Émission Libre à vous ! diffusée mardi 14 janvier 2025 sur radio Cause Commune Sujet principal : Parcours libriste de Simona Levi


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Tout d’abord, nous vous souhaitons une belle année, pleine d’énergie, de combativité, de joie, de belles choses, sans oublier une dose de chance.
Le sujet principal du jour sera un Parcours libriste avec Simona Levi qui sera interviewée par Alexis Kauffmann. Avec également au programme les dix ans d’Antanak en début d’émission et, en fin d’émission, une chronique de Benjamin Bellamy sur la blockchain.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles. N’hésitez pas à nous contacter pour nous poser toute question.

Nous sommes mardi 14 janvier 2025. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, mon collègue Étienne Gonnu. Salut Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » d’Antanak – « Les 10 dans d’Antanak »

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et/ou des pensées mises en actes et en pratiques au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par tous et toutes, etc. Je rappelle que le site d’Antanak est antanak.com, avec un « k », et ce sont nos voisines, leur adresse est le 18 rue Bernard Dimey.
Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Bonjour.

Frédéric Couchet : Je crois qu’aujourd’hui c’est une émission un peu spéciale.

Isabelle Carrère : Tout à fait. Un peu spéciale, une fois n’est pas coutume. Nous sommes en 2025, je souhaite à tous les auditeurices une belle année, comme tu l’as dit pleine de joie.
Je vais juste faire une toute petite introduction et après je vais me taire. Je suis contente parce que ça ne m’arrive pas tous les jours.
Je remercie les huit personnes qui ont accepté de dire un petit mot à cette occasion puisque Antanak a dix ans et nous allons faire une fête. Je dirai un petit mot quand tout le monde aura parlé.
Merci Étienne de lancer, quand tu veux.

[Virgule sonore]

Jean : Je suis arrivé en 2014, sans connaître personne. J’ai été séduit par l’engagement de l’association : promouvoir le logiciel libre. En effet, pour moi, les principes du Libre sont des idées fortes et généreuses, porteuses de liberté et d’indépendance, mises en œuvre à travers le partage et la collaboration. Toutes choses que je souhaiterais d’ailleurs voir déborder le monde du Libre, du logiciel, de l’informatique.
En pratique, ce que j’ai aimé à Antanak, c’est de pouvoir aider les personnes à s’initier à l’informatique. Quel plaisir que de voir une personne qu’on a connue craintive, timide face à un ordinateur, donner des conseils, après quelque temps à Antanak, à d’autres adhérents !

Ulfat : Bonjour, je m’appelle Ulfat. Je suis arrivé à Antanak en 2015 en tant que bénévole. J’ai validé ma licence professionnelle Gestion Traitement des déchets en alternance avec Antanak. Pour moi, Antanak est un endroit avec toujours une ambiance bienveillante et accueillante.
J’avais remarqué qu’on avait des ordinateurs obsolètes qui prenaient de la place au sous-sol. Cette problématique m’a donné l’idée de démanteler ces ordis, de les trier et de trouver des moyens pour les accompagner jusqu’à leur fin de vie. Dans ce cadre, on a commencé à rapporter le matériel obsolète à Paprec ; dans ce matériel, il y avait ferraille et plastique. Par contre, on a gardé les cartes imprimées, par exemple les cartes mères, parce que nous n’étions pas sûrs que ce soit recyclable proprement encore.

Sylvain : Je suis arrivé à Antanak en 2016 et, en fin de compte, ce que j’ai découvert dans ce monde du Libre ce sont des distributions et des logiciels qui sont très intéressants, alors que moi, venant du domaine professionnel, j’étais habitué à Windows et ça a chamboulé quand même pas mal de choses. J’ai découvert certaines distributions vraiment très intéressantes au niveau de la bureautique principalement, parce que moi c’est plutôt la bureautique. Je trouve vraiment que ça donne une autre vision du numérique et de l’accès au numérique.
Voilà, c’est à peu près ce que ce que j’ai découvert principalement en arrivant à Antanak. Je me suis familiarisé avec et je trouve que certaines, vraiment, sont très intéressantes.

Nathalie : Je suis arrivée à Antanak grâce à un tract qui m’a été distribué dans la rue. J’étais venue pour le logiciel libre, je m’intéressais à Ubuntu, et puis, je me suis retrouvée embarquée dans la réalisation des chroniques numériques, des documentaires artistiques sur notre rapport au numérique. Après, j’ai été écrivaine publique. Et puis, seulement quelques années plus tard après mon arrivée, je me suis mise sérieusement à installer des logiciels, à préparer des ordis, mais j’ai aussi fait de l’animation d’ateliers, du dépannage, de la réparation. Tout cela, tout ce parcours montre qu’il y a plein d’activités différentes à Antanak. Toutes ces activités s’articulent autour du logiciel libre et de ses valeurs.
En dix ans, on a partagé, transmis pas que des ordis avec GNU/Linux dessus, mais aussi toutes les valeurs du logiciel libre : la transmission de savoirs, le partage, le sens du commun.
On a des activités de base récurrentes, celles qu’on fait tout le temps, habituelles : la récupération, la préparation d’ordis, l’entraide numérique, le don, tout ça. Mais on a aussi des projets qui naissent, on a des idées, on les partage à toute l’équipe, on découvre ensemble, on apprend ensemble, on met les idées en œuvre et je trouve que c’est vraiment très enthousiasmant.

Cédric : Je m’appelle Cédric. J’ai rejoint Antanak en août 2018 à un moment de ma vie où j’étais un petit peu dans un questionnement, particulièrement des questions professionnelles, sur mon avenir professionnel, et j’ai été très bien accueilli, de manière très gentille, par l’équipe. Je suis venu, j’ai tout simplement toqué à la porte en demandant « comment est-ce que je pourrais vous, aider ? ». J’ai été très bien accueilli par l’équipe, notamment par Grazia qui s’est très bien occupée de moi et qui m’a très vite donné un ordi en disant « tiens, si tu veux, essaye de le désosser, de regarder, etc. » Et puis, de fil en aiguille, j’ai rejoint différentes activités au sein de l’association dans laquelle je me sens très bien, je me retrouve au sein d’une équipe très sympathique, qui a une réelle utilité pour la société.

Bénédicte : Antanak, les dix ans. Pourquoi Antanak ?
Parce que j’avais du temps à donner et autant être utile ! On reçoit autant qu’on donne.
Parce qu’Antanak, c’est mieux que McDo. Venez comme vous êtes, mais Antanak n’a rien à vendre, simplement à rendre encore plus autonomes les personnes qui s’adressent à l’association. Ça concerne aussi bien l’aide gratuite aux démarches administratives que les actions de formation sur des logiciels libres.
Antanak est enracinée dans la vie concrète de tous les jours. Des racines dans le quartier de la porte de Saint-Ouen, comme d’autres associations locales qui contribuent à nouer le tissu social.
Enracinée dans les convictions de ses fondateurs sur l’engagement collectif et individuel et la gratuité de ses actions. En contrepartie, Antanak demande à ses adhérents ou aux personnes qui font appel à l’association, une participation comme venir au rendez-vous avec les bons documents ou s’impliquer au mieux dans les formations.
Pour en revenir à l’actualité, la fracture sociale, et surtout numérique, n’a jamais été aussi forte qu’actuellement. Plus ça va plus, plus Internet casse les relations humaines.

Chokri : Il fait froid, très froid en ce moment et j’ai remarqué un petit truc à l’occasion de ce froid. Habituellement, lors de ce genre d’épisode, nos médias se rappellent subitement des sans-abris. Souvent, sur le ton de « ne vous inquiétez pas, on s’en occupe », ils nous confectionnent plein de petits reportages plutôt rassurants : une maraude par ci, une soupe chaude par là, un maire qui ouvre une salle avec plein de lits de camp, le SAMU social qui renforce ses effectifs. Cette année, rien de tel, rien ! Pas un mot ! Est-ce que, miraculeusement, il n’y aurait plus personne à la rue ? Est-ce que le président, qui nous avait promis qu’à la fin de son mandat il n’y aurait plus un seul citoyen sans-abri, aurait miraculeusement tenu sa promesse ? Non, malheureusement pas du tout, bien au contraire ! À Antanak, nous le constatons tous les jours. Ils n’ont jamais été aussi nombreux. La situation n’a jamais été aussi dramatique. Ça touche des catégories qu’on croyait à l’abri : des femmes, des enfants, des familles entières, des personnes qui travaillent, qui ont un salaire et qui ne parviennent plus à se loger. Le président en question n’a fait qu’empirer la situation. Avec son pote, le ministre Kasbarian, ils ont produit des textes encore plus expéditifs, permettant aux préfets, huissiers et bailleurs, qui s’en donnent d’ailleurs à cœur joie, d’expulser, de jeter à la rue à tour de bras.
Ce qui a changé cette année, c’est plutôt une espèce de volonté d’invisibiliser le problème, de le cacher. Cachez-moi ce drame que je ne saurais voir ! On n’en parle plus et le problème est réglé.
J’ai un micro et une occasion, alors j’en parle. Non, le problème n’est pas réglé. La situation de ces gens est de plus en plus dramatique, de plus en plus intolérable et de plus en plus révoltante.
Je sais, fort heureusement d’ailleurs, que beaucoup en parlent. Alors continuons, c’est le moins que l’on puisse faire pour empêcher que soit rendu invisible le drame de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants.

