Émission Libre à vous ! diffusée mardi 15 avril 2025 sur radio Cause Commune Sujet principal : Luanti, approche éducative


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Bienvenue dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Luanti, une approche éducative, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme « Ne nous prenons pas trop au sérieux », dans une nouvelle humeur de Gee, et aussi, en fin d’émission, une pépite libre de Jean-Christophe Becquet : « Les ressources de l’association fable-Lab pour être plus libre grâce aux mots ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 15 avril 2025. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, Bookynette. Salut Booky.

Bookynette : Salut.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les humeurs de Gee » – « Ne nous prenons pas trop au sérieux »

Étienne Gonnu : Gee, auteur du blog-BD Grise Bouille, vous expose son humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-Internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
Salut Gee.

Gee : Salut Étienne et salut à toi, public de Libre à vous !.
Avec le retour des beaux jours, je suis d’humeur taquine et je n’ai pas envie de te plomber encore avec une énième chronique sur la destruction du monde par le capitalisme ou sur les fameuses frasques des GAFAM ! Non, aujourd’hui, je vais te parler de légèreté, d’humour et, de manière générale, du fait de ne pas se prendre au sérieux. Parce que dans le milieu du logiciel libre et de la culture libre, chez les libristes donc, c’est un sujet sur lequel tout le monde n’est pas forcément d’accord : faut-il se prendre au sérieux ou non ? Fallait-il remplacer le bouton « Pouet » de Mastodon par un simple « Publier » ?
Si vous n’aviez pas suivi, c’était il y a deux ans. À l’époque, sur Mastodon, le média social de microblog libre et décentralisé, le bouton qui permettait de publier un message s’appelait « Toot ». En anglais, toot désigne le bruit que fait un klaxon ou un éléphant — vu que les mastodontes étaient des proches parents des éléphants, on comprend l’origine —, mais toot ça peut aussi être un bruit de pet, d’où la traduction française « pouet ».
Personnellement j’ai toujours trouvé ça assez rigolo. Mais, clairement, ça ne faisait pas sérieux et comme il fallait concurrencer Twitter, il fallait faire sérieux, parce que sinon les gens viendraient pas, ils trouveraient ça puéril et donc… hop, exit les toots, finis les « pouets ».
Ce qui est fou, d’ailleurs, c’est que ça n’a jamais dérangé personne qu’on parle de « tweets » sur Twitter, ce qui signifie « gazouilli » et qui ne fait pas bien sérieux non plus. Quand c’est un start-upper cocaïné qui fait dans la légèreté, c’est novateur et c’est un signe de coolitude, mais quand c’est nous les libristes, on nous dit que ça montre bien notre amateurisme, va comprendre !

Eh bien, moi je trouve qu’on devrait assumer cette légèreté et cet humour, parce que ne pas se prendre au sérieux, c’est quand même une bonne base pour s’empêcher de devenir des immenses connards. Parce qu’on a beau se la raconter avec nos licences, nos bouts de code hyper-sophistiqués, nos joujoux technologiques, on reste, au final, une bande de gros tas de viande névrosés, et quoi qu’il arrive, comme dirait la chanteuse GiedRé, on fait tous caca. Alors arrêtons de péter plus haut que nos culs de peur de se retrouver avec un peu de merde derrière les oreilles. Pardon, j’arrête là pour le champ lexical scatologique.

Du côté du logiciel libre, je pense justement que notre humour, notre dérision, c’est aussi ce qui fait notre différence, notre originalité et une de nos forces. J’avais trouvé ça d’une tristesse absolue quand Ubuntu avait lâché, il y a un paquet d’année maintenant, sa palette originale de teintes brunes, orangées, des couleurs chaudes qui détonaient dans le milieu de l’informatique. Ça avait une gueule, ça avait une patte ! Un truc avec des fonds d’écran de la savane et des tam-tams africains qui t’accueillaient à l’allumage, ça ne faisait pas pro. Alors on a fait comme tout le monde, on a mis des teintes violacées, bleues, des couleurs froides, et on a remplacé les tam-tams par un synthétiseur bien générique, comme il y en a partout. Et c’est dommage, parce que cette esthétique, elle est partout et elle me sort par les yeux ! C’est comme cette uniformisation des couleurs de notre monde où toutes les bagnoles sont devenues noires ou blanches et où toutes nos fringues sont dans des teintes de blanc, gris, beige, noir. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’optimisation constante des profits pousse à choisir ce qui se vend le plus largement, donc à des choix toujours plus consensuels, toujours plus proches du plus petit dénominateur commun. Pendant les grandes heures de l’URSS, on mettait les gens en garde contre le communisme où tout le monde aurait la même voiture, les mêmes fringues et la même bouffe, eh bien finalement, c’est exactement ce que le capitalisme triomphant a réussi à faire. Bon ! Je retire ce que j’ai dû au début, la chronique qui ne parle pas de comment le capitalisme détruit le monde, ce n’est pas encore pour aujourd’hui.

Pour revenir à mon sujet, les logiciels libres ont cet avantage de ne pas être guidés en premier lieu par l’optimisation du profit, donc peuvent, à mon sens, se permettre de faire un pas de côté par rapport à cette uniformisation, et de s’autoriser un peu de fantaisie, un peu de légèreté. Moi, j’aime bien que plein de logiciels libres utilisent des mascottes rigolotes au lieu d’un simple logo : le manchot de Linux, le gnou de GNU, le panda roux de Firefox, le poulpe — ou plutôt la seiche — de PeerTube, le diablotin de BSD, etc. Et j’aime bien qu’en décembre, l’icône du lecteur multimédia VLC — un cône de chantier, déjà pas très sérieux d’ailleurs — mette un petit chapeau de Père Noël, comme ça.

Évidemment, les libristes ne vivent pas dans un vide interstellaire dégagé de toute considération bassement matérielle, eh oui, il faut bien gagner sa croûte, donc, je comprends qu’on essaie quand même de faire un peu sérieux si ça peut retirer quelques barrières à l’adoption de logiciels libres. Disons que c’est un équilibre à trouver.

À Framasoft, la dernière fois, on avait proposé une campagne qui s’appelait « Collectivisons Internet / Convivialisons Internet », mais ça, c’était la version sérieuse. La version déconne prenait les deux premières de chaque mot, ce qui donnait « Coin Coin ». Sur le site de soutien, la version normale était sobre, mais tu pouvais aussi accéder à la version « Coin Coin » où tu étais accueilli⋅e par un gros canard. Bref, on essayait de jouer un peu sur les deux tableaux.
À l’April aussi, d’ailleurs, la question s’est posée quand nous avons lancé notre dernière campagne d’adhésion, Le Lama déchaîné. C’est vrai qu’accueillir les gens avec une animation de lama qui crache, ce n’était peut-être pas aussi consensuel que ça aurait pu l’être, mais on s’est dit que ça ferait plus marrer et adhérer de gens que ça n’en rebuterait et je pense qu’on a eu raison.
Bien sûr, on me répondra que les grosses boîtes de la tech savent très bien récupérer la légèreté et intégrer les dernières vagues d’humour à la mode pour faire cool, notamment dans la publicité. Honnêtement, au moment où une blague atterrit sur le bureau d’un publicitaire, elle est très souvent largement périmée, et surtout personne n’est dupe du fait que non, le community manager de Netflix qui parle comme ton super pote, ce n’est pas ton super pote, c’est un type payé pour faire tout son possible pour que tu te désabonnes pas lors de la 3e augmentation de tarif de l’année.

Et puis, je pense qu’il y a des formes de légèreté et d’humour qui sont difficilement récupérables, notamment tout ce qui sort du consensus mou. Exemple de blague peu récupérable : « Vous savez pourquoi les milliardaires veulent tous aller dans l’espace ? — Parce que sans la gravité, les guillotines ne fonctionnent pas. » Voilà, celle-là, vous avez peu de chances de voir Elon Musk la faire.

De manière générale, ne pas se prendre au sérieux, c’est aussi prendre acte qu’être dans la norme n’est pas une fin en soi. À l’heure où on commence à bouffer en permanence de la com’ statistiquement moyenne, dupliquée à l’infini par des IA qui polissent et uniformisent le monde avec plus d’efficacité que n’importe quel manager un peu trop rigide ; à l’heure où il te suffit du bon prompt pour te générer l’accroche statistiquement la plus efficace, l’image la plus statistiquement satisfaisante, eh bien proposer des trucs qui ne sont pas dans la moyenne, des blagues un peu potaches, pas trop récupérables par les pubards, des pouets, des coins coins, des lamas qui crachent, des bruits de tam-tams… moi je trouve ça vachement rafraîchissant. Pas vous ?

Étienne Gonnu : Si, complètement, et je n’avais pas mesuré le côté très subversif de Framaprout aussi à l’époque.
Merci pour cette chronique rafraîchissante qui nous permet effectivement de rentrer de bon pied dans ce printemps.
J’en profite pour rappeler, Gee, que tu es un auteur qui as fait le choix de placer ses œuvres sous licence libre et que tu tires l’essentiel de tes revenus de tes oeuvres non pas par leur vente mais par le soutien des personnes qui le veulent bien, si elles le peuvent. Donc, si vous appréciez les chroniques de Gee, ses dessins et autres livres, n’hésitez surtout pas à le soutenir à la hauteur de vos moyens. Plusieurs manières pour le faire sont décrites sur son site, ptilouk.net, on mettra le lien directement sur la page de l’émission.

Gee : Merci beaucoup.

Étienne Gonnu : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous parlerons d’une approche éducative de Luanti, un jeu semblable à Minecraft.
Avant cela, nous allons écouter We’re All Going To Hell par Hearse Pileup. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : We’re All Going To Hell par Hearse Pileup.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter We’re All Going To Hell par Hearse Pileup, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons maintenant passer à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

Luanti, approche éducative

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur une approche éducative de Luanti, un jeu libre semblable à Minecraft. Ce sujet sera animé par Laurent Costy, vice-président de l’April.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Toutes références de l’émission seront rendues disponibles sur la page consacrée à l’émission, libreavous.org/243.
Laurent, je te laisse le micro ainsi qu’à tes deux invités, présent et présente en studio avec nous.

