- Titre :
- Décryptactualité du 3 avril 2017
- Intervenants :
- Luc - Manu - Nico
- Lieu :
- Studio d’enregistrement April
- Date :
- Avril 2017
- Durée :
- 15 min
- Écouter ou télécharger le podcast
- Revue de presse de l’April pour la semaine 13 de l’année 2017
- Générique :
- La prose du pépère - Les Barons Freaks - LAL
- Licence de la transcription :
- Verbatim
Description
Cette semaine Décryptactualité se penche sur les données personnelles qui sont un sujet de saison. Trois points de référence : un projet de loi américain [1] qui autorise les fournisseurs d’accès à revendre les données de leurs utilisateurs, la nécessité de la France de se mettre en conformité avec les nouvelles législations européennes [2] très protectrices de la vie privée et un long article [3] sur la façon dont les donnée personnelles ont été mises à profit pour gagner des élections.
Transcription
Luc : Décryptualité.
Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.
Luc : Treizième semaine de l’année 2017. Salut Manu.
Manu : Salut Nico.
Nico : Salut Luc.
Luc : Qu’est-de que tu as retenu pour la revue de presse cette semaine ?
Manu : On a six petits articles. Tu veux faire les titres ?
Luc : ZDNet France — La fondation Linux attire de nouveaux secteurs — un article de Thierry Noisette.
Manu : Donc la fondation regroupe plein d’entreprises et là, je crois qu’ils vont arriver à quelque chose comme mille entreprises. N’oublions pas, il y a notamment Microsoft dedans.
Nico : Libération — Caribe Wave, dernier épisode : à Marie‐Galante, les hackers préparent la suite — un article de Camille Gévaudan.
Manu : Où on voit que Camille Gévaudan est en vacances dans les îles et qu’elle en profite pour aller voir les hackers, donc des potes, des informaticiens qui sont en train de sauver la planète ou en tout cas de se préparer.
Luc : Libération — Quand le Congrès américain torpille la vie privée en ligne — un article d’Amaelle Guiton.
Manu : Ce n’est pas mal et on va en discuter après parce que la vie privée aux États-Unis, ce n’est pas du sérieux, sérieux et il y a vraiment plein de choses à dire.
Luc : C’est du sérieux ; il y a plein d’argent à se faire ! On ne rigole pas avec ça ! Numerama — Quels sont les logiciels libres que l’État conseille en 2017 ? — un article de Julien Lausson.
Nico : C’est un référentiel et là, le référentiel s’étoffe. Il y a des logiciels qui sortent et des logiciels qui rentrent.
Luc : C’est un guide à usage interne, c’est ça ? Mais c’est quand même intéressant.
Manu : Oui. C’est pour les administrations françaises et on vous recommande ça, ça, ça ; ci, ci, ci ; et ce n’est pas mal.
Luc : La Tribune — Présidentielle 2017 : ce que proposent les candidats pour le numérique — un article de Sylvain Rolland.
Manu : Je propose que si un auditeur veut regarder tout ça, il nous envoie un petit résumé ; ça peut être intéressant.
Luc : Le Monde.fr — En 2017, la CNIL face au compte à rebours de la nouvelle loi européenne — un article de Martin Untersinger.
Manu : C’est the article de la semaine, qui rebondit sur les données personnelles.
Luc : Très intéressant et du coup, on va se pencher cette semaine justement sur cette question des données personnelles. En parlant de cet article bien sûr, en parlant également de celui qu’on a mentionné un petit plus tôt sur cette loi aux États-Unis, sur le fait de pouvoir vendre les données personnelles.
Manu : Et qui est drôle !
Nico : Surtout pour ce qui s’est passé derrière, en fait. Ça a des conséquences qui sont géniales. Il y a des trucs super fun.
Luc : J’ai également apporté quelque chose sur un article que j’ai lu, en anglais, sur des services qui ont été utilisés, notamment pour le Brexit et par Donald Trump pour, en gros, savoir comment communiquer en utilisant les données personnelles. Donc c’est une première belle illustration de ce qu’on peut faire avec les données personnelles de façon intelligente et de montrer à quel point c’est un enjeu considérable et c’est pour ça que nous, on s’y intéresse. C’est que derrière il y a vraiment des enjeux importants.
