors du développement du logiciel, on va essayer d’être extrêmement scalable, comme on dit en anglais, pouvoir passer à l’échelle, permettre d’avoir une grande modularité dans ce qu’on propose et pouvoir aussi étendre les capacités du logiciel en fonction des besoins ; chaque enquête amène son lot de besoins.
On a, par exemple, des enquêtes comme Cyprus Confidential, la dernière enquête qui est sortie, qui concerne Chypre. Beaucoup de cabinets ont aidé des oligarques russes à cacher leur argent, en tout cas c’est ce qu’ont révélé, en partie, les documents. Il a fallu traduire des documents grecs, ce qui n’était pas forcément un cas prévu avant, du coup, on a mis en place une solution de traduction automatique, à grande échelle, sur Datashare, qu’on peut associer à Datashare.
Frédéric Couchet : Peut-être une petite question technique là-dessus : qu’utilise l’outil de traduction automatique ? Est-ce quelque chose que vous avez développé ou est-ce un logiciel externe ?
Caroline Desprat : Un peu les deux. Il a fallu adapter au fait qu’on l’utilise sur une grande base de données. Je vous fournirai les références et c’est open source.
Frédéric Couchet : D’accord. OK.
Je suppose que, dans l’équipe, des gens travaillent au niveau de l’interface d’utilisation pour que ce soit utilisable par les gens à qui c’est destiné. Tout à l’heure vous avez dit que vous êtes 20 dans l’équipe tech, C’est ça ?
Caroline Desprat : Oui, tech et data, technique et données, et, dans l’équipe technique, il y a une partie système et une partie développement. Dans la partie développement nous sommes six, avec, également, Soline Ledésert qui est notre designer UI/UX, expérience utilisateur. Une partie de son travail, fait aussi en équipe, va être de proposer une interface inclusive et accessible pour le plus grand nombre parce qu’on ne sait pas exactement qui utilise notre outil, à part les journalistes qu’on côtoie un peu tous les jours. Du coup, il faut que ce soit disponible sur des petits écrans, peut-être en plusieurs langues.
Frédéric Couchet : Je suppose qu’il y a aussi des questions d’accessibilité pour des personnes qui sont malvoyantes ou autre ?
Caroline Desprat : On essaye de faire des efforts là-dessus, on est notamment en train de faire un nouveau design de l’application pour qu’elle puisse proposer plus de fonctionnalités. On va donc prendre ces aspects-là en considération. C’est aussi une part importante du travail des développeurs et des développeuses.
Frédéric Couchet : Tout à l’heure, je posais question de l’usage de Datashare par d’autres structures. Comme c’est un logiciel libre, le code est donc disponible sur une forge, un site sur lequel on peut contribuer soit par des corrections soit par des remontées de bugs. Avez-vous des contributions externes de gens qui ne font pas partie du Consortium ?
Maxime Vanza Lutonda : Oui. Sur la plateforme GitHub on a mis en place des formulaires de remontée de bugs et de propositions de fonctionnalités. En parallèle, on a une boîte support sur laquelle on reçoit des mails de personnes qui utilisent Datashare, qui ont des soucis et qui ont besoin d’aide. Les profils de ces personnes sont variés, ça peut être des universitaires, d’autres journalistes, des gens tout seuls chez eux ou des gens qui veulent monter, avec leur équipe, un petit logiciel d’indexation. Ce qui fait que c’est utilisé, c’est qu’on propose Datashare en deux modes : un mode local à utiliser sur sa machine, en solitaire, et un mode serveur à déployer sur un serveur, sur lequel les utilisateurs peuvent implémenter une authentification pour gérer plusieurs comptes pour le travail collaboratif.
Frédéric Couchet : D’accord. Datashare, on l’a compris, est conçu pour gérer des milliers et des milliers de documents par des centaines et des centaines de personnes, mais, finalement, est-ce que c’est utilisable dans des cas plus simples de quelques dizaines de documents, en individuel ? Ce n’est pas une usine à gaz ?
Maxime Vanza Lutonda : Non. C’est totalement utilisable sur des documents personnels.
Frédéric Couchet : D’accord. Et, en termes de plateforme, c’est disponible sur quels systèmes d’exploitation ?
Caroline Desprat : Sur tous les systèmes. L’idée c’est justement d’être accessible et simple à installer. On va avoir un exécutable sur Windows, un package sur Mac, je suppose, quelque chose comme ça, et pareil, sur Ubuntu on est sur le Snap Store.
Frédéric Couchet : Dont parlait tout à l’heure Gee.
Caroline Desprat : On a un .deb, pour Debian, donc on peut installer directement l’outil.
