Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La Fondation pour le logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique d’Éric Fraudain qui nous présentera l’artiste Darren Curtis et aussi la chronique d’Isabella Vanni qui va nous parler de ses actions de sensibilisation. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.
Nous sommes mardi 15 décembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui, le retour de Patrick Creusot. Bonjour Patrick.
Patrick Creusot : Bonjour tout le monde et bonne émission.
Frédéric Couchet : Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « Le fil rouge de la musique libre » par Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil. Éric nous présente l’artiste Darren Curtis
Frédéric Couchet : « Le fil rouge de la musique libre ». Dans cette chronique, Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil nous fait découvrir des artistes ayant opté pour la libre diffusion de leurs œuvres musicales. Aujourd’hui Éric nous fait découvrir l’artiste Darren Curtis.
Bonjour Éric.
Éric Fraudain : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Je te laisse la parole.
Éric Fraudain : Merci.
Aujourd’hui j’aimerais vous faire découvrir un artiste autodidacte, américain, Darren Curtis, originaire du Maryland. Cet artiste est également connu sous le nom de DesperateMeasurez et il publie chaque année une collection de titres sous licence Creative Commons By Attribution 3.0.
Je vous propose de revenir sur son album Royalty Free Fantasy : The Beginning Years. Écoutons ensemble Journey’s Reflection, le premier titre de cet album et on se retrouve juste après pour la review.
Diffusion de Journey’s Reflection de l’album Royalty Free Fantasy : The Beginning Years de Darren Curtis.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Éric Fraudain : Vous venez d’écouter Journey’s Reflection de Darren Curtis, un titre sous licence Creative Commons By Attribution, 3.0. Un morceau qui nous plonge instantanément dans l‘univers héroïque fantastique. L’orchestration est sublime, on se voit dévaler la contrée en compagnie de Frodon et Sam. Je regrette simplement que la musique soit coupée quelques secondes à la fin, c’est peut-être intentionnel. Dans tous les cas, ça n’enlève rien à la qualité de cette musique.
Ce morceau est donc le premier titre issu de l’album Royalty Free Fantasy : The Beginning Years composé de 22 musiques. C’est tout simplement impressionnant ! Je vous invite à vous rendre sur la page Bandcamp de l’artiste pour découvrir les musiques de l’album, mais également les autres albums mis à disposition.
Depuis son adolescence, Darren a toujours eu un coup de cœur pour les musiques instrumentales et les bandes originales de films ou de jeux vidéo. Souvent ce sont des musiques qui, sans avoir besoin de mots, arrivent à exprimer encore plus d’émotions qu’une musique ordinaire avec des paroles. C’est cette idée-là qui a séduit Darren Curtis très jeune et lui a donné envie d’apprendre à jouer du piano. Il s’est lancé dans la musique de manière complètement autodidacte et aujourd’hui il compose et produit ses propres morceaux sans se restreindre à un seul genre musical.
Darren a composé Royalty Free Fantasy : The Beginning Years de 2013 à 2016 au tout début de sa carrière de compositeur. Malgré tout, on ressent une étonnante forme de maturité émanent de cet opus.
Vous aurez l’occasion de le constater par vous-même, car vous allez écouter d’autres titres comme A time forgotten, The Death March et peut-être Dreamscape dans cette émission, des musiques toujours issues de ce premier album instrumental.
Si vous souhaitez en savoir plus sur Darren Curtis, rendez-vous sur son site internet www.darrencurtismusic.com. Vous pouvez également le soutenir avec des donations sur Patreon, patreon.com/darrencurtismusic.
Voilà. J’en ai terminé.
Frédéric Couchet : Merci Éric pour cette découverte et, comme tu le dis, toutes les pauses musicales du jour seront de Darren Curtis. La page Bandcamp de Darren Curtis c’est darrencurtis.bandcamp.com, à Darren, il y a deux « r » et nous mettrons également les références sur le site de l’April et le site de la radio. Ces musiques sont sous licence Creative Commons Attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de la musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.
Je te remercie pour cette chronique musicale qui va bien conclure la dernière émission de l’année 2020. On se retrouve en janvier 2021. Je te souhaite de passer d’agréables fêtes, les plus chaleureuses possible malgré le contexte.
Éric Fraudain : Merci. À vous aussi.
Frédéric Couchet : À bientôt Éric.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale, mais je n’ai pas noté le nom du morceau. On va l’écouter. En tout cas c’est un autre morceau de Darren Curtis et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : A time forgotten par Darren Curtis .
Voix off : Cause Commune 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter A time forgotten par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Nous poursuivons la découverte de Darren Curtis proposée aujourd’hui par notre programmateur musical Éric Fraudain.
Nous allons passer au sujet principal.
[Virgule musicale]
Présentation de la Fondation pour le logiciel libre (Free Software Foundation, FSF) avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation et Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres, administratrice de la FSF depuis quelques mois
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur la Fondation pour le logiciel libre avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation, Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres et administratrice de la FSF depuis quelques mois, FSF voulant dire Free Software Foundation, Fondation pour le logiciel libre.
On va vérifier que nous avons nos invités au téléphone. Est-ce que Odile est au téléphone ?
Odile Bénassy : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Bonjour Odile. Geoffrey, est-ce que tu es au téléphone ?
Geoffrey Knauth : Bonjour.
Frédéric Couchet : Bonjour. Super.
Je précise que les personnes sont invitées, évidemment, à participer à l’émission en posant des questions, des réactions, sur le site de la radio, causecommune.fm, bouton « chat » et vous nous rejoignez sur le salon #libreavous.
Aujourd’hui, le but de l’émission c’est de faire un petit peu mieux connaissance avec la Fondation historique pour le logiciel libre qui vient de fêter ses 35 ans avec Geoffrey Knauth qui est le président de la Fondation depuis quelques mois et Odile Bénassy qui est administratrice de la Fondation également depuis quelques mois. Geoffrey est présent à la Fondation depuis très longtemps.
Première question, une présentation personnelle, pour un petit peu mieux vous connaître : en quelques mots qu’est-ce que vous faites à titre professionnel ? Quand et comment avez-vous découvert le logiciel libre ? Quel a été votre premier contact avec la FSF, la Fondation pour le logiciel libre. Trois questions en une. On va commencer par Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Maintenant, actuellement, je travaille en tant que programmeur pour AccuWeather, c’est de la météorologie. En ce qui concerne le logiciel libre, je connais Richard Stallman, le fondateur, depuis 1985 quand il a écrit le GNU Manifesto. Je travaille sur les logiciels libres depuis 35 ans.
Frédéric Couchet : D’accord. J’en profite aussi pour remercier Geoffrey. Comme vous l’entendez, il intervient en français mais le français n’est pas sa langue naturelle, donc je le remercie d’intervenir ainsi et c’est une bonne continuité avec Richard Stallman qui parle lui-même très bien français. On reviendra tout à l’heure sur la succession de Richard Stallman, évidemment.
Odile, mêmes questions ; qu’est-ce que tu fais à titre professionnel ? Quand as-tu découvert le logiciel libre et quand as-tu été pour la première fois en contact avec la Fondation pour le logiciel libre ?
Odile Bénassy : Je développe des interfaces pour un logiciel pour les mathématiciens. Je fais du logiciel libre depuis de très nombreuses années maintenant et avant j’ai fait d’autres choses dans ma vie.
J’ai découvert le logiciel libre très vite. Dès que j’ai voulu faire des logiciels, ça m’a paru impossible de fonctionner avec des interfaces propriétaires. Très vite je suis tombée dedans, d’ailleurs ça a même commencé par un voyage aux États-Unis, tellement l’enthousiasme était grand.
Quant à la Free Software Foundation, eh bien quand on rentre un petit peu dans l‘univers du logiciel libre, on entend vite parler de cette Fondation. Elle est là pour garder, conserver et faire vivre les valeurs du logiciel libre, ce qui est très important.
Frédéric Couchet : Merci pour cette introduction. Effectivement le point essentiel de cet échange c’est de faire connaître, évidemment, la Fondation, notamment les points clefs, son rôle unique qu’on va un petit peu décrire. On ne va présenter tout ce que fait la Fondation pendant l’émission parce qu’elle fait beaucoup de choses, mais on va insister sur ce rôle unique.