Laurent Costy : Merci Étienne. J’envie vraiment ton accent sur le titre des chansons, respect, tu m’apprendras parce que je suis loin, je suis très loin. Bref !
Le 10 septembre 2024, nous vous proposions déjà une émission dédiée à Luanti, qui s’appelait encore Minetest à l’époque. On expliquait déjà très bien, en introduction, par un habile copier-coller de Wikipédia, ce qu’est Luanti et on va quand même le rappeler pour celles et ceux qui ne connaissent pas. Cette fois, on fait un copier-coller en partie de la transcription de l’émission sur le site librealire.org, donc j’y vais : « Luanti est un moteur de jeu vidéo multi-plateforme. Le joueur peut évoluer dans des mondes générés de façon aléatoire, composés de blocs, rassembler diverses matières premières et les combiner pour façonner le monde comme il l’entend. Il est important de noter que le projet est plutôt un moteur de jeu qu’un jeu en lui-même – on va vous l’expliquer plus tard. Luanti est largement inspiré du jeu Minecraft – tu l’as dit en introduction Étienne –, mais il est sous licence libre et ça fait une énorme différence pour nous. Et comme on s’est posé la question avant l’émission, Luanti est la contraction du mot finlandais – la nationalité du créateur du jeu, celeron55 –, luonti, qui se traduit par « création », et du nom du langage de programmation qui est utilisé pour le développement : Lua.
Si la première émission avait pour but de faire découvrir Luanti, notre objectif, aujourd’hui, avec nos deux invités que sont Sarah Bétaucourt et Jean-François Cauche, qui vont se présenter plus amplement, et corriger mes erreurs après cette introduction, et surtout donner à voir des utilisations pédagogiques de Luanti. Avec un tel outil libre et gratuit les possibilités éducatives semblent infinies.
Sarah, Jean-François, je vous laisse donc vous présenter et expliquer comment, avec votre parcours, vous en êtes arrivés à utiliser Luanti. Sarah, tu commences ?

Sarah Bétaucourt : Je suis enseignante. Quand j’ai rencontré Jean-François pour la première fois, j’étais enseignante sur la commune de Roubaix, dans le Nord de la France. On a fait un premier projet ensemble et, l’année suivante, Jean-François m’a contactée en me disant qu’il avait un projet à tester dans une classe. Je suis toujours très ouverte justement pour tester de nouvelles choses et c’est comme cela qu’a démarré le travail qu’on a fait ensemble sur ce qu’était Minetest à l’époque, parce que ça s’appelait comme cela à ce moment-là.

Laurent Costy : Très bien. Jean-François Cauche.

Jean-François Cauche : Je suis indépendant dans le domaine du numérique depuis 15 ans et, à l’époque, j’étais chargé de mission pour un projet européen sur, je vais dire un gros mot, Minecraft, comment on peut utiliser Minecraft dans la classe. J’ai atterri sur ce projet qui était déjà lancé, la piste Minecraft était déjà lancée par différents partenaires européens et personne ne connaissait Minetest. J’ai donc lancé le sujet en essayant de voir si on pouvait lancer des projets autour de ça, adapter. On en a largement discuté, on a essayé de créer quelques expériences autour de ça. Comme des tests étaient prévus dans chaque pays, il fallait qu’on fasse plusieurs expériences, j’ai donc effectivement proposé à Sarah de mener cette expérience.
On est venu sur Minetest, donc Luanti, pour diverses raisons, ne serait-ce le fait de la question de la licence et les complications par rapport à ça, et puis le matériel qui n’était pas forcément dédié, on avait des tablettes, Luanti passait très bien sur ces tablettes, alors que ça aurait très compliqué avec Minecraft.

Laurent Costy : D’accord. Juste pour comprendre l’articulation, pour comprendre comment on peut venir faire des expérimentations dans la classe. Par quelle structure as-tu été sollicité ? Est-ce Sarah qui a sollicité des expérimentations ? Ou c’est parce que vous vous connaissiez avant ?

Jean-François Cauche : Il y a ça et j’ai la chance de travailler avec la ville de Roubaix depuis très longtemps, c’est du canal historique. Si je me souviens bien, j’ai arrêté mon boulot le 31 mars et le 1er avril, j’avais déjà un rendez-vous avec la ville de Roubaix pour commencer à mener des projets. Je monte donc énormément de projets éducatifs avec eux depuis très longtemps et, chaque année, un catalogue est proposé aux enseignants avec des activités culturelles et numériques entre autres.

Laurent Costy : Donc, Sarah, tu as repéré sur le catalogue une activité, tu t’es dit « bingo ! ».

Sarah Bétaucourt : Cela en effet pour la première fois qu’on a travaillé ensemble. En fait, on avait les coordonnées de Jean-François et on a articulé un projet. Avec nos élèves, on avait décidé de travailler autour du conte, on a donc articulé tout un projet avec la médiathèque, avec Jean-François pour l’apport en numérique, et c’est comme cela qu’on a commencé à travailler ensemble. L’année suivante, en revanche, c’est Jean-François qui m’a contactée en me disant « j’ai un projet européen, est-ce que ça te branche ? », et c’est comme cela que ça a démarré.

Laurent Costy : Très bien. Peux-tu préciser le niveau d’enseignement que tu as eu ?

Sarah Bétaucourt : C’étaient des CP.

Laurent Costy : Des CP. D’accord, merci beaucoup.

Jean-François Cauche : Je me suis planté sur la fiche, ce n’étaient pas des CE1/CE2, c’étaient des CP.

Laurent Costy : Ça reste relativement proche.
On va quand même refaire une petite passe, un petit passage pour expliquer aux gens qui ne connaîtraient pas ce qu’est Luanti, essayer d’expliquer ce que ça peut être. Évidemment, il y en a qui peuvent avoir en tête l’image de Minecraft, néanmoins, pour celles et ceux qui ne connaissent pas, expliquer ce que c’est et expliquer aussi comment on se prend au jeu, parce que, finalement, ça peut devenir assez vite addictif. Mais, la première fois qu’on débarque, on peut trouver ça très vite ennuyeux. Je ne sais pas quel est votre ressenti, comment vous décrivez ce qu’est Luanti. Sarah.

Sarah Bétaucourt : Il faut quand même savoir que j’ai un niveau en matière numérique, informatique, etc., qui avoisine, je pense, le niveau de la mer, il faut être honnête ! Pour le coup, j’ai vraiment fait confiance à Jean-François. J’avoue que le point de départ était assez déstabilisant pour moi, peut-être moins pour toi, et encore plus pour les élèves, mais, au contraire, c’était super cool, parce qu’il y a un côté vraiment carte blanche où il faut tout repenser et on n’a pas ses marques. Pour les petits c’était top. Quand ils ont vu, ils ont dit « c’est Minecraft », ils étaient à fond et ils se sont vite rendu compte qu’en fait non, ce n’est pas la même chose et, du coup, ils étaient un petit peu déstabilisés, ça les obligeait justement à requestionner.

Laurent Costy : Ils avaient déjà des usages avancés de Minecraft en CP ?

Sarah Bétaucourt : Oui.

Laurent Costy : Ah oui ! Je ne m’attendais pas à ça quand même !

Jean-François Cauche : Certains nous ont même fait du tutoriel en direct en expliquant ce qu’il fallait faire.

Laurent Costy : OK ! Je ne m’attendais pas à ça !

Sarah Bétaucourt : La première séance, on a décidé de les laisser expérimenter un peu en roue libre pour ne pas les frustrer, on a gagné des piscines, on a gagné des constructions dingues, des parcs. On les a laissés créer avant, justement, d’amener les attendus qui étaient prévus.

Laurent Costy : Donc ça, c’est bien un moteur du jeu. On pourrait faire le parallèle avec le monde réel qu’est le Lego. À un moment donné, quand on a plein de briques en plastique – avec toute la réserve qu’on peut mettre sur les questions de Lego et du plastique –, c’est cette capacité à pouvoir construire. C’est un des moteurs du jeu, Jean-François.

Jean-François Cauche : Il y a aussi une notion qui est très intéressante dans Luanti, c’est le fait que l’univers évolue. Il y a ce côté où, effectivement, on peut fabriquer, on peut crafter, c’est-à-dire qu’on va prendre les matières, on va les mélanger, on va créer des choses. Et quand on plante quelque chose, effectivement ça pousse. Il y a les saisons qui arrivent, on a le ciel le jour, la nuit, plein d’éléments comme ça. On a parfois vraiment l’impression de vivre une aventure. Normalement, c’est un jeu qui se joue à plusieurs, qui se joue en groupe, mais quand on est en solo, il y a ce petit côté Robinson Crusoé : je débarque sur une île, je débarque sur un univers et puis ça y est, je vais devoir m’équiper, je vais devoir explorer. Il y a un côté assez intéressant là-dedans, surtout qu’en fonction du monde que l’on choisit, on peut avoir aussi des souterrains, donc, parfois, on va tomber sur des grottes, on va tomber sur des tas de surprises et les univers sont très grands, sont d’ailleurs plus grands que ceux de Minecraft. Aux dernières nouvelles, je crois qu’on était sur 65 000 cubes de côté pour le carré, ce qui fait une énorme map, un truc vraiment très important. C’est ce côté évolutif qui est aussi très intéressant.

Laurent Costy : Donc construire, explorer, ce sont deux moteurs du jeu qui permettent effectivement de devenir accro, potentiellement, à Minetest.
Dans quel milieu se situe l’école ? Est-ce qu’on est dans un quartier favorisé ?

Sarah Bétaucourt : Non, absolument pas. C’est une école qui est en zone qu’on appelle REP+, en zone d’éducation prioritaire plus.

Laurent Costy : D’accord. Donc l’expérimentation fonctionne très bien, tu vas nous le préciser au fil de l’émission. Je pense que c’est important de le préciser. En plus, c’est posé sur le chat, donc je me permets de relayer la question. Je pense que c’est important pour appréhender les choses.
Très bien. Est-ce qu’on peut rentrer dans l’aspect concret des projets qui ont été menés sur Luanti ?