Frédéric Couchet : C’est donc un outil multiplateforme, ce qui est bien.
Caroline Desprat : On veut que ce soit accessible au plus grand nombre, de la manière la plus simple.
Frédéric Couchet : Je suppose que vous avez des retours. Quels sont les retours des journalistes qui l’utilisent ?
Caroline Desprat : Plutôt positifs.
Maxime Vanza Lutonda : En tout cas, ils sont constructifs.
Frédéric Couchet : Est-ce qu’il y a, par exemple, des demandes de rajouts, que vous êtes en train de traiter, dont vous pourriez parler, ne serait-ce que d’une ? Ou est-ce que, aujourd’hui, l’outil répond fonctionnellement aux besoins ? À part la montée à l’échelle dont on a parlé tout à l’heure, c’est évident, c’est toujours à prendre en compte, mais est-ce que des fonctionnalités sont demandées ou des fonctionnalités que vous allez rajouter, auxquelles vous pensez pour le futur ?
Caroline Desprat : On veut que Datashare devienne le point de départ d’une enquête. On essaye, en général, d’être assez agnostiques sur la forme. Ce n’est pas forcément une enquête journalistique, ça peut être un travail de recherche parce qu’on peut travailler par projets. On veut essayer de mettre en place de proposer aux gens de prendre leurs notes à l’intérieur du logiciel, ce qui n’est pas possible actuellement, pour éviter de disséminer des informations sensibles en dehors d’un logiciel qui, pour le coup, est sécurisé. C’est quelque chose sur lequel on a envie de vraiment travailler pour aider les journalistes à concentrer leurs notes au sein de leur enquête, par exemple.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que, dans ce cadre-là, d’éviter d’utiliser des outils multiples, vous penseriez à l’option d’ajouter une sorte de messagerie, de courriel ou c’est hors de propos parce que ça serait inutile ?
Caroline Desprat : On a la rédaction en ligne qui, pour le coup, fait ce travail de communication entre les journalistes. Pour nous, en interne à l’ICIJ, ce n’est pas une nécessité et on n’a pas la nécessité de travailler en temps réel sur Datashare.
Frédéric Couchet : D’accord. Là, on parle des journalistes, si on se met du côté des lanceuses et des lanceurs d’alerte qui, peut-être parfois, veulent contacter des journalistes, leur mettre à disposition des documents à la fois de manière sécurisée et de façon vraiment totalement anonyme, c’est-à-dire sans savoir qui a envoyé, il y a déjà des outils qui font ça aujourd’hui, notamment SecureDrop de la Fondation pour la liberté de la presse, est-ce que Datashare le prévoit actuellement ? Est-ce que c’est prévu ?
Maxime Vanza Lutonda : Pour l’instant on a juste un travail de recherche avec l’EPFL, l’École polytechnique fédérale de Lausanne, avec laquelle on travaille sur quelque chose qui s’appelle DatashareNetwork, qui permettrait à un utilisateur de faire des recherches sur un réseau décentralisé basé sur Tor. Tor, c’est the onion router, en fait c’est un réseau décentralisé avec plusieurs machines pour garantir une certaine anonymisation de l’utilisateur.
Sur ce travail avec l’EPFL — il y a d’ailleurs un papier universitaire qu’on pourra mettre en lien —, le principe c’est de pouvoir faire des requêtes sur un réseau et pouvoir chercher dans les documents des autres utilisateurs, qui ont mis des documents à disposition, et, ensuite, mettre ces deux utilisateurs en contact pour pouvoir échanger. C’est toujours dans les cartons.
Frédéric Couchet : D’accord. Je vais relayer juste après la question que je vois sur le salon web.
Tu viens de parler de Tor, j’avais préparé une question, en tout cas on m’avait soumis une question. Tor, c’est notamment un réseau qui permet de faire en sorte d’anonymiser au maximum les connexions, donc de permettre de ne pas être tracé, et c’est associé à un navigateur web, qui s’appelle Tor Browser, qui est basé sur Firefox. Est-ce que vous savez si les journalistes d’investigation utilisent ce fameux Tor Browser et si cela leur cause des soucis pour accéder à certains sites ? Quelqu’un m’a dit que si on veut aller sur des sites, techniquement je ne sais pas, qui ont du JavaScript, ça pourrait causer des problèmes.
Maxime Vanza Lutonda : Sur Tor Brower, je ne sais pas du tout, mais sur DatashareNetwork, il y a une autre couche avec un système de clés pour pouvoir communiquer de manière encore plus sécurisée. C’est compté dans le cas d’utilisation mais c’est encore au stade de recherche.