Déjà première question, dans l’émission Libre à vous !, on parle très souvent de logiciel libre, on parle assez souvent de la Fondation pour le logiciel libre. Vous rencontrez quelqu’un dans une soirée – aujourd’hui il n’y a plus beaucoup de soirées, mais imaginons – comment résumeriez-vous, en quelques mots, ce qu’est la Fondation pour le logiciel libre ? Geoffrey
Geoffrey Knauth : C’est pour garder la liberté des logiciels libres, tout le temps.
Frédéric Couchet : D’accord. Odile.
Odile Bénassy : Oui, c’est ça. C’est faire vivre, faire connaître les valeurs, les principes du logiciel libre et aussi faire comprendre pourquoi c’est important.
Frédéric Couchet : D’accord. J’ai dit tout à l’heure que la Fondation a été créée en 1985. On va juste faire un petit point historique pour que les gens comprennent bien. Le logiciel libre est de plus en plus connu depuis, on va dire 10/15 ans, mais il existe depuis beaucoup plus longtemps. Si on fait un court résumé, l’un des moments fondateurs du mouvement du logiciel libre c’est 1983/1984 avec Richard Stallman qui lance le projet GNU visant à créer un système d’exploitation entièrement libre. En 1985 il crée une fondation, la Fondation pour le logiciel libre qui a donc, en tout cas à priori, deux grands objectifs : promouvoir et défendre les valeurs du logiciel libre et développer des logiciels libres. Est-ce que ce sont les deux axes d’action de la Fondation ?
Odile Bénassy : Si j’ai bien compris, la FSF en fait a été créée au départ pour soutenir le projet GNU qui était donc un projet de logiciel libre, pour apporter des billes, apporter une artillerie juridique et pour faire en sorte que le projet GNU puisse vivre correctement, des billes juridiques et financières. C’est ce que je comprends, parce que je n’étais pas là au tout début de la fondation de la Free Software Foundation. Est-ce que je réponds à ta question ?
Frédéric Couchet : On va demander à Geoffrey si ça correspond, vu que Geoffrey a dit qu’il connaît Richard depuis 1985. Est-ce que la création de la Fondation c’était pour apporter des billes juridiques, c’est-à-dire pour apporter un contexte juridique et du soutien pour le développement notamment du projet GNU ?
Geoffrey Knauth : On a des licences juridiques, si c’est votre question.
Frédéric Couchet : Oui.
Geoffrey Knauth : Des licences GNU et copyleft. Odile, vous pouvez expliquer quelles sont les licences ?
Odile Bénassy : Oui. C’est la FSF qui a créé les licences, la GPL, la GNU Public licence qui est la licence libre la plus employée. C’est sans doute de cette manière que la FSF a contribué à solidifier le projet GNU, mais aussi en cherchant des fonds, de l’argent, pour que le projet GNU puisse continuer à exister. D’ailleurs la FSF fournit des moyens à pas mal de projets de ce genre.
Frédéric Couchet : D’accord. Vu qu’on parle de l’aspect juridique, on va rester sur cet aspect quelques minutes, même si, après, on va revenir sur les campagnes menées actuellement de la FSF. C’est intéressant que les gens comprennent.
Geoffrey a utilisé le mot copyleft qu’on traduit généralement en France par « gauche d’auteur » parce que c’est un jeu de mots avec droit d’auteur. C’est une licence de logiciel libre qui a une spécificité : à partir du moment où on utilise un code qui est sous cette licence-là, qu’on fait des modifications et qu’on le redistribue, on doit le redistribuer avec les mêmes conditions, ce qui garantit la conservation de la liberté initialement accordée par le développeur ou par la développeuse. C’est aujourd’hui encore l’une des licences les plus utilisés dans le monde. Ce qui est intéressant, ce qui est un point important dans le rôle de la FSF, de la Fondation pour le logiciel libre, c’est que la Fondation est responsable de l’évolution de cette licence. Il y a eu plusieurs versions de cette licence. De mémoire, la première ça devait être 1989, la deuxième 1991 et la dernière 2007 si je me souviens bien. La FSF joue un rôle très particulier parce qu’elle est l’éditrice de cette licence et de ses évolutions. S’il y a une GPL version 4 c’est la FSF qui va la faire et ça va, évidemment, avoir un impact considérable sur le monde du logiciel libre. Est-ce que je résume bien ce qu’est la GPL, la GNU GPL et le copyleft ? Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Je n’ai pas tout compris parce que la qualité de la transmission n’est pas très bonne. Odile pouvez-vous m’aider ?
Odile Bénassy : Je pense que c’est ça, oui. Le copyleft est bien une façon de renverser le droit d’auteur pour faire en sorte qu’il soit au service des utilisateurs et non pas pour restreindre leurs droits. La FSF est responsable, dès le départ, de l’établissement de cette licence GPL, de son évolution et également de la faire respecter. C’est-à-dire qu’il faut de temps en temps faire des courriers ou même des procès à des entités qui ne respectent pas la licence.
Frédéric Couchet : Comme il y a une obligation lorsqu’on redistribue, comme je l’ai expliqué, c’est ce qu’on appelle le travail de mise en conformité. Effectivement, généralement les gens respectent cette obligation, mais il y a toujours des gens qui décident de ne pas le faire, donc une des actions de l’équipe juridique de la FSF — je pense que c’est, si je me souviens bien, de mémoire, Donald Robertson, qui s’occupe de ça au sein de la FSF — est en charge de faire respecter ce fonctionnement de la GNU GPL, donc des libertés, principalement par la discussion avec les gens qui ne respectent pas la licence et éventuellement avec des poursuites si nécessaire. Donc c’est un rôle très important. Est-ce qu’il y a une équipe juridique au sein de la FSF ou une seule personne qui s’occupe de cette mise en conformité ?
Geoffrey Knauth : Oui. On a ça dans la Fondation.
Frédéric Couchet : J’ai une question : comment ça fonctionne ? Est-ce que ce sont des gens qui vous contactent ou est-ce que c’est vous qui vous rendez compte qu’il y a peut-être un problème quelque part ?
Geoffrey Knauth : Les deux.
Frédéric Couchet : Les deux. D’accord. Sans rentrer forcément dans les détails, est-ce que vous traitez beaucoup de cas par an ?
Geoffrey Knauth : Ça dépend. De temps en temps oui.
Odile Benassy : Combien y a-t-il de cas chaque année, à peu près ?
Geoffrey Knauth : Des dizaines.
Odile Bénassy : Plusieurs dizaines.
Frédéric Couchet : C’est quand même beaucoup ! C’est un sujet très juridique, donc on ne va pas rentrer dans le détail. Comme je l’ai dit dans une précédente émission, en 2021 on va refaire une émission sur la partie licences logiciel libre avec notamment Olivier Hugot, avocat français, qui a déjà traité des mises en conformité de la GNU GPL en France par rapport au droit. On rentrera dans le détail à ce moment-là, mais c’était important d’aborder ce point-là, ce rôle essentiel. Dans les licences libres il y a une licence particulière qui est, encore aujourd’hui je pense, la plus utilisée, c’est la GNU GPL. La Fondation est l’éditrice de cette licence, donc responsable de ses évolutions. Elle a une équipe qui fait en sorte que les gens respectent cette licence quand des gens ne veulent pas la respecter, avec l’objectif, finalement, c’est la liberté des utilisateurs et utilisatrices. Est-ce que tu voulais ajouter quelque chose Odile ?
Odile Bénassy : Juste une petite chose au sujet des licences. La GPL est effectivement la licence la plus utilisée, ce n’est pas la seule possible. D’ailleurs la FSF, ou le projet GNU, édite une liste de licences avec des commentaires sur chacune des licences. Il y a effectivement toute une panoplie de licences possibles, certaines sont plus ou moins recommandables parce qu’elles sont faciles à utiliser ou pas du tout faciles à utiliser ou dangereuses pour certaines raisons ou au contraire très bonnes. C’est bon de lire la liste des licences qui est publiée par le projet GNU pour se faire une idée.
Frédéric Couchet : C’est une excellente remarque. Effectivement, il y a beaucoup de licences dans le monde du logiciel libre. Le terme de « licence libre », en fait, ne veut pas dire grand-chose, parce qu’il y en beaucoup avec des impacts différents. Les personnes qui sont intéressées à savoir si une licence est vraiment libre et quelles sont les conditions de son utilisation vont sur le site gnu.org, il y a une liste de licences reconnues comme libres et aussi une liste de licences reconnues comme non libres. Voilà pour les gens intéressés par ce sujet-là. On reviendra en détail, en 2021, sur cette thématique, on va dire juridique, qui est passionnante mais qui est complexe, en tout cas qui est importante pour les personnes qui développent des logiciels libres. C’est un des rôles de la Fondation et c’est un rôle historique, comme je le dis, je pense que la première version de la GNU GPL date de 1989, on vérifiera. Évidemment, on mettra les références sur le site de la radio et sur le site de l’April, causecommune.fm et april.org.