Jean-François Cauche : Il y a eu deux projets donc celui avec Sarah et je vais en citer un autre avec Lucie Plouvier, une autre enseignante de Roubaix qui ne pouvait pas être présente avec nous aujourd’hui. Ça consistait effectivement à voir comment on pouvait utiliser Luanti dans la classe, autour d’un projet de classe. L’idée ce n’est pas de mettre du numérique pour du numérique, mais d’appuyer un projet qui peut aider la classe, qui peut aider la pédagogie.
Une petite précision. Pourquoi Sarah ? Pourquoi Lucie ? Déjà parce que je les connaissais, ça s’était passé super bien l’année précédente, sur d’autres projets, et il fallait aussi, on va dire, des enseignantes dynamiques avec vraiment la volonté d’avancer. C’était un choix, j’ai tenté le coup, ça a marché.

Laurent Costy : Tous les enseignants et toutes les enseignantes sont dynamiques et ont envie d’avancer !

Jean-François Cauche : Oui ! Ça dépend des projets.

Laurent Costy : Après, ils ont des appétences particulières.

Jean-François Cauche : Oui. Là, je savais que ça serait particulièrement facile à mettre en place, parce que, vraiment, tout se passait bien.
Avec Sarah, tu m’arrêtes si jamais je dis des bêtises, l’idée c’était surtout de travailler sur le quartier et de voir quels étaient les parcours des enfants pour se rendre dans des lieux importants pour les activités extérieures comme aller à la piscine, aller au conservatoire, aller à la salle de sport.

Laurent Costy : C’est le projet avec Sarah. Du coup, on va laisser Sarah parler de ce projet-là et tu parleras de l’autre projet auquel Sarah n’a pas participé, si tu veux bien. Merci.

Sarah Bétaucourt : L’avantage de ce projet, c’est que, quand Jean-François a pris contact avec moi, il m’a dit : « J’ai cet outil-là, j’ai ce projet qui tourne autour de cet outil, comment vois-tu les choses ? Comment as-tu envie d’essayer de le bosser ? ». Je suis partie sur tout ce qui est repérage dans l’espace et, pour cela, Jean-François a pris comme base – pareil, tu m’arrêtes sur les détails techniques s’il y a erreur – des cartes IGN qu’il a intégrées dans le logiciel, dans les tablettes.
Comme je disais, première séance, ils ont fait un carnage, ils nous ont cassé tout le quartier, ils ont fait des piscines. Bref ! Nous sommes partis et je leur ai dit « le but, c’est que vous soyez capables de me retracer le trajet qu’on fait pour aller à la piscine toutes les semaines. » Là, ce qui est génial, c’est que l’environnement est assez neutre et ils étaient complètement perdus : il n’y a pas la façade de l’école, il y a pas d’arbres, il n’y a pas les feux tricolores, donc même au niveau des passages, ils disaient « mais là, il faut attendre au feu, il n’y a pas de feu ! ». Donc plein de détails que nous avons pu, petit à petit, gérer. Jean-François a notamment apporté – ça doit avoir un terme technique, tu m’excuseras – des lampes torches sur les sites essentiels, donc le site de départ, les sites recherchés.

Jean-François Cauche : Les œufs, la chasse aux œufs.

Sarah Bétaucourt : Qui brillaient. Pareil, ce que tu disais tout à l’heure, la notion de jour/nuit passe très vite. Ils se retrouvaient donc en « plein trajet », entre guillemets, et là, d’un seul coup, il fait nuit ! Pareil, complètement perdus ! C’était super intéressant de voir qu’ils ont tellement l’habitude de se baser plus sur des détails du quotidien, des détails d’architecture, etc., et là, on voulait vraiment travailler la notion de gauche/droite, en avant, pure et dure, combien de rues tu laisses passer avant de tourner à droite, etc. Pour le coup, c’était vraiment marrant parce que ça les déstabilisait complètement et ça les obligeait vraiment, justement, à entrer dedans d’un point de vue hyper-ludique, qu’après on a pu extrapoler pour le trajet à la salle de sport. C’était juste génial parce que dès qu’on refaisait un trajet, d’eux-mêmes ils s’arrêtaient et ils criaient tous dans la rue « là c’est à gauche ». Après on retravaillait en classe sur les tablettes.

Laurent Costy : C’est une fonctionnalité que je trouve vraiment puissante dans Luanti, cette possibilité d’importer des cartes IGN, l’IGN permet cet import. Tu nous expliqueras, Jean-François, comment ça fonctionne techniquement. Je trouve ça puissant. On arrive effectivement avec des cartes qui sont plates, il n’y a pas de relief, il n’y a pas les bâtiments ou ils sont minimalistes et tous identiques. Du coup, c’est vrai qu’il faut déconstruire pour reconstruire.

Sarah Bétaucourt : Il y a du relief, en effet, mais c’est vrai qu’il n’y a pas la notion de hauteur des bâtiments, c’est uniforme. Par exemple, l’école était plus haute que les bâtiments juste à côté, il n’y avait pas les marches qui sont devant le supermarché qui est juste en face. Plein de détails, comme ça, qui avaient tendance à beaucoup les perturber.

Laurent Costy : Un regard sur l’environnement proche et c’est puissant, surtout à cet âge-là. Je ne connais pas le programme de l’Éducation nationale, mais j’imagine que ça en fait partie.

Sarah Bétaucourt : Ça répond pleinement aux attentes, ça se travaille en effet dès la maternelle et jusqu’au CM2 dans l’absolu.

Laurent Costy : Et sur les aspects techniques, as-tu des choses à compléter, Jean-François ?

Jean-François Cauche : Par rapport aux cartes, je suis parti d’un service proposé par l’IGN, qui s’appelle Minecraft à la carte, qui propose aussi un export en version Minetest/Luanti, qui est vraiment bluffant. J’ai effectivement cartographié des tas de lieux différents, là c’était pour l’école, je l’ai fait aussi pour moi, j’ai fait mon quartier, j’ai fait le lieu où je pars en vacances, je me suis tapé des randonnées en Provence, comme ça, en version virtuelle, Disneyland, plein de trucs. C’est vrai qu’on se perd parce que tout se ressemble, toutes les maisons se ressemblent, les bâtiments sont très lisses. On finit quand même par se retrouver en prenant des points véritablement importants : une rivière, un point de départ, des choses comme ça qui sont facilement reconnaissables et là on peut se retrouver. C’était donc assez intéressant.
Une anecdote que Sarah vient de me rappeler. Ce projet était tellement prégnant, nous étions à fond dessus, qu’un jour, en allant à l’école, je me suis dit « tiens, je vais aller voir si l’œuf doré que j’ai placé est toujours là » et je suis allé dans le parc, avant de me rendre compte, au bout de 30 secondes, que non, l’œuf est dans le jeu, il n’est pas dans la vie réelle et j’allais vers les arbres. C’est assez amusant !

Laurent Costy : Merci pour ces éléments de précision. Peut-être une question à laquelle on peut répondre maintenant : là, on est dans le monde de l’Éducation nationale, est-ce qu’il y a des coopérations, est-ce que tu connais des coopérations avec des associations qui travaillent sur ces projets-là ? Je connais une association qui s’appelle Zoomacom, sur Clermont-Ferrand, qui avait beaucoup travaillé sur l’interaction réalité et jeu. Je ne sais pas si tu as connaissance d’autres associations qui travaillent sur ce sujet.

Jean-François Cauche : Associations non, je n’ai rien de précis en tête, par contre Minecraft, Minetest, Luanti, est-ce que je vais y arriver !

Laurent Costy : On rappelle que Minetest est devenu Luanti à la fin de l’année dernière.

Jean-François Cauche : Luanti s’est bien développé au niveau de l’Éducation nationale. J’avais présenté ce projet-là, j’en avais parlé à Alexis Kauffmann il y a quelques années, il y a deux/trois ans, à Educatech où nous nous étions croisés. Il m’avait dit qu’il voulait monter un petit groupe de réflexion là-dessus et, petit à petit, ça s’est fait. J’ai notamment présenté le projet à Beauvais, lors d’un événement que le rectorat avait dédié au numérique, pas qu’au logiciel libre, mais ils sont quand même super actifs au niveau du rectorat là-bas. Il y avait notamment un groupe qui était mené par Nathalie Soetaert, une enseignante qui travaille maintenant pour le rectorat, qui est très branchée sur Luanti, je l’ai encore croisée il n’y a pas si longtemps que ça, moins d’une semaine.

Laurent Costy : Il y a donc un collectif d’enseignants qui travaillent sur Luanti.

Jean-François Cauche : Tout à fait. Ils présentaient justement un projet qui s’appelle MineStory, une sorte de serveur Minetest, qui permet de voir des bâtiments historiques, qui permet aussi de retrouver des périodes. Je n’ai pas encore eu le temps de le tester, la démo était effectivement bien fournie, c’est donc un outil qui est utilisable directement par l’Éducation nationale, toutes périodes confondues, ça a l’air super intéressant et ils sont vraiment super actifs sur la question.

Laurent Costy : Donc ouvert « seulement », entre guillemets, à l’Éducation nationale, à priori pas aux associations qui seraient autour de l’Éducation nationale. Et puis il y a une rencontre parents, je crois, c’est ça ? Ils se rencontrent régulièrement par rapport à ce projet-là.

Jean-François Cauche : Non. Là c’était dans le cadre de la Journée du Numérique Libre qui a eu lieu au lycée Carnot de Bruay-la-Buissière, il y a à peu près une semaine. Il y avait une conférence prévue sur Luanti, sur ses usages. Je ne sais pas exactement quelle va être la suite, en tout cas c’est bien, ça se développe concrètement. Je pense qu’après ça va toucher aussi d’autres secteurs parce que des expériences ont été menées dans le domaine éducatif avec Minecraft, mais on a toujours des blocages avec ces questions de licence, d’installation, etc., même simplement techniquement.
Pour le projet européen Epitome, j’avais Minetest installé sur mon ordinateur et aussi Minecraft. Il n’y a pas encore si longtemps, je lance Minecraft, il faut, un, que je me connecte ; deux, une mise à jour se met en route. J’attends que la mise à jour soit installée. Il y a une déconnexion, donc je me reconnecte. Ah !, je dois changer tel truc parce que je ne l’ai pas fait depuis un moment Ah !, il y a de nouveau un autre truc qui se charge avec un plugin ! Enfin, on arrive sur son interface, enfin on peut charger quelque chose, enfin on arrive au jeu ! De l’autre côté, je lance Minetest, je lance Minetest, c’est bon, ça me prend 15 secondes, le logiciel est lancé, c’est parti. Il y a aussi ce côté intéressant : c’est plus simple d’utilisation pour les enseignants et enseignantes.