Frédéric Couchet : D’accord. OK.
On vient de me donner la réponse pour SecureDrop : il est développé sous l’égide de la Freedom of the Press Foundation.
Sur le salon web il y a une question : est-ce que le monde des journalistes est familier avec le monde du logiciel libre ? Existe-t-il des paradigmes proches dans les deux milieux professionnels ?, à votre connaissance bien sûr.
Caroline Desprat : Je pense que, souvent, le logiciel libre est, heureusement ou malheureusement, associé au gratuit. Du coup, les logiciels libres sont parfois utilisés par les journalistes pour cette raison-là, notamment, aussi, pour des raisons de transparence, comme on a pu le dire, pour les utilisateurs et utilisatrices les plus avancés. Après, à ma connaissance, je ne sais pas à quel point l’aspect libriste est implanté dans le journalisme. Par exemple, à l’ICIJ, les journalistes qu’on côtoie ne sont pas toujours très familiers avec les outils technologiques en général, du coup on propose de la formation là-dessus, par exemple on essaye de les encourager ou de les obliger à utiliser des clés GPG [GNU Privacy Guard]. Pour faire simple, c’est une manière de chiffrer un mail et de sécuriser une communication avec une personne qui a votre clé. Si vous avez la clé de l’autre personne, vous pouvez déchiffrer son message.
Frédéric Couchet : Sachant que, techniquement, les courriels transitent sur les réseaux par défaut en clair, donc, évidemment, si ça transite par différents réseaux, les gens qui gèrent ces réseaux pourraient lire les contenus. GPG est un outil de chiffrement, donc le courrier part chiffré et techniquement, normalement, il ne peut être déchiffré que par la personne qui a votre clé. Cela assure, effectivement, une forte confidentialité des informations. Donc, vous faites de la formation sur le fait d’utiliser l’outil et comment l’utiliser.
Caroline Desprat : C’est ça. On essaye de passer outre les détails techniques, on essaye de rendre ça simple et on ne va pas forcément expliquer le fait que ce soit open source. Je ne sais pas combien de journalistes, à l’ICIJ, savent que Datashare est open source. Pour moi, l’effort important qui est fait sur la qualité logicielle et l’expérience utilisateur et utilisatrice leur permet de rentrer dans l’outil technique sans s’en rendre compte, mais on n’aborde pas forcément les aspects open source avec les journalistes.
Frédéric Couchet : D’accord. On a bien compris que l’un des outils phares, peut-être même l’outil phare d’ICIJ, c’est Datashare, que vous faites aussi, à côté, de la formation à d’autres outils libres, en essayant de les rendre le plus transparent possible, le plus simple possible, parce que, effectivement, ce n’est pas forcément très simple à comprendre du premier abord. Est-ce que vous avez d’autres outils que vous développez en interne, dont un dont vous aimeriez parler, mettre en avant ? C’est vrai que quand Anne m’avait dit « il faudrait que tu refasses une émission avec le Consortium », le premier mot qui me venait à l’esprit c’était Datashare, mais je suppose qu’il y en a peut-être d’autres que vous avez développés depuis. Maxime.
Maxime Vanza Lutonda : Oui. On a développé un logiciel qui s’appelle Prophecies. C’est un outil de fact – checking collaboratif, de vérification de faits, de données brutes, on va dire. Le principe est simple : c’est vérifier la cohérence d’un jeu de données en distribuant les données à vérifier à une équipe. Le logiciel permet de paramétrer quelles données à vérifier, le nombre de vérifications que chaque personne doit faire, etc. Tout ça est fait de manière non pas ludique, mais avec un taux de complétion qui est affiché. En fait, le logiciel organise en tâches à réaliser, par exemple, donner à vérifier des adresses.
Frédéric Couchet : D’accord. Il y a un pourcentage de réussite.
Maxime Vanza Lutonda : De réussite par les utilisateurs. Par exemple, pour les adresses à vérifier, on vérifie que telle adresse se trouve bien dans tel pays, on valide ou pas.
Frédéric Couchet : C’est un système de récompense qui encourage à continuer.
Maxime Vanza Lutonda : Un peu. Du coup, c’est un peu mieux que d’avoir des fichiers excel qui traînent chez tout le monde, avec des gens modifient le fichier en même temps et, après, il y a des soucis.
Frédéric Couchet : D’accord. C’est donc un outil de vérification de faits.
Maxime Vanza Lutonda : On a un jeu de données, on le fait vérifier par une équipe.
Frédéric Couchet : D’accord. Je suppose que vous développez des outils « à la demande », entre guillemets, par rapport aux besoins des journalistes.