On va revenir sur d’autres activités de la FSF. La FSF a des campagnes parce que le but c’est la promotion et la sécurisation des libertés informatiques pour tous et toutes, donc la Fondation mène des campagnes. On va aborder quelques campagnes de la Fondation. Je renvoie, évidemment, sur le site de la FSF pour l’ensemble des campagnes, le site c’est fsf.org, comme Free Software Foundation. On va commencer par une petite campagne, par un thème qui est important qui est celui des sites web et du code JavaScript qui n’est, en général, pas libre. Geoffrey, déjà est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ce qu’est JavaScript et quel est le problème que pose ce code JavaScript qui n’est pas libre ?
Geoffrey Knauth : OK. La campagne JavaScript libre, Free JavaScript, est un effort continu pour persuader les organisations de faire fonctionner leurs sites web sans exiger que les utilisateurs exécutent des logiciels non libres. Il faut que l’utilisateur ait le droit de changer, d’examiner le code source et de comprendre ce qui passe dans son ordinateur et dans son browser.
Odile Bénassy : Il faut peut-être commencer par préciser que quand on fait tourner un site sur son ordinateur, quand on visite un site web sur Internet, on utilise un logiciel qui s’appelle un navigateur et le site d’une manière générale, la plupart des sites maintenant font tourner du code sur votre ordinateur. C’est du code JavaScript. Vous ne voyez pas ce que fait ce code, vous ne voyez pas ce qui se passe, vous ne voyez pas qui l’a écrit ni rien du tout et, quelquefois, vous ne pouvez même pas lire ce code, si vous le souhaitez, tellement il est plus ou moins caché. Ce code peut faire toutes sortes de choses. La FSF a mis en évidence le fait que le code JavaScript pouvait vous reconnaître à la façon dont vous tapez au clavier. On peut avoir des informations sur vous et vous reconnaître sur cette manière de taper. C’est pour dire qu’il peut faire toutes sortes de choses sans qu’on le sache, donc on est vraiment dans une problématique de logiciel libre. Un des buts que s’est donné la FSF c’est d’essayer de convaincre les développeurs de sites, les fournisseurs de sites web de faire se conformer leur code JavaScript aux principes du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Donc, quand une personne va sur un site web, il y a une partie du code qui est exécutée sur le serveur sur lequel elle se connecte, auquel on n’a pas accès, mais le navigateur exécute aussi un code directement sur l’ordinateur de la personne, qui est écrit dans un langage qui s’appelle JavaScript. Comme tu le dis, en fait ce code peut avoir du code malveillant, ça peut être du logiciel privateur c’est-à-dire qu’on ne peut pas le modifier. Donc la campagne de la FSF vise, si je comprends, bien à deux choses : la première, c’est informer sur les dangers potentiels de l’exécution de ce code privateur et potentiellement malveillant sur l’ordinateur de la personne et, deuxième chose, encourager les développeurs et développeuses de code à le mettre en logiciel libre et à permettre à chacun et chacune de le modifier. C’est bien ça le but de cette campagne, enfin les deux buts de cette campagne ?
Odile Bénassy : Je crois que tu as bien résumé si j’en juge par ce que je sais.
Frédéric Couchet : Je voulais juste rajouter peut-être un petit point sur la partie JavaScript, la campagne JavaScript. L’une des actions que la Fondation a menée c’est de proposer un plugin, un greffon aux navigateurs web, Firefox et autres, qui s’appelle LibreJS qui permet, en fait, d’identifier le code JavaScript privateur sur une page, de le désactiver, de gérer des listes blanches. Ce plugin LibreJS fait partie de la campagne menée par la Fondation. Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Oui, c’est vrai. On doit utiliser ce plugin LibreJS pour savoir si JavaScript est libre ou non.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce plugin permet quand même de gérer des listes blanches parce que, aujourd’hui, il y a plein de sites, notamment des sites sur lesquels on est quasiment obligés d’aller, de banques ou autres, qui ne fonctionnent pas sans JavaScript, donc de temps en temps il faut pouvoir activer une liste blanche, c’est-à-dire permettre l’exécution de ce code.
Odile Bénassy : Oui, c’est possible, Frédéric. Quand on utilise ce plugin on se rend compte que la situation est catastrophique. D’ailleurs c’est une difficulté qu’on a dans les batailles du Libre c’est qu’en fait on a à peine gagné quelque chose sur un terrain que ce sont de nouveaux terrains qui posent problème. Évidemment, actuellement ce sont les données personnelles, le cloud et donc JavaScript. Ce sont de nouveaux terrains qui nécessitent de nouvelles campagnes.
Frédéric Couchet : Tu viens de dire un point intéressant. Il me semble que dans le rôle de la FSF, c’est ce rôle un peu, je ne sais pas si c’est unique, en tout cas qui me semble quand même assez unique, d’être capable d’anticiper, en tout cas de voir les problèmes qui vont arriver ou qui arrivent et d’essayer de proposer à la fois des actions de sensibilisation et des actions correctives. Pour moi, cette capacité est un des rôles uniques de la Fondation. Un peu comme Richard Stallman quand, en 1983/1984, voit bien que les pratiques de partage de l’époque sont en train de disparaître, qu’il faut faire quelque chose et qu’il lance le projet GNU, la Fondation est toujours un petit peu à la réflexion des problèmes qu’il peut y avoir. Ça me fait penser, notamment, à la liste des projets prioritaires à soutenir, que maintient la Fondation, par rapport à l’ensemble des projets qu’il faut maintenir. C’est un rôle qui me semble assez unique dans le monde du logiciel libre. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Odile Bénassy : Qui gagnerait, il me semble, à être plus relayé, ne serait-ce que cette campagne JavaScript. Comme il s’agit de s’adresser à des fournisseurs de sites web, c’est quelque chose qu’on peut faire chacun dans sa langue et on gagnerait à regarder un peu ce que fait la FSF et voir si on peut l’adapter, si on peut l’amplifier ou le faire savoir, tout simplement.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose sur cette partie, cette campagne JavaScript Libre ?
Odile Bénassy : Non, ça va.
Frédéric Couchet : Je pense, en plus, qu’il y a un délai de latence entre nous, donc ce n’est pas évident. Encore une fois ce sont les conditions particulières d’intervention. On espère qu’en 2021 ce sera plus simple.
On va aborder un autre dossier, une autre campagne menée par la FSF, ça va être aussi un petit peu technique, je vous fais confiance pour le rendre compréhensible, c’est ce qu’on appelle le Secure Boot. Est-ce que l’un de vous veut déjà expliquer la problématique et ce que fait la FSF sur cette problématique de ce qu’on appelle en anglais Secure Boot ? Peut-être Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Le problème avec Secure Boot c’est que la compagnie qui a fabriqué l’ordinateur a tous les droits. Vous n’avez pas le droit de changer l’operating system. De temps en temps on appelle Secure Boot Restricted Boot. Ce que nous voulons c’est que les utilisateurs aient le droit de changer ce qu’ils veulent changer dans leurs ordinateurs, c’est très simple, pour rendre les droits et le pouvoir aux utilisateurs.
Frédéric Couchet : Odile, peut-être peux-tu compléter ?
Odile Bénassy : Vous le savez, tous les auditeurs doivent le constater aussi, quand on vous livre un matériel quel qu’il soit, quand on vous donne entre les mains des outils informatiques, on vous dit : « Oui, oui, on s’occupe de tout, on s’occupe de votre sécurité. Tout est bien configuré, vous ne risquez rien » et, en particulier, là, c’est une façon, pour les fabricants d’ordinateurs et de logiciels, de garder pour eux la possibilité de vendre quelque chose qu’ils ont décidé de vendre et de ne pas laisser les utilisateurs mettre quelque chose qui pourrait mieux répondre à leurs besoins ou qui pourrait être moins cher, va savoir, ou tout simplement qu’ils veulent avoir parce qu’ils en ont besoin.