Laurent Costy : D’accord. Du coup qu’est-ce qui peut faire que ça se développe plutôt côté Luanti que Minecraft ? Vous faites la promotion ? Tu interviens au JDLE [Journée du Libre Éducatif]. Est-ce que tu fais la promotion de ton projet, Sarah ? As-tu eu l’occasion ? Est-ce qu’on t’a sollicitée pour ça ?

Sarah Bétaucourt : Non, on ne m’a pas sollicitée pour ça. Je n’ai pas fait la promotion du projet parce que l’année suivante j’ai quitté la circonscription où j’étais et je suis devenue remplaçante. Dans ces conditions, c’est beaucoup plus compliqué de continuer à monter des projets. Sinon oui, ça aurait été avec plaisir d’essayer de monter en charge ne serait-ce qu’au niveau de ma circonscription et après au niveau localité. Jean-François, de son côté, a besoin justement sur la commune de Roubaix d’échanger.

Laurent Costy : Parce que répéter deux, trois ou quatre ans un projet en milieu scolaire, ça permet de l’améliorer : la première année on teste, on est un peu encore un bricolage, on fait un petit retour d’usage, puis on se dit « tiens, il faudrait améliorer ça, améliorer ça ». Deux/trois ans derrière ce n’est pas mal, en général, pour avoir un processus pédagogique abouti, qui pense à tous les volets.

Sarah Bétaucourt : En effet, ça aurait été l’idéal.

Laurent Costy : Là, on est effectivement confronté au « turnover », entre guillemets, dans les classes.
Très bien. Est-ce qu’il y a d’autres exemples autour de Luanti qui peuvent être évoqués ?

Jean-François Cauche : Il y a effectivement le projet avec Lucie Plouvier à l’école Gambetta de Roubaix. C’était avec des CM2, là je ne me trompe pas, j’en suis certain. L’idée c’était de réfléchir sur le quartier donc, de nouveau, modélisation avec le service IGN, récupération de la carte, intégration. On n’a pas commencé à travailler tout de suite sur Luanti, on a d’abord fait des marches exploratoires dans le quartier pour voir ce qui fonctionnait, ce qui ne fonctionnait pas, ce qu’il y avait d’intéressant à montrer dans le quartier ou à changer, à améliorer, etc. On a fait deux marches exploratoires en prenant beaucoup de photos, de vidéos, en enregistrant du son, en prenant des notes. Tout ça a été partagé en classe avec les enfants, on a discuté, de là sont nés cinq projets différents et ces cinq projets ont ensuite été modélisés directement dans Luanti pour les montrer.
Par exemple, les enfants trouvaient que le parc qui se trouve juste à côté de l’école était un peu délabré, qu’il n’était pas super équipé. Ils ont donc créé des jeux à l’intérieur, ils ont refait le paysage, mis des œuvres d’art, des choses comme ça ; une ferme urbaine, aussi, a été créée ; un système de récupération d’eau a été fait avec une fontaine intégrée dedans ; des messages aussi, toute une campagne de communication pour que les gens évitent de laisser traîner leurs déchets, cela a été fait juste à côté du canal. Tout cela virtuellement de manière à ce qu’on puisse présenter les choses lors d’une séance qui s’est faite avec les parents et avec un des élus de Roubaix.

Laurent Costy : Avec l’objectif, de transposer après ce qui aura été fait dans le jeu dans la réalité ? C’était ça l’idée ?

Jean-François Cauche : Tout à fait. D’ailleurs, par la suite, les projets ont été présentés par le directeur de l’école au budget participatif, mais n’ont malheureusement pas été retenus. En tout cas, on a quand même fait la démarche de proposer ça et, lors de la séance de présentation, un élu de la ville à tout ce qui est biodiversité, écologie, était présent. Il a donc pu constater les travaux des enfants, il a pu les contempler.

Laurent Costy : OK. Merci.
On était plutôt sur la question des cartes. Quels usages pédagogiques autres que la spatialisation dans Luanti ? Est-ce qu’il y a d’autres usages en classe ? Déjà, vous les avez laissés jouer, je crois que c’est important de laisser jouer des enfants. Est-ce qu’il y a d’autres usages ?

Sarah Bétaucourt : C’est en effet le premier qui m’était venu assez naturellement. Maintenant, au niveau ne serait-ce que de la création, je pense qu’en matière d’expression un peu artistique, avec le projet que tu as eu avec Lucie, ça matche aussi tout à fait.

Jean-François Cauche : Il y a encore énormément de pistes à tester. Dans ce cadre d’Epitome, il y avait un projet qui, malheureusement, n’a pas pu être réalisé, qui visait à faire une visite virtuelle de Londres avant un voyage de classe et à apprendre le vocabulaire justement pour reconnaître les différents bâtiments, pour pouvoir s’orienter, etc. Je ne sais plus exactement pourquoi on n’a pas pu le faire, je crois qu’il y a eu un manque de disponibilité de l’enseignant à l’époque, un manque de temps.
Sinon, je suis historien de formation, j’ai donc toujours beaucoup d’intérêt là-dedans, je continue mes recherches, je continue des tas de projets dans ce domaine, notamment, prochainement, je vais essayer de mettre en place un projet pour montrer comment on peut faire de la reconstitution. On a des super logiciels pour faire de la reconstitution, mais il faut être ingénieur technique pour pouvoir se lancer dedans- Et là, au moins déjà sur un secteur, pouvoir imaginer ce qu’était un temple, ce qu’était la forteresse qui était sur place, c’est accessible à n’importe qui. C’est sûr que ça ne va pas être super joli, ça ne va pas être forcément très réaliste parce qu’on est avec des cubes, mais, au moins, on pourrait avoir une idée de l’implantation dans un village, en archéologie ça peut être super intéressant.

Laurent Costy : D’accord. Est-ce que vous avez eu des soucis avec la traduction du jeu, par exemple, ou des modules de jeu ? J’ai déjà testé pas mal de modules, je me souviens que, parfois, ils sont à moitié traduits, ça donne une impression de qualité moindre. Est-ce que vous avez eu ce souci-là et, potentiellement, est-ce que vous avez contribué ? Par rapport à ce que tu évoquais, la langue, apprendre des mots à travers le jeu, certes, mais aussi contribuer, à un moment donné, se dire « ce module-là de jeu est en anglais, il n’est pas très long, on peut peut-être s’amuser à le traduire », mais c’est peut-être à un niveau supérieur, collège/lycée. Là, on fait un peu d’anglais, mais vraiment à la marge, quelques mots j’imagine. D’abord, avez-vous déjà été confrontés à une problématique de traduction du jeu ? Parce que c’est vrai que la logique de la communauté, si j’ai bien compris, c’est de tout promouvoir en anglais pour rendre le jeu le plus universel possible, selon eux, mais on peut parfois être confronté à ce souci-là.

Sarah Bétaucourt : C’était une problématique surtout pour les enfants, qu’on a contournée en affichant clairement au tableau les commandes. Je leur indiquais directement en français à quoi ça correspondait, en fait ils se basaient surtout sur le visuel des commandes.

Laurent Costy : D’accord. Ils n’ont pas eu besoin de faire le tutoriel, par exemple, parce que, très vite, ils ont appuyé sur les touches et ils ont suivi ce que tu affichais au tableau.

Sarah Bétaucourt : Pas du tout. De toute façon, quand bien même on leur aurait mis le tutoriel, je pense qu’ils n’étaient absolument pas disposés à prendre le temps de lire.

Laurent Costy : Pardon, je ne parlais pas du tutoriel écrit, je parlais du module de jeu qui sert de tutoriel, qui te guide dans l’apprentissage du jeu. Mais oui, c’est trop cadrant et un des intérêts du jeu c’est peut-être, justement, cette liberté qui est un peu perturbante au début ou, pour des vieux, comme moi, qui ont besoin de cadre !

Sarah Bétaucourt : C’est vrai qu’ils n’ont pas fait ce module, mais ils ont trouvé toutes les commandes à une vitesse redoutable, « Regarde, moi j’ai trouvé telle couleur de cube ! Tu n’as qu’à faire ci, tu n’as qu’à faire ça. »

Laurent Costy : Ils s’entraident, c’est aussi super intéressant, on est dans le collaboratif, on construit ensemble.

Jean-François Cauche : Apprendre en faisant, apprendre aussi des erreurs qu’on a pu faire. Même nous, nous apprenions des choses. Avec plusieurs enfants nous sommes venus éteindre un incendie parce qu’il y en a un qui, à un moment, avait lâché de la lave et c’était en train de bouffer le monde. On s’est dit « vite, prenons de l’eau, allons tous tout autour et on arrête ça ! ». On a réussi à diriger la lave vers une sorte de petite mare qu’on avait créée, c’était assez rigolo.
Oui, ils apprenaient en faisant et ils se partageaient énormément les choses.
Sur le plan de la langue, il n’a pas eu d’incompréhension, on était plus dans le directif quand il a fallu taper des commandes dans le terminal, dans la console, parce que, par exemple la nuit, ça peut être très long. Quand on est dans le jeu, ça passe, mais quand on est juste en train de se déplacer, ça peut être assez long, on leur demandait donc de taper la commande qui était « /time 6000 », qui remettait à l’heure du jour.

Laurent Costy : Dans Luanti, la commande « /time 6000 » veut dire « avance jusqu’au » matin, c’est le matin.

Jean-François Cauche : C’est ça, mais, pour eux, time ne voulait rien dire, donc on leur expliquait. Il y avait plusieurs choses comme ça, j’ai donc dû bifurquer un petit peu par moments, leur donner certains droits pour pouvoir réussir à faire différentes actions. Sinon, généralement, il n’y a pas trop de soucis au niveau de la traduction française de Luanti, d’après ce que je peux constater actuellement, on a plus quelques gros bugs de clavier, notamment, par exemple, quand on est sur Mac, il y a un problème de clavier qwerty/azerty : si on tape un « m », eh bien ça ne passe pas et ça ferme la console. Dans ces cas-là, il faut taper la commande dans un autre logiciel, faire un copier-coller et valider, ce qui est un peu dommage. Ce sont des trucs que j’ai cherchés sur les différents forums, je n’ai pas véritablement trouvé de solution.