Sylvie : Antanak ! Heureusement qu’Antanak existe, au moins pour moi, mais pour beaucoup d’autres gens j’imagine. Parce que c’est quand même terrible d’être complètement dans un une histoire totalitaire avec le numérique, avec les ordinateurs, donc une subordination numérique. C’est insupportable ! Je ne sais pas comment font les gens pour supporter. Toujours est-il que moi j’ai du mal, et puis je ne veux absolument pas m’adapter.
Cependant, je reconnais que mettre les mains dans ces machines, ça ouvre les yeux encore plus que jamais. C’est-à-dire qu’on se rend compte de tout, disons les processus, les process de je ne sais trop quoi, de construction, à partir de quoi c’est fait : on a besoin de telle et telle chose, de métaux rares, de ceci, de cela, de soudure, de cuivre, notamment de cuivre, de métaux, d’un tas de choses ; probablement de gens qui sont payés plus ou moins trois francs six sous, pour monter tout cela ; pour les acheminer, n’en parlons pas, vous voyez ce qu’est le transport maritime depuis 30 ou 40 ans, pour que nous soyons tous dans la dépendance de ces machines.
Quelque part, il existe aussi le Libre, une voie qui permet encore de se servir de logiciels qui ne sont pas soumis complètement à la marchandisation dans tous leurs déploiements, de ceux qui créent des discriminations absolument insensées chez tout le monde, évidemment chez les gens qu’on a trop de moyens, ne parlons pas des jeunes qui n’ont pas trop de moyens. Bref !
En cela, le fait de venir à Antanak, de démonter, de savoir un petit peu comment ça se passe, eh bien, au moins, ça permet d’installer des logiciels libres, ça permet de se rendre compte de pas mal de choses. Et puis, c’est situé dans un quartier, au rez-de-chaussée, avec tout ce qu’implique un quartier de ce coin-là du 18e. Ça aussi c’est intéressant, c’est vivant.
Voilà ! Venez faire un tour à Antanak et vous vous apercevrez de ce très grand travail, je le reconnais, ce très grand travail qui a été fait depuis bientôt dix ans. C’est bientôt son anniversaire : Antanak aura dix ans. Au revoir.

[Virgule sonore]

Isabelle Carrère : Merci Étienne.
Voilà, je pense que ça se passe de commentaires. Merci aux auditeurices d’avoir accueilli ces témoignages de huit des personnes du noyau d’Antanak, aussi variées que sont les personnes, avec l’ensemble des activités, de ce que chacun chacune y met comme sens et comme émotion, etc.
Je ne vais pas rester plus de temps parce que le temps est imparti pour cette chronique. Merci à vous tous, toutes, à Fred, d’avoir accueilli ça, d’avoir permis ce petit débordement.
Pour le moment, retenez juste la date du 15 février, ce sera la fête pour les dix ans d’Antanak, on vous en dira plus la prochaine fois.
Merci beaucoup.

Frédéric Couchet : Merci, Isabelle. C’était la chronique d’Antanak. La deuxième partie des interviews, ce sera le mois prochain, donc en février. On va faire une pause musicale.

[Virgule Musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons le Parcours libriste de Simona Levi.
En attendant, nous allons écouter Variato 1 à 1 Clav, du projet Open Goldberg variations, par Kimiko Ishizaka. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Variato 1 à 1 Clav, Open Goldberg variations, par Kimiko Ishizaka.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Variato 1 à 1 Clav, du projet Open Goldberg variations, par Kimiko Ishizaka, disponible sous licence libre CC0, transfert dans le domaine public. C’est une licence Creative Commons un peu particulière, car elle permet de renoncer au maximum à ses droits d’auteur, dans la limite des droits applicables, afin de placer son œuvre au plus près des caractéristiques du domaine public.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer à notre sujet principal.

[Virgule Musicale]

Parcours libriste de Simona Levi, un échange avec Alexis Kauffmann

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui sera un Parcours libriste, interview d’une seule personne pour parler de son parcours personnel et professionnel, un parcours individuel qui va, bien sûr, être l’occasion de partager messages, suggestions et autres.
Notre invitée est Simona Levi, professeure de techno-politique et droit à l’Université de Barcelone, fondatrice de Xnet dont elle parlera tout à l’heure. L’échange a été préparé et sera animée par Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques, fondateur de Framasoft, actuellement chef de projet logiciel et ressources éducatives libres à la Direction du numérique pour l’éducation.
Je vous laisse la parole. Bonjour Alexis, bonjour Simona, c’est à vous.

Simona Levi : Bonjour.

Alexis Kauffmann : Bonjour, Simona. Ciao.

Simona Levi : Ciao.

Alexis Kauffmann : Ça fait plaisir. On n’a pas préparé du tout l’émission avec Simona. Merci Frédéric, tu m’avais dit que vous recherchiez des personnes dans le cadre de ce format Parcours libriste. Juste un tout petit mot, peut-être sur Simona, elle aura l’occasion de le dire, elle n’est pas française. Qu’est-ce qu’on entend par libriste ? Ce serait un peu activiste du Libre, on en fait « libriste ». En France, c’est considéré de manière assez positive, mais ça peut être aussi utilisé contre les libristes. Par exemple, au ministère, parfois on m’accuse d’être le libriste du ministère ou on me dit « toi, tu es un libriste, donc de toute façon, par idéologie, tu vas nécessairement dans ce sens et pas dans un autre. » Ça peut être aussi utilisé négativement. Fred, je ne sais pas si tu es d’accord. Tu n’interviens pas, c’est mon moment !
C’est donc cela qu’on entend par libriste, Simona, je voulais le préciser, même si toi, et ça va être ma première question, quand on a discuté ensemble, tu parlais de < em>fighter, c’est ça ?

Simona Levi : Je ne suis pas du tout tech. Je viens d’une militance activiste classique de gauche et, en 2006, j’ai été fulgurée par l’Internet [Je suis tombée amoureuse d’Internet, Note de l’intervenante] et, en même temps aussi, probablement sans le savoir, par le librisme [La philosophie de la culture libre et copyleft, Note de l’intervenante] dans le sens où j’ai surtout été impactée par la manière de travailler, de s’organiser des hackers et de l’activisme des communautés online. C’est cela qui m’en a fait m’approcher et c’est cela qui a fait de moi la personne qui, maintenant, travaille full-time sur ce sujet, sur les infrastructures libres, sur la démocratisation de la numérisation des sociétés, des administrations et tout ça, mais pas du tout dans une perspective technologique, plutôt dans l’idée d’appliquer ce que l’infrastructure technologique de l’Internet nous propose et ce que les formes d’organisation des communautés du software libre nous proposent comme nouvelle gouvernance.

Alexis Kauffmann : Merci. On aura l’occasion de détailler un petit peu. Nous n’allons pas être chronologiques, au sens précis du terme, dans le parcours, mais il y a quand même cette idée de parcours de vie. J’ai regardé un peu ta fiche Wikipédia, j’ai fait comme mes élèves quand j’étais professeur. Tu as une fiche Wikipédia aussi en français. Tu as cité l’année 2006. Ce qui m’intéresse, c’est peut-être avant 2006, donc avant ta « découverte » de l’Internet, entre guillemets, comme tu viens de dire. J’ai vu que tu as passé un peu artistique, dans ta jeunesse, notamment théâtral, actrice, metteur en scène. L’idée, c’est évidemment de savoir comment toute cette expérience passée a aussi nourri ton action aujourd’hui. Raconte un petit peu toute cette expérience, ce parcours théâtral. Tu es née en Italie et, à un moment donné, tu t’es aussi retrouvée en France et c’est pour cela que tu parles si bien français.

Simona Levi : Oui, c’est ça. Je viens d’une famille très militante, j’ai donc été très militante depuis très petite. J’étais une très bonne élève, mais très révoltée, si bien qu’au baccalauréat on m’a dit qu’on me punissait parce qu’on n’arrivait pas à me baisser la moyenne. Au baccalauréat, on m’a dit qu’on allait me punir en enlevant sept points pour non-respect de l’institution éducative. Là, je me suis rendu compte que, effectivement, je n’avais pas de respect pour l’institution éducative. Je suis rentrée à la maison en disant « je n’irai pas à l’université – ça a été une catastrophe familial – je vais aller en France pour devenir danseuse. »

Alexis Kauffmann : Quand tu dis « à la maison », à l’époque, c’était où la maison ?