Le Secure Boot : au moment de lancer le système d’exploitation, le BIOS de l’ordinateur vérifie que le système d’exploitation en question est bien, comme ils disent, secure. En tout cas, ça veut plutôt dire qu’il est conforme à ce que le vendeur de l’ordinateur et du logiciel veulent que ce soit. Il ne s’agit pas du tout, forcément, de protéger. Ils se réfugient derrière le prétexte de protéger votre sécurité, mais, en réalité, ils vous empêchent de faire autre chose qu’utiliser ce qu’ils vous ont vendu.
Frédéric Couchet : Pour bien comprendre, imaginez que quand vous démarrez un ordinateur, en fait, ce qui va démarrer au départ, c’est ce qu’on appelle un logiciel de boot, de démarrage. Il y a quelques années, si vous vous souvenez, il y avait des versions où vous tapiez la touche F12 et vous pouviez configurer des trucs. Aujourd’hui ces outils, ces logiciels qui démarrent avant même le système d’exploitation, avant même Microsoft Windows, Mac ou GNU/Linux, sont devenus de plus en plus performants et, il y a quelques années, des gens ont poussé cette fonctionnalité connue sous le nom de Secure Boot, donc « démarrage sécurisé », avec des clefs qui vont dire que tel système va être autorisé à démarrer – évidemment Microsoft Windows sera autorisé à démarrer mais les autres systèmes ne seront pas autorisés à démarrer. C’est pour ça que Geoffrey a utilisé tout à l’heure le terme de Restricted Boot, de « démarrage restreint », c’est-à-dire qu’on restreint la capacité des systèmes à démarrer. En français, en général, nous employons le terme d’« informatique déloyale », c’est-à-dire que, comme tu le dis Odile, sous prétexte de sécuriser un démarrage de machine, en fait on installe un contrôle d’usage, c’est-à-dire qu’on décide quel système d’exploitation pourra démarrer derrière. Donc, de facto, c’est un frein au développement du logiciel libre, parce que, évidemment, ça pose des problèmes techniques. Est-ce que je résume la situation ?
Geoffrey Knauth : Oui.
Odile Bénassy : À mon avis oui. Frédéric tu la connais tout aussi bien que nous. Ce qui est peut-être intéressant c’est de savoir ce que la FSF fait en ce moment. En fait, ils sont en train de faire des choses pour compléter. Il y a déjà tout un dossier qui est disponible sur le site fsf.org et ils sont en train de faire tout un travail technique pour améliorer ça. Je ne sais si Geoffrey peut nous en donner la primeur, peut nous expliquer ce qu’ils ont en train de faire.
Geoffrey Knauth : On fait des efforts chaque année pour améliorer la situation parce que ça change chaque année.
Odile Bénassy : Oui. Améliorer la documentation sur la question du démarrage.
Frédéric Couchet : D’accord. Si je me souviens bien, une des actions c’est de développer des alternatives à ces fameux outils de démarrage, notamment de développer Libreboot qui serait une version respectueuse des libertés des utilisateurs et des utilisatrices, qu’on pourrait potentiellement installer sur des ordinateurs et qui pourrait même être préinstallé sur des ordinateurs du commerce. Est-ce que ça fait partie des objectifs, du travail de la FSF de proposer une alternative à ce Secure Boot ?
Geoffrey Knauth : Oui, bien sûr. Oui.
Frédéric Couchet : D’accord. OK. J’imagine que c’est aujourd’hui un travail qui est techniquement complexe, qui prend du temps. Ça me fait penser qu’après la pause musicale on parlera peut-être un petit peu de l’organisation de la Fondation. Est-ce que ce sont des bénévoles qui travaillent dessus ? Est-ce que ce sont des gens qui sont payés pour travailler sur Libreboot ?
Geoffrey Knauth : Les deux. Des bénévoles et des personnes payées.
Frédéric Couchet : D’accord. Je vois le temps qui avance. On va faire une petite pause musicale. Geoffrey et Odile vous restez connectés sur le pont téléphonique le temps de la pause musicale. Je retrouve ma petite fiche pour savoir ce qu’on va écouter. On va continuer notre voyage avec Darren Curtis. On va écouter The Death March par Darren Curtis. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : The Death March par Darren Curtis.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter The Death March par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Nous allons poursuivre notre sujet principal qui porte sur la Fondation pour le logiciel libre, Free Software Foundation, fsf.org, avec Geoffrey Knauth président de la Fondation et Odile Bénassy administratrice de la Fondation.
Juste avant la pause musicale, nous parlions des campagnes de la Fondation. On va poursuivre. On a donc parlé de la campagne sur les JavaScript privateurs et le plugin LibreJS. On a également parlé de la problématique de Secure Boot, cette informatique déloyale qui contrôle le démarrage de nos ordinateurs. On va continuer sur les campagnes et après on reviendra un petit peu sur le fonctionnement de la Fondation et avec d’autres questions sur le conseil d’administration. On va rester un petit peu dans la partie matérielle.
Juste avant la pause on parlait de Secure Boot, c’est-à-dire cette partie logicielle qui s’exécute au démarrage de l’ordinateur, juste avant de démarrer le système d’exploitation, mais ça concerne aussi le hardware, une problématique plus générale, même si dans Fondation pour le logiciel libre on entend « logiciel », le hardware est important. Il y a quelques années la Fondation a lancé une campagne, en anglais ça s’appelle Respects Your Freedom, « Respecte vos libertés », c’est comme ça que je le traduirais en français. Quel est l’objectif de cette campagne autour du matériel. Geoffrey.
Geoffrey Knauth : C’est la même chose. Nous voulons que les utilisateurs aient le droit et le pouvoir de tout contrôler et faire ce qu’ils veulent sur leurs ordinateurs et leurs téléphones.
Frédéric Couchet : D’accord. Ça concerne quels types de matériels ? Est-ce que ça ne concerne que les ordinateurs ou est-ce que ça peut concerner des imprimantes, des cartes wifis ?
Geoffrey Knauth : Et les données. Ça concerne beaucoup plus les données maintenant parce qu’il y a le cloud comme on dit, un grand nuage de données confidentielles qui doivent être conservées.
Odile Bénassy : Il y a toute liste de matériels. Il y a un site qui s’appelle ryf.fsf.org, qui liste toutes sortes de matériels qui sont certifiés, qui ne vont pas espionner les utilisateurs ou faire des choses. Ils sont certifiés par la FSF, de ce point de vue-là, pour des raisons éthiques. Il y a de tout, il y a vraiment de tout. Tous les matériels peuvent être certifiés.
Frédéric Couchet : L’idée, si je comprends bien, c’est que dans le matériel il peut y avoir des matériels qui posent des problèmes de respect des libertés pour différentes raisons. Le travail de Respects Your Freedom c’est une sorte de certification. Vous prenez du matériel, en tout cas un certain nombre de matériels, vous vérifiez par rapport à ce qu’il contient, par rapport aux parties logicielles qu’il peut contenir, que ça respecte les libertés et, dans ce cas-là, si ça respecte les libertés cette certification est accordée. Sinon, vous travaillez avec l’entreprise ou les personnes qui développent ce matériel pour améliorer les choses. C’est un travail d’amélioration continue. C’est ça ?
Geoffrey Knauth : Oui.
Odile Bénassy : Oui. Et, si je vois bien, les fabricants peuvent demander la certification.
Frédéric Couchet : Ça peut d’ailleurs être un critère de choix. C’est marrant. On va parler un peu technique, pas technique en tout cas des coulisses de l’émission Libre à vous !. Là, en régie, il y a Patrick qui utilise un laptop sur lequel, en fait, la carte wifi interne ne peut pas fonctionner avec un micrologiciel libre. Donc pour cela, pour qu’il puisse quand même avoir du wifi sur ce laptop, qu’est-ce qu’on a fait ? On a commandé une clef USB wifi. Ce qui est marrant c’est que l’une de celles que je vois sur Respects Your Freedom, la clef USB G adaptateur, toute bleue, qu’on branche en USB, qui nous permet d’avoir du wifi, sur laquelle il y a du micrologiciel qui est libre, en tout cas qui est compatible libre. C’est aussi parce qu’elle est certifiée qu’on a choisi cette clef, je ne sais plus si on l’avait vue sur le site de FSF ou autre, en tout cas elle est certifiée fonctionner dans un environnement qui respecte les libertés des utilisateurs et des utilisatrices. C’est un peu le but de cette certification.