Manu : Sachant que c’est en cours en ce moment même puisque, en France, on est dans des élections et la même entreprise est en train de cibler et d’organiser un petit peu tout ça en utilisant les réseaux sociaux notamment.
Luc : Alors tu voulais commencer par ?
Manu : Ah ben les États-Unis !
Nico : En gros, ce qui s’est passé, c’est qu’il y avait une loi qui était en cours de discussion sur qu’est-ce qu’on allait faire des données personnelles aux États-Unis.
Manu : Et notamment l’historique de navigation.
Nico : L’historique de navigation, et est-ce qu’on allait avoir le droit de le revendre ou pas ?
Luc : Je précise qu’on parle de l’historique de navigation détenu par le fournisseur d’accès.
Nico : Voilà !
Luc : Donc ce n’est pas un Google ou un Amazon ou un truc comme ça. C’est la boîte par laquelle vous transitez pour passer sur Internet.
Manu : Qui te vend un accès.
Luc : C’est-à-dire que eux savent tout ce qu’on fait sur Internet, quel que soit le truc, ils savent où on va, ils connaissent tout.
Nico : Alors, c’est un peu plus compliqué que ça, et c’est d’ailleurs une première question qui a été soulevée, c’est que, normalement, le fournisseur d’accès ne voit pas les données. Enfin il voit les données passer, mais il ne les analyse pas, il n’a pas la capacité d’intercepter le réseau, en fait.
Manu : Non. Mais il sait sur quel site tu as été.
Nico : Oui, il sait sur quel site. Il a cet historique-là. Il a théoriquement la possibilité de savoir sur quel site tu es allé, mais il faut qu’il ait déployé du matériel dans son réseau pour avoir accès à ces données-là.
Luc : Il est obligé de les stocker, non ? Parce que s’il y a une requête de la justice.
Nico : Non, il ne fait que stocker quand est-ce que tu es connecté. Il sait que telle adresse IP est connectée à telle date, mais il ne sait pas ce que tu visites. Donc il y a eu la première question, c’est : si vous êtes capable d’avoir cet historique-là, c’est que vous avez le matériel dans le réseau qui va sniffer, en fait, tous les paquets qui vont passer, tout votre trafic internet, et passe par une moulinette des fournisseurs d’accès que, normalement, il n’a pas le droit de faire ; et il est capable d’en dire, du coup, vous avez visité tel ou tel site, mais par défaut, normalement, il n’a pas accès à ces données-là.
Manu : Et aux États-Unis, il y avait des règlements assez récents qui interdisaient de stocker et surtout de revendre ces historiques-là et c’était vraiment bloqué. Mais…
Nico : Sauf que les sénateurs…
Luc : De ce que j’ai entendu dire, parce que je crois que ce n’est pas très clair, mais en fait ils avaient déjà le droit de le vendre, qu’il y a une loi qui a été votée une première fois en disant on va arrêter cette autorisation à vendre et que, ce que vient de passer, c’est le contrecoup.
Manu : Le retour de bâton.
Luc : Le retour de bâton en disant si, si, on peut faire du business là-dessus.
Manu : C’est pour libérer les entreprises, tu vois !
Nico : Voilà ! Du coup il y a eu, effectivement, du gros lobbying pour essayer de faire passer cette loi-là et donc, maintenant, les fournisseurs d’accès à Internet ont accès à ces données-là.
Luc : Ils ont le marché.
Nico : Et ont le droit de les revendre à des régies publicitaires, à des banques, des assurances, enfin à n’importe quoi.
Manu : Résultat des courses, il y a des petits malins qui ont réfléchi au truc et ils se sont dit on va faire un crowdfunding, en fait, et on va donc demander à des gens de donner de l’argent pour qu’on rachète les données personnelles des sénateurs qui ont voté cette loi-là, pour savoir sur quels sites…
Luc : Pour savoir s’ils se rendent sur gros lolos.com ou des trucs comme ça.
Manu : Je trouve l’idée, brillante. C’est juste énorme.
Nico : Détournement de loi pour le retour de bâton dans les dents.
Luc : Certes, mais la situation est quand même merdique. Donc c’est rigolo. C’est un retournement intéressant.
Manu : C’est génial ! C’est le retour de bâton !
Luc : Mais ce n’est pas ça qui va changer l’affaire.