Simona Levi : La maison c’était à Turin, en Italie. Je suis venue à Paris pour devenir danseuse. Erreur, parce que plusieurs millions de personnes sont venues à Paris à la fin des années 80 pour devenir danseuses. J’étais la dernière de tous les derniers, j’étais vraiment seule ! Heureusement, j’ai découvert l’École Lecoq [École internationale de théâtre Jacques Lecoq], j’ai donc abandonné l’histoire de la danse. Lecoq a été plus qu’un professeur de théâtre, pour moi, c’était un philosophe, j’ai donc aussi appris beaucoup de choses par rapport à l’engagement et à la façon de transformer mon engagement en quelque chose qui arrive à plus de personnes, donc la communication, etc. C’est comme ça que j’ai mélangé un peu mes soucis activistes de transformation sociale avec les formes de communication. J’utilise encore beaucoup tout cela dans ce que je fais.
J’ai donc une formation académique de metteuse en scène. J’ai été actrice et metteuse en scène pendant longtemps. J’ai commencé avec le numérique, mais, depuis toujours, j’ai fait des actions de mise en scène ironiques, ce qu’on appelle « artivisme », utilisant l’art pour l’activisme. J’ai donc mélangé continuellement les deux domaines, mes soucis et mes capacités : j’ai continué à faire des spectacles de théâtre qui expliquaient ce qu’on faisait dans la militance et j’ai utilisé mes capacités de communication avec de l’ironie, etc., dans la militance. J’ai toujours mélangé.

Alexis Kauffmann : Du coup, dans le théâtre, tu as plutôt choisi metteur en scène, metteuse en scène, qu’uniquement actrice, et ça t’a aussi peut-être intéressée de te retrouver en groupe, d’avoir des projets collectifs.

Simona Levi : C’est-à-dire que j’ai du mal à être avec quelqu’un qui me donne des ordres, même si c’est fait gentiment. J’ai été actrice pour manger, au tout début de ma carrière, pendant très longtemps, j’ai été actrice pendant presque 20 ans, mais, très vite, j’ai organisé ma propre compagnie, je faisais mes propres projets et c’est à ce moment-là que je suis venue ans en Espagne. J’ai habité cinq ans à Paris, j’en avais déjà un peu marre, mais en plus, j’avais un boyfriend qui me frappait. Il m’a frappée une fois, nous étions un peu saouls, j’ai dit « ça doit être une erreur. » Quand il m’a frappée la deuxième fois, j’ai compris que ce n’était pas une erreur, j’ai compris que c’était une habitude, je lui ai dit que je voulais me séparer, il m’a dit « ce n’est pas possible, parce que tu es ma femme ! ». Là, j’ai compris que je ne devais pas discuter avec ce monsieur, j’ai fait ma valise et je suis partie, donc, tant qu’à partir, je suis partie à Barcelone parce qu’il y avait plus de soleil. J’ai été reçue par la seule amie que j’avais à Barcelone, je me suis sentie comme à la maison, j’ai donc commencé par ouvrir une compagnie de théâtre. J’ai trouvé une maison dans laquelle je pouvais avoir un petit théâtre et c’est devenu un petit théâtre underground assez connu à Barcelone pendant très longtemps.

Alexis Kauffmann : Parmi les spectacles, j’ai noté Femina Ex Machina. Pourrais-tu nous en dire plus sur ce spectacle ?, ça m’a interpellé.

Simona Levi : Les deux premiers spectacles que j’ai faits, c’était sur le féminin, donc Femina Ex Machina ; j’ai toujours fait des spectacles assez ironiques, donc c’était sur les clichés féminins. Un groupe français est maintenant devenu célèbre avec quelque chose que j’ai fait 20 ans avant : j’avais une bulle sur la tête, avec de l’eau et des poissons, je faisais la femme un peu la tête dans l’eau. C’était un spectacle assez marrant sur les clichés féminins.

Alexis Kauffmann : D’accord. On est à la radio, mais on s’imagine bien !

Simona Levi : J’ai fait un autre spectacle qui s’appelait Non lavoreremo mai, « On ne travaillera jamais », un peu plus sur les femmes qui sont frappées, mais surtout sur l’aliénation au travail et les conséquences de l’aliénation au travail dans les relations. C’était aussi à un spectacle ironique. J’ai toujours cru à l’ironie, un peu ce que dit Spinoza : dans un monde qui nous pousse vers les passions tristes, notre révolte c’est de travailler avec des passions alegres, plus heureuses, plus lumineuses.

Alexis Kauffmann : En tout cas, un théâtre ironique, mais aussi un théâtre à message dans le sens positif du terme, engagé.

Simona Levi : Engagé, oui, toujours engagé. Je suis tombée dans la soupe, dans la marmite de l’engagement politique très petite parce que ma famille était ultra militante, donc, pour moi, la militance c’était comme une normalité et maintenant encore : si je me dis « arrête Simona, ça suffit, repose-toi, ce n’est pas la peine d’être dans toutes les batailles », je m’ennuie tout de suite, je deviens très nerveuse, donc je dois être militante, forcément.

Alexis Kauffmann : Pour aller petit à petit un peu plus vers le numérique, j’ai noté aussi que dans les spectacles que tu as montés avec ta compagnie, Conservas, c’est ça ?, il y avait un spectacle où, à la fin du spectacle, un peu sur le modèle de la culture libre, on remettait un cédérom au public qui pouvait repartir avec le texte, les vidéos, les images, etc.

Simona Levi : Là, c’est quand j’ai découvert l’Internet et le librisme que ce spectacle-là incluait. Quelque temps avant ce spectacle, je crois que c’était en 2005, j’ai commencé à prendre les législations qu’on nous impose, très normalement, et à les traduire en spectacle. Par exemple, il y avait une législation sur le comportement civique dans la ville de Barcelone. En lisant la législation, on voit, en fait, que ce sont des pièces de théâtre : on voit où on veut nous mener, mais en disant autre chose. En fait, ils veulent mener, par exemple, à la criminalisation du skateboarding dans la ville de Barcelone.
J’ai donc commencé à mettre en scène les législations et, quand j’ai été fulgurée par l’Internet, très peu de temps après, j’ai fait tout un spectacle sur les législations sur le logement et aussi sur les législations sur la propriété intellectuelle et, évidemment, ses paradoxes : la culture qui, en fait, devrait circuler mais qui est empêchée de circuler et d’être culture à cause de lois qui devraient la protéger. C’était le premier spectacle et, à partir de là, tout ce que j’ai fait a été publié sous Creative Commons et j’ai commencé à travailler le sujet très fortement. Tout cela a commencé aussi parce que le début du spectacle c’était une vidéo sur la spéculation immobilière d’une banque très connue ici en Espagne. Cette vidéo avait été éliminée de YouTube par la banque en disant que c’était à cause du copyright. En fait, ce n’était pas à cause du copyright, parce que c’était notre musique, tout était fait par nous. Le copyright avait donc été utilisé comme une excuse pour censurer ce que nous voulions dire dans ce spectacle, pour censurer la culture. En fait, le copyright avait été utilisé pour la non-circulation de la culture. C’est donc là que j’ai vraiment commencé à m’engager complètement et en sentant que c’était une responsabilité d’artiste. Cela avait été fait à dessein en nous disant que c’était pour nous protéger et, en fait, c’était quelque chose qui était en train d’empêcher la circulation de l’information et j’avais des responsabilités par rapport à ça. C’est là que j’ai commencé à être full dans le sujet.

Alexis Kauffmann : Là, on parle du milieu des années 2000, c’est ça ? En France, on a aussi eu des lois qui ont voulu, entre guillemets, « criminaliser » un peu le partage. Ça avait démarré avec Napster, ensuite ça a été sur Bittorrent, etc., ça remonte à loin. On ne veut pas faire les anciens combattants, mais on a connu des lois avec lesquelles on voulait, effectivement, se montrer très dur vis-à-vis des internautes qui voulaient juste partager la culture, sans en faire profit d’ailleurs. Pour les libristes de l’époque, ça a été un moment important, notamment pour certains, un moment d’engagement politique. En France, on appelait ça la loi Hadopi [Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet].

Simona Levi : Ici on avait la Ley Sinde, et, à partir de ce moment-là, nous sommes devenus sœurs et frères de la Quadrature du Net. Vous étiez sur l’Hadopi, ici, en même temps, nous étions sur la Ley Sinde, c’était vraiment le même combat, on a bien rigolé et on a aussi pas mal gagné. On a eu un peu de tout, c’était donc un moment assez intéressant.

Alexis Kauffmann : En tout cas, c’est un moment où tu t’intéresses au numérique, peut-être que tu rencontres aussi des groupes ou des personnes qui viennent de ce monde de l’open source, qui sont plus informaticiens, développeurs, etc. C’est pour t’amener petit à petit la création de Xnet ; peut-être y a-t-il eu une autre structure qui a précédé, dont je ne me souviens plus du nom, mais pour comprendre un peu la genèse de tout ça.

Simona Levi : Oui, ça s’appelait eXgae, parce que ici, la Sacem, notre Sacem, s’appelle SGAE [Sociedad General de Autores y Editores], donc nous disions que nous étions eXgae comme ex-boyfriend. Ça a duré comme ça pendant deux ans, ça a été très rigolo parce que, ici, la Sacem locale était très dure avec toutes les petites boutiques qui avaient une petite radio. On avait donc la chance que la SGAE était connue par tout le monde parce qu’elle faisait chier tout le monde : les boulangers, les coiffeurs, tous avaient une visite. Il y a eu ce moment extrême d’abus de pouvoir de la part de la SGAE, nous étions donc des eXgae dans le sens où on aidait, on voulait que ce soit du ex SGAE. On a tenu comme ça pendant deux ans et puis la SGAE nous a envoyé un beau fax disant que nous étions en train de salir les marques enregistrées, qu’on devait changer, sinon nous aurions plein de problèmes. Nous avons décidé de ne pas nous disputer, nous ne voulions pas gaspiller notre temps aux tribunaux avec la SGAE, donc nous avons changé notre nom en Xnet, mais entre-temps, nous avions organisé les oXcars de la culture libre, un grand festival avec 2000 personnes, une fois par an à Barcelone.