Odile Bénassy : Oui. D’ailleurs je crois que c’est vraiment un site très important. La plupart des gens que vous connaissez, vous leur dites « arrêtez donc de vous embêter avec toutes ces publicités et avec tous ces trucs qui ne fonctionnent pas et qui sont lents, etc., passez donc sous Linux ! ». Après les gens achètent, je ne sais pas, une imprimante et ils pensent que ça va pouvoir fonctionner. Mais non ! La plupart du temps non ! Quand on est sous logiciel libre, avant d’acheter un matériel il faut se poser la question : est-ce qu’il va fonctionner avec les logiciels libres ? Et ce n’est pas parce que les logiciels libres ne marchent pas, ce n’est vraiment pas ça, c’est vraiment parce que les fabricants de matériels font tout ce qu’ils peuvent pour que ça ne fonctionne qu’avec Microsoft ou Apple.
Frédéric Couchet : Ce que tu dis est intéressant parce que c’est vrai que souvent c’est un peu l’image qu’ont les gens quand ils ne connaissent pas trop le logiciel libre, ils disent « ça ne marche jamais, c’est de la merde ». Quand on commence à leur expliquer que c’est effectivement fait exprès, comme tu le dis, pour que ça ne fonctionne que dans un certain environnement, Windows ou Mac, et que, finalement, ce que font les gens du logiciel libre c’est absolument extraordinaire parce que dans cet environnement qui n’est pas complexe, qui est hostile, ils arrivent à faire des choses qui fonctionnent, c’est là, tout d’un coup, qu’ils changent un petit peu de vision.
Je parcours un petit peu la page Respects Your Freedom de la Free Software Foundation et je vois qu’il y a aussi des ordinateurs portables, notamment ceux de la société, je ne sais jamais comment ça se prononce, Technoethical. Par exemple il y a un laptop T400s, un laptop qui n’est pas très vieux. Technoethical est une entreprise roumaine, de mémoire, qui est en Roumanie, et cette personne vend un certain nombre de matériels, ordinateurs portables, il vend aussi des téléphones. Pourquoi je le sais ? Parce que quand je me suis acheté un téléphone d’occasion, il y a quelques années, c’est chez lui que j’ai commandé parce que justement il vendait un téléphone, en l’occurrence un Samsung S2 recyclé, avec, dessus, un système d’exploitation pour téléphone quasiment entièrement libre, autant qu’on puisse le faire, qui s’appelle Replicant et sur lequel, d’ailleurs, la FSF travaille aussi. En allant sur ce site-là on peut avoir du matériel qui a été validé par rapport aux libertés, validé à la fois parce que l’entreprise s’engage mais aussi parce que la FSF a vérifié techniquement. Donc je suppose qu’il y a des gens au sein de la FSF, bénévoles ou membres de l’équipe, qui vérifient effectivement cette conformité. Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Oui. Tout ce que vous avez dit est vrai.
Odile Bénassy : En fait oui, il y a des gens qui vérifient. Évidemment, qu’il y a des gens qui vérifient. Est-ce qu’ils sont bénévoles ou est-ce qu’ils sont salariés, payés, pour ce travail, Geoffrey ?
Geoffrey Knauth : La majorité sont bénévoles.
Odile Bénassy : La majorité sont bénévoles. Si on peut payer on paye.
Geoffrey Knauth : Si c’est un projet très sérieux on peut payer, mais la majorité de ces projets sont bénévoles.
Frédéric Couchet : D’accord. C’est important parce que la place des bénévoles est effectivement fondamentale. Donc la FSF peut aussi, en cas de besoin ou de projet important, participer à un financement comme elle l’a fait dans de nombreuses occasions. Il faut se souvenir que la FSF est à l’origine de nombreux projets du logiciel libre quand il y a eu un besoin. C’est important de le préciser.
On encourage les gens à aller voir ce site Respects Your Freedom, « Respecte vos libertés », c’est ryf.fdf.org, sur lequel vous allez trouver du matériel certifié et on peut imaginer, évidemment, qu’il y aura de plus en plus de matériel certifié Respects Your Freedom dans l’avenir qui va faciliter, en fait, le choix de ce matériel. Comme tu le disais Odile, l’une des difficultés quand on achète du matériel, c’est d’être sûr qu’il va fonctionner pleinement avec un système GNU/Linux. Tu parlais des imprimantes, les imprimantes c’est aussi un monde qui est très hostile pour nous. Donc c’est toujours très agréable quand il y a des sites qui disent « ça va fonctionner parce qu’on a testé, ça va fonctionner en plus en 100 % logiciel libre », parce que des fois ça peut fonctionner mais en installant du logiciel privateur, ce qu’on appelle des micrologiciels. Des fois, il n’y a pas tellement le choix pour certaines personnes, mais si on peut éviter ! Je prenais tout à l’heure l’exemple de la carte wifi, le fait de mettre une clef USB wifi nous apporte de la liberté, mais c’est vrai que c’est moins pratique que d’avoir la carte directement à l’intérieur. La liberté demande souvent des efforts.
Ça c’est une campagne autour du matériel. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur cette partie matériel ? Non ? C’est bon.
Geoffrey Knauth : Odile.
Odile Bénassy : Ça a l’air !
Frédéric Couchet : Ça a l’air. OK. Il y a bien d’autres campagnes de la Fondation, mais je vois que le temps avance.
J’ai vu quelque chose, je ne sais pas si on rentre ça dans les campagnes, c’est assez récent, j’ai vu que la Fondation fait des vidéos. J’ai vu hier une vidéo autour d’une dystopie avec une scientifique qui aurait pu faire une découverte magnifique, révolutionnaire dans la science si jamais elle avait été autorisée à pouvoir partager ses recherches, à utiliser et modifier le code d’un logiciel alors qu’en fait, dans la réalité, c’est un logiciel privateur avec un accord de non divulgation. C’est une vidéo de deux/trois minutes et j’ai vu que ce n’est pas la première, il y en a d’autres. Est-ce que c’est un nouvel axe d’action de la Fondation de faire des vidéos courtes de sensibilisation autour de la question des libertés informatiques ? Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Oui. Ça a commencé depuis quelque temps. On fait beaucoup de vidéos maintenant. Nous en ferons plus.
Frédéric Couchet : Comment faites-vous ces vidéos ? Vous les faites en interne ou vous avez quelqu’un avec qui vous travaillez, dont le métier, justement, c’est de faire ce travail de vidéo, parce que ce sont des vidéos qui sont bien faites ? Ce n’est pas évident de faire une vidéo pédagogique, compréhensible. Comment faites-vous ?
Geoffrey Knauth : Ce sont des bénévoles qui nous donnent des vidéos. Nous les aimons, ce sont de bonnes vidéos.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc ce sont des bénévoles qui vous proposent ça, qui font les vidéos en fait.
Odile Bénassy : Il y a un service de communication assez important à la FSF, ce sont des salariés. Je crois que ça passe aussi par là.
Geoffrey Knauth : Oui, c’est ça. Exactement. Merci Odile.
Frédéric Couchet : D’accord. Justement, vu que tu en parles Odile, on va parler un petit peu de l’organisation parce que je ne veux pas oublier d’en parler. Donc à la FSF, aujourd’hui, il y a des bénévoles au sein du conseil d’administration et il y a une équipe salariée, une équipe, de mémoire, d’une dizaine de personnes. Quels sont, on va dire, les différents pôles ? De quoi ces salariés s’occupent-ils ? Est-ce qu’ils s’occupent d’administration système ? Est-ce qu’ils s’occupent de communication comme vient de le dire Odile, de campagnes ?
Odile Bénassy : Oui, déjà ces deux choses-là et puis il y a des juristes. De mémoire, je ne sais pas. Geoffrey, tu sais exactement ?
Geoffrey Knauth : Ils travaillent surtout très bien, ils organisent des campagnes. Ils font beaucoup.
Odile Bénassy : Forcément, c’est une association assez importante. Il y a beaucoup d’adhérents et pas mal de salariés, donc il y a aussi un aspect administratif qui n’est pas à négliger. Il y a effectivement des serveurs à faire fonctionner, des logiciels à mettre en place et à maintenir.
Geoffrey Knauth : Ça c’est très important.
Odile Bénassy : Il y a le service des campagnes. Je parlais de service de communication, mais au-delà de ça, c’est l’organisation de campagnes de militantisme.