Manu : Il y a eu un dernier truc, c’est que les grosses sociétés, les gros fournisseurs d’accès aux États-Unis ont annoncé, la main sur le cœur, qu’ils ne vendraient plus les données de leurs clients. Donc ils ont dit qu’ils ne le feraient pas, ils ont promis, juré, craché.
Luc : On y croit, bien sûr. L’idée c’est que, derrière, c’est important, parce que même si on n’a que les sites sur lesquels on va, on va par exemple acheter sur une boutique en ligne, très souvent, la recherche qu’on a faite elle est dans l’URL – l’URL c’est l’adresse internet – et on sait, dans l’URL, ce qu’on a cherché.
Manu : Et si juste on connaît toutes les adresses, c’est comme de savoir les adresses qu’on a mises sur notre courrier, le courrier de la poste, et si la poste sait exactement qui échange avec qui, ce sont déjà des informations énormes.
Nico : Surtout que ça donne beaucoup plus d’informations que juste l’adresse qu’il y a sur le courrier. On va savoir quelle fréquence de consultation.
Manu : Quand est-ce que tu y a été, combien fois tu as été, combien de temps tu es resté.
Nico : Quand est-e que tu t’es connecté. Les sites de porn, les sites médicaux par exemple. Du coup on va peut-être savoir que vous êtes malade, que vous avez telle ou telle personne dans vos contacts. C’est vraiment assez atroce tout ce qu’on peut récupérer quoi !
Manu : J’attends de voir les données des hommes politiques ; ça peut être génial. Il y a des analyses à faire.
Nico : On verra bien si le crowdfunding passe, on aura peut-être la base de données en ligne un jour.
Manu : Non, ne t’inquiète pas, ça ne marchera pas. L’idée est juste magnifique.
Nico : L’idée est juste énorme !
Manu : Et ça doit les faire réfléchir et se dire eh bien oui, on peut vendre n’importe quoi !
Luc : Je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr que ça les fasse réfléchir.
Manu : Si, c’est à peu près sûr.
Nico : Il y a du lobbying derrière donc effectivement, ce ne sont pas les députés ou les sénateurs directement qui étaient visés, mais c’est le lobbying qui a juste tout pourri là-bas, quoi !
Manu : Retour à l’Europe et à la France.
Luc : Effectivement. La CNIL a présenté son bilan pour 2016 [4] en disant que ça avait été une année très chargée. L’avenir s’annonce aussi chargé parce qu’il y a un impératif dans le calendrier où il faut harmoniser la législation avec la législation européenne. Il y a des choses qui ont été décidées au niveau européen, et on a jusqu’à 2018. Donc il faut le faire en 2017 pour se mettre en accord. Et là, ça va plutôt dans le bon sens.
Manu : Et c’est chaud patate parce qu’il y a des élections en plus. Il y a la République numérique qui est arrivée l’année dernière,
Luc : La loi en question.
Manu : Donc il y a déjà des choses qui sont en cours et là, effectivement, harmoniser des choses qui ne sont pas forcément simples, c’est du boulot !
Nico : En plus, il y a une sacrée surprise, parce que loi en question, donc qui s’applique à partir de mai 2018, qui s’appelle la GPDR.
Manu : Ils ne le citent pas dans l’article.
Nico : Ils ne le citent pas d’ailleurs. C’est que c’est un acronyme un peu compliqué. C’est un acronyme, c’est General Data Protection Regulation, quelque chose comme ça.
Manu : Tu l’as presque dit.
Luc : En français c’est quoi c’est GDPR ?
Nico : C’est Règlement général sur la protection des données [5].
Manu : Ça m’a l’air d’être un gros sujet en tout cas.
Nico : En tout cas, c’est un gros sujet qui est assez bizarre, parce que, justement, personne ne s’y attendait à ce truc-là. Les lobbies, en fait, n’ont pas réussi à percer lors de la rédaction de cette loi-là et donc le truc s’est retrouvé quasiment sans modification depuis l’arrivée dans le processus législatif européen.
Manu : Tu laisses entendre que c’est une bonne règle, une bonne loi ?
Nico : C’est une très bonne règle pour nous, parce ça protège vraiment très fortement les données utilisateurs. Alors il faudra voir après, dans les faits, comment ils vont transformer ça dans la loi française.
Manu : Ça s’appelle les décrets d’application.