Alexis Kauffmann : J’ai lu ça aussi. Est-ce que tu peux nous préciser un petit peu, nous raconter cette aventure et qui étaient les lauréats de ces oXcars ?

Simona Levi : Il n’y avait pas de prix, nous étions contre les prix. On montrait tout ce qui se faisait avec la culture libre. Ce n’étaient pas des prix, c’était vraiment voir le travail. Donc, on amenait du cinéma, de la musique, de la science aussi ; on faisait les fanatiques du copyright, donc toutes les slaps et les procès injustes pour empêcher les graines, toute la folie du fanatisme du copyright et, en même temps, toute la liberté, les choses qui étaient faites de l’autre côté. Cela durait cinq heures pendant lesquelles les gens pouvaient voir des spectacles open source et très rigolos. Les vidéos sont en ligne, si quelqu’un a envie de les voir, elles sont encore très au goût du jour, parce que c’est encore le même problème, en fait. C’est très rigolo et ça peut donner des idées.
On a donc fait ça très longtemps, j’aimerais continuer à le faire, mais nous sommes un peu trop occupés avec d’autres choses.
On a vraiment toujours fait des recherches et des mises en scène pour transmettre tout ce qu’on découvrait de manière à approcher un public qui n’est pas forcément un public… C’est-à-dire que les gens venaient voir les oXcars parce que c’était très rigolo et pas parce qu’ils avaient de l’amour pour le librisme, mais ça leur faisait avoir de l’amour pour le librisme, parce qu’on expliquait le paradoxe de la culture qui ne circule pas.

Alexis Kauffmann : En fait, c’est une porte d’entrée. Je me demande si cet événement avait vraiment, à l’époque, une vraie portée en Espagne. Est-ce que c’étaient des militants groupusculaires qui avaient très peu d’audience ou y avait-il vraiment un mouvement ? Là, on parle de Barcelone donc en Catalogne, mais en Espagne aussi en général ?

Simona Levi : Oui, parce que, vraiment, cette histoire de la SGAE, de notre Sacem locale, était très forte. Finalement, on a réussi, deux ans après, à ce que tout le board, les membres de la direction de la SGAE soient arrêtés. D’un côté, la SGAE était très connue par tout le monde, non pas par un ghetto, vraiment par tout le monde pour ses pratiques autoritaires et, en plus, elle demandait plus d’argent que ce qu’il fallait pour faire peur aux gens. C’était populaire, nous avons donc surfé sur cela. C’était un moment particulier. Nous avons créé eXgae parce qu’il y avait assez d’intellectuels sur le sujet. Nous étions un groupe, surtout des femmes, nous étions très peu, trois à cinq, nous voulions rentrer dans ces groupes qui s’occupaient de la culture libre, et ces gros mecs-là ne nous laissaient pas parce que nous n’étions que des petites femmes. Nous avons donc dû créer notre propre organisation, parce que les big fish ne nous prenaient pas au téléphone, ne répondaient pas à nos questions, par exemple, dans mon cas, pour la censure de ma vidéo, dans le cas d’une autre copine parce que la SGAE lui avait fait une amende de 50 000 euros qu’elle ne pouvait pas payer. Ils nous ont un peu snobées, pas considérées, nous avons donc créé eXgae un peu parce que nous n’avions pas de place dans les autres lieux, plus à la mode.
Notre organisation a tenu, parce que quand ça n’a plus été à la mode, ces messieurs sont passés à autre chose. Nous avons tenu et nos spectacles ont eu beaucoup d’impact dans la presse, beaucoup d’impact sur un public qui vient parce qu’il voit qu’on fait ça sérieusement et pour s’amuser. On a vraiment eu un impact qui va au-delà des personnes qui ont une connaissance et qui s’occupent au jour le jour du software libre et des droits numériques, etc.

Alexis Kauffmann : Merci. Pour parler de « bonnes nouvelles », entre guillemets, nous sommes au mois de janvier et tu sais que le 1er janvier beaucoup d’auteurs entrent dans le domaine public. En Espagne, c’est comme en France, c’est 70 ans après la mort de l’auteur. En tout cas, cette année, le peintre Henri Matisse, la peintre Frida Kahlo, l’auteure française Colette sont entrés dans le domaine public le 1er janvier dernier, leurs œuvres sont maintenant à disposition de tous.
On a pas mal parlé culture. Je te propose qu’on fasse une pause musicale, ensuite on enchaînera un peu plus sur activisme politique et numérique.

Simona Levi : D’accord ! On y va.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter Our lives change par Tryad. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Our lives change par Tryad.

Voix off : cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Our lives change par Tryad, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Je vais repasser la parole à Alexis Kauffmann qui fait l’interview Parcours libriste de Simona Levi. C’est à vous.

Alexis Kauffmann : Oui. D’ailleurs, pourquoi ai-je accepté de faire cette interview ?

Frédéric Couchet : Je corrige : tu as proposé l’interview.

Alexis Kauffmann : Non, c’est quelqu’un qui m’a dit « je te propose de faire l’interview », je crois que c’est Isabella [Vanni].

Frédéric Couchet : Pour préciser les coulisses, Alexis a proposé qu’on interviewe Simona et je lui ai dit « comme tu proposes, tu peux faire l’interview ». Merci d’avoir accepté Alexis.

Alexis Kauffmann : Je l’ai fait avec grand plaisir d’abord parce que ça m’amuse, entre guillemets, d’être « de l’autre côté du micro » parce qu’il m’arrive souvent d’être interviewé, et aussi parce que c’est Simona. Juste un petit mot. Avec Simona, nous nous connaissons peu, nous ne nous sommes vus que trois fois dans l’effervescence d’un événement, un salon, comme ça, autour du numérique. Nous nous sommes vus à Barcelone où elle m’a invité la première fois, à Amsterdam et à Paris. Je voulais dire que quand j’en ai parlé à Fred, j’ai dit « tu peux lui écrire de ma part, c’est une amie. » On a dû se voir trois jours, en tout trois heures, mais c’est vrai qu’il y a tout de suite eu une infinité, spontanément, un peu naturellement. Parfois, vous rencontrez des personnes et vous vous dites, de manière assez naturelle, « tiens ça pourrait être des amis », c’est aussi pour cela que j’ai accepté. Je voulais aussi en savoir plus sur sa vie, parce qu’on n’avait pas eu l’occasion, sur ces deux/trois heures au total, de parler de tout cela. Voilà, Simona.

Simona Levi : Tout à fait ça. C’est tout à fait ça. Oui.

Alexis Kauffmann : Je voulais maintenant peut-être repartir de votre mouvement espagnol, c’est-à-dire du Mouvement 15-M, du mouvement des Indignés, Puerta del Sol, je ne sais pas comment vous l’appelez exactement, en tout cas, c’est en 2011, on est d’accord. Ça a été un événement quand même marquant en Espagne, il y a eu beaucoup d’actions et toi, tu t’es impliquée. Peux-tu nous parler un peu de cette période, ce qu’il en a découlé ? Je sais que tu as aussi mis en place, au niveau numérique, des choses qui ressemblaient un petit peu à Wikileaks, peut-être que je dis des bêtises, tu me corrigeras.