Laurent Costy : Parce que vous avez des Mac dans l’école, si je puis me permettre ?

Sarah Bétaucourt : Non !

Laurent Costy : D’accord. Pas dans l’école en tout cas, j’entends bien.

Jean-François Cauche : C’est sur le mien que ça ne passait pas, sur d’autres machines c’était effectivement compliqué. Ce sont plus des problèmes de ce genre-là et un problème, je dirais, de documentation et, un des buts recherchés par la suite, ce que j’aimerais, ça va être d’arriver à documenter, à standardiser vraiment la documentation, parce que c’est un peu éparpillé à droite et à gauche, avec des choses qui sont parfois difficiles à trouver.

Laurent Costy : Je partage aussi mon impression, j’en profite. La première impression que j’ai eue c’est qu’il y avait la réponse à tout, par contre, c’était effectivement explosé sur une quantité de wikis. J’ai vu qu’ils faisaient quand même un super effort de formalisation en ce moment, c’est en train de se formaliser à un endroit à peu près unique. Mais c’est vrai que c’est peut-être une des difficultés que pourraient avoir les enseignants qui voudraient se renseigner et découvrir Luanti. Pour l’instant, il n’y a pas une documentation un peu linéaire qui permette d’appréhender un petit peu tous les cheminements qu’il pourrait y avoir par rapport à Luanti.
On va peut-être faire une pause musicale, Étienne.

Étienne Gonnu : Oui, je pense que c’est un bon moment pour se faire une petite pause musicale et s’aérer les oreilles.
Nous allons écouter Libre 1.0 par Dag-z. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Libre 1.0 par Dag-z.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Libre 1.0 par Dag-z, disponible sous licence Art Libre.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Vous écoutez toujours Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission du jour, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Je vais rendre le micro à Laurent et à ses invités qui nous parlent d’une approche éducative au moteur de jeu libre Luanti.

Laurent Costy : Merci Étienne.
Avant la pause, on parlait de documentation. La question qu’on peut effectivement se poser après c’est comment on passe de consommateur/utilisateur de documentation à contributeur de documentation. Est-ce que, dans l’Éducation nationale, il y a des endroits où on peut contribuer, où on peut alimenter ? Comment ça se passe par rapport à ça ? Est-ce que c’est compliqué ? Ça a l’air compliqué parce que c’est le silence total en face de moi !

Sarah Bétaucourt : Oui, c’est vrai qu’on a on a quand même une culture du numérique qui est un peu à la peine, pour être parfaitement honnête. Dans l’Éducation nationale, on ce qu’on appelle un ERUN [Enseignant·e référent·e aux usages du numérique], c’est-à-dire un référent numérique par pôles géographiques qui, honnêtement, est déjà bien débordé. De toute façon, on se retrouve souvent seul quand on veut se lancer dans un projet numérique. Soit on crée une communauté, on s’entraide, soit on a la chance d’avoir un référent, comme j’ai pu l’avoir avec Jean-François avec qui j’ai pu travailler.

Laurent Costy : Et les CRDP [Centre régional de documentation pédagogique], CDDP [Centre départemental de documentation pédagogique], est-ce que ça peut aider ? J’ai peut-être un peu perdu le fil de ces structures-là.

Étienne Gonnu : C’est quoi ces acronymes ?

Laurent Costy : Justement, je vais demander à Sarah parce que j’ai un peu oublié.

Sarah Bétaucourt : Pour être parfaitement honnête avec toi, je l’ai vu simplement une fois apparaître sur un document et je n’ai jamais eu affaire à ces organes-là.

Laurent Costy : CRDP, on va demander au chat, ce sera plus simple et on évitera de dire des bêtises.

Sarah Bétaucourt : C’est un centre de ressources départemental.

Jean-François Cauche : Attention, je ne suis pas l’historien de tout cet univers, je vais peut-être dire des bêtises, ce qui fonctionne surtout maintenant c’est ce qu’on appelle le réseau Canopé. Ce sont des centres de documentation réservés à l’Éducation nationale, qui fournissent des tas de matériel, des tas de formations également, des ressources numériques, analogiques, vraiment tout style. On a effectivement des réseaux Canopé. Il y a le réseau Canopé des centres Canopé, dont certains, je parlais de Beauvais tout à l’heure, sont effectivement formés pour utiliser les logiciels et pouvoir apporter une aide aux enseignants qui voudraient se lancer dans des projets.

Laurent Costy : Du coup, c’est une question que je pose, finalement est-ce que c’est descendant ou est-ce qu’un enseignant peut contribuer et voir son travail valorisé ? Est-ce que la question des licences est posée au sein de ces structures-là ? Est-ce qu’on peut mettre en CC By SA pour qu’un autre enseignant puisse réutiliser, ou pas ? Il faudrait des spécialistes de Canopé, en fait, pour répondre à la question.

Jean-François Cauche : Je ne parlerais pas au nom de Canopé parce que je n’ai pas suivi en détail. Je collabore avec certains et ça se passe plutôt bien, c’est un réseau qui est quand même assez dynamique, encore faut-il avoir du temps à consacrer pour y monter des projets. En fait, il y a un peu de tout. Je ne saurais pas dire si, effectivement, ils utilisent des licences libres, ou pas, je pense que sur certains projets c’est le cas. Je vois qu’on a des enseignants qui expérimentent des projets, numériques ou non, qui vont les documenter et qui, ensuite, vont faire des formations autour de ce projet. Donc, là, il y a effectivement un côté contribution qui se met en place dans ces cas-là.

Laurent Costy : OK. On manque un peu de compétences et de connaissances autour de la table pour être très précis sur ce sujet-là. La question de la documentation est intéressante, elle est importante, parce que justement, quand on est contributeur on se sent quand même beaucoup plus impliqué. Ce n’est pas toujours simple, finalement, d’avoir un accès technique. C’est vrai que, par principe, les accès sont fermés, on doit d’abord montrer patte blanche. J’imagine donc que pour contribuer à des projets, ce n’est pas toujours simple. Je fais le parallèle avec ce que je connais parfois dans le monde associatif, on commence par fermer et puis, tout doucement, on va ouvrir les vannes alors que parfois, c’est peut-être plus simple de démarrer en ouvrant et en donnant la capacité de contribuer et après, s’il y a des soucis, on régule. Ce sont des débats qui nous dépassent un peu.

Étienne Gonnu : Tout à l’heure, vous évoquiez la Journée du Libre Éducatif. N’était-ce pas au cœur, justement, de cette journée, la contribution et la production de ressources numériques libres ?

Laurent Costy : Oui, ça porte même un nom, les REL, les ressources éducatives libres. C’était le sujet de la JDLE précédente, la Journée du Libre Éducatif. Je n’étais pas à Bruay-la-Buissière cette année, je ne sais pas ce qu’il en a été, alors que j’étais à la précédente, mais je sais que les REL étaient un peu au centre du jeu. Peut-être que, finalement, c’est simplement une visibilité de toutes ces interactions, de tous ces groupes, de toutes ces communautés d’enseignants. Il n’y a pas de doute, il y a des communautés d’enseignants qui travaillent sur des sujets et peut-être que la difficulté, actuellement, c’est d’avoir une visibilité de tous ces groupes en fonction des académies, parce que, en plus, les académies fonctionnent en leur sein et la collaboration entre académies pose peut-être des soucis. Je dis ça en toute naïveté, je n’ai pas du tout de vision, ce n’est pas du tout un jugement, c’est une vraie question et une question à laquelle on ne va peut-être pas pouvoir répondre là, mais on ressent ça quand on se pose des questions.

Jean-François Cauche : Ça rejoint ce que tu disais tout à l’heure sur la documentation fragmentée. Ce qui manque ce n’est pas une centralisation parce qu’avec une centralisation, le problème c’est qu’au bout d’un moment des règles se mettent en place et on ne peut plus produire exactement ce qu’on a envie, on a des difficultés à faire un pas de côté, ce que disait Gee au départ. C’est peut-être une fédération, un peu comme avec les agrégateurs de flux RSS où on peut avoir de multiples choses et trouver efficacement ce dont on a besoin. Il y a effectivement énormément de choses et ce qui manque peut-être actuellement c’est toute la partie sur la façon dont on devient utilisateur de l’univers Luanti à créateur d’univers Luanti avec toutes les interactions possibles à l’intérieur, créer des univers où on a des PNJ, des personnages non-joueurs, des choses de ce type. Ça reste effectivement assez difficile à appréhender pour l’utilisateur je vais dire lambda.
Il y a deux/trois jours, je discutais avec un groupe de développeurs qui montraient un système pour l’éducation, c’était super, il y avait une belle page d’explications « il faut faire ça, étape 1, étape 2, étape 3 ». Je leur ai demandé « vous imaginez qu’un utilisateur ou une utilisatrice lambda va faire ça ? ». À ce moment-là, il y a eu un blanc. Non ! Il faut donc qu’on trouve une manière de simplifier les choses, complètement.

Laurent Costy : Oui, de rendre facile aussi la contribution et ce n’est pas évident d’ailleurs quel que soit l’univers, encore une fois pour des questions d’accès, pour des questions de confiance, de sécurité, on nous invoque généralement tout ça. Ce sont donc des vraies questions.
Merci pour cet aspect documentation. On a plutôt posé des questions que donné des réponses, en tout cas ça éclaire un peu le contexte dans lequel évoluent les activités Luanti pour les enseignants.
Sur les activités autour de Luanti, cette interaction virtuelle/réelle, on l’a déjà un peu abordée. J’avais donc entendu parler de cette association, Zoomacom, qui faisait pas mal de chasses au trésor, je ne sais pas comment ils appellent ça exactement, mais il y avait sans cesse un aller-retour entre le réel et le virtuel, ce que vous avez fait, finalement, à un échelon CP. Jean-François peut-être, est-ce que tu as des expériences à des niveaux plus avancés d’allers-retours ? Par exemple, aller appuyer sur un bouton dans le réel peut déclencher des choses dans le jeu ? Est-ce qu’on en est là ou est-ce que c’est un peu tôt ?