Geoffrey Knauth : On a des techniciens qui aident beaucoup des professeurs pour que leur enseignement ou leurs cours, au MIT par exemple, soient libres, soient sur une technique libre. Ils aident beaucoup les autres.
Frédéric Couchet : D’accord.
Odile Bénassy : C’est intéressant.
Frédéric Couchet : Sur le site de la FSF il y a la liste des membres de l’équipe salariée de la FSF, effectivement il y a plus d’une dizaine de personnes, j’ai l’impression qu’il y en a 13.
Comme le disent Geoffrey et Odile, il y a des gens qui font la partie technique parce que, évidemment, la FSF, le projet GNU, ce sont des serveurs à maintenir. Il y a des choses à faire pour les campagnes, donc il y a une partie technique.
Tu disais, Odile, qu’il y avait une partie au niveau des licences, je vois effectivement qu’il y a deux personnes au moins qui s’occupent de la partie licences, donc explications sur les licences et ce dont on parlait en début d’émission sur la mise en conformité, notamment par rapport aux licences GNU GPL.
Il y a des gens qui sont de l’équipe des campagnes, ce que tu disais tout à l’heure Odile, on a eu récemment le plaisir d’échanger avec Zoë et Craig, notamment dans le cadre des festivités des 35 ans de la Fondation.
Il y a aussi, effectivement, la partie administrative et puis la gestion des membres parce que, aujourd’hui, il y a combien de membres à la FSF ? C’est quoi ? 5000 membres ? 10 000 membres ? Il y a combien de membres aujourd’hui à la FSF ?
Geoffrey Knauth : On a aussi un directeur et son assistant qui font beaucoup.
Frédéric Couchet : Le directeur c’est John Sullivan.
Geoffrey Knauth : Ils parlent avec toutes les autres organisations.
Frédéric Couchet : Tout à fait. John Sullivan est quelqu’un avec qui on a beaucoup de contacts et qu’on a eu le plaisir de voir en France plusieurs fois.
Odile Bénassy : Il y a aussi LibrePlanet, qu’il ne faut pas oublier. Il y a l’organisation d’un grand évènement qui s’appelle LibrePlanet.
Frédéric Couchet : Effectivement, tu as raison d’en parler. LibrePlanet qui a lieu chaque année au mois de mars au MIT. À titre personnel j’ai eu le plaisir d’y aller deux fois et notamment avec les Rencontres Mondiales du Logiciel libre que tu connais bien, Odile, parce que tu as participé grandement à leur organisation, c’est vraiment l’évènement le plus libriste que je connaisse. Franchement c’était un grand plaisir d’y aller. La prochaine édition sera en mars en 2021, elle se fera entièrement à distance au vu, évidemment, des conditions sanitaires. Ça permet à des gens d’intervenir et c’est un évènement vraiment purement libriste extraordinaire. Effectivement, la préparation de cet évènement prend beaucoup de temps.
Sur le fonctionnement de la FSF, donc la FSF a des bénévoles. Il y a une équipe salariée d’une dizaine de personnes, je viens de le dire. Comment est financée la FSF ? Est-ce que c’est uniquement la cotisation des membres et vous avez combien de membres à peu près ? Ou est-ce qu’il y a d’autres sources de financement ?
Odile Bénassy : Frédéric, je crois que la question du nombre des membres n’est pas aussi pertinente qu’en France parce que les gens viennent à la FSF pour soutenir financièrement ou bien ils viennent pour travailler sur des projets. Je crois qu’il y a une comptabilisation des gens qui soutiennent financièrement, mais il n’y a pas de comptabilisation des gens qui viennent juste pour travailler sur des projets, or les deux sont très importants.
Sinon, par rapport à l’argent, il y a aussi des donateurs qui donnent beaucoup plus d’argent.
Frédéric Couchet : D’accord, donc ce sont des donateurs personnes physiques et aussi, éventuellement, des entreprises.
Odile Bénassy : Voilà. Ça peut être toutes sortes de choses et de gens. Maintenant, faire évoluer correctement les principes et les valeurs du logiciel libre, leur conservation, c’est le rôle des administrateurs, particulièrement, ce n’est pas le rôle des membres, bizarrement.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Bizarrement ou pas !
Odile Bénassy : Parce que la FSF ne veut pas de risques de prise de contrôle.
Geoffrey Knauth : On conserve la mission. On doit garder la mission.
Frédéric Couchet : C’est intéressant. On va aborder ce sujet. Il nous reste très peu de temps mais c’est un sujet important sur le fonctionnement de la FSF.
Déjà avant, Odile toi tu es membre, administratrice de la FSF depuis quelques mois, j’ai justement une question pour toi. Geoffrey, comme vous l’avez expliqué tout à l’heure, vous êtes membre de la FSF et dans son conseil d’administration depuis très longtemps.
Je vais rappeler aux gens, pour bien comprendre ma question, que la FSF a été créée en 1985 par Richard Stallman qui est donc le fondateur du mouvement du logiciel libre. Il en a été président jusqu’en septembre 2019, donc il y a un an. Suite à des propos tenus dans le cadre de l’affaire Epstein aux États-Unis, Richard Stallman a démissionné l’an dernier. C’est donc une organisation qui, pendant plus de 30 ans, a été menée par Richard Stallman. Geoffrey, vous avez pris la succession de Richard Stallman. J’ai envie de vous demander comment vous avez vécu le fait de succéder à une telle personnalité et comment ça se passe ?
Geoffrey Knauth : Ce n’est pas très difficile. Je dirais que mon objectif c’est la stabilité. C’est continuer la mission pour garantir que la Fondation va survivre et ne pas perdre la mission. C’est ce que je fais, je ne vais rien changer dans la mission. La mission est bonne et on va la poursuivre.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc vous voyez votre rôle, effectivement, dans la suite logique du travail de Richard Stallman et surtout de conserver…
Geoffrey Knauth : Richard est le philosophe. Moi je ne suis pas le philosophe. C’est lui qui est le philosophe. Moi, en ce moment, je reste présent pour assurer la stabilité. Dans le futur, on aura des jeunes, militants pour le logiciel libre ; c’est pour le futur. Pour l’instant, j’assure la stabilité. C’est très simple, ce n’est pas trop compliqué.
Frédéric Couchet : D’accord. OK. Donc Richard le philosophe, vous la stabilité et conserver la mission.
Odile, tu a intégré la Fondation en tant qu’administratrice récemment. J’ai une peu envie de te poser la même question, en plus tu es la première européenne à intégrer le conseil d’administration de la Fondation : comment as-tu vécu ça en fait ?
Odile Bénassy : Je crois que c’était un peu voulu. La FSF est une fondation américaine, qui répond au droit américain, mais en fait le but n’est pas proprement américain, donc je crois que c’était voulu, de sa part, de chercher à s’ouvrir un peu au reste du monde.
Sinon, on fonctionne quand même de manière collégiale et Richard Stallman est là aussi pour le travail, pour travailler avec nous. Il n’est pas sorti de la Fondation.
Frédéric Couchet : Je vais revenir sur Richard juste après. Je voulais juste finir sur ton ressenti personnel.
Odile Bénassy : Sur mon ressenti : je peux dire que j’ai été très fière d’être accueillie de cette manière pour participer à cette mission tellement importante de conservation et de faire vivre les valeurs du logiciel libre. C’est tellement important pour le monde et c’est très sous-estimé parce que le logiciel ça ne se voit pas bien, c’est derrière les téléphones, c’est derrière les matériels qu’on utilise. On ne voit pas bien le rôle du logiciel. Il faut être plus ou moins informaticien pour en comprendre l’importance. Le logiciel est partout, donc les principes qui le gouvernent sont d’une importance pour tous les instants de notre vie. Actuellement il y a la question des données médicales qui vient sur le devant de la scène. En fait, tout dépend du logiciel et de la façon dont les choses sont traitées, nos données et ce que les gens s’autorisent à faire avec nos machines et à faire avec nous finalement, parce que les logiciels non libres c’est une prise de pouvoir sur nous-mêmes, sur les citoyens.
Frédéric Couchet : Ça me fait justement penser à une citation de Richard Stallman, il y a quelques années, je crois que c’est dans Libération, qui expliquait que la liberté informatique n’était pas supérieure à toutes les autres libertés, mais qu’elle est aujourd’hui la base de toutes les autres libertés.
Odile Bénassy : C’est une sorte de précondition, en fait.