Nico : Voilà.
Luc : On parle déjà de la loi et ensuite les décrets d’application.
Nico : Mais potentiellement c’est très contraignant, il y a vraiment beaucoup de choses, et les boîtes flippent beaucoup face à ça parce que ça touche vraiment beaucoup de choses. Par exemple quand vous allez supprimer une donnée en ligne, il faut que vous apportiez la preuve de la suppression à l’utilisateur.
Luc : Ce qui est compliqué !
Nico : Ce qui est très compliqué !
Manu : Mais non, quoi !
Nico : Ça va jusqu’aux archives papier. C’est-à-dire qu’il n’y a pas que la partie numérique. Mais même si vous remplissez un formulaire, ça rentre aussi sous le coup de la GPDR.
Manu : C’est impossible de prouver qu’on a fait une action qui consiste à supprimer quelque chose !
Nico : C’est juste démoniaque ! Et pareil, au niveau des amendes, en fait, parce que c’était le gros problème de la CNIL, c’est qu’ils n’avaient pas beaucoup de moyens de pression là-dessus.
Luc : En Europe, ailleurs, dans d’autres pays européens, il y a la possibilité de mettre des amendes plus fortes, mais en France c’est très compliqué.
Nico : En France on ne les met pas.
Luc : En France, ils ont moyen de se combiner aussi.
Nico : Là ils ont fait très fort puisque une amende en cas de non-respect, c’est 5 % du chiffre d’affaires mondial consolidé.
Manu : Oh !
Luc : On parle bien du chiffre d’affaires. Ce n’est pas les bénéfices ?
Nico : 5 % du chiffre d’affaires, en plus, et ce n’est pas juste des bénéfices français.
Manu : C’est bon ça !
Nico : Ça fait très, très mal, et les boîtes flippent vraiment beaucoup pour ce truc-là.
Luc : Et ça a intégré, finalement, le fait que la CNIL et ses pendants européens travaillent ensemble. On en avait parlé avec tous les trucs autour de Microsoft, mais qu’il y ait vraiment une synchronisation au niveau européen ; que toutes ces institutions bossent ensemble et on est évidemment toujours beaucoup plus forts quand on est unis et qu’on représente beaucoup, beaucoup de personnes. Donc c’est une bonne nouvelle.
Manu : D’ailleurs, la CNIL se plaint et à juste titre à priori, c’est qu’il y a de plus en plus de choses qui lui arrivent dessus, de choses à mettre en place, de choses à gérer, et qu’elle n’a pas les moyens.
Luc : Voilà. Donc elle a demandé une rallonge.
Nico : On ne pourrait pas aller taper dans l’argent de la HADOPI ?
Manu : Oui. Il y a de l’argent là !
Nico : Oui. Qui ne sert pas à grand-chose !
Manu : Ça sert à envoyer des mails.
Nico : Du spam !
Manu : Oui. C’est vrai !
Luc : Donc si vous avez du temps à perdre, ou même pas à perdre parce que c’est important, écrivez un petit mail à votre député ou à votre ministre, je ne sais quoi, en disant dites donc, la CNIL veut plus de moyens. Je pense, personnellement, que ce serait bien de lui en donner.
Manu : Sachant qu’à priori ils ne sont déjà pas très gros, ils n’ont pas des gros moyens.
Luc : Par rapport à ce qui existe en Allemagne, ils sont tout petits.
Nico : Et puis ils n’ont quasiment pas d’inspecteurs pour faire les contrôles ; les contrôles prennent beaucoup de temps et, comme ils disent d’ailleurs dans l’article, ils ont beaucoup de boulot avec des vieux textes de loi qui arrivent, les lois renseignement ou autres, du coup ça leur fait beaucoup de boulot sur la planche.
Manu : Et puis il y a plein de boulot pour expliquer aux hommes politiques ce qu’il faut faire ou surtout ne pas faire, et ce n’est jamais simple, comme il y a une nouvelle législature qui arrive, ça va être compliqué.
Luc : Le dernier article dont je parlais est un long article en anglais sur les services d’une entreprise qui s’appelle Cambridge Analytica.
Manu : Bien !
Luc : J’ai beaucoup de mal à le prononcer donc je ne le referai pas. Et donc ils font un peu tout l’historique en question. L’idée, ce que fait cette boîte, repose potentiellement sur ce qu’avait fait un psychologue, un Polonais, manifestement assez brillant.