Jean-François Cauche : Pas encore. Pour l’instant, il y a effectivement toujours cette interaction sur le fait que l’univers est vivant, on peut donc le transformer. Je crois que le côté intéressant, c’est aussi qu’on peut travailler pour se repérer avec la carte. On peut très bien avoir OpenStreetMap ouvert et puis passer de Luanti à OSM pour arriver à se repérer et, parfois, c’est indispensable. Heureusement, dans Luanti il y a une mini-carte qui montre, de haut, où on se trouve, ça permet déjà de se repérer un petit peu. Tout d’un coup, on voit deux rues, on se dit « tiens, un croisement », on va vérifier sur OSM, ça ressemble à ça, on est donc bien au coin.

Étienne Gonnu : Je précise que OSM c’est OpenStreetMap.

Laurent Costy : Cartographie libre.

Jean-François Cauche : L’alternative libre à Google Maps, qui est très efficace, je parle d’OpenStreetMap, bien évidemment !
Ce côté-là est intéressant. Je pense à une expérience que j’ai vécue en cartographiant justement Paris, ce que j’avais fait avec le service de l’IGN. Je me retrouve sur un point de la carte, comme ça, et je me demande « mais où suis-je ? ». Apparemment c’est un cimetière, je vois comme des tombes, je regarde, je commence à me déplacer un petit peu, le cimetière est tout petit et là, ça m’a vraiment fait un choc parce que, en fait, ce cimetière est celui qui est à Montmartre, je n’ai plus le nom [Cimetière du Calvaire] : tout en haut de la butte, il y a un tout petit cimetière qui est ouvert un jour par an, ce qui fait que c’est galère pour pouvoir le visiter, il n’y a plus que les familles qui y ont accès le jour de la Toussaint. C’est un site historique et, tout d’un coup, je me suis dit « j’ai le privilège d’être dedans, virtuellement certes, mais je suis dedans alors que d’habitude je n’en vois que la porte ! ». Quand on connaît déjà les lieux, il y a ce côté vraiment génial de pouvoir, mentalement, faire le lien entre les deux et, comme ça, se représenter les choses.

Laurent Costy : Merci. Il me semblait que Zoomacom avait réussi à faire un peu ces interactions monde réel/monde Luanti. Je trouve que ce sont des perspectives qui peuvent être extrêmement intéressantes pour alimenter, continuer à jouer aussi.

Jean-François Cauche : On peut en recréer aussi directement. Je reprends un exemple : bien avant cette expérience, on avait recréé un collège, le collège Albert Samain de Roubaix dans Luanti, justement. C’est un collégien qui s’était lancé, comme ça, dans le projet, c’était assez génial. Là aussi, petit à petit, on a fini par monter des projets avec les élèves, on improvisait totalement à partir de leurs envies, de ce qu’ils avaient envie de mettre en place. Ce qui est assez rigolo c’est qu’au départ on peut se poser la question : d’un côté on a Minecraft, la machine de guerre, avec tout le côté commercial, etc., la pub, les effets et les tendances. Les enfants vont peut-être préférer ça à un autre produit qui peut être considéré comme un sous-produit alors qu’il ne l’est pas. Au début, c’était « ouais, c’est quoi ? Minetest, qu’est-ce que c’est que ce truc ? » et je me suis rendu compte que petit à petit, ces collégiens et puis d’autres, à la fin de l’année, c’était « on joue à Minetest et pas à Minecraft, c’est mieux », cette tendance au changement, c’était assez rigolo.

Étienne Gonnu : Je me permets, je me posais la question. Peut-être qu’en CP c’est plus compliqué, mais est-ce que les élèves vous demandent comment l’installer chez eux ? Peut-être qu’ils se débrouillent très bien par eux-mêmes. Avez-vous une vision ? Est-ce que les élèves qui jouent à Minetest ou à Luanti à l’école ont envie de l’installer, si possible, chez eux ?

Jean-François Cauche : Oh oui, ils l’installent. D’ailleurs, au collège, on avait dû créer une charte d’utilisation parce qu’on s’était rendu compte qu’il y avait des batailles le soir et la nuit sur l’univers qu’on avait créé, tout simplement par des élèves qui se plaignaient, qui disaient « j’ai créé ça hier en classe et ce matin c’est complètement détruit. »

Étienne Gonnu : Ils peuvent se connecter au serveur de chez eux et elles.

Jean-François Cauche : Disons qu’à l’époque c’était en version bidouille, véritablement.

Laurent Costy : Là, on est sur quelle tranche d’âge ?

Jean-François Cauche : Là on était sur des 14/15 ans, 13 à 15. Non, ce n’étaient pas les CP qui se battaient là-dessus. On a donc dû édicter quelques règles.

Laurent Costy : Il y a quelques années, j’avais lu aussi des choses là-dessus, c’était quelqu’un de Framasoft qui travaillait beaucoup sur Luanti à l’époque, sangokuss est son pseudo, qui était enseignant aussi et je pense que c’était lui qui expliquait tout l’intérêt qu’il pouvait y avoir à faire gérer aussi le serveur par les élèves, mettre les règles, convenir des règles avec eux, donner le pouvoir de banner quelqu’un, de jeter quelqu’un du serveur si, justement il détruisait les affaires de quelqu’un d’autre, etc. Tout cet aspect-là est aussi extrêmement puissant pour faire comprendre le vivre ensemble, le respect du travail des autres, comment on définit l’usage, quand est-ce qu’on peut aller dans Luanti, est-ce qu’on peut y aller jusqu’à 23 heures, 22 heures, qu’est-ce qu’on s’autorise à faire en dehors de l’école. Je trouve que cela est aussi extrêmement pertinent par rapport aux enjeux pédagogiques, aux règles à se fixer ensemble, à construire ensemble et cela se construisait au fur et à mesure devant le constat des problèmes qui étaient rencontrés de destruction de bâtiments, etc. J’avais trouvé cette expérience-là extrêmement intéressante.

Jean-François Cauche : Par rapport au collège, on était en plein dedans parce qu’en fait ce sont les élèves qui avaient la main sur le serveur, ce sont eux qui avaient créé le serveur, qui avaient poussé le projet. À l’époque, avec Lucas Gruez, un enseignant à Roubaix qui est maintenant parti dans le Sud, on avait monté ça, on les avait accompagnés pédagogiquement. C’était vraiment leur initiative de départ, c’étaient vraiment les élèves qui avaient lancé ça.
Par contre en classe, avec Sarah et Lucie c’était pareil, c’était vraiment la bidouille technique aussi : avec mon ordinateur, on lançait le monde sur un réseau qui était simplement celui de mon téléphone portable et après on partageait comme ça.

Laurent Costy : D’accord, là on était plutôt en local, alors que tout à l’heure l’expérience en collège-lycée ça veut dire que le serveur avait été installé pour être accessible de l’extérieur ?

Jean-François Cauche : Comme c’est un serveur qui se lance directement à partir du logiciel, on n’a pas forcément besoin d’avoir un serveur on va dire physique, il suffisait qu’il y ait un qui se mette à jouer à partir de 23 heures, qu’il lance le serveur et c’était parti.

Laurent Costy : Il le lançait à partir de son ordinateur personnel.

Jean-François Cauche : Oui et ça suffisait pour que les autres puissent se connecter, donc ils se retrouvaient. On a donc fini par créer deux mondes différents avec un univers on va dire « pédagogique », je mets des guillemets, et un univers qui était consacré à « faites ce que vous voulez ! ». C’était plus simple comme ça.

Laurent Costy : D’accord. Ça a été, finalement, la conclusion des soucis.
OK. Très bien.
Quelles sont les perspectives pour l’une et pour l’autre ? Quelles sont vos perspectives par rapport à ce type de projet ?

Sarah Bétaucourt : J’espère avoir la chance, justement bientôt, de pouvoir relancer un projet. Ça pourrait être la création d’un musée virtuel pour pouvoir, par exemple, mettre en valeur les œuvres qu’ils peuvent créer. Pour rebondir sur ce que tu disais tout à l’heure, ils étaient relativement jeunes, on n’a pas été confronté à ça, mais sur tout ce qui est gestion des règles ça permet de faire de très belles passerelles sur un conseil de classe, ça permet de développer aussi toutes les valeurs de l’EMC [Enseignement moral et civique], du vivre ensemble. J’avais eu aussi des CP qui négociaient pour installer l’application sur le téléphone des parents, la tablette, etc., qui s’amusaient à reconstruire l’école, qui prenaient des captures photos que je pouvais, du coup, mettre sur le blog de classe, en mettant aussi en valeur ce qu’ils créaient à la maison. Le champ des possibles est vraiment très ouvert.
Maintenant, je pense qu’en ayant une communauté un petit peu plus importante, des projets un peu différents et mieux organisés, ça pourrait permettre de prendre attache justement par exemple avec Canopé. L’idéal serait vraiment de créer une sorte de tuto à destination des enseignants, voilà l’expérience qu’on a vécue, voilà comment on s’y est pris, quelque chose d’assez simple. Je pense que la communauté des enseignants cherche souvent quelque chose, je ne vais pas dire clé en main, mais, au démarrage, on a besoin d’être rassuré. Clairement, c’est ce dont j’avais besoin quand nous nous sommes lancés, j’avais Jean-François, tout le monde n’a pas un Jean-François.
Je pense que c’est important de pouvoir penser des modalités qui permettent de le rendre accessible et, à partir de ce moment-là, le proposer et peut-être que ça redescendra en cascade en passant par l’interlocuteur qu’est Canopé dont on parlait tout à l’heure. Je sais qu’ils utilisent notamment des logiciels libres puisque j’ai fait une formation en stop motion là-bas. Dans l’absolu, je sais qu’ils ont l’habitude d’utiliser des logiciels libres.

