Le 13 novembre 2014, l’April a lancé l’appel pour l’interopérabilité dans l’Éducation nationale signé par déjà plus de 3500 personnes et organisations (syndicats, associations de l’éducation, entreprises....). Cet appel a eu l’honneur d’être évoqué lors d’une question adressée par la députée Isabelle Attard à la ministre Najat Vallaud-Belkacem et sa secrétaire d’État Geneviève Fioraso lors de la dernière Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Malheureusement, celles-ci sont restées silencieuses à propos des formats ouverts, ne répondant pas à une question de la députée Isabelle Attard.
Comme le signale l’article de Next INpact, « pendant plusieurs dizaines de minutes, les réponses de Najat Vallaud-Belkacem et Geneviève Fioraso se sont succédées, sans que la question de l’interopérabilité ne soit évoquée... À un moment, la seconde n’est pas arrivée à lire les notes rédigées par ses conseillers. Elle a de ce fait préféré passer directement à la suite... » Il semblerait que cette réponse illisible soit justement celle sur les logiciels libres et les formats ouverts. Retrouvez sur la vidéo la question d’Isabelle Attard ainsi que cette non-réponse qui, avouons-le, nous a bien inspiré...
Présentation
- Titre
- : Questions de madame Isabelle Attard - Commission des affaires culturelles : Mmes Najat Vallaud-Belkacem et Geneviève Fioraso, ministres, sur l’enseignement supérieur et la recherche
- Intervenante
- : Isabelle Attard
- Date
- : 19 Novembre 2014
- Durée
- : 4 minutes
Lien vers la vidéo
Transcription
Patrick Bloche – Président : La parole est maintenant à Isabelle Attard pour le groupe écologiste.
Isabelle Attard : Madame la Ministre, madame la Secrétaire d’État, je suis heureuse de vous revoir si vite. Je vous ai présenté il y a deux semaines quelques cas concrets de la misère des personnels de la Recherche publique française, je n’ai pas eu le temps de terminer mes exemples en cinq minutes. Donc en voici de nouveaux. J’ai reçu le témoignage d’une doctorante en phytopathologie qui fait des TD à plus de quarante. Elle constate que les étudiants motivés sont noyés dans la masse. Et le pire, des membres d’un laboratoire de génétique m’ont signalé l’abandon d’une salle de microbiologie : leurs paillasses sont inutilisables depuis que le transformateur de la salle est occupé par des pigeons. Oui, par des pigeons ! Cela pourrait paraître anecdotique mais ces exemples ne sont pas des dysfonctionnements ponctuels qui peuvent arriver dans toute organisation. Ces situations sont durables et installées. Je vous avais proposé il y a quinze jours de sortir rencontrer des membres de « Science en marche » pour entendre leur parole. Aujourd’hui je les ai invités plus près encore, dans l’enceinte de l’Assemblée, ils sont au premier bureau, trois étages plus haut. Ils vous regardent en ce moment et je vous invite à nouveau à les rencontrer pour entendre leur quotidien, leur réalité et leur souffrance.
Le désespoir des personnels de la Recherche publique tient à l’absence d’amélioration à court comme à long terme. Vous leur avez annoncé quelques années difficiles, vous leur avez demandé de serrer les dents, mais en attendant quoi ? Quelles perspectives peuvent améliorer leur triste sort ? Madame la Ministre, madame la Secrétaire d’État pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire concrètement pour remédier à ces situations qui anéantissent l’avenir de notre pays ? J’espère que vous ne me parlerez pas à nouveau du nombre de postes ouverts. Vous savez aussi bien que moi que ces postes n’ont pas d’exigence réelle. Il aurait été si simple de plafonner le crédit impôt recherche dont l’effet d’aubaine est amplement démontré. Oui 80% c’est vrai, vous l’avez dit, 80% des entreprises bénéficiaires sont des PME, mais les multinationales empochent l’immense majorité des milliards d’euros de cette niche fiscale. Je cite le Conseil national des universités section 25 : « Moins de 2 % du CIR suffirait à boucler le budget de universités ». C’est donc par choix politique que l’argent de la Recherche est donné au privé.
Vous vous battez madame la Secrétaire d’État, et vous nous l’avez montré depuis deux ans et demi, vous vous battez pour augmenter le nombre d’étudiants et leur faciliter l’accès aux études supérieures. C’est vrai. Vous avez créé la bourse à niveau zéro et vous essayez d’améliorer leurs conditions mais, dans quelles conditions justement se réaliseront leur parcours universitaire ? Avec des professeurs en contrat précaire, certains payés au noir comme à l’université de Lyon II mais ce n’est pas la seule université ? Dans des amphi non chauffés ? Est-ce que ce sont vraiment des conditions ? Est-ce que c’est cela l’Enseignement supérieur que l’on souhaite en France ?
Sur un autre sujet j’aimerais que vous nous expliquiez l’accord signé par votre ministère avec l’éditeur de revues scientifiques Elsevier [1]. Vous avez conclu en secret cet accord de 172 millions d’euros sur cinq ans. Je vais résumer le processus de publication des articles scientifiques. Les chercheurs écrivent des articles et sont payés en très large majorité par de l’argent public. Ils envoient ces articles à des comités de lecture composés d’autres chercheurs. Ces derniers évaluent l’intérêt d’un article, non de manière bénévole, comme il est souvent dit, mais sur leur temps de travail, donc à nouveau financés par de l’argent public. Puis ces articles sont publiés dans des revues, vendus à des bibliothèques universitaires ou à des laboratoires, donc à nouveau payés par de l’argent public. Il y a seulement quatre éditeurs sur ce marché : Elsevier, Springer, Wiley et Informat. Ils dégagent tous des marges de 32 à 41 %, pour des dizaines voire des centaines de millions d’euros. Pouvez-vous nous dire pourquoi cet accord a été signé sans appel d’offres public ? Avez-vous envisagé une évaluation de la Recherche qui ne passerait pas par ces revues dites qualifiantes ? L’Allemagne a fixé à un an l’exclusivité des éditeurs de revues, comptez-vous faire de même ?
Enfin dernier sujet. Nous aimerions connaître votre position sur les logiciels libres et les formats de documents ouverts. La loi relative à l’Enseignement supérieur et à la Recherche indique, article L 123 4.1 « Le service public de l’Enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques. Les logiciels libres sont utilisés en priorité ». L’April a lancé il y a quelques jours un appel [2] pour l’interopérabilité dans l’Éducation nationale, qui a déjà reçu le soutien de près de 3 000 personnes et de plus de 100 organisations dont des syndicats. Ces principes sont importants et je terminerai par là : favoriser le Logiciel Libre et l’interopérabilité, c’est aider les étudiants et les personnels à faire des économies ; c’est améliorer la sécurité de leur système informatique et c’est surtout leur garantir que les documents réalisés durant leurs études leur resteront accessibles indéfiniment, sans être prisonniers d’un logiciel et d’un éditeur. Quels sont vos projets pour faire de ces principes une réalité dans l’Enseignement supérieur et la Recherche ?
Je vous remercie.
Patrick Bloche – Président : Merci Isabelle Attard qui s’est exprimée pour le groupe écologiste.