Maxime Vanza Lutonda : C’était un besoin pour une enquête.
Frédéric Couchet : C’était un besoin pour une enquête précise, d’accord, et, pareil, c’est diffusé en logiciel libre, c’est sur une forge.
Maxime Vanza Lutonda : C’est sur GitHub.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que vous développez des outils en interne que vous ne mettez pas en Libre, pour une raison ou pour une autre, ou, par défaut, c’est diffusé en Libre ?
Caroline Desprat : Par défaut, on diffuse en Libre. Tout ce qui n’est pas diffusé est plus spécialisé sur la marque, le site web, tout ce qu’on ne pense pas utile à la communauté. En général, tout ce qui est vraiment interne n’est pas diffusé, mais est quand même basé sur du logiciel libre le plus souvent, je n’ai pas de contre-exemple. On part aussi du principe qu’il faut redonner à la communauté.
Frédéric Couchet : D’accord.
On va changer un tout petit peu. Le temps file vite. Tout à l’heure, tu as employé le terme de « source ouverte », « d’enquête en source ouverte ». On va peut-être expliquer ce qu’est une enquête en source ouverte et prendre un exemple de ce que le Consortium a fait en source ouverte. Déjà nous dire ce qu’est une enquête en source ouverte ?
Caroline Desprat : Une enquête en source ouverte va être une enquête où on va prendre des informations qui sont disponibles, en général sur le Web, qui sont ouvertes, donc accessibles. Après, est-ce que ça veut dire qu’elles sont bien formatées ? Non. L’exemple qu’on a est une enquête qu’on a faite en 2023, qui s’appelle Deforestation Inc, une enquête qui n’est pas basée sur un leak, une fuite de données, mais qui est une proposition de l’ICJ qui s’est rendu compte que les systèmes de certification sur les productions en bois n’étaient pas toujours clairs et transparents. Par exemple, on va faire l’analyse d’images satellites, qui sont parfois en sources ouvertes, pour savoir si une forêt qui a été coupée n’aurait pas dû être coupée, est-ce qu’il y avait les autorisations à cette époque-là. Ou alors, aspirer les informations sur les sites où il y a les certificats, de manière systématique, pour exposer un problème systémique : on récupère tous les certificats, on va voir si le critère est vérifiable, pas vérifiable, si la personne qui a obtenu cette certification avait le droit d’obtenir cette certification. Dans ce cas-là, nous nous sommes basés sur des sources qui étaient disponibles, mises à disposition de manière un peu opaque, parfois, pour différentes raisons.
Frédéric Couchet : Pour cacher une déforestation massive, illégale, dans le cas est présent.
Caroline Desprat : Qui peut, parfois, cacher justement des déforestations illégales ou des tampons de certification qui arrivent en Europe ; c’est vert, mais ça n’aurait jamais dû arriver jusque chez nous.
Frédéric Couchet : À priori, c’est le cabinet d’audit qui était en cause dans ce dossier-là, c’est ça ?
Caroline Desprat : Ce qui est intéressant dans les enquêtes qu’ont fait, c’est justement qu’on a plusieurs problèmes locaux — ça va être en Indonésie, ça va être au Canada, etc. —et on voit parfois que ce sont les mêmes méthodes qui sont appliquées dans différents pays. C’est pour cela que ces enquêtes finissent par être publiées, parce qu’on ne publie pas tout. Elles reposent sur un problème local, mais c’est un problème systémique qui va avoir un impact global. Si c’est publié par l’ICIJ, peut-être qu’il y aura des retombées positives, enfin, qui vont mettre en lumière certains problèmes systémiques liés, par exemple, à la déforestation.
Frédéric Couchet : Parce que, derrière, il y a des structures internationales qui, finalement, contournent les règles partout en fait.
Caroline Desprat : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Cabinets d’audit ou autres, pas qu’eux, mais ce sont souvent eux ! Bon !
Donc, aujourd’hui, vous êtes aussi reconnus grâce à la base de données massives, que vous avez constituée, de toutes ces violations, notamment l’évasion fiscale, qui est maintenue, qui est grossie. D’ailleurs, est-ce qu’elle est étudiée, au-delà de l’aspect journalistique, par des gens qui font de la recherche, ou de l’histoire ?
Maxime Vanza Lutonda : Vous faites référence à l’Offshore Leaks Database qui est aussi une base de données de sociétés offshore. Il n’y a pas longtemps, on a fait sondage et on a eu plus d’une centaine de réponses, en fait plusieurs types de profils utilisent cette base de données. On a fait ce sondage et on a essayé de savoir quels sont les besoins de ces personnes, il y aura certainement des travaux en cours sur cela.