Simona Levi : On a donc ouvert Xnet en 2008. Nous avons longtemps été la référence ici sur ce sujet. Nous venions déjà de tous les mouvements sociaux : avant le mouvement, j’étais dans le mouvement contre la guerre, évidemment, mais aussi le mouvement pour le logement, parce qu’il y a eu un très grand et très intéressant mouvement pour le logement digne de 2006 à 2008 en Espagne, très fort, très créatif, à Barcelone c’était très fort, on a fait des choses très intéressantes. Je crois que le mouvement espagnol des Indignados qui s’inspirait, qui prenait exemple sur les Printemps arabes, a été en fait, de tous les mouvements de cette période-là, Occupy et tout ça, le meilleur dans le sens où c’était vraiment la proposition d’une nouvelle gouvernance, très « propositif », très indépendant dans la construction d’une gouvernance. Ce n’étaient pas des demandes, c’était vraiment de l’action et je crois que c’est parce qu’il est né par deux chemins : le mouvement du logement, dont je parlais avant, et le mouvement autour de la culture libre par rapport, justement, à l’injustice pour l’accès à l’information, l’accès à la culture, l’usage d’Internet comme alternative et aussi parce que, pendant le mouvement contre la guerre, il y a eu la bombe qui a fait 200 morts à Madrid. Notre gouvernement et toute la presse disaient que c’était une bombe pour cause interne : ETA, le terrorisme basque interne. En fait, c’était juste quatre jours avant les élections et toute la population, toute la presse, tous les partis politiques, tout ce qui était institutionnel disait que c’était du terrorisme interne. Mais nous qui avions lutté contre l’entrée de l’Espagne dans l’alliance pour la guerre, nous savions que ce n’était pas ça, c’était à cause de notre participation dans la guerre et que c’était Al-Qaïda.
Avec l’usage du téléphone, avec le fameux message « Viens sur les places, parce qu’on nous ment, tout le monde nous ment pas, passe le message » s’est créé un mouvement dû au choc, qui comprenait vraiment comment utiliser la technologie d’une manière désintermédiée. C’est pour cela que les Indignados ont beaucoup travaillé, avec une grande facilité et sans la nécessité d’avoir des super experts en technologie, évidemment, on en avait, mais l’usage des technologies pour l’organisation autonome et pour construire des gouvernances sans demander l’autorisation à personne était vraiment très présent chez les Indignados. Avant que les Indignados ne soient cooptés et détruits par Podemos qui les avait toujours condamnés pour ne pas être assez marxistes, disons assez obtus, assez dogmatiques de gauche, Podemos est venu les voir en disant que c’étaient eux les Indignados quand nous qui, par milliers, avions créé les Indignados espagnols savions que eux, par contre, quand nous leur avions demandé de l’aide, nous avaient rejetés, pas aidés. Donc, vraiment, les gens se sont organisés sans de grandes gueules, sans de grands personnages, en utilisant Internet, etc.
Je dis tout cela parce que ça fait la vraie différence des Indignados par rapport à d’autres mouvements de la même période.
À partir de là, nous avons participé très longtemps à ce qui est la transformation sincère des Indignados dans des groupes de travail. Nous avons créé le groupe qui auditait Bankia, la quatrième banque d’Espagne, qui était présidée par l’ex-ministre de l’Économie et ex-président du Fonds monétaire international et qui avait reçu la moitié de tout le bailout, le renflouement bancaire, donc les millions d’argent public qui ont été envoyés aux banques pendant la crise. C’était la principale banque, qui était justement dirigée par le ministre de l’Économie, qui, en fait, nous avait mis dans tous ces problèmes.
Donc, là, nous avons commencé un projet qui a duré huit ans. Nous avons fait condamner 65 politiques et banquiers de toutes les couleurs, des podemitas jusqu’aux conservateurs, socialistes, les deux principaux syndicats espagnols. Nous avons traité la partie judiciaire et nous avons ouvert notre leaking box pour que les gens nous envoient de l’information par rapport à cela de manière anonyme, en utilisant Tor et tout ça. J’avais rencontré Julian Assange et Wikileaks, avant qu’il ne soit connu, au Chaos Computer Congress. Je les avais connus en 2010 et j’avais un peu compris, appris ce qui était très nouveau à ce moment-là, l’histoire que racontait Julian Assange, et c’était très intéressant de travailler avec lui juste avant ; après tout a un peu changé, mais bon. Ce qu’il a commencé à proposer c’était vraiment une révolution, nous l’avions donc mis en pratique pour notre cas-là.
C’est donc grâce aux informations que nous avons reçues dans cette leaking box que nous avons réussi à faire faire non seulement 65 condamnations et à envoyer 15 politiciens et aussi le ministre en prison, condamnés à quatre ans et demi, ils en ont fait deux et demi, mais quand même. On a réussi aussi à rendre 9 000 millions d’euros à tous ceux qui avaient perdu leur argent à cause de ces gens-là et de la crise bancaire.

Alexis Kauffmann : Un peu les Robins des Bois, quoi !

Simona Levi : Oui. C’était vraiment un dispositif techno-politique, c’est-à-dire en utilisant le librisme, l’Internet et les possibilités de travailler de manière désintermédiée.

Alexis Kauffmann : Tu dis « nous », tu dis « désintermédiée », c’est aussi peut-être pour dire une gouvernance un peu en autogestion, un peu horizontale, etc. Comment étiez-vous organisés ?

Simona Levi : Justement, je crois que nous avions appris du librisme la non-horizontalité, c’est-à-dire Talk is cheap. Show me the code. Depuis lors, nous avons une méthodologie qui se base justement sur cela, c’est-à-dire que personne ne peut entrer dans le core des projets s’il n’a pas, avant, démontré en collaborant qu’il travaille, qu’il apporte vraiment des choses. Je viens de la militance de gauche, de beaucoup d’assemblées, et je suis vraiment allergique à ça. Je crois qu’il faut faire et c’est en faisant qu’on comprend vraiment ce que veulent faire les gens, je défends donc beaucoup le « doisme » des communautés hackers.
Quand je dis « nous », on a commencé à partir de rien. J’ai appelé des amis et j’ai dit « je veux auditer et envoyé en prison ceux qui ont fait craquer le système bancaire et créé la crise en Espagne. Est-ce que tu veux participer ? ». Quelques-uns m’ont dit oui, d’autres m’ont dit non. Comme cela, j’ai créé un core group avec des gens en qui j’ai pleine confiance, qui s’est modifié au fur et à mesure du chemin, pendant ces huit ans. Nous avons rencontré des gens super, qui nous ont beaucoup aidés et qui, finalement, ont été intégrés dans le core group grâce à leur engagement, grâce à l’évidence de leur engagement. Des gens sont partis, d’autres se sont fait coopter par les partis politiques. Nous étions très célèbres parce que nous avons rendu pas mal d’argent aux citoyens. Tous les partis politiques voulaient dire qu’eux c’étaient nous. Quelques-uns, surtout nos avocats, se sont laissé coopter. On a dû changer régulièrement d’avocats parce que les avocats n’étaient pas dans le core, disons qu’ils étaient payés, et ils se sont fait très facilement acheter par les méchants et par les partis. Donc ça dépend, le « nous » a varié au cours des années.

Alexis Kauffmann : Ici, le numérique est, en fait, au service de la justice sociale, on peut dire ça comme ça.
Je voulais un petit peu plus détailler ton action avec Xnet, puisque c’est comme ça que je t’ai connue. Quand je t’ai connue, la première fois que nous nous sommes vus, c’était à, je ne sais plus comment s’appelle l’ancien centre canin à Barcelone [El Canòdrom], en tout cas c’est là où travaille Decidim. Peut-être peux-tu nous parler un peu de Decidim, c’est un logiciel libre qu’on apprécie, dont on apprécie l’histoire particulière avec la mairie de Barcelone ? Et puis, peut-être le projet en éducation pour lequel on a travaillé un peu ensemble ?

Simona Levi : Il faut savoir que nous faisons vraiment de la techno-politique, c’est-à-dire que même le projet des banquiers n’a été possible que grâce à l’Internet. Les informations n’auraient pas été possibles sans l’Internet et les leaking box. On a fait le premier crowdfunding politique d’Espagne et tout le procès qui nous a coûté 60 000 euros, ce qui est très peu, mais c’est également beaucoup d’argent, a été payé par crowdfunding des personnes. Tous les advisors, les leads dont on a eu besoin, les victimes, sans l’Internet tout cela n’aurait pas été possible, sans l’utilisation d’outils libres, de structures libres d’Internet, tout cela n’aurait pas été possible.
Au cours de cette période, nous avons aussi connu un de nos camarades qui, en ce moment est un peu un Alexis pour la mairie, c’est quelqu’un qui vient de la militance, notamment avec nous et par différents parcours. Maintenant il est le représentant du département d’innovation démocratique de la mairie de Barcelone. Il est un peu une rara avis parce que, justement, il a commencé à travailler toute la partie de participation, la façon dont nous avons fait la participation, un peu sur ce style-là, en disant « il ne faut pas mélanger la participation avec la liberté d’expression. Dans une assemblée, tout le monde peut parler, d’accord. Mais après, il faut faire, donc, il nous faut des outils online pour pouvoir travailler le matériel et le faire croître. » C’est un dépôt dans Gitlab, online. C’est la même chose avec la gouvernance et la création de projets qui ne sont pas uniquement du code.
Il s’est donc engagé dans la création de Decidim, une plateforme open source de participation qui est maintenant utilisée par la ville de Barcelone, mais aussi par beaucoup d’autres institutions et organisations civiles.
Et en 2019, un groupe de familles est venue nous voir en disant que toute l’éducation passait par Google dans l’école, qu’elles devaient signer la permission pour leurs enfants d’être googlelisés dès l’âge de quatre ans avec un Gmail, voilà !, une googlelisation totale. On a donc commencé à travailler sur une alternative, on a fait Opentender pour les entreprises de software libre, parce que nous ne prenons pas d’argent institutionnel quand on est consultant du gouvernement. On a donc demandé au gouvernement la possibilité de créer un software qui ne soit pas qu’un single sign-on d’outils alternatifs à la suite Google, mais qui soit aussi une manière d’intégrer toutes les pièces, par exemple en utilisant un seul portail pour WordPress, Nextcloud, BigBlueButton, etc., tous dans un seul portail. Nous sommes encore en train d’avancer sur ce prototype qui fonctionne dans six écoles de Barcelone et, probablement, la Catalogne. Elle a signé un accord qui ne veut rien dire, parce que signer c’est une chose et, faire les choses, c’en est une autre, mais on espère que la Catalogne va adhérer et aider le logiciel à croître pour 50 centres en plus et pour qu’on puisse le terminer, parce qu’il n’est pas encore terminé.