Manu : Michal Kosinski.
Luc : Qui était parti travailler dans une brillante université britannique et donc qui utilise un modèle qui permet, en gros, de classer les personnalités selon différents axes. Le modèle s’appelle OCEAN [openness, conscientiousness, extroversion, agreeableness, neuroticism, NdT], c’est un acronyme, avec différents axes. Et ce qu’il avait fait, c’est qu’il avait, notamment, fait une petite application qui était un test de personnalité et il pensait qu’il allait utiliser ça dans le cadre de son université pour essayer, justement, de faire des liens entre les personnalités des gens testés selon ces tests habituels et toutes leurs données personnelles. Or son application, manifestement, s’est répandue. Les gens aiment bien faire des tests psychologiques et il a eu des millions de personnes qui ont répondu et donc il a des millions de profils psychologiques avec des données récupérées, notamment sur Facebook à l’époque.
Manu : Surtout, parce que c’est ça qui est mis en avant.
Luc : C’était là-dessus qu’il était parti. En gros, il a révélé à la conclusion qu’avec 63 Like de Facebook.
Manu : Donc c’est quand on met le petit pouce sur Facebook.
Luc : Voilà. Il arrive à classer une personne dans cet espace-là et à obtenir toute une série de données personnelles. Et il explique, en fait, qu’il y a plein de choses dont on n’a pas conscience qui permettent de connaître des infos. Par exemple, le simple fait que le téléphone, s’il est géolocalisé, on sait à quelle vitesse vous marchez et combien vous marchez pas jour. Et donc ça, mis avec d’autres éléments, ça peut être très significatif. Donc il a été approché par une entreprise, il a bossé avec.
Manu : L’entreprise qui s’appelle ? L’entreprise qui s’appelle ?
Luc : Je crois que ce n’était pas celle-là, en plus. Là-dessus, le truc n’est pas très clair. En fait, il s’est barré assez rapidement en se rendant compte que le truc sentait assez mauvais. Mais cette boîte vend des services et ils ont travaillé sur le Brexit, ils ont travaillé sur l’élection de Trump, ils ont travaillé aussi pour des grosses dictatures pourries et l’idée c’est qu’en récupérant et en achetant des données personnelles – et là on retombe sur notre sujet – ils arrivent à classer les gens. D’une part, obtenir des infos sur leur vie privée qui sont assez précises. Par exemple, ce psychologue expliquait que les gens qui aiment bien Lady Gaga sont majoritairement des extravertis et les gens qui vont plutôt sur des trucs de philosophie sont majoritairement des introvertis.
Il y a plein de choses comme ça et tous ces éléments, c’est l’idée du big data, c’est qu’on va voir les corrélations et réussir à avoir des choses assez efficaces avec relativement peu de données parce qu’on sait qu’on va tomber juste. Et c’est de la communication. En fait ce n’est plus de la communication de masse. À un moment dans l’article il dit : « Je pense que nos enfants, c’est le type de la boîte en question qui vend ces services qui dit, nos enfants ne comprendront plus ce que c’est que la communication de masse ». Sur l’élection de Trump, il parlait, par exemple, des fans de flingues. Donc les gens qui sont plutôt favorables aux armes. Donc évidemment, ça tombait plutôt juste pour un mec comme Trump, mais, en fait, il y a des sous-groupes, c’est-à-dire qu’il y a des gens qui vont être plutôt dans l’idée du second amendement « c’est une liberté fondamentale, américaine », etc.
Manu : La tradition, il ne faut pas toucher.
Luc : La tradition et puis voilà on va en famille flinguer les canards et tout ça. Et puis il y a ceux qui ont peur qu’il y ait un mec qui débarque et qui butte toute leur famille, etc., et qui sont dans l’autodéfense ; et ce n’est pas la même approche du flingue. Et donc, du coup, ils ont un communiqué différent pour chacune de ces personnes.