Frédéric Couchet : D’accord. Anne ! Caroline, excusez-moi, je pensais à Anne L’Hôte, une ancienne de l’ICIJ.
Caroline Desprat : Pour compléter ce qu’a dit Maxime, dans les profils on a vu que ce sont souvent des gens qui travaillent aux impôts, qui vont regarder ces bases de données, des banques, aussi, qui vont regarder si leurs clients apparaissent dans cette base de données, ça peut être aussi d’autres journalistes pour de la recherche. Il y a plusieurs bases de données ouvertes, comme Offshore Leaks, qui permettent de recouper des informations, justement pour avoir des informations sur la finance offshore, pour savoir qui est le bénéficiaire ultime, pour avoir accès à cette information de manière plus transparente. Et, comme disait Maxime, on va justement faire un gros effort cette année pour faciliter l’usage de cette base de données, continuer de l’enrichir avec les informations des précédentes enquêtes mises à jour régulièrement.
Frédéric Couchet : D’accord.
Dernier sujet qui va être rapide. Dans vos objectifs ou dans les projets de l’équipe technique, est-ce que vous avez des priorités, pas forcément autour de l’évasion fiscale, ça peut être l’empreinte carbone ou autre ? Avez-vous des choses, dans votre feuille de route, pour les mois et années à venir ? Vas-y Maxime.
Maxime Vanza Lutonda : Oui. On a des objectifs d’optimisation afin de réduire l’empreinte carbone et plus d’interopérabilité dans les formats des données.
Frédéric Couchet : En fait, sur ce sujet, je suppose que vous recevez des données qui sont dans des tas de formats différents, qui ne sont pas forcément interopérables, c’est-à-dire, entre guillemets, « compatibles » entre eux.
Maxime Vanza Lutonda : Il y a certains fichiers qu’on ne peut pas ouvrir et même certains formats pas prévus dans Datashare, on ne peut pas voir certains fichiers. Et aussi rendre le logiciel plus ouvert. Là on travaille pour inclure, par exemple, une partie en Python.
Frédéric Couchet : Plus ouvert dans quel sens ?
Maxime Vanza Lutonda : Avec des extensions.
Frédéric Couchet : D’accord. Pour faciliter l’ajout de fonctionnalités via des extensions qui seraient à écrire. D’ailleurs, je ne vous ai même pas demandé en quel langage est écrit Datashare.
Maxime Vanza Lutonda : En Java.
Frédéric Couchet : D’accord. Et le choix de Python, c’est parce qu’il y a plus de gens qui font du Python que du Java ?
Caroline Desprat : C’est pour faciliter l’analyse de données. Les data analysts, les gens qui font de l’analyse de données sont souvent plus sur Python.
Frédéric Couchet : Python est un langage de programmation. J’en profite pour dire qu’en septembre ou octobre 2024, on fera un sujet sur les langages de programmation, notamment orientés Python, avant les Journées Python qui ont lieu, je crois, à Strasbourg cette année.
Donc faciliter le rajout des fonctionnalités avec un langage de programmation qui est vraiment orienté analyse de données, d’accord. D’autres projets ou perspectives ? Ou des besoins peut-être ? Est-ce que vous recrutez ?
Caroline Desprat : Pas que je sache. Non. Ce qui nous occupe beaucoup, en ce moment, c’est ce nouveau design qui va justement permettre d’inclure plus de nouvelles fonctionnalités, faire de la place, rendre le logiciel plus accessible. On parlait d’interopérabilité, on fait plein de logiciels, maintenant il faut qu’ils puissent communiquer entre eux et notre but c’est que Datashare devienne un peu le point de départ pour les enquêtes.
Frédéric Couchet : L’élément central d’entrée.
Caroline Desprat : Voilà, et qu’il puisse communiquer avec d’autres outils. Datashare est à la fois un moteur de recherche, une interface sur laquelle on va pouvoir faire des enquêtes, mais on a aussi un outil en ligne de commande et on voudrait pouvoir faire communiquer les deux. On voudrait, par exemple, que les données qui sont dans Datashare puissent être fact-checkées, vérifiées avec Prophecies qui est aussi notre outil de vérification. Tout cela est un travail de fond qui va nous occuper encore quelques années, je pense.
Frédéric Couchet : D’accord. On arrive à la fin de l’échange, avant la question traditionnelle qui permet d’essayer d’extraire l’essentiel de l’échange. Pour conclure, quels sont les éléments clés à retenir, en tout cas selon vous, de cette émission, en moins de deux minutes chacun et chacune ? On va commencer par Maxime.