Alexis Kauffmann : Des établissements scolaires, à Barcelone et autour, ont choisi, ou n’ont pas forcément choisi Google, en tout cas, ils se sont retrouvés avec la suite Google, la Google Education où tout est intégré, donc la problématique, c’est comment proposer non seulement une alternative, mais aussi un outil qui facilite la migration, que ce ne soit pas trop violent d’un outil à l’autre, donc, que l’interface ressemble un petit peu aussi. Il y a donc tout un travail d’UX [User eXperience] et de design, etc., pour que cette migration puisse se faire sans trop de difficulté. Le travail qui a été effectué est très impressionnant. Au niveau du succès, où est-ce que vous en êtes ?

Simona Levi : On en est qu’on en a marre ! Je crois que c’est un peu différent chez vous, de ce que je vois. En Espagne, chaque fois que l’on change de gouvernement, tous les directeurs généraux disparaissent aussi. Et, comme on change de gouvernement tous les trois/quatre ans, parce que, souvent, les gouvernements tombent, tu as juste le temps d’expliquer à un directeur général ton truc qu’il a changé.

Alexis Kauffmann : Je comprends, ça n’aide pas ! On a des interlocuteurs différents à chaque fois et on n’arrive pas à stabiliser et à être soutenus. Là tu me parles d’une activité associative avec Xnet, mais je crois que tu as aussi été plus ou moins officiellement conseillère au sein du gouvernement national, ou de Catalogne, ou municipal. Tu as eu des fonctions officielles de consultante.

Simona Levi : De temps en temps, je suis consultante des gouvernements, pas trop, seulement les gouvernements très intelligents qui savent qu’il vaut mieux intégrer les gens très problématiques, qui vont les critiquer, que les laisser dehors, mais ça ne marche pas non plus ! Par exemple, j’ai été consultante pour les deux chartes des droits numériques. Maintenant, dans les gouvernements, c’est la mode de faire des chartes pour les droits numériques. Ils ont découvert le numérique il y a deux ans dans le Sud de l’Europe, ils font des chartes du numérique sans même lire les chartes que la société civile a déjà faites depuis 20 ans, 30 ans, même 40 ans, ils n’inventent donc rien du tout ! Ils m’ont intégrée, par exemple dans une ces chartes-là, probablement pour éviter que je les critique, mais ça n’a pas marché parce que je les ai critiqués également. La charte des droits numériques du gouvernement espagnol est très merdique, vraiment rétrograde et très réactionnaire. La charte catalane n’est pas mal, elle est un peu simple, mais elle est beaucoup plus respectueuse des droits.
Je ne participe pas très souvent. Par contre, dans la ville de Barcelone et aussi au niveau de la Catalogne, je suis souvent dans les médias, je travaille beaucoup avec la ville de Barcelone pour faire, par exemple, les leaking box de Tor, je participe à des choses comme ça.

Alexis Kauffmann : Tu fais des actions de plaidoyer, en tout cas d’advocacy.
Il nous reste cinq minutes. Je suis professeur et je sais que tu exerces aussi quand tu en as l’occasion. Actuellement, tu es aussi professeure à l’Université de Barcelone. Qu’y fais-tu et qu’est-ce que tu souhaites transmettre aux étudiants, à la jeune génération ?

Simona Levi : Avec cette méthodologie que nous avons inventée pour faire les dispositifs citoyens qui partent de l’application basically Talk is cheap. Show me the code, nous avons dessiné une méthodologie d’action qui n’est pas horizontale, qui n’est pas verticale, qui est plutôt inspirée par l’action, par une méritocratie autour de l’engagement et des capacités de chacun. J’ai donc dessiné un cursus de deux mois et demi, ouvert à tout le monde en fait, en tout cas qui donne un diplôme universitaire de techno-politique et droit dans l’ère numérique, pour expliquer, pour aider à l’action civile en utilisant un peu la philosophie hacker et les outils online pour une transformation sociale de manière plus positive et moins tourmentée que la pure horizontalité.

Alexis Kauffmann : Merci. Je voulais aussi qu’on parle de ton dernier livre #FakeYou, c’est ça ?, un guide activiste pour vaincre la désinformation. J’aime bien aussi le sous-titre Don’t blame the people, don’t blame the Internet. Blame the power – Governments, political… and the threats to freedom of expression. Est-ce que tu peux nous en dire plus ? Quelles sont ses intentions ? Quel est l’objectif ? Est-ce que c’est que ce livre se diffuse bien et est-ce qu’on peut lancer un appel pour le traduire en français ?

Simona Levi : Oui, s’il vous plaît, lançons un appel pour le traduire en français. Je l’ai traduit en anglais et je l’ai updated. En fait, c’est un livre de 2019 que j’ai fait justement avec les participants au cours. La seule vraie solution pour la lutte contre la désinformation, qui ne touche pas la liberté d’expression, est dans ce livre, il faut donc vraiment que ce soit diffusé. En pratique, on dit de façon basique que c’est l’institution qui génère la grande désinformation, surtout les partis politiques et les grands acteurs qui, avec beaucoup d’argent, peuvent se permettre une viralisation pas que dans l’Internet, mais aussi à la télé avec les partis politiques, la propagande, etc. On culpabilise l’Internet de quelque chose qui, en fait, est la propagande de toujours, avec les acteurs de toujours, donc les lois doivent être des lois qui obligent les institutions à un devoir de vérification, pas de véracité, parce que seuls les dieux peuvent faire ça, mais que nous, les humains, nous puissions nous assurer que les grands émetteurs qui mettent de l’argent pour la viralisation aient vérifié ce qu’ils racontent. Et, s’ils ne l’ont pas fait, on pourrait leur donner des amendes ou fermer les partis politiques ou imposer des sanctions. Ainsi, on réduirait drastiquement la désinformation qui circule massivement, non seulement dans l’Internet, mais surtout dans nos propres médias, dans nos propres institutions et dans nos propres partis politiques.

Alexis Kauffmann : En tout cas, ça nous a donné envie de le lire, puisque c’est la solution, as-tu dit.

Simona Levi : Oui !

Alexis Kauffmann : L’entretien touche à sa fin. Je voulais te demander s’il y a un sujet qui te tenait à cœur et qu’on n’a pas abordé.

Simona Levi : Ça me fait très plaisir qu’on ait eu cette conversation. Avant mes années de militance, je croyais que le monde était divisé entre les bons et les mauvais, mais j’ai appris que ce n’est pas comme ça. Il faut chercher les personnes, les espaces, les petits espaces qui se créent et qui sont vraiment engagés pour lutter, parce qu’il y a beaucoup de gens qui, en théorie, sont les bonnes gens, mais qui ne sont pas là pour vraiment travailler à changer les choses. Donc le fait qu’Alexis et moi nous voyons très souvent sur ce truc, ça fait toujours plaisir de trouver des gens qui sont aussi en train de lutter et de faire des choses. Je connais l’April, je me souviens qu’en fin d’année je suis venue à Paris, invitée par La Quadrature, il y avait beaucoup de gens de l’April et on a beaucoup dansé ensemble. C’est toujours un plaisir que tous ces lieux existent encore et résistent. En plus de ces bonnes passions, aujourd’hui j’ai écouté de la musique que je ne connaissais pas, donc c’est un grand plaisir.

Alexis Kauffmann : Merci beaucoup. Continuons à danser ensemble, Simona, et à très bientôt.

Simona Levi : On va danser ensemble. À très bientôt. Avec plaisir.

Frédéric Couchet : Merci Simona. Merci Alexis. C’était effectivement un plaisir partagé, vive la joie militante.
Juste avant de passer au sujet suivant, tout à l’heure, Simona a parlé des changements de direction dans les grandes administrations, il y en a un qui ne bouge pas, c’est Audran Le Baron, qui est toujours directeur du numérique pour l’éducation. Je renouvelle à Audran Le Baron l’invitation à venir s’exprimer dans Libre à vous ! avec toi, Alexis, évidemment, pour parler de logiciel libre dans l’Éducation nationale et de ressources libres.
En tout cas, merci Alexis.

Alexis Kauffmann : Merci.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale rapide.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Benjamin Bellamy sur la blockchain.
Nous allons écouter, peut-être pas entièrement, Flame And Go par CyberSDF. On se retrouve dans quelques instants. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Flame And Go par CyberSDF.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous sommes passés en mode tapis. Nous avons mis un terme rapide à la musique qui s’appelle Flame And Go par CyberSDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. N’hésitez pas à l’écouter, la musique est disponible sur la page consacrée à l’émission du jour, sur libreavous.org/231.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

Chronique de Benjamin Bellamy – La blockchain

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique de Benjamin Bellamy, « Le truc que (presque) personne n’a vraiment compris mais qui nous concerne toutes et tous ». Aujourd’hui Benjamin, qui est avec nous en studio, devait nous parler des blockchains, mais je vois qu’il est venu avec des dés de jeu de rôle, je crois donc qu’il va nous parler de Donjons et Dragons.
Bonjour Benjamin.