Frédéric Couchet : Une précondition, en fait. Une condition nécessaire ; pas suffisante, mais nécessaire.
Je vois que le temps file, il nous reste très peu de temps. Avant de poser une question quand même à Geoffrey, notamment par rapport à un propos souvent tenu par Richard. Tu disais que Richard Stallman est toujours présent auprès de la FSF. C’est ça ?
Odile Bénassy : Oui, absolument.
Geoffrey Knauth : Il est présent, ça veut dire que je communique avec lui chaque semaine. Nous avons des questions de philosophie et nous parlons. Il écrit des essais, il guide les développeurs. Oui, il travaille.
Frédéric Couchet : D’accord. Souvent Richard Stallman, quand il vient en France, il commence à peu près toutes ses conférences par trois mots : « Je peux définir le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité fraternité », qui est la devise républicaine française. Qu’est-ce que ça évoque pour vous ces mots, liberté, égalité fraternité ?
Geoffrey Knauth : La même chose que pour vous ! Quand j’étais petit j’allais au lycée français de New York alors je comprends ces mots. Ces mots, pour moi, représentent non seulement la liberté des logiciels libres et des ordinateurs, mais ils sont également essentiels à la civilisation éclairée. Ces trois mots sont très importants.
Frédéric Couchet : D’accord. On va arriver au terme de notre échange. Est-ce que vous souhaiteriez ajouter quelque chose, passer un message ou faire une annonce ? Geoffrey.
Geoffrey Knauth : Je n’ai pas de message spécial. Vivre le Libre !
Odile Bénassy : Je vais redire ce que j’ai dit au début : allez voir le site fsf.org et, si vous comprenez un peu l’anglais, essayez de voir si vous ne pouvez pas vous inspirer de ce qui est fait soit pour vous-même soit pour votre travail militant si vous êtes militant.
Geoffrey Knauth : Le site gnu.org a aussi des traductions en français. Nous espérons faire des traductions pour fsf.org, mais gnu.org a déjà des traductions en français.
Odile Bénassy : Et dans beaucoup de langues, absolument, et c’est là qu’il y a la philosophie qui est derrière tout ça.
Frédéric Couchet : Exactement, gnu.org. Ça tombe bien parce que Patrick qui est en régie aujourd’hui, qui est bénévole à l’April, est également bénévole au sein de notre groupe de travail qu’on appelle Trad-GNU, qu’on a créé en 1996 lors de la création de l’April, qui est justement en charge de la traduction de gnu.org en français. Patrick est un de ceux qui traduisent en français gnu.org.
Effectivement, allez voir aussi le site gnu.org sur la partie philosophie, fsf.org sur les campagnes, il y a des parties qui sont en français.
Odile Bénassy : Et puis gnu.org aussi pour les licences.
Frédéric Couchet : Pour les licences.
Il y a la lettre d’information mensuelle de la FSF qui est disponible en anglais et également en français parce qu’on la traduit en français et aussi, je crois, en espagnol.
En tout cas, malgré les conditions techniques un petit peu difficiles, Geoffrey Knauth et Odile Bénassy je vous remercie d’avoir participé à cette émission de présentation de la Fondation pour le logiciel libre. On essaiera d’en refaire une en 2021 dans de meilleures conditions, sans doute avec d’autres outils, pour éviter les problèmes techniques.
En tout cas je vous remercie de votre contribution, de votre intervention. Je remercie grandement Geoffrey d’être intervenu en français. J’espère que vous allez passer une bonne fin de journée et qu’on aura l’occasion de se voir en 2021.
Odile Bénassy : Merci pour cette invitation Frédéric.
Geoffrey Knauth : Merci beaucoup Frédéric.
Frédéric Couchet : C’était un plaisir. Bonne journée.
On va faire une petite pause musicale.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : On va écouter Dreamscape toujours par Darren Curtis. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Dreamscape toujours par Darren Curtis.
Voix off : Cause Commune 93.1
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouterDreamscape toujours par Darren Curtis, disponible sous licence Creative Commons Attribution, CC By. Vous retrouverez toutes les musiques de Darren Curtis sur sa page Bandcamp, bandcamp.com.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April, sur l’importance de ne rien lâcher face à une commune se vantant de distribuer gratuitement des logiciels non libres aux élèves de l’école primaire
Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April ou d’autres structures. Annoncer des événements libristes à venir avec éventuellement des interviews des personnes qui organisent ces événements, c’est la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni, qui est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Bonjour Isa.
Isabella Vanni : Bonjour Fred. Bonjour tout le monde.
Frédéric Couchet : Aujourd’hui, ta chronique propose de revenir sur un évènement personnel qui va permettre de mieux comprendre comment réagir face à une commune qui propose la distribution gratuite de logiciels non libres aux élèves de l’école primaire.
Isabella Vanni : Merci Fred.
En effet, il y a quelques semaines, une personne de mon entourage m’a transmis un courriel qui lui avait été adressé par sa commune en tant que parent d’un enfant en école maternelle. Je souhaite lire le contenu du message :
« Chers parents, nous proposons à tous les élèves de la ville un accès gratuit à une licence Office 365 Pro pendant la durée de leur scolarisation maternelle et élémentaire. Le pack proposé permettra l’installation de tous les logiciels de la suite Office, dans leur dernière version, sur cinq terminaux différents. Il comprend par ailleurs un espace de stockage dans le cloud.
Cette offre complétera, pour ceux et celles qui le souhaitent, l’accès aux solutions de bureautique libre, par ailleurs installées sur les équipements de la ville.
Dans ce cadre, nous sollicitons votre accord pour créer, au nom de votre enfant, un compte Microsoft qui vous servira uniquement à activer auprès de Microsoft la licence Office 365. Cette offre est facultative.
Souhaitant que ces propositions d’équipements pédagogiques sauront pleinement répondre aux attentes de vos enfants et de vous-même… »
Prenons le positif dans cet horrible courriel.
Des solutions de bureautique libre sont déjà disponibles sur les équipements de la ville ! Le courriel ne retient pas nécessaire d’expliquer en quoi ces solutions consistent. Devons-nous en déduire qu’il prend pour acquis le fait que la population de la ville en question les connaît ? LibreOffice serait connu au point de ne plus avoir besoin de présentation ? Si c’est comme ça, c’est génial !
L’enthousiasme, bien évidemment, s’arrête là, car, pour utiliser une métaphore très utilisée par les libristes, cette ville est, de fait, en train de proposer la « première cigarette » aux enfants de 3 à 11 ans.
La personne de mon entourage qui, je précise, est sensible à la cause du logiciel libre sans être non plus militante, ne peut pas s’empêcher de demander à la ville la raison de cette proposition alors que des solutions libres existent.
Frédéric Couchet : Quelle a été la réponse de la ville ?
Isabella Vanni : La voilà : « Sachez, en premier lieu, que la ville n’entend pas prescrire l’utilisation de tel ou tel logiciel dans le cadre des travaux pédagogiques menés par les enseignants. LibreOffice est d’ailleurs installé par défaut sur les matériels qui leur sont fournis, ils ont donc l’entière possibilité de préférer cet outil plutôt qu’un autre.
L’objectif de la ville est toutefois d’œuvrer, à son niveau, pour réduire autant que possible la fracture numérique. Or, si les logiciels libres – c’est dur de lire ça ! – ne posent pas de problème d’accessibilité financière, par définition ils sont gratuits – raté, dommage ! –, ce n’est pas le cas de la solution bureautique Microsoft, souvent préférée par les enseignants.
Cette licence permet, par ailleurs, l’installation de la suite Office sur cinq terminaux familiaux et nous espérons que cela puisse également bénéficier, le cas échéant, aux parents des élèves, à une sœur ou un frère plus âgés pour lesquels l’accès à cette licence peut représenter un enjeu professionnel. En effet, et que nous soyons ou non d’accord, la maîtrise de la suite bureautique Office, et non LibreOffice, est souvent l’un des prérequis à l’accès à l’emploi. »
Ça c’est le courriel du représentant de la ville.
Le parent d’enfant que je connais est bien sûr déçu par cette réponse, voire démoralisé. J’ai donc voulu tout de suite le féliciter pour sa démarche, le soutenir, le rebooster et partager avec lui un certain nombre d’éléments à évoquer dans une éventuelle contre-réponse. J’en profite pour remercier notre administrateur Christian Momon qui avait si bien résumé ces éléments à une précédente occasion.