Maxime Vanza Lutonda : J’aimerais insister sur l’importance d’outils comme Datashare. De nos jours, les données sont de plus en plus nombreuses et complexes. À titre d’exemple, pour les Panama Papers, l’origine des données vient d’un cabinet d’avocats panaméen qui a été créé dans les années 70. Donc, des années 70 à aujourd’hui, ça représentait environ 12 millions de documents. Si on avait, de nos jours, un scandale de cette envergure, de la même durée, je pense que le nombre de données serait infiniment plus grand. Il faut donc que les outils qui existent pour les journalistes, comme Datashare, suivent. Je pense que c’est cela le plus important et qu’il faut travailler.
Frédéric Couchet : D’accord. Caroline.
Caroline Desprat : Pour résumer, je pense qu’il est important de soutenir un journalisme indépendant, par exemple l’ICIJ qui fonctionne sous forme de dons, mais ça peut être aussi des contributions sur les logiciels open source qu’on propose, pour, justement, garder un pluralisme dans nos démocraties.
Aujourd’hui, nous sommes venus parler de l’ICIJ et des logiciels open source qu’on propose. Si vous avez l’opportunité et l’envie de contribuer à Datashare, n’hésitez pas. Si vous avez des questions, on a aussi une boîte mail, datashare chez icij.org.
Frédéric Couchet : C’est très bien. Il faut effectivement faire un don à l’ICIJ. Vous pouvez vous abonner à des sites de presse ou à des journaux qui font des enquêtes d’investigation, par exemple Mediapart, à titre personnel je suis un abonné ravi, enchanté du travail de Mediapart et ce n’est le seul, évidemment.
C’était super. Vous avez des félicitations sur le salon web.
Maxime Vanza Lutonda : Merci.
Frédéric Couchet : En tout cas, c’était vraiment très bien. Le site web c’est icij.org. Sur le site web de l’émission, libreavous.org/203, vous avez toutes les références et on rajoutera celles qui ont été citées en cours de route de l’émission, notamment les articles, etc., comme cela vous pourrez retrouver toutes les informations.
C’était donc Caroline Desprat et Maxime Vanza Lutonda du Consortium international des journalistes d’investigation. Merci à vous et bonne fin de journée.
Caroline Desprat : Merci Frédéric.
Maxime Vanza Lutonda : Merci Frédéric.
Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons rester dans un truc un peu tranquille, sympa et court. Nous allons écouter Django par Mr Smith. On se retrouve dans deux minutes trente. Belle journée l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Django par Mr Smith.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Django par Mr Smith, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By 3.0. Ce titre était un hommage à Django Reinhardt.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « Lectures buissonnières » de Vincent Calame – « Un journalisme héroïque »
Frédéric Couchet : Vincent Calame, informaticien libriste et bénévole à l’April, nous propose des chroniques « Lectures buissonnières » ou comment parler du Libre par des chemins détournés, en partageant la lecture d’ouvrages divers et variés. Le chapitre d’aujourd’hui est intitulé « Un journalisme héroïque ».
Bonjour Vincent
Vincent Calame : Bonjour Frédéric et, surtout, merci à Caroline et Maxime de nous avoir dévoilé les coulisses du Consortium parce que, comme vous allez l’entendre, je partais de loin dans ma vision mythique du journalisme.
Je ne suis pas le seul parce que, samedi dernier, au moment de l’AG de l’April, nous avons eu une petite discussion informelle à propos de Libre à vous ! et, quand Frédéric m’a rappelé le sujet d’aujourd’hui « Les logiciels libres pour un journaliste d’investigation », j’ai senti dans la réaction de ma voisine un petit effet « waouh ! ». Journaliste d’investigation, tout de même, ce n’est pas rien !
Ça m’a fait plaisir parce que ça a été exactement ma réaction quand Frédéric m’avait indiqué, par courriel, que j’allais intervenir après un tel sujet long. Eh oui, logiciels libres pour les journalistes d’investigation, ça ne fait pas le même effet que logiciels libres pour les systèmes de transport ou logiciels libres pour le traitement des données. Cela ne convoque pas le même imaginaire, ce ne sont pas les mêmes références.
En ce qui me concerne, la référence qui m’est venue tout de suite à l’esprit est une lecture de jeunesse, une historiette tirée du recueil de Trucs-en-Vrac, de Gotlib, scénarisée par Hubuc, et intitulée « Mémento du dessinateur de bande ».