Benjamin Bellamy : Bonjour Frédéric. Pas tout à fait, c’est d’un autre jeu dont je vais vous parler, le Monopoly.

Frédéric Couchet : Mais le Monopoly, ça ne se joue pas avec des dés à 10 faces !

Benjamin Bellamy : Figure-toi que si tu veux être à la page en 2025, si ! Vous l’avez deviné, une fois encore, je vais abuser de moult métaphores pour vous expliquer un truc que (presque) personne n’a vraiment compris, mais qui nous concerne toutes et tous.
J’aurais pu vous dire qu’une blockchain c’est « un registre distribué avec des blocs validés organisés dans une chaîne séquentielle en ajout uniquement à l’aide de liens de hachage » – comme le définit l’ISO –, mais je vous aurais perdus en 30 secondes. Alors vous êtes prêts ?

Frédéric Couchet : Prêts !

Benjamin Bellamy : Fermez les yeux et imaginez des élèves en train de jouer au Monopoly. Mais ils ont perdu les billets, donc, avec du papier, des crayons de couleur et des ciseaux, trois élèves fabriquent dix billets toutes les dix minutes. Comme ce sont eux qui prennent la peine de les fabriquer, ils les gardent pour eux, bien sûr, et ils effectuent des transactions avec les autres pour leur acheter des rues. Quant aux autres, ils sont contraints de leur vendre leur goûter contre des faux billets de Monopoly pour pouvoir commencer à jouer. Puis, comme on est quand même au 21e siècle, ils décident de remplacer les billets en papier par…

Frédéric Couchet : Par une Blockchain !

Benjamin Bellamy : Bingo ! Car, justement, ils ont entendu qu’une des propriétés des blockchains c’était de s’affranchir de tout tiers de confiance, or ça tombe bien, depuis qu’ils ont perdu leur goûter, ils ne font plus confiance à personne, donc ils créent leur blockchain.
Pour savoir combien a chaque élève, ils décident de noter chaque transaction sur les pages d’un cahier. Par exemple : Claude donne 2 à Gabriel·le et Gabriel·le donne 1 à Michel·e. Toutes les dix minutes, ils regroupent les transactions passées sur une page et, en bas de page, ils mettent un coup de tampon.
Le tampon c’est le hachage, la page c’est le bloc, le cahier c’est le registre.
Mais comme personne ne fait confiance à personne et surtout pas au professeur, ce communiste qui pourrait abuser de son autorité, tout le monde peut avoir une copie complète du registre, une copie synchronisée. Note bien que dans le registre on peut ajouter des transactions mais pas en enlever, « ajout uniquement » on a dit.
Toutes les dix minutes donc, tous les élèves de la classe qui veulent passer une transaction vont l’écrire au tableau, reste plus qu’à recopier dans le nouveau bloc.

Frédéric Couchet : OK. Mais puisque personne ne se fait confiance, qui écrit le bloc dans le registre ?

Benjamin Bellamy : Mais quelle excellente question ! Effectivement, il faut décider qui va écrire dans le registre et c’est bien le plus gros problème. Si tout le monde faisait confiance au professeur, ou à n’importe quel·le élève, c’est lui qui tiendrait le registre et on n’aurait pas besoin de blockchain. Mais là, personne n’a confiance en personne, donc pas le choix, on va le faire à tour de rôle, pour chaque bloc. Imaginons que nos trois élèves de tout à l’heure se portent volontaires pour tenir le registre.

Frédéric Couchet : Du coup c’est facile, il suffit de tirer au sort !

Benjamin Bellamy : Eh bien, non. Pas du tout. Tirer au sort ça impliquerait que quelqu’un fasse le tirage au sort, donc quelqu’un en qui tout le monde aurait confiance. Et justement, il n’y en a pas !

Frédéric Couchet : Comment fait-on ?

Benjamin Bellamy : Il y a plusieurs solutions plus ou moins efficaces et plus ou moins fiables. Ils choisissent la plus fiable, celle utilisée pour le Bitcoin, et elle est assez ingénieuse. Comme on nage en pleine métaphore, je vais simplifier énormément, mais ça nous permettra de piger le système.
Donc trois élèves se sont portés volontaires pour écrire dans le registre. Tu as deviné, eux ce sont des mineurs.
Chacun regarde le tableau, choisit les transactions qu’il souhaite écrire dans le prochain bloc. Il peut y avoir trop de transactions pour que tout tienne dans un seul bloc, donc il faut bien choisir. Chaque mineur a son bloc prêt, on a trois mineurs, il faut donc choisir lequel des trois blocs va être inscrit.

Frédéric Couchet : Et sans personne pour tirer au sort ?

Benjamin Bellamy : C’est ça. L’idée de génie, pour choisir, c’est de demander aux mineurs une preuve de travail.

Frédéric Couchet : Une preuve de travail, ça veut dire quoi ?

Benjamin Bellamy : Imagine. Chaque mineur a préparé son bloc avec les transactions qu’il a choisies. Il fait la somme des montants de toutes les transactions de son bloc, puis il ne garde que les deux derniers chiffres. Il obtient un premier nombre, A, compris entre 1 et 100. Puis muni de deux dés à dix faces, mes fameux dés, il lance deux dés, un pour les dizaines, un pour les unités. Il obtient un second nombre, B, lui aussi entre 1 et 100. Si ses deux nombres, A et B, sont différents, c’est raté, il relance les dés. Le premier des mineurs qui réussit à avoir deux nombres égaux crie « j’ai trouvé ! », il communique à tout le monde son bloc et le résultat de son tirage, tout le monde vérifie que tout est conforme, et bam !, le mineur est élu, il écrit son bloc et on synchronise toutes les copies.

Frédéric Couchet : Donc, en fait, la preuve de travail c’est juste un lancer de dés ?

Benjamin Bellamy : Pour ainsi dire, oui. Mais là où c’est vraiment futé, si un des mineurs voulait tricher en se faisant passer discrètement pour 12 mineurs différents, en se disant qu’il va augmenter ses chances de gagner, eh bien il ne va rien gagner du tout, il n’a que deux mains, il ne va pas pouvoir faire plus de tirages, donc il aura toujours exactement le même nombre de chances d’être élu.

Frédéric Couchet : Mais si on prend 30 mineurs au lieu de 3, globalement on aura quand même plus de chances que l’un des mineurs trouve plus vite, non ?

Benjamin Bellamy : Oui, et l’astuce c’est que les règles de la blockchain disent que la complexité augmente avec le nombre de mineurs. À 30 mineurs, par exemple, pour le premier nombre, A, on va prendre les trois derniers chiffres de la somme des transactions du bloc, et, pour le deuxième nombre, B, chaque mineur devra lancer trois dés à dix faces.

Frédéric Couchet : Et à 300 mineurs on prend les 4 derniers chiffres de 4 dés ?

Benjamin Bellamy : C’est ça, tu as tout compris ! Plus le nombre de mineurs croît, plus le tirage au sort devient complexe et, au final, la probabilité totale que quelqu’un trouve en dix minutes reste la même. Mais le travail total fourni par tous les mineurs, y compris tous ceux qui perdent, devient colossal. Remplace les dés par des calculs informatiques et tu as la consommation électrique d’un pays entier.

Frédéric Couchet : Oui, mais il y a quand même deux choses que je ne comprends pas.
Un, quel intérêt ont les mineurs à se fatiguer à lancer des dés pour écrire les transactions des autres, ou même pour rien ?
Et deux, qu’est-ce qui garantit que les transactions inscrites, recopiées du tableau, sont authentiques, c’est-à-dire que les informations de la blockchain reflètent bien la vie réelle ?

Benjamin Bellamy : Pour motiver un mineur, c’est très simple, on va le payer à chaque fois qu’il est choisi pour écrire un bloc, sinon, effectivement, on n’aurait pas de mineurs, donc pas de blockchain.
Et qu’est-ce qui garantit que les informations de la blockchain reflètent la vie réelle ? Rien. C’est tout à fait impossible quand tu ne fais confiance à aucun tiers pour certifier une écriture.

Frédéric Couchet : Donc, on fait tout ça pour rien ?

Benjamin Bellamy : Une blockchain peut garantir que ses transactions ont bien été écrites et c’est tout, pas qu’elles représentent un événement réel. Le seul et unique cas où les transactions de la blockchain sont authentiques, c’est quand elles se suffisent à elles-mêmes. On dit que les transactions d’une blockchain sont performatives. En clair, une blockchain garantit juste qu’on a bien écrit une transaction dans une blockchain. Elle ne garantit jamais la signification que cette transaction pourrait avoir dans le monde réel.

Frédéric Couchet : C’est donc cela qu’on reproche aux blockchains ?

Benjamin Bellamy : Paradoxalement, pas vraiment. Ce qu’on entend en général, c’est que le choix du mineur pour écrire un bloc est très énergivore. En effet, n’importe quel système de transaction sans blockchain, avec un tiers de confiance – une banque, un État, une place de marché ou autre – sera toujours infiniment plus économe et efficace. Mais ce n’est pas le plus problématique à mon sens. Le pire, il me semble, c’est qu’on rattache presque toujours une blockchain au monde réel. Or, stocker n’importe quelle information du monde réel dans une blockchain n’a absolument aucun sens. Un diplôme, par exemple, a forcément un tiers de confiance, c’est l’établissement qui le délivre, et il n’y a donc aucun intérêt, j’insiste bien, aucun intérêt, à le mettre dans une blockchain. Idem pour les passeports, les billetteries, les certificats de traçabilité ou autre. Tout ça, c’est du caca de taureau.