Laurent Costy : Très bien. On va se servir de l’émission pour lancer un appel pour essayer de consolider ces communautés. On se doute qu’il y en a plein, un peu partout dans les régions. Si vous nous écoutez, n’hésitez pas à nous contacter, on mettra tous les lieux en lien et ça fera grossir la communauté des enseignants et des enseignantes qui utilisent Luanti. À mon avis, ça pourrait être intéressant.
Du coup, ça me fait penser à un projet. J’avais échangé avec Simon Marié, un adhérent de l’April. J’avais interviewé ses enfants parce que Simon, qui est un libriste, mettait ses enfants face à Luanti. Ce qui est intéressant c’est qu’il expliquait que sa prochaine envie dans Luanti c’était d’aller déposer des sons d’oiseaux pour faire une reconnaissance de sons d’oiseaux dans Luanti, alors assez basique, quelques oiseaux les plus connus, parce qu’à Paris, même si on entend des mouettes, on n’a pas forcément tous les oiseaux de la nature. Des projets un peu de ce type-là peuvent être développés. Il avait cette envie-là et j’ai trouvé ça intéressant. Ça permet de contribuer, d’aller enregistrer, de se poser des questions sur les oiseaux, etc. Je faisais cette petite parenthèse parce que ça m’a fait penser à ce projet-là.

Sarah Bétaucourt : Ça pourrait se faire en langue étrangère pour travailler l’anglais.

Laurent Costy : C’est clair. Je pense qu’une des applications c’est la question des langues, à la fois pour la traduction du jeu, c’est pour cela que je posais la question, mais aussi cette expérience pour préparer un voyage, pour aller apprendre des mots sur des affiches dans Luanti, c’est déjà plus ludique que de le faire de manière un peu plus traditionnelle. Ça rentre sans doute un peu mieux pour les jeunes.

Étienne Gonnu : Je mettrai cette interview en référence de l’émission.

Laurent Costy : C’est vrai. J’ai oublié de la citer en introduction.
Jean-François par rapport à toi, aux projets un peu numériques que tu vois se dessiner ?

Jean-François Cauche : C’est toujours assez vaste. J’ai toujours des missions à droite et à gauche, je continue donc dans le numérique à fond, c’est mon boulot, c’est le quotidien.
Plus précisément, par rapport à Luanti, comme je suis un peu en transition, en train de revenir vers certains univers que j’avais dû quitter vis-à-vis de différentes missions, je reviens vers le côté un peu punk de tout ça, très libriste, etc. Je pense que je vais beaucoup travailler cette question d’univers virtuels par rapport au patrimoine et au matrimoine, comment on peut relier le quartier avec cet univers en 3D. Travailler aussi la question de la reconstitution, notamment par rapport à mes recherches, pour donner quelques exemples concrets aux collègues et à mes étudiants pour leur montrer « j’ai réussi à reconstituer tel quartier, telle forteresse, tel château », ce qui permet d’en donner une idée un peu plus précise. On travaille souvent par rapport à des textes, c’est bien les textes, ce sont les ressources primordiales qu’on a, qu’on mélange un peu avec l’archéologie pour avoir plus d’informations, mais ça ne nous permet pas toujours d’avoir une vision bien réelle de comment ça pouvait s’organiser, comment ça pouvait se passer dans le réel à l’époque. Je pense que ça va être un de mes projets principaux par rapport à Luanti. Et puis documenter effectivement toutes mes aventures par rapport à ça.
Et, par rapport au projet Epitome qui continue de vivre sa vie avec des ressources qui ont été créées, c’est aussi, peut-être d’avoir un Epitome bis qui continue, le promouvoir auprès des collègues du projet qui sont en Grèce, qui sont en Serbie, qui sont aussi au Royaume-Uni, en Belgique.
Je travaille aussi sur un projet avec le lycée Jean Moulin de Roubaix. On a un fablab là-bas. Dans le cadre de ce fablab, on fait notamment de la rénovation de PC qui vont être distribués dans les écoles, donc pourquoi pas, avec les écoles dans ce cas-là, promouvoir l’utilisation de Luanti et de différents logiciels numériques pédagogiques, voire après, pourquoi pas, aller plus loin avec d’autres villes où on pourrait faire aussi de la rénovation. J’en profite pour faire un petit coucou, en parlant de rénovation, aux collègues de PrimTux, une des distributions. On met Ubuntu sur les PC qui vont servir à un peu tout et on met PrimTux sur les PC des écoles.

Laurent Costy : D’accord. Là, tu as brossé des projets au-delà de Luanti. Tu parles de recyclage.

Jean-François Cauche : Je pense qu’on va l’intégrer dedans. Disons que c’est bien de mettre du matériel comme ça. C’est un peu la philosophie que j’essaie de conserver depuis le projet OLPC de l’association One Laptop per Child. Ça date d’un petit bout de temps, mais je faisais partie de OLPC France à l’époque et on avait toujours ce truc de dire « on met le matériel, mais ce n’est pas juste on dépose des cartons et puis allez-y, amusez-vous », c’est « qu’est-ce qu’on met là-dedans comme ressources, comment on les utilise, comment on va former les personnes dans les infrastructures ». À l’époque, il y avait aussi des questions d’électricité dans les pays, le réseau, même les salaires des enseignants, tous ces éléments-là. Donc au-delà de ces PC recyclés, si on fait ça, qu’est-ce qu’on fait comme documentation pour que les gens puissent véritablement prendre en main le matériel, ne soient pas bloqués parce que, parfois, on peut avoir des problèmes d’acceptabilité : on met Ubuntu, on n’a pas mis Windows, « on a l’habitude avec Windows, comment on fait, ça ne marche pas, votre système ne marche pas, etc. », donc comment peut-on les former pour que ça fonctionne bien ? PrimTux également. Donner des idées.

Laurent Costy : La question, finalement, c’est toujours comment on arrive à mettre en place une vraie formation. Je dis toujours : « Quand il n’y a pas de documentation, tout le monde râle, quand il y en a une, personne ne la lit ! » À un moment donné, l’intermédiation avec des humains est indispensable. À un moment donné, prendre le temps d’accompagner les gens, avec la documentation à côté parce qu’ils sauront s’y référer tout seuls après, etc. Finalement, une des questions c’est comment on arrive à mobiliser du temps et à faire comprendre qu’une formation est nécessaire. Souvent on balance un outil, on balance un logiciel et on imagine que les gens vont les prendre en main, que ça va être simple, que ça va être cool, parce que, de toute façon, tout le monde a une appétence et tout le monde sait utiliser les logiciels. Pour moi, une des questions c’est comment on arrive systématiquement, avec un logiciel, à avoir une formation quelque part. C’est un peu ce qui me perturbe : on oublie toujours la formation, parce que, évidemment, ça a un coût parce que, évidemment, c’est du temps. C’est une vraie question. À mon avis, ça rejoint un peu Canopé, parce que Canopé est aussi habilité à faire des formations. Après, c’est toute la souplesse d’un système qui est à questionner pour fluidifier tout ça et rendre les choses plus simples, fractionner les formations parce que, pareil, mobiliser une personne une journée pour une formation ce n’est pas la même chose que, par exemple, imaginer des modules d’une heure à un moment donné, les faire régulièrement. Il faut qu’on puisse avoir cette souplesse-là dans la formation mais qu’on le pense systématiquement avec l’arrivée d’un logiciel au-delà de la documentation qu’il faut faire, parce que, sinon, on va nous reprocher de ne pas l’avoir faite, mais elle ne sera pas lue !
Je vous laisse deux minutes chacun pour votre dernier mot, ce que vous auriez oublié de dire, ce que vous avez envie de dire. On laissera la parole à Sarah.

Sarah Bétaucourt : Je pense que ce qui était vraiment beau dans ce projet, c’est, déjà, qu’il ne faut pas perdre de vue qu’on travaille avec des enfants, que le monde de l’imaginaire, le monde du rêve, le monde de la création, c’est quand même extrêmement important et très développé chez eux. Qu’on a le droit aussi, par moments, de s’autoriser à les laisser libres de faire ce qu’ils ont envie de faire et pas toujours, forcément, de chercher à cadrer à mort et à correspondre au programme tout de suite, du moins pas tout de suite ! Même si l’objectif, derrière, est là, bien évidemment. Je pense qu’il y a quand même une liberté qui leur est vraiment offerte, qu’ils sont capables de saisir. Ils sont jeunes, mais c’est impressionnant de voir à quelle vitesse et avec quelle appétence ils soient capables de construire ensemble. On les faisait travailler par quatre assez souvent et ils ont fait des créations, des trucs géniaux.
Se donner le droit de les laisser expérimenter, de les laisser se lâcher et je trouve que le support s’y prête vraiment bien.

Étienne Gonnu : Comme je suis maître du temps, je me permets une petite question : les enfants étaient à quatre sur le même ordinateur et ils arrivaient à se coordonner, sans tension, sur la maîtrise du clavier ou de la souris ?

Sarah Bétaucourt : Je n’irais pas jusque-là, ils étaient sur une tablette, c’est vrai que c’est peut-être quand même plus pratique que sur un ordinateur. En effet, c’est souvent comme ça, il y a un enfant qui est un peu plus leader et un autre qui devient un peu plus régulateur. Ce sont aussi des comportements qui sont intéressants à observer, à questionner, en disant « depuis tout à l’heure je t’ai regardé, tu as construit ça, est-ce que tu as demandé l’avis des autres ? Est-ce que vous avez pu participer ? » En fait, ils se régulent assez rapidement. Forcément, au début ça fait un bruit assez redoutable, on ne va pas se mentir. Nous étions deux enseignantes dans la classe puisque, en zone d’éducation prioritaire, on peut être ce qu’on appelle en dédoublé, donc on peut être deux profs au sein de la même classe, pas sur ce projet-là, mais l’année d’avant les premières séances étaient… ! Bref ! C’est pareil, lâcher prise à un moment donné. Franchement, au début j’étais toute tremblotante, comme je disais je n’ai pas des bases très solides, très confortables en numérique, mais je me suis dit « il faut lâcher, il faut y aller, on peut leur faire confiance, ils s’adaptent vraiment très vite. » Limite, au début, ce sont eux qui donnent le rythme, qui donnent le tempo et, au fur et à mesure de ce qu’on rencontre, c’est ça qui est bien, on peut vraiment le faire évoluer d’une séance à l’autre entre ce qu’on avait prévu au départ et ce qu’on a à la fin et c’est aussi super intéressant. On se laisse aussi porter, on se laisse aussi guider par ce qui est fourni par nos élèves, ça s’adapte à tout moment et c’est chouette.

Laurent Costy : Dans le chat, une professeure à la retraite dit : « Tu fais ce qui te plaît et après tu cherches dans le programme à quoi ça correspond. » Très bon résumé, ça sent le vécu !