Je rappelle que Gotlib est un pilier de l’histoire de la bande dessinée française, qu’il fut très prolifique dans les années 70 et 80. On peut trouver son humour daté, mais son coup de crayon est toujours aussi époustouflant et il a eu une influence majeure sur de nombreux dessinateurs.
Pour en venir à notre historiette de Trucs-en-Vrac, elle se moque des stéréotypes de la bande dessinée de l’époque, et ils sont nombreux, où le héros, je cite, est toujours « grand, visage buriné par les vents du large, regard calme et rempli d’horizons lointains, mâchoire carrée et extrêmement volontaire. Bien sûr son activité doit être en adéquation, autrement dit, il doit obligatoirement être chevalier, corsaire, cow-boy, aviateur, pilote de course ou journaliste. » Eh oui, dans la culture populaire, le journaliste c’est le cow-boy solitaire moderne. Bon !
Je me suis dit qu’il fallait que j’actualise un peu mes références sur les journalistes pour ne pas passer pour un vieux radoteur, voire, pire, un boomer, c’est pourquoi j’ai emprunté en bibliothèque, précisément à la médiathèque Françoise-Sagan, près de gare de l’Est à Paris, je précise, le documentaire Depuis Mediapart de Naruna Kaplan de Macedo. Ce documentaire, de 2019, nous fait revivre la campagne présidentielle de 2017 à travers la rédaction de Mediapart, comme son nom l’indique. Donc, là, on est loin des stéréotypes de la bande dessinée des années 70, mais, tout de même, ça a de la gueule d’être au cœur de l’actualité. Le mythe et l’adrénaline sont toujours là avec, heureusement, une rédaction beaucoup plus féminisée. Rappelons notamment que Mediapart a eu un rôle important dans le dévoilement de l’affaire Fillon, qui a conduit à la mise en examen de celui-ci en pleine campagne de la présidentielle 2017.
J’aimerais continuer à parler de ce documentaire qui en dit long sur la fabrique du journalisme, mais je crois que l’heure est venue de poser la question rituelle.
Frédéric Couchet : Quel est le rapport avec le Libre ?
Vincent Calame : L’April vient de sortir un nouvel autocollant intitulé « Logiciel libre, Société libre », qui est d’ailleurs sur ton ordinateur, Frédéric, et j’ai lu récemment, dans un article du Monde, qu’au moment de l’accession au pouvoir de Xi Jinping, un document interne du Parti communiste désignait les sept périls venus d’Occident, notamment l’indépendance de la justice, la société civile et le journalisme d’investigation. Venu d’un autocrate comme Xi Jinping, on peut dire que c’est un vrai compliment adressé aux journalistes.
Comme toute association militante, l’April fait partie de cette société civile également vilipendée par Xi Jinping. On ne peut donc que se réjouir que des logiciels libres servent aux journalistes d’investigation.
Il y a, dans l’air du temps, une défiance, voire une hostilité ouverte, à l’encontre des médias et des journalistes. Peut-être suis-je toujours sous l’influence de mes lectures de jeunesse de Gotlib, mais cette hostilité m’inquiète profondément, car je pense que le journaliste d’investigation est un pilier de la démocratie et, visiblement, Xi Jinping pense comme moi, même s’il n’en tire pas, hélas, les mêmes conclusions.
Pour revenir à Gotlib et terminer dessus, que dirait-il, avec son scénariste Hubuc, s’il nous redessinait un « Mémento pour dessinateur de bande » aujourd’hui ? Je doute que, dans les métiers typiques d’un héros ou d’une héroïne, on verrait encore pilote de course ou aviateur, sobriété énergétique oblige ; cow-boy, pirate ou chevalier sont également passés de mode, mais journaliste, c’est un métier qui resterait.
Dans un des meilleurs passages cette historiette de Trucs-en-Vrac, Gotlib et Hubuc évoquent l’indispensable compagnon du héros, je cite : « Aux temps héroïques de l’aviation, le héros pilote l’avait à ses côtés en tant que mécanicien fidèle, généralement appelé « La burette » ou « La goupille » ». Dans un Trucs-en-Vrac d’aujourd’hui, je suis sûr que le compagnon du héros journaliste ne serait plus le mécanicien fidèle, mais l’informaticien loyal ; au lieu de « La burette » ou « La goupille » il s’appellerait « Azerty » ou « QRcode », notez si vous avez un projet de BD ! Mieux, ce serait une jeune hackeuse au style un peu gothique qui s’appellerait « Lisbeth » comme dans la saga suédoise Millennium dont le personnage principal masculin est, je vous le donne en mille, journaliste.