Frédéric Couchet : Quels sont ces éléments ?
Isabella Vanni : Il s’agit d’évoquer les dangers auxquels s’expose la ville et auxquels la ville expose ses habitants les plus jeunes :
pour commencer, il y a le danger juridique dérivant de l’infraction au RGPD, le Réglement général sur la protection des données : la ville ne peut rien garantir de ce qu’il sera fait par Microsoft des données des utilisateurs et utilisatrices ;
au-delà de ce danger juridique, il y a, bien sûr, tous les dangers liés à la confidentialité des données : collecte, analyse, fichage, revente, transmission aux agences gouvernementales américaines ;
sans compter toute une série de dangers éthiques comme l’optimisation fiscale que fait Microsoft via l’Irlande ; l’abus de position dominante ; le fait de faire l’argent avec les données personnelles des gens et, plus particulièrement, des enfants dans ce cas ; la stratégie commerciale Embrace, extend and extinguish, « adopte, étend et étouffe », c’est-à-dire adopter des standards, puis y ajouter des extensions propriétaires dans le but de créer de nouveaux standards de facto et exclure les concurrents.
J’ai également voulu partager des ressources philosophiques qu’il pourrait transmettre à son correspondant :
la récente intervention de notre présidente Véronique Bonnet aux États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques ;
le texte de Richard Stallman « Pourquoi les écoles doivent utiliser exclusivement du logiciel libre », traduit en français par notre merveilleux groupe de travail Trad-GNU dont nous avons parlé tout à l’heure ;
la chronique de Véronique Bonnet commentant, justement, ce texte mentionné dans l’émission de radio Libre à vous ! du 9 avril 2019.
Par la suite, j’ai voulu parler de ce retour d’expérience personnelle dans le cadre d’une réunion Sensibilisation et d’une réunion informelle des membres April et personnes actives. D’autres éléments sont ainsi ressortis, des angles d’attaque que je me suis, bien sûr, empressée de partager avec le parent d’élève.
Frédéric Couchet : Quels sont ces angles d’attaque dont tu parles ?
Isabella Vanni : Il s’agit de questions à adresser au représentant de la ville :
sur la base de quoi dit-il que la solution bureautique Microsoft est « souvent préférée par les enseignants » ? A-t-il fait un sondage ?
Pourquoi ne pas envisager de sensibiliser le corps enseignant à des logiciels qui respectent les utilisateurs et utilisatrices, qui ne les espionnent pas, qui garantissent la pérennité de leurs documents grâce aux standard ouverts, etc. ?
Est-il au courant qu’il y a plein de collectivités qui se font un point d’honneur de progresser dans l’utilisation et la promotion des logiciels libres auprès de leurs habitants ? Je fais bien évidemment référence au label Territoire Numérique Libre.
Quant à l’argument « Office, est souvent l’un des prérequis à l’accès à l’emploi », fait-il référence au fait que la suite Office serait demandée dans beaucoup d’annonces d’offre d’emploi ? Est-il au courant que ce qui compte vraiment c’est la connaissance et la maîtrise d’une « fonctionnalité » ? Une personne qui connaît et maîtrise une fonctionnalité dans LibreOffice pourra la maîtriser aussi dans Microsoft Office.
Pour ce qui est de l’argument financier, qui payera la licence quand cette version ne sera plus maintenue ou quand il n’y aura plus que la version en ligne d’Office ?
Le représentant de la ville se rend-il compte qu’en proposant cette offre il fait les intérêts d’une boîte, américaine de surcroît, et non les intérêts de ses plus jeunes concitoyens et concitoyennes ?
Je ne sais pas si l’échange entre la personne que je connais et le représentant de la ville a continué. J’attends des nouvelles. Quoi qu’il en soit, c’était fondamental, pour moi, de soutenir l’action de ce parent d’enfant, de lui donner de la matière, des arguments, de l’outiller pour qu’il ne se laisse pas faire.
À chaque fois que nous donnons des billes à une personne qui est dans une démarche de promotion et de défense des libertés informatiques, il y a potentiellement d’autres personnes qui utiliseront ces mêmes arguments ou qui en profiterons.
Donc, en termes de logiciel libre, j’invite à faire exactement l’inverse que pour le covid : surtout, n’interrompons pas la chaîne de sensibilisation !
Frédéric Couchet : Très belle conclusion Isabella. Merci pour cette chronique dont le texte sera disponible lors de la transcription.
C’était la chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.
Nous allons passer aux annonces de fin.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Frédéric Couchet : Dans les annonces de fin, je vais vous rappeler que la radio propose un répondeur. Si vous voulez réagir à un sujet de l’émission, poser une question ou simplement laisser un message, vous pouvez faire un retour sur le 09 72 51 55 46, je répète 09 72 51 55 46.
Je vous rappelle que la radio Cause Commune, la voix des possibles, c’est sur la bande FM sur 93.1 en Île-de-France de midi à 17 heures puis de 21 heures à 4 heures en semaine, du vendredi 21 heures au samedi 16 heures et le dimanche de 14 heures à 22 heures, et c’est 24 heures sur 24 en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
L’émission Libre à vous ! et plus globalement la radio est contributive. N’hésitez pas à nous proposer des sujets, des musiques, des personnes à inviter. Vous pouvez contribuer à l’émission. Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm, les moyens de nous contacter.
Vous pouvez également, évidemment, soutenir financièrement la radio associative Cause Commune, car la radio a besoin de soutien financier, notamment ne serait-ce que pour payer les frais matériels, loyer du studio, diffusion sur la bande FM, serveurs. Nous vous encourageons à aider la radio en faisant un don. Toutes les infos sont sur le site causecommune.fm et vous pouvez aussi aider en consacrant du temps à l’émission.
Dans les annonces d’évènements à venir, Isabella parlait tout à l’heure des réunions du groupe de travail Sensibilisation de l’April. Le groupe de travail poursuit ses réunions à distance chaque jeudi. La prochaine réunion c’est jeudi 17 décembre de 17 heures 15 à 19 heures 30. Les informations sont sur le site de l’April, april.org.
Nos amis de Parinux organisent également des soirées de Conversations autour du Libre, toujours le jeudi. La prochaine portera sur les smartphones, « quelles libertés nous reste-t-il sur ce genre d’appareil ». Elle aura lieu jeudi 17 décembre, ouverture du salon à partir de 20 heures 30 et démarrage à 21 heures, donc parinux.org.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Éric Fraudain, Odile Bénassy, Geoffrey Knauth, Isabella Vanni.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Patrick Creusot qui faisait son retour à la régie. Le démarrage a été un petit peu dur, mais l’essentiel c’est de s’y remettre.
Merci également à l’équipe podcast : Sylvain Kuntzmann, Lang1, Samuel Aubert, Olivier Humbert, Élodie Déniel-Girodon, bénévoles à l’April ; Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio ; merci également à Quentin Gibeaux et Christian Momon qui font la découpe des podcasts complets en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site web, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm, une page avec toutes les références utiles. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous. Faites également connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles, surtout qu’en ce moment il y a de belles Antenne libre, de beaux sujets qui sont traités. Hier soir, par exemple, notre ami Karim avait fait un sujet avec Marion de l’association Elle’s IMAGINE’nt sur les violences conjugales. Ensuite il y a eu une Antenne libre. Jeudi soir à 21 heures Les joyeux pingouins en famille, émission totalement foutraque. Moi-même je vous rendez-vous ce soir, donc mardi à 21 heures, avec mon camarade Mehdi pour vous faire voyager musicalement avec du reggae, de la techno, de la house, du hip-hop, de la drum and bass. C’est à partir de 21 heures jusqu’à au moins 22 heures 30. Rendez-vous sur causecommune.fm ou en FM ou en DAB+.
La prochaine émission Libre à vous !, quant à elle, aura lieu en direct mardi 5 janvier 2021 à 15 heures 30. Nous allons faire une petite pause pendant les vacances. Nous allons visiblement nous confiner, je pense. On va quand même essayer de récupérer un petit peu et de profiter. Le 5 janvier, notre invité principal sera Henri verdier, ambassadeur pour le numérique. Nous sommes ravis de le recevoir pour qu’il nous parle un petit peu de sa vision de l’informatique, d’une informatique libre, etc.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve pour Libre à vous ! en direct mardi 5 janvier. Je vous retrouve ce soir à 21 heures et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.