Jean-François Cauche : J’adore !

Étienne Gonnu : Je reprends ma casquette de maître du temps. Jean-François, ton mot de la fin avant qu’on soit justement à court de temps.

Jean-François Cauche : Je vais rebondir sur cette question de la créativité, de l’improvisation. On me demande souvent, sur des ateliers, « qu’est-ce que tu vas leur faire faire ? Je connais la première séance, mais je ne connais pas les suivantes. » Il y a un fil rouge et, après, on suit ce que font les enfants, ce que veulent les enfants et c’est aussi ça qui est super intéressant. Il faut regarder tous ces dispositifs numériques comme étant des outils dont on se sert pour la créativité. Sarah, tu parlais d’enfants des quartiers QPV, des quartiers prioritaires de la ville. Ce que j’aime bien, parce que je travaille avec des publics qui sont extrêmement différents, que ce soit dans un univers très favorisé comme très défavorisé, ils ont tous de la créativité, ils ont tous plein d’idées, ils me disent « j’ai inventé ceci, j’ai inventé cela » et c’est absolument génial.
Ça m’est remonté, je ne sais pas pourquoi j’avais oublié de le mentionner, toujours avec Luanti on est parti d’un univers qu’on a créé totalement au hasard, c’est le côté aléatoire, et les enfants ont créé une histoire à partir de ça, ils ont créé un petit conte à partir de cet univers, en se baladant. Dans les premières séances c’était « on le lance, on se balade, on va découvrir ce qu’il y a, et on crée l’histoire, on crée le conte à partir de ça. » C’est aussi parce qu’on est en totale liberté et on met en œuvre des compétences qui sont demandées sur la création d’un récit, sur le vocabulaire, le langage, etc. Vive le Libre !

Laurent Costy : Merci pour cette conclusion. Je te redonne la parole.

Étienne Gonnu : Une très belle conclusion ! Merci beaucoup à Laurent pour l’initiative et l’animation de ce sujet et à nos deux invités, Sarah et Jean-François, d’avoir participé.

Jean-François Cauche : Merci beaucoup.

Étienne Gonnu : Nous allons à présent faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous écouterons une nouvelle pépite libre de Jean-Christophe Becquet.
Avant cela, nous allons écouter Shelter Dog par Monplaisir. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Shelter Dog par Monplaisir.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Shelter Dog par Monplaisir, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April et nous allons passer au sujet suivant.

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet – « Les ressources de l’association fable-Lab pour être plus libre grâce aux mots »

Étienne Gonnu : « Pépites libres ». Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, nous présente une ressource sous licence libre, texte, image, vidéo ou base de données sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Les auteurs et autrices de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés à accorder à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur.
Jean-Christophe, tu es avec nous ?

Jean-Christophe Becquet : Oui. Bonjour Étienne. Bonjour à tous. Bonjour à toutes.

Étienne Gonnu : Bonjour Jean-Christophe. Quelle nouvelle pépite as-tu trouvé dans ton tamis ce mois-ci ?

Jean-Christophe Becquet : Je vais vous parler des ressources de l’association fable-Lab pour être plus libre grâce aux mots.
Pour comprendre les enjeux du logiciel libre, il faut aborder certains concepts comme « une application », « un bug », « un format de fichier ». C’est à travers l’imagier Sen-Mo, qui recense les 100 mots essentiels du numérique, que j’ai découvert ma pépite du jour : les ressources de l’association fable-Lab pour être plus libre grâce aux mots.
Les imagiers Sen-Mo sont des supports pédagogiques pour apprendre du vocabulaire. Ils s’adressent aux personnes qui découvrent le français. Chaque mot est illustré pour pouvoir comprendre d’un coup d’œil sa signification. La transcription en alphabet phonétique aidera les personnes qui veulent apprendre la prononciation en français.
On doit ce travail à l’association fable-Lab qui s’est donné pour mission « Que chacun et chacune d’entre nous soit plus libre grâce aux mots ».

Fable-Lab est présente en Seine-Saint-Denis et en Haute-Loire, mais, grâce à son site web très fourni et ses ressources partagées sous licence libre, vous pourrez la retrouver partout dans le monde.

« Une bonne prise en main de l’outil numérique ne peut pas se faire sans en comprendre et en maîtriser un minimum le vocabulaire. C’est pourquoi nous avons décidé de créer un imagier des mots essentiels du numérique à destination des personnes seniors et de toutes celles et ceux qui en découvriraient le vocabulaire en français » explique l’association. « Médiateurs et médiatrices, professeurs de français, mais aussi et surtout de nombreuses personnes retraitées ont sélectionné les 100 mots principaux auxquels nous sommes confrontés lorsque nous utilisons des appareils numériques. Les appareils numériques, leurs usages, naviguer sur Internet, communiquer en ligne, les dangers présents sur le Web… toutes ces thématiques sont abordées dans l’imagier. »

L’association fable-Lab a choisi la licence libre Creative Commons By SA. Elle explique très bien les droits et les devoirs qui en découlent : « Vous pouvez donc le partager, le copier, le distribuer, le réutiliser et l’adapter comme vous le souhaitez, y compris à des fins commerciales. Vous devez simplement créditer fable-Lab, indiquer si vous avez effectué des modifications et partager vos œuvres dérivées selon la même licence CC By SA 4.0 ».
On peut télécharger toutes les ressources sur le site fable-lab.com et leur boutique en ligne permet d’acheter les imagiers édités par l’association.

Je trouve intéressante la réflexion qui les a conduits à opter pour une licence libre en 2022 : « Nos soutiens financiers nous ont permis de distribuer ces imagiers gratuitement à des structures qui accueillent les personnes exilées. Mais nous recevons toujours plus de demandes d’imagiers et, pour des raisons de stock ou des limites administratives, nous ne pouvons pas répondre à ces demandes d’une façon satisfaisante. Très concrètement, les financements pour distribuer des imagiers nous contraignent très souvent à ne travailler qu’avec des structures d’une zone géographique ou des personnes ayant un certain statut administratif. Ces limites sont frustrantes, ont un aspect arbitraire et compliquent notre travail de diffusion. Alors pourquoi ne pas simplement mettre ces imagiers à disposition de tout le monde ? ». Et un peu plus loin : « Du côté de fable-Lab, nos questionnements, nos réalisations, nos connaissances concernant les Communs ne font que commencer. Mais nous y croyons et nous voulons nous y inscrire. Grâce aux éclairages de l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre, et des professeurs Hervé Barronnet, Christophe Noullez et Cyrille Largillier, nous avons choisi une licence pour partager nos ressources ».
C’est cool de voir que l’April est citée !

Fable-Lab partage de nombreuses ressources sous licence libre.
Les imagiers Sen-Mo se déclinent sur la santé, les aliments, le travail ou encore le Code de la route.
Il existe aussi des versions bilingues en anglais, russe ou ukrainien.
On trouve aussi des jeux de cartes pour mémoriser des mots sur plusieurs thèmes et dans plusieurs langues et des ressources multilingues à destination des assistantes maternelles.
Enfin, Yiotta est une base de données sous licence libre qui recense des illustrations, des traductions, des histoires, des enregistrements audio afin de faciliter la transmission et la médiation linguistique dans une dizaine de langues.

Étienne Gonnu : Merci Jean-Christophe pour cette nouvelle pépite libre et je trouve toujours éclairant quand il y a des ponts, qui sont pour nous évidents, entre les valeurs de mise en commun du Libre et les démarches d’émancipation et de solidarité. Vraiment une belle pépite. Je précise que Sen-Mo s’écrit S, e, n, tiret, M, o, c’est à l’oral, je l’ai sous les yeux, c’est donc facile, pour moi, de le savoir.
En tout cas, merci beaucoup pour cette nouvelle pépite et au mois prochain pour une nouvelle, j’espère.

Jean-Christophe Becquet : Entendu, c’est le cas, je serai de retour au mois de mai.

Étienne Gonnu : Parfait. Passe une belle fin de journée Jean-Christophe. Merci encore.

Jean-Christophe Becquet : Bonne fin d’émission. À bientôt.

Étienne Gonnu : Comme Jean-Christophe le dit, nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Dans les annonces.
L’édition 2025 du Libre en Fête, partout en France du 8 mars au 6 avril, vient officiellement de se terminer. Plus de 160 événements de découverte du logiciel libre et de la culture libre à destination du grand public ont été proposés partout en France dans le cadre de cette initiative.
Un grand et chaleureux merci à toutes les personnes et les organisations qui ont proposé ces événements. Leurs actions ont permis de sensibiliser de nouveaux publics à ces enjeux. Rendez-vous l’année prochaine.

MiXiT se présente comme une conférence pour l’éthique et la diversité dans la tech avec des crêpes et des cœurs. À MiXiT, on trouve des conférences techniques, mais également des interventions sur la diversité, l’inclusion, l’aide infligée, la richesse qu’apportent les personnes reconverties ou introverties, etc. L’édition 2025 aura lieu les 29 et 30 avril 2025 au campus universitaire Lyon 1 à Villeurbanne.
J’en parle notamment parce que Isabella Vanni et Bookynette y donneront une conférence intitulée « Mieux inclure la diversité de genre dans le monde du Libre, ça passe aussi par la radio », ce sera mardi 29 avril 2025 de 16 heures 30 à 16 heures 50, salle Gosling.

L’April sera présente avec un stand et une conférence dans le cadre des Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, RPLL, jeudi 15 mai 2025 à Lyon.

Mentionnons également la Soirée de Contribution au Libre, jeudi 24 avril à la FPH, la Fondation pour le progrès humain, à Paris dans le 11e arrondissement.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Gee, Laurent Costy, Jean-François Cauche, Sarah Bétaucourt et Jean-Christophe Becquet.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Bookynette.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, Théocrite et Tunui, bénévoles à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.

Vous retrouverez sur le site web libreavous.org/243, toutes les références utiles de l’émission de ce jour, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour chez libreavous.org

Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur : 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi mars 22 avril 2025 à 15 heures 30. Nous y découvrirons le parcours libriste de Cécilia Bossard, développeuse libriste depuis près de 20 ans, conférencière, membre de diverses communautés, notamment Duchess France et Coding Goûter, et apicultrice.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 22 avril et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.