Journaliste et hackeuse, voilà un couple de personnages qui a un bel avenir dans la culture populaire et, finalement, c’est mérité. Non ?
Frédéric Couchet : C’est mérité. Merci Vincent pour cette chronique très inspirée et, comme on le dit sur le salon web en parlant de Gotlib, Gotlib est aussi connu par un autre personnage, Superdupont. Je lis ce qui est marqué sur le salon web : « Superdupont est sans doute une caricature particulièrement d’actualité dans une période de résurgence réactionnaire sur l’identité française. » Nous serions tous curieux, effectivement, de savoir ce que feraient Gotlib et Superdupont aujourd’hui, avec l’actualité.
Merci Vincent
C’était la chronique « Les lectures buissonnières », « Un journalisme héroïque », et Vincent, dans ses chroniques, s’adapte à chaque fois, maintenant, au sujet principal.
Vincent Calame : J’ai toujours Une histoire des libertés associatives en attente.
Frédéric Couchet : Tu as toujours Une histoire des libertés associatives en attente dans tes lectures buissonnières, effectivement, parce que là ce sont des vieilles lectures buissonnières. Vincent est un grand lecteur parce que, même dans les assemblées générales, il lit ! Une excellente lecture d’ailleurs : durant une partie de l’assemblée générale de l’April tu lisais Les décodeuses du numérique dont j’encourage vraiment la lecture. C’est un portrait de 12 femmes scientifiques, pas simplement informaticiennes, mais aussi une chercheuse en biologie, etc., aux éditions du CNRS, et je crois que c’est toujours disponible au prix de six euros.
Merci Vincent. Au mois prochain.
Vincent Calame : Au mois prochain.
Frédéric Couchet : Notre émission va se terminer. Nous allons finir par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Frédéric Couchet : Le libre en Fête se poursuit. Effectivement, le printemps arrive, le printemps ça veut dire Libre en Fête, donc des événements de découverte du logiciel libre en France. Actuellement, 75 événements sont déjà référencés sur le site de Libre en Fête, libre-en-fete.net. Il y a forcément un événement pas très loin de chez vous.
Dans le cadre de la quatrième édition des Journées des libertés numériques, les panneaux de l’Expolibre de l’April sont affichés du 11 au 29 mars à la Bibliothèque universitaire de l’INSPÉ [Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation d’Angers] qui organise également les Journées des libertés numériques pendant tout ce mois de mars.
On parlait tout à l’heure du Libre éducatif, eh bien le 29 mars, à Créteil, il y a la Journée du Libre Éducatif avec, notamment, et là, je sais que vous allez être nombreuses et nombreux à vouloir venir assister, en direct, à une chronique de Laurent et Lorette Costy qui font, une fois par mois, une chronique pour l’April. Je précise qu’il faut être membre du système éducatif français pour assister à cette journée, en tout cas, si vous l’êtes, n’hésitez pas, c’est à Créteil le 29 mars 2024.
QGIS, le système d’information géographique libre, réunit ses utilisateurs et utilisatrices les 27 et 28 mars 2024 à Grenoble. Si vous voulez en savoir plus sur QGIS, vous pouvez écouter l’émission Libre à vous ! numéro 97, donc libreavous.org/97.
La radio Cause Commune propose chaque premier vendredi du mois un rendez-vous convivial, à partir de 19 heures, dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement, une réunion d’équipe ouverte au public avec apéro participatif à la clé, occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée-rencontre aura lieu le vendredi 5 avril 2024. Normalement, je serai présent pour l’apéro et il est possible que ma collègue Isabella Vanni soit également présente ; il est même possible, qu’à partir de 20 heures, on fasse une émission spéciale avec les autres émissions qui parlent d’informatique sur Cause Commune, notamment Parlez-moi d’IA, donc d’intelligence artificielle, et CyberCulture. Donc, peut-être, une émission spéciale pour parler un petit peu d’informatique autour de Cause Commune.
Je vous invite à visiter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org pour trouver des événements en lien avec les logiciels ou la culture libre près de chez vous.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Gee, Caroline Desprat, Maxime Vanza Lutonda, Vincent Calame.
Aux manettes de la régie, elle était de retour, Élise. Merci Élise.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet des émissions en podcasts individuels par sujet.
Vous trouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez aussi nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements, ou nous poser une question. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission du jour. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 26 mars 2024 à 15 heures 30. Mon collègue Étienne Gonnu animera cette émission. Il vous convie à une nouvelle édition Au café libre, un débat autour de l’actualité du logiciel libre avec Bookynette, Florence Chabanois et Pierre Beyssac.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 26 mars 2024 et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.