Frédéric Couchet : Carrément !

Benjamin Bellamy : Oui, et ce n’est pas tout, car les blockchains ont encore bien d’autres défauts structurels.
Le nombre de transactions par seconde est ridicule, pour le Bitcoin, par exemple, c’est sept transactions par seconde, maximum, pour l’ensemble de la planète.
Les frais de transaction sont incontrôlés, en ce moment il faut compter environ deux dollars par transaction pour le Bitcoin, ce qui est prohibitif, mais ça a déjà dépassé les 100 dollars ! La volatilité des prix pose aussi de gros problèmes. Ça en fait une réserve de valeur très risquée et puis, surtout, ça en fait un intermédiaire des échanges peu adapté. On se souvient que la toute première pizza, achetée en 2010, l’avait été pour 10 000 bitcoins, soit quasiment un milliard de dollars au cours actuel – au passage j’espère qu’elle était bonne ! Ainsi on parlera de cryptoactifs plutôt que de crypto-monnaies.
Et puis enfin, les blockchains n’autorisent pas les erreurs. Les corrections sont impossibles. Si vous effectuez une transaction vers la mauvaise adresse, voire vers une adresse qui n’est utilisée par personne, il est impossible de l’annuler, c’est perdu à jamais.

Frédéric Couchet : Mais quand tu disais que c’est énergivore, ce n’est pas totalement vrai. Par exemple, j’ai entendu que certains acteurs utilisent l’énergie thermique du minage pour se chauffer. Il existe donc bien des pistes pour des blockchains plus vertueuses, non ?

Benjamin Bellamy : D’abord, ça sera toujours moins écologique qu’un système sans blockchain. Et d’autre part, en fait non, pas du tout. Le minage écologique est un mensonge, au sens même de la blockchain.
Reprenons la métaphore des lancers de dés. Imagine que l’un des mineurs possède en parallèle une entreprise qui, justement, réalise des vidéos de lancers de dés et vend ces vidéos, parce que, pourquoi pas, il y a un marché pour tout ! Ça lui permet de jouer sur deux tableaux : chaque lancer lui permet de miner et, en même temps, de faire commerce de vidéos. Je suis d’accord, le minage n’est plus un gaspillage pur, mais, en faisant cela, il s’octroie un avantage sur les autres mineurs. Il va pouvoir miner plus et, potentiellement tellement, qu’il va finir par écrire tous les blocs ou même créer des versions concurrentes de la blockchain pour s’autoriser des doubles dépenses. La conséquence c’est que ça va entamer la confiance dans le système. Or, la preuve de travail n’existe que pour instaurer la confiance. Ainsi, tout gain parallèle qui limite le gaspillage du minage réduit la confiance et, in fine, détruira le système.
Pour qu’une blockchain fonctionne, il est indispensable que le minage soit coûteux et inutile. Aujourd’hui, le minage du Bitcoin consomme en continu environ la production de dix centrales nucléaires pour sept transactions par seconde max. Ça fait cher le tirage au sort !

Frédéric Couchet : En bref, ce que tu dis c’est que les blockchains ne servent à rien. Comment expliques-tu leur succès alors ?

Benjamin Bellamy : Je ne dis pas qu’elles ne servent à rien, je dis juste que je n’ai encore jamais vu de cas où elles étaient utiles, hormis celui de tenir un registre de transactions en cryptoactifs dans le but exclusif de créer une bulle spéculative. Après, je reconnais que ça reste une technologie assez fascinante : regarder une blockchain tourner ça a un côté hypnotique. Alors imagine, si, en plus, tu y as investi ton argent, tu vas suivre son évolution avec un intérêt tout particulier.

Frédéric Couchet : Donc, finalement, tu ne nous conseilles pas d’y investir nos économies !

Benjamin Bellamy : Finalement, pas trop, non. Pour faire simple, les cryptoactifs ne servent principalement aujourd’hui qu’à alimenter une gigantesque pyramide de Ponzi. Tant qu’il y a des acteurs, ça continue de gonfler. Elle va atteindre les 2 000 milliards de dollars en Bitcoins, au passage, ça veut dire que virtuellement on a donné 2 000 milliards de dollars aux mineurs juste parce qu’un algorithme les a tirés au sort, c’est quand même une sacrée loterie et ça me laisse plutôt perplexe.
Quand je vois un fonds d’investissement comme BlackRock investir en masse dans les cryptoactifs, ça ne me choque pas, ces gens-là n’ont qu’un seul objectif qui est de faire un maximum de pognon, alors pourquoi pas, avec une Ponzi, ils sont dans leur rôle.
En revanche, quand des institutions et des banques nationales se lancent dans les blockchains, là, je me dis que la blockchain est vraiment un truc que presque personne n’a compris et que, quand elle aura fini de cramer la planète pour rien, ça nous concernera vraiment toutes et tous. Et qu’on n’est pas sorti du sable, et qu’on n’a pas fini de devoir expliquer comment ça fonctionne vraiment, ce que j’espère avoir fait aujourd’hui.

Frédéric Couchet : Merci Benjamin, pour ces explications. On te retrouve le mois prochain, en février 2025, et d’ici-là au Paris Radio Show à La Bellevilloise, le 29 janvier, pour un enregistrement de ton podcast RdGP, Rien de Grave patron, qu’on retrouve sur le site rdgp.fr ;
également au FOSDEM [Free and Open Source Software Developers’ European Meeting], à Bruxelles, le 1er février pour parler de Podcast 2.0. Le FOSDEM se déroule le premier week-end de février à Bruxelles, ça regroupe des libristes du monde entier, donc beaucoup de choses se passent en anglais ;
et à AlpOSS, Alpes Open Source Software, à Échirolles, le 20 février, pour parler de Castopod, ta plateforme d’hébergement de podcasts dans le Fédivers, et de logiciels libres pour les podcasts !
Merci Benjamin.

Benjamin Bellamy : Merci Frédéric.

Frédéric Couchet : Il nous reste très peu de temps. Nous allons finir par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Du côté de la Suisse, les Rencontres Hivernales du Libre 2025 auront lieu du 24 au 26 janvier à St-Cergue

Les sans pagEs est un projet de la version francophone de Wikipédia dont le but est de lutter contre les déséquilibres de genre sur les articles de l’encyclopédie. Il y a un atelier Wikipédia avec Les sans pagEs, samedi 25 janvier 2025, de 14 heures à 18 heures, à Paris. Pour les détails et liens utiles, vous allez sur la page libreavous/231.

Cause Commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois, à partir de 19 heures 30, dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey, dans le 18e arrondissement, une réunion d’équipe ouverte au public, avec apéro participatif à la clé. L’occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée radio ouverte aura lieu le 7 février 2025 et, lors de cette soirée, il y aura une émission un peu spéciale, consacrée aux coulisses de la radio. Pour le 7 février, nous aimerions vous entendre, auditrices et auditeurs de la radio, de Libre à vous !. Si vous acceptez de parler quelques minutes de ce qui vous plaît dans l’émission, de vos attentes, contactez-nous. Vous pouvez intervenir depuis le studio ou à distance. Pour nous contacter, vous allez sur le site causecommune.fm, dans la fiche consacrée à Libre à vous ! ; vous pouvez également aller sur le site libreavous.org.

J’en profite aussi pour signaler que la radio Cause Commune a lancé une campagne de financement participatif, indispensable à son fonctionnement, pour payer le loyer, les frais d’émetteurs, les serveurs. Mais la radio souhaite également aller plus loin et, avec votre soutien, équiper un second studio. Second studio qui permettra de proposer des services de location et des ateliers pour des projets audiovisuels, mais surtout, qui sera mis à disposition gracieusement au service de collectifs et de personnes qui défendent leurs droits et portent des luttes qui profitent à l’émancipation de toutes et tous. Pour faire un don, rendez-vous sur le site causecommune.fm, bouton « don ». Vous pouvez faire un don ponctuel ou, encore mieux, un don récurrent.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Isabelle Carrère, Simona Levi, Alexis Kauffmann, Benjamin Bellamy.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Étienne Gonnu.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts et ces personnes vont avoir un petit peu de travail avec l’émission du jour. Je salue tout particulièrement Julien Osman, qui s’occupera de la post-production de ce podcast. Je salue également le reste de l’équipe : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux et Théocrite, bénévoles à l’April.

Vous retrouvez sur notre site web, libreavous.org/231, toutes les références utiles de l’émission de ce jour, ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question, nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour chez libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez également nous laisser un message sur le répondeur de la radio, le numéro : 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission du jour.
Si vous aimez cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 25 janvier 2025 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur le collectif Alpes Numérique Libre qui regroupe des collectivités. C’est mon collègue Étienne Gonnu, qui gère aujourd’hui la régie, qui aura le plaisir d’animer cette émission.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 21 janvier et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.