Autre truc qu’on peut faire, même si cette boîte s’en est défendu, mais qui tombe complètement là-dedans, c’est également de communiquer sur des gens dont on sait qu’ils ne voteront pas pour le candidat, mais en trouvant les bons arguments pour le dissuader de voter pour le candidat concurrent. Et donc, générer soit le report de votes vers un autre candidat moins dangereux ou de l’abstention. L’article est très long et très complet, et vraiment intéressant parce qu’il montre, concrètement, et l’élection de Trump fout vraiment la trouille, et ça démontre que ça marche quoi ! Et qu’on arrive à avoir un gros taré au pouvoir de la première puissance mondiale. C’est quelque chose !
Manu : Et le Brexit ! Le Brexit c’était à l’opposé de toutes les élites, de tous les gens qui disaient : « Non, non ça ne pourra jamais passer ! » Le Brexit c’est vraiment un truc extraordinaire et j’ai cru comprendre qu’ils travaillaient aussi sur les campagnes françaises.
Luc : Je ne sais pas exactement ce qu’ils font dessus, mais il me semble, effectivement, qu’ils ont annoncé des choses. L’article n’en parle pas, donc je n’ai pas vu de choses là-dessus.
Manu : Ils sont au moins et au minimum utilisés comme des sondages, mais des sondages alternatifs parce que les sondages classiques, on n’a plus tellement confiance. Et en fait, ils avaient notamment travaillé sur les campagnes, mais ils avaient aussi analysé et dit : « Oui, ce sera le Brexit qui va gagner. Oui ce sera Trump qui va gagner », et là ils ont annoncé ? Ils ont annoncé ?
Nico : Ils avaient annoncé Fillon !
Luc : Après, ce que tu annonces à un moment n’est pas vrai deux semaines après.
Manu : Tu m’étonnes !
Luc : Et là, ce qui est intéressant, ce n’est pas juste un sondage. Ils ont des outils extrêmement efficaces pour orienter l’opinion et amener les gens à voter dans tel ou tel sens. Ce qui était hyper intéressant également, c’est qu’ils disaient que le fait que Trump raconte n’importe quoi, tout et son contraire, était devenu une force. Parce qu’il suffisait d’aiguiller les gens vers les trucs qui vont dans leur sens et comme Trump a dit tout et son contraire, eh bien, en fait, il y a un message pour tout le monde. Donc tout le monde est content !
Manu : Ce n’est pas bête !
Nico : Il faut juste prendre des morceaux du discours, en fait, et on a l’impression que ça correspond bien à ce qu’on pense.
Manu : C’est une recette qui ne correspond à rien ! Le gâteau final est horrible, mais en attendant, il y a un peu de tout.
Luc : Ça a l’air redoutable. Peut-être que ça va s’équilibrer à partir du moment où chaque camp va commencer à utiliser le même genre de technique pour se contrer les uns les autres, mais du coup ça va être, je pense, un gros merdier.
Nico : Même pour leurs cerveaux, ça ne doit pas être bien avec des arguments très chocs et très massues contradictoires dans la tête, ça doit faire mal quand même.
Manu : À priori ça va aller toujours dans le sens de la filter bubble, la bulle de filtres, dont on a déjà parlé. Ça va juste te conforter dans tes opinions déjà établies et ça ne va jamais écarter ça.
Luc : Oui. Sauf que là, on voit bien que ça fait la différence, puisque, en fait, tu arrives quand même, dans les deux cas, à avoir les résultats aux élections.
Manu : Je pensais au niveau des individus ; les individus qui vont être les victimes de ces systèmes-là et dont on peut supposer que ça va se généraliser. Effectivement, je disais, ça va les conforter juste dans leurs opinions et jamais tu ne vas être confronté avec quelque chose d’autre. Dans ce sens-là.
Nico : Surtout dans ce sens-là. Et on tombe, du coup, dans les extrêmes, puisqu’on est encore plus conforté dans ce qu’on pensait avant. Ça évite, enfin on n’est plus du tout dans le truc un peu mou, on est vraiment dans les décisions très directes.
Luc : OK. En tout voilà. Donc à retenir 63 Like et vous êtes catalogué. Vous êtes transparent. Si vous lisez l’anglais, et que le sujet vous intéresse, ça vaut l’effort de lire cet article dont le nom est The Data That Turned the World Upside Down [6].
Manu : Sur Motherboard.
Luc : Très bien. On n’a pas fait le tour de ce sujet, mais on va s’arrêter là.
Nico : À la semaine prochaine.
Nico : Bonne semaine à tous.
Luc : Salut !